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BORVILLE,A. de (18..-18..) : Hygiène(1842).
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électroniquede la Médiathèque André Malraux de Lisieux (22.IV.2014)
Texte relu par : A. Guézou.
Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
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Diffusionlibre et gratuite (freeware)

Orthographe etgraphie conservées.
Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx: R 727) de l'Almanach Argenténois pour 1842de J. chrétien publié à Caen  chez A. Hardel.



HYGIÈNE

PAR

A.  DE BORVILLE
Docteur-médecin à Putanges,membre de plusieurs sociétés savantes
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L’hygiène est cette branche de la médecine qui a pour objet laconservation de la santé. Nous ne pouvons qu’esquisser à grands traitscette intéressante partiedans un ouvrage qui doit réunir beaucoup d’objets en peu de mots.


NOTIONS GÉNÉRALES.

On choisira de préférence pour l’emplacement des maisons l’expositiondu midi au nord, que les ouvertures en soient larges, la ventilationfacile, que le niveau de la maison soit élevé au-dessus du sol, ou quedes tranchées et du charbon sous-jacent y suppléent, que lesappartements aient de la hauteur et de la largeur, que l’on évite lastagnation des eaux, que les immondices de quelque nature qu’ellessoient disparaissent au loin : et qu’elles n’y croupissent pas, ce sontautant de foyers d’infection qui disposent à une foule de maladies, queles bestiaux qui périssent, surtout ceux des maladies contagieuses ouputrides, soient profondément enfouis, que l’on évite de boire les eauxoù se fait le rouissage, que cette opération ne se fasse ni le soir nile matin pour la levée du chanvre et du lin, que l’on use d’eau bienpure dans chaque localité, et que les bestiaux participent à cebienfait. Que l’on n’oublie pas les bains locaux et généraux, que leurtempérature soit en rapport avec la saison, que la plus minutieusepropreté préside au foyer domestique et partout, sur les personnes etdans les objets.

Il importe beaucoup que, selon les divers besoins de la société, chacunconsulte dans des cas graves des gens instruits, des hommes spéciaux,pour s’éclairer sur la matière de l’hygiène, dont nous ne pouvonsdonner qu’un croquis. Le célèbre professeur Hallé a divisé en 6 classescette partie de la médecine, dont voici les dénominations relatives :

1°. Circumfusa.

On a compris dans ce cadre l’air et les différents principes qu’ilcontient, la terre, les eaux, et tous les phénomènes météoriques,souterrains et hydrauliques qui modifient, altèrent ou changent ladisposition des localités.

2°. Applicata.

Ce sont les agents qui ont une action immédiate sur la surface de lapeau, surtout, tels que les vêtements, les lits, puis les bains,lotions, frictions, cosmétiques, etc.

3°. Ingesta.

On a compris sous le nom d’ingesta toutes les substances alimentairesintroduites dans le canal digestif.

4°. Excreta.

Ce sont les diverses matières qui doivent être éliminées du corps,naturellement ou accidentellement.

5°. Gesta.

Cette classe comprend le sommeil et la veille, le mouvement et le repos.

6°. Percepta.

Sous le nom de percepta serangent les sensations, les affections del’âme et les fonctions intellectuelles ; impressions, perceptions,expressions, etc.

Quelques conseils pourront être d’une certaine utilité, selon les étatset professions en général.


LES ARTISTES, GENS DE LETTRES,DE CABINET, ETC.

Les gens de lettres et de cabinet doivent user de nourriture douce etlégère, surtout le soir ; prendre après le repas un exercice modéré ;qu’ils insistent sur le régime d’observation duquel résulte unedigestion facile, une tête libre, un sommeil léger. Qu’ils n’oublientpas que le café, auquel ils sont fort enclins, agitspécialement sur le système nerveux et sur le cerveau, et qu’il n’estque trop souvent un emprunt sur le fond. Un célèbre médecin allemandrésume l’hygiène par ces 3 axiomes :

Tenir la tête fraîche.
Le ventre libre.
Les pieds chauds.
C’est exprimer, multa paucis.


LES BOUCHERS.

