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DEULIN,Charles (1827-1877): Lamarmite du diable (1874).

Saisiedu texte etrelecture : O. Bogros pour la collectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (26.I.2005)
Relexture : A. Guezou
Adresse : Médiathèque André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros]obogros@ville-lisieux.fr
http://www.bmlisieux.com/

Diffusionlibre et gratuite (freeware)
Texteétabli sur un exemplaire (Coll. part.)des  Cent et un contes,nouvelles et récits choisis etprésentés par René Poirier etimagés par Pierre Luc, avec une présentation deMaurice Fombeure, parus à Paris, à la LibrairieGründ en 1951.
 
La marmite dudiable
par
CharlesDeulin

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AUtemps jadis,il n’y avait, sur la route de Valenciennes àCondé,qu’un seul village, ou plutôt un hameau, le hameaud’Escaupont. Tout le reste du pays était couvertparl’immense forêt charbonnière quiappartenait auxseigneurs, et, bien que le bois mort n’y manquâtpoint, lespauvres gens soufflaient souvent dans leurs doigts, quand hurlait levent de bise.

En ce temps-là vivait à Escaupont un marissiau,oumaréchal ferrant, qui avait nom Jean Hullos, maisqu’onappelait communément le Cacheux, ce qui, selon les uns, veutdire le chasseur, à cause qu’il aimait beaucoupàbraconner, et, selon d‘autres, le chercheur, parcequ’ilavait toujours l’air de chercher quelque chose.

Or, un soir d’hiver que le Cacheux rôdait par laforêt, sur le mont d’Anzin, il avisa, au loin, unelumière rougeâtre qui brillait àtravers les arbres.

Jean se dirigea de ce côté, car il gelait fort cesoir-là, et les dents lui claquaient comme le bec descigognes.

Il arriva bientôt devant une hutte, regarda au travers de laporte et vit un grand feu qui flambait dans l’âtre.

On eût dit qu’il y avait dix lampesallumées, tantce feu était clair et brillant, et, pourtant, il ne semblaitfait ni de bois, ni de tourbe, ni de paille, ni de feuillessèches, mais bien de grosses pierres noires, quibrûlaientcomme des tiges de colza.

Trois hommes, trois nains, tout noirs des pieds à latête,étaient accroupis autour du foyer.

Un autre, à la place de Jean, se serait enfui bien vite,mais lemarissiau avait la poigne comme son étau et ne craignait niventni orage. Il était seulement étonné etpensait queces pierres lui viendraient bien à point, à lui,qui,souvent, avait tant de peine à chauffer le gros fer.

Il tira sa pipe et, entr’ouvrant la porte, il dit, selonl’usage :

- Peut-on l’allumer, nos gens ?

L’un des trois nains lui fit signe d’entrer et,tout enbourrant sa boraine, Jean put observer ses hôtes.

Ils étaient complètement nus et velus comme desours.

- Qu’est-ce que vous brûlez donc là, nosmaîtres, sans être trop curieux ? demanda JeanHullos.

Les trois nains se mirent à ricaner et àgrimacer,après quoi, le premier dit aux autres, endésignant lesol :

- Si on le savait, qu’il y a là-dessous, au finfond dutréfonds, des trésors plus précieuxque l’oret les diamants !

Puis il ajouta :

- Quand le chat n’y est pas, les souris dansent !

Et il fit une grimace, accompagnée d’un ricanement.

- Si on le savait, dit le second, qu’un jour les entraillesde laterre brûleront au soleil, les voitures marcheront sanschevaux,les vaisseaux vogueront sans voiles et les lampes brilleront sans huile!

Puis il ajouta :

- Quand le soleil est couché, toutes bêtes sontàl’ombre.

Et, comme son voisin, il couronna sa phrase par une grimace et par unricanement.

- Si on le savait, dit le troisième en faisant les cornes,que,quand les hommes pilleront ses provisions, petit à petit,sonrègne finira dans le monde et qu’un jour,peut-être,sa marmite sera renversée.

- Qui ça ? De qui parlez-vous ? s’écriaJean.

