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DEVILLE,Etienne(1878-1944) : Les vitraux del’Eglise St-Jacques Lisieux. Etude descriptive.- Lisieux : A laRose de Lisieux, J. Monjour éditeur, 1928.- X-51 p.-[8] f. de pl. ; 23cm.

Saisie du texte : S. Pestel pour la collectionélectroniquede la Médiathèque André Malraux deLisieux (09.VI.2011)
Texte relu par : A. Guézou
Adresse : Médiathèque André Malraux,B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
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Orthographe etgraphie conservées.
Texte établi sur l'exemplairede la Médiathèque (BmLx : Norm br 1051). 


LESVITRAUX
DE l’ÉGLISE ST-JACQUES
LISIEUX.
ÉTUDE DESCRIPTIVE
par
M. Et. DEVILLE

DESSINS du Baron de MOIDREY

Les vitraux de St Jacques de Lisieux (couv.)

~* ~


INTRODUCTION
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Lisieux ! La douceur de cessyllabes voltige aujourd’hui sur desmilliers de lèvres pieuses, d’un hémisphère à l’autre hémisphère. Cenom retentit dans tout l’univers, alors qu’oublié depuis les tempslointains d’Arnoul, il était hier encore à peu près inconnu hors deFrance. Pour que le monde s’émût à l’entendre, il a suffi qu’une jeunefille, presque une enfant, vécût les brèves années de sa viecontemplative, et mourût, auréolée de sainteté, dans l’étroite enceintedu Carmel agenouillé au bord de l’Orbiquet. Devant la châsse de lapetite sainte Thérèse, comme en ces points du globe où, sans souci desfrontières, la croyance va s’affirmer et la souffrance chercher unremède, les foules se succèdent, sans cesse renouvelées, et les prièress’exhalent dans toutes les langues connues..... Puis, une foisaccomplis leurs gestes de foi, de reconnaissance et d’amour, lespèlerins s’en vont, parfois sans pénétrer plus avant dans la ville,satisfaits d’emporter la vision de la souriante Carmélite endormie danssa robe couleur de bure et indifférents à tout ce qui n’est pas l’objetde leur culte.

Et cependant, l’ancienne citéépiscopale mérite mieux que cetteindifférence de la plupart. Sans parler de ses curiosités profanes, labeauté de ses vieilles églises ne saurait manquer d’exciterl’admiration du touriste le moins averti.

Voici Saint-Pierre, la fièrecathédrale dont les hautes tours seprofilent sur ce ciel normand toujours un peu bas où courent lesnuages, poussés par la brise de mer. Magnifique spécimen de l’artgothique, art normand, art de l’Ile-de-France, elle a cette pureté destyle qui caractérise les grandes oeuvres : la forêt de ses piliers, lahauteur de sa nef, son merveilleux transept curieusement agrandi d’unbas côté, le choeur à la fois puissant et svelte, tout concourt ici àl’enchantement de l’oeil et de l’esprit. Et quel joyau que la chapellede la Vierge ! Bâtie par l’évêque Cauchon, qui choisit cette manière,au dire de certains chroniqueurs, d’expier le crime d’avoir contribué àla condamnation de la Pucelle, elle s’élève derrière le choeur, siharmonieuse dans ses proportions et ses détails, qu’elle semble leprolongement naturel de la cathédrale primitive.

On imagine sans peine lamagnificence des cérémonies pontificales dansun tel cadre, à l’époque où, entourés de leur nombreux chapitre,escortés d’hommes d’armes et de gens de justice, les comtes-évêques deLisieux y officiaient aux fêtes solennelles, et que la foule desfidèles courbait la tête sous leur double houlette de pasteur et desuzerain.

Saint-Jacques est moinsimposant que l’antique basilique. Plus jeunequ’elle de trois siècles, l’usure de sa robe de pierre lui donne unaspect plus vétuste. Et pourtant, elle a grand air, l’oeuvre deGuillemot de Samaison, le maître-maçon génial qui voulait être payé àla journée comme le plus humble des compagnons. Un haut et large perronà double escalier conduit vers son portail ogival aux voussuresétroites, surmonté par une tour trapue qui ne fut malheureusementjamais couronnée de sa flèche. Sur le bord de la toiture, court,élégante et presque intacte, une balustrade ajourée ; en grand nombre,pinacles et gargouilles égaient la masse de pierre qu’ils prolongent etallègent, tandis que les splendeurs du style flamboyant éclatent dansles fines nervures des hautes verrières.

A l’intérieur, une majestueusenef unie, sans transept qui la coupe, nidéambulatoire qui la longe. Elle est soutenue par des piliers aux fûtssimples et lisses, sur lesquels se lisent encore des fragmentsd’inscriptions funéraires. Saint-Jacques fut longtemps, en effet, unlieu de sépulture pour les notables de la ville : bâtie par eux, elleest restée l’église de prédilection des Lexoviens. Plus qu’à lacathédrale où se réunissaient, à l’appel de l’évêque, clergé et fidèlesdu diocèse tout entier, ils aimèrent toujours à venir prier dans sonenceinte, sous le regard paternel de « Monsieur saint Ursin », qui sutmanifester de si merveilleuse manière sa volonté de rester parmi eux.Aujourd’hui encore, ils semblent y retrouver, plus particulière etprécise, l’âme de la cité, et y sentir plus vivante la traditionreligieuse transmise par les ancêtres à travers les siècles révolus.

C’est d’elle, ou plutôt, de lapartie qui fait son orgueil et sonornement, que vont nous entretenir, l’un, par la plume, l’autre, par lecrayon, deux Lexoviens d’adoption ; ils ont voulu raconter, pour lajoie de tous, l’histoire de ces vitraux de Saint-Jacques, fruits d’unart dont tous les secrets ne sont pas retrouvés, et nous dire lasignification et l’origine de ces chefs-d’oeuvre que mutila stupidementà plusieurs reprises la fureur des iconoclastes. Amoureux de leurville, après en avoir étudié à fond toutes les belles choses, ils ontdécidé de les faire connaître, et mieux encore de les faire aimer. Etcomment n’y parviendraient-ils pas, puisqu’ils ont réussi à enrôlerparmi les admirateurs de toutes ces beautés, des gens venusd’outre-Loire, qui, comme moi, se faisaient de la Normandie une idéepar trop sommaire, et, de loin, ne voyaient en elle, à part quelquesexceptions cataloguées, que le vert pays des pommiers et des graspaturages ?

