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BERGERET,Jean (1946-20..) : Une ville oubliée, une mémoireretrouvée (1997) Numérisation du texte : O. Bogros pour la collectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (14.IV.2008) [Ce texte n'ayantpas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement desfautes non corrigées]. Adresse : Médiathèque André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros]obogros@ville-lisieux.fr http://www.bmlisieux.com/ Ce texte ne relève pas du domaine public etne peut être reproduit sans l'autorisation de l'auteur. Orthographe etgraphieconservées. Article extrait de l'ouvrage Lisieux au temps de Thérèseparu aux éditions Desclée de Brouwer (Paris, 1997) et constituant lecatalogue de l'exposition présentée par le Musée d'art et d'histoire deLisieux dans le cadre du centenaire de la mort de sainte Thérèse del'Enfant-Jésus (juillet-septembre 1997). Texteétabli sur l'exemplaire de lamédiathèque (Bm Lx : N 944.22SIX). Uneville oubliée, une mémoire retrouvée par Jean Bergeret ~ * ~ La centaine de photographies choisies pour cet ouvrage provient d'unfonds qui appartient au Musée de Lisieux. Elles ont pour sujetprincipal Lisieux, cette ville que Thérèse Martin a connue entre sonarrivée en 1877 et son entrée au carmel le 9 avril 1888. Certaines d'entre elles sont clairement datées de l'année 1895, dontl'hiver fut particulièrement dur. On imagine sans peine ce que lescarmélites de Lisieux, et notamment Thérèse de l'Enfant-Jésus dutressentir. C'est d'ailleurs le jeudi saint de l'année suivante, en1896, qu'elle connut sa première hémoptysie. L'auteur principal de ces photographies en est un pharmacien, FrançoisBidet, dont l'officine était en face, sur la place principale deLisieux, de celle d'Isidore Guérin, l'oncle de Thérèse. Cettesimilitude de situation professionnelle entre la famille Bidet et lafamille Guérin-Martin, jointe à cette proximité de voisinage en villefait l'intérêt de la présentation des clichés Bidet. Les Bidet, Guérinet Martin ont le même goût de la nature. Thérèse accompagne son pèredans ses parties de pêche. Les Guérin invitent tous les ans leursnièces Martin à venir les rejoindre à Trouville. Toutes ces activitéssont aussi celles des Bidet. A ceci s'ajoute une passion commune : laphotographie, pour François Bidet et pour Céline Martin, la soeur deThérèse. Ces clichés, pour la plupart, sont des tirages contemporains, réalisésà partir de plaques en verre. Quelques-uns sont des tirages originaux.L'ensemble peut être étudié de deux manières. Si l'approche estesthétique, la mise en place des sujets et le cadrage intéresseront lesspécialistes. Si l'approche est documentaire, les sujets ne deviennentqu'un moyen comme un autre pour connaître Lisieux. Mais retrouver Lisieux et son passé, autrement que par ses vestigesmonumentaux, est une gageure. Détruite le 6 juin 1944, elle a vus'envoler non seulement les maisons à pans de bois qui faisaient sagloire avant le développement du pèlerinage de sainte Thérèse, maisaussi les objets de la vie quotidienne détenus par les familles, ellesaussi décimées lors de ce funeste bombardement. Cette mémoirecollective, pleine de ces riens qui créent la notion d'une communauté,n'est conservée nulle part. Les collections du musée du Vieux-Lisieuxd'avant la guerre, si elles avaient été déménagées au moment de ladéclaration de guerre en 1939, auraient pu servir à combler tous cesmanques criants. Mais lui aussi, symbole de toute une ville, s'estenvolé en fumée. Son architecture en pans de bois, datant des XVe etXVIe siècles, a brûlé. Ses collections ont disparu, sauf quelqueséléments que l'on retrouve dans l'actuel musée d'art et d'histoire, âgéseulement d'une trentaine d'années, puisqu'il a été créé en 1968. Nous l'avons dit, le sujet de ces clichés est avant tout la viequotidienne à Lisieux, celle qui se passe sur la place principale,devant la cathédrale. Mais ces scènes de marchés, celles des revuesmilitaires, celles des processions se déroulent dans un cadrearchitectural, expression d'une histoire longue et mouvementée, dontles principales péripéties commencent sous Jules César et se terminenten juin 1944, sous les bombes alliées, comme pour beaucoup de villes deNormandie. A ce titre, Lisieux peut être un témoin privilégié, et êtrecitée en exemple de l'histoire de la Normandie. L'histoire de Lisieux L'histoire connue commence comme étant celle d'une tribu gauloise, lesLexovii que les armées de Jules César réduisirent, en 56 avant J.-C.,lors d'un soulèvement. Lisieux devient alors une cité romaine avec sesforums, son port fluvial sur la Touques qui conduit à la mer, sesthermes ornés de peintures murales découvertes entre 1978 et 1984 etses rues qui se coupent perpendiculairement. Comme toute agglomérationromaine, Lisieux disposait de nécropoles. Les rites observés diffèrentselon les époques : l'inhumation puis l'incinération - sous l'influencede Rome -, et de nouveau l'inhumation, à partir du IIIe siècle aprèsJ.