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Extraits du Bulletinde la Société d'Horticulture et de Botanique du Centre de la Normandie,n°5 - 1899.
Saisie du texte : O. Bogros pour la collectionélectroniquede la Médiathèque André Malraux de Lisieux (26.IX.2015)
[Ce texte n'ayantpas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement desfautes non corrigées].
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Diffusionlibre et gratuite (freeware)

Orthographeetgraphie conservées.
Texte établi sur les exemplaires de lamédiathèque (Bm Lx: Norm 1101) 


EXTRAITS
du

BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ D'HORTICULTURE
DU
CENTRE DE LA NORMANDIE

N°3 - 1899

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Quelques cas de Ressemblance protectrice

Chacun sait qu'on désigne sous le nom de Mimétisme, cette curieusepropriété qu'ont un grand nombre d'animaux d'en imiter d'autres. Cetteressemblance s'applique alors à des êtres animés. Mais, dans bien descas, l'animal pour échapper à ses ennemis s'adapte au milieu quil'entoure, se confond avec lui, au point de ne pouvoir plus en êtredistingué. Cet autre mode qui se rapporte à l'imitation d'objetsinanimés est plus particulièrement désigné sous le nom de ressemblanceprotectrice (homochromie). Quelques cas curieux d'animaux imitant desplantes, des parties de végétaux, des fleurs, peuvent ne pas êtredéplacés, croyons-nous, dans une Revue de botanique. Ainsi limité, lesujet est encore vaste.

Tous, nous avons remarqué avec quellehabileté, un lièvre ou une perdrix peuvent, grâce à leur couleur, sedissimuler dans un chaume. De même, une grenouille ou une rainette seconfondent dans une mare avec les lentilles d'eau et les plantesaquatiques qui les entourent ; au pôle, les animaux deviennent blancs ;ceux du Sahara prennent la livrée du désert, et les poissons la couleurdu fond qu'ils fréquentent. Ces faits généraux bien connus sontpeut-être plus frappants chez les insectes qui arrivent d'une façonmerveilleuse à imiter telle ou telle partie d'une plante.
Tout d'abord, les papillons nous offrent bon nombre d'exemples : c'est ainsi que le Thécla de la Ronce (Thecla Rubi),brun en dessus et d’un beau vert en dessous, devient brusquementintrouvable dès que relevant les ailes, il se pose sur une feuilleverte. Les Vanesses et les Satyres imitent au contraire, en se posant,des feuilles sèches. Vanessa C. Album, V. polychloros et V. Urticxd'un brun foncé en dessous, ne se distinguent plus, les ailes relevées,des feuilles brunies de dimensions analogues encore attachées auxrameaux ou pendant entre les plantes aux toiles d'araignées. Le Paon dejour (Vanessa Io), se place comme une feuille morte sur un rameau et se dissimule ainsi. De même façon se cachent Satyrus Semele, Pararge Mcera, P. iEgeria, etc... L'Aurore mâle (Anthocharis cardamines)a le dessous des ailes de la deuxième paire maculé de taches vertestrès découpées, et prend tout à coup, au repos, l'aspect du menufeuillage des Achillées, des Ombellifères et des Cardamines desprairies. Le Citron (Gonopteryx Rhamni)reproduit, étant posé, par sa teinte générale, par ses nervures et mêmepar quelques petites taches une feuille plus ou moins jaunie.

Cette imitation arrive au plus haut degré de perfection chez une espèce de Java, le Kallima paralekta.Lorsqu'il a replié ses ailes d'un bleu profond ou d'un brun foncé,traversées par une large bande orangée ou blanche, ce n'est plus qu'unefeuille morte. Tout y est : coloration, nervures, pétiole même simulépar de petites queues que présentent les ailes postérieures ; de plus,une tache vitrée, sans écailles, placée vers le milieu des ailessupérieures représente avec fidélité un trou rongé dans la feuille parune larve quelconque. Bien d'autres papillons exotiques, comme les Inachis imitent ainsi des feuilles desséchées (1).

