Saisie du texte : Sylvie Pestel pour la collection électronique de la Bibliothèque Municipale de Lisieux (08.VI.1995)
Texte relu par : A. Guézou
Adresse : Bibliothèque municipale, B.P. 7216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.66.50.- Minitel : 02.31.48.66.55. - Fax : 02.31.48.66.56.
Mél : bmlisieux@mail.cpod.fr, [Olivier Bogros] bib_lisieux@compuserve.com
http://www.bmlisieux.com/
Diffusion libre et gratuite (freeware)
Ses origines
~~~~
Avant la Révolution, Lisieux, ville épiscopale (1),possédait plusieurs établissements d'instruction publique, notamment uncollège tenu par des Eudistes, deux séminaires et une Bibliothèquepublique.
Cette Bibliothèque était dirigée par lechapitre diocésain ; le public y était admis deux fois par semaine etc'était un chanoine qui était bibliothécaire.
En supprimant l'évêché de Lisieux, de même quede toutes les communautés religieuses, la Révolution s'empara de leurmobilier, qu'elle fit vendre, à l'exception toutefois des Bibliothèquesqu'elle conserva comme étant l'outillage le plus propre à la cultureintellectuelle du peuple émancipé.
La Bibliothèque de la cathédrale resta doncdans son état et s'enrichit même de beaucoup de livres provenant desémigrés, des congrégations ecclésiastiques supprimées, etc., dansl'étendue du district.
Seule, la ville de Lisieux possédait, avant laRévolution, sept grandes bibliothèques, savoir : 1° de l'évêque, 2° duchapitre, 3° du grand séminaire, 4° du petit séminaire, 5° desMathurins, 6° des Jacobins ou Dominicains, 7° des Capucins.
A ces bibliothèques il faut ajouter, je crois,celles qui existaient dans le couvent d'Orbec et dans les prieurés deSainte-Barbe-en-Auge et de Friardel ; ce qui, on le conçoit, formaitune masse considérable de livres sur lesquels j'ai recueilli les notessuivantes.
* *
Apportés d'abord au ci-devant évêché, tous ceslivres, considérés comme un embarras, restèrent absolument dédaignéspar l'administration municipale qui, du reste, avait bien autre chose àfaire que de s'en occuper ; mais à la suite du décret du 2 janvier1792, relatif aux Bibliothèques confisquées, le département envoya àLisieux des commissaires qui enlevèrent tous les ouvrages précieuxqu'ils y trouvèrent, tant dans la Bibliothèque du ci-devant chapitreque dans les autres Bibliothèques apportées au district comme biennational.
Les événements politiques de 1792 et de 1793firent-ils oublier la Bibliothèque publique de Lisieux ? On pourrait lecroire. Du reste, elle devait être, après le passage des commissairesde 1792, dans un tel désordre, que tout travail n'y était pluspossible, et ce ne fut qu'à la suite du décret du 18 pluviôse an II (6février 1794) que le recensement de cet amas de volumes fut commencé.Ce recensement est ordonné le 12 floréal an II (1er mai 1794), par lesadministrateurs du directoire du district, lesquels nomment à cet effetles citoyens Brière jeune, ci-devant professeur, Le Vilain, Bénard ditla Couture, Dubois fils, Fromage.
D'abord indiqué dans la ci-devant église desUrsulines, l'emplacement de la Bibliothèque du district est, peu après(18 floréal), dans le local qu'occupait la Société populaire dans leci-devant palais épiscopal, mesure qui soulève les plus vivesprotestations de la part de cette Société (2).
