L'OEUVRE DE DUMAS
A . Les oeuvres de Dumas influencées par sa vie.
1. Dumas dit "Alexandre le grand".
2. Les esclaves du mulâtre.
3. Sa passion pour les récits.
4. Les récits de passion.
B . Ses plus grands ouvrages.
1. Henri III et sa cour.
2. Antony.
3. Kean ou désordre et génie.
4. La trilogie des Mousquetaires ( Les trois Mousquetaires ;
Vingt ans après; Le Vicomte de Bragelonne ou dix ans plus tard ).
5. Le Comte de Monte-Cristo.
Fils d'un général mulâtre qui s'illustra pendant la Révolution et lacampagne d'Italie, Alexandre Dumas est né à Villers-Cotterêts, le 24Juillet 1802. Il ne réussit guère dans ses premiers emplois de clerc denotaire et s'intéresse surtout au théâtre. Grâce au triomphe obtenu àla Comédie-Française par Henri III et sa Cour(1829), il devient un auteur à la mode et fréquente les écrivainsromantiques. Dumas publie livre sur livre, mettant à contribution denombreux collaborateurs. Plein de projets somptueux, il vit sur un trèsgrand pied et dépense sans compter. Ruiné, traqué par ses créanciers,il s'exile en Belgique (de 1851 à 1853). Ses biens saisis et vendus, ilne fait que de brefs séjours en France. Il meurt à Puys(Seine-Maritime), en 1870, à l'âge de soixante-huit ans. Ses plusgrandes oeuvres, souvent inspirées par sa vie, sont Henri III et sa Cour , Antony , Kean ou désordre et génie, le cycle des Mousquetaires et le Comte de Monte-Cristo.
A. Ses oeuvres influencées par sa vie .
1. Dumas dit "Alexandre Le Grand".
Dumas est extraordinaire, multiple, à mi-chemin entre l'inculture et legénie; il est mieux payé que tous ses confrères et en même temps perdude dettes, hésitant dans sa vie entre le roman de moeurs et la farce.Non seulement il mélange les genres, mais, en plus, chez lui tout estgéant : le nombre des collaborateurs, des oeuvres tout comme le nombrede ses maîtresses.
Cherchant sa voie, Dumas découvre le théâtre, écrit plusieurs piècesavec un ami et quitte sa province. A Paris, sa calligraphie lui vautune place dans les bureaux du futur Louis-Philippe; mais ses intérêtssont au théâtre avec La Chasse et l'amour . Dumas connaît un échec avec Christine joué à la Comédie-Française. Sans se décourager, il écrit Henri III et sa Cour ,en 1829, qui remporte un grand succès financier, mondain et littéraire: la pièce est jouée trente-huit fois et Dumas devient, avec Hugo, legrand homme du romantisme.
Après Henri III et sa Cour , l'étape importante est Antony ,en 1831 : Dumas s'inspire de sa liaison avec Mélanie Waldor. La pièceest un drame moderne qui met en scène une femme adultère : celle-cifinit mal, et le rideau tombe sur la phrase du héros : "Elle merésistait. Je l'ai assassinée."S'ouvre ensuite une période de collaborations et de pièces refaites ouréécrites : Richard Darlington et Teresa précédent La Tour de Nesle. Entre deux voyages en Suisse et en Italie, Dumas écrit plusieurs drames et obtient un grand succès avec Kean ou désordre et génie.
Le sort des autres pièces est moins enthousiasmant : Caligula s'écroule malgré la présence de la futur femme de Dumas; L'Alchimiste , écrit avec Nerval après Piquillo , n'a pas plus de chance.
Dumas signera encore des drames et des comédies, mais ses succès luiviennent d'ailleurs. Nerval a présenté à Dumas un débutant nommé Maquetdont il arrange une pièce puis un roman historique. Le nouveau roman deMaquet a tout pour plaire : bâti à partir des faux mémoires ded'Artagnan, l'ouvrage est d'abord rédigé par Maquet, puis récrit etallongé par Dumas. Il forme le départ d'un cycle, où Les Trois Mousquetaires (1844) précèdent Vingt Ans Après et Le Vicomte de Bragelonne . Les deux auteurs donneront une autre trilogie (La Reine Margot , La Dame de Monsoreau et Les Quarante-cinq). Si l'on ajoute à tous ces romans les pièces qui en sont tirées, uneoeuvre imposante, dont la rédaction serait inconcevable sanscollaborateurs, est élaborée en très peu de temps.
Dumas obtient un triomphe avec Monte-Cristo , qui deviendra un drame en deux soirées.