Les Lépidoptères nocturnes offrent encore plus d'exemples curieux. Venilia maculariaest une petite Phalène d'un jaune plus ou moins vif avec des bandestransverses, interrompues, formées de beaucoup de taches noiresinégales ; au repos, sur des feuilles de Bouleau, elle se confond avecelles et passe inaperçue (2). D'autres, comme Cilix spinula et Penthina pruniana,imitent les larges gouttes déterminées sur les feuilles par lesexcréments des oiseaux. « L'illusion, dit Plateau, est complète, et despersonnes peu familiarisées avec ces phénomènes sont stupéfaiteslorsqu'en le touchant on fait envoler l'objet sur la nature duquelelles s'étaient totalement méprises. »

Revenons à notre sujetavec les Phalènes qui se confondent avec les feuilles sur lesquelleselles sont appliquées, grâce à leur coloration verte (tels Geometra papilionaria, Phalcena thymiaria)... avec les Noctuéliens qui, par leurs dessins, imitent certains Lichens. Une Phalène, Halia Wavaria,en représente même les découpures caractéristiques. D’autres enfin, etnombreux, simulent des éclats de bois, des brindilles, des aiguilles desapin, des feuilles attaquées par des cryptogames ; Phaber bucephala, au repos peut très bien être pris pour un morceau de bois recouvert de moisissure blanche, Closteria curtula ressemble à une vieille feuille de charme roulée et Lithosia griseola à une samare de frêne.

Jusqu'icicette ressemblance s'est exercée au repos. On peut aussi l'observer enmouvement : les Ptérophores sont, en effet, des microlépidoptères dontles quatre ailes sont divisées en forme de doigts, frangées, ce quileur donne l'apparence de plumes, imitant très bien, au vol, une akènede composée.

Certaines chenilles usent aussi de ces ressemblances (3). Ainsi des chenilles d'arpenteuses, l'Eunomos illustraria, l'Urapteryx sambucata,restent rigides et allongées sur des rameaux qu'elles semblentprolonger en imitant leur forme, leur couleur, les nœuds de labranche. L'Urapteryx n'est pas rare dans les jardins sur le sureau, le tilleul et le troène. La chenille du Pieris rapae est d'un vert qui se fond avec les feuilles des choux et autres crucifères dont elle se nourrit (4)

Les autres ordres d'insectes nous présentent des faits analogues.

Parmi les Orthoptères, les Bacilles (B. Rossii)et les Phasmes ont l'aspect de feuilles sèches ou de branches mortes.Les espèces du genre Phyllium qu'on élève à Java par curiosité,ressemblent si parfaitement pour la couleur, la forme et les nervures,à la feuille du goyavier sur lesquelles elles restent immobiles pendantle jour, qu'il est impossible de les en distinguer (5) La Mantereligieuse est commune dans tous nos bois, mais bien peu la voient,tant elle se confond avec les branchages sur lesquels elle se pose etdont elle semble faire partie intégrante (6).

Quelle science de dissimulation trouverions-nous encore chez les névroptères, leurs larves, et les fourreaux qui les protègent ?

LesAraignées, elles aussi, se dissimulent grâce à leurs formes et à leurstons qui s'harmonisent avec le milieu dans lequel elles vivent.Certaines espèces exotiques imitent jusqu'à des fleurs : une Thomise duCap reproduit la teinte et les stries des pétales du Laurier rose. Uneautre imite dans toutes ses parties les fleurs du Senecio pubigera (7). Et combien sur les troncs d'arbres nous échappent !

Nouspourrions passer en revue chaque classe d'animaux et y trouver desexemples de ces ressemblances. Les Myriapodes, les Mollusques, lesIsopodes, nous en fourniraient de curieux, même les animaux marins :c'est ainsi que dans la mer des Sargasses, Crustacés, Mollusques,Ascidies, ont exactement la nuance olivâtre des végétaux sur lesquelsils se trouvent (8).

Parmi les mollusques terrestres, bien despetites espèces, Hélices et autres échappent à la vue par leur nuanceou leur transparence. Un petit Gastropode, la Clausilie, ordinairementbrun foncé ou noir lorsqu'il vit dans la mousse ou sous les pierres,prend sur les Hêtres, les Charmes et les Frênes, la teinte grisâtre ettachetée de leur écorce en même temps que les tours de spire et lesstries s'émoussent.

Ce n'est pas ici le lieu d'étudier lemécanisme de cette adaptation : disons seulement qu'elle semble êtresous la dépendance du système nerveux central, et que l'action de lalumière sur la rétine de l'animal en est le point de départ.(Expériences de Pouchet).