* *
Après des obstacles réitérés et qui duraient encore au 23 fructifor anII (11 septembre 1794), l'installation de la Bibliothèque se fait enfindans le local choisi en dernier lieu, à la fin de 1795 (3)et, le 11 frimaire suivant (2 décembre 1795), les citoyens Fromage, LeVilain et Louis Dubois, commissaires nommés pour le recensement desBibliothèques nationales du district de Lisieux et pour l'établissementde la Bibliothèque publique de cette commune, constatent d'abord denombreuses soustractions opérées dans le dépôt de livres ; ladécouverte de plusieurs auteurs de ces soustractions ; la restitutionde plusieurs volumes de l'Académie. Les volumes recensés sont au nombrede 9,300 et il y en a en tout environ 20,000. Les commissaires ajoutentdans leur rapport : "Aujourd'hui, la Bibliothèque, formée dans leci-devant évêché sur une longueur d'environ cent pieds et une hauteurde dix environ, contient à peu près huit mille volumes ; toutes les tablettes sont garnies au point qu'il y reste à peine de la place pour 400 volumes" (4)
Le 25 frimaire an IV (16 décembre 1795), la municipalité de Lisieuxécrivait au ministre de l'Intérieur que le recensement des volumesétait presqu'achevé ; "mais - ajoutait-elle - la restitution des livresappartenant aux familles des prêtres déportés y a mis une interruption.Au reste, il y a environ 20,000 volumes recensés maintenant. Cependant,en conséquence du même décret qui porte qu'il sera établi une Bibliothèque publiquedans les chefs-lieux du district, on s'est occupé de faire désigner lelocal qui devait recevoir la nôtre ; il y eut pour cela quelquesdifficultés assez longues entre la Société populaire de cette communeet le Directoire du district. Enfin les obstacles ayant cessé, on fitplacer des tablettes dans l'appartement dont le choix avait étéconfirmé par le directoire du département et par le Comitéd'instruction publique. Ce travail ayant été jugé suffisamment avancé,les commissaires ont tiré du dépôt les livres que peut contenir laBibliothèque dans l'état où elle se trouve.
La collection que nous possédons n'a rien dontla rareté puisse tenter ; nous ferons tous nos efforts pour qu'ellesoit seulement satisfaisante, et nous nous persuadons que vous voudrezbien nous seconder. Il reste encore à ajouter quelques tablettes, pourlesquelles nous pensons quue, vu le prix des matériaux et de lamain-d'oeuvre, il ne faut pas moins de dix à douze mille livres enassignats.
On classe maintenant par ordre de matières leslivres que l'on a pu faire entrer dans la Bibliothèque, ce qui est déjàavancé, et l'on va faire le catalogue de la Bibliothèque ainsidistribué.
Nous croyons devoir rappeler que les cartes durecensement avec un catalogue des livres recensés ont déjà été envoyésau Comité d'instruction publique de la Convention nationale.
Notre commune attend aussi un établissement d'instruction publique de second ordre. Le Collègede cette ville, malgré l'état de langueur des institutions conservées,subsiste toujours. La ville a fourni l'emplacement et les bâtiments oùil se tient ; il y avait même des biens-fonds affectés à l'entretien duCollège et des professeurs, mais ces biens ont été vendus ayant étédéclarés nationaux. C'est ce qui nous fait espérer que le Gouvernementfera les frais de l'Ecole centrale supplémentaire que nous sollicitonset qu'on ne peut nous refuser car il serait contre la justice qu'ayantassuré des fonds pour un établissement d'instruction publique, on nenous l'accorde point, et que la République après s'être mise enpossession de ces mêmes fonds ne s'acquitte point des charges utilesauxquels ils ont été destinés.
Beaucoup de considérations se réunissent enfaveur de notre commune, citoyen ministre, pour établir cesétablissements : 1° elle est éloignée des villes qui en possèdent desemblables, puisque nous sommes à 20 lieues de Rouen, à 10 de Caen et à18 d'Evreux ; 2° elle est, dans le département, la plus populeuse aprèsle chef-lieu ; 3° les petites villes qui nous entourent pourrontprofiter de ces institutions : Pont-l'Evêque, Orbec, Bernay,Pont-Audemer, Honfleur profitèrent aussi de celles que nous avionsautrefois.
Nous comptons aussi que vous ferez les frais du traitement du Bibliothécaire qui sera nommé.