Dumas est forcé à quitter Paris pour Bruxelles, où il continue à écriredes pièces et des romans ; il rédige aussi ses mémoires, qui paraîtrontdans Les Mousquetaires , un journal qu'il a fondé à son retour à Paris.
Plus tard, en 1860, c'est l'Italie qui l'accueille, et il devient l'ami de Garibaldi et il devient à Naples un personnage officiel aimépuis détesté. Mais l'argent file, et Dumas est obligé de combler legouffre à coups d'articles, de conférences, d'essais ou d'ouvragesdivers . Il réussit presque à se remettre à flot financièrement, grâceà Michel Lévy, qui édite ses oeuvres complètes ; il trouve le temps dedécrire ce qu'il appelle La terreur Prussienne et de célébrer une de ses passions les plus chères avec Le Dictionnaire de Cuisine qu'il laisse inachevé.
2. Les esclaves du mulâtre.
On reprocha à Dumas une certaine tromperie vis-à-vis du public auquelon aurait vendu un faux Dumas. Mais le meilleur de Dumas est issu d'unecollaboration : à l'origine, La tour de Nesle vient de Gaillardet ; etla trilogie des Mousquetaires , il semble que le responsable initial en soit Maquet.
Souvent, Dumas donne l'idée de départ d'une oeuvre, et le collaborateurlui remet un texte bien travaillé. A partir de là, l'auteur peutbroder, s'amuser en allongeant la copie ; Dumas le fit, par exemple,avec Grimaud, le valet laconique des Trois Mousquetaires , Maquet a apporté le premier manuscrit et Dumas l'a remanié, recomposé et enrichi.
Ce travail en commun plaît à Dumas, et cela dès le départ puisque c'estavec un ami, Adolphe de Leuven, qu'il écrit ses premières pièces ; plustard, il y aura Mallefille, Meurice, Vacquerie, Maquet et Nerval .
3. Sa passion pour le récit.
Dumas a bâti sa carrière au théâtre et il n'oublie pas sa premièrevocation. Romans, récits de voyage, mémoires, tout chez lui estdramatisé et mis en scène, transformé en spectacle.
Ce que cherche le lecteur, dans un livre de Dumas, c'est le récit d'uneaventure, celle de d'Artagnan et de ses amis ou celle d'Edmond Dantès.
L'un des intérêts est de proposer une histoirequi soit aussi familière que le présent où nous vivons. Ce qui donnel'entrain et le rythme aux personnages de Dumas est l'allégresse del'auteur, la complicité qu'il sait créer avec le lecteur.
L'esprit est toujours présent dans les ouvrages de Dumas : au début de Monte-Cristo, l'armateur est plus soucieux de sa cargaison que de la vie de soncapitaine. L'un des lieux où cet esprit et cette gaieté se manifestentle mieux est le Dictionnaire de Cuisine : le savoir gastronomique se mélange aux plaisanteries et aux anecdotes amusantes.
4. Les récits de passion .
Chez Dumas, ce qui est "excessif" n'est pas "insignifiant", c'est lamanière de produire ces effets qu'il aime tant. L'idée de vraisemblablen'existe pas pour Dumas. Les chiffres, par exemple, sont un domaine oùse montrer mesquin n'est pas de mise : d'Artagnan exagère sur le prixde la lettre de recommandation pour de Tréville. Les mousquetairesprennent souvent des allures de héros homériques: dans Vingt Ans Après, Athos et Aramis, à la recherche de leurs compagnons, découvrent uneénorme pierre, roulée sur la route visiblement pour arrêter despoursuivants: "Oh, fait Aramis, il y a là-dedans de l'Ajax de Télamonou du Porthos!"
Rien ne plaît plus à Dumas que la générosité,l'effort ou l'esprit chevaleresque; mais rien ne lui fait plus horreurque les avares ou les traîtres: Mr Bonacieux, personnage hypocrite,l'est d'abord parce qu'il tient à son argent.
Se fourrer volontairement dans les guêpiers lesplus imprévus est le seul plaisir des héros dumassiens, qui éprouventl'ennui de Porthos au début de Vingt Ans Après : ne rien risquer, c'est mourir à petit feu.
B. Ses plus grands ouvrages.
1. Henri III et sa Cour.
C'est un drame en cinq actes, en prose.
