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Lisieux : Les Fêtesde la Victoire et de la Paix - 18 et 19 octobre 1919.
Saisie du texte : O. Bogros pour la collection électroniquede la Médiathèque André Malraux de Lisieux (17.I.2015)
[Ce texte n'ayantpas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement desfautes non corrigées].
Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros]obogros@lintercom.fr
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Diffusionlibre et gratuite (freeware)

Orthographe etgraphie conservées.
Texte établi sur les exemplaires de la Médiathèque (Bm Lx: n.c) du Lexovien et du Progrès lexovien.

Le Lexovien, 22 octobre 1919

Les Fêtes de la Victoire et dela Paix

(Le Lexovien - Mercredi 22 octobre 1919)
_____

Salut aux Poilus

Salut à vous,Poilus du pays de Lisieux !
La voici donc enfin, la journée attendue
Où l'accueil fraternel brille dans tous les yeux,
Où vous allez trouver toutes les mains tendues !

Soyez les bienvenus ! Magnifiques Soldats
En qui nous avions mis toute notre espérance,
Que notre coeur suivait au milieu des combats,
Et qui tout simplement avez sauvé la France !

Pays normand, pays béni, donne pour eux
Donne toutes tes fleurs, donne tous tes feuillages,
Donne ton âme ! Car ces grands victorieux,
Comme l'aigle planant au milieu des orages,
Viennent des hauts sommets tout sillonnés d'éclairs !
Et jamais nos enfants ne nous furent plus chers !


Dansun magnifique élan depatriotisme, Lisieux a célébré ses Morts et fêté ses Héros

Un temps miraculeusement beau, une ville tour à tour grave, recueillie,enthousiaste, joyeuse et dont la population a subitement doublé, desflots d'harmonie, des torrents de lumière, un grand souffle dereconnaissance, d'union et de fraternité, tel est le bilan de ces fêtesqui laisseront à Lisieux un inoubliable souvenir. Dans un même élanpatriotique, la municipalité, le comité, la population tout entière,ont rivalisé de zèle et de bonne volonté pour honorer les morts etfêter les vivants. Le succès a couronné leurs efforts.

Ceux qui assurent que les Normands sont peu démonstratifs n'avaientqu'à parcourir dimanche, nos rues sillonnées de musiques militaires etciviles, regorgeant d'une foule joyeuse, qu'à regarder nos maisons,modernes ou antiques, resplendissantes de guirlandes, de drapeaux, delanternes, pour revenir de leur erreur et se persuader que si leNormand manifeste souvent en dedans,le jour où il manifeste en dehors,il est incomparable.

Lasoirée de Samedi

Samedi, bien avant cinq heures, une affluence considérable se portaitvers la gare, où devait avoir lieu la réception du drapeau du 119° deligne, arrivant de Paris.

Dans la cour, l'escorte d'honneur attendait, avec les drapeaux du 20eterritorial et du 319e, ce dernier glorieusement déchiré. Lelieutenant-colonel Subsol, commandant le dépôt, le commandant Desnos,le capitaine Schlumberger et tous les officiers de la garnison sont làainsi que M. le Maire, M. le Sous-Préfet, M. Letailleur, président dela Société des Mutilés, M. Houlé, président du Comité des Fêtes, etc.De nombreuses gerbes de fleurs portées par des jeunes filles, vont êtretout à l'heure offertes aux officiers qu'on attend. Nous avons remarquécelles du Service des Primes, du Service du Pécule, du Service de laDémobilisation, etc.

Malheureusement, les retards de trains qui, jadis, étaientexceptionnels, sont devenus presque réglementaires, tellement ils sontfréquents. Celui qui amenait les drapeaux ne fit pas exception à larègle, et quand il entra en gare, les ombres de la nuit étaient déjàdescendues sur la place, insuffisamment éclairée, de sorte que lepublic ne vit rien de ce qui se passa. Il se borna à saluerrespectueusement les trois drapeaux qui rentrèrent en ville précédés dela musique de la 5e division de Rouen et de la Société de trompettes,la Diane de Montrouge, quiarrivaient par le même train.

Le cortège se forme, suivi d'un public considérable et se rend par larue d'Alençon et la rue Pont-Mortain, au bureau du colonel rue duBouteillier, où les drapeaux furent déposés.

Peu après, à 8 heures et demie, une retraite aux flambeaux extrêmementbrillante partait de la place du Marché-aux-Bestiaux, et, escortéed'une foule immense, prenait la rue Paul-Banaston, gagnait par la ruedu Bouteiller, la Grande-Rue, d'où elle se rendait place de laRépublique, rue Pont-Mortain, place Fournet, rue de Livarot, boulevardEmile-Demagny, et à l'Hôtel-de-Ville.

Les tambours et clairons du régiment, la musique militaire, lacompagnie de saepurs-pompiers,  sous les ordres de son excellentlieutenant, les sociétés de gymnastique, prirent part à cetta retraitequi fut extrêmement bruyante et brillante, deux qualités qui attestentle succès de ces promenades nocturnes.

A son passage, de nombreuses maisons déjà illuminées s'éclairèrent deslueurs éblouissantes de feux de Bengale aux plus riches couleurs.

Elle aboutit à la place Thiers, où se rendaient presque en même tempsles retraites aux flambeaux des quartiers d'Orival, de la Gare et deSaint-Désir.

C'est alors qu'eut lieu

LaVeillée des Morts

Elle fut profondément impressionnante. Au centre de la place, sedressait le Cénotaphe, d'un aspect sévère, piédestal de proportionstrès heureuses, surmonté d'une urne funéraire et drapé de crêpe. Ademi effacé dans la pénombre, il portait sur ses quatre faces despalmes et des couronnes qui semblaient sculptées dans la masse. Auxquatre angles, des trépieds funéraires supportaient des flammestremblantes. Cette décoration fait grand honneur à M. Courel,architecte de la ville, à M. Patou, sculpteur, à MM. Bonnel, menuisier,Gabanno, tapissier, Bothereau, peintre, qui ont conçu et exécuté cemausolée éphémère.

Le monument était cantonné de quatre canons, deux français et deuxboches, qui lui donnaient un cachet guerrier très imposant.

