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CELOS, Georges(1870-1939) : Le Pain brié.-Paris : Henri Jouve, 1910.- 84 p.-[5] f de pl. ; 19 cm.. Saisie du texte : S. Pestel pour la collectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (06.IX.2012) Relecture : A. Guézou Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros]obogros@lintercom.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusionlibre et gratuite (freeware) Orthographe etgraphieconservées. Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx: 7594). ~*~A MA FEMME ADORÉE, En souvenir du Circuit du Pain Brié (1909). Ce livre est le premier d’une série qui pourrait être intitulée : «Heures de Grandes Routes et de Bibliothèques », dans laquellej’étudierai des choses observées par nous ensemble, sur la Route, oùnous nous sommes tant aimés. A côté des spectacles admirables de la Nature à toutes les heures dujour et de la nuit, l’auto a révélé, à ceux qui aiment la Route, descoutumes, des particularités ethnologiques valant la peine d’êtreregardées avec attention. Nous en étudierons quelques-unes. Peut-être même est-il réservé à l’auto de faire connaître à ses fidèlesces « péchés nouveaux à découvrir » dont a parlé Swinburne. En aéro, onest trop près du ciel pour cela. Il est vrai que, souvent, ceux qui prétendent qu’il n’y a plus desujets inexplorés, disent aussi que les automobiles sont des gens quivont trop vite pour voir quelque chose. Il y a douze ans que j’entends cela. SOUVENIRS. En 1899, alors que j’étais interne à l’Hôtel-Dieu de Paris, j’allaisquelquefois, pendant les vacances, passer la soirée dans ma famille àBernay de l’Eure. Je franchissais, pour cela, quarante lieues de routeavec un tricycle automobile de Dion-Bouton, dont je me sers toujours,et je repartais le matin à 4 heures pour Paris. De ces rapides voyages,je rapportais régulièrement deux pains « briés » dans ma sacoche. Or,un jour que je mangeais de ce pain à la salle de garde, mon collègueCaubet, aujourd’hui chirurgien des hôpitaux de Toulouse et professeur àla Faculté de cette ville, me fit cette remarque : « Tiens, tu as dupain espagnol. » Je lui répondis que ce pain venait de Normandie. Il medit alors qu’en Espagne, on faisait du pain analogue au mien et nousallâmes vers des malades. Pendant nos repas-à-l’affaire-Dreyfus, nousavions beaucoup à dire, et l’on oublia mon pain. En écrivant ces lignes, il m’est impossible de ne pas évoquer mesretours à Paris ; la salle de garde où, dès l’heure du « chocolat »,nous nous arrachions les journaux et commencions à discuter sur l’ «Affaire », le tumulte des voix au milieu duquel j’arrivais, les yeuxencore pleins de lumière des aurores d’août, la réunion matinale descollègues, leurs réflexions sur l’incompatibilité de la chirurgie et del’automobile (1), le service hospitalier succédant pour moi aux heurespendant lesquelles j’avais roulé, dans le ronflement du moteur ; et,par-dessus tout, je me souviens, douloureusement, de mon ami RenéFollet qui me parlait des dangers de la glorieuse poussière des routeset qui devait, peu après, mourir, dans de cruelles circonstances, d’unemaladie qu’il avait contractée auprès de ses malades. J’envoie à cettefigure, si tôt disparue, victime de son dévouement, le souvenir émud’un camarade qui ne l’oubliera pas. J’avais été frappé de la réflexion de Caubet. Il ne me parut pas que cefût l’effet d’un pur hasard que du pain de Normandie ressemblât à dupain d’Espagne ; je pensai que, si leur aspect était semblable, c’estqu’ils avaient une origine commune, que ce pain avait été porté d’unpays dans l’autre. Nous verrons, dans cet ouvrage, ce qu’est le « pain brié » et s’il est du pain espagnol. J’avais attendu dix ans pensant pouvoir confirmer certaines hypothèsesà ce sujet, car il n’est pas mauvais d’en faire, quitte à lesabandonner, si on les reconnaît fausses dans la suite, mais je n’ai pasfait les voyages nécessaires pour cela, ayant exploré la belle France,plutôt que les pays étrangers. Les renseignements que j’ai eus sur lepain espagnol sont tous dus au Dr Caubet, que je remercie vivement.Pour le pain brié de Normandie, j’avais écrit à plusieurs personnes,parents, docteurs, amis, qui m’ont aimablement répondu. Qu’ils trouventici mes vifs remerciements. Mais leurs renseignements ne répondaientpas à ce que je voulais savoir de spécial sur le pain brié. C’estpourquoi, pendant les vacances de Pentecôte de 1909, nous avons résolu,ma femme et moi, d’aller en Normandie, dans le pays même, étudier laquestion. Ce voyage, véritable « circuit du pain brié », accompli dansun pays ravissant, le Calvados, avec la fidèle R de Dion-Bouton, quinous a permis de parcourir tant de pays depuis bien des années,promettait d’être charmant. Mais, dès le premier jour, nous eûmes untemps abominable et le « circuit du pain brié », effectué sous unepluie battante, avec un vent furieux, par des routes pleines d’eau,ressembla bien plutôt à de la navigation qu’à du tourisme automobile.En ces moments, les routes sont, comme Pascal aurait pu le dire, desfleuves qui ne marchent pas. Et il nous en reste le souvenir de villessous la pluie, Lisieux, Falaise, Caen, Honfleur, si joliment situées,si pittoresques, auxquelles il ne manque, pour être des villes de rêve,que du soleil. (1) Les choses ont changé et il y a aujourd’hui des internes qui ontleur portrait en « chauffeur » dans les salles de garde. Mais en 1899,les médecins regardaient l’auto d’un œil hostile. On ferait – je ferai– un livre sur ce que j’ai entendu dire à cette époque. On se figuremal de nos jours avec quelle difficulté certains médecins ont comprisl’auto. Il y en avait qui touchaient à du pus ou se mettaient lesdoigts dans des liquides virulents, qui auraient considéré comme trèsseptique de toucher à une auto. Depuis, un mémoire de Fieux et Sabrazès(de Bordeaux) a montré la fausseté de cette idée. Chez un constructeur, j’ai, dès 1899, appris les propriétéscicatrisantes des huiles minérales dont les autos sont commeimprégnées, et surtout du pétrole ordinaire. Les employés se lavaientleurs blessures avec du pétrole à lampe et jamais ces plaies, encontact avec du cambouis, de la terre, des graisses minérales, nes’infectaient. Depuis j’ai constaté que (sur de petites plaies dumoins, n’ayant pas essayé cela sur de grandes) le pétrole fait mieuxque les antiseptiques ordinaires, grâce à son pouvoir décapant, à sonaction microbicide et en outre, il m’a paru être un analgésiqueremarquable, contrairement à ce que l’on croit, que « ça brûle ». Maisce n’est pas à la Faculté que j’ai appris cela. Je ne parle pas de l’essence dont on se sert comme carburant et qui est caustique sur les plaies. ~ * ~ LE PAIN BRIÉ _______________ ÉTYMOLOGIES. Après le pain, l’éducation est le premier besoin du peuple. DANTON. Les Parisiens, qui passent l’été dans le Calvados et surtout sur lacôte entre Honfleur et l’embouchure de l’Orne, remarquent, dans lesboulangeries, un pain inconnu à Paris, d’aspect dur, doré, à la miecompacte et les personnes, qui n’en ont pas l’habitude, le déclarentsouvent mauvais ou sans sel, ainsi que je l’ai entendu dire plusieursfois. Ce pain est le « pain brié ». Il nous semble que telle doit être l’orthographe de ce mot. On latrouve ainsi mise dans les dictionnaires, et récemment encore dans Marie, fille-mère de Mme Lucie Delarue-Mardrus. Cependant, j’ai vu écrire brillié. C’est, je pense, une erreur. Que signifie, en effet, ce mot ? D’après un boulanger, ce serait unealtération de Briqué, pain dur comme de la brique, à cause de laconsistance de sa croûte, mais ma grand’mère, qui habitait Honfleur,m’a dit, il y a longtemps, que ce pain s’appelait ainsi parce qu’ilétait travaillé avec un « brion ». Si nous ouvrons les dictionnaires, nous voyons qu’ils sont plutôt secsau sujet du pain brié, ce qui s’explique par la rareté de celui-ci etpar le fait qu’il n’y a, d’après mes recherches, aucun ouvrage à sonsujet (1). Le nouveau Larousse dit : « Le pain chaland, appelé aussi pain broyé ou brié (2), ne se fabriqueplus guère aujourd’hui. C’est un pain de fine farine, dont la pâte estpétrie avec le plus grand soin. « Brier (v. a.). – Donner la dernière façon à la pâte en se servant de la brie. « Brie (3) (rad. Brier, pour broyer). – Barre de bois, qui sert auvermicellier, au boulanger et au pâtissier pour donner la dernièrefaçon à la pâte. Le Dictionnaire du patois normand tel qu’on le parle dans l’arrondissement d’Alençon, par Ch. Verel, in La Normandie artistique et littéraire, 1898, dit : « Brié. – Se dit du pain dont pâte a été passée à la Brée ou Broye (Bocage). » Lacurne de Sainte-Palaye* (4) (t. III, p. 113 :) « Brayer. – On dit brayer le pain pour le pétrir. » Moisy* : « Brié (pain). – Pain à croûte dure et inégale, à mie compacte, dont la pâte a été pétrie avec la brie. » « Brie (s. f.). – Appareil servant à pétrir la pâte, à l’usage desboulangers et des personnes qui, à la campagne, font elles-mêmes leurpain. » La brie portait au XVe siècle le nom de Broie, du bas latin « brayia », ou « broia ». Le pain brié nous apparaît déjà comme ancien, mais c’est surtout le savant Du Cange* (t. I, p. 765) qui va nous renseigner : « Brayia. – A désigné d’abord une sorte de grain (5). Puis on en fit le nom d’un filet à pescher poissons. « Brayon et Breyon dixerunt nostri instrumentum quod aliquid tunditur,teritur, vel subigitur... Ung Brayon à broyer chanvre ; quod NormanuisBrie, Picardis Brayoire, alibi Maque vel Macachoire dicitur. « ... Ung baston appelé Brayon à fouasse... Ung breyon, autrementappelé un grant barre de boys, de quoi on braye la paste à faire lepain. (Litt. remiss. ann. 1451, in Reg. 181, ch. 73. – Unde et Broie nuncupatur, inLitt. remiss. ann., 1403, ex Reg. 158, ch. CCLI : Lequel Savote frappaledit Mariac par la teste et tellement qu’il l’abaty sur une Broie àfaire gasteaux. – Ubi tamen mactra intelligi potest. » Moisy* dit (p. 87 et 91) : « Braie ou Brie, instrument servant à broyerla tige du chanvre et du lin (pour en avoir la fibre textile). » Nous avons vu que l’acte de se servir de la brie s’appelait brier. On bria du lin, du chanvre et du pain, longtemps. Moisy* : « Brier (v. a.). – Pétrir la pâte avec la brie. En vieuxfrançais : Brayer ; anglais : To bray, broyer, piler ; en bas latin :breiare. » « Broyer ou brier du lin (du goth. Brikan rompre). » (Dict. de Oudin et Cotgrave.) On employa des femmes pour ce travail, même : « Le 14 février 1554, je baille à Danielle, 3 sols pour six journées qu’elle a esté céans à brier du lin » (in Moisy*, p. 91). Le sieur de Gouberville, qui notait cela dans son journal, n’étaitvraiment pas très généreux. Cette pauvre Danielle aurait gagnéprobablement plus à faire des petits pains. Du Cange* (t. I, p. 767) dit : « Breiare : Pinsere. Gall. Broier lepain, vel ut alii efferunt Breier. Bernardus Mon. (in Consuet.Cluniacens. mss.) Qui vero nesciunt tornare, postquam bene apparaveruntpastam, dant eam famulis ad tornandam. Similiter illi qui Breiant nonapponunt os ad psalmodium, ne forte de saliva quid saliat in massam. » Dans l’antiquité, on avait aussi une forte crainte que les esclaves necrachent, volontairement cette fois, dans la pâte. Car, pour les enempêcher, on leur mettait une muselière qui serait quelquefois bienutile de nos jours pour certaines cuisinières (cf. Daremberg*, au motPistor, t. IV, p. 496). Cependant Daremberg ne parle pas de la Broya parmi les ustensilesantiques de la boulangerie. Il n’en est pas non plus question dans le Manuel des antiquités