-C., sous l'influence alors des religions orientales et duchristianisme. Trois cents vases à incinération furent découverts avantla Seconde Guerre mondiale et mille tombes furent mises au jour lors defouilles réalisées en 1991 et 1992. D'ailleurs, Le Lexoviendu 26 janvier 1876 mentionne une découvertemérovingienne, un sarcophage d'enfant, non loin de la cour desBuissonnets, la maison dans laquelle les Martin, père et filless'installèrent en 1877, après avoir quitté Alençon à la mort de ZélieMartin, la mère. « Ce sarcophage [...] a été acquis pour le musée de laville. On a trouvé des fragments de vases cinéraires en terre dite deSamos bien conservés, couverts d'ornements en relief, dans toute lapartie de terrain jusqu'ici explorée. Il serait à désirer que desfouilles soient un jour entreprises par la ville, afin d'enrichir notremusée, qui ne possède encore que quelques vases provenant desdécouvertes du Grand-Jardin. » Lisieux appartenait apparemment à un réseau de cités mis en place parles empereurs romains, que la construction de « castrums » et latransformation ultérieure en siège d'un évêché ont sauvé du néant. Lisieux devient le siège d'un évêché au VIe siècle, date relativementtardive par rapport à d'autres villes épiscopales de Normandie. Rouenet Bayeux reçoivent, en effet, un évêque dès le début du IVe siècle. Cen'est qu'à partir du Xe siècle que la succession des évêques de Lisieuxest assurée de manière permanente et continue. L'existence du diocèselexovien cessera à la Révolution, au sortir de laquelle le siège del'évêché du Calvados sera à Bayeux ; ce qui explique les démarches, en1887, de Thérèse Martin et de son père dans cette ville pour y voirl'évêque et en obtenir toutes les autorisations nécessaires à sonentrée au carmel. Les évêques de Lisieux prennent le titre de comtes de Lisieux au coursdu Moyen Age. Ils exercent, dès lors, sur la ville un pouvoir nonseulement spirituel mais aussi séculier. Ils en assurent la défense etconstruisent une enceinte dont quelques vestiges, échappés non pas desbombardements de juin 1944 mais des destructions voulues par leshommes, existent encore en ville (tours Sainte-Anne et Lambert). Ils laparent d'édifices somptueux que certains chanoines n'hésitent pas àtraiter de somptuaires. C'est surtout l'évêque Arnoul (1141-1181) quiest l'objet de leur colère. Il fait reconstruire l'ancienne cathédraleromane incendiée et aménage un palais tout à côté de la nouvellecathédrale qui sera l'un des emblèmes de la ville jusqu'à l'érection dela basilique Sainte-Thérèse dans les années 1920. Les chanoinesréussissent à le faire partir. Il se réfugie à Paris en 1181, àl'abbaye Saint-Victor où il se fait construire un bel appartement,connu parfois sous le nom de « vieille maison d'Arnoul ». Utilisée pourles manuscrits, elle est détruite en 1663, en raison du réaménagementdes bibliothèques des imprimés et des manuscrits. La cathédrale de l'évêque Arnoul, commencée à la fin du XIIe siècle,sera terminée à la fin du XIIIe siècle. Sa véritable structure gothiquen'apparaîtra que dans le choeur et son caractère normand s'affirme dansla décoration sculptée. Dans la partie tournante du choeur, leschapelles sont de plain-pied sur le déambulatoire, C'est dans celle dumidi que Thérèse et sa famille écoutaient la messe. De là, ilspouvaient voir la chapelle axiale reconstruite au XVe siècle parl'évêque Pierre Cauchon (1432-1442), nommé à Lisieux par l'occupantanglais. Quelques années après, Lisieux redevenait française, en 1449,grâce à son successeur, Thomas Bazin (1447-1474) qui négocial'ouverture des portes de la ville aux Français. La guerre de Cent Ansprenait fin. Le musée du Vieux-Lisieux d'avant la guerre possédait unecharte de Thomas Bazin datée de 1448, et le manuscrit d'une conventionentre Charles VII et la ville de Lisieux datée de 1449. Le roi de France nommait à Lisieux, en accord avec le pape, lespersonnages qu'il souhaitait favoriser. Charles V choisit un savant,Nicolas Oresme (1378-1382) pour le siège épiscopal lexovien, commeFrançois Ier, Jean le Veneur (15051539), son grand aumônier, et commeLouis XIII, Guillaume du Vair (1617-1622) et Philippe Cospéan(1634-1646), deux lettrés et orateurs réputés. Thomas Bazin fut l'undes rares évêques de Lisieux à avoir été désavoué par son roi, LouisXI, qui l'envoya en exil. Il mourut à Utrecht en 1491 après avoir écritune justification prodomo (Apologie)et une Histoire durègne deCharles VII et une Histoiredu règne de Louis XI. Au XVIIe siècle, les figures épiscopales marquantes furent celles desMatignon qui finirent le palais épiscopal, terminèrent les jardinscontigus au palais, et donnèrent leur coup de patte, parfoisdestructeur, dans le décor intérieur de la cathédrale. C'est ceLisieux-là que Thérèse Martin connut, même si les jardins de l'évêchéfurent réduits à une partie congrue après la Révolution. Elle s'ypromena avec sa famille, d'autant plus qu'ils n'étaient pas très loinde sa demeure familiale des Buissonnets et de la pharmacie de son oncleGuérin. Le dernier évêque fut Jules Ferron de la Ferronays. Les textes