Des motifs puissants nous engagent à vous prierde vous joindre à nous, citoyen ministre, pour hâter le moment où lesparents satisfaits pourront voir leurs enfants aller apprendre lessciences utiles à l'école centrale supplémentaire, et celui où lesamateurs, le public et les jeunes gens viendront passer la plus grandepartie de leurs loisirs, à la Bibliothèque publique. Les jeunes gens,c'est surtout cette portion précieuse de la Société dont nous désironsvoir les moments occupés utilement, et nous sommes persuadés quel'école centrale et la Bibliothèque doivent empêcher de naître en euxl'habitude de l'oisiveté, le goût du jeu et tous les vices.
Nous connaissons votre zèle, citoyen ministre,surtout pour l'instruction publique, et nous ne doutons pas que vous nenous répondiez par un avis favorable tel que le réclame la justice denotre demande". (5)
Voyons maintenant quels furent les résultats de cette double requête.
Dans une lettre adressée par la Municipalité lexovienne, le 8 pluviôsean IV (28 janvier 1796) au citoyen Jouenne, député au Corps législatif,il est dit : "Citoyen. - Nous avons reçu la pétition relative à laBibliothèque et à l'instruction publique (6).Nous profiterons des justes observations contenues dans votre lettre,et nous changerons les dispositions de notre pétition que vous recevrezdès qu'elle sera revêtue de toutes les formes convenables...".
Le 11 floréal suivant (30 avril 1796), lesadministrateurs du directoire du district annonçaient aussi àl'Administration départementale "l'impatience des citoyens de Lisieuxqui devaient puiser dans la Bibliothèque des connaissances précieuses".(7)
De nouvelles difficultés viennent bientôt entraver l'organisation de laBibliothèque publique ; en effet, la création de l'Ecole centrale deCaen faillit dépouiller à nouveau le dépôt de Lisieux, mais le juryd'instruction publique de cet arrondissement proteste énergiquement etdans une lettre adressée à la municipalité, le 30 frimaire an V (20décembre 1796), ce jury rappelle l'enlèvement de 1792, puis il ajoute :"Ce dépôt, dont le département a pris les meilleurs ouvrages, a étéaugmenté de beaucoup de volumes... Mais il ne renferme aujourd'hui quedes ouvrages peu recherchés sur l'histoire ancienne et moderne, lagéographie et les voyages, des dictionnaires qui se trouvent danstoutes les Bibliothèques, etc. On n'y trouve point d'éditions rares, nid'ouvrages nouveaux, rien sur la philosophie et la législation.
Ce dépôt n'est guère riche qu'en conférence detoutes les couleurs, en ouvrages ascétiques et beaucoup de traités demorale mystique et de dévotion peu estimés. Enfin il n'y a point dedoute que la Bibliothèque du département ne soit surchargée par duplicatades ouvrages médiocres déposés dans celle de Lisieux, qui cependant estd'une grande utilité dans une commune privée de tout dépôtlittéraire...".
Le jury d'instruction publique ajoute que lestableaux sont de peu de valeur et ne méritent pas être déplacés, qu'iln'y a pas d'instrument de physique, ni de collections sur l'histoirenaturelle.
Malgré cette protestation, l'administrationcentrale du département insista, le 8 pluviôse an V (27 janvier 1797),pour avoir sinon les volumes de suite, du moins les catalogues etcartes afin qu'elle puisse faire la demande de ceux qui luimanqueraient pour compléter la Bibliothèque départementale.
* *
La municipalité de Lisieux ne semble pas s'êtrepressée d'obtempérer à cette réquisition ; car, deux ans plus tard,ayant été réitérée, la réponse suivante fut faite le 8 prairial an VII(27 mai 1799) au citoyen Hébert, bibliothécaire, près l'administrationcentrale du département du Calvados : "L'administration ayant désirévérifier la situation de la Bibliothèque pour vous en rendre un compteexact, n'a pu le faire plus tôt à cause des travaux continuels etpressants que lui ont nécessité les lois sur la conscription et cellessur les impositions.