romaines de Mommsen et Marquardt. Gébelin (Dict. Etym. de la langue latine, 1re partie, p. 185) : « Bro (latin dérivé du celte). – Désigne la propriété des animaux de se nourrir, de manger. Gébelin* : « Brisoir. – Instrument à briser le chanvre. – En Langued. : Brise, miette. Ital. : Bricia, miette (p. 191). « Brw. – Mettre en poussière, briser. « Broie. – Lat. barb. Broia, instrument à briser le chanvre. – Irl.Bren. : piler, broyer. – Bas. bret. Braw, brew. : meule qui écrase. –Brifer : mettre en pièces, manger goulûment. – Espagnol. Brivaco :morceau de pain. – Lat. barb. Bricia : morceau de pain. – Gall :Briwion, rognures, miettes. – Briwo : mettre en pièces (p. 190). Boissière (Dict. anal. de la langue fcse. « Brife. – Synonyme de pain (p. 169). » « Brier. – Battre, écraser (p. 1080). » Il y a encore à Paris la rue Brise-Miche, dont le nom me paraît venir de là (v. p. 73). Ces considérations étymologiques, fort ennuyeuses, sont cependantnécessaires dans un sujet comme le nôtre. M. Renan les affectionnaitquand il était à la campagne (cf. Barrès. Huit jours chez M. Renan, p. 25.) Pour comprendre un organe, il faut en étudier l’embryologie, et il nous faudra recommencer ces exercices un peu plus loin. Maintenant nous sommes un peu renseignés. Le brion (appelé aussi brie,brée, brayon, breyon, broie, braie), engin mystérieux, nous apparaîtcomme un outil usité depuis longtemps pour pétrir la pâte, c’estl’ancêtre de nos pétrisseuses mécaniques. Voici ce que dit Favrais*,page 53 : « Le premier appareil qui fut honoré du nom de pétrinmécanique et qui n’était en réalité qu’un outil tout primitif destiné àbriser et à terminer la pâte et que l’on commençait avec les bras (sic).C’est ce qui est encore usité dans les pays à pâte ferme, où l’on broiela pâte, après l’avoir pétrie, au moyen d’un long morceau de bois fixéà un chevalet. Cette invention était due à Giovanis Branca. » Vient ensuite, à la ligne, la description du pétrin Bréga, cylindrefixé par une charnière au plafond, au-dessus d’une table et servant àécraser la pâte par un mouvement de va-et-vient. Je pense que c’est decet appareil que Giovanni Branca est l’inventeur, d’après ces lignes,et non de la brie, comme on pourrait le croire, d’après ce qui précède.Il ne serait pas possible que Branca fut l’inventeur de la brie, carnous avons vu qu’en France, au XVe siècle, elle était déjà très connue,alors que le grand architecte italien vécut de 1571 à 1640. Or, de nos jours, le pain brié est fabriqué dans tout un département,le Calvados, et pour le faire on ne se sert que du brion. Ce pain etcet instrument ne sont donc pas tombés en désuétude : enfin la brie estencore employée pour faire la pâte à vermicelle. Malgré mes recherches,je n’ai pu trouver l’époque où fut commencé l’usage de la Broia. Il estprobable que c’est en France qu’elle prit naissance et cela, de mêmeque le mot Breiare, vers le commencement du moyen âge. DE L’HÉBREU QU’ON NE S’ATTENDAIT PAS A VOIR ICI. Tous les mots, assez récents en somme, que nous venons d’éplucher,reposent sur une racine commune : Br, ou Bra, Bro exprimant l’idée debroyer, d’écraser. Mais allons plus loin et remontons aux languesmères. Cherchons ce que veut dire cette racine. C’est là que nousallons tomber dans l’hébreu, j’allais dire dans le pétrin. Car voici ce que nous trouvons : « Br. (Bar, Bôr. Les points voyelles n’ont aucune importance dans cesquestions). Blé, grains ; racine évoquant l’idée de créer », dit le Dict. hébr.-fr. de Sander et Trenel, p. 79. C’est, en somme, le Celte : « Bor, qui signifie froment, blé, la production par excellence » (Gébelin*, p. 136.) En breton, le pain se dit : Bara. Ce mot, le second de la Genèse, veut dire en hébreu : Créa. « Une variété de Far (6)propre à la Gaule (parmi les céréales) est la Brace ou Sandala », ditDaremberg*, t. IV, p. 498. Cette Brace me paraît avoir la même racine. « Le mot Brais (Brace ou Sandala) (Du Cange*, Brace, t. I, p. 753),signifie, en Flandre, toute espèce de blé servant à faire la bière. »Le mot est au Cartulaire de Saint-Wandrille, 1282. (Cf. Lacurne*, t.III, p. 105.) Il faut rapprocher de ce mot, le fcs. Brance, sorte de froment très pur. (Lacurne*, t. III, p. 107.) « Bran, son de farine, dit Gébelin*, page 193. Anglais : Bra. » D’où, suivant nous du moins, Bread, pain. Nous ne pensons donc pascomme Moisy, qui dit, d’après Cotgrave, que Brioche et surtout Breadviennent de Brier. Car brié est un qualificatif, tandis que Bread estle nom générique qui s’applique à plusieurs espèces d’une choseusuelle, le pain. On ne dit pas : un brié, mais un pain brié. On dit enanglais : English Loaf, mais c’est encore du Bread. A côté est Brioche, mot intéressant : « Pain fait avec des œufs et dubeurre. Celte : Brach, graisse, beurre. Gall. : Brechdan, pain etbeurre. Lat. barb. : Bracellus, gâteau. Bas Bret. Bras, graisse,beurre. Hébreu : Bria, gras (7) : (Gébelin*, p. 195). » N’oublions pasque dans l’antiquité, on mettait de la graisse, de l’huile dans le painet à Venise, on fait encore du pain brié à l’huile, pane con olio. En outre, les brioches, telles qu’on les fait en Normandie, ontabsolument la forme ronde avec des divisions partant d’une portioncentrale ou tête, plus ou moins saillante, et sont aplatiesautour, comme les pains antiques trouvés à Pompéi. C’est la brioche qui sert dans les églises chic à donner le pain bénit. * * * Tous ces mots tiennent à la racine hébraïque כך, Br : « Un fruitquelconque, dont le germe contient eu puissance l’être même qui l’aporté... En style hiéroglyphique, c’est le rayon du cercle, duquel naîtla circonférence dont il est la mesure. » (Nous verrons l’importancedes pains briés ronds)... – ou « Bar (rac. comp.) : Toute idée dedistinction, d’éclat, de la pureté. Dans un sens restreint, le froment.» (D’Olivet*, t. I. Racines, p. 22.) En somme, dans ces étymologies, nous voyons ce fait intéressant qu’endiverses langues le mot « brié » (comme ses dérivés) possède la mêmeracine que ceux qui ont signifié, bien avant, dans d’autres langues, lepain, le grain, la farine. Les mots qui désignent le produit naturel etl’acte par lequel on en fait un aliment s’élèvent sur les mêmesracines. Il est très intéressant de trouver cela à propos du pain brié.Cela seul suffirait à montrer qu’il s’agit d’un pain ancien. Mais voicipourquoi. Que serait pour l’homme, le blé, si on ne le transformait pasen pain ? Avant d’écraser le blé, l’homme le mangeait en le broyantavec ses dents, puis il le fit griller pour en faire des galettes etquelles ! Tout cela ne constituait pas pour lui des aliments. Il n’estpas fait pour manger du blé comme les rats ou de la farine comme lesvers. Il faut, pour qu’il s’en nourrisse, qu’ils soient travaillés,briés. Aussi la racine du mot blé dans les langues anciennes et celledes mots qui comportent le sens de briser, broyer, en des langues plusrécentes, sont-elles semblables, ne forment qu’une. Voir la racine Br avoir successivement, en plusieurs langues, le sensde créer (en hébreu B, R impliquent une idée de création, decommencement), de froment, de blé ; puis de détruire, d’écraser,broyer, c’est retrouver, sous une forme hiéroglyphique, l’axiomebiologique : La vie, c’est la mort. Car toute idée de création impliquecelle de destruction, ou plutôt de transformation. C’est dans ce sens que nous comprenons que Bread et Brié soient deuxmots dérivant l’un de l’autre, mais Brié dérivant de la racine de Bread. BOULANGERIE. Voyons maintenant comment on fait le pain brié. On prend de la farine et de l’eau, comme pour les autres sortes de painet on les travaille d’une manière spéciale, mais je crois qu’il y ajustement là un tour de main auquel tout le monde n’arrive pas et surlequel les boulangers m’ont paru être très réservés. Pour qui connaîtle Calvados, les boulangers d’une région ne savent pas faire le painbrié semblablement et à Caen, par exemple, on ne fait pas le même qu’àHonfleur. La fabrication de ce pain est longue, dure. Il faut six heures pour faire une fournée de pain brié (8). Dans la pâte, de farine et d’eau, on met très peu de sel, quelques boulangers n’en mettent même pas du tout. La différence, entre la fabrication de ce pain et celle du pain dit de Paris, consiste surtout en ceci : On se sert de levain (et nonde levure), c’est-à-dire d’un morceau de pâte préparée pour faire dupain et qu’on laisse surir un ou plusieurs jours. On met plus de levaindans ce pain que dans le pain ordinaire. Il faut, en outre, faire unepâte très ferme (9). Cette pâte, aussitôt pétrie, est pilée ou briée. Jadis, il fallait quele boulanger la pétrisse avec le coude, ce qui était plutôt pénible etmalsain, s’il avait un psoriasis. Puis on imagina de la piler avec les pieds ; dans les fermes, on faitencore ainsi. A Dozulé, où le pain est d’un grain bien plus serré qu’àCaen, les hommes ont des sabots bien plus grands que des sabotsordinaires et qui ne servent qu’à fouler le pain. Ils les chaussent etdescendant dans le pétrin, foulent, écrasent avec, la pâte qui est, ensomme, « hourdée ». On s’est servi encore de pilons (10), mais le plus souvent, on emploieune machine appelée brie ou brion (11). Sur une table, parfois d’unseul morceau, madrier de 70 centimètres, sur 90 centimètres, et de 25centimètres d’épaisseur (environ), est fixé un levier en bois retenupar une charnière. C’est la grant barre de boysde 2 ou 3 mètres de long qui dépasse de 2 m. 25 environ la table. Cettebarre est le brion, qui a donné, par extension, son nom à l’ensemble del’appareil. Un homme tasse la pâte à proximité (autrefois à cheval surle brion, il ramassait sans cesse la pâte en dessous) tandis qu’unautre homme levant et baissant alternativement l’extrémité du brionopposée à la cheville, écrase à chaque fois la pâte de toutes sesforces. L’habitude fait juger quand la pâte est assez écrasée, briée. Saint-Amand dit même que, de son temps, on combinait les deux manières: « L’ouvrier, après avoir placé la pâte à l’un des bouts du pétrin,marche dessus avec de gros sabots et l’aplatit de son mieux ; on lacoupe ainsi par morceaux de 30 ou 40 livres et on la porte sur la brie.» La pâte, mise en forme de pain, est levée pendant une heure et demie àdeux heures et demie, jusqu’à ce qu’on la juge assez levée. La chosedépend beaucoup de la température du fournil. Le four a besoin d’être plus chaud que pour le pain à pâte tendre, faitavec de la levure. La cuisson demande environ une heure par pain de 3kilogrammes. A travers le Calvados. On obtient, à la suite de ce traitement, un pain pesant, compact, àcroûte épaisse, à peine crevassée, lisse et douce au toucher, à bordsnets et presque tranchants, de couleur allant du jaune clair dans lesparties minces cédant sous le doigt, au brun foncé dans les autres. AHonfleur, on donne aux parties de la croûte, molles et jaunes, le nomde baisures du pain. Lorsqu’il est frais, il arrive que, dans lesfamilles, les enfants dévorent ces parties avant que le pain ne soitentamé, aussitôt qu’apporté. Pour compter les pains fournis dans lemois, le boulanger fait des encoches sur les côtés d’une taille,branche de bouleau ou de coudrier fendue en deux. Les tailles portentle nom des clients et sont suspendues chez les boulangers ou dans lescuisines. Lorsqu’on veut étudier ce pain, il faut voir les boulangeries àcertaines heures, quand le pain sort du four ; sans cela, on manque deschoses intéressantes. On ne peut s’imaginer, sans les avoir vues, ces boulangeries duCalvados, le matin, au moment où le pain sort du