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BARDEL, F. G. (17..-18..) : Recherches théoriques et pratiques sur le rhumatisme et la goutte,présentées et soutenues à l'École de Médecine de Paris, le .. Ventose,an XI de la République française / par le Cn. F. G. Bardel, dudépartement du Calvados.- A Paris de l'Imprimerie de la Ve Panckouke,rue de Grenelle, faubourg Saint-Germain, n°321, en face de la rue desSaint-Pères, An XI-1803.- 52 p. ; 21 cm.
Saisie dutexte : S. Pestel pour lacollectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (12.XI.2010)
Texte relu par : A. Guézou
Adresse : Médiathèque André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
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Orthographe et graphie conservées.
Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (BMLisieux: Norm 1398).

RECHERCHES
THÉORIQUES ET PRATIQUES
SUR
LE RHUMATISME
ET LA GOUTTE ;

PRÉSENTÉES
  et soutenues à l’École de Médecine de
Paris, le Ventose, an XI de la République française,

Par le Cn. F. G. BARDEL, du Département
du Calvados.

~ * ~

Multa renascuntur quæ jam cecidere


AU CITOYEN

ALPHONSE LEROY,

Professeur à l’École spéciale de Médecine
de Paris, Docteur-Régent de la ci-devant
Faculté de Médecine de Paris, membre de
plusieurs Sociétés savantes de l’Europe.


Comme un témoignage
d’estime respectueuse, d’attache-
mem et de reconnaissance.

                              BARDEL.


RECHERCHES
THÉORIQUES ET PRATIQUES
SUR
LE RHUMATISME ET LA GOUTTE.

~ * ~


§ 1er.


ON appelle goutte, une maladie qui se manifeste le plussouvent sur les articulations par un gonflement, une rougeur et unedouleur vive, tensive, ou lancinante. Il semble que les ligamens et lescapsules articulaires et le périoste soient principalement attaqués. Ilexiste quelquefois un sentiment de déchirure ou de brûlure aux partiesaffectées, ce qui rend cette maladie une des plus cruelles.

C’est surtout au printems et en automne, ainsi que l’avait observéHippocrate, que la goutte renouvelle ses attaques ou bien les commence,si elle est à son invasion.

La goutte le plus fréquemment se porte sur les articulations, entre lesparties qui séparent les os les uns des autres, entre les sutures desos de la tête ; mais elle attaque aussi les différens viscères, lecerveau, le poumon, et plus souvent l’estomac et le canal intestinal ;enfin il n’est partie quelconque de l’économie qu’elle ne puisseaffecter. C’est surtout le systême blanc qu’elle attaque préférablementau systême rouge, et spécialement le systême articulaire et la gainedes tendons.

Les anciens se sont servis de différens noms pour désigner cettemaladie ; mais comme on ne peut la méconnaître sous le nom de goutte,par lequel on la désigne, nous nous en tiendrons à cette dénomination,sans rechercher si l’humeur morbifique se dépose par goutte dans lesarticulations, comme ce nom semble l’indiquer ; ou bien si, commed’autres le croient, c’est une pituite âcre, saline, qui divague ettombe par goutte, principalement sur les articulations. Souvent ellefait métastase sur divers viscères, elle paraît n’être quelquefoisqu’une simple vapeur, une mophette éthérogène qui divague et troublel’économie, principalement les fonctions des viscères et se porte surles articulations.

Les vieillards sont plus sujets à cette maladie que les adultes, et lesadultes plus que les enfans. Mais ceux qui dans la jeunesse ont étéattaqués de cette maladie, en périssent assez souvent avant d’arriver àla vieillesse, à moins que, par une attention scrupuleuse à l’état deleur santé, ils n’aient altéré la cause de cette maladie, et n’en aientprévenu les retours.

Les femmes, en apparance, l’ont moins que les hommes, et moins souventaux articulations. Elles n’en sont ordinairement attaquées qu’àl’époque de la cessation des règles. Chez les femmes les affectionsnerveuses ne sont le plus souvent qu’une espèce de goutte vague, quin’est pas assez énergique pour se porter sur les articulations et yproduire les phénomènes de la goutte, lorsqu’elle attaque lesarticulations des mains et des pieds. La goutte existe donc fréquemmentchez les femmes, mais sous des apparences peu reconnaissables.

Les pays humides et marécageux sont bien plus exposés à cette maladie,que les pays secs et bien aërés. Aussi elle règne moins fréquemment enEspagne, en Italie, en Provence même, qu’en Angleterre, en Hollande, etdans la basse Normandie.

§ II.

Différence de la Goutte d’avec le Rhumatisme

IL est important de distinguer la goutte d’avec lerhumatisme, et c’est ce qu’ont fait les praticiens les plus célèbres,en observant que le traitement du rhumatisme était distinct dutraitement de la goutte.

Dans la goutte, ce sont les capsules articulaires qui sont spécialementattaquées, et souvent il se fait des métastases rapides sur différentescavités et différens viscères. Les douleurs sont profondes, piquantes,ou elles causent des élancemens et des tiraillemens : la partie maladeest rouge et enflée, quelquefois avec un sentiment de brûlure, d’autresfois avec une apparence érysipélateuse, et dans ses vives attaques uneextrême chaleur l’accompagne.

Dans le rhumatisme, ce sont principalement les muscles, les aponévroseset les tendons qui en sont affectés. La douleur est comprimante,gravative, accompagnée de froid, sans rougeur ni enflûre. Le siége enparaît plus superficiel que dans la goutte : alors moins de signeextérieur d’inflammation. Le siége en effet, est moins intérieur ; ilest plus dans le systême musculaire ou dans ses enveloppes. La douleurest fixe dans le rhumatisme ; elle ne fait point métastase sur lesviscères. Cette douleur se porte spécialement sur les grandesarticulations, ou les longs muscles, ou les aponévroses ; de là vientque les affections rhumatismales ont leur siége aux musclessous-scapulaires, à ceux du col, du dos, des lombes, aux articulationsde l’épaule et de la cuisse, aux grandes aponévroses, il y a presquetoujours extrême froideur et réfrigérence dans la partie affectée,aussi le rhumatisme semble spécialement dépendre du froid ; ce qui nese remarque pas aussi généralement dans la goutte.

Le rhumatisme dépend constamment des grandes variations de l’air, enchaud, en froid, en sec, en humide, ou du sommeil pris en des lieuxbas, froids et humides ; tandis que la goutte semble quelquefois ne pasdépendre de pareille circonstance, et être plutôt l’effet de l’excès dela matière nutritive et du défaut de transpiration, ou d’un étatspécial de l’économie.

Le rhumatisme est ou aigu ou chronique ; mais le rhumatisme aiguparticipe de la nature des fluxions catharrales, inflammatoires : aussile rhumatisme exige, plus que la goutte, l’usage de la saignée ; lesang alors présente une couënne que l’on peut appeler rhumatique,laquelle est différente de celle qu’offre le sang dans les véritablesinflammations, en ce qu’elle est moins dense et moins solide.

On a confondu la goutte et le rhumatisme, quoique ce soit deux maladiesdistinctes ; mais la cause de cette confusion vient de ce qu’aprèsplusieurs accès du rhumatisme, souvent la goutte arrive, ce qui alorsfait appeler le rhumatisme du nom de rhumatisme goutteux, parcequ’alors ces deux affections sont simultanées.

Je n’entrerai point dans la cause ni dans le mécanisme de la formationde cette couënne. Je ne dirai point pourquoi le cruor se précipite etla lymphe se coagule. Les uns ont imaginé de petites constrictions,comme celles des ligatures, dans différentes parties musculaires ; cequi produit une couënne, pareille à celle que produisent les ligatureslong-tems tenues sur une extrémité, d’autres ont attribué cette couënneà une stase sanguine ; tenons-nous purement aux faits dont la cause etl’explication nous meneraient dans des détails de chimie animale danslesquels nous ne voulons pas entrer ici.

§ III.

De quelques causes de la Goutte.

HIPPOCRATE attribue la goutte à un mêlange de bile et depituite, mis en mouvement, échappées de leurs couloirs naturels etdéposées dans les articulations, en sorte que les hommes qui sontextraordinairement bilieux et pituiteux y sont plus sujets que lesautres. Souvent la goutte fait évacuer par l’estomac des gorgées d’eauclaire, et lorsque ceux qui sont sujets à cet accident cessent del’éprouver, une goutte vague s’annonce et le remplace. D’autres foisles malades rendent, par le canal intestinal, une sérosité fétide,grise ou de couleur de lin, laquelle paraît être la matière de lagoutte. Galien regardait la goutte comme une simple fluxion sansacrimonie. Chacun des médecins modernes lui a donné une causedifférente : les uns l’ont regardée comme un principe acide, et lesmodernes chimistes ont cru que l’acide phosphorique, uni à la matièreterreuse, s’en échappait pour aller produire sur les articulations etsur le sang ses phénomènes : selon le docteur Bertholet et autreschimistes, l’acide phosphorique s’échappe de la terre, des os, et cetacide échappé se porte à la peau, se volatilise par la transpiration.Aussi l’urine, dans les accès de goutte, ne teint point en rouge lepapier bleu, à moins qu’elle ne dépose cet acide phosphorique uni à laterre. Rivière avait déjà dit que dans les accès de goutte il s’échappedu sang un sel acide et corrosif. Fernel crut que cette maladiedépendait d’une faiblesse du cerveau, qui sécrète la pituite, laquellese rend à toutes les articulations. Sydenham crut en voir l’originedans la faiblesse de l’estomac : Willis la regarda comme le produit dela faiblesse des viscères du bas-ventre ; faiblesse qui produisaitappauvrissement du sang. Boërhaave crut voir un défaut d’équilibre dansla puissance nerveuse, et dans le mélange des humeurs et une faiblessedans la constitution. Mais, indépendamment de ces causes, il fautl’attribuer à une constitution particulière de l’économie.