Il y eut une minute soleenelle. Ce fut celle où la troupe arriva,précédée des tambours voilés de crêpe, rythmant une marche funèbre, enmême temps que des tours de la cathédrale et de Saint-Jacques tombaitlentement le glas et que le canon tonnait.

La Diane de Montrougeexécuta devant le Monument aux Morts une sonnerie fortbelle, et la veillée commença, se prolongeant fort avant dans la nuit.Il faisait bien un peu froid, mais on s'en consolait en se disant qu'ilfaisait plus froid encore dans les tranchées, et aussi le jour duretour des cendres de l'Empereetr Napoléon, qui eût lieu au mois dejanvier 1841 et où l'on gelait

LEDIMANCHE

Hommageaux glorieux soldats morts pour la France

Dès les premières heures du jour, le soleil se lève radieux dans unciel sans nuages. Ses rayons triomphaux ont bien vite raison de lafraîcheur de la nuit et la journée va être plus belle que les plusbelles journées du printemps.

A l'aube, les cloches réveillent les plus paresseux et les poussenthors du lit. C'est qu'il s'agit de se rendre à la gare, où va avoirlieu la réception des autoirités, des poilus et des hôtes de Lisieux.

A huit heures, la cour de l'arrivée est remplie de monde. Toutes lesmusiques sont là : La Musique municipale de Lisieux, sous les ordres deson dévoué chef, M. Lacroix ; l'Harmonie de Bernay ; les Volontairesd'Elbeuf, qui obtinrent un très grand succès, même avant d'avoir jouéune note, grâce à leurs charmants petits tambours habillés en zouaveset à leurs deux ravissantes cantinières ; la Musique municipale dePont-l'Evêque ; la musique de la 5e division, la Compagnie de pompiers,les poilus du 119°, et la Société des Anciens Combattants de 70, etcelle des Mutilés, et le Conseil municipal, avec, à sa tête M. le DrLesigne, maire, et M. Encoignard, adjoint ; M. Henry Chéron, M. leSous-Préfet, tous les fonctionnaires de la ville, les Sociétés deGymnastique, et un groupe nombreux d'officiers où nous reconnaissonsMM. les colonels Malvy et Ribeyre, M. le colonel Maison, commandant le43° d'artillerie, M. le colonel Subsol, M. le capitaine DescoursDesacres, etc.

De charmantes fillettes fleurissent les soldats, dont la marcherappellera bientôt la forêt mouvante de Dunsinane dont parleShakespeare.

On remarque beaucoup deux aimables jeunes filles portant le coquetcostume messin. Ce sont deux lorraines venues directement la veille ausoir de Metz, Mlles Marie-Antoinette Thomas, et Marthe Charpentier,filles de notables habitants de Metz. Elles sont accompagnées par lamère de l'une d'elles, Mme Charpentier.

A 9 heures et demie arrivent en auto M. le général Segonne, commandantla subdivision de Caen, et M. le Préfet Hélitas.

Une jeune et gracieuse lexovienne, Mlle Bourné, offre au général unesuperbe gerbe de fleurs en lui adressant un compliment fort bientourné. Celui-ci l'embrasse galamment sur les deux joues, et à cemoment plus d'un simple soldat voudrait être général.

Le général passe rapidement la revue des troupes qui étaient présentéespar le colonel Subsol, puis le cortège se met en marche, s'engageantsous la voûte orangée, préparée pour les illuminations du soir, rue dela Gare, rue d'Alençon et rue Pont-Mortain. Les pompiers encadrent lesautorités et le conseil municipal. Des applaudissements saluent aupassage les drapeaux et les Lorraines.

On se rend à la place Thiers où une belle tribune à crépines d'orélevée sue le côté ouest fait face au cénotaphe.

Déjà les premiers invités y ont pris place : MM. Boivin-Champeaux etChéron, sénateurs, Laniel, député, le général Liénard, les Dames de laCroix-Rouge et les membres du Comité de cette société. A l'arrivée ducortège, M. le Préfet et les autorités montent sur l'estrade.

Les troupes, la compagnie des pompiers, les sociétés de gymnastique,les élèves du Collège, les enfants des écoles, les musiques, forment lecarré.

L'estrade est trop petite pour contenir tous ceux qui ont répondu àl'invitation de la Municipalité et du Comité. Plusieurs rangs dechaises sont disposées sur les côtés pour les familles des Morts, lesBlessés, les Mutilés et les Médaillés. Tous les fonctionnaires, tousles membres des oeuvres de guerre, et les notabilités de la ville sontprésents.

M. le général Liénard adresse aux parents des morts quelques parolespleines de coeur qui font couler bien des larmes.

La cérémonie fut simple, et impressionnante au plus haut point.

Le général Segonne, commandant la subdivision de Caen, passe la revuedes troupes. Il y eut alors un moment poignant celui où le général,devant les drapeaux alignés parallèlement à la tribune, remit septmédailles militaires et une croix de guerre : il dut épingler trois deces médailles, hommage posthume de la France à de bons serviteurs mortspour Elle, sur le vêtement de trois jeunes veuves, d'une mère et d'unpère qui ne purent retenir leurs larmes. En recevant sur leur poitrinela médaille qui devait briller sur celle de l'être cher, on devinait cequi se passait dans leur coeur et la foule qui suivait cette émouvantecérémonie partageait leur sentiment.

Nous donnerons dans notre prochain numéro les noms de ces braves et lescitations dont la lecture fut faite publiquement par le lieutenantVarin.

Deux discours furent ensuite prononcés par M. le Maire et par M. HenriLaniel, député du Calvados. La place nous manque pour les reproduireau-jourd'hui. Ils furent très applaudis.

Le général Segonne commande le Salut au Drapeau. Les soldats présententles armes, toutes les têtes se découvrent, les tambours et claironsfont retentir la sonnerie réglementaire et la musique joue le refrainde la Marseillaise.

Le général fait reposer les armes et l'Harmonie de Bernay joue La Mort d'Ase, extraite de la 1resuite de Peer Gynt, da Grieg.

M. André Leroy, l'artiste connu et aimé à Lisieux, s'avança au pied dumonument et avec infiniment de goût et de tenue chanta « PauvresMartyrs » extrait de Patrie,de Paladilhe, qui produisit un grand effet. Le chanteur fut vivementfélicité par les autorités.