four. Chacun porte unpain brié ; dans les rues, les femmes ne font attention à rienlorsqu’elles ont de gros pains sous les bras. Fâcheuse rencontre, pourun conducteur, une grand’mère qui porte un pain frais de douze livres.La trompe, la sirène la laissent inattentive. Dans les boulangeries,c’est une odeur exquise de pain frais qu’on ne sent que dans leCalvados, le meilleur des apéritifs avec quelques lieues de granderoute, et les choses ont bien changé depuis que Saint-Amand* écrivait :« En général, les Normands n’entendent rien à la fabrication du pain. » Ce serait, d’ailleurs, une erreur de croire que le pain brié seressemble dans tout le Calvados, un des grands départements. A ce pointde vue, nous pouvons le diviser par une ligne Nord-Sud (12), allant deCabourg à Morteaux-Coulibeuf. La région située à l’Est fait duvéritable pain brié, à mie très serrée, à croûte très dure (Honfleur,la côte, Lisieux, Saint-Pierre-sur-Dives, Dozulé, Dives.) Cette région,si pittoresque, parcourue par des routes charmantes, délicieusementombragées, chère Normandie, dont les vallées sont, au printemps,d’admirables jardins fleuris à travers lesquels, somnolents, lesbestiaux promènent leurs longues rêveries, – le veau dort, et toujoursdebout, – me paraît être la région où l’on fait et où l’on mange levéritable et le meilleur pain brié. La région située à l’Ouest en fait aussi, mais on peut appliquer àcelui-ci la formule que Brummel employait vis-à-vis du pardessus d’unde ses amis : « Ils appellent ça du pain brié. » En approchant de lavallée de l’Orne, il se modifie et n’a aucun rapport (Condé, Falaise,Vire, Caen) avec le pain brié d’Honfleur. A Falaise, la mie est pluslégère, aérée ; à Vire, elle est grasse, onctueuse, durcit moins vitequ’à Honfleur et ne s’effrite pas. Bayeux fait un pain dur, à mie aérée qui absorbe l’eau plus vite que celle de Lisieux par exemple. Souvent la mie de ces pains est très semblable à celle du pain de luxe.Aussi, dans la région Ouest du Cavaldos, on ne voit partout que despains briés fait au brion. Une fois, nous étions à la porte du pèlerinage de la Délivrande, la voiture était arrêtée au-dessus d’un morceau de pain brié. La croûte diffère aussi comme aspect et couleur. La région Est la faitlisse, dure, marron clair ; moins foncée à Honfleur qu’à Caen, plusclaire à Drucourt, Pont-Audemer qu’à Honfleur. A Orbec, la croûte desgros pains briés ressemble à celle des pains de ménage, non briés. L’autre région fait une croûte un peu plus lisse que celle du painordinaire, crevassée. Parfois très claire, elle est plus souvent (Vire,Condé) cuite jusqu’au noir, qui fait paraître plus blanche la mie quisort des baisures. La couleur du pain brié va en s’accentuant à mesure qu’on avance dansle Calvados, comme s’il prenait la teinte des routes ; claires dans levoisinage de l’Eure, et dont la terre se fonce à la teinte de la briqueque l’on fait du côté de Falaise, des roches granitiques qui bordentles vallées vers Condé-sur-Noireau. Le goût est également différent. Mais surtout ce sont les formes qui varient. Nous verrons que la régionEst – que nous définirons géographiquement : Vallées de la Touques, dela Dives – fait des pains de formes très définies et dont certainessont spéciales, tandis que dans la région Ouest : Vallées de l’Orne, dela Seulles, de l’Aure, de la Vire, on trouve les formes ordinaires. Larégion Est, pays du pain brié, nous servira pour notre étude. C’est sonpain que nous avons pris pour type. * * * Le pain brié se rompt très facilement, aux endroits irréguliers. Coupé,on voit une mie serrée, presque sans trous et pas aérée. Il n’a pas cetaspect spongieux des autres pains qui tient à l’action de la levure.C’est autant à la manière dont il est peu levé, au levain, qu’à l’usagede la brie, qu’est due sa consistance. Cette mie est très blanche, mais sa couleur varie avec les villes ouplutôt avec les formes. Honfleur m’a paru faire la mie la plus blanche. Plus le pain est brié, plus il est blanc. Abandonné à lui-même, ce pain, lorsqu’il est gros, peut se conserver,sinon frais, du moins tendre pendant huit ou dix jours, suivant lesprécautions que l’on prend. Les « manchettes » durcissent vite, comme les pains petits. En unesemaine, ils sont durs comme du bois ; plus tard il faut les casser àla hache comme du biscuit de mer. Rappelons qu’Honfleur a fabriqué, lors des pêches à la baleine, dubiscuit de mer pour les équipages des voiliers qui partaient pourlongtemps. On en fait toujours, moins qu’autrefois. Or le biscuit demer (ou de soldat) est fait au levain, et la pâte en est briée. (Encycl. Roret. « Manuel du boulanger », p. 567.) Le pain brié sur lequel on se jette lorsqu’il est frais devient moinsappétissant lorsqu’il est rassis. Puis, il subit des fermentations quipeuvent le rendre moins hygiénique (f. lactique) son goût change,devient comme aigrelet. Plus tard, des moisissures verdâtres qu’il me semble inutile d’injurieren latin, se forment dans les sillons du pain, surtout à la partieinférieure. Ces moisissures ne pénètrent pas loin. Elles croissent plusfacilement que sur le pain de Paris, ce qui doit tenir à la manièredont le pain brié est levé et à sa compacité, qui lui conserve pluslongtemps l’humidité. Ces moisissures ne paraissent pas lui donner de mauvaises propriétés.J’ai mangé du pain rapporté ainsi depuis trois semaines, ayant desmoisissures dans les sillons. Une fois ces parties enlevées, le painétait bon et sans inconvénient. J’ai toujours trouvé les mêmes moisissures sur du pain venant du même endroit. * * * Comme aliment, le pain brié ma paraît avoir une grande valeur. Je neferai pas ici de tableaux d’analyse, disant combien il contient dephosphates, de matières azotées, etc., tableaux que personne ne lit etcoûtent cher à imprimer. Tout cela est creux et ne vaut pas le faitd’en manger une bonne tranche. Je ne discuterai pas son goût. J’ai vudes Parisiens le trouver fade, et dire que sa mie, rassise, était commedu sable. Ce sont là des affaires d’appréciation. Ceux qui parlentainsi ne savent pas quels bons croûtons on fait avec du pain brié fritdans de la graisse ; et quelles tartines, avec du pain frais couvert debeurre salé, cuit au four. Les habitants du Calvados le trouventexquis. Dans beaucoup de fermes, on n’en mange pas d’autre et pour moi,je le préfère à n’importe quel pain. C’est peut-être parce qu’il a étépour moi le pain de la jeunesse et plus, le pain des vacances. C’est d’ailleurs depuis peu d’années qu’on s’est mis à le manger dansles maisons bourgeoises. Ma mère m’a dit que, dans son enfance, le painbrié était le pain des domestiques. Depuis, les maîtres se sont aperçusqu’il était meilleur que le pain de luxe. Le pain brié est très nourrissant. Il « bourre », surtout frais, et l’on dit communément qu’il est « lourd ». Ce n’est donc pas un pain léger, spécial pour aviateurs, comme il y en avait un au dernier salon de l’Aéro. On ne trempe la soupe avec que dans les fermes et il ne vaut rien pour les débiles. Le Normand, journal de Lisieux, 24 décembre 1881, dit : « Le pain était moins brié à l’hospice qu’en ville. » (inMoisy*.) On craignait donc ce pain pour les malades. je nerecommanderai pas aux dyspeptiques un dîner de homard, lièvre, foiegras, fromage de Pont-l’Evêque (ces gros fromages carrés que l’onignore itou à Paris), painbrié frais, cidre mousseux, le tout complété par de vieille « Calvados», comme on en fait dans cette vallée de la Touques, où les gensd’esprit assez rabelaisien, savent tourner spirituellement les vers etmettre une pointe de malice dans leurs compliments. Mais je ne croispas que l’usage du pain brié soit mauvais pour qui a bon estomac. L’eaupénètre dans les morceaux plus lentement que dans le pain ordinaire ;lorsque la mie est rassise, elle manque de liant, s’effrite facilementet doit subir la digestion mieux qu’une autre. Sa longue cuisson,malgré son épaisseur, devrait la rendre plus aseptique que dans le painordinaire, mais c’est de la théorie, cela... Dans le pays du pain brié, les gens sont solides et vivent vieux.Regardez ce calvaire de granit qui domine Villerville. Lors de sonérection, on avait cru être obligé de recourir à tout un attirail pourfaire gravir la côte à la pièce principale. Elle fut montée à bras parquatorze gars du pays ! Et dans les cimetières, vous verrez que les gens qui ont vécu plus dequatre-vingts ans ne sont pas rares. Cette visite des cimetièresnormands est parfois instructive. Dans celui de l’église Saint-Pierre,de Touques, il y a, sur la tombe d’Abraham Leloup, une inscriptionqu’il y fit placer par volonté testamentaire : « Il adora son Dieu -Aima son roi - Paya ses dettes. » Cela vaut les plus belles maximes de l’antiquité et méritait d’êtrerapporté à une époque où les tombes vivent à peine plus que les hommeset où bien des gens ne savent plus ce que cela veut dire, cesphrases-là. * * * Etudions maintenant la distribution géographique de ce pain. Parquelque route que l’on arrive dans le Calvados, on voit le pain brié,sitôt la limite franchie. Il y en a dans tout le département. Dans lesvilles, on le fait avec d’autres sortes de pain, mais dans lescampagnes, il n’y a que lui. Les fermes ont un four et les paysans fontdu pain brié en grosses miches, pain excellent, qu’ils absorbent avecune sorte de vinaigre qu’ils appellent du cidre. En somme, nous pouvons dire qu’on fait du pain brié dans le Calvados etlà seulement, sauf dans quelques villes voisines du département,situées dans les départements limitrophes : Le Havre ; Quillebeuf,Pont-Audemer, Beuzeville, Lieurey (Eure) ; Gacé, Alençon, Vimoutiers(Orne) ; Carentan, Périers (Manche). Nous pensons connaître assez la France pour pouvoir dire qu’autre parton ne fait pas de ce pain. Même dans les départements voisins del’Espagne, nous n’en avons pas vu. Dans la Bretagne, on ne le connaîtpas, et si on voit parfois du pain à mie un peu compacte ce n’est pasdu pain brié. A Quimper, cependant, on donne au pain ordinaire lesformes que nous étudierons plus loin, de manchette et d’amande. Desenseignes ainsi faites sont aux portes des boulangeries, mais on n’ytrouve pas de pain brié. FORMES. Les formes données au pain brié sont nombreuses, varient suivant lesvilles, et sont différentes suivant les deux parties que nous avonsindiquées dans le Calvados. Dans la région Est, elles se ramènent àtrois principales : formes en disque, couronne, amande. Nous lesverrons en détail, car nous aurons là l’objet d’études longues etvariées. Il ne s’y fait pas de pains briés longs en formes de cylindres aplatisen dessous, ou de gâteaux elliptiques très allongés, comme pour lesautres sortes de pains. Les formes du vrai pain brié sont courtes et serapprochent de la forme circulaire. Elles sont restées anciennes etsont géométriques, chose très remarquable. FORME EN DISQUE La forme la plus simple est celle d’un disque épais, sans partiesévidées, à face inférieure plate, à face supérieure bombée. Cette faceest décorée de lignes au nombre de quatre, comme si on avait traîné desdoigts dessus (Alençon), ou irrégulières (Orbec, Livarot). Saint-Amand* disait déjà : « On donne à la pâte la forme d’une boule,on l’aplatit en rond à l’épaisseur de 3 pouces et l’on obtient ainsi cequ’on nomme le pain brié, à la mode, dont la mie est compacte,facilement friable, nullement légère et très nourrissante. La croûte ena bonne mine, mais elle est d’une dureté extrême. » C’et une forme usitée d’ailleurs un peu partout pour le pain de ménage. Des gros pains ronds