paruslors de la Restauration vantèrent sa générosité et sondésintéressement. Ils soulignèrent l'érection d'une fontaine voulue parl'évêque en remplacement du banquet que les chanoines devaient luioffrir pour son arrivée. Celle-ci existe toujours, comme d'ailleurs lestableaux que commandèrent, en 1776-1777, les chanoines de la cathédralepeu avant l'arrivée de Ferron de la Ferronays. Thérèse Martin leurjeta-t-elle un oeil ? L'Histoired'une âme ne permet pas de décelerqu'elle leur ait porté un intérêt quelconque. Ferron de la Ferronays mourut en exil, au moment de la Révolution, en1799. Le siège de l'évêché passa ensuite à Bayeux. Que restait-il alors de l'ancienne splendeur épiscopale ? Un palais àdemi-ruiné, transformé en prison et en siège de tribunal. La cathédraleétait devenue une église paroissiale. Les maisons à pans de boisétaient toujours l'image de la cité et devinrent, au fil des décennies,l'une de ses fiertés, même si les conditions d'hygiène en retardèrentlongtemps l'exploitation touristique. La résidence d'été des évêques,connue sous le nom de château des Loges et située au sud de Lisieux,avait disparu depuis longtemps sous les coups de pioche desdémolisseurs. Lisieux, telle qu'aurait pu lavoir Thérèse Martin Au XIXe siècle, Lisieux évolua. Une classe d'industriels émergea petità petit. Nul ne sait avec précision d'où elle venait, même si pourcertains d'entre eux il est évident qu'elle trouvait ses sources dansles artisans-paysans de l'Ancien Régime qui travaillaient déjà dans letissu, le froc, la flanelle. Parmi eux, quelques personnalités surentattraper au bond les possibilités offertes par la Révolution, l'Empire,la Restauration et la Monarchie de Juillet pour créer des dynastiesd'industriels. Le pan de bois régressa au profit de la brique. Celle-ci constitua lematériau de base des usines, des maisons des ouvriers, et des maisonsde maître sur la route de Pont-l'Evêque, qui conduisait en fait àTrouville puis à Deauville, les stations balnéaires à la mode depuis lemilieu du XIXe siècle. Les vannages, en fonte, se répandirent sur l'ensemble des rivières dela cité, l'eau ainsi captée et soudainement relâchée mettait en marcheles roues et les machines des usines textiles : métiers à filer,métiers à tisser, manchons pour carderie, encolleuses, ourdissoirs,machines à bobiner mécaniques, dévidoirs, tramiers, machines àdéchirer. A côté, les ateliers de mécaniciens contenaient des forges,des enclumes, les scieries voisines possédaient, outre des sciescirculaires, des métiers de centaines de broches, sans compter lescartes, les presses à décatir, les machines à brosser, les presseshydrauliques, les machines à déchirer, des moulins à indigo, etc. Dansla teinturerie, des cuves en cuivre voisinaient avec des clapoteuses etdes bacs pour épouillage et dans la cour trônait une presse à emballer(vente de la draperie Joly-Poret-Fontellaye dans le journal LeLexovien du 10 août 1878). Les tissus étaient en chaîne coton, en chaîne laine, en double tramesans tontisse avec chaîne coton. Les pièces avaient pour nom « pilotes» (marengo, gris), « castors » (pour chaussures), etc. L'eau desrivières, si nécessaire au fonctionnement des manufactures lexoviennes,sortait parfois de ses berges et les inondations contraignaient lesouvriers à quitter leurs maisons inondées ou à se réfugier au premierétage. Ils attendaient que l'eau baisse, et manquaient parfoiscruellement de vivres pendant cette attente. Des actes héroïques eurentlieu, notamment durant les incendies qui ravageaient périodiquement lesusines et les maisons à pans de bois, proies faciles pour le feu. Lanature combustible des matières emmagasinées, écorces de chêne, tan,tissus, la légèreté des constructions offraient en effet un alimentidéal pour les incendies qui menaçaient de s'étendre aux maisonsvoisines, la plupart du temps en bois. La pauvreté se traduisait par de nombreux larcins, qui passaient autribunal correctionnel de Lisieux. On y jugeait des vols de montres enargent, d'oeufs, de bouteilles d'eau de vie et de vin. On condamnaitles chasseurs sans permis. On punissait la mendicité, et des délitsd'adultère étaient retenus contre les fautifs. Que vit de tout cela Thérèse Martin ? Il ne semble pas que l'Histoired'une âme mentionne les usines et leurs ouvriers.Perçut-elle que desenfants y travaillaient, que des gens mouraient pour cause d'ivresse etque d'autres mendiaient ? Sa tante Guérin, née Fournet, appartenait aumonde des manufacturiers. Ceux-ci se retrouvèrent au conseil municipalde Lisieux dans les années 1870, après s'être disputés, dans lesdécennies 1840-1850, à propos des captages d'eau dus aux vannages queles uns installaient sur les rivières communes au détriment des autressitués plus en aval. A la fin du XIXe siècle, la République triomphante établit surl'ensemble du territoire français de multiples constructions, signestangibles de sa légitimité. A Lisieux, la sous-préfecture, installéedans l'île Saint-Dominique depuis 1847, s'embellit de bâtimentsannexes. Les deux brigades des gendarmes