Corps
GALERON, Frédéric (1794-1838): Sur l'établissementromain de Jort (1835). Saisie du texte : O. Bogros pour la collectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (14.III.2005) Texte relu par : A. Guézou Adresse : Médiathèque André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros]obogros@ville-lisieux.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusionlibre et gratuite (freeware) Orthographe et graphieconservées. Texteétabli sur l'exemplaire de lamédiathèque (Bm Lx : nc) des Mémoires de laSociétéacadémique des Sciences, Arts et Belles Lettres de Falaisepour l'année 1835. Surl'établissement romain de Jort (Lu dans la séance publique du 17 mai1835.) par M. Fréd. Galeron ~*~MESSIEURS, L'ARCHÉOLOGIE doit payer son tribut dans cettesolennité. Je vais appeler votre attention sur Jort,localité aujourd'hui bien secondaire, mais qui occupacertainement le premier rang dans ce pays aux siècles de laconquête romaine. L'histoire nous apprend qu'au temps où les romainsarrivèrent, il y avait, vers notre littoral, descités à Bayeux, à Vieux, au vieuxLisieux, qui étaient les capitales de peuplades gauloises,connues sous le nom de Bajocasses, de Viducasses et de Lexoviens.L'arrondissement que nous habitons ne semble pas avoirrenfermé alors de cité de cette importance ; maisau sud-est de son territoire se trouvaient les Essuins dont la villeprincipale était Séez ou Essey.Placées entre les Essuins et les Viducasses, nos campagnesservaient de points de communication entre ces localités.Les vainqueurs romains, tant pour contenir nos populations que pourassurer les relations entre les deux contrées,établirent des campemens dont nous remarquons encore lesemplacemens sur les hauteurs du Coquerel, de St. Quentin, desMonts-d'Eraines, etc, en même temps qu'ilstracèrent le grand chemin droit, solide, presque partoutindestructible, que nous connaissons sous le nom de cheminhaussé. Le cheminhaussé, soutenu par lescampemens, venait de Vieux et des bords de l'Orne, par Clinchamps,Cintheaux, Rouvres, Olendon, gagner la Dive, qu'il franchissaità Jort, et de là il s'étendait versles hauteurs d'Exmes, pour traverser la campagne de Séez.Jort se trouva être ainsi un point central,intermédiaire entre Vieux et Séez, et, par celamême, il devint naturellement, forcément unehalte, un lieu de repos. Dès lors, on conçoitqu'il s'y soit formé des établissemens, deshabitations importantes ; des populations s'y serontagglomérées ; et Jort sera devenu, àce moyen, sinon une cité, puisque son nom n'est inscrità ce titre sur aucun des relevés de laGaule Romaine, au moins une espèce de ville ouverte, destation permanente, sur une ligne fréquentée,à l'entrée d'un riche pays depâturages. Ce que j'avance ici, Messieurs, n'est point unevaine conjecture. L'inspection des lieux le démontrerait, ense bornant à examiner les chemins anciens, les campemens etla distance de Vieux à Exmes, et àSéez, qui, étant de 11 et de 14 lieues, nepouvait être parcourue d'une seule marche. Jort, serencontrant à six lieues de Vieux, à cinq lieuesd'Exmes, à huit lieues de Séez, était,on n'en peut douter, comme je l'ai déjà faitobserver, le point de repos indispensable entre ceslocalités. Toutefois, ce n'est point sur de telsrapprochemens que je prétends m'appuyer ici pour vousdémontrer l'ancienneté romaine de Jort. Il y adix ans que je recueille des débris de monumensépars sur son sol. Ce sont ces monumens que jeprésenterai principalement comme les garans de ce que dutêtre Jort autrefois. Chaque jour vient ajouter au faisceau depreuves que j'ai recueillies. Je resserrerai mon travail autant quepossible afin de ne pas sortir du cercle qui m'aété tracé par vous. Jetons d'abord un coup d'oeil sur l’ensemble de lalocalité. Il est un proverbe, dans nos cantons, qui dit : vieux comme les pontsde Jort. Les ponts qui se voient à Jort aujourd'hui nesontpas vieux, mais ils en ont évidemment remplacé deplus anciens qui auront existé, à ce point de laDive, dès les temps les plus reculés. Le nom de Pont, que portait depuis lessiècleséloignés du moyen-âge, la commune parlaquelle on arrive à