Nous nous bornerons à ces quelquesexemples qui forment un si intéressant chapitre de la lutte pourl'existence. Ils nous ont semblé dignes de provoquer l'attention descurieux. En les recherchant, on augmentera l'attrait d'une simplepromenade, car c'est dans leur milieu même, c'est-à-dire dans la naturequ'il faut les étudier. Que de surprises pour celui qui sait voir ettrouver et souvent que d'amusantes méprises qui, en éveillant notrecuriosité, nous instruiront mieux que les meilleures figures de noslivres ! « Ne franchissons donc pas les mers, dit Plateau, pour allerétudier aux Indes ou au Brésil un des phénomènes les plus intéressantsqu'offre à notre admiration la gent animée ; restons chez nous, car lesfaits de Ressemblance protectrice présentés par nos insectes indigènessont si nombreux, qu'une partie seulement de ces faits est connue etqu'il reste beaucoup de petites découvertes à effectuer. C'est dans lesjardins, les prairies, les forêts, en un mot en visitant la nature chezelle qu'on a chance de surprendre quelques-uns de ses secrets. »

L.-J. MOREAU.

NOTES :
On lira avec intérêt les travaux suivants auxquels j'ai emprunté un grand nombre de faits :
(1)   E. Plateau. — La Ressemblance protectrice chez les LépidoptèresEuropéens. — Naturaliste 1err Novembre 1891.
(2)    Plateau. — L'homochromie de la Venilia macularia. Cuénot même sujet. Bull. Soc. Zool. 1898, pages 87 et 99.
(3)    E. Berce. — Lépidoptères.
(4)   Cuénot. — Sur les moyens de défense des Arthropodes. —Naturaliste 1er  mars 1890. — Moyens de défense chez les animauxBull. Soc. Zool. 1898, page 37.
(5)    L. Frédéricq. — La lutte pour l'existence (Bibi. sc. contemp.)
(6)    Géonémie de la mante religieuse (Feuille des jeunes naturalistes 1er  mars. 1899).
(7)    Elizabeth Peckham. — Protective resemblances in Spiders. Naturaliste Octobre 1889 et suivants.
(8)    Mis de Folio. — Sous les mers.



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Proposition en matière de drainage

Certainsterrains d'étendue considérable, ne pouvant être mis en valeur qu'aprèsdrainage du sol, ne paraît pas inutile de formuler toutes propositions,quelques simples soient-elles, qui paraissent fournir à cet importantsujet quelque élément nouveau.

I

L'unedes plus sérieuses préoccupations du draineur est de procurer à l'eauprovenant du drainage un écoulement illimité et suffisamment rapide ;en ce cas seulement l'assèchement pourra être réputé satisfaisant etles travaux entrepris pourront donner leur plein effet.

Or, ilarrive souvent que le terrain se prête mal à l'écoulement des eaux,soit que le sol ne présente pas de pente suffisante, soit que leterrain sur lequel peuvent être amenées les eaux de drainage se trouvelui-même imperméable ou sans issue facile : dans les deux cas, onrenonce le plus généralement à tenter un effort qui ne pourrait donnerque des résultats incomplets.

Le draineur peut cependant, laplupart du temps, remédier à ces défauts de pente et de perméabilité encréant à son profit l'écoulement artificiel des eaux.

On sait eneffet que les terrains géologiques sont, au point de vue de laperméabilité, divisés en couches perméables et imperméables,d'épaisseurs variables, alternant les unes avec les autres. On est doncpresque toujours certain, sur quelque terrain que l'étude soit faite,de trouver dans les couches superficielles, la couche d'épuisementd'une couche imperméable. On sait que, peur le même motif, il y asouvent inconvénient à poursuivre trop profondément le forage d'unpuits ; au-delà d'une certaine limite, déterminée d'ailleurs par lanature du sol dans lequel on opère, la production du puits peutdiminuer; à un moment donné l'eau peut disparaître entièrement.

Enpartant du même raisonnement, nous avions songé, il y a quelquesannées, à établir auprès de Lisieux en 1885 un bélier hydraulique, dansl'intérieur même d'un puits, afin de rendre ce puits productif à lasurface du sol, sans travail d'homme, par l'emploi de la chuterésultant de la différence de niveau entre la limite de la dernièrecouche imperméable et le fonds du puits situé en sol perméable. Dansl'espèce, la couche imperméable était trop difficile à pénétrer et sonépaisseur était trop considérable pour que l'établissement du systèmefût économique ; nous avons dû par suite renoncer à ce projet. L'idée aété reprise depuis et a donné de bons résultats.