Mais soudain retentit un coup de sifflet qui paraissait venir dutréfonds. Les trois nains se levèrent, rapidescomme desécureuils, et disparurent par un grand trou que le Cacheuxn’avait point remarqué.

- Nom d’une pipe ! J’en aurai le coeur net !dit-il, et ils’élança derrière eux, dansun puits sansfond.

Jean Hullos descendit par une échelle assez roide et, auboutd’une heure, il arriva dans une sorte de cave ronde,d’où partaient de longues galeries basses, commeles raiesd’une roue partent du moyeu.

Des lumières innombrables allaient et venaient dans cesgaleries. Le Cacheux reconnut que c’étaient autantdenains qui, le front éclairé par des langues defeu,s’occupaient à une besogne étrange.

Les uns, accroupis ou couchés sur le flanc, enlevaientàcoups de pic d’énormes blocs de pierre noire ;d’autres les chargeaient sur de petits chariots, qued’autres enfin traînaient par les galeries.

Ils remplissaient leur tâche avec une adresse et uneagilité incomparables, riant, criant, gesticulant etgambadantcomme une troupe de singes.

- Que faites-vous donc là, mes gars ? leur demanda JeanHullos.

- Ah ! si on le savait, dit l’un d’eux, quec’est iciqu’on lui fournit de quoi les faire cuire !

- Qui ?... mais qui donc ? s’écria le Cacheux.

- Ah ! si on le savait ! si on le savait ! reprirent en choeur sescompagnons.

- Nom d’une pipe ! On le saura ! fit-il.

Et il enfila une des galeries, à la suite de quelques petitschariots.

La galerie débouchait sur une vaste plaine, oùs’élevaient encore d’énormestas de pierresnoires.

Près de là coulait un fleuve aux eaux jaunes etvertes,que traversaient de larges barques toutes chargées de cespierres.

Jean grimpa sur un des tas pour voir de plus loin et, del’autrecôté du fleuve, il aperçut,à travers unépais nuage de fumée, une immensechaudière,où il lui parut - spectacle épouvantable ! -qu’onmettait bouillir des hommes semblables à lui.

- Il va se faire arder ! Il va se faire arder ! crièrent lesnains, et ils le forcèrent à descendre.

Alors retentit un second coup de sifflet, qui serépétade galeries en galeries. Tous les ouvriers jetèrent leursoutils, s’assirent en rond et chargèrent leurspipes. Jeancomprit que c’était l’heure du repos etfit tabacavec eux.

On apporta de grands bocks de bière écumante. Lesnoirsouvriers en offrirent à leur hôte. Un vrai Flamandnerefuse jamais un verre de bière, fût-il offert parlediable en personne : Hullos accepta sans barguigner.

- A votre santé, nos maîtres ! dit-il, et il vidasonverre.

Il ne craignait qu’une chose, c’est que labièren’eût un goût debrûlé. Elleétait, au contraire, fraîche et piquante, aussibonne quela bière d’Escaupont.

Cela fit que Jean vida tant et tant de fois son verre qu’ilbuttrop d’un coup et s’endormit.

Etait-ce l’effet du houblon ou de quelque autre cause ? LeCacheux eut un rêve, et ce fut un rêve bienextraordinaire.

Devant lui bouillait la grande marmite, et sur elle étaitpenché un géant cornu ayant le mufled’un bouc, lesyeux d’un chat-huant et les ailes d’une immensechauve-souris.

Armé d’une longue cuiller, le géantailétouillait la marmite, lorsque lui, Jean Hullos, s’approchaintrépidement et, avec le seau de sa forge, arrosa lespierresnoires qui brûlaient au-dessous.

Elles s’éteignirent en fumant, mais legéant saisitun énorme soufflet et souffla le feu avec rage.

Puis l’infernal cuisinier et sa marmites’effacèrentpeu à peu, et Jean ne vit plus que deux yeux qui brillaientdansl’ombre, pareils aux fours d’une verrerie.

Alors il ouït une voix qui disait :

- Pas encore ! Pas encore ! On ne touche pas encore à lamarmite!

