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ENGELHARD (Ch.) :  Découverte de SculpturesGallo-Romaines à Lisieux (1911).
Saisie du texte : S. Pestel pour la collectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (11.IX.2013)
Texte relu par A. Guézou.
Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex
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Texteétabli sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : Norm31bis) de la Revue illustrée du Calvados, 5eannée n°10 - octobre 1911.

Découverte de Sculptures Gallo-Romaines à Lisieux

par
Ch. Engelhard

~*~

Revue illustrée du Calvados - Octobre 1911Il vient d’être fait à Lisieux, rue du Pont-Mortain, dans les fouillesque nécessite la construction du nouvel immeuble de la SociétéGénérale, une découverte de fragments antiques aussi intéressants parla valeur archéologique de quelques-uns d’entre eux que par lasituation du terrain où ils ont été trouvés. Ces fragments, au nombred’une vingtaine, sont divers ; il en est qui sont couvertsd’imbrications en forme de feuilles ; d’autres, plus importants,présentent des bas-reliefs, malheureusement mutilés. Je vais décrirebrièvement les deux principaux de ceux-ci, les seuls qu’on puisseréellement discuter.

Sur le premier apparaît une femme, vue de trois-quarts, et tenant unenfant sur ses bras. On ne voit que la partie supérieure de son corps,l’inférieure, à partir d’une ligne brisée courant au-dessous de laceinture, ayant disparu par suite de la rupture ancienne de la partiequi la contenait. Je pense que cette femme devait être assise. Sa tête,bien modelée, copiée certainement d’après nature, est très expressive,la chevelure qui la couronne était bouclée par touffes, suivant unemode romaine bien connue ; cette chevelure ne comporte aucun ornement.On ne trouve sur le corps aucune trace de tunique ; par suite, la palla, agrafée sur l’épaule droite, cache directement le sein de sesplis incurvés observés justement. L’enfant, lui, est tout nu ; il estde bonnes proportions, mais sa figure est extrêmement curieuse ; ildirige vers la femme, vraisemblablement sa mère, ses bras en laregardant.

Le second fragment, beaucoup plus mutilé, me semble représenter unsuppliant dont on n’aperçoit que la partie antérieure de la face et lesbras : en regard de lui se voit le haut d’une colonne cylindrique dontle chapiteau, à la corbeille en tronc de cône renversé, limité par uneastragale torique et un tailloir rond à surface unie, supporte de partet d’autre les retombées d’arceaux à plein cintre. Si j’examine laface, vue de profil, à gauche, elle m’apparaît un peu grasse et devantà ses yeux fermés une expression de recueillement méditatif et detristesse. Le geste des bras est d’un homme qui implore ; ils sonttendus, la main gauche large ouverte et la droite tenant une offrandeaujourd’hui disparue. Le corps était revêtu d’une tunique à courtesmanches et les poignets portent des bracelets.

Je ne pense pas ces deux fragments de la même époque ; le premier estbien supérieur au second ; je l’attribuerai volontiers au IIIe sièclede notre ère, à raison de certains détails et aussi de sa franchised’exécution. L’autre serait par conséquent postérieur. Je n’émettrai,bien entendu, ici aucun avis sur leur destination primitive : rien nem’autoriserait à avancer sur eux une opinion quelconque.

J’ai dit qu’ils étaient importants par suite de leur situation locale.Dans un ouvrage que je viens d’écrire et dans lequel j’ai étudié, àl’introduction, l’histoire des fortifications gallo-romaines deLisieux, j’ai dû conclure à la co-existence de Noviomagus et de Lexovii(Lisieux), réfuter, par suite, la tradition qui prétend que celui-ciaurait été fondé par les habitants de celui-là, après sa ruine auxenvirons de 385, au moment des terribles invasions saxonnes. J’aidémontré aussi, en apportant des textes, que les murailles élevéesalors bordaient, sur leur front occidental, la rive droite del’Orbiquet des boulevards au coude de l’Orbiquet, près du Pont-Mortain,pour se diriger ensuite vers le portail occidental de la Cathédrale. Ladécouverte qui vient d’être faite à Lisieux confirme, de même que lesantérieures, la co-existence dont je parle : comme les débris qui lacomposent ont été trouvés à plus de 3 mètres sous terre, l’opinion queje soutiens me semble indiscutable. Il est probable qu’avantl’édification de l’enceinte gallo-romaine, Lexovii avait desdépendances sur la rive gauche du ruisseau et que ces dépendances ontété ruinées à l’époque des conquérants saxons ; il est regrettablequ’aucune inscription n’ait pu être rencontrée venant éclaircir cepoint d’histoire ; en tous cas la présence de fragments antiques endehors de cette enceinte et aussi près d’elle que le furent ceux que jeviens de décrire ne peut être expliquée, en l’absence de tout texte,autrement que je le fais.


CH. ENGELHARD,
Correspondant des Antiquaires de France.