Les troupes, les sociétés de gymnastique et les délégations, défilèrentensuite devant le général Segonne et les personnages officiels. On aremarqué la belle allure de nos dévoués sapeurs-pompiers, commandés parle lieutenant Duboulay.

Décrire la fourmilière humaine qui se pressait sur la place et dans lesrues voisines pendant cette cérémonie est chose impossible. Lesgaleries extérieures de la cathédrale elles-mêmes, étaient chargées despectateurs ; il y en avait jusque sur les toits des maisons, jusquedans la grande tourelle du poste central télégraphique.

Après le défilé la foule se précipita vers la cathédrale pour assisterà la

Messepour les Morts

La cathédrale, plus pleine encore que dimanche dernier, s'il estpossible, offrait à l'intérieur le plus étonnant spectacle, celui d'unefoule tellement tassée qu'il était impossible de circuler.

La décoration était la même que pour la messe de l'Œuvre du Souvenir.La maîtrise, dirigée par M. Mauger avec son talent habituel, exécuta lamesse funèbre de Samuel Rousseau, accompagnée par un groupe symphonique.

M. Legorgeu, dont la voix est toujours chaude et vibrante, chanta lessolis du Kyrie eleison. M.Bourgeais, à l'élévation, détailla avec un beau style Patrie, de Paladhile, qu'onentendait pour la deuxième fois .avec le même plaisir.

La Musique Municipale de Lisieux exécuta une fantaisie sur Salammbô de Reyer et une marchefunèbre du compositeur Lacroix. Avant de donner l'absoute, M. lechanoine Hugonin, curé de Saint-Pierre, prononça, du haut des marchesdu maître-autel, une allocution où, après avoir remercié les autoritésciviles et militaires d'être venues, il fit un appel à l'union de tousles Français pour faire une France grande, forte et invincible.

A cette cérémonie religieuse, où des places leur avaient été réservéesdans le choeur, assistaient toutes les autorités civiles et militairesque nous avons déjà citées.

M. Garcin, l'éminent organiste, joua à l'entrée et à la sortie, avec samaestria coutumière, deux morceaux grandioses.

Mesdames la Générale Cholleton, Ribeyre, Malter, Cacheleux, Guigon,Roussin et Mesdemoiselles Yvonne et Marguerite Deschamps, dames de laCroix-Rouge, quêtèrent au profit de l'Œuvre des Mutilés. Et elles n'yeurent pas un mince mérite : nous ne savons par quel prodige ellespurent passer dans une foule aussi dense.

Le Libera de Samuel Rousseau,très bien exécuté par M. Janin, excellent ténor, et par la maîtrise,termina l'office.

L'après-midi

Le Défilé Commémoratif


Un peu après deux heures, le Grand Défilé Commémoratif, qui s'étaitformé sur le boulevard Herbet-Fournet, se mit en mouvement, illuminépar un soleil splendide. Ce fut un des clous de la fête.

Après un piquet de trompettes d'artillerie à cheval, venaient leslandaus du Comité, puis celui des jeunes lorraines, les Sociétés degymnastique, la musique du 74°, les Mutilés de la guerre, les AnciensCombattants de 1870, les Dames de la Croix-Rouge, etc. Et alors on vits'avancer comme des revenants les anciens, les tout-à-fait anciens du119° : les soldats du temps de Louis XVI, en habit à la française, avecla poudre à leurs cheveux, et le catogan, avec leurs fifres et leur airavantageux ; les contemporains de Fanfan-la-Tulipe et dessergents-recruteurs ; — et derrière eux, les hommes de bronze deNapoléon, aux immenses, shakos dont les plumets géants balayaient lesétoiles, précédés d'un tambour-major tout étincelant de dorures ; —puis les pioupious de 1913, avec le pantalon rouge que nous avons saluélà pour la dernière fois ; — enfin les poilus, les vrais, ceux que nousn'oublierons jamais, avec leur casque et leur uniforme bleu horizon. Onsentait dans cette reconstitution la main d'un artiste.

Les chars eurent un grand. succès. Celui des Arts et des Lettres, où defort jolies femmes personnifiaient la Peinture, la Sculpture, voire leBarreau et la Justice, fut très applaudi, encore que la Justice tint,pour plus de vraisemblance sans doute, des balances qui ne paraissaientpas d'une extrême justesse.

L'un des chars portait un splendide coq doré, symbole du géniefrançais. Ce beau morceau de sculpture est, croyons-nous, du bonsculpteur Mauny, élève de Barrias, lieutenant, au 119°, qui défilaitlui-même dans le cortège.

Tous les chars étaient d'un goût parfait. Il y en avait un qui portait,à sa cime, fort haute, une jeune femme aux formes sculpturales, coifféedu bonnet phrygien, que nous avions prise pour la déesse Raison, maisqui en réalité représentait la République, — la République aimableassurément celle à laquelle les plus déterminés réactionnairesvoudraient bien volontiers se rallier.

Le char de la Victoire, le char de la Paix, le char de Pérenchies, lechar des Poilus, tranchée mobile, eurent un vif succès également.

Le cortège auquel prenaient part de nombreuses musiques, se terminaitpar deux sections d'artillerie française et boche, dont les canonsétaient encore camouflés, grosses bêtes malfaisantes que l'armistice amuselées.

N'oublions pas une des parties les plus jolies : quarante enfants vêtusde blanc tenant à la main des palmes d'or au des rameaux d'olivier.Cette gracieuse théorie rappelait les fêtes patriotiques de laRévolution, où l'on voyait défiler « de jeunes vierges dont lacontenance chaste et décente touchait jusqu'aux larmes les coeurssensibles. »

N'oublions pas surtout la Cuisine roulante qui fut un grand sujet decuriosité.

Ce cortège parcourut les principales artères de la ville. Cinq heuressonnaient comme il entrait dans la rue Condorcet, au bout de laquelleavait lieu la dislocation.

Les officiels, .auxquels s'étaient joints les membres du clergé, M. lepasteur Adair, et de nombreuses dames, ont assisté au défilé sur leperron de la  Halle-au-Beurre, transformé en tribune par unebalustrade ornée de riches tentures drapées avec le meilleur goût.