avec des trous en dessus se voient à Trouville.Les parties supérieures et inférieures sont séparées par un sillon. Desformes analogues se voient à Vire. Ces pains ressemblent à l’animalnommé tourteau, gros crabe des côtes de la Manche (fig. VI.) Il y a un pain semblable, devant la main gauche du Christ de Léonard à la Cène de Milano. Une autre forme : Le pain est rond, son pourtour est divisé par desincisures, en lobes comme les pétales d’une fleur, le plus souvent parquatre. Dans toute la région Est du Calvados, on trouve des pains d’unelivre ayant la forme d’une boule dont la partie supérieure est diviséepar deux lignes en croix produisant quatre coins pointus sur le pain.L’ancienne Italie faisait du pain rond entaillé ainsi, en quatresegments, quadra panis. (Manuel des Antiquités romaines de Mommsen et Marquardt, t. XV, p. 42.) Celle-ci, plus complexe, se voit à Bayeux : Des pains ronds ont unepartie centrale, ronde, qui est saillante, mais ne déborde pas. Il y adessus des trous faits avec une fourchette et des lignes. On a commedeux pains ronds concentriques superposés, séparés par un sillonprofond. Celui du dessus couvre l’autre comme un champignon ; on diraitun gâteau coiffé d’un béret. Honfleur fait aussi des pains ronds avec une partie saillante centrale.Le tout ressemble à un potiron. Nous voyons apparaître ici la partiecentrale, qui joue un rôle très important dans cette forme de painbrié. Elle se modifie diversement suivant les pays. A Dozulé, le cercle extérieur porte de grosses cannelures verticales,arrondies, qui sont répétées sur la partie centrale saillante, àl’intérieur de laquelle est une dépression en forme de cuvette. Cespains sont très gros, très beaux. Leur forme rappelle un turban, oucertains potirons, dits Tête de Turc (fig. IV.) On verra des pains antiques analogues dans Daremberg*, tome IV, page. 500 et Overbeck-Mau*, page 576. La forme la plus complexe est celle très répandue dans la partie Est duCalvados, où la portion centrale a la forme d’un polygone régulier. Ilsuffit de mettre des pans aux pains de Bayeux, pour l’avoir. La partie du pain, qui n’a pas reposé sur la sole du four, porte desincisures qui la divisent en une portion saillante centrale de formepolygonale avec des pans à bords nets, interrompus de place en placepar des entrailles. Sur cette partie, les boulangers de certainesvilles mettent leur marque, le plus souvent des initiales entouréesd’ornements (fig. I et III.) Le pourtour du pain, séparé par un sillon de cette partie centrale, estdivisé lui-même par un certain nombre d’entailles, partant des anglesdu polygone central, mais dirigées irrégulièrement par rapport auxrayons du disque, de telle sorte qu’on peut enlever facilement autourde ces pains plusieurs lobes ou morceaux de forme allongée quiprésentent des extrémités en coins, durs, saillants et pointus. Le polygone varie beaucoup avec les villes. On ne voit jamais de triangles. A Villerville, nous avons vu des carrés. Les pentagones sont usités à Honfleur, Pont-Audemer ; Caen les faitpetits avec trois trous dessus, les angles du polygone correspondantaux divisions de la partie extérieure. Le tout ressemble à une fleur(fig. III). Le plus souvent, c’est un hexagone que l’on trouve au centre du pain.Toute la région Est fait de ces pains. Parfois même(Saint-Pierre-sur-Dives), l’hexagone touche les bords du pain. A Lisieux, j’ai vu des heptagones. Nulle part, nous n’avons vu de polygones d’un plus grand nombre de côtés. On fait, dans cette forme, des pains de 1 à 16 livres. Les plus petitssont grands comme une assiette, les plus grands comme une table dejardin. Leur épaisseur peut dépasser 10 centimètres. On les trouvesurtout dans la région d’Honfleur. Ce sont, en somme, de gros blocs de mie entourés de peu de croûte. Cespains portent le nom de miches ou de tourtes. On dit : « Je vous ai vurapporter votre miche. – Vous m’enverrez une tourte de 12 livres. » Ily a même des gens qui emploient le mot tourte envers des personnes, cequi les expose à recevoir encore des... pains. « Miche, petit pain (Lat. mica). - Grec Eolien. Micos, petit, d’où micros, de mic, l’opposé de mac, grand. » (Gébelin*, p. 675.) Or, dans le Calvados, une miche est, au contraire, un gros pain deforme ronde. Nous pensons donc, malgré tout le respect que nous avonspour l’énorme monument qu’est l’œuvre de Court de Gébelin, que celui-cifait erreur, pour cette étymologie, qui nous paraît celle-ci : Hébreu. עש, Msch, « ce qui se retire en soi, se met en masse : toutechose palpable, compacte, ramassée, tout amas, comme la récolte, lamoisson (13). – Latin : messis et Messe, où on offre le pain, vient deMitt, placer devant, servir le repas (par excellence). (D’Olivet*, t.I. Racines, p. 81 et Cf. Ragon. La Messe et ses mystères, p. 187.) Les mots Mischna et Massorah (hébreux) semblent venir de cette racine. En Kabbale, Mittatron, a pour mission de rassembler, « d’introduire ceux qui doivent paraître devant la face de Dieu ». (Papus. La Kabbale, p. 38.) Ce mot est quelquefois écrit Mitron (14), par exemple : in Enchiridion Leonis papæ. Ancône, 1667, p. 130. Le mot mitronpourrait venir de la même source (le mitron, en effet, rassemble lapâte et l’enfourne) bien que ce ne soit pas précisément l’opinion deGébelin*. Mais c’est peut-être aller bien haut à propos de pain. L’hébreu a ceci de bon qu’avec un mot, on voyage en quelques instantsdu ciel à la terre, du trône de Dieu à l’arrière-boutique d’unboulanger. Grec : maxis, gâteau. Le mot μαζα désignait un aliment analogue au pain(cf. Daremberg*, t. I, p. 1143). C’est le mot Maza, venu de l’hébreuMazab, ou Mazoth, sorte de pâte. Quelquefois, on y mettait de l’huile,on appelait alors pain gras, l’aliment obtenu. (Husson. Hist. du pain, p. 11). Gébelin donnait la miche comme un petit pain : Mica, parvulus panis, dit aussi Du Cange* (t. IV, p. 393). Cependant, citant le Computus,année 1638, il dit : « Deux livres pour une miche. » Celle-ci nesemblait donc pas être si petite que cela. Mais il y avait des michesde différentes grandeurs. Du Cange* (t. IV, p. 394) dit, d’après unecharte d’Henri III : « Michia magna... non aliud est atque a great manchet, vel ut alii forsitan a great loaf. Bis autem apud Gallos idem valet atque Brown apud Anglos, ut bisia michia sit a brown manchet, sive a brown loaf. » Brown loaf est un pain bis. Nous voyons apparaître, dans ce passage, le mot Manchet, que nousretrouverons plus loin. Mais Manchet, en anglais, est un petit painblanc (Dict de Smith et Hamilton) et non la couronne de Normandie. En somme, de nos jours du moins, la miche est un gros pain de forme ronde. A côté de ce mot, plaçons « michot », « michete », désignant une sortede pain (Godefroy*, t. V, p. 324), et « pain michon » (Joubert, Glossaire du Centre de la France, p. 480). Voyons la Tourte, maintenant. « Tourte, pièce de pâtisserie en rond et cuite dans un vase rond. Encelte : Torth (15). Les tourtes étaient percées d’un trou dans lemilieu, en sorte qu’on pouvait y passer le bras. » (Gébelin*, p. 1101.)Cette coutume subsiste toujours. Nous avons vu des paysans de la régiond’Honfleur porter ainsi des pains et la croûte fraîche fait un beleffet de couleur sur le bleu de la blouse. Mais, à ces pains danslesquels on passe le bras, on donne le nom de Manchette, à cause decela. Le mot Tourte s’applique aux pains sans partie centrale évidée, àtort d’après l’étymologie ci-dessus. Lorsqu’il n’y a pas de trou aumilieu du pain, les hommes le traversent d’un bâton coupé dans unehaie, à l’insu du propriétaire et portent ainsi un ou plusieurs painssur leur épaule. Récemment, j’ai vu, à la foire aux jambons de Paris,des pains d’Auvergne, discoïdes, traversés d’un bâton. La figure ainsiformée rappelle le cercle traversé d’un serpent, symbole qu’il seraitoiseux de développer ici. Tourte désignait en bas latin un pain, « torta », rond, « placenta »(les πλαχουνες des Grecs. Ce mot en grec : τούραν) Au IVe siècle enFrance, on disait : tourterie, synonyme de boulangerie. Gaguinus (XIVes.) dit : « Le povre mangue sa torte ». (Cf. Du Cange*, t. VII, p. 617.) La tourte était un pain très commun : « Vilissimam panis tortam », dit la Vie de saint Tilon. Tourte (Tortre, Torte) désignait une espèce de pain de forme ronde etdésigne « dans certaines provinces, un gros pain rond ». Le mot étaittrès usité aux XIVe, XVe siècle, désignait du pain bis. (Godefroy*, t.VII, p. 764.) La tourte ne semble pas avoir de trous d’après cela. Les tourteaux sont des gâteaux ronds pour nourrir les bestiaux. Nousavons vu qu’un animal porte ce nom. Tortel est synonyme de pain (Ency. Roret, « Manuel du Boulanger », p. 9). Forme en couronne Une seconde forme est celle en « Couronne ». Le pain est disposé en unecirconférence dont la partie supérieure est tailladée, irrégulière. Ily a beaucoup de croûte, peu de mie et ces pains durcissent plus viteque les autres. On en fait de une à deux livres, rarement plus grandesqu’un plat rond et cette forme est usitée surtout dans les villes. A leur partie supérieure est un sillon qui parcourt le pain, et,souvent, la forme de l’ouverture est, non pas ronde, mais vaguementpolygonale (fig. V). On appelle ces pains des manchettes, pains dans lesquels on passe lebras, que l’on met autour de la manche. Nous avons vu qu’en Anglais, cemot a un autre sens. Vérité en deçà de la Manche...tte... erreurau-delà... Forme en amandes Une troisième forme est celle en amande. Le pain est allongé enellipse, dont les extrémités sont le plus souvent pointues. Engéométrie, cette figure est la partie commune à deux circonférencessécantes. En dessus, le pain est partagé, en long, par une fente que lacuisson élargit de façon irrégulière. Quelquefois la croûte porte descoins ou des pointes hérissées (Thiberville). Parfois, il y a unepartie centrale saillante, de même forme (Saint-Pierre-sur-Dives), oubien le pain, allongé, est séparé en quatre parties par deux lignes encroix. On fait dans cette forme des pains de toutes tailles, depuis le pain dedeux sous, long comme le doigt, jusqu’à ceux de trois, six livres,longs comme l’avant-bras. Parfois ces pains se séparent en deux commedes pains mollets. A Honfleur on les appelle des poupottes (rappelant une poupée), on les fait plutôt de petite taille (1 ou 2 livres). SYMBOLES. Il est facile de voir dans la forme de ces pains et leurs ornements, lafantaisie des boulangers, le hasard, le but de frapper l’œil du client.Nous pensons montrer qu’on doit y chercher et y trouver autre chose. Ces trois formes de pain brié sont anciennes. Elles correspondent à desformes, pour ainsi dire rituelles, remontant aux époques où le painétait fait de façon symbolique et religieuse. Le symbole évoqué par cesformes est celui de l’Eternité, ou de la pérennité engendrées par lepain qui permet à l’homme, qu’il nourrit, de les acquérir, non parlui-même, mais par une continuelle succession d’êtres. Cette conceptionde l’Eternité, transmission du Flambeau de Lucrèce, était celled’Averroès et de beaucoup de philosophes anciens. Or le cercle, ledisque, étaient par leur continuité l’image de ce qui ne commence et nefinit pas. D’ailleurs les Anciens se figuraient la terre ainsi faite eton le croyait ainsi lors du voyage de Colomb. Le disque symbolisaitdonc en plus une idée, le monde où nous vivons. Aujourd’hui l’Hostie (16), le pain bénit, ont cette forme qu’avaientles pains de Pompéï et j’ai vu, à Saint-Clair-d’Arcey, près Bernay,servir un gros pain de campagne, non brié, en forme de disque, commepain bénit. Au IVe siècle, les pains destinés à être offerts sur l’autel étaient deforme ronde. Saint Grégoire les appelle des couronnes ; Sévère, descercles (Ancien Larousse, mot « pain »). Chez les Romains, on appelait Placentæ (πλαχουνες des Grecs) desgâteaux fabriqués comme le pain, on s’en servait pour les cérémoniesreligieuses. Les Juifs faisaient aussi des offrandes à Dieu, de pain et de gâteaux à l’huile. « Placenta, gâteau plat de forme circulaire ; on s’en servait dans lesrepas et les sacrifices. Fait avec du miel, du fromage et de la farinepétris ensemble. (Lexique des Antiquités romaines de Cagnat de Goyau, p. 216.) Daremberg* (t. IV, p. 498) dit qu’on mettait de l’huile dans le pain.