D’autres, tels que Dessault dans son Traité de la Goutte,ont pensé qu’elle était capitalement due à un défaut de transpiration,parce qu’ils ont observé que jamais on ne voit la goutte chez ceux quifont de grands exercices et qui vivent sobrement, et qu’elle estfréquente chez ceux dont la transpiration est supprimée ou n’est passuffisante, soit par la nature humide et froide du climat qu’ilshabitent, soit par leur oisiveté, leur luxure et leur indolence.

C’est sur la fin de la vie, lorsque la peau rigide et ridée obstrue laplupart des tuyaux excrétoires, que l’on voit cette maladie. L’humeurqui était sécrétée, retenue à l’intérieur, circule avec le sang, semêle à la sérosité, à la pituite, à la lymphe, la coagule et va seporter sur toutes les articulations.

On sait, en effet, que l’insensible transpiration, est la voie dedécharge la plus considérable de toute l’économie, et tout ce quiarrête cette sécrétion ou l’altère peut produire la goutte, tandis quetout ce qui augmente cette sécrétion et débarrasse l’économie de sonsuperflu, rend les accès de cette maladie beaucoup moins considérables,et même s’oppose à ses retours.

Tous ceux qui s’occupent des moyens de remédier à cette terriblemaladie, doivent surtout étudier avec soin tous les phénomènes de latranspiration insensible, et tous les moyens de l’augmenter à leur grésans troubler l’économie.

C’est se rendre maître de la goutte que de se rendre maître de la transpiration insensible.

Il faut avec soin considérer tous les rapports de cette sécrétion avectoutes les autres sécrétions de notre économie : ses différences dansles quatre grandes époques de l’année, et dans toutes les variations etmutations de l’atmosphère ; dans les lieux hauts et bas, secs ethumides ; il faut considérer l’influence qu’ont nos vêtemens sur cettesécrétion ; l’influence que produit la plus ou moins grande somme delumière dans l’atmosphère ; l’influence qu’ont sur elle nos alimens ;comment la transpiration varie avant, à la suite et quelques heuresaprès les repas ; il faut donc connaître sur cette matière les travauxde Sanctorius, de Dodard, de Lavoisier et de Seguin.

On observe que tous les mois l’économie, pendant quelques jours amasseune certaine quantité de matière qui va presque au poids de deux livres; l’économie s’en débarrasse par une sécrétion extraordinaire. C’est cequi a déterminé le professeur Alphonse-Leroy, à donner à quelquesespèces de goutteux régulièrement tous les mois et à certaines époques,un léger purgatif étendu dans beaucoup d’eau avec des sucs d’herbes, età la suite il fait faire pendant deux à trois jours sur toute la peaudes frictions sèches, et ensuite immédiatement une friction huileuse etaromatique sur toute la peau. Il assure qu’à ce moyen il a rendu lesaccès de goutte si modérés, que quelques malades se sont crus délivrés; mais il dit qu’il faut bien se garder de négliger cette pratique,sans quoi la goutte revient.

Mais si dans cette maladie il est si essensiel de faire attention àl’insensible transpiration et au superflu, il est tout aussi essentielde faire attention aux disgestions, à la quantité et à la qualité desmatières alimentaires.

On observe que l’abus de nourritures et l’usage et l’excès des spiritueux produisent cette maladie.

La goutte paraît principalement due à un désordre dans la sécrétion dela terre calcaire de l’économie, et principalement à son excès : maisce qui paraîtra bien étonnant sans doute, c’est qu’on croit l’observerdavantage chez ceux qui mangent du pain dont le bled est né dans desterres marnées ou fumées avec de la chaux. L’on croit avoir égalementobservé que les vins grecs que l’on dulcifie par le plâtre donnent desattaques de goutte excessivement graves aux étrangers ; ce quiconduirait, dans les maladies articulaires des enfans à ne pas faire unaussi fréquent usage des terres calcaires que l’ont conseillé quelquesauteurs. Ceux qui font le commerce des grains savent très-biendistinguer, en les touchant et en les goûtant, les différens terrainsdans lesquels ils ont crû, et ils estiment moins ceux des terresmarnées.

Rien de plus commun que de voir la goutte être la conséquence d’autresmaladies, dont on croit avoir été guéri. Les dartres, les érysipèles,les angines répétées se transforment ordinairement en goutte dans unâge plus avancé, parce que la transpiration alors étant moinsabondante, une portion de cette humeur âcre reflue sur l’intérieur ; etc’est parce que cette transpiration est moins abondante dans lesclimats humides et dans les villes considérables, telles que Paris,qu’on la rencontre en ces climats et en ces grandes villes plusqu’ailleurs, et surtout depuis un grand nombre d’années. Il semble mêmeque cette maladie s’accroît et se multiplie en raison des progrès de lacivilisation.

§ IV.

De quelques symptômes de la Goutte.

IL n’est point de maladie qui affecte autant de partiesdifférentes de l’économie ; elle se porte spécialement sur lesarticulations ; mais il n’est systême, viscères et cavités del’économie qu’elle ne puisse affecter.

On la distingue en goutte chaude inflammatoire, saline, érysipélateuse,et en goutte froide pituiteuse, muqueuse, pâteuse, glaireuse et inerte; on peut aussi la distinguer en goutte sanguine.

Elle semble quelquefois une mophette ignée qui va irriter différentesparties de l’économie. Elle se mêle quelquefois au sang, produit unpouls dur, plein : les malades qui y sont sujets, semblent ne pouvoirtenir long-tems en une même place, leurs jambes, leurs pieds s’agitentdans le lit ; ils ont un penchant à l’impatience, à une colère vive etde peu de durée ; ils sont importunés des choses les plus ordinaires :enfin c’est une matière active ignée qui, des extrémités qu’elleaffecte, se porte avec rapidité sur la vessie, le foie, l’estomac, lesentrailles, les poumons, les sutures de la tête et sur le cerveau.

Lorsque cette maladie se porte sur la région précordiale et sur legrand sympathique, alors elle excite les passions les plus tristes, lesplus mélancoliques, ou les passions excentriques les plus folles, unegaîté sans raison suffisante, ou bien de la colère, enfin tout ce quirejette la vie du dedans au dehors ou ce qui la concentre du dehors audedans.

Il faut veiller attentivement à déterminer les oscillations nerveusesvers les parties inférieures, et tout ce qui détermine le mouvement debas en haut est funeste dans la goutte. C’est ce qui fait que tant degoutteux ont été souvent victimes des saignées des parties supérieures,ce qui a fixé la goutte vers ces parties au détriment des malades,tandis que la saignée des parties inférieures fait fluer la matièrevers les pieds, où l’on doit toujours tenter de l’appeler.

Quelques jours avant l’accès de la goutte, ceux qui font grandeattention à l’état de leur économie en sont avertis ; les uns par unegaîté extraordinaire ; d’autres par des dérangemens d’estomac ;d’autres par un appétit presque vorace ; d’autres par des crampes dansles différens membres ; en sorte que l’humeur se met en mouvement avantde donner signe de sa présence : aussi Hoffmann rapporte que ceux quiportent au doigt un anneau composé d’une amalgame de mercure, de cuivreet de tuthie, voient, plusieurs jours avant l’accès, cet anneau senoircir à leur doigt, et ne reprendre sa couleur qu’au déclin del’accès. Dans les parties qui doivent être affectées de la goutte, lesvaisseaux veineux y sont ordinairement plus gorgés qu’ailleurs.

Une certaine fièvre accompagne souvent les accès de goutte, et elle estun moyen de coction ; lorsque la goutte se termine alors on voit dessueurs ; la nature des urines, prouve que cette fièvre est dépuratoire,et conséquemment qu’elle est salutaire. Il ne faut donc pas l’arrêterni s’y opposer. C’est pour avoir voulu arrêter ces fièvres dépuratoiresde la goutte par le kina, qu’on a vu à leur suite ces obstructions sidangereuses.

Cette maladie se mêle tellement à toutes les autres affections et ellese masque sous tant de diverses apparences, que lorsqu’un homme en aéprouvé des symptômes bien caractérisés, quelle que soit la maladiequ’il éprouve il ne faut jamais perdre de vue la goutte, parce quel’affection arthritique est toujours là pour quelque chose, ou vient semêler à l’affection qui semble ne pas y avoir de rapport.

Lorsque j’ai comparé la goutte à une mophette qui se portait vaguementdans l’économie, et surtout aux articulations, j’avais en vuel’extraordinaire génération de ventosités que produit cette maladie, etces ventosités souvent s’échappent par l’estomac, rarement par le canalintestinal inférieur, tantôt ces ventosités vont entre les muscles,mais souvent elles suivent le trajet des artères et le long d’ellesvont se rendre à différentes parties. Il semble que cet air quelquefoisva se porter dans la poitrine, et produire une fluxion qui sembleinflammatoire, et qui se dissipe par l’évacuation de beaucoup de vents; d’autres fois le malade se plaint ou de distension flatueuse dansdifférentes parties du corps, ou d’une oppression dans la régionprécordiale, d’autres fois d’une constriction accompagnée de chaleur,et d’autres fois de l’asthme.

L’effet capital de la goutte est de mettre en aberration une matièreterreo-saline qui se jette sur les articulations, y produit des amas dematière d’abord muqueuse, puis plâtreuse ; cette matière calcaires’échappe ordinairement par les urines ; si elle est retenue dans lavessie, elle y produit quelquefois la pierre, d’autres fois elles’arrête sous la peau, et produit des concrétions tophacées ; d’autresfois la transpiration devient gluante et ramassée sur les maladesordinairement vaporeux dans cette circonstance, elle s’épaissit etdevient une matière semblable à celle du calcul. On a vu des goutteuxramasser les uns la matière de leur sueur ou de leur insensibletranspiration sur la peau, d’autres ramasser la mucosité de leurlangue, et cette matière par dessication s’est lapidifiée et a présentédes couleurs différentes, selon l’état différent de leur santé. L’on aprésenté ces phénomènes avec un merveilleux qu’ils n’ont pas. Cettemême matière s’arrête le plus souvent dans les articulations et sort audehors avec des douleurs cruelles.