Mais si lescouches imperméables du fond sont souvent dures et de grande épaisseur,il en est en général tout autrement des couches imperméables de surface; par suite de certains phénomènes géologiques, ces couches n'ontfréquemment, dans les terrains qui nous intéressent, qu'une faibleépaisseur ; il suffira donc presque toujours de creuser un puisard peuprofond pour parvenir à entraîner les eaux de surface et pour assurerainsi l'assèchement d'une étendue très importante de terrains ; on peutciter à titre d'exemple, en Seine-et-Marne, à Courtry, certainspuisards creusés en sol de surface imperméable, de moins de 6 mètres deprofondeur, dont le fond situé en sol perméable absorbe quotidiennementau moment des grandes pluies plus de 1,000 mètres cubes d'eau en 24heures, sans que le niveau de l'eau à l'intérieur du puisard ait jamaisatteint la surface de cette œuvre.

Il est donc presque toujourspossible, à l'aide de puisards, d'absorber l'eau de surface et parconséquent de parvenir à drainer des terrains qui n'ont pasd'écoulement naturel.

Reste à examiner les moyens qu'il semble préférable d'employer pour obtenir économiquement de bons résultats.

II

Depareils travaux de drainage ne devront jamais être entrepris sans uneétude préliminaire du sous-sol, résultant de l'inspection de travauxsimilaires dans les environs, de sondages effectués sur place et destravaux géologiques relatifs à la région, le tout afin de permettre des'assurer du résultat économique que ces travaux seraient appelés àdonner.

Si les prévisions sont satisfaisantes, le pland'ensemble tracé, on procède aussitôt au forage du premier puisard quidoit confirmer ou infirmer les prévisions.

Le forage devra depréférence être confié à des ouvriers puisatiers. Les murs du puisardpourront être habillés soit à l'aide d'une maçonnerie légère de brique,soit à l'aide de tubes en ciment armés, soit enfin avec des tubesmétalliques. De toutes manières il conviendra de ménager dans lerevêtement les passages libres pour l'écoulement de toutes les eauxd'égout. La couche perméable une fois atteinte, le forage du puisardsera poursuivi jusqu'à ce qu'il paraisse offrir une surfaced'absorption suffisante. Le revêtement du puisard dans cette dernièrepartie sera fait à l'aide d'une maçonnerie en pierre sèche ou mêmed'une maçonnerie cimentée largement ouverte.

Dans le haut dupuisard, en face et à la hauteur des embouchures des drains, serontimmédiatement ménagés à même la maçonnerie des ouvertures d'un diamètreau moins égal au diamètre extérieur des drains qu’ils seront appelés àrecevoir.

L'orifice du puisard devra toujours excéder le sol de50 centimètres au moins, être muni d'une forte plaque de tôle et êtremaintenu fermé.

Le nombre des puisards sera déterminé par lapente additionnelle à créer et par la quantité d'eau à absorber. Pourune surface donnée, ce nombre devra être suffisant pour assurer auxdrains une pente de deux centimètres au minimum sans que le point dedépart des drains soit trop rapproché du sol (au minimum de 50centimètres de profondeur) et sans que leur point d'arrivée soit tropprofond dans le puisard, (1 mètre 50au maximum). Si le sol sur lequelon opère est complètement plat, le mieux sera d'établir les puisards àune distance de 100 mètres les uns des autres. En donnant à chacund'eux un rayon d'action de 50 mètres et en établissant l'extrémitésupérieure de chaque ligne de drains à la profondeur de 50 centimètres,l'extrémité inférieure des lignes aboutira à la profondeur de 1 mètre50 dans le puisard.

Si la pente du sol est seulementinsuffisante, les puisards seront établis de manière à procurer unepente additionnelle assez grande pour que la pente totale atteigne unminimum de 2 centimètres par mètre ; pour une pente naturelle de 1centimètre par exemple, les puisards seront forés de 200 en 200 mètres,soit un puisard pour 4 hectares, etc.

Si enfin la pente du solest suffisante et qu'il s'agisse seulement d'éviter le séjour des eauxde drainage en certains points sans issue, l'établissement des puisardssera déterminé par les accidents même du terrain.

Au point devue de l'absorption l'expérience même indiquera la distance à laquelleles puisards devront être forés, mais on ne devra pas oublier que lamultiplicité des puisards est inutile en deçà d'une certaine distancedéterminée par la nature des couches perméables qu'ils atteignent, etque, passé cette limite, l'eau dans chaque puisard tend à se maintenirconstamment aux niveaux des puisards voisins : en général, à moins de100 mètres, les niveaux des puisards influent rapidement les uns surles autres.