Jort, du côté denotre rive gauche, en est la preuve incontestable. Il aura de toustemps fallu des ponts pour passer de notre campagne dans celleoù a été jadis et où estencore aujourd'hui Jort. Le cheminhaussé romain auraautrefois traversé ces ponts, comme en ce moment lestraverse encore notre grande route de Falaise à Caen. Legroupe principal d'habitations aura toujours étéde l'autre côté ; seulement le Jort actuel estévidemment bien moins étendu que ne dutl’être le Jort romain. Si nous consultons, en effet, les anciens titres, si nous jetons lesyeux sur une carte de la commune actuelle de Jort, que je doisà l'instituteur, M. Morel, si nous notons tous lesemplacemens où l'on a retrouvé desdébris romains, nous reconnaîtrons que leJort primitif devait s'étendre sur un terrain sixfois au moins plus considérable que celui qu'occupentaujourd'hui les habitations. Je vous signalerai bientôt toutce que j'ai rencontré de curieux dans les jardins et sousles maisons de la principale rue du village. Mais en portant sesregards autour de ce village, on trouve immédiatementau-dessus, à l'est, un champ de 15 acres environ, qui portele nom de Champ-sur-la-Ville.Un autre petit champ, plusélevé, se nomme le Haut-de-la-Ville.Plus loinencore, au nord, est un troisième champ dit le Dellage-sur-la-Ville,coupé par la route nouvelle de Lisieux,vers St.-Pierre. Le sol de tous ces champs, à une profondeurde 3 à 4 pieds, offre des débris deconstructions, des vases brisés, desdépôts de cendres, des monnaies. En revenant versle sud et le sud-est, on voit des carrièresabandonnées dont on a dû extraire autrefois uneassez grande quantité de pierre àbâtir. Des cercueils en pierre, remplis d'ossemens, ontété fréquemment retirés deschamps qui dominent ces hauteurs. Le voyageur peut même endistinguer encore deux en ce moment, dont la pierre briséese montre en saillie et perce le sol au sommet del'éminence. Une ferme, au-dessous, se nomme le Mont-Audin,et une autre ferme, encore inférieure, se nomme la Cour-de-Jort. La voie romaine ou le chemin haussé,passe entre le Mont-Audinet la Cour-de-Jort ; et c'estde ce lieu, sur lés deux côtés de lavoie, qu'un des habitans, M. Grachard, a retiré,il y a peu d'années, une urne entière remplie de cendres, un tombeau de terre cuite etplusieurs monnaies des temps de Néron. Si l'on rattache le Haut-de-la-Ville, le Dellage-sur-la-Ville, le Champ-sur-la-Ville,le Mont-Audin, laCour-de-Jort, avec le village actuel qui en estle noyau, on aura un emplacement qui sera bien équivalentà la grandeur de Falaise et de Guibray réunis ;on conçoit qu'une petite ville ait existésur une telle étendue de terrain. Et cependant, Messieurs, de l'autre côtéde la Dive, sur Pont, on remarque encore d'autres restesd'emplacemens très-anciennement abandonnés. Enouvrant la nouvelle route, il y a dix ans, un peuen-deçà de l'église, on mità découvert d'immensesdépôts de cendres et d'ossemens, avec des vasespleins de débris humains, mêlés dechaux. En général, sur tous les points de Jortque je viens de vous signaler, et sur les deux rives indistinctement,vous avez pu voir que l'on avait ainsi rencontré partout deces traces d'anciennes sépultures ; mais nulle part on n'enavait vu en aussi grand nombre qu'au dernier point que je vous indiquesur Pont. Il faut que tous ces lieux aient ététrès-habités, si l'on en juge par cetentassement de tombeaux. Tantôt on remarque que les resteshumains ont été réduits en cendres etplacés dans des urnes de verre ou de poterie ;tantôt on voit que les corps ont étéétendus dans de grands cercueils de pierre ou de terre cuite; tantôt enfin, il semble qu'une grande fosse aitété ouverte et qu'une masse de corps y aitété enfouie. Le grand ossuaire que l'on atrouvé près de l'église de Pontétait tel qu'on pouvait le regarder comme étantla dépouille d'un champ de carnage. Une fosse profonde, quiétait près de là, remplie de cendresentassées, exhalait encore, quand on l'ouvrit, des odeursfortes et presque cadavéreuses. On peut se faire uneidée, par ces détails, du grand nombre de mortsqui dûrent y être enfouis à la fois... Maintenant il