Les bouchers sont généralement disposés aux maladies inflammatoires, àcause de l’absorption des vapeurs animales, en outre, les effortsqu’ils font pour soulever les quartiers d’animaux, ou les animauxentiers, les rendent sujets aux maladies de cœurs, aux hernies, auxanévrismes, aux ruptures tendineuses et musculaires, le panaris, lecharbon et la pustule maligne sont souvent le résultat de l’usaged’instruments malpropres ; la plus minutieuse propreté doit régner dansles tueries, les linges et les divers instruments. On ne doit pasoublier que la putréfaction qui se manifeste dans les débris desanimaux, et surtout dans le sang en stagnation, est souvent la sourcede fièvres et phlegmasies très-graves. L’administration doit intervenirpour faire placer les abattoirs dansdes endroits ouverts, aérés et pourvus d’eaux courantes, aux extrémitésdes villes et bourgs considérables ; elle doit aussi empêcher avec soinla vente de viandes malsaines.


CORDONNIERS.

Les cordonniers sont sujets à des maux d’estomac, de poitrine, auxcongestions et aux engorgements ; ils pourront y remédier par lapromenade après le repas, et quand il se peut par l’équitation, etsurtout par les secousses d’une voiture un peu dure ; l’usage des sucsd’herbes et de quelques minoratifs leur conviennent dans le même but.


CARRIERS.

Ils doivent pour se préserver autant que possible de la poussière quis’échappe durant le travail de la pierre, travailler le dos au vent demanière qu’elle soit chassée loin du visage de l’ouvrier. Cependantcomme l’absorption de ces molécules est inévitable, nous conseillons detemps en temps, pour en prévenir les fâcheux effets, de l’eau acidulegazeuse simple, les pastilles de Vichi, ou celles de bi-carbonate desoude de Darcet.


CHASSEURS.

Dans notre rapide revue n’oublions pas la classe joyeusedes chasseurs. Ils s’exposent de gaîté de cœur à toutes les intempériesde l’air, auxchances les plus variables, et bravent toute espèce de fatigue,pourquoi, le plus souvent ! si ce n’est pour la gloire, ou l’honneurbien senti, de flatter les grâces ou de parer la table d’un ami.

Quelles règles tracer à ces enfants gâtés de la nature, lorsque lachasse va bien ; quels conseils donner à ces fils déshérités d’Adam lorsque la chasse est ingrate. Onle sait, les précautions sontconnues de tous et négligées de tous ou à peu près.

Aussi la goutte, les rhumatismes, ne sont que trop souvent le tribut dejouissances aussi exagérées que licites ; on remédiera à tout cela parla modération, par de sages précautions ; on aura soin, étant échauffé,de ne pas s’arrêter à l’air froid ni sur la terre fraîche, on tarderaun peu pour prendre son repas, on évitera l’ingestion d’eau froide etde boissons analogues, on usera avec modération de cette ampoule,garnie d’osier en dehors, de vin ou d’eau-de-vie en dedans, qui est lecomplément usuel de la carnassière. On prétend par cet auxiliaireconcourir d’agilité avec le gibier, mais c’est trop prétendre.

Que surtout rentré au logis, on remplace les vêtements humides etpoudreux par d’autres bien secs.

Les chasses les plus ordinaires dans ces localités sont : celle auchien courant, puis au chien ferme, puis celle dit à l’affut.

La première est la plus belle et la moins dangereuse, en égardd’ailleurs à la température, à la modération ou à l’excès de fatigue ;puis vient la seconde, et enfin la chasse à l’affut, qui est celle quientraîne le plus de maux, à circonstances égales. Au reste, je lerépète, comment compter sur les chasseurs, en fait d’hygiène, Horacenous a dit :

Manet sub jove frigido, venator teneræ conjugis immemor.

Et nous autres chantons en cœur la jolie cantate chasseresse :

       Chasseur diligent,
        Quelle ardeur te dévore ;
        Tu pars dès l’aurore, etc.

Observons toutefois en finissant, que les grâces légères passentsouvent condamnation aux chasseurs, et qu’elles veulent bien applaudir,et quelquefois embellir la chasse par leur aimable présence.


CHANVRIERS, LINOTIENS, ETC.

