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[MAZARINADE] Laprise par assaut dela ville de Quillebeuf en Normandie. Avec la réduction en l'obeissancedu Roy, de celle de Ponteau de mer, en la même province : par le Comted'Harcourt. A Saint-Germain en Laye, 1649, 8 p. ; In-4.
Saisie du texte : S. Pinon pour la collectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (30.IV.2010)
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Texte établi sur l'exemplaire de laMédiathèque (Bm Lx : Norm Bur)

La prise par assaut de la ville de Quillebeuf

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LA PRISE
PAR ASSAUT DE
LA VILLE DEQUILLEBEUF
en Normandie.

Avec la réductionenl'obeïssance du roy, de celle de Ponteau de mer,en la mesme Province :

Par le comte d'Harcourt.

   Comme il y a des choses dont la croyanceest difficile : il y en a d'autres qui s'insinuënt presqued'elles-mesmes, quelques extraordinaires qu'elles soyent. Ainsi, avecde la cavalerie seule prendre d'assaut Quillebeuf puissammentretranché, que son importance a fait envier de la pluspart des favoris,sembleroit incroyable : mais il cesse de l'estre, quand on aprend queç'a esté par le courage & la conduite du mesme General, quiforça, contre toute aparence, les isles de Sainte Marguerite &Saint Honorat, avec beaucoup moins d'hommes que les Espagnols n'enavoyent pour les défendre : Qui remporta une victoire navale devantGénes sur les mesmes ennemis : Qui combatit avantageusement avec septmille soldats le Marquis de Léganez accompagné de vingt mille, à laRoute en Piedmont ; força & deffit avec la mesme inégalité detroupes ce Géne [ ] ans ses lignes de Cazal : prit en fuite Turin avecun nombre d'hommes encor moindre que n'estoyent les assiegez, enpresence d'une armée ennemie double à la sienne, & qui a faittant d'autres exploits dont nos histoires sont pleines.
    Le Comte d'Harcourt s'estant rendu presdu Roy le 6 du passé à Saint Germain en Laye, comme ont fait tous lesautres Princes, Seigneurs, Officiers de la Couronne, & autresqui ont sacrifié ce qu'ils doivent à la conservation de l'authoritéRoyale, contre les entreprises faites à son préjudice, apres avoircommandé les troupes du Roy durant quelques jours à Saint Cloud, futenvoyé par Leursd. Majestez dans la Normandie. Mais les habitans deRoüen s'estans dédits de l'obeïssance qu'ils avoyent envoyée ratifierde nouveau à Leurs Majestez 8 jours auparavant, & luy ayansrefusé l'entrée dans la dite ville : Ce Prince à qui les difficultez neservent qu'à éguiser son courage & affermir sa confiance,n'abandonna point les environs de Roüen, bien qu'il fust en desquartiers ouverts accompagné seulement de 200 Chevaux du régiment duDuc de la Meilleraye, qu'en mesme temps le sieur de Chamboy Lieutenantde la compagnie de gens-d'armes du Duc de Longueviile, fust entré dansRoüen avec 400 Maistres, & que ce Duc y fust en personneassisté de quelques autres troupes.
    Toutefois n'ayant pû attirer les ennemisau combat, le sieur de la Ferté Imbaut Lieutenant general, ne luy eutpas plustost amené un renfort de deux regimens de cavalerie Alemandedes Colonels de Bambak & Ravanelle, qu'il pensa quelleentreprise plus génereuse il pourroit faire dans ces quartiers-là pourle service du Roy.
    Il ne trouva point de place à la prisede laquelle les ennemies se pussent moins attendre qu'à celle deQuillebeuf, tant pour la longueur du chemin, cette ville estantéloignée de plus de 15 lieuës du lieu où il estoit lors qu'il en formale dessein, que pour la difficulté de l'entreprise, nul ne se pouvantimaginer que l'on pensast à prendre une place sans infanterie.
    Il sçavoit d'ailleurs que le Duc deLongueville y assembloit un régiment de fantassins & deuxcompagnies de cavalerie : Que cette place de Quillebeuf, outre lesfortes barricades & retranchements que ce Duc y avoit faitfaire, se fortifioit de jour en jour par ses ordres, pour tenir par cemoyen puissamment en bride la ville de Roüen : ne pouvant rien entrerpar mer qu'il n'aille moüiller l'ancre sous cette ville de Quillebeuf.Et enfin ce Prince cherchant pasture à son courage, & quelquesujet de chastier une partie des rebelles, pour ramener le reste à sondevoir, faisant en sorte que la punition s'estendist sur peu depersonnes, & que la terreur de leur chastiment en parvint àplusieurs ; il ne jugea point de lieu plus propre à cét effet que cetteville là : laquelle tant sans son enceinte, que dans ses fauxbourgs, necontenoit qu'environ 400 feux : Car ce Géneral eut cela de commun encette action avec tous les grands hommes, que sa resolution ne fut pasplustost prise, que la mesurant à la grandeur de son zele, & àla bonne volonté de ses troupes, il se proposa la chose comme faite.