Levin d'honneur

Aussitôt après eut lieu, à l'Hôtel-de-Ville, le Vin d'Honneur offertpar la Municipalité aux Mutilés et aux Poilus. M. le Maire recevait lesinvités sous le péristyle avec beaucoup de bonne grâce. Une longuetable où s'alignaient les coupes de champagne occupait la grande salledes mariages. M. le général Segonne, les colonels etlieutenants-colonels et de très nombreux officiers avaient tenu àhonneur de venir choquer leurs verres contre celui de leurs ancienssoldats qui avaient combattu avec eux, côte à côte dans les tranchées,pour sauver la Patrie.

M. le sénateur Henry Chéron, dans une allocution enflammée, retraçaavec la plus patriotique éloquence les hauts faits de ces hommes quiont sauvé la France, salua les Lorraines et les Alsaciennes en termesdélicats et fit à l'union, à la concorde, à la fraternité, un appelpathétique et qui espérons-le, sera écouté et compris.

Lesilluminations

Il est impossible de décrire avec des mots ce que nous avons vudimanche soir. Nous avons vécu en pleine féerie, en pleine orgie delumière et de feu. La rue Pont-Mortain, la Grande-Rue, pour ne citerqu'elles, offraient un spectacle magique. On marchait sous une voûte deflammes dans un enchantement, oui, l'on marchait vivant dans un rêveétoilé. Non seulement les comités, au moyen de mâts reliés entre euxpar des lignes de lanternes vénitiennes, reliés encore de quatre enquatre par des guirlandes de lampes électriques en diagonales, avaientréalisé une illumination d'ensemble absolument parfaite, mais lesparticuliers avaient rivalisé de goût, d'ingéniosité et de profusion delumière pour augmenter encore l'aspect de cette ville des Mille et uneNuits.

Nous ne citerons personne : il faudrait citer tout le monde. Disonsseulement qu'il n'était presque pas une fenêtre qui n'eût pas sa rampede feu. Par quel miracle, alors que l'électricité est si rare, labougie si chère et l'huile introuvable, a-t-on pu jeter tout cela àprofusion. Nous ne pouvons l'expliquer que par le système D.

Très tard dans la nuit, une foule énorme ne cessa de circuler sous cesvoûtes lumineuses (il faut pourtant signaler la rue aux Fèvres, lavieille et traditionnnelle rue aux Fèvres, dont le plafond en lanternesvénitiennes était du goût le plus charmant). Et il n'y avait qu'unevoix pour admirer et pour reconnaître que les Lexoviens font décidémentbien les choses.

Fêtesde quartiers et Concerts

Pendant que le défilé parcourait la ville, des fêtes de quartieravaient lieu un peu partout. A 3 heures il y avait concert place de laGare par la musique de Pont-l'Evêque, courses aux échasses, courses ensacs. A 3 heures et demie, il y eut mât de cocagne place Fournet, à 4heures, de grandes courses vélocipédiques sur la route de Livarot. Lesoir, bal sur la place.

A Saint-Désir, on eut le cinématographe en plein air le samedi ; — ledimanche, concert par LesVolontaires d'Elbeuf, cinématographe encore. Au stade militairela F.F.F.A. et la L.F.A.N. donnaient des matches comptant pour lechampionnat de Basse-Normandie. Le C.A.L. luttait brillamment avecl'A.S. de Trouville-Deauville. Et la musique des Volontaires d'Elbeuf versait del'héroïsme au coeur des jeunes gens.

A 8 h. 1/2, sur la place Thiers, fut donné un grand concert par La Fraternelle de Caen et l'Harmonie Municipale de Bernay.Cette dernière, très nombreuse, qui compte dans ses rangs les solistesles plus distingués et a pour chef un artiste d'un talent et d'uneautorité rares, a été particulièrement appréciée du public deconnaisseurs qui se pressait autour d'elle et l'écoutait dans unsilence presque religieux. La scène du bal du Roi s'amuse de Léo Delibes et leballet d'Ysoline de Messager,moreeaux qui semblent réservés aux orchestres à cordes, ont étéinterprétés par M. Tréfouel et exécutés par ses musiciens, avec un goûtet une délicatesse impeccables. Nous adressons à cette belle sociéténos très vifs et très sincères remerciements pour l'heure exquisequ'elle nous a fait passer.

A la Halle-au-Beurre, à la Halle-au-Blé, joliment décorées defeuillages, de grands bals attirèrent une foule jeune et gaie.

Enfin, en matinée et en soirée, au théâtre furent données deuxreprésentations avec orchestre de LaFille du Régiment, où des artistes sans choeurs, mais pleins deconviction se firent applaudir, notamment dans le Salut à la France,qui ne fut jamais plus à sa place.

Telles furent ces fêtes, favorisées par un temps merveilleux, qui ontprouvé à nos poilus que Lisieux n'oublie pas ceux de ses enfants quiont combattu, qui ont souffert ou qui sont morts pour la France !

Gloire à eux ! Puisse la leçon d'union qu'ils nous ont donnée n'êtrepas perdue ! Puissions-nous marcher dans la vie, serrés les uns contreles autres, comme ils ont marché à l'ennemi !

J. B

Le Progrès lexovien, vendredi 24 octobre 1919

GrandesFêtes de la Victoire et de la Paix
(Le Progrès lexovien, vendredi 24 octobre 1919)


Discoursde M. Henry CHERON.

Voici le discours prononcé dimanche soir par M. Henry Chéron, présidentdu Conseil général, au vin d'honneur offert par la municipalitélexovienne aux Poilus et Mutilés de l'arrondissement de Lisieux. Cetteharangue fut, à diverses reprises, chaleureusement applaudie par lesconvives.

Messieurs,

Dans l'éclat des fêtes magnifiques qui la font aujourd'hui tressaillir,la ville de Lisieux manifeste, une fois de plus, le patriotismetraditionnel de ses enfants.

Si loin qu'on remonte dans son histoire, on la trouve debout, à toutesles grandes heures, acclamant la Nation, la Liberté, les soldats quiles défendent, les drapeaux sous lesquels ils combattent. Et danstoutes ces solennités, l'âme de la cité apparaît la même, ardente etvibrante, recélant en elle les trésors d'idéal, de reconnaissance, etd'énergie qui assurent la pérennité des collectivités.

