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GOUGET,Louis(1877-1915) : LeCulte des Héros (1911). Saisie du texte : S. Pestel pour la collectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (26.VIII.2005) Texte relu par : A. Guézou Adresse : Médiathèque André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros]obogros@ville-lisieux.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusionlibre et gratuite (freeware) Orthographe et graphieconservées. Texteétabli sur l'exemplaire de lamédiathèque (Bm Lx : norm 211) del'éditiondonnée à Caen en 1926 par Jouan et Bigot dans lerecueil Dansle Cinglais : nouvelles et légendes normandesavec des illustrations de Charles Léandre. Le Culte des Héros par Louis Gouget, ~*~ Bien que l’amitié, comme dit Montaigne, ne secomprenne qu’entre personnes du même âge,je crois que j’avais pour Maître Jacques unetrès profonde affection et qu’il me payait deretour. J’étais pourtant, àl’époque où se place cette histoire, untout jeune enfant, cependant que Maître Jacques,très vieux, inclinait vers la tombe,n’empêche que lorsqu’il seprésentait à la barrière de sa ferme,solide, malgré son âge, têtedécouverte et la poitrine au vent, quelque tempsqu’il fît, je ne pouvaism’empêcher de l’aborder etd’entrer en conversation avec lui. Le préambule,à vrai dire, n’était pastrès varié. - « Aurez-vous des pommescette année, Maître Jacques ? » -« Des pommes, pas biau faire m’n’ami, pasbiau faire ! ».. Ainsi commencions-nous à deviser.Bien banale exorde pour ce qui allait suivre. Car dès quej’avais pu tromper la surveillance de la bonne qui ne mequittait pas d’une ligne, vrai Cerbèreféminin que j’eusse voulu aux Enfers, jetraversais vivement la route et j’entrais dans la cour deMaître Jacques. Cette cour était un amusantmicrocosme et les mains derrière le dos, j’enadmirais les merveilles. C’était d’abordtout un escadron d’oies, s’avançantd’un pas grave de ministres et faisant vibrer leséchos de l’éclat de leurs fanfares,c’étaient des génissescouchées sous un hangar en chaume ; des chevaux, de beauxpercherons qu’on menait boire et quis’ébrouaient, en trempant leurs naseaux dansl’auge ; des pintades, des poules qui grattaient le sol,tandis que sonore et triomphal le coq se dressait sur le fumier commesur une barricade prise d’assaut. Le fumier tenait au resteune large place dans la cour de Maître Jacques. Ils’y étalait carré de la base aufaîte, « fleurant un peu plus fort, mais non pasmieux que roses » et malgré tout, propre comme unsou. - « C’est le mâle » disaitMaître Jacques, expression énergique pourdésigner le fécondateur de la terre. Tous les événements, si petits qui apportaient dela diversité dans la vie de la ferme, étaientpour moi, pleins d’intérêt. Rentrait-onles blés, j’aimais voir les chevaux tendant lesreins, monter les charrettes jusqu’au haut de la cour. Lesclaquements des sabots, les coups de fouet, qui «pétaient », les cris des grands valets -« Dioup ! Hue du ! - Hue ! vi-t’en là,Dia, arrière ». Le bruit des caillouxbroyés par les roues, et l’ondulement des hautescharretées qui roulaient et tanguaient comme des vaisseauxde haut bord, me captivaient, comme les phases d’un drame. C’était fête aussi pour moi, quand onbattait à la mécanique et qu’onrentrait le sarrasin. J’aimais à converser avec le mécanicienqui conduisait la « Vapeur » : ilm’expliquait tout et je m’extasiais devant ces motstechniques presque mystérieux : le volant, lerégulateur, le manomètre : il poussait lacomplaisance jusqu’à me faire cuireauprès du foyer des pommes « sûres» que je mangeais avec délices ; jem’égarais aussi auprès de la batteuse,et