§ V.

Traitement du Rhumatisme et de la Goutte.

IL n’y a point de maladie ni d’infirmités humaines pourlesquelles on ait indiqué autant de remèdes et rendu publics autant desecrets que pour le rhumatisme et la goutte ; mais tous n’ont eu etn’ont dû avoir qu’une existence éphémère. On ne pourrait guérir lerhumatisme et la goutte par un remède unique, qu’autant que cesmaladies seraient simples et n’auraient qu’une cause et un siége unique; mais comme ces causes sont différentes, on ne peut les combattre quepar différens moyens.

J’offre ici une espèce d’encyclopédie de remèdes, ce qui a l’avantaged’offrir une foule de moyens curatifs et de ramener l’esprit à larecherche des causes différentes ; chacun de ces remèdes a été prônédans son tems et à son tour, comme méritant la préférence sur tous lesautres ; l’expérience a prouvé que les divers remèdes n’ont une valeurréelle que dans les mains de ceux qui recherchent les causes, qui endérivent des indications, et qui savent les remplir ;  ils usentalors de ces divers remèdes, selon leur action différente, dans lesdifférens systêmes de l’économie humaine.

On pourrait reprocher à la médecine moderne de s’être circonscrite dansun trop petit nombre de remèdes ; il faut qu’un artiste soit riched’instrumens pour opérer plus facilement et mieux remplir ses vues. Queferait un habile horloger qui n’aurait que très-peu d’outils, encomparaison d’un autre aussi habile qui en aurait un grand nombre detout genre.

Les empyriques n’emploient qu’un remède, qu’ils donnent avec audacedans tous les cas différens ; ils réussissent quelquefois, mais aussisouvent ils détruisent. Un médecin qui a des vues et qui saisit desindications, pourra bien ne pas guérir aussi souvent qu’il ledesirerait ; mais il ne tuera jamais, comme le font avec une audacieuseignorance les empyriques ; et ce médecin aura d’autant plus deressources et de succès, qu’il sera plus riche en moyens de guérison,parce qu’il aura plus de remèdes, plus de moyens, pour changer lamanière d’être de l’économie ; il pourra faire plus de combinaisons, etattaquer le mal par plus de côtés différens.

On demande comment il est possible que des remèdes, différens par leur nature, guérissent la même espèce de maladie.

Cela n’étonne point ceux qui connaissent l’économie humaine ; ilssavent qu’elle est si compliquée, qu’elle peut être modifiée par unefoule de moyens opposés entre eux. Ainsi, par exemple, une inflammationse termine ou par suppuration ou par résolution ; ces moyens sonttrès-différens entre eux et les remèdes, pour y parvenir sont souventd’une nature opposée.

Pour guérir ou le rhumatisme ou la goutte, on doit distinguerdifférentes espèces de rhumatisme et de goutte. Tantôt le rhumatismeest aigu, tantôt il est chronique ; la goutte tantôt se porte auxextrémités, tantôt sur les viscères ; elle est quelquefois d’uneextrême mobilité. Chez les uns, elle attaque ou un systême ou unviscère ;  chez d’autres, elle en attaque un autre. Il faut suivrece protée dans toutes ses métamorphoses, si l’on veut l’enchaîner.

Il faut distinguer la goutte en elle-même, des accès de la goutte.L’accès passé, on ne fait rien ordinairement contre ce cruel ennemi. Ilest aussi dangereux de le négliger, lorsqu’il ne donne plus signe de saprésence, qu’il serait dangereux de négliger les fièvres intermittentesaprès que leur accès est passé. On doit donc considérer deux chosesdans la goutte ; savoir : l’accès et la détermination au retour del’accès ; dans l’un comme dans l’autre cas, un médecin doit connaîtretoutes les profondeurs de son art ; ainsi c’est exposer les malades àdevenir victimes de la goutte, que de s’opposer seulement aux accèssans en prévoir les retours ; et les soins donnés aux accès ne fontrien, ou peu, contre leur retour. Sydenham qui a le mieux écrit sur lagoutte, Sydenham, un des plus grands médecins, et qui était lui-mêmeaccablé de cette cruelle maladie, est tombé dans cette faute capitale ;il a trop peu prévu pour lui-même et pour les autres les retours decette maladie ; il n’a pas assez connu les méthodes propres à modifierl’économie, propres à changer ses mouvemens naturels, son rithme, et àaltérer les dispositions à son retour, à s’y opposer, comme on doits’opposer au retour des fièvres intermittentes. Il a été moins lemédecin des maladies chroniques que des maladies aiguës.

On est généralement dans l’opinion que l’on ne guérit pas la goutte ;il importe ici de distinguer ce qu’il y a de vrai et de faux dans cetteopinion, parce que cette erreur a été fatale à un grand nombre degoutteux. Il est certain que, quand il existe une disposition innée,radicale, à la goutte, on ne peut absolument et complettement ladétruire ; mais on peut tellement l’altérer, et rendre les retours sirares et si faibles, que cela équivaille à une guérison, et qu’on n’aitrien à craindre de funeste de cette maladie. Mais il faut combattre cetennemi lorsqu’il est paisible, comme il faut combattre lesintermittentes dans l’intervalle de leurs accès. Il faut faire plus, ilfaut le combattre, ou le surveiller presque continuellement, ou aumoins à des tems réglés dans l’année.

D’un autre côté, on dit que ceux qui sont attaqués de la goutte viventtrès-vieux ; certes, la goutte par elle-même est bien éloignée deprolonger la vie ; mais ceux qui dans l’intervalle des accès veillentsur leur santé, modifient leur économie par un usage constant ousouvent répété de quelques médicamens ; ceux-là, par leur surveillance,affaiblissent tellement leur ennemi, qu’ils se mettent hors du dangerde ses effets funestes ; c’est ainsi que par leur surveillance ilsprolongent leur existence.

Il faut, dans chaque individu, connaître le principe de la maladie,connaître le viscère qui est faible et cause du désordre ; il fautempêcher la formation d’humeurs étrangères, entretenir les évacuationsde l’insensible transpiration ; il faut régler l’économie sur desmouvemens qui s’opposent au retour de cette maladie et même à saproduction ; il faut chasser l’ennemi par tous les émonctoires et avecprudence ; il faut donner plus d’élémens de la vie, et entretenir leurharmonie. Or, cela n’est possible qu’à la médecine rationnelle, et pourcet effet, il faut que le malade se livre aux conseils d’un médecinphilosophe et observateur.

Ceux qui ont cette terrible maladie veulent absolument guérirradicalement ; ils consentent à employer pendant quelque tems un remède; mais les uns bientôt se lassent ; d’autres, au retour de la maladie,quoique faible, accusent l’impuissance du remède qui néanmoins les asoulagés, et se refusent à une persévérance nécessaire. On doit sentirque lorsqu’il est question de modifier l’économie, et de changer sesdispositions radicales, innées, il faut souvent revenir aux moyensemployés et même en changer ; or une surveillance et des soins dequelques jours ne sont pas capables de détruire une dispositionradicale.

On doit toujours dans la goutte, se proposer de la déterminer, d’enfaire la fluxion, vers les parties inférieures : lorsqu’on emploiequelques remèdes propres à déterminer ou à fixer la goutte vers lesparties supérieures, alors ce remède est funeste. Ainsi la saignée dupied qui amène la goutte et la détermine vers les parties inférieures ;cette saignée, salutaire alors, serait au contraire fatale si on lapratiquait au bras ou à la tête, ou en quelque partie supérieure.

Nous allons parcourir ici la plupart des remèdes qui ont été employésdans ces maladies, et en même tems nous tâcherons de faire saisir lescirconstances où ils peuvent être utiles. Ce sera une espèce de matièremédicale pour le rhumatisme et pour la goutte ; on y verra qu’il n’estguère de classes de médicamens qui n’aient combattu ce dangereuxennemi. Tant de remèdes effraient au premier aspect ; mais un mot surleur action apprend à les ranger sous un petit nombre de classes.

Le traitement du rhumatisme aigu et chronique, diffère en plusieurschoses de celui de la goutte. Les causes et le siége de ces deuxmaladies n’étant pas les mêmes, les moyens d’y remédier doivent êtredifférens.

Le traitement du rhumatisme diffère de celui de la goutte, en ce que lerhumatisme exige plus que la goutte l’usage des saignées. Le rhumatismeest ou aigu ou chronique, et dans le rhumatisme aigu la saignée estplus nécessaire encore ; souvent même il faut la réitérer, et ce n’estquelquefois qu’à la seconde saignée que l’on voit sur le sang unecroûte blanche fluxionnaire comme dans les inflammations.

La saignée dans lerhumatisme aigu, est quelquefois le seul remède qu’on y puisse et doiveopposer ; il n’en est pas toujours de même dans la goutte.

La saignée des parties inférieuresdoit être pratiquée dans l’une et l’autre maladie. Des médecins ontprescrit dans le rhumatisme des saignées si abondantes et si répétéesau bras, qu’ils ont dit qu’on pouvait tirer jusqu’à vingt livres desang. Je suis bien éloigné de conseiller ces abondantes saignées dansle rhumatisme ; quoiqu’elles aient guéri, c’est ce me semble un abus dela saignée : mais ces observations prouvent jusqu’à quel point on peutla pratiquer dans le rhumatisme et avec avantage, et même en abuser, etde plus abuser de celles des parties supérieures, tandis qu’une seulesaignée du bras serait funeste dans la goutte.

Dans la goutte il faut être beaucoup plus sobre de la saignée, surtoutdes parties supérieures que dans le rhumatisme, parce que la goutte n’apas, comme le rhumatisme, un caractère fixe, local. Le rhumatisme nefait pas métastase. La goutte, au contraire, a une mobilité extrême ;elle fait facilement métastase vers les parties supérieures, surtoutlorsqu’on les saigne. Ceux donc qui mettent de l’indifférence àpratiquer les saignées des parties supérieures et inférieures, ontsouvent produit des accidens funestes, d’après leur principed’indifférence du choix du lieu des saignées.