Gloire à vous, mes chers concitoyens, mais surtout, n'est-ce pas,gloire à ceux qui ont lutté pour que la France demeure. Les uns, tropnombreux, hélas ! sont morts pour la sainte cause du droit qui seconfond chez nous avec celle de la patrie. D'autres ont étéaffreusement mutilés, et demeureront au milieu de nous les témoins etles victimes vivantes du plus grand des crimes de l'histoire. Desveuves, des orphelins, attestent par milliers, dans la fierté et dansl'angoisse de leurs souvenirs, ce que fut l'immensité du sacrifice.Enfin, autour de leur drapeau victorieux, derrière des chefs dignesd'eux-mêmes, ceux qui sont revenus, comme par miracle, de l'affreusetourmente, reçoivent aujourd'hui les acclamations de leurs concitoyens,affranchis par leur courage.

Tous ces souvenirs, toutes ces familles, tous ces hommes, tout cepatrimoine de gloire, toutes ces joies communes mêlées à de mêmesenthousiasmes et à de mêmes douleurs, c'est celà qui s'appelle laPatrie. C'est notre douce France, enviée de ses voisins à tous lesâges, parce qu'elle est le pays enchanté, favorisé de la nature, parson climat, par la richesse de son sol, par l'esprit d'initiative et legénie de ses habitants. Ce trésor, que depuis tant de siècles,l'humanité admire, et aux reflets duquel s'éclairent toutes lesintelligences qui veulent grandir par la liberté, des barbaresabominables ont voulu le sacrifier aux appétits impurs de la force. Ilsse sont rués, comme des assassins et comme des voleurs, sur notrepeuple avide de paix et de travail. Ils l'ont envahi. Ils ont dévastéson sol. Ils ont odieusement souillé ses foyers. Ils ont emmené lesfemmes et les enfants en captivité, comme aux âges les plus sombres.Ils ont précipité sur nous le fer, le feu, les gaz asphyxiants, tout ceque la science mise au service du crime permettait d'utiliser pourdétruire la vie. Mais le fer s'est brisé, mais le feu s'est éteint,mais les gaz délétères ont été résorbés par l'atmosphère plus saine dela France, parce qu'il y a quelque chose de supérieur à la Force, deplus puissant que le crime, c'est la pensée, c'est la volonté d'unpeuple qui ne veut pas mourir.

C'est alors, Messieurs, que du fond des villes et des villages, tousles hommes valides sont accourus pour sauver la Patrie en danger. Ilsont élevé si haut l'étendard de la Liberté que le monde civilisé, toutentier, est venu combattre avec eux. Pendant cinq ans, ce fut une ruéede titans les uns contre les autres, de la liberté contre lesentreprises d'esclavage, du droit contre la violence, des vertus lesplus saintes du sacrifice contre les assauts de la Mort. Jamaisl'humanité, pour se sauver elle-même ne fut contrainte de s'élever plushaut dans la souffrance et dans le Martyr. Les libres citoyens de laRépublique ont cependant terrassé le génie du mal. Et c'est cettegrande victoire que nous fêtons, Messieurs. Le jour qui la consacra futle plus grand, le plus pur et le plus décisif de l'histoire des hommes.

Mais les fêtes les plus solennelles seraient précaires et vaines s'ilne s'en dégageait une leçon. Nous avons triomphé parce que nous avonsété unis. Nous avons été les plus forts parce que nous avons
oublié toutes les vaines querelles pour ne songer qu'à la Patrie.Est-ce parce que 1.800.000 hommes, jeunes et forts, sont tombés pourelle, est-ce parce que leur sacrifice nous a rendu nos chèresprovinces, est-ce parce que ses drapeaux resplendissent aujourd'hui dusoleil de la Victoire que nous allons oublier ce nui en fut le secretpour retomber dans les rivalités déprimantes dont nous avons tantsouffert ?

Que dans ce pays à tout jamais glorieux se confrontent loyalement lesidées, car cette liberté est la vie, mais que se respectent lespersonnes, puisque toutes elles parlent au nom de la Patrie. Apprenonsà nous aimer, puisque nous avons appris à nous connaître. Qu'il n'y aitplus de haine dans cette Nation qui a vaincu la haine.

Que toutes les volontés soient tendues vers le bien national, que lapassion de la France et de ses libertés, soit la seule qui nous anime.Pour tout dire, soyons dignes de nos soldats.

Glorieux Poilus de France, enfants du peuple dont la démocratie atrempé l'âme et à qui elle a appris les grands devoirs dontl'accomplissement a réparé l'injustice d'il y a cinquante ans, poilusde la Marne, de l'Yser, de Verdun, de tout ce front immense où sedécidait pour des siècles l'avenir du Monde, je vous salue comme lesplus grands des héros de tous les âges. Nous vous apportons aujourd'huides hommages qui ne sont rien à côté de votre gloire.

Plus tard, nos arrière-petits neveux ne prononceront votre nom qu'avecun religieux respect, car vous aurez été les martyrs de la Liberté etc'est vous qui, à tout jamais, incarnez la Patrie !


Discoursde M. le Dr LESIGNE

Messieurs,

Hommage à nos morts ! Admiration et gratitude à nos mutilés et à nosblessés ! Salut de joie et de cordialité à nos Poilus ! Tel est letriple caractère de cette cérémonie, de cette heure inoubliable, oùLisieux vous livre son coeur, au travers de ses rues, dans unmagnifique élan d'ardent enthousiasme, et, ici, dans un recueillementpieux et l'émotion poignante de voir ceux qui pleurent recevoir larécompense humaine de ceux qui ne sont plus.

Cette journée, notre ville l'a voulue, l'a appelée comme elle l'apréparée, avec toute sa foi patriotique.

Morts et vivants, vous êtes confondus dans ce grand sentimentd'affection et de fierté envers ses régiments : le 119e, le 319e et le20e eux-mêmes, image et résumé de toute l'armée, chefs et soldats.

Vous l'avez éprouvé, mon général, et vous aussi, mon colonel, tout àl'heure, quand vous présidiez, quand vous guidiez ce défilé ! l'âmehaute et le coeur solide, ainsi qu'à la bataille, comme l'attestent lespalmes qui ornent glorieusement vos poitrines.