La monographie qu’ilsprésentent aujourd’hui au public, écrite d’uneplume alerte et joliment illustrée, ne peut que les aider à atteindreleur but. C’est grâce à des travaux de ce genre et de cette qualité,que les trésors d’art cachés dans nos provinces et encore trop malconnus, deviennent peu à peu l’apanage de tous, et que l’âme desancêtres, créateurs de ces trésors, nous apparaît dans toute sarichesse spirituelle. Il faut souhaiter qu’ils se multiplient. Ainsi,les traits du passé s’ajoutant à ceux du présent, par touchessuccessives et ligne après ligne, se reconstituera le portrait total, àl’expression complexe mais d’une beauté sans égale, que l’on pourraappeler justement le vrai visage de la France.
                        
Auguste AUZAS.


LES VITRAUX

de l’Eglise Saint-Jacques de Lisieux
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Construite à la fin du XVe siècle, par l’architecte Guillemot deSamaison, l’église Saint-Jacques de Lisieux reçut, dès le début du XVIesiècle, une décoration picturale sur verre d’un grand effet décoratif,à en juger par les notables parties qui restent et qui vont fairel’objet de cette étude.

Trois fenêtres du choeur ont conservé des fragments d’inscriptionsportant les dates de 1501 et 1502 ; dans le collatéral sud, un autrevitrail est daté de 1526. On peut donc supposer qu’au début du XVIesiècle l’église Saint-Jacques était entièrement pourvue d’une vitreriepeinte sur laquelle nous ne possédons aucun renseignement.

Quels étaient les sujets représentés sur ces verrières ?

Il est assez difficile de répondre à cette question, d’autant plus queles fragments encore en place ne comportent pas, à de rares exceptionsprès, de panneaux entiers.

En ce qui concerne la nef, je crois que les hautes fenêtres étaientremplies par des scènes de l’Apocalypse (1) intercalées de saintspersonnages en pied ou de simples grisailles entourées de bordures àrinceaux en camaïeu. Dans le choeur, on devait y voir des scènesempruntées à la vie du Christ et de la Vierge, de saints personnagesdebout se détachant sur des étoffes damassées comme cela se pratiquaitencore à la fin du XVe siècle. Quant aux collatéraux, leurs verrièrespouvaient avoir trait à la vie des saints patrons des chapelles, à lavie du Christ ou à la représentation de saints encadrés par des motifsd’architecture dont quelques-uns sont encore en place.

Les vitraux de Saint-Jacques furent la conséquence d’une idée biendéfinie ; un certain souci de recherche semble avoir présidé àl’élaboration de leurs cartons, empreints d’une certaine homogénéitédans le sens décoratif.

Suivant le précepte du Psalmiste, la louange divine a toujours guidél’artiste, témoin cette quantité d’anges musiciens qui exécutent unemerveilleuse symphonie dans les lobes des remplages.

Le souvenir des libéralités d’une famille qui fit beaucoup pour laconstruction et la décoration de l’église, la famille de La Reue,s’affirme par les roues d’or sur fond d’azur, armes parlantes de cettefamille, que l’on remarque partout dans les lobes des tympans. Enfinces étoiles, ces soleils qui flamboient sur des fonds de richescouleurs, donnent à l’ensemble un certain air mystique encore imprégnéd’un certain charme légendaire emprunté à l’art du moyen âge.

Une autre famille, dont le nom est intimement lié à l’histoire de laconstruction de l’église Saint-Jacques, la famille Le Valois, y alaissé aussi des traces nombreuses de ses libéralités. Un curieuxdocument (2) nous apprend que le vitrail au-dessus du grand portailpossédait autrefois une verrière peinte due à la munificence de JehanLe Valois, dont on voyait les armes timbrées sur cette verrière etainsi que l’apprenait une inscription « estant au bas du coste droictde lad. vitre » aujourd’hui disparue. De même, lisons-nous dans ce Devis, « les deux grandes vitresdes deux aisles de lad. église,proche l’entrée du coeur, portent encore les mesmes armes de Valois,tymbrées et blasonnées ». Enfin, il y avait « proche du coeur de lad.église, une chapelle nommée la chapelle Valois ou de Putot, fondée desainte Marguerite, scituee du costé de l’Evangille » où se trouvaient,dans le vitrail, les armes de cette famille.

J’ai relevé, dans deux fondations pieuses, la mention de vitraux dansles chapelles ; c’est à peu près tout ce que nous possédons sur cesujet. Dans un acte du 1er décembre 1518, fondation faite par Jehan deMannoury, chanoine de Lisieux, il est question de « la chapellepremière en laquelle il, et sesd. prédécesseurs, avaient dès longtempsprins siège et fait faire et construire les vitres et plusieursaugmentacions ».

Dans une autre fondation du 2 février 1555 (n. st.) faite par CatherineTrinité, veuve de maître Jehan Briart,  en son vivant avocat de «court laye », on cite la chapelle de la Trinité « aornée de victres etclostures, tant bas que hault » par ses prédécesseurs (3).

A la fin du XVIe siècle, les vitraux de Saint-Jacques avaient subi desdommages qu’il est impossible, quant à présent, de déterminer. Le 1erjanvier 1589, le trésorier Valet demandant qu’il soit fait visitationdu monument en vue des réparations à y faire, parle des vitres ;malheureusement le laconisme du texte ne permet pas de préciser lanature et l’importance de la ruine dont il parle (4).

Au XVIIe siècle, la mode du verre blanc prévalut. On sait avec quelfarouche empressement les chanoines d’alors proscrivirent les vitrauxpeints qui obscurcissaient les édifices et les empêchaient de lireleurs offices. L’église Saint-Jacques n’échappa malheureusement pas àce mauvais goût de l’époque du grand siècle. C’est sans doute à cemoment que furent descendus les panneaux qui remplissaient encore, vers1840, des paniers relégués dans les greniers de l’église et qui ontdisparu !

