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DEHERS, Maurice (18..-18..): L’orang-outang(1882). Saisie du texte : S. Pestel pour la collectionélectronique de la Médiathèque André Malraux deLisieux (03.II.2009) Texte relu par : A. Guézou Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Mél : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros]100346.471@compuserve.com http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Texte établi sur un exemplaire (BmLx :nc) de l'ouvrage Les Animaux chez eux illustré par AugusteLançon (1836-1887) paru chez L. Baschet àParis en 1882. L’orang-outang par Maurice Dehers ~~~~Jadis dans l’ordredes Primates, mot qui veut dire premiers ou primats des animaux, Linné,inventeur de cette dénomination, plaçait, avec l’homme, non seulementles Singes et les Makis, dont l’organisation se rapproche plus ou moinsde celle qui distingue notre espèce ; mais aussi les Chauves-souris etles Paresseux, qui ont dû en être séparés, lorsqu’il a été permisd’apprécier plus exactement les particularités organiques qui lesdistinguent. Wagler, répétant l’expression dont se servent tous lespeuples qui ont vécu ou qui vivent dans le voisinage des Singes, lesappelle des hommestransformés. Brehm commence ainsi son ouvrage : Lepremier ordre des Mammifères nous fait connaître l’homme ; lesecond..., ses caricatures. En effet, le corps des Singes ne ressembleque très superficiellement à celui de l’homme, leur intelligence a tousles défauts de la nôtre, sans en avoir les bonnes qualités. Dans lesdifférentes parties du corps de l’homme règne la plus belle harmonie ;chez le Singe, presque tout nous paraît grotesque. On pourrait croire que les quatre mains du Singe lui constituent surnous une supériorité, il n’en est rien, ainsi que le démontre Owen. Cen’est pas la répétition des mêmes organes, mais le nombre d’organesdifférents qu’il faut considérer ; c’est la diversité et non le nombrequi constitue la perfection. Le Singe avec ses quatre mains ne peutfaire qu’une seule et même chose : se maintenir et grimper ; il ne peutmême pas se servir de ses membres antérieurs comme de véritables bras,parce que ses membres postérieurs ne peuvent pas, comme chez l’homme,supporter tout le poids du corps. Les singes ressemblent à l’homme partous ses défauts. Ils sont méchants, perfides, voleurs et indécents ;ils apprennent une foule de tours plaisants, mais ils n’obéissent paset gâtent souvent le jeu par quelque balourdise comme un arlequingrossier. On ne saurait attribuer une vertu quelconque aux Singes etmoins encore les croire capables de rendre service à l’homme. Ilspeuvent rester en faction, servir à table, chercher divers objets, maisils ne le font que par intermittence et tant que leur folle humeur nereprend pas le dessus. Au point de vue physique, comme au point de vuemoral, ils ne représentent que le mauvais côté de l’homme. A propos desquatre mains du Singe, empruntons la note suivante à Giebel, elle serareproduite ici avec opportunité : « La simple comparaison des mainsprouve qu’il est complètement impossible de faire dériver l’homme duSinge, et nous montre que celui-ci ne peut être civilisé, quoiqu’on aitpu le dresser à exécuter toute sorte de travaux domestiques à l’aidedes mains. » Dans la famille des Singes, l’espèce qui ressemble le plus à l’homme,c’est celle de l’Orang-outang. Tout récemment et par deux fois, à uneannée de date, grâce à M. Geoffroy Saint-Hilaire, tous les Parisiensont pu voir des Orangs au Jardin d’acclimatation, et étudier leursmoeurs en captivité. C’est par erreur qu’on a signalé l’existence des Orangs sur lecontinent Indien et même à Java. Il n’en existe ni dans cette île, nien Cochinchine, où Cuvier en indique. On ne trouve ces Singes qu’àSumatra et à Bornéo exclusivement. Les Malais des côtes leur ont donnéle nom d’Orang-Outang,ou Houtan,qui signifie homme des bois ; à Bornéo, les Daiaks Béjadjou les nomment Kahico etceux de la rivière Doussou, Kéou.Sur la côte occidentale de Sumatra, les Malais donnent à l’Orang-Outangle nom de Marré, et ceux d’Indrapourra et de Bencoulen le nommentOrang-Panda ou Pandekh, qui veut dire homme noir. Pendant longtemps, on ne fut pas éloigné d’admettre deux, trois et mêmejusqu’à quatre espèces d’Orangs-Outangs dont chacun aurait habité uneîle particulière. Aujourd’hui, grâce aux recherches patientes desvoyageurs