je m’égayais à voir rouler comme unPactole, les grains dorés du blé qui glissaientdans les « pouques ». Et puis les gaies histoires,les farces plantureuses, les réparties quej’entendais durant le travail et surtout le soir,à la Ripaille. La ripaille, c’était le joyeux festin, quefaisaient, la nuit venue, les gens de journée. Lacorvée faite, on y apportait un bon appétit unegaieté bruyante et l’épanouissement quinaît d’une bonne journée bien remplie.On eut dit des guerriers ruisselants de sueur et de gloire qui segobergent après l’assaut, dans la ville conquise.Cela finissait par des chansons. - « Allons-té, Alphonse, chante nous en eune» et Alphonse se fait prier. - « Ah veyez,j’n’en sais pus… ». Mais il nese faisait prier que de la bonne sorte et dèsqu’il avait commencé le premier couplet : « Sous un gros chêne, après un fortorage, « Pauvre Louise, elle dormait,elle rêvait ». tous les autres couplets suivaient sans fautes et il n’yavait plus moyen d’arrêter le chanteur… Hélas, lorsque j’évoque ces souvenirs :« c’est à peine comme dit Villon, si lecoeur ne se fend ». Les temps que je rappelle sontdéjà lointains, bien des voix qui chantaientalors se sont tues, et le pauvre Maître Jacqueslui-même, ne vit plus, je le crains, qu’en mon seulsouvenir. (1) Mais il vivra longtemps, je vous le jure. Vivrais-je cent ans, ce que je ne souhaite, ni à moi, nià mes hoirs, que je me rappellerais la belle figure de monami dont l’impression de fiertémélancolique est en effet inoubliable. - Je me rappelleraisaussi les jolies histoires dont j’étaissi friand et qu’il savait si bien raconter. - Sans doute, ilne les contait guère durantl’été : à cetteépoque, il était trop occupéà faire marcher son *atelier*, comme il disait : il allaitde l’un à l’autre, encourageant les« fauqueux », mettant les liens devant lesjaveleuses, donnant au besoin les « guerbes à laquérette ». Mais quand venait l’automneet qu’il conduisait ses percherons à la charrue,je m’attachais à ses pas. Dès le petitmatin je le suivais, dans la terre fraîchementremuée, escorté de bergeronnettes, et jerevenais, avec lui le soir, quand les ombres grandissantess’épandaient des coteaux sur la vallée.Je ne le quittais même point la nuit venue et jem’asseyais auprès de lui sous le manteau de lacheminée. Je la revois encore cette cheminée. Aumitan c’est la grande crémaillèretoujours encombrée de marmites ; sur lescôtés se fument lentement les jambons, lesandouilles ; tandis que dans leurs robes jaunes, semblablesà des mélancoliques vieilles filles,sèchent au long du jour les harengs saurs. Au-dessous unfusil tout chargé, un vieux crucifix d’allurejanséniste, orné d’une branche de buisrôtie par la fumée, et aussi le portraitd’un tout jeune homme, en uniforme, figuresingulièrement belle et attachante, que MaîtreJacques vénérait àl’égal d’une idole et dont il disait. -« Regarde-le bien, cti là, petit, c’estle prince impérial ». Aussi bien dans les champs qu’au coin du feu, la verve de monvieil ami était intarissable. Il se fut gardécertes de me conter, comme on le faisait alors chez nous, des histoiresde revenants ; le prêtre félon qui sort duPurgatoire et revient à minuit, achever la messecommencée avant le trépas ; les bièresqui se posent en travers du sentier et arrêtent le voyageurattardé et frémissant ; les sorciers qui vousregardent d’un mauvais oeil et jettent desmaléfices, etc… « Tout cela, disaitMaître Jacques, c’est des babeluzes,c’est pour faire poue ». Il ne me contait qu’une histoire : mais elle étaitsi merveilleuse et si touffue qu’ellem’intéressait et m’exaltait chaque jourdavantage et que c’était toujours