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LaThraïson descouverte des politiques, de la ville deRoüen, contenant un discours veritable de ce qui s'est faictet passé en ladicte ville le mercredy 7 et jeudy 8 de cepresent mois de juin (1592). Saisie du texte etrelecture : O. Bogros pour la collectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (04.XI.2004) Adresse : Médiathèque André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros]obogros@ville-lisieux.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusionlibre et gratuite (freeware) Orthographeet graphieconservées à l'exception des i/j, u/v, slongs et abréviations qui ont étérestitués. Texteétabli sur un exemplaire (Bm Lx : Norm 1190) del'édition donnée à Rouen en 1878 parl'imprimerie Espérance Cagniard pour le compte de laSociété Rouennaise des Bibliophiles etpubliée par A. de Bouis sous le titre Piècessur la Ligue en Normandie. Onconsultera l'édition originale sur l'exemplaire enmode imagedisponible enligne surle site Gallicade la BnF. LA THRAÏSON DESCOUVERTE des Politiques, de la Ville de Roüen Contenantun Discours veritable de ce qui s'est faict & passé en ladicte ville le Mercredy 7, & Jeudy 8 de ce present Mois de Juin. LATHRAISON DESCOUVERTE DES Politiques, de la ville de Roüen. DuMercredy septiesme, & Jeudy 8 de ce present mois de Juin. SI Jamais il fut besoing de se donner sur ses gardes(tres Catholiques& asseurez François,) c'est aujourd'hy, auquel nousvoyons presque d'heure à autre les malheureux accidensadvenir & principalement par ceux qui ordinairement s'appellentprotecteurs, & conservateurs de nostre juste &equitable droict, comme peres de familles, & à quion donne ordinairement la voix, les eslissant comme capables &idoynes, aux plus hautes charges & dignitez des gouvernemensdes Villes & Citez : ausquels ils sont habitans, sans s'adviseren l'election d'iceux, la consequence que peuvent apporter lesimaginations de telles vermines (c'est à dire) sanss'informer quelle a esté leur premiere vie, & lacontinuation d'icelle jusques à l'heure qu'ils pretendentavoir l'authorité de commander aux autres. Je dis cecy,touchant la vendition de la ville de Roüen, laquelle est degrande importance, comme estant ville Capitale du pays de Normandie :lequel pays nos ennemis eussent eu, apres icelle entreprise: assezaisément à leur devotion & commandement.Mais comme nostre Dieu ne laisse jamais en repos, ceux qui par leurspernicieux & miserables desseins, taschent à abolirceux desquels il est protecteur & conservateur, comme vousentendrez en ce present discours, de l'entreprinse descouverte despolitiques de la ville de Roüen. Or est-il que Monsieur deMontpensier, ayant esté adverty qu'en ladite ville, il yavoit assez de Politiques, & autres personnes Realistes,s'advança par quelques subtilitez segrettes, leur envoyerquelques lettres, contenant une exhortation, par laquelle il leurdéclaroit, que s'ils ne consentoient à sonentreprise, ils seroient déclarez à jamaiscriminels de leze Majesté. Et bien qu'ils fussent asseurez,ce leur sembloit, d'estre eschappez des pattes de Henry de Valois, cene leur estoit encore chose asseurée : à laquelleremonstrance les Politiques de la dicte ville de Roüenadviserent, & apres consentirent facilement à lasupplication dudit Sieur de Montpensier, qui estoit de luy livrer ladicte ville de Roüen, à jour nommé :auquel il ne faudroit de faire approche, & se tenir prest. Cecyestant accordé, Monsieur Petit que l'on dit estre de laChambre des Comptes, en la dite ville, comme premier des conspirateursde l'entreprinse, s'advisa que pour plus facilement joüer lesjeux, il estoit besoing d'y appeller les plus apparens d'icelle ville,& principalement ceux à qui il estimoit que le jeusembleroit beau : ce qu'il fit apres leur avoir declaréparticulierement à chacun, le mal qui leur pourroit advenir,s'ils faisoient refus du susdit mandement : ce que plusieursaccorderent, & mesmes signerent la vendition, &delivrance de la dicte ville, audit Sieur de Montpensier. Mais comme ilplaist à Dieu de descouvrir les traistres desseins,& comportemens de ceux qui de jour à autres'efforcent & taschent à nous livrer aux mains deceluy qui ne demande autre chose que l’extermination, & ruinedes Catholiques, advint qu'un honneste homme à qui l'onporta le roolle pour signer, ainsi que les autres, & consentirà la delivrance de ladite ville de Roüen,joüa si bien son personnage, & s'enquit si bien del'entreprinse, quelle lui fut du tout decelee : Ce quesçachant au vray, & considérant le mal,& la conséquence qui pourroit advenir en l'executiond'une telle entreprinse, en va tout incontinent advertir lesGouverneurs, Maires ou Eschevins de ladite ville, lesquels y meirentempeschement, & fut par iceluy personnage la conspirationdescouverte, comme vous aurez cy après. Le Mercredyseptiesme du mois de Juin, le roolle fut trouvé a monsieurPetit contenant un grand nombre d'accepteurs de ladite entreprinse quiavoient signé en iceluy : auquel roolle furenttrouvés leurs noms & signatures. Or l'entrepriseestoit que le Jeudy huictiesme jour de Juin, jour des Octaves de laFeste-Dieu, se devoit approcher d'icelle ville de Roüen, desept à huict cens cuirasses, conduittes par Monsieur deMontpensier, lesquels devoient entrer aussitost que le signal seroitapposé à la grosse horloge, qui estoit leditsignal une houppe de laine de plusieurs couleurs, de la grosseur ouenviron d'un petit caque, & aussi tost l'horlogeur d'icelle quiaussi pareillement estoit de l'entreprinse, verroit approcher leditMontpensier avec les trouppes, il eut à sonner chaudementl'alarme, en icelle horloge, afin que ce faisant, les habitans eussentà prendre les armes, lesquels devoient estre conduits par leCapitaine Polart, le capitaine Caré, le capitaine Pissy,conspirateurs aussi de la susdice entreprinse, esperant que par unesortie qu'ils promettoient faire avec lesdits habitants, que lestrouppes dudit Montpensier les mettroint aysement enpièces, & après jouiroient facilement dece qu'on leur avoit promis. Or aussitost que l'entreprinse futdescouverte Monsieur de Canonville & monsieur d'Ambre sesauverent, On ce saisit de la personne de Monsieur Petit, àqui le roolle fut trouvé, ensemble du capitaine Polart, ducapitaine Carré, & du capitaine Pissy, du maistredes trois Saucieres de l'horlogeur de la grosse horloge, lequel devoitmettre en icelle horloge, six arquebuzes à croc, pourcommander en la ville, & tenir les Habitans d'icelle ensubjection : ensemble un Advocat qui fut pris habillé enDamoyselle, conduit par une maquerelle cogneüe pour telle dela pluspart des Habitans de ladicte ville, lequel estant descouvert,fut promené en ceste equipage, par les rües deladicte ville, & fut mené prisonnier avec lescydessus nommez, & plusieurs autres de ladicte entreprinse :à la pluspart desquels on procede journellement àla mort. Voilà en somme amy Lecteur, tout ce qui s'est fait& passé en la ville de Rouën le Mercredyseptiesme & Jeudy huictiesme du present mois de Juin : De quoynous devons grandement remercier Dieu, d'avoir destourné lecousteau qui desja se preparoit, pour coupper la gorge aux Catholiques& Habitans de ladicte ville qui eust esté une perteinestimable pour la France. FIN. |