(Nous verrons qu’à Venise, on fait encore ainsi.) Il dit : « Le painordinaire, qui ne surnageait pas, devait être plus lourd que celui desmodernes (17). En effet, les pains trouvés à Pompéï et exposésmaintenant au musée de Naples ont une structure très compacte. Ils sontronds et plats en dessous, bombés en dessus. » Ces pains, en somme briés, sont figurés au mot : « Cibaria », t. I, p.1143. Ils sont assez semblables aux miches de Dozulé. Ils ont même unepartie centrale. (Daremberg*, t. IV, p. 496.) Consulter à leur sujet :Overbeck-Mau. Pompeji’, Leipzig, 1884, p. 385, 390, 576. Cependant, la partie centrale était rudimentaire sur les painsantiques, elle ne semble avoir pris d’importance que sur nos painsfrançais du Calvados. Il nous faut maintenant parler spécialement des pains briés qui portentdes polygones et surtout des hexagones à la face supérieure. Celle-ci est très remarquable au point de vue symbolique et nous neconnaissons, en France du moins, aucune forme de pain qui soitcomparable à ces pains briés de la région d’Honfleur. Le premiersentiment, devant eux, doit être l’admiration avant le second qui porteà les manger. J’ai entendu plusieurs fois cette exclamation : « Quelbeau pain ! » devant une de ces miches, ornées de dessins qu’il nousfaut considérer (fig. I). La face supérieure, schématiquement, présente l’aspect d’un cercle,mais celui-ci, avec ses parties extérieures renflées, séparées par desincisures, évoque la forme particulière d’une fleur, d’une rose et aumilieu, nous voyons contenu le plus souvent un hexagone régulier. Orpour ceux qui connaissent un peu les symboles, il est évident que cetteface est véritablement pantaculaire et la Rose (ou le Cercle) danslaquelle est contenu un hexagone, nous rappelle immédiatement lecélèbre pantacle du Martinisme. Nous ne développerons pas ici cettefigure représentant « l’Eternité passant de la Puissance en Acte »(Papus). Nous renvoyons à l’explication qui en a été donnée parPapus*, p. 963. (V. fig. II). Six, le nombre de côtés de l’hexagone, correspond à la lettre hébreuVau, « figure du lingam créateur, du fer recourbé qui moissonne » (El.Lévi). Il y a des manchettes sur lesquelles ont voit des hexagones (à Caen),elles forment des pantacles martinistes très beaux, l’hexagone étantinscrit dans le cercle. Cela ne nous surprend pas de trouver cette figure sur du pain,puisqu’en le mangeant l’homme acquiert la vie qu’il contient enpuissance, et même, au point de vue cité plus haut, la Vie Eternelle.C’est, en fait, la traduction hiéroglyphique de la parole de Christ :Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement (Jean, VI, 51). Il nous serait facile aussi de comparer les différents polygones de cespains à des figures de grimoires, mais nous avons autre chose à dire. Nous remarquerons seulement que dans le pays, où on fabrique des painsde cette forme, on croit toujours aux sorciers ; les pratiques desorcellerie y sont très répandues et les Parisiens de la Season de Trouville, ne s’imaginent pas quelles histoires se racontent dans les campagnes environnantes. Les polygones que l’on trouve sur les pains briés correspondent à ceuxdont on se sert dans les figures magiques. De même qu’on ne voit pas,dans celles-ci, de polygones de huit côtés et plus ; sur le pain brié,on ne voit pas d’octogones et plus. L’hexagone est une figure magiquetrès usitée et nous rapprocherons les pains ronds sur lesquels on voitun carré, un pentagone et un heptagone, des schémas que l’on peut fairedes planches : l’Androgyne dans le carré, la Rose-Croixpentagrammatique, la Citadelle alchimique aux sept murailles, del’Amphitheatrum Sapientiæ Æternæ de Khunrath. Dans un travail ultérieur, nous reprendrons la question de ces formes. Le pain primordial dans l’existence de certains peuples(18) mérite d’être considéré avec attention au point de vuephilosophique. Nous verrons, tout à l’heure, quelles déductions nouspouvons être amenés à faire devant un pain d’Honfleur. * * * La forme en manchette est aussi caractéristique. Elle correspond à lafigure désignée par les Grecs sous le nom de serpent Ουροβοροσ (Ouroboros). (Un serpent qui se mord la queue.) C’estune figure très ancienne... Ce n’est plus le cercle, mais lacirconférence, image de ce qui n’a point de commencement, ni de fin etqui limite le cercle. J’ai vu des pains à Paris, non briés, présenter encore mieux cetteforme. En réunissant la pâte pour fermer la manchette, on laisse deuxextrémités, obliquement taillées et qui sont appliquées l’une surl’autre avec des rebords saillants, correspondant à la tête du serpentsymbolique. La circonférence intérieure est même ondulée, rappelant lesplis que forme un corps long et arrondi dont on vient à joindre lesextrémités (fig. VII). On remarquera que l’enroulement de ce pain est orienté de la mêmemanière (et cela se retrouve dans toutes les boulangeries parisiennesque j’ai vues) que la figure du serpent Ouroboros, que nous donnonsici, et qui doit, en bon Hermétisme, être toujours tournée comme cela(fig. VIII). Dans leur grande cérémonie religieuse, les Gnostiques Ophites adoraient un serpent enroulé autour de pains. (Dict. des Hérésies, 1776, t. II, p. 386.) Lorsque Allais disait que le serpent roulait avant de ramper (le Journal, 16 mai 1901, cette idée ne lui avait-elle pas été suggérée par les manchettes d’Honfleur, sa ville natale ? Dans la tapisserie de la reine Mathilde à Bayeux (partie intérieure, à gauche, au fond) en-dessous des mots : Milites festinaverunt Hastinga ut cibum raperentur, divers personnages apportent des vivres et des animaux ; à droite et en-dessous de Raperenturest un homme dont une grande couronne entoure la figure, elle estappuyée sur ses épaules et est rouge avec un filet bleu. C’est un painayant la forme de la manchette actuelle de Bayeux. On y voit le sillonqu’elle a encore à la face supérieure. Un pain d’une forme analogue est dans Le Roi boit (Jordaens, 1593-1678, Louvre). * * * Les formes de pain brié que nous avons vues jusqu’ici sont symboliques,mais au fond elles correspondent à la forme d’objets naturels. Les hommes n’ont pas trouvé, de prime abord, les formes dans leurintelligence, ni les symboles. Ils les ont tirés de la nature, desêtres qui les entouraient. Il en a été pour le pain comme pour leschoses faites par l’homme à son image et à celle du milieu où ilvivait. Tout ce qu’il a créé porte cette empreinte-là, ses divinitéscomme son pain. La plupart du temps, il a copié les objets qui lui paraissaient dignesde remarque ou d’admiration, puis il en a fait des formes symboliques.Les disques, avant de représenter la Terre, ont eu la forme du Soleilauquel les hommes donnèrent leur culte, avant de s’élever à un Dieumétaphysique. Et nous ne pouvons mieux mesurer la sottise de l’adage :Un homme en vaut un autre, qu’en comparant le premier qui fit un pain àl’image du Soleil, à Celui qui a dit : « J’entends par cause de soi, cedont l’essence enveloppe l’existence. » Le pain brié en disque nous paraît reproduire aussi les formes d’êtresanimés ou non, qui vivent dans le pays où on le fait. C’est ainsi quenous l’avons vu ressembler à de gros crabes, à des potirons (19), à desfleurs. Nous pensons que celles-ci, si belles en Normandie, ont pudonner la forme générale des pains à polygones qui les imitent bien. * * * La Couronne (Manchette) est aussi une forme naturelle. Nous pourrionsla ranger dans les formes sexuelles, mais il est possible d’y voirl’anneau, le Soleil pendant les éclipses annulaires, phénomène redoutéet qui a, tant de siècles, frappé vivement l’imagination des hommes,adorateurs des astres. Et puis, ils en ont fait le symbole del’éternité, l’anneau n’ayant ni commencement, ni fin. Il y a également des animaux qui prennent cette forme. FORMES SEXUELLES. En face d’un pain en amande. Il nous reste à étudier la forme allongée du pain brié. Nous l’avonsgardée pour la fin, à cause de son intérêt. Elle correspond à laMandorla (20), dont les peintres ont entouré certaines figuresreligieuses. C’est une forme ctéïnne, qui se retrouve dans une foule demonuments et symbolise la force créatrice féminine qui perpétue la vie.Les Gnostiques de la secte des Sethiens mettaient cette forme àl’origine et disaient que le monde l’avait présentée lors de sacréation (L’Initiation, janvier 1893, p. 45.) Ainsi étaient faits certains vases eucharistiques dits en formed’amande ou de colombe. (Cf. Burnouf*, p. 155.) J’ai vu en Italie, à lacathédrale de Sienne et à S. M. Novella de Florence, des bénitiersayant cette forme. Si on l’a donnée, symbolique, à des vases, le painl’a reçue pour les mêmes raisons, lui qui a joué, dans l’alimentationet la religion des hommes, un rôle aussi important que le vin. Or, la colombe est appelée, dans la Genèse, Ionah. De ce mot, les Grecsavaient fait Ionie, nom de pays. C’est ce qui ressort du texte deD’Olivet*. Mais cette interprétation n’est pas admise par tous. Dans lamythologie, l’Ionie serait nommée de Ion, fils de Xanthus et de Créüse.(Cf. Ruskin. Le repos de saint Marc, p. 87.) D’autre part, la Jewish Encyclopedia (t. VII, p. 80.) fait venir ce mot de Jawan, un des sept fils de Japhet. Du mot Ionah, les Gnostiques avaient fait Eons, Άίώνας, du versetsecret du Pater, nom qu’ils donnaient aux êtres dont ils avaient peupléleur ciel et ils avaient fait du Saint-Esprit (auquel est dédiée lacolombe en christianisme) un principe féminin, N. D. Pneuma-Hagion,dont les créatures élues sur terre portaient le nom de Pneumatiques.Ceux-ci n’étaient, en aucune façon, précurseurs de ceux qui nousdonnent tant de soucis sur les routes et porté par lesquels, cependant,l’homme s’élance aujourd’hui pour voler, poussé par le besoin derepeupler le ciel, au moment où il essaye de le vider de Ceux qu’il yavait longtemps adorés et priés. Mais Ionah, la Colombe (pourquoi Al. Weill a-t-il, dans sa traductiondu Pentateuque, 1890, passé l’épisode de la Colombe ?) est comme lesmots de la Genèse, un mot à faces multiples, qui symbolise larégénération de la Terre, après le Déluge ; représente la Colombe,messagère de paix ; mais aussi, c’est le même mot que le Sanscrit.Yôni, Yô’-ni-s, (m. et f.) « vulva » racine « yu » unir (Bopp. Gramm. comp. des Langues indo-européennes,t. IV, p. 119) qui désigne cette chose admirable qu’est le sexe de lafemme, que les peuples orientaux avaient justement exalté, vénéré, àl’envers de notre Occident pudibond et de la sottise populaire qui afait, de son nom vulgaire, le synonyme d’une injure. En Chinois, c’estle mot : Yng. Tous ces mots, de même que Yuna, Yunam, ont une racinecommune avec l’Hébreu : Ion, qui signifie : « la faculté génératrice dela nature, la force plastique ; dans un sens restreint, une Colombe,symbole de la chaleur fécondante ». (D’Olivet* t. I. – Racines, p. 62,et t. II, p. 