Le 30 décembre 1705, nous apprend un précieux mémorial (5), il s’élevaune tempête qui dura depuis cinq heures du matin jusques à onze et quicausa des pertes inestimables, notamment « les anciennes et bellesvitres » de Saint-Jacques qui furent cassées pour la plupart.

Après tant de vicissitudes qui furent si funestes à de si fragilesmonuments, il en subsiste encore de quoi satisfaire la curiosité desarchéologues et des artistes et pour nous faire regretter ladisparition d’une éblouissante parure qui répandait sur les vieillespierres des flots de lumière irisée, ajoutant une note céleste à cetasile de la prière et du recueillement.

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Les vitraux de Saint-Jacques de Lisieux appartiennent presque tous auXVIe siècle sauf quelques fragments paraissant remonter au XVe et quipourraient bien provenir de l’église ayant précédé celle que nousvoyons aujourd’hui.

La peinture sur verre, au XVIe siècle, est complètement détournée deson but religieux et cependant nous sommes au plus brillant moment del’apogée de cet art. Jamais les couleurs ne furent mieux comprises, niplus harmonieuses, ni plus éblouissantes, jamais le dessin ne fut plushabile. C’est la belle époque de la Renaissance, l’époque de AlbertDürer, Jean Cousin, Engérand Le Prince, Robert Pinaigrier, BernardPalissy, Robert Courtois, Jean et Nicolas Le Pot, pour ne citer que lesplus habiles. Et pourtant, il faut bien reconnaître que les verrièresdessinées et peintes par ces grands maîtres, n’ont plus le charme naïfdes vitraux légendaires du moyen âge, que ces éblouissantescompositions orneraient mieux les fenêtres d’un musée ou d’un palaisque celles d’une église.

Je n’étudie ici que les vitraux anciens de l’église Saint-Jacques. Lesverrières modernes n’ont aucun intérêt et leur technique même laissebeaucoup à désirer. Le peu ou le manque de cuisson ont en partie déjàeffacé cette imagerie, qui n’a de religieux que le nom et qui démontrel’ignorance de nos artistes en matière d’iconographie chrétienne. Lemoyen âge en était au contraire imprégné, saturé, et la légende coulaitde source claire et limpide. C’était le commentaire imagé de la SainteEcriture, le livre par excellence, où nos vieux maîtres savaient puiserpour instruire ceux qui ne savaient pas lire. Aujourd’hui, il n’y aplus d’illettrés, mais l’iconographie religieuse est devenue unevéritable science. Pour lire couramment un vitrail, il faut avoir faitdes études spéciales, alors que nos pères en comprenaient si facilementles allégories, mystérieuses pour nous.

L’étude des vitraux de Saint-Jacques pourrait être traitée d’unemanière logique, rationnelle, en suivant l’origine et le développementdes thèmes iconographiques ; conception très séduisante pour unarchéologue, mais combien peu pratique pour un profane. C’est pourquoije laisse de côté ce plan trop scientifique et abstrait, pour m’entenir uniquement aux divisions naturelles du monument, en décrivantsuccessivement les vitraux de la nef, ceux du choeur et des collatéraux.

Vitraux de la Nef

J’ai dit plus haut que les fenêtres de la nef étaient remplies par lareprésentation des visions de l’Apocalypse.Ce livre célèbre a étémis à contribution par les artistes, à commencer par les miniaturistesjusqu’aux peintres verriers, encore ces derniers se sont souventinspirés des naïves compositions de leurs devanciers.

Léopold Delisle et Pau Meyer, Firmin-Didot et Petit-Delchet, ont publiésur ce sujet des études très intéressantes (6) qui montrent combien letexte de saint Jean a été en faveur auprès des artistes.

Toute cette partie de la vitrerie semble bien avoir été l’oeuvre d’unmême peintre. Les fragments encore en place permettent desrapprochements ne laissant aucun doute sur ce point. La cinquièmefenêtre, encore entière, permet de se faire une idée de la richessedécorative de l’ensemble alors que toutes les verrières étaientcomplètes.

Je vais décrire successivement ces verrières, en commençant par le côténord, à gauche en entrant dans l’église, la première fenêtre près latribune de l’orgue.

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Première fenêtre (côté nord).– Fragments d’une grande composition,disposés sans symétrie. On y voit : un guerrier à cheval, très bellefigure, tenant une épée nue ; un peu plus loin, un autre cavalier donton perçoit une jambe et un pied de devant du cheval. Au-dessous, rested’un personnage brandissant une longue épée. Près du premier cavalier,une partie de serpent traitée en grisaille bleu pâle. Au-dessus, unange aux ailes bleues brandissant une épée à deux mains. Tout près,l’aile violette d’un autre ange tenant aussi une longue épée ;au-dessous du bras de cet ange apparaît une petite figurine engrisaille. Dans le lobe supérieur, un personnage, vêtu d’une robeviolette et d’un manteau rouge, debout dans une sorte de tribune àfigurines, tenant dans ses mains deux doubles longues trompettesrecourbées. A droite, un petit personnage jouant du serpent. A gauche,un angelot rose sur fond jaune.

Deuxième fenêtre. –Entièrement dépouillée de ses vitraux peints. Ondistingue, dans le remplage, des restes de bordures Renaissancetraitées en grisaille noire avec applications de jaune d’argent. Dansle haut, un blason portant deux bourdons d’or en sautoir flanqués dequatre coquilles du même, qu’on dit être les armoiries de la paroisse.

Troisième fenêtre. –Entièrement dépouillée de ses vitraux peints.Dans le remplage, fragments d’anges et un Dieu le Père, ayant faitpartie d’une scène de l’Apocalypse.

Quatrième fenêtre. –Egalement sans vitraux peints. A conservé dansle remplage des fragments de rinceaux d’or sur fond d’argent et formantbordure, ayant beaucoup de rapport avec celle indiquée à la deuxièmefenêtre. Dans le lobe supérieur, un lion rampant de sable sur fond d’or.