et des savants, on a pu constater que les divers Orangs del’Asie qu’on avait pris pour des espèces distinctes, n’étaient que desindividus d’une seule et même espèce, mais d’un âge différent.L’Orang-Outang mâle, dit Brehm, atteint quatre pieds de hauteur ; lafemelle est plus petite d’environ un demi-pied. Le corps est très largedans la région des reins et se distingue par un ventre saillant ; lecou est court et forme des plis sur le devant, parce que cet animalpossède un gros larynx, à parois flasques, qu’il peut gonfler ; sesmembres sont terminés par de larges mains et de longs doigts. Lesongles sont toujours aplatis, ils manquent presque constamment auxpouces des mains de derrière. La face est tout à fait caractéristique :les canines font saillie au milieu de ses puissantes dents ; lamâchoire inférieure est plus longue que la mâchoire supérieure. Leslèvres sont ridées et fortement gonflées ; le nez est tout à faitaplati, et la cloison nasale se prolonge au-delà des ailes du nez ; lesyeux et les oreilles sont petits, mais de la même forme que ceux del’homme ; ses poils, rares sur le dos et sur la poitrine, sont longs etplus fourrés sur les parties latérales du corps ; ceux de la figureforme barbe. Sur les lèvres et sur le menton, sur le crâne et sur lesavant-bras, les poils sont dirigés de bas en haut, partout ailleurs dehaut en bas. La face et la paume de la main sont nues ; les joues et lapartie supérieure des doigts le sont presque. La couleur du pelage estordinairement d’un rouge de rouille, passant quelquefois au rouge brun,les poils de la barbe sont d’une nuance plus claire que ceux du dos etde la poitrine. Les parties nues paraissent bleuâtre ou gris d’ardoise.Les vieux mâles se distinguent des femelles non seulement par leurtaille, mais encore par leur poil plus long et plus touffu, par leurbarbe et par des callosités particulières qui couvrent les joues, lesyeux jusqu’aux oreilles et jusqu’à la mâchoire supérieure ; lescallosités ont la forme des croissants et enlaidissent singulièrementleur visage. Les jeunes Orangs n’ont pas de barbe ; mais les diversesparties de leurs corps sont couvertes d’un poil plus épais et plusfoncé. Nulle part ces singuliers animaux ne sont communs, et on ne les trouveque dans les lieux où s’étendent d’immenses terres basses, humides etcouvertes de vastes et sombres forêts souvent submergées et peuaccessibles à l’homme. Leur apparition dans les lieux montagneux n’estqu’accidentelle. A Sumatra, où les vastes forêts marécageusesn’existent que sur les côtes orientale et septentrionale, l’Orang setrouve relégué dans les royaumes de Siak et d’Atgen. Des individusisolés semblent pénétrer par les grandes vallées de l’intérieur vers lacôte occidentale ; mais ces cas sont extraordinairement rares. LesOrangs sont bien plus répandus à Bornéo, où on les observe dans toutesles parties basses et boisées qui sont peu habitées par les indigènes.Ils habitent les grandes forêts solitaires et marécageuses du sud et del’ouest, ils recherchent les vallées du Kahayan, du Sampit, duMandawej, du Kotaringin, et les bords des autres fleuves de l’île ;mais partout où ils habitent il n’a guère été possible de les observermalgré toutes les tentatives qui ont été faites, de sorte que l’on nesait encore que peu de chose sur leur façon de vivre chez eux à l’étatlibre. Cependant quelques voyageurs, d’après leurs observations personnelles,ont rapporté des détails assez intéressants qu’ils ont pu donner d’unefaçon plus complète grâce aux dires des indigènes ; jamais on ne trouveles Orangs en bande nombreuse. Les vieux mâles vivent seuls, et mêmeceux qu’un âge très avancé a rendus faibles traînent sur le sol une viemisérable. Les troupes que l’on rencontre ne sont composées que defemelles et de singes fort jeunes. L’Orang-outang vit sur les arbres, où il trouve tout ce qu’il lui fautpour manger : des fruits, des bourgeons, des fleurs, des feuilles, desgraines, des écorces, des insectes, des oeufs et des oiseaux. La nuit,il choisit comme lieu de repos les cimes les plus touffues afin d’êtreprotégé par le feuillage le plus épais contre la pluie et le froidqu’il redoute. Il se construit à sept ou huit mètres du sol une sortede nid qui ressemble à l’aire des grands oiseaux de proie et se composede branches épaisses cassées en morceaux ou simplement courbées, depetits rameaux garnis