Dumas raconte dans ses Mémoires commentlui vient le sujet de l' ouvrage. Dans un bureau du Palais Royal, iltrouve un volume d'Anquetil et y lit l'histoire de Catherine de Clèvessoupçonnée d'infidélité par son mari le Duc de Guise. Par la mêmeoccasion, Dumas découvre le personnage de Saint-Mégrin: il le retrouveensuite dans les Mémoires de l'Estoile et combine son aventure avec celle du Bussy d'Amboise assassiné par le seigneur de Monsoreau.
En "contaminant" les deux intrigues, en s' informant aussi sur certainsdétails du temps, Dumas combine un plan et il écrit la pièce en deuxmois.
Dumas lit son ouvrage à quelques jeunesromantiques ainsi qu'au grand homme du moment, Béranger: le drame plaîtà ce dernier. La pièce est acceptée par la censure et produit un groseffet à la première représentation.
La pièce est ressentie comme une nouveauté audacieuse et même comme un scandale; c'est ce qui fait son succès.
Ce qui est frappant, dans Henri III et sa Cour , ce sont les scènes violentes et cette sorte de cruauté ambiante qui marque toute la pièce. Avec Henri III et sa Cour , Dumas impose une esthétique en même temps qu'il s'impose lui-même.
2. Antony.
C'est un drame en cinq actes, en prose.
Ce premier drame "moderne" a eu un grand succèsauprès du public. Dumas en a trouvé le sujet dans sa propre histoire,dans une liaison qu'il a eu avec une femme mariée, Mélanie Waldor. Lapremière de la pièce est un triomphe aussi bien pour les acteurs quepour l'auteur.
Un reproche d'immoralité tombe immédiatementsur la pièce. Le personnage d'Antony choque, parce qu'il est la figuretype du révolté. Cette révolte est anodine; la dernière réplique de lapièce : " Elle me résistait, je l'ai assassinée" enlève toute sonefficacité à la contestation d'Antony. Sa révolte a échoué et lesvaleurs contre lesquelles il se dressait finissent par triompher.
Sans être révolutionnaire, Antony estune pièce nouvelle. Dumas marque un grand coup: il tue certaineshabitudes, un certain "bon goût" qui n'est plus à l'ordre du jour.
3. Kean ou désordre et génie.
Il s'agit d'une comédie en cinq actes, en six tableaux.
L'idée originale de la pièce n'est pas de Dumas;elle lui a été proposée par Frédéric Lemaître. L'ouvrage s'inspire d'unvéritable personnage mais Dumas en fait un personnage bien à lui:débauché, coureur de tavernes, comédien, grand seigneur malgré sanaissance.
On peut comprendre la pièce comme une revendication contre le statut,la condamnation qui pèse sur les exclus. La pièce se conclutheureusement, Kean est exilé pour un an en Amérique. Le Prince deGalles apparaît comme le symbole d'une monarchie bienveillante.
4. La trilogie des Mousquetaires.
Les Trois Mousquetaires sont au confluent de deux modes : celledu roman historique et celle du roman feuilleton, que les directeursinventent pour augmenter leur nombre d'abonnés. La conjonction des deuxphénomènes ne suffit pourtant pas à expliquer le succès du livre, lenombre de ces adaptations, des trahisons ou les parodies dont le livrea été l' objet. Cette réussite tient également à l'histoire de l'oeuvreet à la collaboration de Dumas / Maquet.
Dumas a lu le premier les Mémoires deMr d'Artagnan (1700) : l'auteur véritable est un nommé Gatien deCourtilz de Sandras qui rassemble de "grandes quantités de morceaux"découvert parmi les papiers de d'Artagnan.
Les deux romanciers de 1843-1844 en retiennentdes personnages (dont Athos, Porthos, Aramis, Milady...), de simplesnoms, des anecdotes et l'atmosphère d'une époque. En plus de cettesource essentielle, Maquet et Dumas consultent d'autres mémorialistes.Les deux complices composent une mosaïque serrée: parti sans plan,Maquet a besoin de Dumas, qui est responsable de la structure profondede l'ouvrage, c'est à lui qu'on doit l' allure du récit, sesaccélérations et ses pauses, l'esprit qui l'anime.
Un récit rapide, des personnages simples maisconvaincants, des dialogues inspirés par la technique théâtrale: Dumassait séduire. Les lecteurs voient dans Les Trois Mousquetaires l'exemple, le Roman majuscule, celui auquel on se réfère pour lire tous les autres.
Si on passe sur les anachronismes nombreux, sur l'époque du récit qui aparfois vingt ans d'avance sur l'histoire réelle, ce qu'il y a defrappant, dans Les Trois Mousquetaires, c'est à quel point le roman est "bien fait". Mais il faut insistersur la qualité de l'intrigue, sur la science avec laquelle Dumas ménageson suspence et manoeuvre des personnages, séparés, réunis, expédiésdans la nature, puis rassemblés.