avec lamême curiosité anxieuse que je demandaisà Maître Jacques, assis sur une bancelleà ses pieds « Dites donc, mon ami, qui que fitNapoléon ? » Alors le vieux rallumaittranquillement sa pipe et me narrait l’un desépisodes de l’immortelleépopée. Il brouillait un peu tout, maisnéanmoins à mesure qu’il contait,d’immenses fresques passaient devant mes yeux. Je voyais lepont d’Arcole, tremblant sous les pas de Bonaparte, lespyramides se dressaient et avec elles les quarante sièclesévoqués par la parole sublime dugénéral français, lesétangs glacés d’Austerlitz craquaientsous les boulets, la neige tombant à gros flocons affaissaitles croix du cimetière d’Eylau ; les canons deDrouot, roulaient comme des tonnerres dans la plaine de Wagram ; puisle défilé lugubre de laBérésina s’avançaitsemblable à un convoi funèbre. Enfin dans undernier éclair, les lattes des cuirassiers de Waterlooflamboyaient, les escadrons d’acier descendaient lescôteaux dans un galop frénétique etroulaient dans le sang… dans la mort… dans lagloire. Au-dessus de ces scènes volaient comme des oiseaux lesparoles magiques. - « Vous avez couvert vos aiglesd’une gloire immortelle. Le plomb qui doit me tuern’est point encore fondu… L’aigle avecles couleurs nationales volera de clocher en clocherjusqu’aux tours de Notre-Dame. » Je ne sauraisexprimer combien je vibrais à ce récit. Il mesemblait que je participais à l’action. Jepleurais au bulletin d’Austerlitz, j’applaudissais,quand Murat, chamarré d’or, plume entête et cimeterre en main, emballait son cheval et sedressait sur ses étriers, je me penchais,attristé sur la civière de Lannesblessé à mort ; j’aurais voulu tendrela main à Poniatowski, se noyant dans l’Elster etpour un peu j’aurais craché à la facede Marmont… Au-dessus de tout se dressait la silhouette de l’Empereur,homme ou dieu ? Maître Jacques ni moi n’aurions sule dire : mais nous l’imaginions tous deux incessammentprésent et agissant, pensif, à cheval, sur unpoint du globe et de là dominant le monde. «Allons, il est temps d’aller se coucher ! ».c’était le Cerbère qui rompait lecharme. - Je me couchais en grognant, et la nuit je rêvaisdes bonnets à poil, de crinières, de casques, degalopades échevelées etd’envolées d’aigles qui passaientà tire-d’ailes des désertsd’Égypte aux steppes neigeux de laRussie… Vous avez deviné que si Maître Jacques avaità ce point le culte de l’Empereur ou pour mieuxdire le culte de la gloire, c’est qu’ilétait ancien soldat. Il avait servi dans les dragons sousLouis-Philippe - « Louis Flipe » comme il disait -à cette époque l’arméegardait, vivait le souvenir de l’Empire et MaîtreJacques avait suivi la tradition. Bienqu’âgé il reprit du service en 1870 etse battit sous les murs de Metz. Puis tranquillement, il revint la paixsignée, reprendre les manchons de la charrue.C’était le vrai type du paysan françaisqui aime la terre et lui donne tout, sa sueur, son âme, sonsang au besoin. Il conservait un peu l’allure militaire : laparole brève, la hâblerie, la démarchesaccadée, la tête droite toujours etdécouverte, même aux ardeurs del’été. Dans le village onl’appelait : le vieux soldat, ou seulement le vieux et ilétait populaire. Sa popularité avaitmême un peu transpiré au dehors : il me souvientqu’un jour, M. le duc d’Harcourt qui lui aussi,avait servi, passait chez nous avec le général DuBarrail. - « Il y a là, lui dit-il, un vieux quevous aurez plaisir à voir peut-être. »Le général vert encore malgré sonâge, les cheveux en brosse et la moustache blanche,s’arrêta. Maître Jacques et luis’abordèrent, comme s’ilss’étaient connus autrefois etj’entendis, assis, sur