La saignée au jarret a été recommandée par Galien, dans le rhumatisme et la goutte sciatique, et souvent elle a guéri cette maladie.

Les ventouses scarifiées,appliquées sur la partie affectée du rhumatisme, font une saigne quiest très-utile dans le rhumatisme, car souvent il a été, par ce moyen,dissipé totalement ; on les réitère à plusieurs fois ; mais c’est avecprudence qu’on doit en user dans la goutte, surtout sur la poitrine,car on pourrait y appeler ou y fixer la goutte.

Les sangsues sur lapartie rhumatismale sont également utiles ; mais en les appliquant dansla goutte sur les parties supérieures, on risque quelquefois à appelerl’humeur de la goutte supérieurement.

Quand la goutte est aux pieds et très-inflammatoire, on les applique avec avantage sur la rougeur produite par la goutte.

Lorsque la goutte est vague dans l’économie, les sangsues appliquéessur le dessus des pieds, quelquefois l’y déterminent ; et l’on attribueà la piqûre des sangsues, ce qui est l’effet de la déterminationqu’elles produisent sur les parties inférieures.

Il y a des gouttes sanguines, propres surtout à la jeunesse et aux genssanguins, colériques. Galien dit en avoir guéri beaucoup par la saignéedes parties inférieures largement pratiquée au printems.

La goutte est quelquefois dans les vaisseaux une matière ignée,brûlante, et c’est dans ce cas surtout que la saignée aux partiesinférieures est recommandable, ainsi que de douces évacuations à sasuite.

Souvent la goutte simule à la poitrine la pleurésie ; si dans ce casl’on fait des saignées à la partie supérieure, et qu’on applique desvésicatoires sur la poitrine, on tue le malade.

Les ventouses sèches ontété appliquées sur les lieux attaqués de rhumatisme et les ont souventguéris. On y revient cinq à six fois sur le même lieu rhumatisé, etpour le même accès. Tissot, Rivière ont éprouvé les effets salutaires.

Un pédiluve composé decinq à six pintes d’eau avec une pinte de vinaigre, une demi-livre desel et deux ou trois onces de farine de moutarde, est un bain de piedqui peut servir deux ou trois fois ; c’est un léger sinapisme quidétermine inférieurement la goutte qui ne se manifeste pas.

Une décoction de cendres et une poignée de sel, est un autre pédiluve dont des médecins ont vanté et reconnu l’utilité.

Les vapeurs de ladécoction de sureau, celles des feuilles, des fleurs et des écorces,reçues sur les pieds recouverts, produisent quelquefois des phlyctènessalutaires qui guérissent la goutte. Un médecin dans les pays chauds endéterminait les accès aux pieds, et s’en guérissait à ce moyen.

Le sublimé corrosif,dissous à un demi-gros dans cinq à six pintes d’eau très-chaude, danslaquelle on met les pieds, est un autre pédiluve qui a quelquefoisguéri les accès de la goutte, ou l’a amenée aux pieds ; il a étérecommandé par des médecins célèbres.

L’esprit de sel, à ladose de quatre onces dans six pintes d’eau, était le remède qu’avaitpublié Pott, et dont un empyrique faisait à Paris un secret ; ilvendait ce remède un louis, dont la valeur n’est pas de trente sous ;et ce pédiluve a eu long-tems une très-grande vogue à Paris, parcequ’il avait soulagé fréquemment le père du dernier duc d’Orléans.

Les feuilles de frêne, de bouleau, de tilleul,récentes, ont été appliquées avec avantage en masse sur les pieds.Elles excitent une transpiration qui a diminué dans beaucoup decirconstances les accès les plus formidables de la goutte.

Les feuilles de choux amorties au feu, appliquées sur les tumeurs goutteuses, les résolvent en excitant une abondante transpiration.

Un tas de bled danslequel on met les pieds pendant quelque tems, a souvent soulagé dansles accès de goutte ; et Pline nous rapporte que Sextus Pompéius en futguéri de cette manière.

La farine chaude, dans laquelle on met les pieds comme dans un bain, a produit un effet salutaire dans la goutte froide et pâteuse.

Le sel desséché et appliqué sur les empâtemens goutteux les a souvent résolus avec avantage.

Le froid. Au moyen deslinges humides et froids, trempés ou dans l’eau pure ou dans unesolution de nitre, a calmé les douleurs brûlantes d’une goutte chaude,âcre et érysipélateuse. Ce moyen a été conseillé par Hippocrate même,et il dit qu’il produit un engourdissement modéré ; mais pour cela ilfaut que l’inflammation soit extrême ; ce moyen calme en soutirantl’excès du calorique ; et l’on a vu à sa suite les malades s’endormiret se réveiller couverts d’une transpiration très-abondante.

La neige, dont on frotteles pieds, a calmé des accès de goutte et quelquefois en a délivré ouau moins a diminué la disposition à ses retours.

Les petites rivières froides et rapidesont la même propriété, et donnent aux jambes et aux pieds du ressort,lorsqu’il a été détruit par la goutte : ce fut le moyen par lequel lemédecin Musa guérit l’empereur Auguste ; et Strabon nous dit qu’enimmergeant les pieds dans l’eau rapide et froide du Cydnus, quitraverse la ville de Tarse, on est guéri de la podagre.

Il me semble que quand on a employé ces moyens énergiques, il fautensuite employer quelques moyens propres à réchauffer les pieds et àles faire transpirer.

La thériaque, appliquéesur les pieds, résout la goutte ; mais on a nombre d’observationsqu’elle produit des métastases, des suffocations, et qu’à la suite dece remède qui soulage à l’instant la douleur, les pieds sont restésparalysés et sans sentiment.

Le vinaigre chaud enbain de pieds fut un moyen qu’employa Agrippa dans un accès de douleurinsoutenable ; et il se résolut à ce remède sachant bien qu’il perdraitle sentiment et le mouvement des pieds, ce qui lui arriva en effet.

L’huile distillée de cireest un remède de ce genre qui, employé par un prince en friction surles pieds dans un violent accès de douleur de goutte, le calma, maislui ôta la faculté de marcher.

Il faut donc se méfier quelquefois des remèdes empyriques, mêmelorsqu’ils soulagent, parce qu’ils peuvent avoir des conséquencesfunestes ; on doit, pour employer des remèdes de ce genre, toujoursconsulter un médecin qui a observé souvent cette maladie.

Le baume de soufre succiné, appliqué sur les pieds, a produit des effets tantôt utiles, tantôt fâcheux.

Les linimens, les onctions, les emplâtres, les topiques, ont été employés avec succès contre le rhumatisme et la goutte.

L’alkali volatil à dosede deux gros, avec un gros d’huile animale rectifiée, le tout incorporéà trois onces d’huile d’olive, est un savon recommandable, dont on faitusage à la sortie d’un bain chaud. Becker faisait un secret de ceremède contre le rhumatisme ou la goutte froide. On en prend une à deuxcuillerées par chaque liniment.

L’esprit de romarin tenant le plus possible de camphre en dissolution, mêlé avec du savon, est un liniment vanté dans la Pharmacopée de Londres.

La teinture de cantharidesà dose de deux gros dans une once et demie d’huile de ricin, avec ungros d’alkali volatil, est un remède qui a quelquefois détruit lerhumatisme ; et l’on a vu des gens paralysés des extrémitésinférieures, recouvrer le mouvement, par l’usage de ce liniment.

L’esprit de térébenthine,à dose de deux onces, tenant en dissolution deux gros de camphre, ungros de sel de corne de cerf, et deux onces de savon noir, est unliniment très-vanté en Angleterre, et j’y ai quelquefois ajouté ungrain de phosphore avec le plus grand succès en le dissolvant dansdouze ou quinze gouttes d’huile de gérofle ; ce remède est un des pluspuissans résolutifs du rhumatisme et de la sciatique.

Le sel volatil de vipère, avec l’huile de succin, pourraient aussi y être mélangés avec avantage, et ont été vantés par d’habiles médecins allemands.

L’huile de ricin peut être substituée comme excipient à l’huile ordinaire pour ces sortes de linimens.

Les lotions d’eau très-froide sur les parties naturelles et sur les bourses avec la neige,ont été recommandées comme un préservatif ; mais j’ai vu ce prétendupréservatif recommandé néanmoins par des médecins, produire la phthisietrachéale sur un homme qui, employant mal ce remède momentané,enveloppait chaque jour les bourses dans un linge imbibé d’eau froidequ’il gardait jusqu’à ce qu’il fût desséché.

La liqueur d’Hoffman,dans laquelle on a dissous du baume du Pérou, appliqué également surles bourses, est un préservatif salutaire de la goutte, et n’a pas lesinconvéniens du premier. Nous reviendrons sur l’usage interne de laliqueur d’Hoffman et de l’éther.

L’emplâtre de poix et de soufre,mêlés à égale partie, était un remède que Galien faisait appliquer avecsuccès sur les parties rhumatisées, sur la sciatique. Cette emplâtreest encore en usage parmi le peuple, dans le cas de chûte et decontusions ; c’est un bon résolutif.

Le fromage âcre, fétide, appliqué sur les tufs goutteux, est un remède conseillé par Galien.

La chaux vive avec le miel employée dans le même dessein, a été aussi très-utile.

Le chanvre appliqué sur les gonflemens goutteux les a résolus, non-seulement par la chaleur qu’il procure, mais par sa qualité résolutive.

Les frictions sèches surtout le corps, faites le matin et le soir avec la main enveloppée d’unerude flanelle et dirigée toujours de haut en bas, sans jamais remonter,sont un remède qui, pratiqué habituellement pendant plusieurs années, asuffi seul pour délivrer des accès d’une goutte très-violente.

La neige employée en frictions des pieds a délivré aussi un goutteux des accès de sa maladie.