à pied et à cheval trouvent,en 1894, une nouvelle caserne, l'ancienne ayant été déclarée insalubredepuis 1892. Mais c'est sur la place principale de la ville, au pied dela cathédrale, que la République montre sa puissance par les défilésdes troupes cantonnées à Lisieux, le 119e de ligne, régimentd'infanterie dont le son des clairons enchanta Thérèse Martin et MarcelProust. Des remises de décoration y avaient lieu comme au jardin public. Le programme de la Fête nationale se déroulait de façon immuable. Laveille, les carillons l'annonçaient et la Musique municipale jouait surla place quelques morceaux qui se terminaient par La Marseillaise.Des pétards amusaient ceux qui les lançaient mais en incommodaientd'autres. Le jour même, dès 5 heures du matin, les cloches réitéraientl'annonce de la veille et la population décorait ses maisons. Les pluspauvres des Lexoviens se présentaient, à 8 heures, au Bureau debienfaisance pour recevoir du pain. La revue pouvait commencer dès quele sous-préfet, accompagné du maire, du conseil municipal, de tous lescorps de fonctionnaires d'État et de la Ville venus le chercher à lasous-préfecture, faisait son entrée place Thiers, devenue une fournaisesous le soleil de plomb qui y régnait le plus souvent. Chacun prenaitplace sous la tente édifiée en son centre. L'effervescence due àl'arrivée de ces personnalités se calmait avant de recommencer à la vuedu chef de bataillon, commandant d'armes, qui, sur son cheval, allaitpasser la revue. Puis c'était le défilé des troupes et chacun acclamaitles alignements parfaits, les distances bien observées et les bellestenues. Tous étaient emportés par la musique jouée par la Musiquemunicipale. Un déjeuner avait lieu un peu plus tard et des toastsétaient portés, en levant les verres en souvenir des soldats de laRévolution, de leur honneur et de leur drapeau tricolore. Dansl'après-midi la Musique municipale et la fanfare des sapeurs-pompiersse faisaient entendre dans différents lieux de la ville tandis que desjeux nautiques se déroulaient sur la Touques. On critiquait la tenuevestimentaire des nageurs, jugée indécente. Sur cette place principale, dénommée Saint-Pierre à l'époque del'arrivée des Martin, puis Thiers après la mort de ce dernier en 1877,puis Mitterrand en 1995, toutes les activités lexoviennes y avaient, ety ont toujours, droit de cité. Les défilés militaires succédaient auxrevues des sapeurs-pompiers, que suivaient les processions de laFête-Dieu et des premiers-communiants. Mais les marchés qui s'y tenaient étaient en fait le lieu derendez-vous de toute la cité et des paysans des alentours quisacrifiaient au rite des discussions et des marchandages que l'on ditcaractéristiques des Normands. Des concours de diverses sortes yavaient lieu. Celui des boucheries permettait de présenter les plusbeaux animaux des espèces bovine, ovine et porcine. Des médaillesétaient décernées pour les meilleurs boeufs nivernais ou manceaux, pourles plus belles vaches cotentines, choletaises ou croisées durham, etpour les porcs les mieux engraissés. Les moutons Southdown étaientremarqués à juste titre pour leur belle laine. A la foire Saint-Ursin(au mois de juin), la place était envahie de baraques en bois, à côtédesquelles les marchands de porcelaine déballaient leur marchandise.Mais dès 1896, les journaux lexoviens regrettaient le manque deforains, et la chute des spectacles qui se résumaient « en uneménagerie, une fosse au lion, un musée, un carrousel, quelques tirs etloteries ». Sur cette place principale se déroulaient les processions. Lisieuxavait à l'époque trois paroisses : église-cathédrale Saint-Pierre,église Saint-Jacques et église Saint-Désir. Chacune d'entre ellesorganisait une procession à la Fête-Dieu, sauf la paroisse Saint-Pierrequi en avait deux, une le matin et une le soir. Chaque procession avaitson circuit, le plus grandiose étant celui de l'église-cathédrale, quiempruntait, le matin et le soir, les rues et les places les plusprestigieuses de la ville. D'autres processions avaient lieu au moment des premières communions etle journal LeNormand se félicite, dans son édition du 2 juin 1896,de « cette touchante cérémonie (qui) a été célébrée avec toute lasolennité possible... Un temps magnifique a permis de donner auxprocessions tout l'éclat désirable. Grâce à cette belle fête,l'assistance aux offices a été plus nombreuse et l'animation en villeplus vive que de coutume... ». Sur cette même place, d'excellentes compagnies de cirque seproduisaient. Une ménagerie lorraine se présenta en 1876. Elle secomposait d'une jolie collection d'animaux vivants, de lions, depanthère de Java, de hyène blanche de Barbarie (?) et de quatre cerfslapons, le clou de la soirée. En janvier 1897, la ménagerie Pezonavait, comme numéros sensationnels, l'entrée dans la cage aux lionsd'une cantatrice qui se produisait dans un café lexovien, et, toujoursdans le même lieu, une séance d'hypnotisme. Mais, c'est en 1902 que lacuriosité des Lexoviens fut comblée par l'arrivée du cirque Barnum dontla publicité