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VAN LERBERGHE, Charles (1861-1907) : Tale(1890).
Saisie du texte : O. Bogros pour lacollectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (31.III.2006)
Relecture : A. Guézou
Adresse : Médiathèque André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros]obogros@ville-lisieux.fr
http://www.bmlisieux.com/

Diffusion libre et gratuite (freeware)
Texte établi sur un exemplaire(Coll. part.)des  Contes hors du temps,publiés à Bruxelles en 1931 par les Amis del'Institutsupérieur des Arts décoratifs, dans lasérie desauteurs belges, n°5..

Tale
par
Charles Van Lerberghe

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C'est la nuit deNoël et l'Enfant royal s'est levé. Samère dort, ses frères et ses soeurs dorment. Ilerre seul, pieds nus, à tâtons, par les longscorridors sombres. Une porte s'ouvre, et voici qu'ilaperçoit dans les ténèbres, endormiesur la table d'un céleste festin, Samya attendant le jour etses convives, Samya aux cheveux d'or couronnée de fleurscloses.

Soudain les cloches sonnent, l'enfant s'éveille, elles'éveille lentement et regarde, elle se lève etsourit.

Et tous deux se contemplent ainsi jusqu'à ce que les clochesne sonnent plus, jusqu'à ce que les premiers rayons dusoleil aient dissipé la nuit divine.

Et l'Enfant royal s'en va. Il a fermé ses yeux àjamais. Il s'en va dans cette nuit nouvelle, pieds nus, àtâtons, par les longs corridors sombres - et se recouche.

Et voici que sont venus dans sa chambre ses frères et sessoeurs en habits de fête.

- Lève-toi, disent-ils, ô notre frère,déjà c'est grand matin, le soleil deNoël nous éclaire. Allons chercher les belleschoses que cette nuit nous a données.

Et l'Enfant royal répondit :

- Ses petites mains ont touché mes lèvresardentes, elle a versé dans mes yeuxd'intérieures clartés. Quoiqu'elle ne m'ait pasparlé je me souviens de ses paroles. J'ai respiréles pâles roses de son souffle, bien avant vous.

« Elle est morte. Ce n'était qu'une enfanttrouble, une vierge illusoire, une fleur précoce de lalumière stérile - mais elle m'aregardé du fond de ses yeux natifs ; elle aréalisé mon bonheur loin de Dieu. Maintenant elleest morte. Elle m'attend sous mes paupières dans un beaujardin de ténèbres et de fleurs. C'estlà que je vais la revoir avec son doux visage de silence.

« C'est pourquoi, mes frères et mes soeurs,laissez-moi. Il n'est plus de Noël. Tandis que vous dormiez,j'ai veillé. Laissez-moi me rendormir. Ne meréveillez plus de cette belle nuit. Je veux rentrer dans sesténèbres, je veux rêver ».

Et ses frères et ses soeurs l'ayant contemplélonguement s'enfuirent soudain sur la pointe des pieds - et tous eurentpeur de ce sommeil étrange.