de feuilles desséchées et d’herbes. Rarement ildescend de ce repaire pour attaquer l’homme qui le poursuit. On citepourtant des exemples de naturels terrassés, tués même par ces animauxqui sont d’une force prodigieuse. Les Orangs, vers le déclin du jour, se retirent dans leur nid etdorment, dit-on, couchés sur le dos ou sur le côté. L’un de leur brasest étendu sous leur tête qui repose dans leur main. L’Orang-outang estun animal très doux et très paisible. Il n’est pas timide et ne fuitpas devant l’homme, qu’il regarde au contraire avec beaucoup de calme. Comme la nourriture des Orangs consiste essentiellement en fruits, ils’ensuit que les lieux que ces animaux choisissent pour demeure sontceux où ils trouvent une subsistance plus abondante et plus facile. Ilen résulte aussi pour eux des habitudes plus ou moins nomades suivantles saisons. C’est ainsi qu’ils se montrent dans les partiesméridionales de l’intérieur de Bornéo, et qu’ils font leur apparitionsur la rive droite du Doussou pendant les mois d’avril et de mai,époque de la maturité du Ficusinfectoria dont eux et quelques autres Singes sont trèsfriands. Passé cette époque, on ne les voit plus dans ces localités. D’après le récit d’un voyageur qui séjourna longtemps dans le pays oùl’on rencontre le plus d’Orangs-outangs, un naturaliste raconte que lesMalais les chassent habituellement avec des flèches empoisonnées. Ilsles poursuivent ainsi jusqu’à ce que ces animaux saisis de convulsionspar la force du poison se laissent tomber à terre, alors on les achèveavec de longues piques. Plusieurs peuplades de Bornéo sont trèsfriandes de leur chair et leur font pour s’en procurer une chasseassidue. Lorsqu’un Orang a été abattu au moyen de flèches empoisonnées,les gens de Bornéo enlèvent immédiatement une partie des chairs placéesautour des blessures : puis, ils découpent l’animal, le partagent enmorceaux et mettent soigneusement de côté la graisse qu’ils emploientpour préparer leurs aliments. Ils font rôtir la chair sur des brasiers,ou la coupent par tranches qu’ils font sécher au soleil et qu’ilsdésignent alors sous le nom de ding-ding. La peau leur sert à fairedes jaquettes ou des bonnets de forme grotesque dont ils s’affublentles jours de fêtes ou pour se donner à l’occasion un air redoutable.Lorsque l’Orang craint quelque danger, lorsqu’il est vivementpoursuivi, il monte incontinent sur la cime de l’arbre sur lequel il setrouvait, ou lorsque cet arbre n’est pas assez élevé, il passe sur unautre qui puisse mieux le mettre à l’abri des armes. Il ne se livre pasà cette ascension nécessaire avec la rapidité impétueuse déployée enpareille occasion par d’autres espèces de Singes ; mais avec réflexionet avec une prudence calculée, car il grimpe lourdement, malgré lesecours de ses longs bras, à peu près comme l’ours, saisissant unebranche à l’aide des mains de devant et faisant suivre difficilementson corps. Lorsqu’il est atteint par les chasseurs, par une flècheempoisonnée ou par une balle, il casse les branches et les rameauxqu’il peut saisir et les lance sur ses adversaires, pour les effrayeret faire cesser la poursuite. C’est probablement de ce fait que vientle récit profondément erroné, rapporté par des voyageurs qui letenaient des indigènes, que lorsqu’on l’attaque l’Orang casse unegrosse branche dont il se sert comme d’une massue pour assommer lesassaillants. Quand cet animal est blessé il fait entendre sa voixmugissante qui ressemble à celle de la panthère. Lorsque les chasseursle serrent de trop près, il sait très bien se défendre, et lesassaillants doivent prendre mille précautions pour se garder de sesattaques, car ses bras sont extraordinairement vigoureux et ses dentsredoutables. Il casse facilement le bras d’un homme et fait d’affreusesmorsures. Cependant même dans ses plus violentes colères, sesmouvements sont tellement lents qu’il est facile de l’atteindre.Toutefois il est tout à fait impossible de s’emparer d’un vieilOrang-outang vivant. Jeune, on le capture plus facilement. On raconte,dit Brehm, que pour s’en emparer, les chasseurs abattent les arbres quientourent celui sur lequel il a cherché un refuge, et lui enlèventainsi tout moyen de retraite. Inutile de dire que c’est là une nouvellefable ajoutée à tant d’autres. Schouter nous apprend qu’on capture lesjeunes Singes avec des lacets. Le nombre des études faites sur