Les terrains situés en contre bas et dans levoisinage immédiat d'un cours d'eau peuvent en général être drainés àl'aide de puisards. Le niveau des puits établis dans le voisinage descours d'eau devenant, le plus souvent et à une faible profondeur,indépendants du niveau de ces cours d'eau.

Le point de forageune fois déterminé, les lignes de drains sont tracées en étoile autourde ce point, le puisard devant être le centre ou aboutissent tous lesrayons de l'étoile.

Le nombre de ces rayons peut être fixé dehuit à douze suivant l'étendue d'action du puisard ; ces rayonsreçoivent des lignes secondaires qui donnent à chacun d'eux, sur letracé, l'aspect d'une arête de poisson dont les apophyses transversessont d'autant plus longues qu'elle, sont éloignées du puisard ; toutesles lignes secondaires doivent se relier à la ligne principale enfaisant avec celle-ci un angle aussi aigu que possible.

A l'aidedu drainage en étoile et par puisards, il est possible de drainer ungrand nombre de sols considérés comme réfractaire au drainage. Cetteméthode sera particulièrement précieuse aux horticulteurs, auxarboriculteurs, aux maraîchers qui doivent opérer en sol absolumentsain.

III

Lesdrains établis sur ces données fonctionnent aussi bien que les drainsdes drainages ordinaires ; il n'est pas inutile cependant d'indiquerque leur nettoyage, comme celui de tous autres drains, peut-êtrefacilement effectué à la condition de prendre certaines précautions aumoment de l'établissement du drainage : il suffira que chaque ligne dedrain conserve ses extrémités libres, ce qui est facile et peu coûteuxsi l'on emploie pour cet usage des briques hors d'usage ou des pierressèches.

Dans ces conditions il suffit, chaque fois que l'oncraint un engorgement, d'ouvrir ce regard de fortune et d'y laissercouler brusquement une certaine quantité d'eau.

En ce quiconcerne les plantes qui encombrent certains drainages on peut essayerleur destruction lors de leur apparition, à l’aide de fumigationsd'acidesulfureux ayant filtré à travers du sulfure de carbone,fumigations rendues faciles par l'ouverture du drain à chaqueextrémité; l'acide sulfureux plus lourd que l'air, doit être versé àl'extrémité supérieure et envoyé à l'aide d'une pompe. L'acidesulfureux étant soluble dans l'eau, l'opération ne peut être faitequ'en temps de sécheresse.

[DESCOURS-DESACRES]

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QUELQUES AMIS MÉCONNUS

Qu'il me soit permis de plaider devant les Jardiniers la cause de plusieurs de leurs amis trop souvent méconnus.

Lenombre en est grand, mais je ferai un choix et, pour cette fois, je mecontenterai d'exposer les services rendus par le Hérisson, le Crapaud,la Musaraigne, la Chauve-Souris, et de montrer combien sont puérils etabsurdes les préjugés dont ils sont victimes.

LE HÉRISSON

Toutedescription serait inutile. Le Hérisson est un mammifère insectivoreassez répandu et qui le serait davantage, pour notre plus grand bien,s'il n'était l'objet d'une guerre aussi acharnée qu'injuste.

Ildort le jour et chasse la nuit. Sa femelle met bas de quatre à septpetits dont elle prend un soin extrême jusqu'à ce qu'ils soient assezforts pour pourvoir eux-mêmes à leur subsistance.

C'est un êtretout à fait à part que ce singulier animal et la nature l'a bienpréparé au rôle qu'elle lui a confié. Il est revêtu d'une armure depiquants qui le rend presque invulnérable ; il ne craint que la ruse durenard et la cruelle ignorance de l'homme.

Il est réfractaire àun grand nombre de poisons : l'opium est sans effet sur son organisme ;les cantharides sont pour lui un régal, il les mange par tas sans enêtre incommodé, et le venin de la vipère ne trouble pas sa santé.Voyons-le à la chasse : lui, un peu lourd d'ordinaire, bondit quand ilaperçoit le dangereux petit serpent et l'attaque avec vigueur ;celui-ci se défend de son mieux, cela est naturel, et ses crochetsempoisonnés s'enfoncent dans le museau de son adversaire ; le combatpeut durer longtemps mais se termine toujours par la victoire de notrehéros qui, oubliant ses, blessures, se repaît avec délices du corps deson ennemi.

A défaut de ce gibier de choix, le Hérisson secontente de souris, de limaces et d'insectes de toutes sortes, et,comme il est doué d'un robuste appétit, il en fait une énormeconsommation.