Nous vous transmettons, suivant vos désirsnotre réponse aux questions que vous nous faites concernant les dépôtslittéraires dans notre commune. Vous y verrez que la collection quenous possédons n'a rien dont la rareté peut tenter (8) et que vous avez les mêmes ouvrages en nombre suffisants dans les dépôts littéraires de la commune de Caen.
Les fonctions honorables que vous avez à remplir ne s'accordant qu'auxamis des arts et des sciences, nous font espérer que vous n'enlèverezpoint de notre collection peu intéressante pour l'Ecole centrale, maisindispensable à notre commune où le goût des arts et des sciencescommunes commence à s'y introduire.
Il est une considération qui vous déterminerasans doute : c'est le projet que nous avons formé d'obtenir une écolespéciale qui ne peut être mieux située qu'à Lisieux, puisque noussommes à 20 lieues de Rouen, 11 de Caen, 18 d'Evreux, elle est dans ledépartement la plus populeuse après le chef-lieu ; les petites communesqui nous entourent pourront profiter de ces institutions.Pont-l'Evêque, Orbec, Bernay, Pont-Audemer, Honfleur, profitaient ainside celle que nous avions autrefois.
Nous vous invitons à faire part de cesconsidérations au ministre de l'intérieur qui sera bientôt convaincu dela nécessité de protéger cet établissement soutenu aux frais del'administration et dont un grand nombre d'ouvrages sont sa propriété,ainsi que vous l'avez vu par sa réponse à l'article cinquième.
Veuillez bien nous accuser réception de cet envoy".
* *
J'ignore ce qu'il advint de cette requête et si laBibliothèque fut respectée par le département. Elle ne le fut pascependant par les pillards pendant les deux années qu'elle eut pourconservateur un Lexovien dont il a déjà été parlé, Louis Dubois. Eneffet, dans une pièce non datée, mais antérieure au mois de janvier1799, il est dit que Louis Dubois, ex-bibliothécaire, fait remise desclefs et catalogues des bibliothèques nationales que le ci-devantdistrict avait confiés à sa garde, et il en est déchargé. On observeque, depuis deux ans et plus, sa gestion a été purement bénévole, etque deux procès-verbaux du juge de paix de la première divisionétablissent que l'on s'était introduit deux fois avec effraction dansla Bibliothèque du ci-devant évêché...(9).
* *
Confiée au citoyen Le Bis (René-François-Joachim), avant le 2 pluviôsean VII (21 janvier 1797), la Bibliothèque publique de Lisieux eutencore à subir des déprédations considérables, et le 15 prairial de lamême année (3 juin 1799), le citoyen Hébert, bibliothécaire de l'Ecolecentrale du département, revenait à la charge pour se faire délivrerdes ouvrages.
On ne peut vraiment que regretter qu'il n'aitpas été donné suite à ces demandes réitérées, car on eût évité ainsi laperte d'un grand nombre d'ouvrages évidemment rares et précieux, bienqu'en aient dit les lettrés lexoviens.
* *
Trois années s'écoulent pendant lesquelles laBibliothèque semble avoir été totalement abandonnée au pillage le pluséhonté. En l'an X, en effet, trois cents volumes furent vendus au sieurManoury l'aîné, pour la somme de 300 fr., soit vingt sous le volume.
En l'an XI, cependant, le sieur Le Bis étaittoujours qualifié de conservateur des livres déposés au ci-devanntséminaire ; mais ce titre était purement illusoire et ne servait qu'àlui procurer le logement gratuit ; il est vrai que ce logement luitenait lieu de traitement.