    Pour y parvenir ce Prince se rendit leneufiesme de ce mois en la ville du Pont de l'arche, avec ses troisrégiments grossis d'un escadron de cavalerie composé d'une partie desGentilshommes de la Province de Normandie, qui n'ont point encor effacéde leur coeur les fleurs de Lis, faisant 60 Maistres commandez par leMarquis de Montlévrier, le tout se montant par ce moyen à 800 Chevaux.Il vint de là coucher le lendemain 10 au bourg de Boutroude : l'11, àcelui de Montfort : le douziéme il fit mine de vouloir attaquer laville de Ponteau-de-mer, à 3 lieuës dudit Quillebeuf : Et pour fairecroire sa feinte escrivit aux habitans de cette ville là, qu'ileseusssent à lui envoyer des Députez avec les clefs de la place, pourl'asseurer de l'ouverture de leurs portes & de leur obeïssanceau service du Roy. Et afin d'accompagner ses paroles des effets, 6heures après, à sçavoir sur les 5 heures apres midi du mesme jourdouziesme, il fit sonner le bouteselle : Et lors qu'il commançoit samarche de ce costé là, 4 Députez du Ponteau de mer lui vinrent faireleur harangue assez éloquente & pleine de protestationsgénerales de leur obeyssance au Roy. Mais ne venans point auparticulier, qui estoit d'offrir leurs clefs : le Comte d'Harcourt leurdit, Messieursvostre harangue est fort belle, il ne reste plus que deme respondre si vous ouvrirez vos portes quand je voudray y entrer: Aquoy l'un d'eux répondit, Qu'iln'en donnoit aucune asseurance : Cequi obligea ce Comte à leur commander de le suivre pour voir ce qu'ilalloit faire, & ayant continüe sa marche jusqu'à une lieuë duPonteau de mer, prit à droite du costé de Quillebeuf, d'où aprochantavec sa cavalerie, entre une et deux heures après minuit du 13, il fitmettre pied à terre à demi lieuë de la place à une partie de sescavaliers, disposant ainsi ses attaques.
    Le sieur de Roncerolles ancien Mareschalde camp, eut la principale qui estoit du milieu : Le Comte de Clereaussi Mareschal de camp, eut celle de la main droite : Et le sieur deBougy ayant mesme charge, celle de la gauche.
    A la premire attaque estoit un Mareschaldes logis du régiment du Duc de la Meilleraye, avec 15 Maistres à piedqui servoyent d'enfants perdus, soustenus par un Lieutenant du mesmerégiment, accompagné de trente Maistres, encore soustenus par leMarquis de Renel avec 60 Maistres : Ledit sieur de Roncerolles, ayantavec luy pour Mareschal de bataille le sieur de Guittare, &pour Aide de camp le sieur du May : où estoyent aussi les sieurs deVieux-Pont Lieutenant Colonel du régiment de Loraine, &d'Orsigni Ventelet Escuyer ordinaire de la grande escurie du Roy.L'attaque de la main droite avoit mesme nombre & dispositiond'Officiers & cavaliers du régiment de Bambak, où estoit lesieur de Bouquetot Capitaine au régiment de Champagne : comme aussicelle de main gauche du régiment de Ravenelle, qui avoit le sieur deCoulange Capitaine au mesme régiment, & Lieutenant Colonel decelui du Comte d'Harcourt : toutes ces attaques soustenuës par leditComte de Harcourt & le sieur de la Ferté-Imbault, ayans aveceux les sieurs de Heudicourt & de Folleville Mareschaux decamp, les sieurs Poignan Mareschal de bataille, Capitaine des gardes duComte de Harcourt, Poulozi aussi Mareschal de bataille, Saint Aman& Bournonville Aides de camp : Fourrille Capitaine Lieutenantde la compagnie de Chevaux legers du Comte de Harcourt, MatharelCapitaine de Normandie : Villeneuve, de Navarre : Damas, du régiment deRambure, & autres volontaires. L'action commença ainsi sur lesdeux heures apres minuit.
    Les 3 attaques estans parties à mesmetemps, celle de Roncerolles passa la premiere baricade qui futabandonnée par les ennemis pour estre trop éloignée des autres. Ensuitede quoy les enfants perdus, soustenus comme j'ay dit, s'estans avancezà la seconde baricade, y souffrirent la décharge à brusle pourpoint de60 mousquetaires qui la gardoyent, outre celles qui leur estoyentfaites par des fuzeliers qui avoyent percé les maisons à droite& à gauche, desquelles ils tuerent ou blesserent 15 desattaquans, mais entr'eux nul Officier, ny personne de consideration. Cequi obligea neantmoins les principaux de se mettre à la teste de tout,encor que les ennemis fissent une seconde descharge. Pendant que lesautres attaques s'avançoyent chacune de