Le massage, ou le pétrissagedes membres, est aussi une espèce de friction comprimante qui, enrétablissant le cours des fluides, a réussi en pareil cas. On l’emploieau sortir d’un bain de vapeurs, et ce moyen très-usité en Orient, yrend presque inconnus le rhumatisme et la goutte.

Le massage est égalementtrès-utile dans les engorgemens articulaires des enfans ; et dansquelques provinces, il est encore employé pour les enfans par desfemmes, que l’on appelle maniéresses.

Les fustigations avecdes verges, de roseau ou de bouleau sur la partie douloureuse etparticulièrement rhumatisée, et ensuite l’application du sable chaudsur cette partie engorgée par la fustigation, fut un remèdetrès-employé dans l’antiquité ; et selon Suétone, Auguste fut guéri parce remède, d’une faiblesse extrême dans la cuisse et la jambe droitequi l’empêchait de marcher et le faisait boîter. Beaucoup d’auteurs ontrapporté des observations de guérisons semblables, produites comme parmerveilles, et qui ont été le résultat de ce moyen curatif.

Les sinapismes et les vésicatoiressont deux espèces de remèdes qui paraissent agir de la même manière, etqui cependant ont des effets bien différens les uns des autres.

Les vésicatoires conviennentpeu dans la goutte, et on ne doit se les permettre que pour attirer leprincipe de la maladie aux pieds et l’y fixer. Comme la plante despieds est recouverte d’un épiderme presqu’écailleux, on a soind’appliquer les vésicatoires sur la partie supérieure de l’avant-pied.On ne doit les entretenir que peu de tems ; et on y mêle beaucoup decamphre.

L’humeur de la goutte est une matière qui ne se résout point par lapeau au moyen des vésicatoires ; ainsi en les employant on ne doitavoir intention que de faire une dérivation.

Les vésicatoires employés imprudemment sur la poitrine, dans le cas oùl’humeur y est portée, sont un remède qui tue ; et dans lesconstitutions froides et humides où l’humeur catarrhale se marie avecla goutteuse, le praticien doit être bien en garde, afin de ne pasconfondre cette maladie avec une pleurésie ; cette erreur seraitfuneste, et l’on peut même établir en principe que chez les sujetshabituellement goutteux, on doit s’abstenir des vésicatoires appliquéssur la poitrine, ou ne les employer qu’avec une extrême prudence.

Les sinapismes ont une autremanière d’agir ; ils portent une irritation qui appelle la goutte versle lieu où on les applique. On fait différentes espèces de sinapismes,plus ou moins actifs.

La levûre de bierre, l’ail, le sel ammoniac et le sel marin, le tout mêlé avec un peu de farine de graine de moutarde, est le sinapisme ordinaire ; mais quelquefois il est trop actif.

Des pigeons ouverts vivans et appliqués aux pieds, ont souvent réussi. En se putrifiant ils font une espèce de ferment attractif.

Les raves, le navet broyés enpulpe, mêlés avec la jusquiame, la moutarde et le lait ; c’est unsinapisme très-doux, dont on fait usage suivant les circonstances. Ondonne de ce mêlange des lavemens dans la sciatique.

La renoncule âcre, choisie,récente et mise en pulpe, s’applique, avec grand succès, au-dessous dugenou, à l’extérieur de la jambe, pour les engorgemens articulaires augenou, ou pour les sciatiques, même pour les ankiloses récentes. Cetteplante âcre, produit des vessies pleines de sérosité : comme tous lesâcres possèdent la vertu particulière de résoudre les coagulationslymphatiques et articulaires, elle rend plus fluide la partiealbumineuse.

Les errhins, c’est-à-dire,tous les remèdes capables d’exciter la sécrétion de la membranepituitaire, et de fortifier le cerveau, ont été employés avec succès,surtout par ceux qui observent bien la marche de la goutte : ils ont vuque la goutte dépendait souvent d’une pituite âcre, qui du cerveaucoulait dans toutes les articulations.

Le tabac pris habituellement modère les accès de goutte, surtout lorsqu’on ne s’y est habitué qu’après les premiers accès.

L’eau tiède, respirée par la bouche, par le nez, relâche la membrane pituitaire, et fait faire d’abondantes sécrétions de salive.

La marjolaine, mêlée avecl’origan respirée comme le tabac, a aussi réussi. On y ajoute depetites doses de poudre de cabaret ; en excitant ainsi les évacuationset des glandes de la bouche et de la membrane pituitaire, on fait desfluxions salutaires.

Les sialogogues, ou remèdespropres à exciter la sécrétion de la salive, ont souvent détourné lafluxion des articulations, conséquemment les accès de goutte. Jeconseille aux femmes, chaque matin, quelques grains de poivre, depiretre dans la bouche.

Les lavemens de différente nature, ont été employés avec succès dans la goutte et dans la sciatique.

L’huile pure et très-douce de lin était employée en lavement par Boërhaave dans la sciatique.

La teinture de coloquinte, àla dose de demi-gros, d’un gros même, donnée en lavement, a souventréussi dans la sciatique. On broie deux gros d’assa-foetida, et on lesmélange avec le lavement. Quelquefois il irrite les entrailles au pointde faire rendre du sang, et par cette irritation la sciatique a étéguérie. On donne ensuite des lavemens calmans, faits avec le bouillonde fraise de veau.

Mais il faut être très-réservé sur ce moyen ; car son emploi pourrait devenir funeste.

Le moxa ou la brûlure sur lesarticulations, est un des plus puissans remèdes pour remédier à lasciatique et à la goutte ; et dans tout l’Orient on n’en connaît pasd’autre.

La brûlure, faite avec de petits tampons de lin, était employée par Hippocrate.

En appliquant le moxa, nous nous servons de coton roulé, en forme de petit bouchon, plus ou moins large, plus ou moins épais.

Le moxa fait les brûluresd’autant plus profondes que le coton est plus serré, parce que lecharbon étant plus compact, brûle et cautérise plus profondément.

Ce moyen est un des plus énergiques que l’on connaisse pour chasser lerhumatisme, dissiper les engorgemens qui arrivent à la suite de lagoutte, et pour résoudre les ankiloses.

Le moxa doit être appliquédans la sciatique, entre le gros et le second orteil du pied. On metencore trois ou quatre de ces moxas le long du nerf sciatique, et leplus serré au-dessus du sacrum. Beaucoup de médecins ont assuré que lasciatique ne résiste jamais à ce remède.

Mais ce qu’il y a de plus délicat en ce genre, c’est l’application dumoxa sur la tête. Cette application a causé le plus grand danger entreles mains de Haen, parce qu’il employait un fer rouge qui cautérisaitl’os et enflammait la dure-mère.

Le professeur Alphonse Leroy a employé un très-grand nombre de fois cemoyen salutaire ; il l’a même employé jusques sur les enfans presquehydrocéphales, qui n’avaient pas complettement atteint leur premièreannée. Voici la précaution qu’il prend : c’est d’appliquer un cotontrès-peu serré, et de faire une brûlure légère ; il emploie même cemoyen dans les fièvres qui paraissent dépendre de la débilité ducerveau. Il en a fait sur lui-même l’expérience, dans une fièvre quiavait un caractère de malignité et surtout de débilité cérébrale, aprèsde longs travaux pour l’enseignement public.

Lorsque la goutte est à la tête, le moxa, appliqué sur la suturesagittale près de la fontanelle, chasse la goutte de cet organe et laporte aux entrailles, ou au moins dans le bas-ventre, d’où on peutl’amener aux pieds, ce dont il rapporte plusieurs observations.

Il a vu la goutte se développer quelquefois pendant la grossesse etporter à la tête, et le moxa appliqué sur la tête a occasionné unaccouchement prématuré, ce qui doit faire user, avec circonspection dece remède, pendant la grossesse, et ce qui prouve l’influence ducerveau sur la matrice.

Très-souvent il a employé le moxasur l’une ou l’autre apophyse mastoïde, mais le moxa plus serré que surla fontanelle antérieure ; il a dissipé à ce moyen des surditésproduites chez les femmes par des affections laiteuses, et chez leshommes, par des fluxions pituiteuses, catarrhales ou humorales, surl’organe de l’ouie.

Les boissons ne sont utilesdans le rhumatisme et dans la goutte que lorsque les urines sont rareset enflammées ; mais il en faut user avec précaution, et ne les donnerqu’à petites tasses et répétées ; on donne de l’infusion de fleurs detilleul, de fleurs d’orange, avec vingt-quatre grains de sel de nitreet autant de sel sédatif par pinte. On doit plus ou moins boire, selonl’intensité de la fièvre.

Le nitre à dose de demi-oncepar jour dans une décoction de sureau, de salsepareille ou de gayac,excite, vers le troisième ou quatrième jour, des sueurs critiques. Ceremède a été très-recommandé dans le rhumatisme, plutôt que dans lagoutte. C’était le remède favori d’un médecin célèbre dans le Midi dela France.

Le petit lait donné seulpeut refroidir l’estomac ; mais on le mélange à d’autres ; on le jointà la décoction de tilleul, de camomille ou de fleurs pectorales. Ilfaut, dans ces deux maladies, des délayans résolutifs etdiaphorétiques, mais bien se garder des réfrigérans.

Les acides, les limonades y conviennent très-peu, et ne doivent être donnés que chauds et avec prudence ; car froides ces boissons sont nuisibles.

Les boissons doivent délayer, relâcher ; il faut en donner peu à la fois.

Les bains conviennent peu dansles maladies rhumatisantes et goutteuses, parce qu’elles ont leur siégedans le systême vasculaire blanc, auquel l’eau ne convient point engénéral, tandis que l’eau est utile dans les maladies du systêmevasculaire rouge ; ce qui explique pourquoi l’on a vu dans lesaffections rhumatismales, même aiguës, ainsi que dans la goutte, unesuite de bains, ordonnés par des empyriques ou des ignorans, produiredes engorgemens lymphatiques funestes : en général il n’y a qu’un petitnombre de circonstances où l’on puisse se permettre de donner des bainsle rhumatisme et dans la goutte ; et dans ces sortes de cas, il fautprendre les bains pendant peu de tems, et les prendre plus chauds quede coutume, parce qu’alors ils agissent plutôt par le latus ducalorique, que par celui de la partie aqueuse. Il ne faut jamaisoublier que les tems humides ou froids provoquent cette maladie.