Le Bis fut un singulier conservateur, si l'onen juge par la lettre suivante que Moysant, bibliothécaire de l'EcoleCentrale du département, écrivait au préfet le 16 floréal an XII (6 mai1804), lui réclamant à nouveau des livres pour la Bibliothèque du Lycée:
"Les livres de Lisieux étaient en grand nombreet bien conditionnés. Les libraires de Paris m'ont dit en avoir achetébeaucoup. Un religieux m'assure avoir connaissance qu'un particulier ena transporté dix mille volumes dans un département voisin (10),sans aucune autorisation. Je crois le fait fort exagéré, mais quelqueréduit que le nombre en soit, il suppose une perte considérable. Ce quien reste est déposé dans le petit séminaire, en tas. Cette maison estsituée dans une prairie où l'air est humide et les livres enperdition...".
Le 20 prairial (8 juin 1804), le maire deLisieux envoie au sous-préfet le catalogue général des livres rédigélors de leur dépôt à la Bibliothèque de la Ville, avant 1792. Le 24prairial, en adressant au préfet ce catalogue, le sous-préfet y ajouteces observations intéressantes :
"Il existait deux dépôts de livres à Lisieux: l'un, qui était le plus considérable, formait une belle Bibliothèquedans l'un des appartements du ci-devant évêché, dont la garde a étéconfiée à plusieurs particuliers qui ne résident plus à Lisieux, et endernier lieu au sieur Le Bis, qui a signé le catalogue du 17 fructidoran X (4 septembre 1802) ; - le second, dont on avait enlevé lesmeilleurs ouvrages pour les réunir à la Bibliothèque de l'évêché,existait dans un des appartements du grand séminaire. Les livres qui yétaient ont été pillés. On a fait les recherches des auteurs et unparticulier a été à cet égard, mis en état d'arrestation.
Quant à la Bibliothèque de l'évêché, lorsque letribunal civil s'est installé dans ce local les meilleurs livres sontrestés dans des appartements qui lui étaient destinés et dont il a laclef. Le surplus a été transféré avec des mauvais volumes qui avaientété reportés dans une salle basse, dans les appartements du petitséminaire, en conséquence, de l'arrêté du gouvernement du 8 prairial anXI (28 mai 1803). Ils ont continué d'être gardés par le sieur Le Bis àqui il a été accordé un logement dans le bâtiment pour touteindemnité".
Une année se passe encore et le silence se faitsur les deux dépôts de livres ; mais le 18 ventôse an XIII (9 mars1805), le préfet prend des mesures pour arrêter le pillage et, le 28 dumême mois, le sous-préfet lui écrivait que les livres qui existaient augrand séminaire, rue du Bouteillier, ont été transférés, par son ordre,dans le dépôt confié au sieur Le Bis, bibliothécaire. La partie la plusprécieuse de la Bibliothèque de l'évêché est restée dans l'un desappartements occupés par le tribunal civil, sans inventaire et sansrécépissé, à la garde du greffier. Leur nombre peut être évalué paraperçu de 1.000 à 1.200 volumes précités.
Il y a loin, on le voit, aux 20.000 volumes.
Le mois suivant, 10 floréal an XIII (21 avril1805), Moysant, conservateur de la Bibliothèque publique de Caen,revient à la charge et réclame derechef les livres inutiles desBibliothèques de Lisieux et de Bayeux.
Cette demande reste d'abord sans effet, mais ce ne fut pas pour longtemps.
* *
En effet, le 9 juin 1806, le préfet envoie àLisieux, le sieur Hébert, bibliothécaire-adjoint de Caen, afin de faireun choix de volumes pour la Bibliothèque de cette ville. Hébertconstate que la plupart des ouvrages sont dépareillés ; et, dans unenote, il ajoute : "On pourrait soupçonner détenteur de plusieursouvrages, M. Dubois, ex-bibliothécaire de la Bibliothèque de l'Orne".