Il semblerait, n'est-ce pas, qu'un auxiliaireaussi précieux devrait être apprécié et protégé ? Il n'en est rien etle Hérisson est traité en ennemi par ceux mêmes à qui il prodigue sesservices.

Que lui reproche-t-on ? Des méfaits incroyables et queje suis presque honteux d'avoir à rappeler ; on l'accuse de faireavorter les vaches ! Rien que cela ! Il est vrai qu'on ne dit pas, etpour cause, comment il accomplit cette ténébreuse besogne. ... C'esttellement burlesque que je n'insisterai pas.

On l'accuse encore,en Normandie, de manger les pommes, parce qu'en passant sous unpommier, un fruit tombé sur lui sera resté accroché à ses piquants.Mais le pauvre serait bien embarrassé de profiter de son larcin carcomment irait-il chercher la pomme sur son dos. D'ailleurs « montre-moites dents et je te dirai ce que tu manges », si le Hérisson veut biennous exhiber ses mâchoires nous les verrons armées de trente-six dentspointues propres à déchirer la proie vivante et non à grignoter lesfruits.

LE CRAPAUD

Ilest laid, le triste crapaud, avec sa peau grisâtre toute couverte depustules, sa large bouche, ses gros yeux à fleur de tête, ses pattesmaladroites. La nature s'est montrée marâtre pour lui et ne l'a pasparé des grâces qu'elle a prodiguées à des individus, bien moinsintéressants ; aussi ne proposerons-nous pas aux dames d'en fairel'ornement de leurs salons ; laissons-le dans nos champs etréservons-lui bon accueil quand il vient s'installer d'ans nos jardins,car c'est un destructeur de limaces, de cloportes et d'insectesravageurs. De plus, c'est un être absolument inoffensif.

Il n'acontre lui que son extérieur disgracieux. Mais que nous importe sonuniforme s'il combat pour nous ! Malheureusement, ce n'est passeulement dans le monde des Crapauds qu'un physique ingrat nuit à sonpropriétaire et souvent chez nous, comme
au temps de Sedaine,

L'arbre n'est pas jugé sur ses fleurs ou son fruit :

On le juge sur son écorce.

Ondit bien qu'il tette les vaches et les rend malades, que sa sécrétionpustuleuse empoisonne les légumes, que c'est, après le chat noir, labête préférée des sorcières, et autres choses plus ridicules les unesque les autres.

Jardiniers, mes amis, vous ne croyez pas auxsorcières, ni moi non plus, ne croyez pas davantage aux méfaits duCrapaud, introduisez-le dans vos jardins et dans vos serres, il lespurgera des méchantes bestioles contre lesquelles vous luttez sidifficilement et qui font votre désespoir. Seulement ne vous contentezpas d'un seul pensionnaire car le Crapaud est d'une sobriétéexemplaire, il mange seulement pour vivre et, en véritable sage, ilsait se contenter de peu. C'est peut-être à sa sobriété qu'il doitl'avantage de vivre longtemps, 50 ans environ, ce qui est beaucoup pourun animal de cette taille

Un savant raconte qu'étant adolescentil avait jeté au fond d'une citerne vide sept jeunes Crapauds qu'il yretrouva 20 ans plus tard. Les prisonniers avaient si peu souffertqu'ils étaient devenus énormes.

On peut manier impunément leCrapaud : l'humeur laiteuse et âcre secrétée par les glandes de sonépiderme et par ses glandes parotidiennes est sans effet sur la peau,cependant c'est bien un poison car, inoculée à faible dose à un petitanimal, cobaye ou lapin, elle le paralyse et le tue promptement.

LeCrapaud possède donc un venin qui lui serait un redoutable moyen dedéfense s'il pouvait en faire usage ; mais il ne peut s'en servircontre ses ennemis. Le jet d'urine qu'il lance quand on le saisit estinoffensif.

Cet animal appartient à la classe des batraciens,ordre des anoures. L'éclosion de ses œufs donne naissance à de petitstêtards que l'on voit grouiller dans les mares. Par conséquent, rien deplus facile que de s'en procurer. Qu'on apporte un seau de frai dansune mare ou un baquet qu'on aura soin de tenir plein d'eau et le jardinse peuplera de défenseurs.

LA MUSARAIGNE

LaMusaraigne est un petit mammifère carnassier de l'ordre desinsectivores. Ses mâchoires sont munies de trente dents pointues qui necroquent que les ravageurs des champs.

Elle ressemble d'unemanière générale aux animaux du genre rat, mais elle s'en distingue parla forme plus allongée de la tête, terminée par une petite trompe, etpar tous les caractères qui différencient un insectivore d'un rongeur.