Les bains de vapeur ont étérecommandés, dans cette maladie, par un grand nombre d’empyriques : ilspeuvent être utiles, sous le rapport du calorique appliqué à toute lasurface du corps, et sous le rapport de l’insensible transpirationqu’ils augmentent en relâchant toute la surface du corps. Ils peuventêtre utiles dans le rhumatisme commençant ; mais dans le rhumatismeconfirmé, on ne doit en faire usage qu’avec précaution, et seressouvenir que le latus humide n’est point favorable à cette maladie.

Un empyrique, à Paris, mit ces bains de vapeurs en vogue, parce qu’ilfaisait un secret des herbes qu’il faisait bouillir pour en fairerecevoir la vapeur. C’était des émolliens, la mauve et la guimauve,avec la centaurée et la pariétaire ; l’appareil, pour recevoir cesvapeurs, peut être simple. Un panier à chauffer le linge, entouré d’unecouverture, peut servir à donner ces bains ; on met en dessous, le vaserempli de ces herbes qui sont dans l’eau bouillante.

Les douches d’eau simple, maissurtout celles d’eau sulfureuse très-chaude, ont été très recommandées,et sont, en effet, très-recommandables. Elles agissent, d’un côté, parla percussion ; d’un autre, par le calorique ; d’un autre parl’aquosité, et d’un autre encore par un principe sulfureux,très-recommandable dans toutes les affections goutteuses etrhumatismales.

Le thé, pris habituellement,s’oppose, dit-on, à la goutte ; et on assure que cette maladie n’existepoint en Chine ; mais elle existe en Angleterre et en Hollande, où l’onfait usage de beaucoup de thé : néanmoins en prenant chaque soir, en semettant au lit, un verre d’eau sucrée, la plus chaude possible, en yajoutant une cuillerée à bouche d’eau de fleur d’orange, le caloriqueuni à l’eau développe à l’intérieur, pendant le sommeil, un peu plus decalorique que de coutume : ce remède pris en habitude, le soir en secouchant, est très-recommandable.

Les diurétiques ont étéemployés avec beaucoup de succès pour prévenir les retours de lagoutte, surtout dans les complexions humides, ou bien dans celles chezlesquelles cette maladie paraît avoir un penchant très-particulier àfaire abondamment sa crise par les urines, quoique dans tous les accès,elle la fasse partiellement par cette voie. On a vu des goutteux rendredes matières très-fétides par les urines.

L’alkekenge est uneespèce de solanum, dont plusieurs médecins allemands ont prôné l’usagedans la goutte. On en prend six à huit fruits desséchés ; on les réduiten poudre, et quatre fois dans le mois, on donne au malade cettepoudre, et par-dessus un verre d’une infusion aromatique quelconque,avec quinze ou vingt d’huile de tartre, par défaillance. Ce remède afait rendre à des goutteux une matière puante, qui semblait être lacause de la goutte ; et par cette attention, pendant plusieurs années,les malades en ont été délivrés.

La pensée est une plantedont les Allemands viennent de vanter la décoction ou l’extrait commepropre à dissiper la gourme des enfans et les affections goutteuses ;elle agit également en donnant des urines fétides.

La douce-amère se donneen décoction à la dose d’une demi-once de ses branches desséchées dansune pinte d’eau. On use tous les mois de ce remède, pendant sept à huitjours.

La grande bardane a étévantée par Linné contre la goutte, comme propre à provoquer dans lesurines la sécrétion d’une grande quantité de matière calcaire. C’estpour cette raison que Linné lui a donné le nom de plante urinaire, urinaria.On donne la racine à dose d’une once, en décoction dans trois verresd’eau. Les graines renfermées dans leurs capsules données à moitiémoindre dose, ont paru tout aussi recommandables.

Les bourgeons de sapinmis dans la bierre lorsqu’elle fermente, font de cette boisson, prisehabituellement, un remède contre les affections dartreuses et contre lagoutte.

Les purgatifs sont lesmeilleurs moyens d’altérer et d’éloigner les accès de cette maladie,s’ils sont donnés avec art. Un gros de séné, deux gros de sel deGlauber, bouillis dans trois bols de bouillon d’herbe, et pris pendantdeux jours, à chaque déclin de lune, ont paru un des meilleurspréservatifs. Ce remède fait une fluxion douce sur le canal intestinal,ce qui altère une partie du principe de la goutte et l’évacue : lesgoutteux qui sont fidèles chaque mois à ce petit laxatif, n’ont que desaccès de goutte extrêmement modérés. Ce moyen donne même unedétermination de matière goutteuse vers le canal intestinal : lesmalades ont, par fois, un petit dévoiement dans lequel ils rendentbeaucoup d’eau grise, qui paraît être la matière de la goutte : lorsquecela arrive, ils sont, dans ce mois, dispensés de prendre le laxatif.

Les purgatifs âcres ont été quelquefois utiles, tels que lesyrop de Nerprun,mêlé au séné, à la rhubarbe, dans les doses habituellement connues.Alors les goutteux rendent une grande quantité de sérosité grise quiengorgeait toute leur économie ; mais ces purgatifs vigoureux nepeuvent convenir que dans les gouttes froides, ou bien à ceux chezlesquels la goutte est l’effet d’une pituite, qui du cerveau coule danstoutes les articulations ou dans le bas-ventre.

Le diagrède uni auxaromates, au gérofle, au gingembre, est une combinaison dansl’électuaire caryocostin qui a été donné, avec succès, tous les mois audéclin de la lune, à des goutteux.

La gomme de Gayac à unscrupule, broyée dans un jaune d’oeuf avec cinq grains de sel volatilde corne de cerf, et trois onces d’eau, est un purgatif que Pringledonnait, pendant plusieurs jours de suite, le soir, dans les affectionsrhumatismales.

On pourrait faire une longue liste de tous les purgatifs conseilléscontre les retours de la goutte. Sydenham n’usait que de manne, et ilne conseillait dans cette maladie que les purgatifs unis aux aromates,mais il n’employait pas assez les altérans.

Les vomitifs ont étérecommandés par les uns, blâmés par les autres. Sydenham les avaitd’abord rejetés dans les accès de goutte, parce qu’il avait observéqu’ils appellent quelquefois la goutte sur l’estomac : cependant il ensentit la nécessité. Hippocrate les avait recommandés ; mais il donnaitdes vomitifs faibles, une infusion  de charbon bénit, unedécoction d’ellébore blanc avec l’eau de lentille pour provoquer levomissement. On doit dans cette maladie redouter les antimoniaux ; maisles vomitifs doivent être recommandés à ceux dont l’estomac est chargéde glaires, et qui rendent tous les matins des gorgées d’eau claire :mais il faut le donner pendant plusieurs jours de suite, comme lepratiquaient les anciens. Ainsi on peut commencer par huit à douzegrains d’ipécacuanha, pris pendant cinq à six jours de suite. On n’enprend même que cinq grains, et cette dose suffit pour provoquerl’estomac, et lui donner du ton. Nous avons perdu cet usage despurgatifs, répétés pendant plusieurs jours, qu’Hippocrate recommandedans ses ouvrages. Il attachait beaucoup d’importance à l’artd’administrer les vomitifs.

Les âcres sont desremèdes dont l’empyrisme a malheureusement trop fait usage. L’art afait avec eux une foule de savantes combinaisons, et en a su tirer ungrand parti contre les maladies chroniques. Dans le rhumatisme et dansla goutte, la partie rouge du sang a un penchant à se séparer de lapartie coagulable, et les âcres tiennent en dissolution cette partiecoagulable, ce qui les rend des remèdes très-précieux dans tous les casde coagulation lymphatique ; mais ils ont un inconvénient terrible,c’est qu’ils sont tellement irritans et décomposant l’économie, qu’ilsdeviennent dans des mains empyriques, ou victorieux ou funestes, pointde milieu ; ils ne conviennent que dans les gouttes froides, muqueuses,pâteuses, et il n’appartient qu’à un médecin expérimenté d’en faire unheureux usage et un salutaire mêlange.

Nous avons déjà considéré un de ces âcres en topique, la renonculeâcre, dont la pulpe appliquée à l’intérieur, résout même les ankiloseset le rhumatisme sciatique.

La coloquinte infuséedans l’esprit-de-vin qui s’en est saturé, a été donnée à dix, douzegouttes dans un verre d’eau froide chaque matin, et pendant long-tems :un médecin expérimenté dit en avoir eu de grands succès. C’est unremède que les empyriques donnent avec audace dans les gonorrhées.

La clématite, appeléel’herbe aux gueux, parce qu’ils s’en frottent pour gonfler leursmembres, et y exciter des ulcères, est une plante dont on a osé donnerl’infusion de quelques feuilles contre la goutte.

Mais il est des âcres beaucoup plus doux, et dont on peut mieux sepermettre l’usage. Remèdes également dissolvans cette partie couënneusedu sang.

La gomme de Gayacdissoute dans l’eau-de-vie de sucre, appelée tafia, ou bien broyée avecdes alkalis volatils concrets et avec de la gomme arabique, a une vertufondante et dissolvante de cette partie coagulable : avant qu’on envantât, autant qu’on l’a fait l’usage, on se servait, à même dessein,de la scammonée.

Ces âcres ont moins d’action, s’ils sont desséchés, et légèrementtorréfiés ; on les mêle au soufre, aux narcotiques, aux aromates, pourenchaîner le principe âcre et dissolvant.

