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CONTEL,Jean-Charles (1895-1928) : Dansla poussière des vieux murs...- Paris : Crès, 1918.- 8 p.-12 f. de pl. :couv. ill. ; 33 cm. Numérisation : O. Bogros pour la collectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (12.VI.2009) [Ce texte n'ayantpas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement desfautes non corrigées]. Adresse : Médiathèque André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros]obogros@ville-lisieux.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusionlibre et gratuite (freeware) Orthographe etgraphieconservées. Texte établi sur l'exemplaire de laMédiathèque (Bm Lx : Norm 19) Dans la Poussière des Vieux murs... Préface de Gustave Geffroy Poèmes de Pierre Varenne Lithographies de Jean-Charles Contel PRÉFACE M. Jean-Ch. Contel, qui a publié l'an dernier un album de lithographiessous ce titre : Cellesqui s'en vont.., avec une préface de M. Albert Sorel, veutbien me demander de présenter un second album, frère du premier, avecce titre : Dansla poussière des Vieux Murs... Je le fais bien volontiers,car j'aime comme lui les vieilles maisons, ces aïeules de notre race,qui apparaissent encore ça et là dans nos anciennes villes, comme destémoins du passé. Elles ne radotent pas, malgré leur grand âge, ellesracontent. Si elles ont figures de légende, elles font néanmoins partiede l'Histoire, que dis-je, elles sont l'Histoire même, elles sont ledécor sensible du temps d'autrefois. Nos ancêtres, qui ont été laFrance, qui sont encore la France, ont gravi ces marches disjointes,ouvert ces portes, monté ces escaliers tournants, de bois ou de pierre.C'est leur contact journalier qui a poli ces heurtoirs, ces rampes, cesloquets. Ils ont habité ces chambres demi-obscures, dont le plafondploie, soutenu par des solives apparentes de chêne bruni. Ici sedressait leur lit à baldaquin, là, au milieu, la table massive éclairéepar la fenêtre profonde. Devant l'âtre, le vieux fauteuil, l'escabeau,le banc. Ils se sont blottis dans cette encoignure à regarder laflamme, à souffler le feu avec le vénérable soufflet garni de cuirsouple et de clous brillants, ils ont remué les brindilles et lesbûches avec les pincettes et le landier. Sur le manteau de la cheminéeétincelaient les bougeoirs de cuivre, s'éclairaient doucement les potsd'étain, les grosses clefs de la cave et du cellier. Sur une étagère,s'alignaient de vieux bouquins, s'entassaient les papiers, baux etquittances, les sacs de graines, les menus outils, tout ce qui doitêtre à portée des yeux et de la main. Ces logis étaient riches ou pauvres, occupés par des bourgeois, descommerçants, des artisans, des paysans, et aussi par de misérables gensayant peine à vivre. Ils étaient abrités par des maisons de bon air,ayant façade sculptée sur rue, boutique profonde sous le porche, belleenseigne en fer forgé coupant la rue de son profil pittoresque. Ilspouvaient aussi être nichés dans quelque noire cassine plantée deguingois au long d'une ruelle, au bord d'un ruisseau de teinturier oude corroyeur, parmi de vieux murs suintant sous la pluie, de visagerenfrogné et crevassé, plus minable encore sous le soleil. Il en étaitaussi qui pouvaient au moins se réjouir de l'air libre et de la lumièrede l'espace, maisonnettes ou chaumières tapies à l'orée d'un bois oudoucement assises à la lisière d'un champ, parmi les chemins et lessentiers. Ce sont toutes ces demeures qui représentent la tradition séculaire,les habitudes de la race, les occupations perpétuées de père en fils,les mêmes gestes, les mêmes événements. Il y a encore, comme il y a eudepuis des siècles, dans les campagnes de France, les mêmes habitationsde paysans, différentes de matériaux et d'aspects, de couleurs depierres et d'arrangements de bois, mais la salle commune est toujours àpeu près la même de meubles et d'objets. La marmite est pendue à lacrémaillère du foyer, l'horloge bat la mesure inexorable du temps, auxsolives s'accrochent les jambons qui s'enfument, les oignons quisèchent, la huche reçoit la miche de douze livres. Partout lescroisillons éclairent la table et les bancs. Il y a encore, aux villes,les logis cossus où brillent les panonceaux du notaire, où attendentles rôles du percepteur, où guettent les exploits de l'huissier. Etaussi, les magasins sérieux du drapier, du droguiste, du marchand deproduits des îles. Voici que se colore un bocal de pharmacien. Plusloin, sur la route, rougeoie le feu de forge du maréchal-ferrant. On ne trouvera pas tous ces aspects au cours du recueil d'images de M.Jean-Ch. Contel, mais ses vieux murs les appellent invinciblement dansl'esprit. A voir les dehors, on évoque le dedans, et la vie intimeprovinciale et campagnarde se lit à travers les murs, tellement cesmurs sont ici expressifs, véritables visages des choses, vieux,soucieux, réfléchis, à croire qu'il y a de