annonçait: « Chaque artiste est un champion lauréat,chaque numéro est une stupéfaction. » Soixante-six wagons arrivèrentd'Alençon à la gare de Lisieux. La rapidité et la précision dudéchargement surprirent plus d'un Lexovien. On admira les attelages dechevaux de trait, les éléphants, les lions, les dromadaires et lesgirafes. On s'étonna ou l'on s'effraya des phénomènes, de l'avaleuse desabres, de l'homme-chien, de l'homme qui écrit avec ses pieds parcequ'il n'a plus de bras, de la femme magnétique et de l'homme-pelote. Lesuccès du cirque Barnum faisait suite à tous ceux qui défilèrent sur laplace Thiers que Thérèse Martin put voir des fenêtres de la pharmaciede son oncle qui donnait sur cette place. Le début de l'année 1895 fut marqué par deux faits : un froid sibérienet l'inauguration du théâtre. En février, on note -17° C la nuit et -7°Cà midi. La neige est tombée en abondance. Le maire de l'époque, HenryChéron, prend des mesures. On craint pour les populations les plusdéfavorisées. Le journal LeLexovien souligne la précarité de « lapopulation ouvrière qui vit au jour le jour » et pour qui cettesituation signifie une « privation totale des moyens d'existence ». Ildemande que l'on secoure « tous les malheureux qui grelottaient déjàsous leur abri, sans feu, et qui vont, en outre, souffrir des torturesde la faim ». Des chauffoirs publics sont installés provisoirement etmarchent nuit et jour. Sur la place Thiers, des braseros disposés iciet là permettent aux nombreux ouvriers occupés au déblaiement des ruesde venir de temps en temps se réchauffer. Les riverains des cours d'eautraversant la ville doivent casser les glaces qui se forment le long deleurs propriétés. Mais certains d'entre eux crurent ne pas devoir lefaire, ce qui entraîna des inondations en amont des vannages. C'est par cette température vraiment sibérienne que le théâtre deLisieux fut inauguré. La fête ne fut pas aussi belle que les édilesmunicipaux l'auraient voulu. Il faisait trop froid dans la salle àl'italienne, que l'architecte Lucas avait conçue. Mais peut-êtreétait-ce dû aussi à la trop grande modestie du décor intérieur etextérieur. L'architecture n'en devenait que plus rationnelle, exprimantclairement tous les membres déterminants de l'édifice : le foyer, lasalle de spectacle et l'espace scénique. Henry Chéron qui l'inaugurales 16 et 17 février 1897 fut-il sensible à la courbe du grand balconet aux montées verticales des légères colonnes de métal ? Il étaitarrivé dans un coupé de maître attelé d'un magnifique cheval blanc ets'était rendu immédiatement dans sa loge qu'il avait fait créer lasemaine précédente en ordonnant la mise en place d'une cloison de bois. Il fut salué par LaMarseillaise et l'hymne russe. On joua Lescloches de Corneville qui, elles, remportèrent un francsuccès auxdires du Lexoviendu 20 février 1895 que la pompe voulue par le mairede Lisieux avait indisposé. 1897. Année étrange. Naissance de Philippe Soupault, l'un des troismousquetaires du surréalisme. Incendie du Bazar de la Charité à Paris,des Lexoviennes y étaient. Année pendant laquelle Lisieux se modernise: l'électricité est installée dans quelques-uns de ses quartiers. Letéléphone permet de relier Lisieux à Paris, à Caen, à Bayeux et àd'autres villes de Normandie. C'est l'année de la pose de la premièrepierre du collège Marcel Gambier. Cette modernisation et cettetransformation ne sont rien à côté de celles qu'apportera, dansl'urbanisme de la ville, la mort d'une soeur du carmel de Lisieux,mentionnée, presque anonymement, dans Le Lexovien du 6octobre 1897 :décès, le 30 septembre, de Marie-Françoise-Thérèse Martin, vingt-quatreans neuf mois, religieuse au carmel, rue de Livarot. « Lisieux, ville de textiles, ville de marchés, et aussi ville degarnison. » C'est la définition lapidaire que J.-E Six donne de cettecité dans LaVéritable enfance de Thérèse de Lisieux. Névrose etsainteté. Thérèse Martin y vécut peut-être sans trops'apercevoir dece qui s'y passait réellement. Pourtant, en allant chez son oncleGuérin dont la pharmacie était située sur la place principale, elleavait sous les yeux le spectacle des grandes cérémonies quirassemblaient la plus grande partie de ses concitoyens. Y fut-ellesensible ? D'autres le furent pour elle. Les collections de photographiesdu Musée d'art et d'histoire deLisieux. Le musée du Vieux-Lisieux disparut après le bombardement du 6 juin1944. Seul le Musée des beaux-arts, situé au premier étage de l'ancienpalais épiscopal, survécut. Il offrait, depuis sa création en 1833, unensemble de peintures et de sculptures classiques ou romantiques (Lionde Barye). Il avait été fondé par Guizot, député de Lisieux sous laMonarchie de Juillet et par un artiste lexovien, Duval Le Camus, dansle souci d'éduquer la population locale. Dans le même mouvement, labibliothèque fut installée à côté. Ce sont ses collections qui assurentle fonds du Musée d'art et d'histoire actuel de Lisieux et quipermettent de connaître l'image de ce musée à ciel ouvert qu'étaitLisieux avant-guerre et au temps