Ce sentiment de fierté de notre ville, tous le comprendront pleinement,quand nous aurons détaché une page de cette grande fresque que seral'histoire militaire de la guerre.

Dès le 7 août 1914, le 119e est concentré vers Rethel ; le 8 il est surla Meuse, avec mission de garder les passages ; le 13, il commence unmouvement vers le nord-ouest, qui s'accentue vers le nord, à partir du15, afin de porter secours à l'armée belge ; le 22 août, le régimentreçoit le baptême du feu ; c'est Charleroi, puis Guise et la Retraite :lutte acharnée, retraite extrêmement pénible où la troupe, au bout dequelques jours, se trouve dans un état de fatigue terrible, et où lemanque de sommeil, par-dessus tout, lui impose les dernièressouffrances, capables d'abattre les plus fermes énergies. Il n'importe.Le 1er septembre, le régiment est sacrifié en arrière-garde, pourpermettre à d'autres unités de rompre le combat et de replier. Enfin,le 5 septembre, la retraite est terminée et le 6 commence la marche enavant. Ce matin-là, fut lu à toute l'armée l'ordre à jamais célèbre : «Il faut vaincre, ou bien, sur place, il faut mourir. »

Une nouvelle phase va se dérouler, qui permettra d'oublier l'effortsurhumain accompli, pendant ces quinze jours de repli, où le 119e futsoumis à une des dures épreuves de la campagne, et à travers les plusbrisantes alternatives, la France va suivre l'étoile de son destin.C'est la Marne ! La marche en avant continue jusqu'au 13 septembre,soutenant les plus rudes combats, et ce jour-là, le 1er bataillon tientla tête de pont du Godat. Le Godat a la réputation d'un secteur meurtrier ; des combats d'une violence inouïe s'y sont déroulés; les troupes y sont continuellement sur le qui-vive, à, ce point que lecommandement doit prévoir un système de relève spécial.

Le 23 avril 1915, le 119e quitte le Godat, laissant à d'autres lagardede ce coin qui fut un peu sa propriété, tant il a défendu longuementcontrel'envahisseur, ses marais, ses bois et sa ferme en ruines. Le 9 mai,embarquement pour l'Artois. Entrée dans l'offensive àAix-Noulette, secteur redouté, jusqu'au 26 juin, le régiment ne cesseradecombattre dans la boue et sous la pluie, repoussant l'attaque del'ennemi, uniquement à la baïonnette, les armes à feu ne pouvant plusfonctionner. A cette heure, l'état de fatigue de la troupe est à peinecooncevable, tant l'ont cruellement éprouvée les privations et enparticulier le manque d'eau.

Au mois de juillet, occupation de Neufville-Saint-Vaast, puisentraînement en vue de l'offensive du 25 septembre. Ce jour-là, lerégiment, plein d'entrain, part à l'attaque, se bat avec rage, revenantjusqu'à trois et quatre fois, afin de rompre la résistance de l'ennemi,qui cède à la fin, sous cette pression. La bataille continue jusqu'au 2octobre, et le régiment tient, sans broncher, malgré des bombardementsd'extrême violence, jusqu'au 7. La conduite du 119e, au cours de cetteoffensive, lui vaut sa première citation à l'ordre de l'armée.

Au mois de mars suivant, il est envoyé à Verdun : Verdun ! L'Epopée !

Aux derniers jours de mai, nous le retrouvons au bois de la Caillette,à Thiaumont et à Fleury. La 4e compagnie du 1er bataillon s'y faitremarquer en recherchant la liaison avec les autres compagnies, enplein jour, et à faible distance de l'ennemi, avec une audace et uncran qui soulèvent l'admiration des camarades du 5e régiment,spectateurs de l'opération Un mois après, elle est au bois desChevaliers, où un coup de main de grande envergure, minutieusementpréparé par le Lieutenant-Colonel Weimer, fut exécuté avec tellemaestria que nous n'avons à subir aucune perte.

En octobre, dans le même secteur, le régiment supporte une forteattaque de l'ennemi, précédée d'un feu très dur. Mais, prévu et devinéil est brillamment repoussé et doit rebrousser chemin sous un violenttir de barrage. Le 18 novembre nous sommes au camp des Romains et le 11décembre, le régiment passe sous les ordres du Général Mangin, ladivision étant destinée à doubler une division d'attaque et à larelever à la fin de son effort.

Le 18 décembre, l'action se déclenche et à 1 heure 30, le régimentpasse une première ligne dans le village de Besonveaux, s'y organise ety demeure 25 jours, Un peu plus tard, le 119e reprend l'entraînement envue de l'offensive d'avril 1917, et le 29 mai, monte en secteur pour leChemin-des-Dames.

Le 6 juin, après un dur bombardement, l'ennemi commence son attaque. Unterrible corps à corps s'engage. Deux compagnies sont tournées. Vers 10heures, les deux compagnies, la 9e et la 10e luttent toujours, et grâceà des contre-attaques, le combat dure jusqu'à une heure assez avancéede la nuit.

Le 27 juin, le régiment s'installe au secteur d'Ailles, et entre cettedate et le 6 juillet„ reprend à l'ennemi le terrain qu'un régimentprécédent avait perdu. Ces opérations firent l'admiration des régimentsvoisins et valent au 119e sa seconde citation.

Le 14 août, il quitte le Chemin-desDames, occupe successivementdifférents secteurs aux environs de Saint-Quentin, pendant les premiersmois de 1918.

Le 9 juillet, le 1er bataillon, sous la conduite du commandant Bedoura,s'élance à l'assaut atteint, d'un seul bond, tous les objectifs qui luiétaient assignés, capture prisonniers et matériel et gagne ce jour-làune citation spéciale à l'ordre de la 3e Armée.

Le 9 août, le 119e prend le bois de Ressons-sur-Matz. Malgré unerésistance acharnée de l'ennemi, le régiment pousse résolument del'avant les objectifs sont atteints dans la matinée et dansl'après-midi le combat reprend avec de nouveaux buts qui sont égalementconquis. C'est ici que se place le fait suivant : Le Médecin aide-majorDong, du ler bataillon, remarque à 100 mètres du poste duLieutenant-Colonel, un vaste bâtiment portant un drapeau blanc deCroix-Rouge, il décide d'y placer son poste de secours, mais au momentoù il se présente pour y pénétrer, un dépôt de munitions, que cedrapeau couvrait traitreusement, fait explosion. Dès lors, la marche enavant s'accentue, capturant prisonniers et butin, et le bois, pourtantappelé « Impénétrable » est occupé. De nombreux villages sontsuccessivement pris sur une avance de plus de 15 kilomètres.