Cinquième fenêtre. –Placée juste au-dessus de la chaire, cettefenêtre est intacte et représente la cinquième vision de l’Apocalypse, plus connue sous lenom de « Grande Prostituée deBabylone » (Pl. I).Cette magnifique verrière a été décrite etinterprétée par l’architecte Piel, un enfant de Lisieux, mort en 1841au couvent des dominicains de Bosco (7) et, plus récemment, par notreconcitoyen, le commandant baron de Moidrey (8).

D’une lecture très difficile, à cause de sa grande hauteur et de lacomplication de son dessin, ce vitrail demande une description avantd’essayer à en expliquer les figures. Dans les lobes supérieurs duremplage, se voient de petits anges ; au centre, le Père éternel tenantd’une main le globe du monde, l’autre main levée d’un gested’étonnement. Au-dessous, un personnage, couronné et nimbé d’or, vêtud’un manteau de pourpre, tenant un sceptre d’or, est en selle sur uncheval blanc. Une épée longue et acérée semble lui sortir de la bouche.Derrière lui, quatre personnages, dont un à cheval. A droite, duelentre deux autres personnages, l’un brandissant une épée, l’autre unelance. Six colombes sortent des nuées.

Un groupe de personnes debout devant une femme assise sur une bête àsept têtes. Elle porte une robe de brocart d’or, serrée à la ceinturepar des orfrois garnis de pierreries. Sa poitrine est nue et descolliers d’or se détachent sur sa chair. Ses bras sont recouverts pardes manches bouffantes blanches à crevés verts, s’attachant aux épaulespar des cercles d’or. Elle tient élevée dans sa main droite, une coupeou hanap de proportions extraordinaires. Derrière elle, une villedétruite par un incendie dont les flammes surgissent de toutes parts.

Le sujet de cette composition allégorique est emprunté aux chapitresXVII, XVIII et XIX de l’Apocalypse,se rapportant à la Rome païenne,représentée sous le voile de la condamnation de la Grande Prostituée.L’application si évidente faite par les anciens écrivains grecs, lesPères et la critique moderne, de tout le chapitre XVII à la Rome deNéron, a complètement échappé aux commentateurs de manuscrits et auxxylographes. Voici à quelle exégèse ils se sont livrés : Per hæcseptem capita Dyabolus ducit homines ad peccatum et per septemprincipalia peccata. Et mulier vestita dicitur cocco. Coccus autemcolorem sanguinis habet et per sanguinem sæpe Mors designantur.Dyabolus itaque sanguineus est, quia auctor est mortis omnisqueperditionis. Quæ bestia plena nominibus blasphemiæ esse dicitur eo quodipse Dyabolus auctor sit omnium blasphemiarum. Ou encore : Inebriatiautem dicuntur, id est mente alienati propter nimiam delectationemmanifestæ et publicæ fornicationis ipsius. Quæ super aquas multassedere dicitur, quia ex multitudine gentium quæ per aquas designaturcivitas Dyaboli construitur. Cum qua reges terræ fornicati essedicuntur quia scelera Babylonis auderunt potius quam dextruxerunt vinumprostitutionis. Diversi errores, diversa errora sunt impiæ civitatis(9).

Bien que Rome ne soit nommée nulle part, c’est pourtant bien elle quiest en cause dans ces chapitres de saint Jean, et la glose que je viensde reproduire n’a d’autre but que de montrer jusqu’où peut allerl’imagination d’un commentateur.

Pour comprendre le sens de ce vitrail, il suffit de lire bienattentivement les trois chapitres indiqués plus haut, et le sujetreprésenté vous apparaîtra d’une manière très compréhensible. Quant àl’interprétation du texte sacré, ceci pourrait nous entraîner troploin, et d’ailleurs, les deux auteurs cités plus haut l’ontsuffisamment résumée.

Pour ma démonstration, au point de vue purement iconographique, je vaisrecourir à deux manuscrits de l’Apocalypse,l’un qui fit jadis partiede la « librairie » de Charles V, et qui se trouve aujourd’hui à laBibliothèque Nationale, n° 403 du fonds français (10) ; l’autre,conservé à Cambridge (11), dont les miniatures sont des oeuvres de toutpremier ordre (12) et dont les légendes, en français, ont déjà attirél’attention du savant Samuel Berger (13).

Les personnages à cheval qui se voient dans la partie supérieure duvitrail sont mentionnés au chapitre XIX de l’Apocalypse : « Je vis,dit l’apôtre, le ciel ouvert et il parut un cheval blanc et celui quiétait dessus s’appelait le fidèle et le véritable (14) ; il avait surla tête plusieurs diadèmes (15) et portait une robe teinte de sang (16); une épée tranchante des deux côtés sortait de sa bouche (17). Lesarmées célestes le suivaient (18) et les rois de la terre avec leursarmées étaient assemblés pour leur faire la guerre (19).

Le groupe principal, celui de la Grande Prostituée est indiqué par cetexte dont j’emprunte la traduction au ms. 403 cité plus haut : Venezje vous musterai la dampnation de cele grant bordelere qui siet surmeintes eves, ove ki li roi de terre unt fet leur fornication et ceuxqui habitent en terre se sunt enyveré du vin (20).

L’artiste du XVIe siècle n’a pas suivi exactement les miniaturistes.Dans le ms. 403, c’est une femme assise sur une montagne d’oùs’échappent des cours d’eau. Elle est vêtue d’une longue robe serrée àla ceinture, sur la tête, une écharpe tombant sur les épaules. Dans lems. de Cambridge, nous retrouvons la même scène différente en quelqueslégers détails, notamment le costume de la femme qui est plus orné. Levitrail de Saint-Jacques serre de plus près le texte sacré, la femmeassise sur la bête est bien, comme nous l’avons vu : afublée de purpreet aornée de or et de pierres précieuses et de gemmes et aveit en samain un hanap de or plein des abhominations et de l’ordure de safornication et aveit en sun frunt ceste signefiance : Babyloine lagrant, mere des fornicatiuns et des abhominations de terre (21).