Cette classe nombreuse mérite une mention spéciale.

Le rouissage est une opération fort insalubre, la partie végétale ysubit une sorte de fermentation putride, qui infecte les eaux et lesrend aussi malsaines que désagréables à boire. Le danger cependant estmoindre dans l’eau courante que dans celle qui est stagnante, surtoutsi les vents balaient en grand ces vapeurs méphitiques, et si on estplacé du côté opposé au courant d’air.

Lorsque le limon qui borde ces marécages devient plus apparent, soitpar absorption ou infiltration solaire ou terrestre, il en résulte desfoyers d’infection qui produisent des fièvres, souvent l’intermittentepernicieuse, la disposition aux cachenies, aux scrophules. M. Mératnous rappelle que l’on a proposé pour empêcher ces maux la propagationde la machine de M. Christian, qui a le triple avantage de dispenser durouissage, de donner plus de chanvre ou de lin, et de lui laisser uneplus grande force, puisqu’il est dépourvu de la gomme que l’eau luienlève ; ceci regarde l’exploitation, mais il importe de constater,sous le rapport de l’hygiène, la seule dispense du rouissage, quirendrait de grands services.


CHARBONNIERS.

Le métier de charbonnier est un des plus sains ; les maladies putrideset cutannées sont rares dans cette classe. Le charbon, qui a lapropriété de désinfecter l’eau corrompue qu’il traverse, de guérirquelques teignes et ulcères de mauvais caractère : Serait-il l’agentspécial de la bonne santé des charbonniers, de leurs femmes et de leursenfants, qui vivent fort long-temps, quoiqu’entassés pêle mêle dansleurs cabanes ? C’est probable.

Au surplus ; ils devraient de temps en temps user de bains, de lotions,mais c’est ce dont ils se préoccupent le moins.


CUISINIERS.

Le célèbre auteur de l’almanach des gourmands, auquel les cuisiniersdoivent un juste tribut de reconnaissance, puisqu’il a facétieusement et véridiquement démontré le grandmérite de l’art culinaire, leurconseille, comme patriarche de la gourmandise, des purgatifs de tempsen temps, pour dissiper les congestions viscérales auxquels ils sontsujets (l’eau de Sedlitz) et pour rendre à leur palais toute lavirginité dont il a besoin, conditiosine quâ non !


ETUDIANTS, COLLÉGIENS.

Nous connaissons tous les spirituelles et satyriques saillies deLafontaine et autres écrivains contre les régents, les professeurs etles disciples, et aussi contre les disciples et les professeurs. Nousen tirerons cette conclusion que c’est peut-être une des plusdangereuses ressources de l’esprit, que de semer des idées dedécouragement pour les uns et d’insubordination pour les autres.

Quant aux conseils hygiéniques, nous n’oublierons point que nousécrivons spécialement pour l’arrondissement d’Argentan. Les soinsphysiques et moraux sont prodigués sous les auspices paternels de M.Leguerney, dans le collége qu’il dirige avec une sollicitude admirable.

Le principal, les professeurs, les médecins, la situation, le matériel,tout concourt dans l’intérêt de l’esprit et du corps. Nous n’avons doncrien à conseiller ni à ajouter, si ce n’est le vœu bien senti de lacontinuation de cette administration aussi sage que bienveillante etéclairée.


MEUNIERS, BOULANGERS.

Les meuniers, boulangers et autres artisans, vivants au milieu d’uneatmosphère pulvérulente fort divisée, et par conséquent inspirée avecune grande facilité, sont sujets à la toux, l’asthme, etc. ; la farinepar elle-même ne peut être nuisible que comme corps étranger introduitdans les voies pulmonaires, cette atmosphère cause une sorte decacochymie qui n’ulcère pas les membranes muqueuses comme la poussièredes meules, des pierres de taille, du plâtre, etc. ; mais il y a encoredans l’atmosphère pulvérulente des fours, de la cendre, de la braise,du son : toujours est-il que les boulangers et les meuniers sont pâles,ce qui indique un défaut d’oxigération. Ces deux classes sont en outresujettes aux efforts musculaires répétés et aux maladies qui résultentdu passage du chaud au froid, surtout les boulangers.