un garde-heurt la conversation de cesdeux hommes. Ils parlaient de la vieille armée et il meparvenait des bouts de phrase comme ceux-ci « Voussouvenez-vous de Mortier qui périt si tragiquement ?». Et le vieux Moniey, tout blanc avec son catacorat ? vousen souvenez-vous. - Vous rappelez-vous de Marbot qui nous passa enrevue au Champ de Mars. » -Et Du Barrail qui fut ministre dela guerre et Maître Jacques qui ne fut jamais que brigadierde dragons, évoquaient, unis comme des frères,les ombres illustres. Ils remuaient la poussière dupassé et m’en envoyaient, pourqu’à mon tour, je n’oublie pas et que jetransmette à d’autres les noms glorieux del’Épopée. Chaîne admirable dela tradition héroïque dont les chaînonsse relient de générations engénérations et qui ne doit point se briser tantque vivra la patrie, c’est-à-direéternellement… Le sombre destin de la dernière guerre n’avaitpoint abattu Maître Jacques. Il avait foi malgrétout dans la grandeur du pays et ses opinions nedévièrent point d’une ligne.Napoléon III vaincu, ne lui gâta point les gloiresimpériales. La République n’avait pu leséduire. Il goûtait peu la verve de Gambetta,verve plutôt de taverne, que de champs de bataille.Même ayant vu le fameux tribun, s’effondrer sur uneestrade, au Neubourg, un jour de foire, il l’avait lui, leNormand solide, méprisé. Il nel’appelait plus que le Grand-Bêta, ironie un peulourde, mais qui amusait beaucoup les gens du village, plus malins etspirituels que ne le croient les gros-becs de villes. Ilprétendait que durant la guerre le rhéteur sechauffait doucement les pieds, fumait des cigares exquis, tandis queles mobiles, crevaient de froid et de faim, (2) Il avait coutume dedire « C’est pas un bavard, un tonneauvide qu’il nous faut, c’est un homme ».Depuis j’ai grandi, on m’accordera bien quej’ai réfléchi de temps en temps - jecrois aujourd’hui que Maître Jacques avait raison.- Il ajoutait avec espoir « N’ayez pas de peue. Ilreviendra ». Il, c’est-à-direl’homme, le chef, le héros.L’état d’âme deMaître Jacques, si je l’ai bien compris,était semblable à celui des paysans deBéranger qui ne voulaient pas croire à la mort del’Empereur. Longtempsaucun ne l’a cru On disait « Il vaparaître. Par mer, il est accouru L’Etranger va voir sonMaître ». Bientôt la pensée de Maître Jacques seprécisa, et il reporta ses yeux àdéfaut de l’Aigle, vers l’Aiglon. Ilaimait maintenant de tout coeur ce jeune homme dont la photographieornait sa chaumière. Un jour même, il crut queça y était. Comme tous lesimpérialistes de cette époque MaîtreJacques lisait le « Pays » et le « PetitCaporal. » La prose de cet exquis bretteur gascon qu’étaitPaul de Cassagnac, l’enflammait :c’était de la poudre et de la bataille encore. Dela bataille fantaisiste et pour rire, car le publicistes’égayait entre-temps. Il lui arrivamême de composer un article de « pur chic» il supposait la République renverséeet l’Empire proclamé, et sur ce thème,il parlait à toutes brides imaginant ce qui se passerait enl’occurrence. Le gouvernement de Paris était aux mains dumaréchal Canrobert, l’aigle couronnait lesdrapeaux, les parlementaires, jambes au cou, avaient fui lePalais-Bourbon. Gambetta était sous les verrous ; le PrinceImpérial descendait à cheval, escortéde cuirassiers, les Champs-Elysées. Dans lenuméro de la veille, on avait bien entendu,annoncé la fantaisie du lendemain. « Demain nouspublierons un article, où nous raconterons ce qui sepasserait au retour de l’Empereur ». Mais cetteannonce, en caractères microscopiques, MaîtreJacques ne l’avait pas lue. Il lut au contraire de bout enbout, fou de joie et dansant sur sa