Sesoreilles sont grandes et ses yeux très petits. Ses courtes pattes sontterminées par cinq doigts armés d'ongles crochus. Le long de chaqueflanc existe, sous les poils ordinaires, une rangée de soies raides etserrées entre lesquelles suinte une humeur grasse extrêmement fétide.

Sije me suis un peu arrêté à la description de ce joli petit animal quetout le monde a vu c'est que j'ai voulu faire ressortir ses caractèresd'insectivore et éviter par là qu'on ne le confonde avec la souris.

La ressemblance est une fatalité. Avoir la physionomie et les allures d'un brigand expose à bien des désagréments. La pauvre Musaraigne en sait quelque chose.

On l'accuse de manger le blé, elle qui n'a de dents que pour les proies vivantes.

Lepaysan ignorant dit aussi qu'elle mord ou pique la jambe des chevaux etdes vaches et leur cause ainsi une enflure qui peut les faire périr.J'avoue que je ne vois pas bien la petite gueule de la Musaraignes'ouvrant assez pour mordre une jambe de cheval et, même en admettantqu'elle fût possible, je me suis toujours demandé le pourquoi de cettevilaine action. La petite misérable aurait-elle la prétention decroquer un cheval comme un simple hanneton ? Le morceau me semble unpeu gros pour elle, et sa gourmandise, quoique réelle, ne saurait allerjusque-là.

Quant à la piqûre comment pourrait-elle la pratiquer puisqu'elle n'a ni crochets ni aiguillon ?

Non,tout son crime est de ressembler assez à la souris pour qu'on lesconfonde au premier abord. Les chats s'y trompent peut-être eux-mêmespuisqu'ils la poursuivent et la tuent ; mais, en tous cas, ilsreconnaissent assez vite leur erreur pour ne pas la dévorer. Encore unmeurtre inutile.

La Musaraigne passe l'été dans les bois et leshaies, se cachant le jour dans les troncs d'arbres ou les creux desrochers d'où elle sort le soir pour chasser les insectes dont elle faitsa nourriture ; elle fouille les terres sèches, les amas de feuilles oùelle trouve en abondance larves et chrysalides.

L'hiver elle serapproche de nos habitations et cherche sa proie soit au pied desmurailles, soit dans les litières et dans les tas de fourrages et degrains.

Sa voracité égale presque celle de la taupe, sa sœurd'infortune, dont elle est du reste une coquette miniature. On l'aappelée avec quelque raison la taupe de nos greniers.

Protégeons-ladonc en raison des services qu'elle nous rend et perdons, s'il se peut,la fâcheuse habitude de tirer sur nos propres troupes pour la plusgrande satisfaction de l'ennemi.

LA CHAUVE-SOURIS

Moi, souris ! des méchants vous ont dit ces nouvelles.
Grâce à l'Auteur de l'univers,
..........................................
Je suis oiseau, voyez mes ailes,
Qui fait l'oiseau ? c'est le plumage ;
 Je suis souris, vivent les rats !

C'étaitpour échapper à la dent cruelle des belettes que la pauvreChauve-Souris, mise en scène par La Fontaine, se déclarait tantôtoiseau, tantôt souris, car elle n'est ni l'un ni l'autre. C'est bien unmammifère comme la souris car, de même que ce rongeur, elle allaite sespetits, mais elle appartient à l'ordre des chéiroptères qui ne viventque d'insectes crépusculaires.

Elle vole comme les oiseaux, bienqu'à vrai dire elle n'ait pas d'ailes, mais grâce à une vaste membranequi garnit ses bras et ses doigts, qu'elle a excessivement longs, etqui l'enveloppe comme d'un manteau. Son pouce est muni d'un crochet quilui permet de se suspendre pour se reposer. Elle quitte facilement pourle vol cette posture de repos, tandis que, posée à terre, il lui estpénible de prendre son essor.

La Chauve-Souris est l'hirondelledu crépuscule. Comme ce gracieux oiseau, elle fait une chasseincessante aux insectes qu'elle poursuit sans relâche dans son volcapricieux. Comme lui, elle est la protectrice des récoltes.

Ettandis que tous aiment et choient l'hirondelle, la Chauve-Souris estl'objet d'une répulsion presque générale. Pourquoi cette différence detraitement entre deux animaux également utiles ? C'est que laChauve-Souris est un être étrange et presque fantastique, c'est qu'ellene sort que le soir, qu'elle aime les lieux sombres, les mystérieusescavernes.