des Orangs en captivité est trèsconsidérable, toutes dépeignent ces animaux comme de bonnes créatures,un peu lentes et lourdes. C’est à un Hollandais nommé Bosmaern qu’ondoit les premières observations sur l’Orang en captivité. Depuis, JohnJeffries, le docteur Abel, naturaliste de l’ambassade de lord Amherst,le capitaine Schmith, Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire père et fils,ont pu étudier ces animaux et nous ont communiqué le résultat de leursétudes. L’Orang-outang, que Cuvier étudia à Paris, était âgé de dix à onze moisà son arrivée en France, où il vécut encore près d’un mois. Nousciterons du récit de l’illustre naturaliste le passage le plus propre àcompléter notre notice : « Lorsqu’il voulait (1) se transporter surterre d’un lieu à un autre, il appuyait ses deux mains fermées sur lesol, se soulevait sur ses longs bras et portait son train de derrièreen avant, en faisant passer ses pieds entre ses bras et en le portantau-delà des mains... Ce n’était qu’en étant soutenu par la main qu’ilmarchait sur ses pieds, encore, dans ce cas, s’aidait-il de son autrebras... Quand il se couchait, il aimait à être couvert, et pour ceteffet, il prenait toutes les étoffes, tous les linges qui se trouvaientprès de lui. Cet animal employait ses mains comme nous employonsgénéralement les nôtres, et l’on voyait qu’il ne lui manquait que del’expérience pour en faire l’usage que nous en faisons dans un trèsgrand nombre de cas particuliers. Il portait le plus souvent sesaliments à sa bouche avec ses doigts ; mais quelquefois aussi il lessaisissait avec ses longues lèvres, et c’était en humant qu’il buvait,comme le font tous les animaux dont les lèvres peuvent s’allonger. Ilse servait de son odorat pour juger de la nature des aliments qu’on luiprésentait et qu’il ne connaissait pas, et il paraissait consulter cesens avec beaucoup de soin. Il mangeait presque indistinctement desfruits, des légumes, des oeufs, du lait, de la viande ; il aimaitbeaucoup le pain, le café et les oranges ; et une fois il vida, sans enêtre incommodé, un encrier qui tomba sous sa main. Il ne mettait aucunordre dans ses repas et pouvait manger à toute heure, comme lesenfants. On a eu la curiosité de voir quelle impression ferait sur luinotre musique et, comme on aurait dû s’y attendre, elle n’en a faitaucune. Pour se défendre notre Orang mordait et frappait de la main ;mais ce n’était qu’envers les enfants qu’il montrait quelqueméchanceté, et c’était toujours par impatience plutôt que par colère.En général, il était doux et affectueux et il éprouvait un besoinnaturel de vivre en société. Il aimait à être caressé et donnait devéritables baisers. Son cri était guttural et aigu ; il ne le faisaitentendre que lorsqu’il désirait vivement quelque chose. Alors tous sessignes étaient expressifs ; il secouait sa tête en avant pour montrerla désapprobation, boudait lorsqu’on ne lui obéissait pas, et, quand ilétait en colère, il criait très fort et en se roulant par terre. Alorsson cou se gonfle singulièrement... Souvent il se trouva fatigué desnombreuses visites qu’il recevait ; alors il se cachait entièrementdans sa couverture et n’en sortait que lorsque les curieux s’étaientretirés ; jamais il n’agissait ainsi quand il n’était entouré que despersonnes qu’il connaissait... Presque tous les animaux ont besoin dese garantir du froid, et il est bien vraisemblable que lesOrangs-outangs sont dans ce cas, surtout dans la saison des pluies.J’ignore quels sont les moyens que ces animaux emploient dans leur étatde nature pour se préserver de l’intempérie des saisons. Notre animalavait été habitué à s’envelopper dans ses couvertures, et il en avaitpresque un besoin continuel. Dans le vaisseau qui l’avait porté, ilprenait, pour se coucher, tout ce qui lui paraissait convenable ;aussi, lorsqu’un matelot avait perdu quelques hardes, il était presquetoujours sûr de le retrouver dans le lit de l’Orang-outang. » Tels sont les détails curieux relatés par Cuvier et que le savant ethabile directeur du Jardin d’acclimatation, M. Geoffroy Saint-Hilaire,a pu constater récemment de nouveau. Les légendes, récits erronés, fables, inventions merveilleuses,relatifs à l’Orang-outang sont aussi curieux et intéressants quenombreux, car cet animal est connu depuis la plus haute antiquité. Nousen citerons quelques-uns : Pline raconte déjà qu’on