Et il lui sembla qu’on l’enfermait dans un cercueildeplomb et qu’il s’y endormait d’un sommeilde plomb,pour toute l’éternité.

Quand le Cacheux se réveilla, il se retrouva dans laforêt.

La lune pâlissait et le jour commençaità poindre,mais les oiseaux ne chantaient pas, vu qu’on étaitenhiver. Il regarda autour de lui, se frotta les yeux et cherchaàmettre de l’ordre dans sa tête.

- Drôle de rêve ! dit-il ens’étirant. Je mesens tout rompu. Mais quelle idée aussi de dormir au soleildesbécasses, par un froid à geler un boudin sur legril !Brrr ! La Jeanne doit être inquiète !

Il se leva pour regagner son logis. Chose singulière ! il nereconnaissait point l’endroit où il se trouvait :là où la veilles’épaississaient desfourrés, il voyait maintenant des clairières, etlaforêt lui semblait, en général,beaucoup moins drue.

Ne comprenant rien à ces changements, il s’orientacommeil l’eût fait en pays étranger etdescendit lamontagne d’un pas pénible et mal assuré.

Au bout d’une demi-heure, il rencontra un village. Cela lesurprit de plus en plus, car Escaupont, comme chacun sait, estsitué à une heure du mont d’Anzin.

Il vit venir, de loin, un berger avec ses moutons.

Le Cacheux connaissait tous les bergers d’alentour. Il nereconnut point celui-là.

- Comment appelez-vous cet endroit ? lui demanda-t-il.

- Ici, mon vieux père, c’est Bruai, luirépondit leberger dans un jargon qui ne semblait point tout à faitcelui dupays.

Jean ne s’expliquait pas non plus pourquoi cet hommel’appelait «vieux père», luiqui n’avaitpoint encore trente ans.

- Il me semblait bien, reprit-il, que ce n’étaitpasEscaupont.

- Escaupont est le clocher que vous apercevez tout là-bas,à une demi-lieue.

Le Cacheux marcha encore et parvint à Escaupont.

Il ne reconnut pas une seule des maisons du village, àl’exception de l’église, quiétait toutecrevassée et s’en allait en ruines. On enbâtissaitune autre, plus grande, à côté.

- Est-ce que mon rêve serait déjàréalisé ? se disait-il. Mais les voituresqu’ilavait rencontrées ne marchaient pas sans chevaux, et il nevoyait nulle part les pierres noires qu’il avait vues flamberaufond de la terre.

Il arriva à sa chaumière, ou plutôtàl’endroit qu’elle occupait : à sa places’élevait une jolie maisonnette,ombragée par unchêne.

Il se rappela que, six ans auparavant, lors de la naissance de safille, il avait planté un gland dans son courtil. Par unphénomène incompréhensible, en sixmois, le glandétait devenu un chêne énorme.

Jean Hullos ne savait s’il rêvait, nis’il avaitrêvé, s’il revenait du fond de la terre,et si,réellement, il avait eu affaire à Satan enpersonne.

Il entra dans la maisonnette et vit une femme qui tenait un enfant dansses bras ; mais ce n’étaient ni sa femme ni safille.

- Que demandez-vous, l’homme de Dieu ? Nous n’avonsrienà donner, dit la jeune femme.

- Je ne demande mie l’aumône, je demande Jeanne.

- Quelle Jeanne ?

- Jeanne du Cacheux, autrement dit Jean Hullos.

- Je n’ai jamais ouï prononcer cesnoms-là.

- C’est pourtant bien ici, Escaupont.

- Ici même.

Jean se laissa choir sur une chaise en riant.

- Ah ! c’est certain, je deviens fou !

A ce cri, la femme eut peur.

- Allons, sortez ! lui dit-elle, vous n’êtes miedéjà si plaisant avec votre barbe d’uneaune : vousavez tout l’air du Juif errant.

Jean porta la main à son menton ets’aperçut que,en effet, il avait une longue barbe blanche. Un miroulet, ou petitmiroir, était accroché à lacheminée : ils’y regarda et poussa un cri de désespoir. Il pritl’almanach, y jeta un coup d’oeil et retomba sur sachaise,évanoui.