Pour beaucoup de paysans, c'est une bête de mauvaisaugure, les artistes du moyen-âge n'avaient-ils pas affublé Satan desailes bizarres de la Chauve-Souris. On ne lui adresse pas d'autresreproches. Elle est encore une victime de la superstition.

LaChauve-Souris est très propre et a le plus grand soin de sa personne,on pourrait même la taxer de coquetterie car elle se tait une raieirréprochable qui partage son poil depuis la tête jusqu'au milieu du dos

C'estaussi une bonne mère : elle montre le plus tendre attachement pour sonnourrisson, qu'au repos elle berce doucement dans ses ailes repliées etque souvent elle emporte, suspendu à sa mamelle, dans sespérégrinations nocturnes à travers l'espace.

Horticulteurs,souvenez-vous que l'homme est presque impuissant contre les insectes etqu'il serait assurément vaincu dans la lutte inégale qu'il soutientcontre eux s'il ne pouvait compter sur les auxiliaires précieux que lanature lui a donnés.

Beaucoup sont calomniés et méconnus,n'acceptez pas comme vraies les légendes erronées et injustes qui lesaccusent sans preuves, étudiez leurs mœurs, voyez-les à l'œuvre etalors, rejetant les préjugés dont ils sont victimes, vous lesprotégerez, vous favoriserez leur multiplication pour le plus grandavantage de vos fleurs, de vos fruits et de vos légumes, si souvent misen péril malgré les sueurs qu'ils vous coûtent !

ALBERT DEGRENNE.

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Maladie du Géranium (Le Noir)

Le bacillus caulivarusest un genre de champignon visible seulement au microscope, dontl'espèce, en forme de petits bâtonnets, est semblable à des filstransparents qui vivent dans la sève des végétaux. Ces bâtonnetsatteignent quelquefois plus de 50 millièmes de millimètres de longueur.Ils sont transparents et marqués au milieu d'un point -noir ; c'est àcause de ce point que vulgairement, en horticulture, on appelle cettemaladie le Noir. Cesbâtonnets émettent dans toute leur étendue des points brillants, qui nesont que des spores au moyen desquels ils se reproduisent.

Ce microbe, absolument parasite, attaque généralement les pommes de terre, les clématites ornementales et le géranium.

Ilne s'attaque pas seulement aux plantes médiocres, mais aussi bien etmieux peut-être aux plantes vigoureuses et pleines de sève, car iltrouve sur ces dernières un aliment salutaire à son développement.

Iléchappe souvent à l'œil du jardinier au moment de la plantation et laplante, très vigoureuse alors, ne tarde pas à languir. Elle devientjaune, ne pousse plus, se fane et présente tous les symptômes d'uneplante subissant les ravages de la larve du hanneton ou ver blanc. Maisgrande est la surprise de l'horticulteur qui se hasarde à l'arracher,car alors il s'aperçoit que la plante est complètement pourrie dans lapartie du collet, et en fendant verticalement la tige, il voit que cenoir tend à s'étendre et à monter à la partie supérieure.

Cette maladie n'est occasionnée que par la présence d'une bactérie dont une des espèces porte le nom de bacillus-caulivaurus,et c'est ce microbe, sorte de champignon qui, comme je le disais plushaut, se développe généralement dans la sève des végétaux, commecertaines espèces se développent chez l'homme et les animaux, dans lesang et les humeurs où ils sont la source de maladies pernicieuses etcontagieuses.

Chez les végétaux, il est impossible de guérir lespieds atteints, mais avec quelques précautions, on arrive à se prémunircontre un envahissement désastreux.

Pour cela il faut :

1° Ne prélever les boutures que sur des, pieds vigoureux et parfaitement sains.
2° Employer un sol n'ayant jamais porté de géraniums.
3° Passer les pots quelques minutes à l'eau bouillante, pour détruire tous les germes pathogènes.
4°Désinfecter la serre et les châssis à multiplication par unbadigeonnage complet d'une solution de sulfate de cuivre à 50 grammespar litre.

Ces prescriptions doivent être rigoureusementsuivies dans l'intérêt de l'horticulture, afin de conserver autant quepossible les espèces qui offrent une certaine valeur par leur beauté ;mais espérons que les progrès scientifiques, si nombreux en notresiècle, arriveront non seulement à prémunir nos plantes contre cettemaladie, mais encore à la guérir.

P. CAUVIN,
jardinier, château du Boullay.