Enfin la ville détruite, que les manuscrits nous montrent bouleverséeet sur les ruines de laquelle sont des diables, des aigles et un groupede personnages : Chaet est, chaetest Babyloine la grant, et est fetehabitatiuns de deables et gardein de chascun ord espirit et de chascunoisel ord (22).

Ces divers passages du texte de saint Jean ont donné lieu à descommentaires pour en expliquer le sens figuratif ; les auteurs que j’aicités les ont suffisamment exposés pour qu’il me soit inutiled’allonger outre mesure cette description.

Reste maintenant à déterminer l’auteur de ce vitrail. On a parlé deJean Cousin qui peignit, de 1534 à 1540, les verrières de LaFerté-Bernard. L’attribution n’est pas invraisemblable et une étudecomparative des deux oeuvres pourrait peut-être fournir quelquesindications ; jusqu’ici, cette comparaison n’a pas encore été faite. Cevitrail ne porte ni date, ni inscription, bien qu’un cartouche figuredans un des angles. Cette absence de signature est très regrettable etne permet que des hypothèses plus ou moins ingénieuses.

Sixième fenêtre. – Dansles lobes du remplage, quelques raresfragments, notamment un Père éternel tenant un livre et un globesurmonté d’une croix ; deux anges et un fond de tableau, dont le sujetprincipal manque, représentant une ville dont on distingue un grandmonument circulaire avec colonnade, des tours et des pylônes.

Septième fenêtre. – Côtédu midi, proche la tribune de l’orgue.Fragments informes d’anges dans le remplage. On distingue, avec peine,un personnage assis vêtu de rouge.

Huitième fenêtre. –Quelques fragments de bordures composées derinceaux et d’entrelacs, en grisaille noir et or. Dans la partiesupérieure du remplage : un soleil d’or sur lequel se détache uneétoile à quatre raies d’argent entourée d’une bordure.

Neuvième fenêtre. – Dansle remplage, un Père éternel bénissant etquelques anges, le tout traité dans le même style et les mêmes couleursque la cinquième fenêtre.

Dixième fenêtre. – N’arien conservé de ses anciens vitraux.

Onzième fenêtre. –Fragments informes dans le remplage ; on distinguepourtant quelques anges dont l’un joue de la harpe.

Douzième fenêtre. –Fragments informes dans quelques lobes duremplage.

Vitraux du Choeur

Les vitraux du choeur ont subi d’irréparables pertes, malgré cela ilssont beaucoup plus complets et plus riches de couleurs que ceux de lanef. Leur facture, toute différente, est empreinte d’un certainarchaïsme rappelant le souvenir de certains xylographes tels que l’Arsmoriendi, la Biblia pauperumou le Speculum humanæ salvationis.Les scènes de l’Apocalypse font place à d’autres sujets, touchant deplus près à la vie de Jésus-Christ, à mesure qu’on approche dusanctuaire.

Première fenêtre. –Entrée du choeur, à gauche, du côté de l’Evangile.Il manque deux panneaux à ce vitrail, de chaque côté de la partiecentrale. La scène représentée semble se rapporter au couronnement dela Vierge, ou plutôt à son Assomption, les deux groupes d’apôtres quise détachent de chaque côté semblent autoriser cette lecture. LaVierge, qui occupe la partie centrale, est debout dans une gloire,ayant le croissant sous ses pieds et une couronne de douze étoilesautour de la tête. Elle porte une robe rouge que recouvre un manteaudoublé de vert. Trois anges apportent des diadèmes, dont une trèsgrande couronne d’or. Cette représentation de la Vierge, avec de telsattributs, a encore sa source dans l’Apocalyse(23) ; cette figurereprésente selon la pensée de saint Augustin, l’ancienne Cité de Dieu,du milieu de laquelle est né, dans la plénitude des temps, le Sauveurdes hommes. Cette application à Marie de ce passage de l’Apocalypse apermis aux artistes de réaliser des oeuvres charmantes que l’artchrétien moderne ne connaît pas.

Bien que ne possédant qu’une partie de la scène représentée, il fauttout de suite écarter la pensée d’un couronnement de la Vierge et voirdans ce vitrail Marie dans la gloire au moment de son Assomption.Aucune espèce de document sur ce fait ne nous est fourni par l’histoireévangélique. La tradition et quelques rares commentateurs ont puinfluencer certains artistes, mais en général, ils s’en sont presquetoujours tenus à leur inspiration personnelle. Il y a pourtant sur cesujet une bien curieuse légende (24) dont on pourrait tirer quelqueprofit, que je me contente de signaler en passant. La présence desapôtres à l’Assomption n’est peut-être pas très historique, toutefoisl’Eglise n’a pas condamné cette adjonction. C’est ce qui explique laprésence de deux groupes d’apôtres sur ce vitrail, quatre à droite,cinq à gauche. Toutes les couleurs de l’arc-en-ciel se jouent dansleurs costumes composés de robes et de manteaux. Ceux du premier plansont à genoux, les autres sont debout. Les vingt-sept compartiments duremplage contiennent chacun un ange blanc aux ailes et cheveux d’or,les mains jointes ; des anges musiciens jouant de la cithare et dedivers instruments, trompette, orgue portatif, au milieu d’une pluied’étoiles et de couronnes.

Dans le bas du panneau central, sous le croissant de la Vierge, aumilieu d’un petit paysage vallonné où serpente un ruisseau, sontagenouillés deux donateurs : un homme et une femme (pl. II). La femmeporte une robe rouge très simple, légèrement décolletée, la têterecouverte du chaperon noir des dames nobles. L’homme est vêtu d’uneample robe de couleur violet foncé ; il a la tête nue et ses longscheveux retombent sur ses épaules.

L’inscription, qui se lit sur deux lignes au bas de la verrière, et quiaurait pu nous renseigner sur la personnalité des donateurs, estmalheureusement incomplète et le peu qui subsiste a subi destranspositions qui en rendent la lecture inintelligible. Elle est encaractères gothiques. La voici dans son état actuel :

Ci dessoubzgist    pour estreaccueilly    mil cinq cens
............... et ung    son âme etpour    .............................