Au cours de ces combats, 160 officiers, sous-officiers et soldats, qui atteints de la grippe, avaient demandé à poursuivrel'attaque, durent être évacués lorsqu'ils furent arrivés à la limiteextrême de résistance. A cette date, 3e citation à l'Ordre de l'Armée.

A partir de fin août, le régiment occupe des secteurs variés ettotalise une avance de 22 kilomètres jusqu'au 11 novembre où l'ennemis'avoue vaincu.

Il me reste à vous lire les citations que j'ai signalées au cours des opérations.

Citation du 14 octobre 1915.

« Sous les ordres du Lieutenant-Colonel Husband, a exécuté trois joursde suite, des attaques violemment contre-battues par l'ennemi, a réussipar la persistance de son élan et sa ténacité à franchir trois lignesde défense et à se maintenir sur la position conquise pendant neufautres jours sous un bombardement incessant, gardant l'ennemi sous lamenace de son attaque. »

Citation du 25 juillet 1917.

« Régiment d'élite qui s'était déjà distingué en Artois, à Verdun, àBezonveaux. Ayant été durement  éprouvé en juin 1917, a montrémoins d'un mois après, sous le Commandement du Lieutenant-ColonelMalvy, un magnifique héroïsme et un splendide esprit offensif, ensoutenant pendant sept jours consécutifs, des combats acharnés au coursdesquels il a repoussé toutes les attaques ennemies, et même avec unentrain superbe, dans un terrain particulièrement fortifié, deuxattaques en terrain libre qui lui ont permis de reprendre aux Allemandsune grande partie du terrain que ceux-ci nous avaient enlevé avant sonentrée en secteur. »

Citation du 28 septembre 1918.

« Régiment d'élite. Le 10 août 1918, sous les ordres duLieuteant-Colonel Malvy, a enlevé d'un seul élan tous les objectifs quilui étaient assignés, les a dépassés, progressant de plus de 10kilomètres dans le même journée s'emparant successivement de sixvillages fortement organisés.

« Du 11 au 22 août a encore progressé de six kilomètres, enlevant dansune lutte acharnée trois localités et une position très fortementdéfendue et a capturé 262 prisonniers, des canons, de nombreusesmitrailleuses et un important matériel. »

Et enfin pour couronner cette triple citation. Par ordre n° 129, leGénéral Commandant en Chef Pétain accordait au119e régimentd'Infanterie le droit du port de la Fourragère aux couleurs du ruban dela Croix de guerre.

Et pendant ce temps, le 20e faisait tout son devoir aux postes assignéspar les plans de mobilisation et le 319e s'illustrait de son côté :Sapigneulles, Mametz, Neuville-SaintWaast, Tahure, Péronne, Moy,Orvillers-Sorel, Le Matz, Vouziers marquaient son glorieux effort.

A travers ces étapes si vite énoncées, vous avez suivi la guerre toutentière et vous en avez entendu les noms les plus redoutables désormaislégendaires. Mais la Gloire est soeur de la Mort. N'est-ce
pas souvent aussi que la Mort est la rançon de la Vie ? N'est-ce pasdans un même danger que brille et se conquiert l'une :  l'étoile ;que l'autre frappe, abat et terrasse impitoyablement : la douleur.

C'est là que furent fauchés nos Morts et combien parmi eux dont on nesaura jamais la Tombe, dont jamais on ne retrouvera les restes ?Ceux-là sont en vérité deux fois victimes, et par eux et pour ceux quiles pleurent, puisque sacrifiés de la vie, ils restent encore lesExilés de la Mort.

Où dorment les Chavatte, les Lebert, les de Jocas, les Rigaud, lecapitaine Roussel, et le lieutenant Galpin, unis dans la mort commedans l'amité, pour ne citer que ceux-là et en justice, on les devraitciter tous.

Où sont tous ces jeunes soldats ? ces êtres chers, si vibrantsd'enthousiasme au départ ? Comme vos rangs, combattants, se sontéclaircis, ou plutôt comme vous vous êtes renouvelés, gardiens d'unmême drapeau, pâli sous la tempête, comme le visage des veuves et desmères sous le deuil, déchiré et dont les franges plurent comme deslarmes, du drapeau demeuré presque seul, le même, en effet, pourcouvrir de ses plis l'ombre et la Gloire de ses défenseurs, nos Enfantsde Normandie et de France.

Nous vous saluons, et la douceur de notre salut se mesure à vosépreuves et à nos transes, ô. vos dangers et à nos inquiétudes, à vasluttes et à nos angoisses sur vous et sur la Patrie.

Que vivent nos Morts dans notre coeur et dans notre pensée ! La Patrievictorieuse, mais blessée, étend, maternelle, son bras sur leurstombes. Comme elle, nous saurons nous souvenir, honorer et rendrefécond leur sacrifice. Il faut payer l'Immortalité avec de la Gloire.Il faut que cette Gloire fasse grande la France.

Vous qui êtes ici, les vivants, leurs survivants, sachez-le bien, notrereconnaissance n'oublie pas que sans eux, que sans vous, la Franceinviolable n'était plus. Que nous vous devons le retour à la mèrePatrie des deux provinces soeurs demeurées fidèles, comme nous-mêmes,au Souvenir et à l'Espérance. En nous inclinant devant ce monumentsymbolique, nous honorons les Morts qui, par leur sacrifice ont assuréla pérennité de la Patrie, comme nous le ferons bientôt devant leMonument que nous réservons au Poilu : Le Poilu image et réalitéunique, symbole et type immortel de la Grande Guerre. Leur trépas etvotre vaillance nous valent la Victoire et la Paix, Morts, elle est leprix de votre sang. Vivants, elle est la sanction de votre effort.

