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Atelier d'écriture du 14 septembre 2024

Jean-Lou et Sarah

 

« Sur le marché »

Sur le marché, il y a Rachid et Bahija qui vendent des pâtisseries orientales car ils sont d’origine marocaine, mais aussi de la cuisine thaïlandaise. Céline, jeune femme de trente ans, ressent une sensation de fraîcheur sur son visage. Elle se promène dans les allées et elle sent d’agréables odeurs très variées ; les différents stands sont mélangés. Elle est attirée par le parfum des promeneurs en train de prendre un café en terrasse. Elle a vu différentes préparations d’olives dans de grands saladiers, beaucoup de couleurs dans les légumes et dans les fleurs. La foule fait la queue, chacun attend son tour pour se procurer le meilleur saucisson. Il y a également du lait, des œufs, de la crème fraîche et du beurre. En vraie normande, Céline prend le temps de humer toutes ces bonnes odeurs. Elle s’approche du pain, du pain d’épices et des différents gâteaux dont l’étalage contraste avec celui du textile, des livres et des pierres. Plus loin, il y a le poisson et aussi de bons plats « maison » comme la paëlla, la choucroute, les saucisses lentilles et le poulet vallée d’Auge. Mais surtout, ce que recherche Céline, c’est son poulet à la rôtisserie qui lui rappelle ses goûts d’enfant.

 

 

Hélène

 

le ciel est bleu
les hallettes multicolores
le léger vent transparent
dans le froid du moment

son nez est rouge
ses mains gelées bleutées crispées
sur l'anse de son panier vide
quelques pièces de menue monnaie dans la poche de son paletot effiloché
le front plissé
l'œil aux aguets
il traine ses savates
l'esprit préoccupé

il ne peut pas se résigner à s'asseoir sur le trottoir
et pourtant un jeune homme l'a fait
Et plus loin cette vieille femme que je connais bien

Il marche il marche il marche
tente de se réchauffer près du vendeur de poulets rôtis
mais son ventre fait des gargouillis
il reprend ses pas lents
au milieu des gens
qui repartent plus ou moins gaiement
vers leurs appartements
bientôt il ne reste plus
que les marchands
et quelques trainards emmitouflés
qui ont pris du retard

sous des piles de cageots
sous des tas de cartons
en cherchant bien
son panier se remplit
de trésors
dans ce triste décor
s'activant
voyant venir la bruyante danse
du camion poubelle aux odeurs rances

glaneur

et non glandeur

il ne s'est pas arrêté de toute la matinée.

 

 

Sylvia

 

« Quelle idée d’avoir accepté cette invitation ! », se disait Lorna Mifsud tout en pestant pour trouver une place où garer sa Clio de location. Elle avait quitté son île ensoleillée la veille pour se retrouver dans cette petite ville normande, samedi matin, jour du marché ! Toutes les rues étaient bloquées. Elle n’arriverait jamais à temps pour sa conférence. Elle abandonna sa voiture dans une ruelle et continua sa route à pied jusqu’à la médiathèque toute proche. Il lui fallait toutefois traverser tout le marché pour atteindre son but.

Elle respira un grand coup. Saisie par le froid, elle remonta ce qu’elle put de col, rallongea ce qu’elle put de manches et s’élança vers la place.

Lorna n’en revenait pas. Jamais elle n’avait vu de marché aussi grand. Aucun moyen de le contourner. Ses abords étaient envahis de tables et de chaises, trop contentes de profiter du rayon de soleil. L’odeur du café chaud y attirait les badauds, comme les sédums attiraient les papillons en cette fin d’été. Lorna n’avait d’autre possibilité que de slalomer entre les étals.

Le marché était curieusement très calme. Ici, pas d’enfant courant joyeusement partout. Ici, les marchands n’haranguaient pas les passants pour leur vendre leurs produits ! Pas de cris de joie ni de grands gestes lorsque quelqu’un retrouvait une connaissance. Comme si la baisse de température avait affecté le volume du son.

Lorna détonnait dans la foule avec ses vêtements aux couleurs estivales. Tous avaient déjà ressortis leurs sombres tenues d’hiver, à part quelques vieux beaux aux pantalons framboise, vert ou bleu roi qui portaient haut leurs toisons grisonnantes.  Les seules touches de couleur provenaient des stands aux toiles multicolores d’où se dégageaient fièrement le nom de chacun des commerçants.

Elle fut saisie par la diversité des produits. Ici, il y avait encore des fraises. Là, déjà des oranges. Tout un tas de tomates diverses et variées qu’elle n’avait jamais vues. Plus loin, un magnifique étal de poissons aux couleurs vives bien que venant du grand nord. Au milieu de tout cela, il y avait des vendeurs de vêtements et plusieurs fleuristes. Là où la queue était la plus longue, c’était devant la charcuterie ! La charcuterie française n’était donc pas une légende. Lorna ne savait plus où donner de la tête.

Mais ce qui la surprit encore plus était l’absence d’odeur. La baisse des températures atténuait aussi les odeurs. Seuls les rares vendeurs de plats cuisinés réchauffaient l’atmosphère d'effluves désaccordées : le parfum fort du poulet grillé, celui plus sucré des tagines, plus épicé de la paella au safran. De temps en temps, le parfum frais d’eau de Cologne d’un passant diffusait un peu de printemps dans vos narines.

Perdue dans les méandres de ce marché, shootée par ces nouvelles odeurs, ensorcelée par le calme ambiant, Lorna avait envie de tout gouter, tout acheter.

La fesse droite de Lorna flagella violemment sous les vibrations de son smartphone, la ramenant soudain à la réalité. Dégainant d’un geste preste, dans un réflexe Pavlovien, elle décrocha l’appareil : « Mais Lorna, qu’est-ce que tu fous, tout le monde t’attend ! »

 

 

Ghyslaine

 

A l'automne de sa vie Clotilde est revenue dans sa ville natale. Elle souhaitait également revoir la maison où elle avait grandi. Et comme l'avait écrit Simone Signoret « La nostalgie n'est plus ce qu'elle était. » mais pour elle ce retour aux sources était empreint de souvenirs. Souvenirs nostalgiques de son enfance. Et pour revivre ces moments, elle est partie sur le marché. Et dès les premiers pas dans les allées, Clotilde a revécu des moments de bonheur. Les étals avec leurs fruits et légumes qui invitent au voyage. Les senteurs si appétissantes.

Les couleurs harmonieuses. Les marchands qui n'hésitent pas à interpeller les chalands. Et là elle s'est souvenue d'un vieux monsieur qui disait « Il est bon mon cresson. » Elle s'est également rappelé une caravane qu'on appelait le bazar. On n'y vendait toutes sortes de choses et c'était magique. Il y avait aussi le vendeur de biscuits rangés dans des grandes boîtes. Ces gâteaux représentaient des cartes à jouer, des cornets de glace... C'était le dessert du samedi, et Clotilde s'en souvient encore avec nostalgie. Un autre souvenir lui fait penser à un accordéoniste aveugle. Elle l'aimait l'écouter avec des larmes dans les yeux, tant sa musique l'émouvait. Ce soir en quittant sa ville natale et la maison de son enfance, elle est repartie avec tant de souvenirs qu'elle s’est promis d'en écrire une nouvelle. Une façon pour elle de faire revivre ce marché si cher à son cœur.

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