Le malheureux venait de reconnaître qu’il avaitvieilli decent ans en une nuit.

La femme alla dire à ses voisines que le Juif errantétait dans sa maison. Les voisines accoururent.

Cependant, le Cacheux revenait à lui. Il mit satête dansses mains et resta là, comme un homme anéanti.

- D’où êtes-vous ? luidemandèrent les femmes.

- D’Escaupont.

- Y a-t-il longtemps que vous en êtes sorti ?

- Une nuit, et le village et moi nous avons vieilli de cent ans.

- Qu’avez-vous fait durant cette nuit-là ?

- Je suis allé au fond de la terre.

- Au fond de la terre ! Et qu’y avez-vous vu ?

- La marmite du diable.

- C’est donc un sorcier ! fit une voix.

A ces mots, les femmes s’écartèrent. Lacuriosité fit place à la crainte, etbientôtà la fureur.

- Au sorcier ! Au sorcier !...

Ce cri attroupa tout le village.

Le mayeur vint, comme les autres, et il eut beaucoup de peineà tirer le vieillard des mains de la foule, qui voulait lelapider. Il le conduisit lui-même à Valenciennes,sousl’escorte du garde champêtre.

Hullos fut enfermé dans la prison pour êtrejugé lelendemain ; mais il advint que, ce jour-là, le grandprévôt mourut subitement : le procèsfut remisà huitaine.

Quand le marissiau parut devant le tribunal, le pauvre vieuxétait si courbé par l’âge etla souffrancequ’il n’avait point la force de lever latête.

- Est-il vrai que vous soyez allé au fond de la terre et quevous ayez vu la marmite du diable ? lui demanda le nouveau juge.

- Cela est vrai, répondit le Cacheux.

- Et qu’y avez-vous vu encore ?

- Des trésors plus précieux que l’or etlesdiamants.

- Quels sont ces trésors ?

- Des pierres qui brûlent et qui feront qu’un jourlesvoitures marcheront sans chevaux, les vaisseaux vogueront sans voileset les lampes éclaireront sans huile.

- Il n’y a que la magie pour opérer de pareilsprodiges.Cet homme est un sorcier !

Le juge prononça ces paroles avec un tel accent de haine queJean leva les yeux.

Le grand prévôt ressemblait, trait par trait, sauflataille, à l’effrayant personnage que Hullos avaitvu sousla terre ; seulement, il avait caché ses cornes sous sonbonnet,ses ailes de chauve-souris sous sa robe, son mufle sous une barbetouffue, et ses yeux de chat-huant sous des lunettes.

Les regards du juge et de l’accusé secroisèrent.Les yeux du juge se dilatèrent comme s’il avaitfait nuit.A l’aspect de ses deux flammes, le Cacheux sentitqu’ilétait perdu.

Le prévôt parla ensuite quelque temps. De tout sondiscours Jean n’ouït que ces mots :

- Qu’on mène demain cet homme au supplice !

Et Jean fut reconduit en prison, au milieu des imprécationsdela foule.

Le lendemain on vint le prendre pour le mener au bûcher surlaGrand’Place.

C’était un samedi, jour de marché : ily avaitbeaucoup de paysannes des environs qui vendaient du beurre et desoeufs, et qui buvaient de la blanche bière dans les cabarets.

Jean parut, la corde au cou et se traînant àpeine. Jamaison n’avait vu un si vieil homme marcher au supplice, et lesfemmes ne pouvaient se tenir de le plaindre.

Quant à lui, il étaitrésigné. Aprèstout ce qu’il avait souffert depuis le soir où safatalecuriosité l’avait conduit au fond de la terre, ilaimaitautant mourir que vivre.

Pourtant, ce n’était point sans amertumequ’ilenvisageait son sort. Il tenait en ses mains un secret qui pouvaitfaire le bonheur du monde, et ce secret, il l’emportait aveclui !

Tout à coup, parmi la foule rangée sur sonpassage, ilaperçut une jeune paysanne qui allaitait un enfant.