Deuxième fenêtre. –Cette verrière, qui a subi quelquesrestaurations, est entière et offre un curieux spécimen de ces vitrauxà personnages, si fréquents à la fin du XVe siècle. Les cinqcompartiments sont remplis par des saints, en pied, représentant degauche à droite : saint Roch, un pèlerin à ses pieds et un ange donnantune pièce d’argent : un chien se dresse contre le saint lui offrant unpain qu’il tient dans sa gueule. Saint Martin, à cheval, coupant endeux un manteau vert : le panneau central de ce compartiment a étérefait. Le troisième, dans lequel on a voulu voir un saint Germain,représente en réalité saint Thomas de Cantorbéry, est de facturemoderne, mais bien composé et de bon style.

La présence d’un saint Thomas Becket s’explique fort bien, c’est lepatron du donateur, comme on le verra plus loin. Le culte de ce saint,martyrisé le 29 décembre 1170 et canonisé solennellement le 21 février1173 dans la cathédrale de Segni, en présence du sacré collège, par lepape Alexandre III, était en grand honneur à Lisieux (25). Plusieursmiracles dus à son intercession et se rapportant à la régionlexovienne, figurent dans le recueil de Guillaume de Cantorbéry. Lequatrième saint représente saint Jean l’évangéliste, vêtu en bleu avecun manteau rouge, reconnaissable, malgré son costume épiscopal, à sonattribut, l’aigle qui se voit à ses pieds. Le panneau central et lamitre ont été refaits. Le cinquième représente saint Guillaume et nonsaint Georges. Il porte un costume de chevalier, tient l’épée haute etun lion est couché à ses pieds. Tous ces personnages se détachent surdes fonds d’étoffes damassées vert, brun et bleu. Les pinacles sontrespectivement bleus et rouges. Dans les quatorze compartiments duremplage, se voient des soleils d’or sur fond d’azur, les armes bienconnues de Thomas de La Reue et celles de Guillemette Guédin, d’argentà une fasce d’azur accompagnée de six rocs d’échiquier de sable.

La partie inférieure de ce vitrail n’est pas la moins intéressante, aucontraire, car elle nous offre quatre portraits de donateurs, donttrois sont connus par l’inscription gothique qui se lit au-dessousd’eux. (Pl. IIIet IV.) Lepremier, à gauche du spectateur, représenteune jeune fille à genoux, tenant en mains un livre d’Heures ouvert.Elle porte une robe bleue et un chaperon noir. Le second nous montre leportrait de damoiselle Guillemette Guédin, dame de La Reue. Elle estvêtue d’une robe grenat, légèrement décolletée, et un chaperon noir.Elle est à genoux, son livre de prières ouvert devant elle sur unprie-Dieu. Le troisième, placé sous un arc surbaissé, est celui deThomas de La Reue. Il est à genoux, les mains jointes, devant unprie-Dieu recouvert d’une étoffe verte sur laquelle est posée une toquede fourrure. Il est vêtu d’une robe bleue avec parements d’hermine auxmanches et au col, laissant apercevoir un vêtement de dessous rouge.Cheveux longs tombant sur les épaules. Le quatrième est le portraitd’un homme âgé vêtu d’une robe grenat à parements de fourrure laissantapercevoir un vêtement vert de dessous. C’est le portrait de Me Jehande La Reue.

Le donateur de ce vitrail, Thomas de La Reue, est qualifié de seigneurde Lisores et de Norolles, conseiller en cour laie etlieutenant-général du bailli d’Evreux. Il épousa, vers 1470,Guillemette Guédin, qui figure ici, fille puînée de Laurent Guédin,écuyer, sieur de Franqueville, et se disant dame de Saint-Martin duManoir de son chef. Leur maison, à Lisieux, était celle aujourd’huihabitée par la famille Bouvier, 45, place Victor-Hugo, jadis desBoucheries. Celle de la famille Guédin était au 51 de la même place. Ontrouve encore aujourd’hui les armoiries de ces deux familles, sculptéessur bois, dans les deux immeubles susdits. Jehan de La Reue, habitaitle n° 47 ainsi que le prouvent les titres de propriété possédés par M.Bouvier.

Voici l’inscription qui se lit, sur deux lignes, en caractèresgothiques, au bas de ce vitrail :

En l’an mil Vc et ung noble homme Thomas de Le Reue et damoyselleGuillemete ║ Guédin sa femme ont donné cette vitre à maistre JehanDelareue ║

Troisième fenêtre. –Cette fenêtre est entièrement dépouillée de savitrerie peinte. Quelques fragments de bordures du XVIe siècleencadrant des monogrammes du Christ et une couronne sont les seulsrestes qui subsistent. Dans les lobes du remplage se voient des soleilsrayonnants inscrits dans des cercles bleus.

Quatrième fenêtre. –Divisée en cinq compartiments, dont deux sont enverre blanc, celui de droite et celui de gauche. Dans les autres, setrouvent trois têtes qui devaient faire partie de personnages en pied,dans le genre de ceux que nous venons de voir à la seconde fenêtre. Cesont, de gauche à droite, suivant le texte des inscriptions qui s’ylisent : Caïphe, le grand-prêtre, mitré comme un évêque ; Pilate,portant un chapeau à larges bords plats et godronnés et saint Pierre,facilement reconnaissable malgré sa coiffure rappelant celle desprélats sous le règne de Louis XII. Caïphe et Pilate ont leur nominscrit au-dessous de leur buste : Cayphas, Pillatus (26). Dans le hautdu panneau de gauche se lit, sur deux lignes en caractères gothiques,l’aveu de Judas tel qu’il est rapporté au chapitre XXVII verset 4, desaint Matthieu :
Peecavi, traehns sanguinem justum.

Dans le remplage, composé de dix-neuf compartiments et soufflets, plusdeux quadrilobes, sont placés symétriquement les insignes de saintJacques, le bourdon et les coquilles, et le monogramme du Christ. Dansla partie supérieure, restes d’une crucifixion dont on ne voit que lapartie inférieure de la croix et des jambes du Christ.

Cinquième fenêtre. –Moderne.