son costé : celle de Clereayant rencontré un retranchement de 9 pieds de profond sur autant delarge, avec un parapet derriere couvert de paniers remplis de terre,d'où les ennemis faisoyent grand feu, comme aussi de 3 moulins à vent,voisins de ce retranchement : le Comte d'Harcourt pour encourager& animer d'autant plus les siens, mit pied à terre, &s'avançant sur le bord du retranchement, comme sit aussi le sieur de laFerté Imbault Lieutenant géneral, ils donnerent tel courage aux leurspar cét exemple, assistez des sieurs de Folleville & deHeudicourt, qu'ils forcerent ce retranchement, cependant que le sieurde Bougy par son attaque forçoit aussi le fauxbourg à la gauche : Desorte que ceux qui estoient attaquez par le milieu se voyans prestsd'estre coupez par la droite & par la gauche, &contraints par la violence de l'attaque, ne penserent plus qu'à leurretraite : qui ne se pu faire si promptement que ceux du régiment duDuc de la Meilleraye, commandé par le sieur de Marsagne, qui soustenoitvigoureusement cette attaque avec le reste du mesme Corps, ne leurtüassent plusieurs hommes, & poussans leur pointe au delà deces barricades, allerent teste baissée à la grande de la ville, quin'avoit point encor esté attaquée, assistez de ceux des 2 autresattaques, qui apres avoir forcé les ennemis chacune de son costé, sevinrent joindre. Ce qui fit que les attaquez voyans les nostres accrusen nombre, & marchans comme des lions, tous glorieux du succezdes premieres attaques, diminüérent en cette ci beaucoup de la premierevigueur qui avoit paru aux autres.
    Ils ne laissérent pas toutefois de sedeffendre demi quart d'heure, & tüerent encor quelques-uns desattaquans : Mais enfin nos victorieux passans sur le ventre de tout cequi restoit en armes & qui leur faisoit teste, donnerentjusques dans la ville : dans laquelle le sieur de Campigni, que le Ducde Longueville avoit envoyé dans la place pour y commander, n'eut pasle temps de se retirer, apres avoir deffendu les dehors, mais s'estantjetté dans une Eglise, à gauche de la barricade de la ville, qui estcette principalle dont je vous ay parlé, il y fut forcé par le sieur deBougi, lequel le fit prisonnier avec deux de ses enfans portans lesarmes & plusieurs autres.
    Le pillage, qui fut donné ensuite, fitbien-tost oublier aux vainqueurs leurs travaux passez : aussi fut-ilconsiderable dans une place qui servoit de retraite à plusieurs maisonsde la campagne, parmi lequel se sont trouvez 40 chevaux sellez& bridez, avec les pistolets destinez pour montrer une partiede la cavalerie que le Duc de Longueville y levoit : On y a aussi pristrois drapeaux pour l'infanterie qui s'y enroloit, & quantitéde fuzils & autres armes.
    Ce fait, le Comte d'Harcourt, pour lesfaire servir d'exemple, comme il a esté dit, fit mettre le feu danscette ville là, qui brusla toutes ses maisons & celles de sesfaux-bourg : la pluspart des gens de guerre & des habitans quiavoyent eschapé la fureur des armes s'estans noyez dans la Seine, quise dégorge là dans la mer : sans qu'en cette prise, en laquelle laNoblesse de la province se signala, nous ayons eu que trente hommestüez ou blessez, l'un de ceux-ci pres du Comte d'Harcourt, & lesieur de Heudicourt son cheval tüé sous lui.
    Cette execution, qui ne dura que cinqheures, ne fut pas plustost faite, que des les sept heures du matin leComte d'Harcourt envoya l'un des Deputez du Ponteau-de-mer vers sesconcitoyens, le chargeant de leur exprimer, avec la mesme éloquencedont il s'estoit servi, envers lui, les malheurs qui estoyentinévitables à tous les sujets du Roy qui demeuroyent dans ladesobeïssance : & le piteux spectacle que ce Deputé avoit veu,anima tellement son bien dire, que les bourgeois du Ponteau-de mer, lerenvoyerent au devant de ce Prince, qu'il trouva en chemin, pourl'asseurer de l'ouverture de leur ville & de leur entierefidelité au service du Roy, le rpians de leur accorder pourGouvernement le sieur de Folleville, & qu'ils ne fussent pointmal-traittez. Ce Prince, selon sa courtoisie naturelle, ne leur accordapas seulement l'un & l'autre, leur envoyant de son armée lesieur de Folleville, accompagné du sieur Talon, pour les asseurer del'entherinement de leur requeste, & leur faire renouveller leserment de fidelité au Roy, qu'ils prestérent avec grandes acclamationsde joye, mais encor il se contenta de passer au milieu de leur villesans y séjourner, bien qu'ils l'en priassent instamment.

A S. Germain enLaye, le21 Février 1649. Avec Privilége.