de Thérèse Martin. Mais ce fonds documentaire local n'était constitué que de peintures, degravures et de dessins divers. L'accélération récente de laconnaissance de la photographie ancienne, qu'a mise en évidence le 150eanniversaire de la découverte de la photographie qui eut lieu le 19août 1839, nécessitait qu'il fût augmenté d'épreuves photographiques decette époque, ou de tirages contemporains de plaques négatives. Depuisdonc une dizaine d'années, le musée recueille des photographies. Le butn'est pas de reconstituer une histoire de l'art photographique, même sicertains auteurs lexoviens (Adolphe Humbert de Molard) sont à l'originede la photographie normande, mais de collecter les témoignages ancienset locaux d'un art devenu essentiel aujourd'hui, lié à la vie et aupaysage qui l'entoure. Au hasard des découvertes heureuses - mais ne le sont-elles pas toutes?-, je citerai ce jour qui me permit de découvrir un peu plus de troiscents plaques de verre et vues stéréoscopiques et qui avaient toutespour sujet Lisieux fin de siècle, et cet autre jour où une dizaine detirages de ce même Lisieux me furent proposés. Les trois cents plaques de verreet clichés de Lisieux En soi les plaques photographiques sur Lisieux ne sont pas des objetsrares. Elles représentent généralement les maisons à pans de bois etplus particulièrement celles des rues les plus typiques, la rue auxFèvres ou la rue d'Ouville. L'élément humain est peu fréquent, et lesauteurs privilégient l'habitat. L'originalité de ces plaquesphotographiques récemment achetées tient à ce que leurs sujets deprédilection sont les activités qui se déploient sur la placeprincipale de Lisieux, la place Thiers de l'époque : les défilésmilitaires, les processions, les marchés, les fiacres ou les promeneurssolitaires sur une place écrasée de chaleur. Quand l'auteur se déplace,il va à la rencontre de quelques enfants, de quelques mendiants, dequelques usines et, bien sûr, de quelques monuments majeurs de laville, la cathédrale ou le jardin de l'Etoile. Il pouvait se rendreégalement dans la campagne environnante, dans des lieux hérités de safamille (Marolles, près de Lisieux), sur les lieux de son enfance (LeFresne-Camilly, près de Caen) ou sur des sites remarquables proches deLisieux, le château de Saint-Germain de Livet, propriété de la Ville deLisieux, l'un des symboles les plus remarquables du pays d'Auge dontLisieux est la capitale. La villégiature à Trouville était aussi unsujet de prédilection. L'auteur est pharmacien sur la place Thiers (place Mitterrandactuelle), à l'angle avec l'ancienne Grande Rue (rue Henry-Chéronactuelle), en face de la cathédrale, mais aussi en face de l'autrepharmacie de la place, celle d'Isidore Guérin, oncle de Thérèse Martin.Cette situation, exceptionnelle, lui permettra de photographier, dupremier et du deuxième étage, tout ce qui se passe sur la place, desévénements les plus humbles aux plus solennels, les inondations, leschutes de neige et, bien sûr, la façade de l'ancien palais épiscopal,qui avait conservé son alignement du XVIIIe siècle car les Postesn'avaient pas encore construit leur local (inauguré en 1912), et lafaçade ouest de la cathédrale, éclairée le soir par le soleil couchant.Dans l'embrasure des fenêtres de la maison Guérin on aperçoit de tempsen temps des têtes d'enfants. Est-ce que ce sont celles de la filleGuérin, des soeurs Martin ou des enfants de son successeur Lahaye ? Cette pharmacie, à l'emplacement si choisi, appartenait jusqu'en 1890,à Jean-Célestin Vesque. Cet homme, né en 1835, meurt en 1911. Ils'était installé à Lisieux en 1862 comme pharmacien. Il devint par lasuite conseiller municipal et conseiller général. Sa première épouse,Marie Gannel, meurt en 1872, peu avant l'arrivée des Martin à Lisieuxtandis que sa deuxième épouse Fanny Sement meurt en 1897, année dudécès de Thérèse Martin. De son premier mariage contracté en 1863, ileut deux filles, Mathilde et Marguerite. Cette dernière épousa François Bidet. Celui-ci, né en 1864 auFresne-Camilly près de Caen, est issu d'une famille d'artisans qui luidonna toutes les possibilités pour poursuivre des études. Ce qu'il fit.Il passe de la médecine à la pharmacie et effectue un stage chezJean-Célestin Vesque au début de 1884. Il y retourne en 1887 et tombeamoureux de la deuxième des filles, Marguerite. Il l'épouse en 1890. Letémoin de la mariée est M. Guérin, l'oncle de Thérèse Martin.Jean-Célestin Vesque se retire au profit de son gendre, qui va habiterdésormais le logis de l'apothicaire en face de la cathédrale et en facede la pharmacie Guérin. Chasseur, il devint l'un des meilleurs fusilsdu Calvados. Musicien, il jouait de la flûte tandis que sa femmel'accompagnait au piano ou vice-versa. Bucolique, il appartenait à laSociété d'horticulture de Lisieux et avait pris un grand jardin pourplanter, sarcler et tailler. Pharmacien, il préparait les médicaments,mais, comme dans toutes les officines de cette époque, il pouvaitvendre ou préparer les éléments nécessaires à la photographie. Quelquespharmacies en