trouve sur lesmontagnes de l’Inde, des satyres, « animaux très méchants, à facehumaine, marchant tantôt debout, tantôt sur les quatre pattes, et quela grande rapidité de leur course empêche d’être pris autrement quequand ils sont malades ou très vieux ». Naturellement ce récit a été amplifié et embelli par tous les écrivainsqui se sont succédé, de telle sorte que un peu plus on aurait vu deshommes sauvages dans ces Singes, tant les exagérations accumuléesavaient faussé la vérité du récit de Pline. Tulpius, dans son livre, Observationesmedicæ, dit que l’animal Satyrus indicusqu’il a vu, et que les Indiens nomment Orang-outang ou homme sauvage,et les Africains Quoiasmorrou, était aussi grand qu’un enfant de trois ans,aussi fort qu’un enfant de six ans et que son dos était couvert depoils noirs. Bontius, dans son livre Demedicina Indorum dit qu’il a vu plusieurs fois des Orangsmâles et femelles marchant debout et se démenant comme des hommes. Unefemelle, dit-il, se distinguait d’une manière particulière : Elle étaithonteuse devant les hommes qu’elle ne connaissait pas et se cachaitalors la face ; elle soupirait, pleurait et imitait toutes les actionsde l’homme, au point que la parole seule lui manquait pour être unecréature humaine. Les Javanais prétendaient que ces Singes pourraientbien parler ; mais qu’ils ne le veulent pas pour ne pas être forcés detravailler. Ils admettent comme chose certaine que les Orangs sont unproduit du mélange de Singes ordinaires et de femmes indiennes. Il est dit dans le PaucaTantra que les Singes possèdent la faculté de guérir lesblessures des chevaux qui ont été échaudés ou brûlés, comme le soleildu matin a le pouvoir de dissiper les ténèbres. D’après une autreversion de ce conte, contenue dans le Justi-Namé, lamorsure d’un Singe ne peut être guérie que par le sang même du Singequi l’a faite. Les proverbes helléniques et latins regardent généralement le Singecomme un animal très rusé, de sorte qu’Hercule et le Singe représententl’alliance de la force et de la ruse. D’après Cordan, un Singe vu enrêve est un présage de tromperie. Selon Lucien, quand on rencontre unSinge dès le matin, c’est un signe que la journée sera funeste. LesSpartiates considérèrent comme un augure des plus funestes que le Singedu roi des Molosses eut renversé leur urne tandis qu’ils étaient allésconsulter l’oracle. Au témoignage de Suétone, quand Néron crut voir soncheval s’enfuir en ayant les parties postérieures de la forme de cellesd’un Singe, il considéra ce fait comme un pronostic de mort. Le Singeétait donc regardé en Grèce et à Rome comme un animal rusé etdémoniaque. Le Singe est dépeint parfois dans les anciennes fables de l’Europeméridionale comme un animal d’une intelligence très bornée. En Italie,il existe un proverbe qui dit que chaque Singe trouve beaux ses petits.Cette idée se rapporte à l’apologue du Singe qui pense que ses petitssont les plus jolis animaux du monde, parce que Jupiter ne puts’empêcher de rire en les voyant gambader. Les Romains entretenaient des Singes et étudiaient d’après eux lastructure interne de l’homme. Les Singes les amusaient par leurpenchant à tout imiter, quelquefois même ils les forçaient à se battrecontre des bêtes féroces ; mais ils ne virent jamais en eux que des animaux. LesArabes, au contraire, regardent les Singes comme des réprouvés, punispar Allah, transformés d’hommes abominables en bêtes, offrant dans unsingulier mélange, l’image du diable et l’image du fils d’Adam. On pourrait multiplier ces curieuses citations à l’infini, nous avonsrecueilli les plus intéressantes et nous les avons présentées en regardde la vérité pour les faire mieux apprécier et ressortir davantage. Lascience qui chaque jour fait un pas en avant éclairera bientôtpeut-être l’histoire naturelle de l’Orang, nous avons résumé dans cettenotice tous les faits observés jusqu’à ce jour en nous préoccupant deles débarrasser de toutes les fables et de tous les mensonges qui ontcours encore aujourd’hui. En effet d’innombrables erreurs subsistenttoujours malgré les dires des savants naturalistes qui, surtoutlorsqu’il s’agit de l’Orang dont on s’est efforcé de démontrer lagrande ressemblance avec l’homme, n’ont voulu rien affirmer que cequ’ils avaient vu..... MAURICE DEHERS. NOTE : . (1) E. Geoffroy Saint-Hilaire et Frédéric Cuvier, Histoire naturelle des Mammifères. |