Sixième fenêtre. – Laverrière qui occupe le panneau central del’abside, bien qu’en grande partie restaurée et refaite, méritepourtant d’être remarquée. Elle représente la Crucifixion, au milieud’un grand concours de guerriers et de personnages. La grande tragédiedu Golgotha, le martyre d’un Dieu qui meurt pour que l’humanité vive, abien souvent inspiré les artistes. L’auteur anonyme de ce beau tableaua concentré tous ses efforts à traduire ce grand acte de l’humainesalvation. Sa composition est divisée en quatre travées, comportantseize tableaux ; les huit du bas sont modernes. A remarquer le soldatqui se dispose à frapper le Christ de sa lance, posant un doigt sur unde ses yeux pour mieux ajuster. Une légende dit qu’étant presqueaveugle, il porta la main sur ses yeux et que le sang et l’eau quijaillirent du côté ouvert de Jésus, tombant sur lui, guérirent les yeuxde son corps et de son âme. Tout près de lui, le centurion qui luiaussi avait été touché par la grâce, tient dans ses mains un phylactèreportant inscrit le témoignage rendu à la divinité du Christ après samort : Vere filius Dei erat iste.(Matth., XXVII, 54.)

Dans le remplage, divisé en neuf compartiments, se voient de curieuxbustes de personnages à cheveux et barbes très ondulés, bouclés etfrisés, tenant chacun un phylactère sur lequel se détache uneinscription gothique d’une lecture presque impossible. Tous les essaistentés pour le déchiffrement de ces inscriptions, n’ont pas donné derésultat satisfaisant. Les costumes et les coiffures accusent nettementle XVe siècle. Ces personnages sont certainement antérieurs au vitrailqu’ils dominent. Voici quelques notes iconographiques relatives à cespersonnages :

1° Personnage vêtu de vert, avec une calotte rouge, barbetirebouchonnée. Inscription : ...abit nos agnus.

2° Personnage rasé, coiffé d’un haut turban jaune et noir d’où pend uncouvre-nuque ; habit grenat avec large col blanc rabattu, sansornements. Inscription : ...pacificus...Deus.

3° Personnage vêtu en vert, costume festonné sur les épaules, trèschevelu et barbu, turban bleu. Inscription : Qui dilexit nos et...

4° Personnage barbu, habit violet, pèlerine jaune bordée de blanc,turban jaune, très rabattu sur les yeux, ceinture verte. Inscription :...te ...meus.

5° Homme barbu en robe jaune à manches rouges, une toque rouge trèsfoncée. Inscription : Esto... trahit me.

6° Personnage imberbe, coiffé comme au milieu du XVe siècle, calotrouge avec étoffe retombante, fond de l’habit blanc et vert avecpoignets jaunes.

7° Personnage portant un capuchon vert, robe blanche, moustachestombant très bas.

8° Personnage ressemblant à Raphaël, imberbe, longs cheveux, toquemarron, justaucorps chaudron galonné de jaune et poignets verts.Inscription : ...qui loco... natus est nobis.

9° Personnage vêtu de velours grenat avec béret très débordant de mêmecouleur, orné d’un large bandeau d’or guilloché, semble porter unecuirasse avec bourrelet et hausse-col or, manches jaunes. Inscription :Ego q... agnus ...q...

Cette partie du vitrail contraste étrangement avec la précédente, tantau point de vue du dessin que de la couleur. Son caractère, beaucoupplus archaïque, me la fait supposer comme plus ancienne.

Septième fenêtre (côté sud).– Moderne.

Huitième fenêtre. –Verrière entièrement dépouillée de son ancienneparure. Les lobes du remplage ont conservé quelques anges musiciensjouant de divers instruments : viole, rebec, cornemuse, orgue, etd’autres priant. Dans la partie supérieure du panneau central, un bustedu Christ, dont on ne voit que la partie extrême des épaules, assezcependant pour savoir qu’il portait une robe violette.

Neuvième fenêtre. –Divisée en cinq compartiments, dont trois sont enverre blanc. A conservé, à droite et à gauche, de notables restes d’unePentecôte.

A droite, il y avait cinq personnages. Au premier plan, un apôtreassis, cheveux en couronne, barbu : habit grenat, manteau bleu bordéd’un galon d’or, doublé de jaune, ceinture jaune, probablement saintPierre. Au deuxième plan, un apôtre assis, cheveux et barbe négligés :habit bleu pâle, ceinture or, manteau vert doublé de bleu, mainsouvertes en extase. Autre apôtre, tête juvénile, cheveux frisés, robemarron, galon or au cou, manteau jaune, mains jointes, on ne voit quele buste. Au troisième plan, une figure d’apôtre, de face, sans corps,et un autre apôtre en robe verte, mais dont la tête manque.

A gauche, il y a six personnages. Au premier plan, un apôtre à cheveuxet barbe longs, robe jaune pâle, manteau bleu pâle doublé de blanc,ceinture blanche à boucle ; il est assis, les pieds manquent, mains enextase. Devant lui, sur le même plan, un autre apôtre en robe verte,manteau violet doublé de bleu, ceinture jaune, barbe et cheveux longs,mains en extase. Au second plan, deux apôtres debout. Le premier,cheveux crépus et barbe longue, sans mains, robe verte et manteaurouge. Le second, mains croisées sur la poitrine, robe grenat foncé,manteau vert doublé de blanc, collet or, cheveux longs, barbe courte.Au troisième plan, deux personnages, la tête couverte de chapeaux gris,sur lesquels est une sorte de turban rouge. Barbes et cheveux longs. Onne voit pas la robe du premier. Celui du fond porte une robe bleu pâle,avec un galon d’or au collet.

De longs rayons lumineux se détachent sur un fond bleu et des languesde feu rouges se répandent de ces rayons sur les têtes des apôtres auxfigures expressives. Toute la scène centrale a disparu, mais il estfacile de se la représenter par la pensée, suivant le texte même del’Ecriture (27).

Dans le remplage, au milieu de longues langues de feu compartimentées,huit anges, quatre de chaque côté ; les uns jouent de la viole et de latrompette, les autres prient. Des deux blasons qui se voyaient jadisdans cette partie du vitrail, un seul subsiste, il porte de gueules àla fasce d’or cantonnée de trois roses d’argent, 2 et 1.