Basse-Normandie firent de la photographie unespécialisation. A Lisieux, le successeur de l'oncle Guérin, Lahaye,était réputé, comme pharmacien de première classe et comme licencié essciences physiques pour la qualité de ses produits photographiques.François Bidet photographia donc Lisieux et sa région et put donc trèsfacilement assurer les développements et les tirages de ses oeuvres. Illes identifie d'ailleurs, au dos, d'un cachet à l'encre à sesinitiales, FB. Son épouse Marguerite Bidet meurt en 1895 de tuberculose, l'année où ilfit si froid à Lisieux. Il se remarie, mais reste retiré du monde. Ilprend sa retraite et vit désormais à Honfleur où il meurt en 1953. Deson premier mariage, il avait eu une fille, Fanny et du deuxième,également une fille, Geneviève. Il convient de revenir en arrière et devoir quel fut le sort de l'autre fille Vesque, Mathilde. Elle se mariaavec Léopold Desportes. Né en 1860 à Montpellier, il arriva à Lisieuxen 1887 où il fut nommé avoué près le tribunal civil de cette ville. Ily meurt en 1929. S'il s'était fait connaître par ses compétencesjuridiques, il sut également développer d'autres facettes de sapersonnalité. Il peignit. Il joua du violoncelle, et il reconstitua laMusique municipale de Lisieux, que l'on a vu jouer plus haut dans lescérémonies patriotiques. Il aimait écrire et sut transmettre ainsi sapassion pour le passé de Lisieux et pour les fleurs dont il décrivaitavec subtilité l'épanouissement. Il photographia lui aussi et c'est àce titre qu'il fit partie du jury qui eut à juger « le concours ouvertà tous, professionnels exceptés, c'est-à-dire que nous serons heureuxde voir les dames y prendre part et s'y couvrir de lauriers », organisélors de la pose de la première pierre de l'hôpital, en 1902, enprésence du maire de Lisieux, Henry Chéron et du ministre del'agriculture, Mougeot. Les deux gendres Vesque étaient donc des photographes amateurs, et iln'est pas invraisemblable que Jean-Célestin Vesque, le patriarche de lafamille, ait lui aussi pratiqué la photographie. Ce qui donne troisauteurs possibles pour l'ensemble des photographies recueillies.D'après la descendante du premier mariage de François Bidet, ilarrivait, quand la technique photographique fut suffisamment élaborée,que, pour les groupes familiaux nécessitant la présence de toute lafamille, le patriarche, ses filles et ses gendres, on appelle à l'aidel'employée de maison qui appuyait sur le déclencheur. L'ensemble desphotographies recueillies vient de Geneviève, la deuxième fille deFrançois Bidet, née de son deuxième mariage. La grande majorité estconstituée par des plaques de verre. Une minorité est formée par desvues stéréoscopiques. Les plaques viennent de maisons connues : lespetites boîtes bleues des frères Lumière, des boîtes Ilford, grandesociété anglaise, des plaques du Dr Monckhoven et des plaques « LaMerveilleuse » à l'émulsion du M. Norref et vendues par Billault.Certaines d'entre elles sont datées de 1893 et 1894. Les dimensions sont communes (9 x 13 cm) pour la plupart, maisquelques-unes sont plus petites, ce qui permet la prise de vue depersonnes en mouvement. En effet, l'ensemble de la collection se diviseen deux : mise en scène statique de personnages et reportage sur le vifdes marchés, des revues et des processions. Une trentaine de photographies a été tirée sur papier albuminé, à lacouleur marron-brun et d'autres plus foncées sur du papier augélatino-bromure. D'autres encore ont été tirées au nitrate. Elles sont parfois identifiées et datées. Toutes ne s'inscrivent pasdans le laps de temps où Thérèse a vécu à Lisieux, de 1877 à 1897, maison sait bien que ce qui se faisait dans les années 1880 pouvait seretrouver dans les années fin de siècle et même après 1900 sans avoirsubi trop de changements. Aussi ces photographies, qu'elles soient deFrançois Bidet ou de Léopold Desportes sont un témoignage essentielpour connaître l'atmosphère de Lisieux à la fin du XIXe siècle, leLisieux de Thérèse Martin, ce «petit monde lexovien qui connaît d'uncôté des combats politiques mesquins où son oncle tient une placeprimordiale en écrivant dans Le Normand desrubriques fougueusementhostiles au maire, Henry Chéron et de l'autre des fêtes - processionset poésie - médiocres et mièvres. C'est là, dans ce climat étriquéd'une petite ville provinciale, qu'elle grandit, même si elle y est peumêlée, ce lieu sans grandeur n'a pas pu ne pas l'atteindre »[J.F. Six, op. cit. p. 172]. Les familles Vesque, Bidet et Desportes appartenaient à la bonnesociété lexovienne. Ces photographes amateurs, comme ceux de lapremière génération des photographes de Basse-Normandie, oeuvraientsans souci matériel majeur. La photographie, autrefois activitéélitaire, avait explosé dans les années 1880. La technique s'était eneffet améliorée. L'invention d'utiliser comme liant et comme colle, surles plaques de verre, une solution de coton poudre dissous dans unmélange d'alcool et d'éther, le tout étant sensibilisé à l'iodured'argent, facilita le travail des photographes, surtout pour