231-232 et Cf. St. de Guaita. La clef de la magie noire, p. 119. – Papus*, p. 613.) Ces sortes d’Ions n’ont de commun que le nom, avec ceux dont laphysique et la chimie modernes ont tiré un si brillant parti, quidésignent cependant aussi, ce qui va, s’unit, engendre... La Colombe était dédiée en Grèce, à Vénus. « Est igitur avislibidinosa, venerea », dit gravement Gesenius, aux commentairesd’Ionah, du Thesaurus ling. Hebr. et Chald, t. II, p. 587. Les mots Vénus et Junon paraissent aussi voisins de cette racine. On serappelle que Vénus était née d’un œuf couvé par des colombes. (Cf.Gaffarel. Curiosités inouïes de la sculpture talismanique des Persans, 1632, p. 9.) Jupiter avait aimé, entre autres polissonneries, une vache qui s’appelait Io. Ionah, la Colombe, me paraît aussi voisine de Cyéna, épervier qui dansle Rig-Veda apporte, du ciel, le feu et Soma, la liqueur sacrée. (Cf.Burnouf* p. 40 et suiv.) Les oiseaux ont toujours eu une significationsexuelle. Iynx, l’instrument magique, symbolisait le phallus. (L’Inititation,août 1909, p. 130.) Dans la tétralogie, c’est un oiseau qui dirigeSiegfried vers Brunnhilde endormie. Nous avons entendu chanter enNormandie, sans malice, par une enfant : Monsieur l’curé lui dit : Jacquette, Guerlin, guerleau, guerlin, guerlette, C’est y bien vrai qu’tu veux d’loiseau, Guerlin, guerlette, guerlin, guerleau... A Vannes, on chantait l’été dernier, parmi les propositions qu’un amoureux faisait à sa belle : Et au milieu du lit, Le Rossignol y chante. Les oiseaux symbolisent donc souvent tantôt les organes mâles, tantôtle sexe féminin. Mais il nous semble hors de doute que la colombe estune forme féminine, la vingt-deuxième clef du Tarot, le Monde, noussemble avoir la même signification et l’on donne quelquefois au serpentOuroboros une forme elliptique qui a le même sens. D’autres mots semblent se rattacher à la racine d’Ionah. Les femmesarabes, trouvant tachée de sang la chemine d’une mariée de la veille,l’agitent en criant : You, you. Le youyou est un canot en formed’amande, de colombe. Enfin un certain nombre de prénoms anciensparaissent tenir au mot Ionah ou à sa racine Ion. Tels sont : Jean(21), John, Ian, Jan, Iohannes, Yvan, Yvon (l’I, le J et l’Y étantanalogues), noms féminins masculinisés, comme on voit de nos joursdonner à des hommes des prénoms féminins – Lona, Jeanne, Yvonne (22) etson diminutif Yon, usité en certains pays, prnéoms de beauté fémininepar excellence, Ionah, la colombe, la créatrice, la Nature Naturante, «la Substance cosmogonique de la vie » (Papus), comme, dans un autresens, Marie, Maïa, la Nature Naturée. Et voilà pourquoi le pain brié en forme d’amande, de colombe, est symbolique de la vie éternelle. * * * Une variété de cette forme est le losange (Vimoutiers, Livarot, Orbec).Ces pains ont une partie centrale losangique avec une croix dessus. Ce dessin reproduit, sur du pain, la croix au milieu de la Mandorla, lagloire ogivale, variété de la Rose-Croix, le grand symbole ! (V. fig.XI). Et dire que j’ai entendu des gens demander quel intérêt il pouvait y avoir à étudier le pain brié... Aspects En considérant, un peu longuement, la symbolique de la colombe,l’amande, nous avons vu que c’est une forme naturelle, mais sexuelle.Non pas que les formes sexuelles ne soient pas naturelles ; même, ellesle sont tout à fait. « Rien n’est qui ne soit naturel », a dit A.France. Mais la forme des sexes est une chose qui a frappé l’hommeprimitif plus vivement peut-être que celle des astres, ou des autresêtres et si, aujourd’hui, nous avons trouvé bon de faire semblantd’ignorer, en bonne société, ces organes et leurs fonctions, la plupartdes actes de l’homme sont dictés au fond par les instincts sexuels etl’homme n’est, le plus souvent, qu’un phallus pensant (23). Dansbeaucoup de ses créations, l’homme n’a fait que copier les organesmâles et femelles. Certains emblèmes religieux ou mystiques les symbolisent. Lautréamont l’a exprimé en une belle phrase (Les Chants de Maldoror,p. 303). Dans certains monuments, cela apparaît, comme dans lesobélisques, les tours, les portes. A Paris, la perspective del’Obélisque pénétrant l’Arc de Triomphe forme le plus magnifiquesymbole sexuel, gâté depuis 1895 par la statue que l’on a placéederrière l’Arc du Carrousel. Un autre bel exemple est fourni par le groupe de Pise. Les monuments dela Place, pour peu qu’on veuille bien les regarder, symbolisentl’homme, couché de l’Ouest à l’Est : le Baptistère, la Tête ; laCathédrale, le Corps et la Tour Penchée, le Phallus. Le regretté Huysmans avait bien indiqué l’analogie entre les mouvements de nos machines et ceux de l’acte sexuel (Là-Bas, p. 276). Une idée analogue me paraît avoir présidé à la conception du tableau de Jean Veber : La Machine qui était au salon de 1902, n° 1148. Si l’homme a donné aux machines des formes sexuelles, rien d’étonnant àce qu’il les ait données au pain, aliment qui perpétue la vie, commeles sexes. De nos jours encore, il se fait des gâteaux et des pains deforme sexuelle comme dans l’antique Italie. A Marseille, on fait desgâteaux phalliques (Chichifregi). Jean Lorrain en a parlé dans sesarticles du Journal sur leMidi (1900-1902). A Arles, on fait des pains phalliques, il y ena un spécimen au musée d’Ethonographie du Trocadéro. Mais ces villessont latines. En Normandie, la brioche est un gâteau phallique. Nous en avons vu degrosses, à tête longue, inclinée sur un corps rebondi, qui avaient uneforme sexuelle évidente. Cela est sur certaines petites brioches dites« à la livre », faites aussi à Paris, qui se présentent sur uneassiette comme un cénacle de grosses petites personnes bien sages etqui font se regarder les dames, en riant sous cape, au moment où ellesvont les manger (fig. XXI). Je pensais que le pain brié, pain ancien, devait se présenter en formessexuelles. Et de fait, on voit, aux figures 9 et 10, deux spécimensnets de pains briés de forme ctéïnne. Sur l’un (Bayeux), on voit lesgrandes lèvres et les petites, jointes, et il y a, en bas, unedépression à la place de l’anus. Beaucoup de pains de Bayeux ont deuxsillons profonds entourant une partie en fuseau, longue, peu saillante.On dirait d’énormes vulves, en vitrine. Sur l’autre pain (Honfleur) (24) on voit une vulve très belle et enhaut le clitoris (25). Même les pointes, les dentelures (Thiberville),qui ornent les bords de certains de ces pains, me paraissent rappelerles ornements pileux de la femme, comme sur les couronnes de pain nonbrié. Mais, en somme, les formes ctéïnnes sont très usitées pour toutessortes de pains. Les formes nettement phalliques sont plus rares, aucontraire. Lors du Circuit du pain brié, nous avions fait tout leCalvados, sans en rencontrer de spécimen net, si bien que je croyaisque le pain brié n’affectait, en forme sexuelle, que la féminine.Cependant, à Vimoutiers, nous avions dessiné une forme dont il seraquestion plus loin. Ce fut un beau moment que celui où nous aperçûmes, dans la clairelumière d’une matinée de juin, des petits pains phalliques rangés dansla vitrine d’une boulangerie de Caen. Cela faisait une gentillecollection. On voit ici (fig. 13 et sq.) les photographies d’un de cespains, assez communs à Caen. Il est impossible de trouver une formephallique plus nette, croyons-nous. Ils coûtent deux sous ets’appellent des petits pains tournés. Celui que nous reproduisons nousa été vendu comme du pain brié (26), mais souvent, c’est au pain degruau (27) que l’on donne cette forme et il est destiné, ce qui ne doitpas manquer de charme pour certaines personnes, à être mangé avec lechocolat ou le café du matin. On voit marqués nettement certains détails, le renflement du gland dansle prépuce, la dépression formée par la cloison du scrotum (fig. 14),les plis du prépuce ; même la différence de hauteur des testicules estobservée (fig. 13). Ce qui représente l’extrémité du prépuce est percé,non d’un, mais de plusieurs trous, comme une pomme d’arrosoir (fig. 14). La Normandie est un pays d’élevage. On verra un pain semblable dans un tableau du Louvre : Le Satyre et le Paysan, par d’Angelo, dit Napolitano, (1600-1660), dont je n’indique pas la place, les tableaux étant souvent déplacés. Le pain de Caen présente, de profil, un enroulement semblable à celuidit en corne d’Ammon. On fait à Paris, dans une pâtisserie voisine duPalais-Royal, des gâteaux plats enroulés en corne d’Ammon, qui sontphalliques et ont l’aspect du profil de notre pain de Caen. Or ceci n’arien de surprenant : la corne d’Ammon est un symbole phallique. Ammonest de même racine que le mot sexuel mystérieux de l’Inde, Aum, quel’on trouve écrit souvent Om, comme dans le célèbre finale Kanx Om Pax.C’est le même mot que L’Adam biblique, l’Humanité sexuelle dont il estdit : « Et il (Ælohim) les créa, Adam, mâle et femelle. » (Sepher Berœschit, chap. I, 27.) * * * Comment se fait-il que les Normands fassent des pains sexuels aussicurieux ? Ils ont pu prendre ces formes en Italie, autrefois, mais ilest plus probable qu’elles sont venues avec le pain brié, d’Espagne.Voici (fig. 17) un pain fabriqué à Saint-Sébastien, et qui est du painbrié espagnol. En le voyant, on sera frappé, comme je le fus, de saressemblance avec les pains phalliques de Caen, et si nous n’avionsd’autres preuves, il serait suffisant à montrer que le pain du Calvadosest un pain du Nord de l’Espagne. La seule différence est que la partiequi représente la verge et qui est cylindrique dans le pain de Caen,est aplatie comme une languette triangulaire, rappelant certainsornements des frises antiques. Dans les dessins faits pendant leCircuit du pain brié, j’ai retrouvé un schéma fait à Vimoutiers et quireproduit absolument la forme de ce pain de Saint-Sébastien, avec cettedifférence toutefois que la languette est plus longue et dépasse lapartie sous-jacente, plus épaisse. Allons plus loin, supposons qu’onélargisse la partie qui représente les bourses et qu’on la cintre. Nousaurons le croissant, gâteau sexuel mâle, au centre duquel est lalanguette enroulée qui représente ce qui reste de la verge. Il y a même des croissants de forme nettement sexuelle. Nous en reproduisons un (fig. 19). (Bernay). Et maintenant, en nous plaçant au point de vue uniquement sexuel, nousvoyons que les formes du pain brié normand sont, au fond, toutessexuelles, ainsi réparties. Forme : des organes mâles ; des organes externes féminins (amandes) ;de l’orifice féminin (manchettes) ; et du placenta (disques). Cetorgane (28) par son apparition après l’accouchement, a frappé vivementles hommes, de tout temps, et ils ont donné à sa forme ronde une valeursymbolique. Le placenta est tout ce que les hommes ont connu, pendantdes siècles, des mystères de la gestation. Rien d’étonnant qu’ils aientdonné au pain qui les faisait vivre la forme du placenta qui nourritl’enfant. La partie centrale, d’origine ancienne, et dont la forme esttrès modifiée, me paraît représenter l’insertion du cordon. Et, choseremarquable, c’est sur cette forme circulaire que les Normandsdessinent cet hexagone représentant « l’Eternité passant de laPuissance en Acte » dont nous avons parlé. Or dans la Brioche, gâteau normand, nous trouvons les mêmes formes : Disques avec partie centrale et lignes rayonnées, comme les vaisseaux partant du cordon ; Couronnes, parfois hérissées de pointes, (comme les amandes de Thiberville). Ce sont les Bracelli des Latins, d’où bracelet. Brioches phalliques, ayant un corps renflé et une tête longue (fig. XXI). Il ne se fait guère en brioche, de