est une double question que je dois poser et qu'il serapeut-être assez difficile de résoudre d'unemanière certaine. A quelle époque doit remonterle Jort romain ? A quelle époque a-t-il disparu ? Voici mesconjectures sur ces deux points. Sous les aires de plusieurs emplacemens d'habitations romaines, sousles encaissemens des rues ou des chemins, on a recueilli des monnaiesd'Auguste ou de Tibère, avec des monnaiesgauloises etun petit marteau gaulois en pierre. Du reste, sous ces couchesprimitives, sous les fondations les plus profondes, rien autre choseannonçant des temps plus rapprochés de nous. Neserait-ce point qu'alors ces travaux auraient étéfaits au siècle de Tibère, au plus tard. Lesobjets d'art Gaulois étaient encore alors sous les mains desvainqueurs ; ils les jetaient dans leurs décombres commesouvenirs ou plutôt comme objets de dédain ; qui sait même si ce n'étaientpoint les restes d'une peuplade gauloise qui les avaitdevancés sur ce sol ? - Au contraire, parmi les ruinessupérieures des bâtimens, dans les champs, dansles tombeaux, on trouve une foule de monnaies diverses, de tous lestemps du haut-empire et des commencemens de l'empire grecjusqu'à la fin du Ve siècle. J'en ainoté plus de 80 ; j'en possède plus de 60 dansnos collections. Ces monnaies, en général,commencent aux empereurs Auguste, Tibère, Caligula, etfinissent aux fils et aux premiers successeurs de Constantin. Un,grand nombre appartiennent au règne d'Auguste. Nous enpossédons deux à la face de ce prince età celle d'Agrippa, avecle revers de la colonie de Nismes.Il semble que ce règne ait été uneépoque de prospérité pour lapopulation romaine de Jort. Peut-être aussiétaient-ce seulement les jours de sa fondation, de ses plusgrands travaux ? On sait que le Romain, toujours glorieux, confiaitdans ces occasions, à la terre, ce qui pouvait rappeler sonpassage et sa grandeur. Des monnaies des règnes suivans, de Caligula, de Néron, de Trajan, d'Adrien, de Marc-Aurèle se rencontrentçà etlà. Mais, chose étrange, il y en a peu,très-peu de l'époque de Galien et des tyrans. Jen'ai pas vu un seul de ces Tetricussi communs ailleurs. Quant aux Constantin,aux Constance, aux Constant, ils se retrouventabondamment sur quelques points. J'y ai recueilli même deux Gratien. Puis, tout à-coup,tout disparaît. Onne voit plus rien des âges postérieurs. Mais desédifices violemment détruits, enfouispêle-mêle, des restes d'ustensiles et d'instrumensdivers oxidés et en morceaux, des vases de mille formesbrisés, des charbons au milieu de ruines, voilàce qui se présente, voilà ce qui semble annoncerune chute violente, une dévastation, une dispersioncomplète. Des ossemens humains ont ététrouvés au milieu d'aires d'habitations chargéesde débris. Qui aura amené ces saccagemens ? quipourrait le dire ? Penserons-nous que ce furent les Saxons, lesAlains, les féroces soldats d'Attila qui aurontdispersé la station romaine, ou bien les Gauloisrévoltés auront-ils seuls chassé leursmaîtres ? Quel historien résoudrait ces faits avecprécision ? Cependant, Messieurs, le doute est permis. C'estpar lui que l'on se met sur la voie de la vérité.Essayons donc de pénétrer dans ces secrets desanciens temps. Un vieux souvenir dit que les Alains ontpassé à Courcy, et qu'ils s'y sontétablis. Or, on sait que Courcy est très-voisinde Jort. Le premier baron de Courcy fut un Teuton nomméBaldric, qui, selon les uns, aurait étécontemporain des premiers ducs, et qui selon d'autres, auraitété, ainsi que sa race, bien antérieuraux Normands. Nous savons d'un autre côté que dansles champs de Morières,lieu dont le nom estsingulièrement sinistre, nous savons que dans ces champs, unpeu supérieurs à Jort, on a trouvé, ily a dix ans, des tombeaux, des ossemens nombreux, des restes d'armureset des monnaies confusément épars sur le sol. Lesmonnaies étaient grossières et appartenaient auxraces barbares. Il y en avait en or, en argent et en cuivre. Deux, enargent, portaient le nom et la face du terrible roi des Huns. Qui lesaurait déposées dans ces champs, si cen'étaient les lieutenans de ce conquérant, venusjusque dans nos