L’arnica, le pareira-brava, le polygala de Virginie, la racine d’aristolochesont des âcres très-doux, et chacun d’eux a été vanté dans des traitésparticuliers : ce que je dis ici des âcres suffit pour indiquer d’aprèsquels principes ils doivent être administrés par les gens de l’art : cesont les remèdes qui ont le plus fourni, comme je le dis, auxempyriques, et que l’on peut néanmoins soumettre à une théorie quedémontre l’expérience.

Les poisons végétaux, tels que l’aconit napel, la jusquiame blanche, la ciguë récente, la douce-amère, la belladonaont été très-vantés en Allemagne, et si l’on s’en rapportait à Storcket à beaucoup d’autres auteurs, on emploierait sans cesse ces remèdesqui avaient été oubliés, et anciennement vantés pour leurs propriétésdissolvantes.

L’extrait d’aconit a étédonné pendant deux ans à la dose de deux grains par jour. Ce remède ettous ceux de ce genre, continués très-long-tems, donnent destranspirations insensibles, des sueurs. Dans les squirres et cancersils dissolvent la partie coagulable ; ils accroissent la décompositionanimale, et ils ne sont en effet des poisons que parce qu’ils opèrentcet effet dissolvant ; mais maniés par des mains habiles, on peut entirer un grand parti.

La douce-amère est cellede toutes ces plantes dont on a le plus usé et avec avantage. Boërhaaveen mêlait l’extrait avec la thériaque. On a préféré les tiges auxfeuilles, parce qu’elles sont moins vireuses. On prend deux gros de cestiges : insensiblement on va jusqu’à demi-once qu’on fait bouillir dansquatre verres d’eau, qu’on donne à quatre tems différens de la journée.Cette plante est très-recommandable pour les extravasations de sangdans l’économie.

Toutes ces plantes combinées avec d’autres remèdes, peuvent êtredonnées avec avantage en lavement, dans tous les cas d’engorgemeslymphatiques, et d’obstructions à la matrice où l’on craint lesulcérations cancéreuses, ou les squirres de cette partie.

Les amers sont desremèdes qui de toute antiquité ont été recommandés dans la goutte. Lesanciens ordonnaient des poudres composées de toutes les plantes amères; cette poudra a été renouvelée sous le nom de poudre du duc dePotelande, et reconnue sous le nom de poudre arthritique amère. On asimplifié ce remède en mettant infuser une once de racine de gentianedans une pinte de vin blanc, avec deux gros d’alkali fixe végétal. Ondonne tous les jours deux à trois cuillerées de ce remède.

Le trèfle des marais, le bois amer de Surinam, la drogue amère des Indiens, qui est une infusion dans l’eau-de-vie de résines amères, l’élixir suédois qui depuis a été connu sous le nom de baume de lièvre; tous ces amers ont été très-vantés contre la goutte ; mais selon desmédecins observateurs, l’usage très-long-tems continué de ces amers, aquelque chose de sédatif et de narcotique ; et de grands médecins,Cullen entre autres, ont regardé ces amers comme assoupissant lagoutte, mais ne la détruisant pas : en sorte qu’on croit avoir observéque ces remèdes ayant assoupi la goutte pendant plusieurs années, à lafin cette maladie a produit l’apoplexie, chez d’autres la folie ; ilest donc plus sage dans la goutte et dans le rhumatisme d’employer lesdiurétiques, les évacuans, les altérans, les diaphorétiques, lesrésolutifs, afin d’altérer le principe de cette maladie, et ensuite del’évacuer par les différens émonctoires.

Les aromates ont étérecommandés et prescrits quelquefois comme un grand secret dans lagoutte ; ils ne peuvent convenir que dans les gouttes vagues quidépendent spécialement de l’état de l’estomac ; ils portent àl’insensible transpiration, et, sous ce rapport, ils sont généralementrecommandables.

La conserve de romarin,à dose de demi-once dans une pinte de vin du Rhin, dont on prend deuxcuillerées par jour, était un remède spécialement recommandé parBoërhaave.

L’extrait d’aunée, d’angélique et de genièvre, mêlés ensemble et donnés chaque soir à demi-gros, a été en Allemagne le remède d’un empyrique.

La sauge, la lavande et le romarin,à dose d’une forte pincée, bouillis dans un verre de lait chaque matin,ont été recommandés par un médecin qui s’était occupé de la recherched’un préservatif contre la goutte.

Les bourgeons de sapinmêlés à la douce-amère, à dose de demi-gros, en une pinte d’eauédulcorée avec du sucre, ont été donnés avec avantage dans la goutte,qui dépend d’une humeur répercutée.

Le gingembre est uneracine aromatique qui vient d’être nouvellement prônée en Angleterre,comme propre à porter la goutte aux extrémités. La muscade et le gérofle n’en feraient pas moins.

Les uns ont prescrit le gingembre bouilli dans le lait ; les autres ledonnent en infusion dans l’eau : ce remède, comme tous les aromates,fortifie l’estomac et chasse la goutte aux extrémités ; il estaujourd’hui vanté et regardé comme un spécifique. Il ne me paraît pasl’être davantage que le thym, le serpolet, la racine de benoite, ettous nos aromates, dont les goutteux se trouvent fort bien, lorsqu’ilsfont habituellement usage d’une légère infusion d’un de ces aromateschaque matin.

Je ferai cependant, relativement aux aromates, une observation. C’estque les habitans du Nord sont portés, par leur nature, à préférer lesaromates de l’Inde et de l’Asie, à ceux qui croissent naturellementchez eux ; il est probable que ces derniers favorisent moins leurtranspiration insensible que les premiers.

Le poivre de Guinée, ou le pimentdesséché, à dose de quinze à vingt grains, avec une cuilleréed’esprit-de-vin rectifié et le suc de deux citrons, est un remèdequ’emploient les Sauvages pour se faire transpirer dans leurs accès derhumatisme.

Les anti-spasmodiquesforment une classe très-étendue de remèdes qui a fourni à la médecinede grands moyens contre la goutte. Ainsi ceux du règne animal ont étédonnés avec grand avantage dans les accès violens de la goutte surl’estomac.

Le musc a été prescrit àdose de quatre à cinq grains, jusqu’à quatre fois par jour, par Cullen,dans le cas où la goutte menace de détruire la vie par son siége àl’intérieur, soit sur l’estomac, soit sur la poitrine.

Le castoreum y a été substitué lorsqu’on n’avait pas de musc ; mais on le donne à demi-gros jusqu’à trois et quatre fois par jour.

Ces deux sortes de remèdes ont quelque chose de sédatif, de calmant, eten même tems ils portent singulièrement à la peau et à la transpirationdes glandes des parties naturelles.

L’assa-foetida, broyédans l’eau, a été également très-recommandé par Cullen, dans la gouttequi porte au poumon, à la tête ou à l’estomac ; on peut donner trois àquatre gros par jour d’assa-foetida, et on en aide l’action perspirableet diaphorétique par quelques gouttes d’alkali volatil. Cullen paraîtavoir fait spécialement choix de ces sortes de remèdes dans la gouttequi porte à l’intérieur.

La valériane a été donnée à même intention que ces autres remèdes, et à grande dose dans les accès de la goutte qui porte sur le cerveau.

Nous avons indiqué ailleurs le moxa comme le remède le plus puissant pour la chasser de cette importante partie.

Le camphre est un remèdeemployé fréquemment avec succès en Angleterre, à l’intérieur et àl’extérieur contre la goutte. On fait à Londres une combinaison de camphre, d’éther, de musc et d’assa-foetida.On a voulu faire de ce remède un secret pour y donner plus de valeur :il peut en avoir beaucoup en effet, dans le cas où la goutte est àl’intérieur et menace de suffocation.

Le rob de sureau a étédonné à deux et trois onces par jour, dans les accès de goutte quiportent à l’intérieur, et de grands médecins ont vanté ce remède commeun diaphorétique très-puissant et très-doux.

L’alkali volatil est undes remèdes les plus précieux que possède la médecine ; par savolatilité il est très-diaphorétique : par ses principes constituansc’est un des remèdes les plus propres à augmenter la vie dansl’économie, et à en diriger, par sa perspirabilité, les mouvemens dudedans au dehors ; il opère sans trouble, en raison de son analogieavec cette même économie : il lui redonne l’azote qui est un de sespremiers principes constituans ; et si dans la goutte il est presquedémontré qu’il s’échappe un acide volatil qui réagit sur l’albuminepour la concréfier, sous ce rapport, l’alkali volatil est un desremèdes qui s’opposent le plus à toute espèce de coagulation. Quelquesmédecins qui en ont eu le plus grand succès dans leur pratique, ontemployé principalement ce remède : presque jamais il n’a présentéd’inconvénient, et presque toujours il a été très-utile, surtout chezles femmes, chez les enfans et chez les vieillards. On a fait une fouleimmense de combinaisons de ce remède, et il donne à tous les autresmédicamens des aîles pour traverser et purifier rapidement l’économie.

On le donne à dose de dix, douze à vingt gouttes, deux, trois fois parjour dans un véhicule, tel qu’un verre d’eau froide. Mais on doit faireencore une grande différence entre celui qui est tiré du sel ammoniacpar l’intermède de la chaux, et l’alkali volatil huileux qu’on obtientdes matières animales mises dans une cornue : ce dernier a beaucoupplus de puissance pour augmenter la vie et animaliser l’économielorsqu’elle se décompose. Cet alkali volatil devient plus doux encorelorsqu’on le prend à l’état de sel concret tiré des matières animaleset purifié. On peut le rendre plus doux encore et un peu moins volatilet irritant dans l’économie, en le combinant à des doux acidesvégétaux. Ainsi, par exemple, dans les maladies putrides, c’est untrès-grand remède que dix à douze grains d’alkali volatil concret,mêlés à une once de suc de citron ; on répète ce remède deux ou troisfois par jour ; on a combiné encore ce remède avec le camphre,l’assa-foetida, les aromates, les acides végétaux, et toutes lessubstances gommo-résineuses. Enfin, c’est un remède qui, maniéhabilement par un médecin, peut devenir une de ses armes les pluspuissantes contre toutes les maladies, et surtout contre toutes lesmaladies chroniques, dans lesquelles il y a stase, épaississement etcoagulation. C’est le remède le plus propre à augmenter latranspiration insensible ; on le joint encore avec le plus grandavantage au soufre et aux huiles essentielles.