chaise l’article dulendemain. - «Ah, dit-il, ça y est enfin,l’Empire est revenu ; c’est ce petit làqui va gouverner. Le diable m’emporte, si je nefête pas l’avènement dès cesoir ». En un clin d’oeil sa maison fut pleine :l’article passa de main en main ; les gens du village quiétaient de l’opinion de Maître Jacques,riaient à gorge déployée de la fuitedes parlementaires et pleuraient à la pensée dupetit Prince. Les verres de « bère »s’emplirent et l’on décida de faire lesoir une grande fête et un feu de joie. Ce fut magnifique. - La nuit tombait à peine qu’onenflamma une pile de bourrées, des coups de fusilschargés à poudre, partirent, comme pour des noces; un vieux à face rase, les mains dans le gilet, apparutdans les flammes, évocation de Napoléon de lalégende, d’immenses cris de « Vivel’Empereur » ébranlèrent lescôteaux et les bois. » Cela dura jusqu’aumatin : ce fut très gai. L’épilogue, ilest vrai, le fut un peu moins. La gendarmerie avait entendu, lapétarade et les cris ; elle dressa procès-verbalpour tapage nocturne. Détail intéressant, leprocès-verbal portait, chose extraordinaire, une larme,c’était un ancien Guide de la Garde quil’avait rédigé. Paraître devant le Juge de Paix, comme un va-nu-pieds, futpour Maître Jacques, un crèvecoeur. Toutefois ilse tint magnifiquement. - « Monsieur le Juge, dit-il, jecroyais que ça y était, c’est ma seuleexcuse, après tout je n’ai fait de malà personne, je n’ai brûlé quemes bourrées, et puis, voyez-vous, j’aipassé un bon bout de nuit, entre nous, je n’avaisjamais crié de si bon coeur, « Vivel’Empereur ! » - « Chut ! fit en souriantle Juge de Paix ; bonhomme au fond et qui redoutait les histoires.» Puis voyant que les co-contravennants de MaîtreJacques, s’agitaient sur le banc et allaient faire chorusà son cri de « Vive l’Empereur» il les condamna bien vite à un francd’amende et aux dépens, ferma sa serviette et leval’audience. Cette mésaventure n’avait pointdécouragé mon ami. Tout au contraire, depuis cetemps, il considérait avec plus d’amour, la figurejuvénile qui ornait sa cheminée. Hélas, un matin, son journal parut, encadré denoir. Le jeune Prince parti pour le Zululand avaitété surpris dans une embuscade ; ses compagnonsl’avaient abandonné, son cheval avait fui, alorsce Napoléonnide, ce fils de héros avait combattuseul contre tous, puis succombant sous le nombre, il étaittombé. On n’avait retrouvé que soncadavre. Lorsque ce jour-là, j’entrai chez MaîtreJacques, il était accablé ; son journal en deuilgisait sur ses genoux et de grosses larmes silencieuses et lamentables,des larmes de soldat, roulaient sur ses joues. Son ultimeespérance était partie, il pleurait sur la mortdu chef futur et plus amèrement encore sur les destins de laPatrie. Depuis ce temps, il continua de me raconter de belles histoires; mais il ne les finissait plus : au milieu d’unrécit, il s’arrêtait, perdu dans uneinterminable méditation, les yeux pleins de larmes, tandisque la fumée de sa pipe, montait lente etmélancolique encens, vers l’image du cher mort. Et c’est ainsi, Monsieur Barrès, que dans ladouleur, un vieux paysan, soldat, m’enseigna le culte desHéros ; avant que je n’aie bu le lait de vosadmirables et fortifiantes oeuvres. Notes : (1) « Le souvenir qui fuit, entre deux ailesd’or… », comme dit le bonpoète caennais Wilfrid Lucas, mais ce souvenir làne me fuira point… (2) Je donne ici l’opinion de Maître Jacques, nonla mienne. Mme Adam vient de démontrer que Gambetta fut quelque peucomédien ! Soit, mais le comédien vaut par la chanson qu’ilchante. Gambetta a chanté assez bien la chansond’Alsace-Lorraine. Je ne puis l’oublier… |