contrées ? Jort serait-il alorstombé sous leurs efforts ? On peut le croire sansinvraisemblance. A cette occasion, je suis heureux, Messieurs, depouvoir vous mettre sous les yeux la plus belle des deux monnaiesd'Attila, que M. deBrébisson, qui les possédait,a bien voulu me remettre pour le cabinet de la ville ; nulledécouverte plus curieuse n'avait étéfaite par nous, en ce genre, dans nos campagnes. C'est un de nosmeilleurs documens historiques. Jort aura disparu sous cet envahisseur,au 5e siècle. La ville bâtie sous Augustesera tombée 450 ans après sa fondation. C'estl'époque où finirent Vieux, Bayeux et Lisieux. Lebouleversement aura été grand, car, de nos jours,quatre pieds de terres végétales recouvrentpresque partout les monumens renversés. Les champssupérieurs auront étérejetés, par-dessus les ruines fumantes. Après cedésastre, un silence de plusieurs siècles aurapesé sur cette localité, dont le nom romain alui-même été oublié. Un denos savans a pensé que peut-être Jort auraitété l'Araegenusromain. Je ne voudrais pasencore l'affirmer, mais il y aurait plus d'un motif des'arrêter à cette idée. Je passe maintenant à quelques détails : Un habitant du quartier principal du village actuel de Jort, M.Campoger, travaille depuis plus d'un an à abaisser le sol deson jardin, dont il a extrait sur presque tous les points, trois etquatre pieds de terres végétalesrapportées. Ses travaux ont été fortutiles pour la science. Tout le sol enlevé étaitrempli de débris de constructions. Voici ce que j'airemarqué de plus important au milieu de cesdécombres. Il semble d'abord qu'un chemin, solidement affermi, aittraversé l'emplacement actuel du jardin, du nord-ouest ausud-est, en longeant un grand bâtiment. Ce chemin, quipouvait bien aussi n'être que l'aire d'une cour ou lafaçade principale du bâtiment, étaitformé de plusieurs couches successives de petits cailloux,de sables, de terres rouges, de charbons mêlés,pressés, battus ensemble de manière àprésenter une grande solidité. En enlevant cescouches successives, on s'est aperçu qu'elles contenaient desdébris de poteries de toutes couleurs, des ossemens, desferremens oxidés, et, jusqu'à des monnaies et desinstrumens de pierre. C'est sous la dernière couche que lepetit marteau de pierre et deux p. b., l’un d'Auguste,l'autre de Tibère ontétérencontrés. Le dessus du chemin offrait unmélange confus de terreaux, de vases cassés, defragmens de verres, de tuiles, de briques, de cimens, de pierrestaillées, et de tout ce qui est, en un mot, lerésultat d'une démolition. On remarquait, dansl'intérieur du batiment, un plus grand désordreencore. Là tout semblait indiquer un bouleversementgénéral et imprévu, unechûte violente, un incendie : l'aire étaitcalcinée et couverte de charbons ; les tuiles dufaîte, les larges tuiles à rebordsétaient au milieu des moellons, des restes de grands etpetits vases, des cimens fins, des stucs peints de toutes couleurs. Onreconnaissait que tout avait étéprécipité pêle-mêle, que rienn'avait été sauvé. J'ai faitrecueillir et apporter des fragmens des divers stucscoloriés, afin de vous donner une idée de ce quedûrent être les bâtimens oùils se trouvaient. Vous verrez quelles couleurs distinctes ils ontconservées après quinze sièclespassés sous la terre. Vous remarquerez aussil'élégance et la variété deformes et de reliefs des nombreux fragmens de vases rougestrouvés sur tous les points. Cette maison devaitêtre celle d'un Romain dans l'aisance. Le verre yétait employé en vases et en vitrage. J'en airassemblé des fragmens de formes diverses. J'ai pareillementrecueilli plusieurs agrafes, dont une en bronze ciselé ettrès orné, une clochette en fer, de formecarrée, un manche de couteau en os, deux petits couteaux oupoignards, des cloux en fer et en cuivre, des stylets dorés,des anneaux, de longues épingles d'os pour soutenir lescheveux, et d'autres objets d'usage journalier et intérieur.La maison renfermait, de plus, des meules à moudre leblé, dont vous voyez des fragmens entiers. Le ferétait employé sous toutes les formes.Malheureusement on le retrouve partouttrès-oxidé, et j'en