Le rapport au préfet, le 25 juin, par le ditsieur Hébert, contient aussi ces curieux détails : "Les livres qui sontdans les dépôts de Lisieux présentent le plus grand désordre. Auséminaire, ils sont en tas et couverts de poussière (1,000 à 1,200volumes) ; la majeure partie de ces livres sont des bouquins de nullevaleur. Le même désordre régnait dans la bibliothèque restée autribunal ; elle est mieux choisie, mais il y a une grande quantitéd'ouvrages incomplets ; ils sont renfermés dans sept armoires. - Letransport des livres du grand séminaire, la chute d'une partie desbâtiments de l'évêché, le changement de la salle d'audience du tribunaloù était placée une bibliothèque nombreuse et bien choisie, ontoccasionné ce désordre, puis le pillage ; cependant les principauxouvrages se sont retrouvés. "J'ai vu avec plaisir, ajoute Hébert,plusieurs manuscrits, une collection en 82 volumes in-folio desmémoires, rapports des agents et procès-verbaux du clergé de France,les 13 premiers volumes sont manuscrits, quelques belles éditions duXVe siècle". Le Bis, sans aucun traitement, s'est contenté de conserveravec fidélité les livres confiés à sa garde. Les membres desdifférentes autorités constituées paraissent désirer la conservationd'une bibliothèque, le maire et le conseil général se seraient occupésde cet objet, mais l'état d'incertitude dans lequel ils étaient sur lapossibilité de conserver leurs livres, les a forcés d'ajourner lademande qu'ils doivent faire au préfet jusqu'après".
Le 13 juillet suivant, les bibliothécaires deCaen, Moysant et Hébert, font au préfet un nouveau rapport sur labibliothèque de Lisieux, en lequel on lit : "Le n° 4 offre les éditionsdu XVe siècle, elles sont peu nombreuses, le seul Chonicon Antoninimérite une attention particulière à cause de sa belle conservation. Len° 5 renferme les manuscrits, leur conservation en général est belle".
Comme suite à ce rapport, le 24 octobre de lamême année, le préfet, "considérant qu'un grand nombre des ouvragesrenfermés dans les dépôts de Lisieux sont incomplets, dépareillés,détruits ou endommagés par l'humidité et qu'ils n'ont plus aucunevaleur pour l'instruction publique", il rend un arrêté par lequel ilordonne : un nouveau travail de recensement par lebibliothécaire-adjoint de Caen ; la vente de tous les livresdépareillés, gâtés ou hors d'état de servir ; l'envoi au Musée de Caendes bustes de marbre qui sont déposés au petit séminaire de Lisieux (11) ; la rédaction immédiate du catalogue des livres qui resteront au dépôt de Lisieux.
L'ordre fut suivi de près par l'exécution et, le 27 du même mois,Gabriel Hébert, précité, fait vendre, en présence du maire, 5,000volumes déclarés inutiles, la majeure partie couverts en parchemin, ets'empare des trois bustes en marbre blanc destinés au Musée de Caen etde sept caisses de livres destinés aux trois grandes Bibliothèquesdépartementales : 1° celle du Lycée qui reçut 686 volumes formant 265ouvrages ; 2° celle de l'Ecole de Droit, 277 volumes (93 ouvrages) ; 3°celle du Séminaire du diocèse de Bayeux, 793 volumes (482 ouvrages),soit au total 1,756 volumes que perdit la ville de Lisieux, outre les5,000 qui furent vendus à l'encan et à vil prix ; il en restait environ2,000 presque tous incomplets et de peu de valeur que le maire réclamapour l'Ecole secondaire projetée, demande que le préfet accorda le 20novembre.
Rédigé le 12 novembre, le catalogue indique que furent enlevés trois incunables ; 1° Chonicon Antonini, de 1484, en 3 volumes ; 2° De proprietatibus rerum, de 1482 ; 3° Stat. mundi, de 1493.