forme en amande, fait curieux. Par cette étude, nous avons tenu à montrer que l’habitude de faire lespains sexuels était loin d’être perdue et que le Calvados avaitsoigneusement gardé cette sorte de culte, répandu dans l’ancienneItalie. Les formes les plus curieuses du pain brié sont près de la mer. C’estlà que se trouve ce que nous pouvons appeler le pays du pain briésexuel. Autres formes Après avoir longuement étudié ces formes intéressantes, nous passeronsrapidement sur celles que l’on trouve dans la région Ouest du Calvados.Elles ne sont pas géométriques, ni sexuelles, se rapprochent des formesordinaires. On voit des pains ronds (Vire, Condé), ressemblant auxdisques, en deux moitiés superposées, séparées par une grande incisureoblique ; mais ce que l’on voit surtout, ce sont d’énormes pains platselliptiques, allongés, avec parfois une partie saillante de même forme(Falaise) au milieu. Dessus, il y a des stries en long ou desquadrillés, et, avec une fourchette, on fait des trous par quatre enquantité. Ce sont (Caen, Vire, Falaise, Condé) de grands ovalestailladés de 6, 12 livres, avec des baisures larges, sortes de plaiesbéantes par lesquelles surgit une mie blanche, tendre, exquise, quicontraste avec la croûte noircie par la cuisson. On voit peu de pains petits, par là. Il y en a pourtant de 1 ou 2livres, ressemblant à ceux de Drucourt, mais arrondis aux bouts, plusfoncés, à baisures plus larges. Il y a, à Falaise, des pains briés de 2sous, ovalaires, séparables en deux, qui ont la forme d’un ris de veaucomplet, leur surface est sillonnée de lignes courbes, concentriques,semblables, chose curieuse, à certains dessins préhistoriques qui sontdans le monument de Gavr’inis (Morbihan). D’ailleurs, un dessininexpliqué, qui est sur les menhirs des Pierres-Plates à Locmariaquer,m’a paru rappeler la forme des gros pains de ménage, non briés, deBernay, oblongs avec des trous dans la croûte, disposés à égaledistance sur deux lignes, comme les boutons d’une veste. ESPAGNE. Voyons maintenant ce qu’est le pain espagnol. Je ne l’ai pas vu dans le pays, à mon regret. Ce pain est mangé dans toute l’Espagne aussi bien à Hendaye, àSaint-Sébastien qu’en Andalousie. Il n’a pas de nom spécial. Lesétrangers l’appellent « pan (29) español » par opposition au panfrancès », qu’ils réclament avec obstination. Ce pain espagnol est mal levé et très peu cuit. Notre pain français aune mie légère, aérée, avec des cavités qui l’allègent. Le painespagnol est, au contraire, compact, massif, lourd. Cela peut tenir àce qu’il est peu cuit (sa croûte est, en effet, très pâle), mais plutôtà ce qu’il est peu levé. Il paraît fort lourd et indigeste et ceux quien ont usé me semblent avoir pour lui la vengeance de l’estomac. Je ne sais si on le fait avec la brie. La croûte et la mie sont semblables au pain brié du Calvados. Pour les formes, dans la région de Saint-Sébastien, on fait des painsronds, dont le pourtour est divisé par des incisures, en lobes commeune fleur (cette forme se retrouve dans la région Est du Calvados) ;des pains oblongs avec des quadrillés dessus, des pains en amande de 50centimètres de long, dont la surface est ornée de trous faits comme àl’emporte-pièce, et qui ont une fente suivant le grand axe ; enfin despetits pains phalliques d’un sou dont nous avons parlé (p. 66) (30). Nous retrouvons les formes principales du Calvados, mais ceci n’est passuffisant pour dire que l’Espagne a donné son pain à ce département etque le pain brié est du pain espagnol. J’avais pensé que cette importation s’était faite au moment d’uneguerre, mais je me heurtais à ce fait qu’il y avait du pain brié enFrance au XIVe siècle. Alors que j’avais renoncé à trouver, ce fut mamère qui renoua ce fil. Elle m’indiqua, en effet, un livre deSaint-Amand*. Il y est dit (p. 227, notes) : « Le pain brié, qui tire,dit-on, son origine de certaines parties de l’Espagne qui confinent àla Navarre, fut apporté en Normandie du temps de Charles le Mauvais,roi de Navarre (31) et comte d’Evreux, vers le milieu du XIVe siècle.Ce mode de fabrication ne fut pas généralement adopté dans la provinceet, aujourd’hui même, il n’est guère connu que depuis Pont-Audemerjusqu’à Lisieux. » Le pain brié, pain ancien, est donc bien du pain espagnol, mais enregardant combien il varie dans le Calvados suivant les deux régionsdont nous avons parlé, nous voyons que celui qui est vraiment du painespagnol est le pain brié de la région Est, celle qui touche audépartement de l’Eure et a eu, par lui, des relations avec l’Espagne,relations qu’elle a entretenues aussi, par mer, avec ce pays. En un mot, il peut y avoir du pain brié dans un pays, ce n’est pasforcément du pain espagnol, mais simplement le pain brié ancien, qu’ona dû faire en France, jadis, pendant longtemps. Tel est le pain de larégion de Vire. Dans le Calvados, il y a partout du pain brié, mais lepain brié de l’Espagne est seulement dans la région Est, qui l’aconservé. Le fait vaut la peine d’être signalé. * * * Nous avons vu qu’on briait le pain au monastère de Cluny (32), mais ilne nous paraît pas que ce pain y eût été porté de la Normandie ; il estprobable qu’avant l’importation dont parle Saint-Amand, on faisaitdepuis longtemps du pain brié, en France, et que l’usage s’en étaitconservé dans certains monastères. L’abbaye de Cluny avait été fondéeen 910. Le pain brié fut en usage à Paris, venu de Normandie, probablement. La Grande Encyclopédie(t. VII, p. 161) (qui ne parle pas du pain brié moderne) dit qu’au XVIesiècle ce pain était fait par un boulanger du chapitre de Notre-Dame,d’où le nom de pain de Chapitre. Galippe et Barré. (Le pain. Technologie, Encycl.Léauté, p. 27) disent que ce pain était d’une pâte si ferme qu’on nepouvait la pétrir qu’avec les pieds ou même avec une brie... Cependant l’usage de ce pain ne dut pas être très répandu, car il n’en est pas fait mention dans Rabelais. Mais l’habitude s’en perdit tout à fait, car à Paris, on trouve toutes sortes de produits alimentaires, excepté du pain brié. Cela se comprend assez. Pourquoi fait-on ce pain ? C’est une coutumequi s’est perpétuée, dit-on, mais il y a plus. Autrefois, alors qu’il yavait peu de boulangeries, on le faisait dans la Normandie, pays defermes, parce que ce pain se conserve longtemps frais et qu’on peut enfaire une provision pour une semaine. On en fait toujours, en partiepour cette raison. Mais, avec les progrès de la boulangerie, oncomprend comment son usage s’est perdu à Paris et même en Normandie,sauf dans le Calvados ; et il ne réussirait à retourner à Paris quepour des raisons de goût ou de mode. Il serait pourtant, à mon avis, tout à fait désirable qu’un tel alimentrevienne à Paris. Je suis persuadé qu’un boulanger sachant faire le bonpain brié, en même temps que d’autre, installé près de la gareSaint-Lazare, où il y a beaucoup de Normands, trouverait là une sourcede bénéfices rapides. Dans un quartier ouvrier, populeux, ce pain,économique, bon, nourrissant, plairait à ceux qui font du travailmanuel et rendrait des services. Que de fois j’ai vu des enfantsd’ouvriers raffoler de pain brié que j’avais rapporté à Paris ! Cependant, il ne me paraît pas être un pain de quartiers centraux. Ilfaut, pour le digérer, travailler dehors. La brise de la mer, le ventincessant qui souffle en Normandie, sont de bons digestifs. Les gensqui consomment du pain brié mangent tranquillement et vivent au grandair. Et je crois qu’il conviendrait mal à ces nombreux Parisiensfatigués qui avalent à la hâte leur repas avant de reprendre le travailde bureau ou de magasin, accompli dans une atmosphère malsaine, dansdes pièces où la lumière n’éteint pas. * * * C’est probablement à des raisons analogues qu’est due la disparition dupain brié. Il est venu un jour où le pain de l’Espagne a cessé deplaire au Paris qui se civilisait. Aujourd’hui même, il faut être unpeu du pays pour l’apprécier comme il mérite de l’être. Pourquoi s’est-il conservé dans le Calvados ? Probablement par lesrelations de ville à ville, par les marchés. Dans le Calvados, il y aun grand nombre de villes assez importantes, peu éloignées, distantesde 10 à 20 kilomètres au plus, et dont tous les habitants sont, ensomme, en relations constantes les uns avec les autres par les marchés.En revenant de ceux-ci, on les voit rapporter des pains briés. Et cesvilles sont dans la région Est du Calvados, le pays du pain brié, qui,plus loin, s’altère dans ses formes et sa composition. Et puis « ceux » du Calvados sont très conservateurs. Aujourd’hui, après avoir failli disparaître, le pain brié connaît des jours meilleurs. Bernay, qui ne le connaissait pas, il y a quinze ans, en faitmaintenant. C’est de Drucourt (sur la limite du Calvados) que le painbrié fut apporté à Bernay, il y a onze ans environ, par un messager dece village qui venait les jours de marché. Le pain brié eut grandsuccès à Bernay ; c’est ce pain là que mon ami Caubet avait cru être dupain espagnol. Depuis, ce commerce a continué. Il s’est établi des dépôts de pain briéà Bernay. Le pain était vendu aussitôt qu’apporté. Il y a trois ans, unboulanger de la ville s’st mis à en fabriquer et même, il s’estinstallé dans une rue qui mène au pays du pain brié. Mais le voituriera continué à apporter du pain et maintenant, toute la semaine, Bernayest approvisionné de pain brié. Voilà donc un pays où ce pain a conquisson droit de cité en dix ans. Ce fait, dont j’ai été témoin, montre l’importance que les relations demarché ont eu pour la conservation du pain brié et fait voir que cepain peut très bien s’acclimater dans une ville qui l’ignore. Mais àBernay, il est encore tout près du Calvados. Il n’y en a pas à Evreux.J’ai appris qu’un boulanger en fait à Rouen, c’est la grande villedéjà, Paris-port-de-mer ? peut-être. Mais, malgré toutes les relations de Paris avec le Calvados, il negagne pas la capitale. Voici dix ans que je fais des efforts pour cela,sans réussir, et je pense qu’il n’y a pas d’autres pains briés à Parisque ceux que nous rapportons de temps en temps en automobile. * * * Malgré ce que dit Saint-Amand*, qui avait peut-être mal regardé, on afait dans la région d’Honfleur à Caen du pain brié depuis un tempsconsidérable. Or ce pays a été en relations avec l’Espagne pendantlongtemps et c’est le pays du pain brié. Honfleur est une ville maritime très ancienne, dont les marins étaientaventureux et hardis. On pourra consulter à ce sujet le volume de MM.P. et Ch. Bréard, d’Honfleur, intitulé : Documents relatifs à la marine normande et à ses armements aux XVIe et XVIIe siècles, etc., Rouen, 1889. Dans une conférence faite à Caen le 17 mars 1909, M. Toutain (JeanRevel) de Rouen, a parlé des Wikings, qui étant allés à Terre-Neuve dès990 et au Massachussets, à Long Island, en Louisiane, en Floride, auBrésil, de cette époque à 1020 environ. Ils avaient gardé leurs secretspour eux. « C’était un Honfleurais, a-t-il dit, Jean-Vincent Pinson, congédié dela marine, qui trahit le secret des Normands en offrant ses services àColomb. Celui-ci l’appela Pinzone pour cacher son origine et ilcommandait le navire qui précédait la caravelle de Colomb en 1492. Ildirigea donc l’expédition, chose facile, puisqu’il n’allait pas à ladécouverte, mais retournait en Amérique. » Nous croyons donc qu’Honfleur avait avec l’Espagne des relations quidurent se fortifier par la suite et peut-être à la faveur descirconstances suivantes : En 1588, les navires équipés par Philippe II sous le nom d’InvincibleArmanda furent dispersés dans