Il n’y a d’autre moyen pour atténuer ces inconvénients, que de mettreun mouchoir en masque devant la bouche en travaillant pour empêcher lesparticules les plus grossières de passer dans les voies aériennes, detravailler, si faire se peut, sous le manteau d’une cheminée qui auraitun fourneau d’appel, de prendre des bains locaux ou généreux, chauds oufroids, selon la saison, d’éviter les excès et aussi les transitionsbrusques du froid au chaud, et viceversâ.

Les concrétions pierreuses plus ou moins constantes, de craie calcaire,etc., connues depuis long-temps, constatées en grand nombre depuis peupar M. Rogée de la Salpétrière, et que j’ai moi-même observées,paraissent indépendantes de telles ou telles professions, seulement ilest certain qu’elles sont communes chez les vieillards.


MENUISIERS.

Cette profession est peut-être la plus salubre de toutes celles quel’on connaisse. Les ouvriers qui l’exercent sont toujours à l’abri desintempéries de l’air, font agir toutes les parties de leurs corpspresqu’en égale proportion, n’ont aucune posture gênée, ne respirentpoint des émanations nuisibles ; aussi comme le dit M. Mérat, sont-ilsgénéralement forts et robustes, leur teint est bon, la plupart fortvieux et exempts de maladies.


POSTILLONS.

Les maladies propres aux personnes livrées à l’équitation sontfréquentes, indépendamment des chutes, des blessures, des contusions,des fractures qui résultent de l’impéritie du cavalier ou des mauvaisesqualités de sa monture ; il est prouvé que l’usage excessif du chevalest aussi dangereuse que l’équitation modérée est salutaire.

Dans le premier cas, l’inflammation des reins et de la vessie, lesdouleurs de poitrine et du bas-ventre, l’échauffement et laconstipation sont des accidents habituels qui cèdent au repos, tandisque dans le second l’exercice modéré du cheval imprime au corps dessecousses salutaires, facilité le mouvement des fluides dans tous lesvaisseaux, empêche leur stagnation et doit assez probablement résoudredes engorgements commençants et peu considérables.


SELLIERS. BOURRELIERS.

Ils doivent suivre les conseils indiqués à l’article Cordonniers.L’exercice surtout après le repas, quelques laxatifs de temps en temps.Il y a dans ces trois classes identité de causes, d’effets, et parconséquent de conseils hygiéniques. Nous en dirons autant destailleurs, surtout de ceux qui travaillentdans la position croisée sur l’établi.


TANNEURS.

Les tanneurs et corroyeurs sont sujets à une foule de maladies quirésultent autant de la position forcée dans laquelle ils se trouventplacés, que de la fétidité des peaux et des débris de chair, qui sontsouvent en putréfaction. Cette odeur infecte détermine les fièvresmalignes, des panaris, etc.

C’est par la propreté et le travail en plein air que l’on remédiera auxaltérations principales que peut éprouver leur santé.

Le chlore est ici d’une très-grande utilité pour décomposer les miasmesputrides de l’atmosphère dans lequel ils vivent. Il faut cependant nepas oublier que cet agent si puissant irrite violemment les voiesaériennes, lorsqu’il est trop concentré.

Enfin l’hygiène est dite privée lorsqu’elle a pour but la théorie del’individu seul ; on la nomme publique quand elle a pour fin laconservation de l’homme collectivement ou dans ses rapports sociaux.

Des médecins, des législateurs, des philosophes, également célèbres,ont doté dès les temps les plus anciens, les peuples et leurs sièclesde leurs travaux sur cette immense matière.

On apprend en effet que des médecins égyptiens, et autres,qu’Hypocrate, Moyse, Pytagore, Lycurgue, Platon, Gallien, etc., onttracé et prescrit des règles hygiéniques de la plus haute importance,selon les âges et les lieux. Leurs travaux ont été continués depuis, enraison des mœurs, des besoins et des localités, et surtout classés denos jours par des écrivains célèbres, parmi lesquels brillent MM.Hallé, Nysten, Guilbert, Mérat et autres sommités médicales etlittéraires.