Les ouvrages du XVIe siècle étaient :
Freculphi Chronicon, 1539 ;
Grammatica linguae Chaldae Morelle, 1560 ;
Les Chroniques de France, par Gille, 1560 ;
Demetrii Phalerii de elocutione, 1562 ;
Tabula Palamedis in Averroes opera, 1562 ;
Poetae Graeci principes, H. Steph., 1566 ;
Pindari opera gr. lat., H. Stephanus, 1566, in-24 ;
Lyrici Graeci gr. lat., H. Stephanus, 1566, in-24 ;
Euripidis Tragediae, 1566, 2 vol. in-16 ;
Xenophontis opera, 1569 ;
Pausanias, 1583, in-folio ;
Conciones ex gr. et lat. authoribus gr. lat., H. Steph., 1576 ;
Bibliothèque historiale de Vignier, 15587, 3 vol. ;
Thucydidis opera, gr. lat., H. Steph., 1588 ;
Herodotis opera, gr. lat., H. Steph., 1592 ;
Aldrovandi de avibus, de annelibus insector, de piscibus, deornithologia, de mollibus testaceis, de quadrupedibus, de quadrupedibusdigitalis oviparibus (Bononia), 1599 et seq., 8 vol.
Beaucoup d'autres volumes non datés appartenaient probablement à la même époque.
Quant à ceux demandés au préfet pour l'Ecole secondaire de Lisieux ilsfurent mal accueillis par le directeur de cette école, lequel, le 27avril 1807, proposait de faire vendre à l'encan tous ces ouvragesdépareillés de théologie (au nombre de 2,022), afin d'acheter quelquesbons ouvrages ; cette vente a lieu le lendemain et produit la somme de1.081 francs 55 centimes, d'où il fallut déduire pour les frais 447francs 40 centimes ; il resta donc un boni de 634 francs 15 centimessur l'emploi duquel on ne trouve aucun renseignement (12) ce qui permet de croire qu'il reçut une autre affectation que l'acquisition de livres nouveaux.
On a vu qu'une certaine partie de livres était restée dans unappartement dépendant du tribunal ; or, le 28 juin 1808, le présidentde ce tribunal demanda au préfet à conserver les livres dejurisprudence qui ne pouvaient servicr à L'Ecole secondaire (13).
* *
Après un intervalle de onze années, un rapport du 13 avril 1817constate que le dépôt de livres placé dans la chambre du Conseil duTribunal, formé de 189 volumes, est tout ce qui reste de l'énormequantité rassemblée en 1792 et dispersée depuis comme il vient d'êtredit.
* *
Dix-sept années se passèrent encore sans que laville de Lisieux soit pourvue d'une Bibliothèque publique et ce ne futqu'en 1834 que cette utile institution fut formée. Ses succès furentrapides, car trois ans plus tard elle se composait déjà de 3,000volumes, et comptait près de 80 souscripteurs ; son conservateur étaitM. Michel, régent de mathématiques (14).
Notes :
(1) Fondé au Ve siècle, le diocèse de Lisieux se composait de 580 paroisses il renfermait 8 grosses abbayes.
(2)Le 30 floréal an II, le directoire du district porte même plainte auComité de Salut public à propos de l'opposition de la Société populaireà l'installation de la Bibliothèque dans le local choisi en dernierlieu.
(3) Le 16vendémiaire an IV (8 octobre 1795), il est payé à Delaunay, menuisier,5,841 livres pour travaux d'arrangement de la Bibliothèque.
(4) Archives départementales du Calvados : L.
(5) Registre de correspondance. Archives de la Mairie : D.
(6) V. le texte de cette pétition qui doit se trouver à la Mairie.
(7) Archives départementales du Calvados : L.
(8) Voir le catalogue qui fut alors envoyé à Caen.
(9) Archives départementales du Calvados.
(10) Il s'agit, je crois, de Louis Dubois précité, qui alla, en effet, bibliothécaire à Alençon. En 1845, il publia, à Lisieux, une Histoire de cette ville, en deux volumes in-8° avec sept planches hors texte.
(11) Ces bustes en marbres étaient au nombre de trois.
(12) Les comptes municipaux permettraient de voir quel fut l'emploi de cette somme.
(13) En 1809, le Collège était établi dans le petit Séminaire.
(14) Rapport du 14 octobre 1838.
retour
table des auteurs et des anonymes