la Manche par des tempêtes, quelques-unspérirent sur les rochers de notre Calvados et le San Salvadordonna, par altération, son nom à ce pays, dit-on. Ces navires ne seperdirent pas en vue d’Honfleur, mais les marins espagnols sauvésdurent gagner les ports les plus commerçants de la côte, dont Honfleurétait le plus important. Et ils durent y laisser de l’argent et descoutumes. J’ai vu une pièce d’argent trouvée dans les sables deVillerville en 1902. C’est une monnaie de Philippe II, très belle. Dansle Calvados, il y a beaucoup de noms espagnols et les Hôtels d’Espagney sont fréquents. Si le désastre de Philippe II n’apporta pas le pain brié en France, ilsemble qu’il n’a pu que favoriser sa conservation dans le Calvados.C’est à quoi aurait servi du moins cette expédition malheureuse. Lesgrandes entreprises aboutissent souvent ainsi à quelque chose d’imprévu. Ainsi les guerres d’Italie valurent-elles aux Français un désastre, lasyphilis, et « tout le fruit qu’on retira de la campagne pour laconquête du royaume de Naples, sous Charles VIII, fut le transport enFrance des plants de poires de bon chrétien (Gébelin*, p. 204). » « Tant il est vrai, comme l’a si justement dit A. Allais. qu’en matière de travaux publics, on ne saurait tout prévoir. » Il oubliait la médecine, la première des sciences inexactes ! * * * J’ai demandé à des personnes ayant vécu en Angleterre, s’il y avait dupain analogue au pain brié. On m’a dit qu’il n’y avait aucuneressemblance, bien que la mie fût un peu plus serrée qu’à Paris. Honfleur a pourtant été une ville anglaise cent ans après l’arrivée du pain brié en France, car elle fut reprise en 1449. J’ai eu l’occasion de voir un pain anglais ; la mie est légèrementcompacte, mais il n’y a pas de rapport entre le pain brié et ce pain(Southampton) dont la forme rappelait comme le goût, certaines brioches. * * * Sur la Lagune Les Espagnols ont occupé longtemps le nord de la France, Arras, lesFlandres, où on ne fait pas de pain brié. Y a-t-il été connu et l’usages’en est-il perdu ? Je ne sais. J’ai essayé vainement de savoir si on le connaissait dans les pays Espagnols de l’Amérique. Le pain brié a-t-il pris naissance sur le sol Espagnol ? Il pourrait yavoir été porté d’Italie, au temps où l’Espagne était province romaine.Mais nous lisons au contraire dans Boutroux (Le Pain,p. 90) qu’« avant la conquête romaine, les Gaulois et les Espagnols,initiés par les Phocéens, savaient très bien faire le pain (qui devaitalors être du pain grec). Après la conquête, cet art fut entièrementperdu. » On remarquera que, malgré cette origine et les relations de l’Espagneavec le Midi de la France, on ne connaît pas le pain brié sur nos côtesméditerranéennes. Tout ce que nous avons vu sur le pain brié, l’usage du levain, de lapâte ferme, les formes données, nous montre que son origine estancienne. C’est un pain antique. On devrait donc le trouver dans les pays du sud de l’Europe ? J’ai demandé à des personnes ayant vu la Grèce, la Turquie, etc., desrenseignements là-dessus, en vain. Le plus souvent les gens se soucientfort peu d’étudier le pain qu’ils mangent. En Italie, du moins jusqu’à Rome, je n’ai pas vu de pain brié. Mais ony fait des pâtes fermes levées au levain. Dans le Nord, il y a du painbrié, on en trouve à Venise, et on ne sera pas surpris de m’entendrenommer la Ville, quand on se rappellera les relations qu’elle a euesavec le sud de l’Europe. En Vénétie, l’usage du pain brié est très limité. Nous n’en avons pasvu en dehors de Venise, ni à Stra, ni à Padoue, pendant plusieursvoyages que nous y avons faits, ma femme et moi. A Venise, dans presquetoutes les boulangeries, on fait un pain compact à croûte dure etdorée, à mie blanche et serrée, qu’on appelle pane con olio,ce qui indique qu’on y met de l’huile. Nous avons vu faire ces pains,mais sans avoir de renseignements exacts sur leur fabrication. Ce sontdes pains petits, bien que nous en ayons vu d’assez volumineux,cylindriques, à San Moïse ; le plus souvent, ce sont des petits pains,allongés, ronds aux deux bouts, plats en dessous ; en dessus, formantdes bosses irrégulières ; ce sont des pains briés, qu’on trouve dansles restaurants, pains d’un et deux sous ; je les ai vus avec grandplaisir. Car ils sont d’aspect et de goût très semblables au pain briéde la région Est du Calvados. La forme de ces pains diffère totalement de celles des pains duCalvados. Ils sont bien connus des artistes. Il y en avait un dans untableau de Toché au salon de 1909, Le chef gondolier du Traghetto de S. M. del Giglio. Or, un triste jour d’août 1906 que nous étions dans le Palazzo Ducale,pendant une tempête qui transformait la lagune en une mer déchaînée,faisait claquer les persiennes des maisons et avait fait disparaîtretoutes les gondoles, nous avons vu un tableau très intéressant. Dans la salle du scrutin (XVIIe s.) où est le monument de Morosini, ily a un tableau d’André Vicentino – Andre de’ Michieli, dit Vicentino(1539-1614) – représentant Pépin assiégeant le Rialto. A gauche, sur lesol sont des pains jetés sans ordre (33). Les uns sont longs, partagés en deux, les autres sont ronds, disquesépais avec une tête ronde au milieu, saillante comme sur les brioches.Mais, ce sont des pains ; à cette époque, on n’avait pas encore pensé ànourrir les hommes affamés avec de la brioche. D’autres enfin sont ronds ou carrés avec des angles arrondis, tailladésà leur face supérieure, avec des coins pointus. Et ces pains, lesderniers surtout, rappellent absolument comme aspect et comme formemême, les pains briés en « disque » que l’on fait actuellement àHonfleur. Leur croûte est de couleur semblable, ce sont des painsbriés... * * * J’arrêterai ici ce petit ouvrage, disant comme Averroès : « J’en feraiun plus grand, plus tard. » Mais je serais désolé qu’on prît acte dececi pour dire que ce philosophe a fait un ouvrage sur le pain brié. Je compte reprendre cette question, compléter certains points, vérifierdes hypothèses. Avant cela, je ne ferai donc pas de conclusions. « Quisait, dit Renan, si la finesse d’esprit ne consiste pas à s’abstenir deconclure. » J’ai déjà tenté de faire revenir le pain brié à Paris. J’essaierai denouveau. Ce serait pour moi une satisfaction de voir acclimaté etapprécié à Paris, le pain d’Honfleur, la vieille cité normande. Paris, le 17 décembre 1909. NOTES : (1) Nous avons consulté nombre d’ouvrages spéciaux sur le pain, entre autres : Violet. Du pain, thèse de Paris, 1876. – Galippe et Barré. Le pain (Encycl. Léauté, 2 vol.). – Husson. Hist, du pain à toutes les époques. Tours, 1896. – Fontenelle, etc. Manuel du Boulanger. Encycl. Roret. – Boutroux. Le Pain. – Devaux. Le Trésor des Boulangers. – Favrais. Manuel du Boulanger. – Legrip. Etude critique de la réglementation admin. de la Boulangerie. – Dict. Encycl. de la Boulangerie, 1895. Dans ces ouvrages, ou il n’est pas question du pain brié, ou les renseignements à son sujet sont insignifiants. (2) Favrais * dit : le pain breyé de Normandie. (3) Appelée brion à Honfleur. (4) Pour éviter le loc. cit., le titre des ouvrages souvent cités, marqués d’un astérisque, se trouve placé à la fin du volume. (5) Nous verrons plus loin l’intérêt que cela présente. (6) D’où farine. (7) Dans un sens différent Al. Weill dit (La Genèse, p. 217) « Bria. fort, gras, de Bara, créer, bien créé » (rad. Br). (8) Cependant, dans Legrip (Etude critique de la réglementation administrative de la Boulangerie,nous voyons (p. 87-sq) que le pain brié est, à Pont-l’Evêque, taxé 2centimes par kilo, 2 sous par 6 kilos de moins que le pain de luxe. (9) Voir sur les pâtes fermes. Devaux. Le Trésor des Boulangers », p. 123. (10) Comme les Romains. (11) La description que nous en donnons vient tant du livre deSaint-Amand* que de renseignements que nous avons eus pendant leCircuit du pain brié. (12) Celle-là, au moins, fonctionnera sûrement en 1910. (13) Par extension. (14) C’est certainement le même mot. Le scribe, qui l’a transcrit, nes’était pas aperçu qu’il y avait un point Daguesch dans le premier Teth. (15) De Tor, rond. D’où Tortil. (16) N’est-ce pas pour cette raison que Pascal a dit : Dieu est uncercle ; il est vrai qu’il ajouta : dont le centre est partout et lacirconférence nulle part. (17) La pain brié actuel surnage. (18) En disant cela, nous savons très bien que la plus grande partiedes hommes, au contraire, ne mange pas de pain et que c’est une trèspetite portion de la terre qui cultive le blé. (19) Cela éclate surtout sur des pains antiques (Pompéi) qui sont faitscomme ces fruits. Souvent, on voit le pain prendre la forme desvégétaux : certaines brioches, larges, à fond plat, ressemblent auxpatissons. On vend, dans les pâtisseries, des pains au lait qui sedébitent en segments pointus et allongés, dont l’ensemble, enpalissade, reproduit exactement l’aspect de Scenedesmus acutus, algue microscopique. (20) Amande, Gloire ogivale. (21) Certaines sectes gnostiques se réclamaient de saint Jean. L’aigleet la colombe sont des animaux johannites. A l’église d’Hennequeville(Calvados), saint Jean est représenté avec l’aigle canonisé. ASaint-Herbot (Finistère), il porte un calice, d’où sortent les têtes detrois colombes. On peut encore voir ceci (Saint-Etienne de Caen) ; un vase, où sont trois épis de blé, soutenus par deux colombes. (22) Nous avons vu écrit même Yvonah, pendant le Circuit du pain brié. Ne croirait-on pas lire Ionah ? (23) Coïto, ergo sum. (24) Les formes ctéïnnes d’Honfleur sont moins belles que celles de Bayeux. (25) Ce serait une erreur de croire que la saillie qui représente cetorgane était un effet du hasard sur ce pain. On la retrouvera,identique, sur un petit pain de Villerville, plage voisine d’Honfleur(fig. 20). D’ailleurs les photographies de cet ouvrage ont été faitesd’après des pains achetés au hasard pendant le Circuit. (26) Le pain brié de Caen n’a de commun que le nom avec celui de Honfleur. (27) Du celte Gru, orge. Le pain d’orge est un pain très ancien. (28) Nous lui avons retourné, en Français, le nom que l’Antiquité gréco-latine donnait aux gâteaux faits à son image. (29) Remarquez l’analogie de l’Espagnol Pan, du Latin Panis avec leGrec παν, pan, tout. Έν το παν, écrivait-on souvent dans le SerpentOuroboros. (30) On trouvera quelques renseignements, sans d’ailleurs rien de spécial, eu égard à notre sujet, dans l’ouvrage de Favrais. Manuel du Boulanger, p. 281, sq., et planche 15. (31) Il avait épousé Jeanne de Navarre. (32) Je n’ai pu savoir la date du manuscrit dont parle Du Cange à ce sujet. (33) Les Vénitiens les avaient lancés dans le camp de Pépin, avec desarbalètes, pour faire croire qu’ils vivaient dans l’abondance, malgréle siège. (Cf. Ch. Blanc. Hist. des peintres, Ec. Vénitienne. Appendice, p. 32.) TITRES DES OUVRAGES MARQUÉS D’UN ASTÉRISQUE. E. BURNOUF. – Le vase sacré et ce qu’il contient. Paris, 1895. COURT DE GÉBELIN. – Le monde primitif. Dict. Etymologique de la langue française, 1778. DAREMBERG, etc. – Dict. des Antiquités grecques et romaines. DE SAINT-AMAND. – Lettres d’un voyageur à l’embouchure de la Seine. Paris, 1828. DU CANGE. – Glossarium mediæ et infimæ latinitatis. FABRE D’OLIVET. – La langue hébraïque restituée, 2 vol. 1815. FAVRAIS. – Manuel du boulanger, 1904. GODEFROY. – Dict. de l’ancienne langue française. LACURNE DE SAINTE-PALAYE. - Dict. historique de l’ancien langage français. MOISY. – Dict. du patois normand. Caen, 1885. OVERBECK-MAU. – Pompeji’. Leipzig, 1884. PAPUS. – Traité méthodique de science occulte. PLANCHES : |