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![]() Numérisation du texte : O. Bogros pour la collectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (25.IV.2013) [Ce texte n'ayantpas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement desfautes non corrigées]. Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros]obogros@lintercom.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusionlibre et gratuite (freeware) Orthographeetgraphieconservées. Texteétabli sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : Norm31bis) de la Revue illustrée du Calvados, 6eannée n°7 - Juillet 1912. Les « Heures » de Robert Salles, le plafond du nouvel Hôtel des Postes deLisieux par Victor Le Fort ~*~LE Nouvel Hôtel des Postes de Lisieux, que MM. Steeg etChaumet ont inauguré l’autre dimanche est assurément l'un des monumentsde ce genre qui ont le plus largement fait appel aux arts de lasculpture et de la peinture pour leur décoration. D'aucuns même l'ont jugée quelque peu excessive. Quoi qu'il en soit, Lisieux peut, à juste titre, s'enorgueillir duplafond qu'a composé pour le nouvel édifice un de ses enfants, lepeintre Robert Salles. Le centre de ce plafond comprend un globe terrestre poursuivant samarche mathématique dans l'éther, au milieu des constellations. Toutautour, en or froid, le Zodiaque détache sur le fond d'azur, ses signescabalistiques. Une première moulure limite le firmament et c'est au-delà que sedéveloppe, en une vaste couronne, l'ensemble des 24 sujets par lesquelsl'artiste a personnifié les heures. Il n'y a pas à dissimuler ce qu'unsemblable thème présentait à la fois de séduisant et d'aride.. L'idéepoétique en elle-même était complète, mais il y a parfois loin de lacoupe aux lèvres et du rêve aux réalisations. Pour incarner chacune desheures, sans grandiloquences ni vulgarités et faire de leurenchaînement un ensemble symbolique et harmonieux, le poète etl'artiste qui doivent s'unir en tout peintre ont à un degré éminentcollaboré chez Robert Salles. Nécessairement, les traditions mythologiques devaient le servir et leguider, non dans la reproduction des gestes qui sont tous très simples,mais dans leur stylisation, de même qu'elles lui fournissaient leprétexte de chastes nudités à demi-cachées sous leurs voiles. En effet, dans l’antiquité, les Heures, filles de Jupiter,remplissaient les fonctions de ministres du soleil et étaient chargéesd'ouvrir et de fermer les portes du Ciel. Tantôt, elles présidaient auxdivisions du jour et alors on en comptait 10 chez les Grecs ou 12 chezles Romains, - chez nous, depuis peu, nous en avons officiellement 24,- tantôt, on les faisait présider aux saisons et, dans ce cas, on n'enadmettait plus que 5, qui portaient, comme les autres d'ailleurs, desnoms charmants : Dicé, Irène et Eunomie, auxquelles étaient dévoluesrespectivement le Printemps, l’Eté et l’Hiver, puis Carpo etThalatie, qui patronnaient l'Automne. On les représentait, les unes et les autres, jeunes, belles, parfumées,formant des chœurs et des danses avec les Grâces, tandis que les Museschantaient. Avec celles-ci, elles présidaient à la gaieté des festins, à l'harmoniedes fêtes, à la joie innocente, à tout ce qui est jeune, radieux,attrayant, à tout ce qu'il v a de plus séduisant dans la beauté. Ce sont ces pures inspirations que Robert Salles à suivies pas à pas,sauf pour le groupe de 11 heures, midi et une heure qu'il a dû adapterà la destination du monument. On vient de voir qu'elle a été la poétique directrice de l'œuvre, etvoici comment, au point de vue peinture, l'artiste a équilibré sa vastecomposition. * * * Le groupe de midi est baigné de lumière et le ciel ardent est plein derayons ; à l'opposé, la nuit couvre les heures de ses ombres et de sesbleus profonds. -Midi, c'est toute la lumière et Minuit, toute l'ombre.Ces deux groupes antagonistes se rejoignent d'un côté par les grisperle et les mauves délicats de l'aurore et par les nuances fraîches ettendres du matin ; l'après-midi, avec ses tons chauffés et soutenus,regagne par une gamme descendante, les pourpres et les refletssanglants du soir. Il résulte de cet arrangement une eurythmie remarquable que complète etparfait l'usage systématique de couleurs de demi-teinte, admirablementapâlies. Pour le détail, voici la description rapide des sujets : Midi représente une femme personnifiant la Poste, elle reçoit ettransmet des télégrammes, pendant qu'à sa droite, la onzième « Heure »déverse à ses pieds un sac, d'où s'échappent des lettres et desimprimés. A une heure, on voit partir pour la distribution, une petitefemme très amusante dans sa tenue de facteur, tenue qui se réduit dureste au képi et à la boite. Les personnages qui vont suivre n'auront avec ceux-ci d'autre relationque le réseau de fils télégraphiques qui sillonne les fonds et surlequel, suivant le moment, hiboux ou pinsons sont perchés. Les quatre « Heures » suivantes montrent des femmes, l'une poursuivantdes papillons, aussi légère qu'eux ; l'autre, sylphe ou naïade ; latroisième, buvant à même un pichet ; une autre encore, s'en allant parles prés. La sixième heure, traitée avec amour, représente le geste cambré de lacueilleuse de pommes. On sent que le peintre s'est complu à cette pageessentiellement normande et de laquelle la septième et la huitièmeprocèdent. Neuf heures, c'est une femme qui joue du violon. Elle forme par sa pose sculpturale le plus curieux contraste avec ladanse désordonnée à laquelle se livre la dixième, tenant au bout de sonpoing une grosse lanterne verte qui silhouette son mouvement debacchante. La onzième heure affecte l'allure plus moderne d'une femme qui rentre, enveloppée d'une sortie de bal. Minuit, une heure, deux heures, ce sont autant de femmes drapées quireposent dans des attitudes diverses, pendant que près d'elles uneantique veilleuse se consume et que les hiboux les veillent sous lafroide clarté de la lune. La troisième heure, nue, semble se dresser vers la clarté tendre de l'aube et comme Psyché à son réveil... Hors du gazon touffu monter comme un grand lys. Puis, c'est la femme qui s'étire avec nonchalance ; la toilette ; à sept heures, elle agraffe son manteau. Plus loin, une forme harmonieuse s'en va vers la fontaine, une autrecueille des fleurs et revient les bras chargés de sa moisson. A l'aide de ces variations charmantes, dans les sveltesses des corps defemme et dans le subtil agencement de leurs voiles, Robert Salles amagistralement démontré une fois de plus la souplesse et la verve deson robuste talent. Mais, plus encore que l'œuvre définitive, revue et corrigée, lescartons qui ont servi à sa préparation témoignent de la fougue et de lajoie passionnée que l'artiste y a apportée. Ces esquisses sont toujours émouvantes, parce qu'on y sent lapersonnalité présente ; chaque trait en coup de sabre évoque la fièvrecréatrice du travail. Sollicité par quelques amis, Robert Salles a consenti à exposer pendantquelques jours - du mercredi 19 au mardi 95 - les croquis et dessins deses « Heures ». Ce sont quelques-unes de ces études au fusain ou aux trois crayons quenous reproduisons en tête de cet article. Elles donneront à noslecteurs un trop faible aperçu du talent de notre distingué compatriote. V. L. F. |