D'une telle mort, d'un tel sacrifice, ne peut sortir que la vie. Tantd'abnégation ne peut engendrer que des forces nouvelles et fécondes. LeMonde est dirigé par autre chose que par des forces matérielles, lesforces morales ont été et sont encore pour nous.Nous venons del'éprouver singulièrement et c'est pour cela même que la France est, àce jour, au pinacle des Nations civilisées, à l'apogée de son histoireet nous vivons vraisemblablement l'heure la plus grande de cettehistoire.

De ces Morts, de ces Hommes, deux mots ont résumés la grande oeuvre :Devoir et Sacrifice. Ils seront nos inspirateurs et nos maîtres. Nousne pouvons prendre d'autres guides qu'eux-mêmes.

La Paix de Victoire vaudra ce que valent ceux qui la doivent appliquer.Sans doute, elle exige la prudence attentive des gouvernements, maisaussi la sagesse et la volonté des peuples. Notre tâche commence, c'estune tâche nouvelle, une rénovation continue. Nous devons sortir en actetout ce qu'elle contient en puissance. A travers les secousses del'heure, le peuple saura vouloir, parce qu'une des grandescaractéristiques de cette Paix c'est qu'elle confie à la Liberté lerèglement des affaires du Monde sous l'égide des générations qui aurontà l'expliquer dans la succession des temps.

Après la défaite de 1870, — j'en appelle aux Souvenirs de nos ancienscombattants — la France mourante s'est ramassée, s'est reprisevigoureusement et a refait sa place au Monde. Serait-elle moinspuissante dans le succès ? Ils avaient le désastre, vous avez laVictoire.

Le sang qui fumait hier encore, tout ce que nous honorons aujourd'huine peut être que germinateur de haute vitalité et la base des plusfortes destinées. Ce sera, selon la belle et synthétique formule de M.Léon Bourgeois, « Pour le loyal effort, par le travail créateur ».C'est un Orient nouveau des consciences qu'il faut évoquer. Mais, alorsque nous avons donné du courage à toute la terre, à l'heure du péril,comment admettre qu'un peuple si admirable, si cohéré d'ansl'adversité, puisse se laisser convaincre à l'abîme ? Comment douterqu'il se ressaisisse devant un autre danger, par les qualités même quile caractérisent dans l'histoire ?

Quels que soient les frissons qui éprouvent l'Europe, quels que soientles sursauts et les secousses de la Société mioderne, il faut croire àl'avenir, dans l'union et par le travail. Douter de la France est uncrime, toute parole de doute est impie et suggestion de l'ennemi.

La France, le front haut devant le Monde, garde toujours et gardera «Le Patrimoine d'Espérance où vient se fortifier chaque génération ».J'ai foi dans mon pays. La France victorieuse ne peut pas périr.Entendez les Morts qui vous crient : « Nous sommes morts pour Elle. »Ecoutez les Vivants, Mutilés, Blessés et Rescapés qui vous disent : «Pour Elle, nous avons souffert, nous avons combattu pour Elle. »,Vivela France immortelle !

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Nous donnons ci-après la liste des décorations remises dimanche matin par M. le Général Segonne.

Médaille militaire. — Cosnard Victor, soldat au 25e régiment d'infanterie ; — Lesieur, adjudant au 119e régiment d'infanterie.
Croix de guerre. — Carrère Joseph, adjudant-chef au 119e régiment d'infanterie. Citation à l'ordre du régiment.

Décorations posthumes :Aguinet Rodolphe Pierre, sergent (réserve), au 319e régimentd'infanterie ; Allais Constant Albert, caporal ; — Bertrand LéonFerdinand, caporal (territorial), au 119e régiment -d'infanterie ; —Aubry, Charles Henri, soldat territorial, au 119e régiment d'infanterie.

Remerciements du Maire de Lisieux.

Mes Chers Concitoyens,

La journée du 19 octobre marquera une date à jamais inoubliable dansl'histoire de notre belle ville de Lisieux. Les Fêtes de la Victoire etde la Paix, célébrées dans un large esprit d'union et de concorde, ontdonné lieu à une manifestation grandiose. La Population Lexovienne,unie avec celle de nos campagnes dans un même sentiment de vibrantpatriotisme, a fait à nos braves Poilus et à leurs Drapeaux victorieuxune fête digne d'eux. Je suis heureux et fier de le constaterpubliquement. A tous les artisans de cette manifestation spendide, à.tous ceux, en particulier, qui en ont préparé et assuré le succès,j'adresse de tout coeur l'expression de ma vive gratitude et de masincère reconnaissance.

Lisieux, le 20 octobre 1919.
Le Maire de Lisieux
Dr LESIGNE.



Lisieux, 18-19 octobre 1919 - Fêtes de la Victoire et de la Paix. Lisieux, 18-19 octobre 1919 - Fêtes de la Victoire et de la Paix.
Le Député Laniel prononçant son allocution.
A droite dans la tribune les deux jeunes filles de Metz.

Carrefour Bd Ste Anne, Rue Pont-Mortain,
Rue d'Alençon.

Lisieux, 18-19 octobre 1919 - Fêtes de la Victoire et de la Paix. Lisieux, 18-19 octobre 1919 - Fêtes de la Victoire et de la Paix.
Le 119e à travers les âges (?)
Le Cénotaphe, Place Thiers.
Lisieux, 18-19 octobre 1919 - Fêtes de la Victoire et de la Paix. Lisieux, 18-19 octobre 1919 - Fêtes de la Victoire et de la Paix.
Carrefour de l'Hôtel-de-Ville. Rue Ollivier,
Rue au Char, Grande Rue.
Programme officiel des Grandes fêtes de la Victoire
 et de la Paix.
Lisieux, 18-19 octobre 1919 - Fêtes de la Victoire et de la Paix. Lisieux, 18-19 octobre 1919 - Fêtes de la Victoire et de la Paix.
Le Cénotaphe, Place Thiers. La tribune officielle sur le côté de la place Thiers.
Lisieux, 18-19 octobre 1919 - Fêtes de la Victoire et de la Paix. Invitation tribune  officielle Fêtes de la Victoire et de la Paix Lisieux 19 octobre 1919.
Le Cénotaphe, Place Thiers. Invitation pour la tribune officielle.

[Coll. Médiathèque intercommunale André Malraux - Lisieux]