Et il faut voir que ce livre est d'abord uneépopée de la jeunesse; tout y est possible, et rien n'y a vraimentd'importance, par l'effet d'une sorte de grâce, de générosité vitale.
Plus qu'un livre facile, Les Trois Mousquetairesest un livre vivant, on y vit beaucoup et intensément. Mais ce qui estmieux encore, c'est que l'on continue aujourd'hui "d'apprendre à vivre"dans ce roman, d'y prendre des leçons de générosité et de liberté: lesmythes, eux, ne meurent pas. Quoi qu'il en soit, le livre plaît et ilplaira longtemps.
5. Le Comte de Monte-Cristo.
Paru en feuilleton dans le Journal des débats , puis dans Le Siècle , en 1844-1845.
L'ouvrage a une histoire compliquée: lors d'unvoyage en Méditerranée, Dumas découvre, au large de l'île d'Elbe, lerocher de Monte-Cristo. Le nom lui plaît et il le garde en réserve d'unprochain roman. L'occasion se présente presque aussitôt puisque, en1843, ses éditeurs lui demandent des impressions de voyage dans Paris qui deviennent un roman noir et mélodramatique.
Le point de départ du livre est un fait divers authentique: il vientdes Mémoires tirés des archives de la police de Paris (1837-1838).Dumas découvre l'histoire de Picaud, modèle d'Edmond Dantès: dénoncé àtort comme un agent anglais. Picaud est mis au secret pendant sept ans;il sort ensuite de prison (en 1814), prend possession du trésor que luia légué une sorte d'abbé Faria et se venge en commettant troismeurtres. Finalement, il est lui-même assassiné par celui qui lui avaitlivré le nom de ses dénonciateurs, et qui se confessa sur son lit demort.
Sur la rédaction de l'ouvrage, Dumas précise que Maquet l'a aidé àmettre au point le plan général. Ce roman a été probablement le grandsuccès de Dumas: il lui apporte la richesse. Le livre est un énormesuccès, les éditions s'arrachent à mesure qu'elles paraissent, carDumas s'inscrit dans un genre romanesque à succès, qui combine lesavantages du roman et du roman policier. Dumas prend les ingrédientstraditionnels: complots, basse politique, meurtres, coups d'état,masques et cachots, mystères et révélations.
Mais la réussite du livre tient surtout aupersonnage de justicier qu'il met en scène: pur autant que les autressont lâches et corrompus, il est le Bien s'opposant au Mal.
La notion de destin est au centre du roman,elle l'anime de part en part. C'est elle qui donne au roman sonintensité dramatique.
Dumas pratique la collaboration, l'emprunt etle plagiat. Ses livres à force d'avoir trop d'auteurs n'en ont plus:ils n'appartiennent plus qu'à leurs lecteurs et deviennent des mythes,éternels et anonymes.
Epanouissement, panache et générosité sont lesvaleurs dumassiennes. Dumas est à la fois superficiel, insincère,prétentieux et négligent.
Mais dans sa négligence et sa superficialité,il est en même temps inventif, créateur de personnages, d'histoires etde mythes. Même s'il n'a pas de "style", Dumas possède un monde à lui,peuplé de traîtres, de héros, de géants, un monde mélodramatique.
DEFINITIONS
Mosaïque : Juxtaposition d'éléments nombreux et divers.
Mélodrame: drame populaire qui cherche à produire un effet qui émeut rofondémenten mettant en scène des personnages au caractère outré dans dessituations compliquées et peu vraisemblables.
Manichéen : qui oppose le bien et le mal.
Inexorable : qu'on ne peut fléchir par des prières.
Eponyme : qui donne son nom à ...
Dramaturge : auteur de pièces de théâtre.
Laconique : qui parle peu.
Apologie : paroles ou écrits destinés à justifier ou à défendre quelquechose ou quelqu'un.
Mulâtre : personne née d'un homme blanc et d'une femme noire ou inversement.
Vaudeville : comédie dont l'intrigue repose sur des quiproquos.
Républicanisme : attachement à la république et aux opinions démocratiques.
Clerc : employé d'un étude de notaire, d'huissier.
Mesquin : qui manque de grandeur, de générosité.
Homérique : spectaculaire.
Plagiat : quand une personne s'approprie les idées d'autrui ou copie ses oeuvres.
Panache : fière allure.
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