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Corps
Catéchismedes Normands.- [Sl : sn, sd (XVIIIe s.)].- 12 p. ; 14 cm.
Saisie du texte : O. Bogros pour la collectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (06.XII.2006)
Texte relu par : A. Guézou
Adresse : Médiathèque André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros]obogros@ville-lisieux.fr
http://www.bmlisieux.com/

Diffusionlibre et gratuite (freeware)
Orthographe etgraphieconservées.
Texteétabli sur l'exemplaire de lamédiathèque (Bm Lx : norm nc).

CATECHISME

DES

NORMANDS,

Composé par un Docteur de Paris.

~*~


D. Estes-vous Normand ?

R. Oui par la gracede ma naissance, & par la grace de mon intrigue.

D.Qui est celui qu’on doitappeller Normand ?

R. C’est celuilequel étant ne d’un pere Normand, naturellement intriguant faitprofession exacte d'une intrigue dissimulée.

D. Qu'est-ce que l'intrigue dissimulée ?

R.
C'est celle que le Normand a appris des ses Ancestres, & qui la communique de pere en fils.

D. Est-il necessaire à un Normand d'avoir cette intrigue dissimulée ?

R.
Oüi, s'il ne veut agir contre l'inclination naturelle de la nation Normanique.

Du signe du Normand.

D. Quel est le signe du Normand ?

R.
C'est d'être toûjours prêt â faire de faux sermens en faveur de celui qui lui donne le plus d'argent.

D. Comment fait-il le signe ?

R.
Entenant ses mains dessus sa tête pour affirmer plus hardiment le fauxserment qu'il fait pour vil prix, & les rabaissant lorsqu'on luifait offre de plus d'argent qu'il n'en a reçû pour les lever, afind'affirmer effrontément le contraire de son premier serment.

D. Pourquoi fait-il le signe de la sorte ?

R.
Pour tromper et décevoir ceux qui ont confiance en ce signe, auquel il prend plaisir.

D. Quand le Normand fait-il le signe ?

R.
Depuis son berceau jusques au dernier soûpir de sa vie.

De la fin du Normand.

D. Quelle est la fin du Normand.

R.
C'est de trahir ses plus grands amis.

D. En quoi consiste le dessein du Normand ?

R.
Il consiste à établir sa fortune aux dépens du bien d'autrui & de l'honneur du Prochain, sans épargner Sacré ni Profane.

Des moyens de parvenir à cette fin.

D.  Par quels moyens parvient-il à cette fin ?

R.
Par quatre moyens ; sçavoir, Infidélité, Tromperie, Haine & méchantes Actions.

D. Qu'entendez-vous par Infidélité ?

R.
J'entens que le Normand ne garde jamais la parole qu'il a promise.

D. Que devons nous croire du Normand ?

R.
Que c'est le plus grand fourbe du monde.

D. Expliquez nous ce mot de fourbe.

R.
C'est-à-dire qu'il est naturellement trompeur.

D. Comment trompeur ?

R.
C'esten proferant des paroles contraires aux pensées de son coeur, loüantpar paroles ceux qu'il blâme en lui-même, flatant & caressant ceuxqu'il aime le moins, baisant ceux qu'il déchire par ses faussesimpostures comme un Judas, applaudissant les discours d'autrui, pourexiter à les continuer, afin d'en tirer une méchante consequence.

D. Vous dites que le Normand parvient à sa fin par haine.

R.
Oüi,mais il faut entendre comment, parce que quand le Normand haitquelqu'un, il ne lui découvre pas sa haine ouvertement, au contraire illa dissimule & retient dans son coeur, il flate & louë celuiqu'il hait le plus, & le baiser du Normand est un veritable signede la haine qu'il a dans son coeur.

D. Si le Normand retient la haine dans son coeur, il ne fait aucune méchante action au dehors pour parvenir à la fin.

R.
Pardonnezmoi, car les mauvaises actiõs du Normand ne paroissent au dehors, quelorsqu'il s'apperçoit que facilement elles pourroient servir à sondessein.

D. Le Normand manifeste donc ses mauvaises actions ?

R.
Illes manifeste le moins qu'il peut, car il les commet toûjours de bonneintention, disant qu'il ne cherche que la gloire de Dieu, que le profit& utilité spirituelle de son Prochain, & que tout ce qu'il faitprovient de son grand zéle seulement.

D. Comment fait-il ses mauvaises actions par ces moyens là.

R.
Nonseulement, car quand il a proferé des paroles indiscretes &calomnieuses. Ah qu'il fait de méchantes actions ! il les impute à despersonnes innocentes ; & pour les faire croire véritables, ilsolicite par promesses & argent.

De l'esperance du Normand.

D. Quelle est l'esperance du Normand ?

R.
C'est de s'élever au dessus des autres.

D. Comment ?

R.
Enparoissant au dehors homme de bien, dévot, sincere, obligeant, douxcomme un agneau, quoiqu'il soit au dedans un loup ravissant, ingrat,fourbe, indevot, méchand ; en un mot, un très-grand hipocrite, & unsepulchre blanchi.

D. Comment ?

R.
 C'esten imposant des faux crimes à ceux qui occupent les Charges ; étansamis, ausquelles ils aspirent faisant des fausses attestations,certificats & autres piéces décritures qu'ils font signer par defaux témoins, pour faire entendre que ce qu'il disent est véritable.

D. Comment connoissez-vous cela ?

R.
Jele connois en ce qu'il a beaucoup d'amour pour sa personne & à sespropres interêts, & point du tout pour son Prochain.

Les Bonnes oeuvres du Normand.

D. Si le Normand n'a point de charité pour son Prochain, il ne fait aucune bonne oeuvre à l'égard de son Prochain.

R.
Aucunes à la verité ; mais toutes méchantes conformément aux dix Commandemens qu'il a appris de ses Ancestres.

D. Quels sont ces dix Commandemens ?

R.
Lesvoici.

Tes interêts tu garderas & attireras parfaitement.
Dieu envain tu jureras, pour affirmer un faux serment.
L'argent d'autrui tun'épargneras, ni son honneur pareillement.
Le bien d'autrui tu nerendras, & garderas à ton escient.
Faux temoignage tu diras, &mentiras adroitement.
L'oeuvre des mains tu n'oublieras pour deroberfinement.
Les biens d'autrui tu connoîtras, pour les avoir injustement.
L'oeuvre de chair tu désireras & accompliras avec le tems.

Des oeuvres de miséricordes du Normand.

D. Combien le Normand a-t-il d'oeuvres de misericordes.

R.
Sept ; sçavoir, trahison, flatterie, gourmandise, larcin, mensonge, envie & imposture.

D. Si le Normand n'observe ces dix Commandemens, & ne fait ces oeuvres de misericorde, qu'en sera-t-il ?

R.
Ilcontreviendra aux maximes & aux inclinations de la nationNormanique, & aux habitudes naturelles de ces Ancêtres, &merite d'être estimé honnête homme.

D. Si tout ce que nous venons de dire est vrai, on ne peut avoir de confiance du Normand ?

R.
Nullementdu monde, car enfin confiez vous en lui, il vous trahit ; louez-le, ilvous méprise, il vous abhore ; & après tout c'est un lion à ceuxqui le craignent, & une vraie poule aux genereux. Je prie Dieuqu'il inspire au Lecteur des sentimens contraires aux pensées de ceCatéchisme.

FIN.