ai abandonné surles lieux des fragmens considérables. Des ossemens et desdéfenses de sanglier, de nombreuses écaillesd'huîtres s'offraient çà etlà. Dans un des côtésétaient des vases de terre grise brisés, quicontenaient des cendres et des os. Était-ce dans ces vasesque l'on recueillait les restes de ceux qui mourraient dans cettemaison ? Je dois dire que l'un d'eux renfermait les os,très-reconnaissables, d'un jeune poulet, que j'ai faitconserver pour vous les mettre sous les yeux. Des monnaiesétaient parmi tous ces débris, mais aucune d'unegrande valeur. Il y en a une des temps de la république.Elle porte la tête casquée de Rome, et la louve aurevers, avec les jeunes Remus et Romulus. Une monnaie pareille nous futdonnée, il y a quinze jours, par notre président,rapportée par lui de Salone. Ce rapprochement n'a pasdû échapper. Les autres, rassembléesavec soin par M. Campoger, sont d'Auguste,de Tibère, de Caligula, de Claude, de Néron, d'Adrien, d'Antonin, de Gordien Pie, de Maximus, de Posthume. Il y en abeaucoup de frustes, dont quatre des Constantins.Quatre àcinq sont gallo-romaines grossières. Aucune n'est en or ;une est en mauvais argent. Les fouilles de cette maison continuent. Vous en saurez plus tard lesrésultats. Un peu au-dessous de cet emplacement, toujours dans le village actuel,mais en se rapprochant de la rivière et des ponts, un autrepropriétaire, M. David, fait aussi enlever les terres de sonjardin, et à quatre et cinq pieds de profondeur, au milieude riches terres de rapport, il a trouvé plusieurs morceauxde sculptures, mutilés, brisés, mais d'un assezbeau travail, de larges pierres ayant servi de fondations àdes édifices, des ornemens en cuivre, des fragmens de vaseset plusieurs monnaies. M. David m'a donné près devingt de ces monnaies, dont une d'Auguste(colonie de Nismes), une de Trajan,deux de Marc-Aurèle,trois du grand Constantin,deux de Constantin jeune,deux de Constance, une de Constant, une de Gratien, et les autres frustres,mais de cesderniers règnes. Les recherches de M. David, peuavancées encore, amèneront infailliblementd'autres découvertes. On peut attendre de sa bonnevolonté et de sa complaisance bien connues la communicationde tout ce qui lui tombera sous les mains. MM. Morel et Bazire, dansleurs jardins, situés sur la même ligne que celuide M. David, ont recueilli pareillement des monnaies qui appartiennentaux âges romains. M. Morel m'a donné deux Auguste, dont un égalementde la colonie de Nismes, un Caligula,deux Néron, dont un M.B.contremarqué, un Posthume,G. B., avec latrirème et quelques autres. M. Bazire m'a envoyédes Constantin II, etun Constant. Je dois àM. Grachard, à M. Mousset, à M. Racine, des Néron, des Trajan, des Marc-Aurèle, une Faustine, etc., etc. Voilàce que j'ai reconnu jusqu'icide plus important. A Assy, qui est sur la voie romaine, àdeux lieues de Jort, les monnaies de Galienet des tyrans, se sonttrouvées par milliers. J'en possèdepeut-être deux cents de p. b. grossier, venus de cet endroit.J'en ai recueilli dans plusieurs de nos autres campagnes de la plaine.A Jort, à peine ai-je trouvé deux monnaies de cetemps, et à l'effigie du seul Posthume; mais, ni un Galien, ni un Tetricus, ni un Victorin. Que faisait donc Jortà l'époque de ces empereurs si connus dans lesGaules ? Cette remarque est très-singulière, etje noterai soigneusement à l'avenir ce qui tendraità la contredire ou à la confirmer. Je termine, Messieurs, en engageant tous les habitans de Jortà rassembler, à l'avenir, avec le plus grandsoin, tout ce que le hasard fera découvrir successivementdans leur village ou dans les environs. J'ai travaillé surles documens qui m'ont été offerts depuis dixans, mais des indices nouveaux peuvent amener de plus grandsrésultats. L'Araegenusromain, peut se retrouver un jourdans les champs de notre Jort. Une inscription, une borne milliaire leferaient reconnaître avec certitude. Ne perdons pointcourage. Nous avons déjà fait quelque chose,comme on le voit, pour cet emplacement curieux. Nous pouvons fairedavantage encore si l'on nous seconde. (Voirune Plancheà la fin du volume.) |