Le soufre, sous toutessortes d’états, a été donné avec avantage dans la goutte. On donnependant long-tems le soufre à dose d’un demi-gros par jour ; il paraîtêtre, sous cette forme, très-restaurant, et passer par l’insensibletranspiration. Le célèbre médecin Blumenbach dit qu’il a vu uneinfusion de soufre guérir des gouttes invétérées. Willis faisait unsecret du soufre qu’il mêlait à l’alkali volatil, et donnait ce remèdecomme un des plus grands préservatifs de la goutte.

Les eaux sulfureuses de Barègeavaient paru à Dussault, dans son traité sur la goutte, le remède leplus propre à la guérir complettement ; et il rapporte une fouled’observations qui démontrent toute la puissance de ces eauxsulfureuses.

La fleur de soufre priseà demi-gros, même à un gros, le soir, dans du lait chaud, est un remèdeque Grant, en Angleterre, recommande. Ce remède tient le ventre libre,dissipe les acides, et les flatuosités de l’estomac ; d’autres fois ildonne trente grains de soufre avec un gros de magnésie, et continuependant quelque tems ce remède pour entretenir également la liberté duventre.

On peut faire des eaux artificielles sulfureuses pour les donner àl’intérieur, ou en douches chaudes sur les parties ankilosées ; maisalors il faut mêler le soufre avec les terres absorbantes, et faire unfoie de soufre terreux, comme dans les eaux de Barège ; ce remède, prisà l’intérieur, à dose de deux, trois verres chaque matin, estbalsamique, convient dans les anciennes gonorrhées, dans la suite desaffections goutteuses ; mais si l’on emploie les alkalis en place deterre absorbante et de magnésie, on donne un remède âcre, irritant,dont l’économie ne peut s’accommoder. Le docteur Alphonse Leroy apublié dans la Gazette de Santé, l’art de faire artificiellement ceseaux sulfureuses : elles ne peuvent être fabriquées que dans des balonsde verre ou de porcelaine.

Le soufre uni aux métaux les rend de grands remèdes ; il fait la valeur du kermès, et des éthiops mercuriels et martiaux.

Le foie de soufre endissolution dans deux parties d’huile essentielle de térébenthine, avecune partie d’huile de genièvre, et quelques gouttes d’huile animaleempyreumatique, est un remède empyrique, dont Archidet fait mystère àParis, et qu’il vend fort cher. Le journal de Médecine, en 1788, arévélé la composition de ce soi-disant grand secret, qui a, comme on levoit, beaucoup de rapport avec celui de Willis ; mais l’on doitapercevoir, à sa seule composition, que c’est un très-granddiaphorétique, et que c’est un de ces remèdes, ou qui soulagentsubitement ou qui tuent ; conséquemment, que c’est une arme qui ne doitpas être indifféremment entre les mains de tout le monde, et dont il nefaut pas faire usage dans tous les cas et dans toutes lescirconstances, comme le disent toujours les empyriques.

Le soufre combiné au sel volatil de succin et au sel volatil de vipère, a été un secret qui rentre dans la classe de tous ceux qu’ici nous décrivons.

L’éther, uni aux huilesessentielles, a été donné comme un remède recommandable dans la goutte.M. Durande, à Dijon, avait recommandé ce remède contre les obstructionsau foie et les pierres dans la vésicule du fiel ; je le crois un desplus puissans de la médecine pour changer et modifier l’économie, etsurtout pour remédier à la goutte qui dépend de la faiblesse capitaledu foie ; mais il demande à être préparé avec soin ; il est dégoûtantet très-irritant quand le mêlange n’est pas bien fait ; l’huileessentielle de térébenthine doit être parfaitement rectifiée, ainsi quel’éther ; alors le mêlange est parfait. On commence par préparer sonmalade à l’usage de son remède par trois ou quatre bains, à la suitedesquels on fait quelques frictions sur toute la peau. On commence pardonner vingt-cinq ou trente gouttes de ce mêlange ; on ajoute dansquatre cuillerées d’eau, dans lesquelles on a dissous un jaune d’oeufet beaucoup de sucre ; on avale le mêlange, et un instant après onprend quelques cuillerées d’eau sucrée chaude. Ce remède, qui sembledevoir être irritant, finit par procurer de tems en tems des fontes debile ; il donne au foie plus de ton et plus d’énergie : on en a retiréun grand avantage dans le rhumatisme et dans la goutte chronique.D’autres n’ont employé que la liqueur minérale anodine d’Hoffman.

Les huiles essentielles de menthe poivrée, d’absynthe, ont été donnéesà cinq, six et huit gouttes dans les cas où la goutte produit desdéfaillances qui pourraient faire craindre la mort.

Les minéraux sont uneclasse de remèdes qu’on a également administrés dans la goutte ; etDussault regardait, comme un remède préservatif et capital, l’éthiopsmartial uni à la canelle. On joint même cet éthiops martial avec unequantité double de soufre, avec des fleurs martiales de sel ammoniacalet avec l’éther : on fait encore des combinaisons ultérieures avec lesteintures amères résineuses, telles qu’elles sont dans l’élixir suédois; on mêle le tout avec le syrop des cinq racines, et l’on donne chaquejour une petite dose de ces préparations martiales.

Les martiaux ou ferrugineuxsont, de tous les minéraux, ceux qui ont le plus d’analogie avecl’économie ; néanmoins, comme tous les minéraux, ils portent à latranspiration insensible, parce que les minéraux n’ayant pas d’analogieavec les animaux, lorsqu’ils sont introduits dans l’économie, ils latraversent, ils entraînent par l’insensible transpiration leshétérogènes, et cela s’opère d’autant plus facilement que l’on joint àces minéraux des remèdes qui les volatilisent et leur donnent des aîlespour traverser l’économie.

Le mercure a été donnéet dans l’économie, et à sa surface et sous toutes les formes, contreles affections goutteuses et rhumatisantes. On a donné des pédiluvesavec le sublimé : nous en avons parlé précédemment.

Le mercure doux à dosede cinq grains, et même jusqu’à sept et huit, mêlé à un grain d’opium,est le remède favori d’un médecin célèbre de Londres, contre la goutte,et surtout contre le rhumatisme : il continue l’usage de ce remède,jusqu’à ce qu’il excite un peu de salivation, et à ce moyen guérit lesrhumatismes les plus opiniâtres. Un autre médecin célèbre fait donnerdes frictions d’onguent mercuriel dans le rhumatisme opiniâtre desmatelots, ainsi que dans le rhumatisme des ouvriers, qui travaillent leplomb. Dans les sciatiques commençantes une friction d’une demi-onced’onguent mercuriel, sur toute l’extrémité et sur le trajet du nerfsciatique, soulage du jour au lendemain ; mais il reste un sentiment depesanteur et d’insensibilité dans toute l’extrémité, qui, en peu dejours, se dissipe.

L’éthiops mercuriel uni à l’éthiops martialet à d’autres remèdes, tels que la résine de gayac, broyée avec del’alkali volatil concret, est un mélange dont on a fait un secret commede beaucoup d’autres mélanges semblables.

Les antimoniaux, ou seuls ou mêlés aux remèdes précédens, ont été tantôt publiés, tantôt administrés comme de grands secrets.

L’antimoine crud de Hongrie,constitue les tablettes antimoniales de Kunkel, et ce remède pris tousles jours avant le repas à dose de trois ou quatre grains a dissipé desaffections dartreuses, rhumatismales et goutteuses. Il faut en usertrès-long-tems.

La chaux d’antimoine a été appelée antimoine diaphorétique, et a fourni la base d’une foule de secrets.

L’émétique ou le tartre stibié,a été uni aux terres absorbantes, et est devenu moins émétique : c’estle secret de la poudre de James, dont les Anglais ont fait long-tems etfont encore un usage presqu’immodéré. L’ipécacuanha mêlé à l’opium estle secret de la poudre de Dovar. L’émétique uni à l’opium devient plussudorifique et diaphorétique que vomitif. On a fait de ces remèdes descombinaisons multipliées. Ainsi Vogel a mêlé la teinture antimoniale àl’extrait d’aconit. Ainsi Fottergill a mêlé le vin stibié avec lelaudanum liquide, avec le sublimé et des eaux aromatiques. D’autres ontmêlé le kermès à l’extrait de scille et à la teinture de gayac, avec lesel animal volatil. On sent que l’on peut multiplier jusqu’à l’infinitoutes ces sortes de combinaisons, mais qu’on ne doit le faire que pourremplir des indications qu’on aura bien cherché à saisir, et qu’aprèss’être pénétré de ce principe, c’est que les minéraux sont les ennemisde l’économie animale, et que si, sous un rapport, ils sont salutaires,sous un autre ce sont des poisons. Ils doivent transverser l’économie,et ils le font d’autant mieux qu’ils sont réduits à une ténuité presqueélémentaire, ou qu’ils sont joints à des matières qui sont volatiliséespar la chaleur animale. D’après ces données on ne s’égare point avecl’empyrisme, et même on s’en sert en le mettant à sa juste valeur.

Les élémens, la lumière, l’air, la chaleur,sont les plus grands moyens de modifier l’économie, et l’on a vu par leseul changement de climat ou d’habitation cesser le rhumatisme et lagoutte ; l’on a vu aussi des hommes presqu’expirans à la suite d’accèsfréquens, n’en éprouver aucun après avoir passé la ligne ; et à leurretour redevenir, comme ci-devant, sujets à cette maladie.

Je finirai par ce que j’ai dit dans le cours de cet ouvrage, que l’onse rendrait maître de cette maladie, si l’on pouvait l’être de latranspiration insensible.

FIN.