la saisiedu mouvement, même si le travail préparatoire était encore contraignantcomme celui du développement. Il fallait toujours fabriquer sessurfaces sensibles avant de faire la photo. On avait dix minutes pourfaire la mise au point, prendre la photo et développer, car ce procédé,une fois sec, avait perdu toute sensibilité. Le format courant était le13x18 et il fallait traîner quinze à dix-huit kilogrammes de matériel.Certaines photographies Bidet-Desportes ont pour sujet l'opérateur etses aides qui portent effectivement les appareils (un à prise de vuehorizontale et un à prise de vue verticale), le châssis, les magasinsqui contenaient les plaques et le voile noir nécessaire pour la mise aupoint car la lumière du jour empêchait de voir l'image à prendre. Certaines photographies ont une composition très rigoureuse. Autourd'un escalier, dans des cours de ferme, les acteurs prennent des posesun peu raides et sont parfois photographiés de dos, ce qui est peucourant. Ces scènes rustiques (fermes, paysans travaillant, artisansdans leurs ateliers) étaient déjà photographiées dès 1840 par Humbertde Molard et constituent le fonds des albums des photographes amateursdes années 1870 à 1900. La plus grande sûreté artistique est attestée dans les prises de vue,sous la neige, de l'un des jardins de Lisieux, le jardin de l'Etoile oud'un homme seul s'éloignant dans un chemin enneigé, symbole du tempsqui fuit ou de la lutte de l'homme avec les éléments déchaînés. Iln'est pas sûr, en voyant cette photo, que l'homme en sorte vainqueur. Les photographies d'AlfredNormand (1822-1909) Il s'agit de tirages signés et datés dans le négatif A. Normand 1888.Ils ont été achetés récemment pour le Musée de Lisieux afin decompléter sa collection de clichés sur cette ville. L'auteur en est Alfred Normand, né à Paris en 1822 dans une familled'architectes. Il est à Rome entre 1847 et 1852 comme pensionnaire del'Académie de France lorsqu'il y rencontre, en 1851, Gustave Flaubertet les photographes Flachéron et Maxime du Camp qui lui donnent desconseils pour réaliser ses calotypes sur Rome, Pompéi , Palerme,Athènes et Istanbul. Il réalise plus de deux cents calotypes entre 1851et 1871, dont cent trente entre 1851 et 1852. Il arrête dephotographier en 1855. En tant qu'architecte, il réalise la villa pompéienne du prince Jérômeen 1854, un hôtel particulier pour l'homme politique Joseph Reinach en1885. Il se spécialise dans l'architecture des prisons et c'est autourde ses tournées d'inspection qu'il photographie la France pittoresqueet monumentale. Il s'intéresse à l'architecture domestique et c'est àce titre qu'il photographie, de nouveau à partir de 1885, les rues, lesmaisons et les détails de leurs façades. Les vues de Lisieux présentéesici rentrent tout à fait dans cette catégorie. En 1890, il voyage à Moscou où il photographie les monuments qu'ildessine par ailleurs. Il meurt en 1909. La technique utilisée par lui est la suivante : calotypes entre 1846 et1852, plaques de verre au gélatino-bromure et pellicule souple deformat 18x24 entre 1886 et 1895. Jean BERGERET Conservateur desMusées de Lisieux Bibliographie : Le journal LeLexovien, 1876 à 1897, 1902, 1929. Le journal LeNormand, 1896-1897. « Les enseignesde Lisieux », manuscrit de Moidrey, Bibliothèquemunicipale de Lisieux. Jean-François Six, Lavéritable enfance de Thérèse de Lisieux, névroseet sainteté, Éditions du Seuil, Paris, 1972. Catalogue de l'exposition Lamémoire oubliée, du daguerréotype aucollodion, Musées de Strasbourg, 1981. Catalogue de l'exposition AlcideL. à la plage, un photographe amateurà Trouville en 1900, Musée de Trouville, 30 mai-12 août1984. Jean Bergeret, « Lesmusées de Lisieux », dans Art deBasse-Normandie, n°89-90-91, 1984-1985, p.95-97. François Neveux, « Lisieuxau Moyen-Age », dans Art deBasse-Normandie, n°,89-90-91, 1984-1985, p.32-47. Plaquette de l'inauguration du théâtre de Lisieux après rénovation.Lisieux, 1988, 20 p. Catalogue de l'exposition E.Bacot, A. de Brébisson, A. Humbert deMolard, trois photographes en Basse-Normandie au XIXe siècle,Caen,Falaise, Lisieux, éditions ARDI, 1989. Jacques Viquesnel, Promenadesen Normandie avec sainte Thérèse deLisieux. Éditions Charles Corlet, 1993. Catalogue de l'exposition Lisieuxavant l'an Mil. Essai dereconstitution, Musées de la ville de Lisieux, 25 juin29août 1994. Eliane Pellerin et Jean Bergeret, Cathédrale Saint-Pierre deLisieux,Éd. Ville de Lisieux, 1995, 96 p. Préface de Alain Erlande-Brandenburg. Catalogue de l'exposition Lesévêques-comtes de Lisieux, Musées de laville de Lisieux, 5 juillet-30 septembre 1996. Catalogue de l'exposition itinérante Lumières de Basse-Normandie,autochromes de la collection Albert Kahn, Lisieux. Catalogue de l'exposition Del'apothicaire au pharmacien, Conseilrégional de l'ordre des pharmaciens de Basse-Normandie, Caen. Biographies de J.-C. Vesque et de E Bidet obligeamment fournies parleurs descendants. Renseignements techniques fournis par B. Chéreau de l'ARDI (Associationrégionale pour la diffusion de l'image). |