L’infortuné jeta un cri :

- Jeanne, ma chère Jeanne !

Et, avant qu’on eût pul’arrêter, il courut laprendre dans ses bras.

Il couvrait de baisers la mère et l’enfant, et seslarmescoulaient le long de sa barbe blanche. La mère etl’enfantressemblaient si bien à sa femme et à sa filleque Jeanoubliait que toutes deux devaient être mortes depuislongtemps.

La jeune paysanne se sentait prise de pitié pour levieillard etse laissait embrasser en pleurant elle-même.

- Te souviens-tu de Jean Hullos, Jean le Cacheux ? lui dit-il.

- Jean le Cacheux ? J’ai souvent ouï magrand-mèreprononcer ce nom, qui était celui de songrand-père.

- C’est moi, moi qui suis Jean le Cacheux !

Une vieille femme de plus de quatre-vingts ans s’approchaalors.

- Si vous vous appelez Jean Hullos, autrement dit Jean le Cacheux, jesuis votre petite-fille, et celle-ci est la fille de votrearrière-petite-fille.

Et la foule cria : « Miracle ! » car jamais on nevit unesi merveilleuse ressemblance que celle des deux vieillards.

Jean pressa sa petite-fille sur son coeur.

- Tu es donc, disait-il, l’enfant de ma pauvre Jeannette, quej’ai laissée au sein de sa mère.Hélas !où est-elle ma jolie petite fille ?

- Elle est morte, il y a vingt ans. Elle en avait quatre-vingts.

Tout le monde pleurait en écoutant ces paroles.

- D’où vient que vous n’habitez plusEscaupont ?reprit Jean Hullos.

- Ma grand-mère m’a souvent contéqu’après que mon grand-père eut disparuelle avaitquitté son village pour aller s’établiràAulnoy, de l’autre côté de Valenciennes.

- Au bûcher ! cria une voix, la voix du juge.

Mais les femmes avaient pris parti pour le condamné, etelles seprirent à parler toutes à la fois.

- Ce n’est pas mie un sorcier ! c’est Jean leCacheux, legrand-père de la Jeanneton, et on nous tueraplutôt que dele faire mourir !

- Ce vieux sait la place où sont enfouis destrésors,disaient les hommes de leur côté.

Et ils le délivrèrent des mains de ses gardes.

- Ecoutez-moi, braves gens, dit alors Jean Hullos, et vous ne mourrezplus de froid durant l’hiver. Sous le mont d’Anzingisentd’énormes tas de pierres noires quibrûlent commeles tiges de colza. Un jour viendra où, grâceà cespierres, les voitures marcheront sans chevaux, les vaisseaux voguerontsans voiles et les hommes vivront en joie et enprospérité.

- Et tu voulais, juge maudit, nous priver de tous ces bienfaits ! Aubûcher, le juge ! au bûcher, lescélérat !

Et la foule saisit le grand prévôt, le garrotta,le fitmonter sur le bûcher et y mit le feu.

Mais voilà que soudain le jour s’obscurcit, uneépaisse nuée descendit sur la flamme, et on vitle jugese transformer en une gigantesque chauve-souris qui prit son vol, planaquelque temps au-dessus de la ville, s’abattit sur lebeffroi, yjeta trois cris sinistres et fila droit vers mont d’Anzin.

Le lendemain, une vingtaine d’hommes résolus,guidés par Hullos, se rendirent, avec pics et pioches, aumontd’Anzin.

Ils n’y trouvèrent ni hutte, ni trou, niéchelle ;mais ils creusèrent à l’endroit queJean leurindiqua et découvrirent le charbon de terre,qu’ilsappelèrent houille, du nom de Hullos.

Ils y creusèrent un puits et amenèrent parlà ausoleil les entrailles du globe.

Le diable, pour se venger, allume quelquefois dans les mines de houilleun feu qu’on nomme le feu grisou ; mais il a beau faire, lesouvriers continuent de piller intrépidement ses provisionsetd’en tirer la joie et la prospérité dumonde.