la pensée, du souvenir, duregret dans ces blocs façonnés par la main des hommes. C'est cettemain, obéissante au cerveau, qui a mis les empreintes et le vouloir surces maisons et sur ces cambuses, sur ces pierres qui furent bienajustées et qui sont aujourd'hui branlantes, sur ces poutres quifléchissent et qui tiennent bon, qui se courbent parfois comme si ellesvoulaient reprendre la forme des arbres qu'elles furent jadis, mais quirestent fidèles au plan où elles sont inscrites. C'est l'homme qui adonné la vie, autrefois neuve et joyeuse, aujourd'hui vieille etmélancolique, à ces portes qui marquent la séparation entre tous etchacun, à ces fenêtres qui s'ouvrent sur tout ce qui passe, à ces toitsqui fument toujours aux mêmes heures et répandent par la ville ou labourgade l'odeur du bois et l'odeur du pain. Ces choses continuent devivre parce que des pas ont franchi ce seuil, parce que des bras sesont accoudés à cette barre d'appui. Il n'y a rien d'insensible puisqueles êtres ont donné aux choses leur sensibilité. Douloureux sont ceuxqui perçoivent ces affinités entre ce qui a existé et ce qui existeencore, entre les vivants qui sont partis et les choses qui sontrestées, mais malheureux sont ceux qui ne voient ni ne sentent cestristes harmonies impérissables qui subsistent après la disparition desêtres d'un jour. L'Artiste de cet Album est parmi ceux qui voient et qui savent nousfaire voir. Il est Normand de Lisieux, et c'est surtout sa ville qu'ils'est complu à montrer par ses rues, ses ruelles, ses maisons, sesvieilles cours, ses églises. Il a tracé des portraits définitifs del'Allée de l'Image, de la rue aux Fèvres, de la place Victor-Hugo, dela rue de la Paix, de la place des Boucheries. Il excelle à montrer,d'un métier d'art robuste, par de fortes oppositions d'ombres et declartés, la visite de la lumière qui rajeunit les choses défuntes, quileur donne l'air de vivre encore après avoir vécu. Son dessin solidereconstruit les anciennes maçonneries alternées de charpentesnoires, les marches de pierre usées, les porches profonds, les alléesobscures, les sombres arcades, les cours encombrées de suppléments debâtisses agglomérés de siècle en siècle, les vieux toits de tuiles, lestuyaux de descente des eaux tordus comme des serpents, les pignonspointus qui s'avancent curieusement au-dessus de quelque étroiteruelle, les maisons penchées en avant comme si elles se laissaienttomber, d'autres redressées en arrière comme effrayées, les greniersposés sur les toits comme des observatoires. Parfois, une éclaircie aubout d'une rue, et l'apparition lumineuse de quelque église, sculptée,ouvragée, fenêtres gothiques, balustrades finement ajourées, porteouverte sur un perron. Ailleurs, une autre église à l'humble clocher decampagne, pareil à un colombier, entourée d'un mur bas où s'ouvre laporte grillée du cimetière. Une autre encore, au petit clocher façonnéen éteignoir, une autre au-dessus d'un clos de pommiers. Mais ce n'est pas seulement à Lisieux que le dessinateur a trouvé lessujets de son art, c'est aussi parfois à Evreux, où de vieilles maisonstrempent dans l'eau paisible de l'Iton ; à Englesqueville, où s'ouvrele porche profond et noir de l'église ; à Rambouillet, parmil'encombrement d'une vieille cour ; à Montfortl'Amaury, qui apparaîtsous une arche à demi-détruite. Toute la France pourrait ainsi êtreparcourue par la rêverie de l'artiste amoureux du passé. Son meilleurtitre n'en restera pas moins d'être le portraitiste ému des antiquesfaçades blanches et noires de sa ville de Lisieux, et je souhaiteraisle voir pénétrer davantage ces vieux logis, et leurs chambresd'autrefois où il reste toujours et quand même les vestiges et lapoésie de la vie disparue. Gustave GEFFROY * * * AUBE Aube : les toitssont bleus et roses ; les clochers Transpercent le ciel clair de flèches ciselées, Et vos ailes dans l'air, colombes envolées, Font un remous charmant d'azur effarouché. On dirait que très haut, vers la ville penché, Le bon vouloir divin sourit à la journée, Et doux semble le sort, douce la matinée, Sur ces vieux toits, autour du vieil archevêché. Hélas ! tant de beauté, tant de lumière blonde, Et cependant la Mort errante par le monde A peut-être marqué pour un prochain départ Ces soldats dont Rouen fête la bienvenue, Et qui, du camp lointain, regardent, points épars, Le souriant réveil de la ville inconnue. Pierre VARENNE. LES INDIENS A ROUEN Devantures...pavés... ruisseaux... La ville est surprise et s'effare De s'éveiller dans les fanfares Et de buter dans les faisceaux ! De voir venir sur des vaisseaux Des guerriers nobles et bizarres. Dont les uniformes se parent Des mystères orientaux. Par d'inexplicables magies Voici qu'à Rouen sont surgies Les splendeurs du Coromandel ! Et peut-être un jour, dans nos rues, Verrons-nous, mâchant le bétel, Des ,jeunes filles danser, nues... Pierre VARENNE. |