L’inscription qui se lit sur deux lignes, en bas de la verrière, estincomplète, voici ce qu’il en reste :

En l’an mil Vc  et deux ... grenetier ... d ... renier ont donnéceste verrière. Amen.

Les noms des donateurs manquent, mais les armoiries décrites plus hautet les pièces d’archives permettent de rétablir un des noms manquantsur cette vitre, c’est Jehan de Mauregard, que l’on trouve commegrenetier du grenier à sel de Lisieux en 1506, 1534 jusqu’en 1552. Dansles dernières années de sa vie, il cumulait cette fonction avec cellede bailli de la ville. Son nom figure, parmi ceux des trésoriers, dansle procès-verbal de la consécration de l’église Saint-Jacques, le 1erjuin 1540.

Dixième fenêtre. –Divisée en cinq compartiments remplis autrefoispar des personnages en pied, s’enlevant sur des fonds de draperies etabrités sous des dais à arcs surbaissés, décorés de clochetons et depinacles. Il ne reste que deux fragments, et encore je n’ose affirmerqu’ils appartiennent bien à ce vitrail. Le premier représente saintSiméon tenant l’enfant Jésus sur un linge ; le second montre un saintMartin partageant son manteau. (Voir reproduction à la fin de notretravail.) Ces deux fragments se détachent sur fond bleu.

Dans le remplage, au milieu, se voient les armes de la famille de LaReue, avec casque, cimier et lambrequins. Au-dessous, à droite, unautre blason parti, composé des armes de La Reue et du blason que j’aidécrit dans la deuxième fenêtre du côté de l’Evangile, c’est-à-direThomas de La Reue et Guillemette Guédin, sa femme. A gauche, ondistingue encore un bonnet carré à compartiments rouges et bleus avecgland d’or, posé sur un coussin vert entouré d’une couronne defeuillages. Les quatre motifs décoratifs de la première rangée sontainsi entourés de couronnes qui disparaissent dans les lobessupérieurs, semés de roses, de coquilles et de soleils aux émaux etmétaux des armoiries peintes sur cette verrière. Un troisièmecompartiment contenant un dessin de remplacement. Pas d’inscription.

Onzième fenêtre. –Autrefois remplie par de grands personnages,aujourd’hui totalement disparus, sauf les pointes des pinacles des daisqui les abritaient et au travers desquels on distingue encore lacouleur du fond, alternativement bleu et rouge. Les lobes du remplageont conservé leurs motifs décoratifs composés de soleils d’ors’enlevant sur fond d’azur, avec bordures de feuillages traitées aujaune d’argent.

Vitraux des Collatéraux

Vitraux du Collatéral Nord

Première fenêtre (àgauche en entrant par le grand portail). –Entièrement en verre blanc, sauf sept soleils rayonnants sur fond brun,dans les lobes du remplage.

Deuxième fenêtre. – Aconservé un fronton et quelques détailsd’architecture de la Renaissance ; un ange aux ailes rouges entre deuxornements grotesques. Dans les lobes du remplage, on voit, à gauche,sainte Catherine, mutilée, vêtue d’un corsage d’hermine à manchesrouges ; un grand manteau rose doublé de vert recouvre le vêtement ;près d’elle, la roue et le glaive, instruments de son martyre. Adroite, sainte Barbe portant une robe rouge avec une tunique violettebordée d’un galon à franges d’or et d’argent, ceinture dorée à glandsrouges. Près d’elle, bases de tours et de murailles fortifiées. Dans lapartie supérieure, une tête d’ange avec restes de vêtements rouges etgalon d’or et fragment d’un personnage vêtu de brun, les mainsétendues, la tête mutilée, entourée d’un nimbe vert.

Troisième fenêtre. – N’aconservé que des anges musiciens, dont l’unjoue du luth et deux autres de la viole ou rebec. Ces anges sont d’uneexécution assez grossière et en partie effacés. Un rosaire ou chapelet,dont on perçoit encore quelques grains, permet de supposer que cevitrail se rapportait à la Sainte Vierge.

Quatrième fenêtre. – Enverre blanc.

Cinquième fenêtre. –Dans le remplage, se voit un couronnement de laVierge. La Sainte Ecriture et la Légende ne décrivent pas lecouronnement de Marie, mais le laissent deviner. Grégoire de Tours,Sophronius, Métaphraste, saint Bernard, saint Jean Damascène, saintChrysostome et surtout saint Germain de Constantinople, la proclamenthonorée au-dessus de toutes les créatures, au-dessus des chérubins, desséraphins et de tous les choeurs des anges (28). L’imagination desartistes s’éveilla bien vite, et ils ne manquèrent pas d’appliquer àMarie ces versets du psalmiste : La Reine s’est assise à sa droite dansun vêtement d’or (29), ou encore : il a posé sur sa tête une couronnede pierres précieuses (30). Sur ce vitrail, Marie est assise, les mainsjointes ; de chaque côté : Dieu le Père et Dieu le Fils, ce dernier nu,simplement recouvert d’un manteau rouge et tenant le bois de la croix.La Vierge porte une robe rose que recouvre un manteau bleu. Elle estenvironnée d’anges, dont deux soutiennent, au-dessus de sa tête, unecouronne d’or ornée de pierres précieuses, coronam de lapidepretioso. Le Saint-Esprit, n’apparaît pas dans cette scène. Engénéral, c’est toujours le Fils seul qui couronne sa mère ; quelquefoisc’est le Père, rarement les trois personnes ensemble. Le plus souvent,le Père et le Fils soutiennent le diadème et le Saint-Esprit, sousforme de colombe, plane entre eux (31). Quelquefois encore, le cas estassez rare et mérite d’être signalé, les trois personnes divines, sousla forme humaine, procèdent au couronnement de Marie. J’en connais unexemple dans une très curieuse peinture circulaire, sur bois, conservéeau musée de Bâle. Les trois personnes divines, sous forme corporelle,sont assises sur un trône, abritées sous un même manteau et la Viergeest à genoux devant le Père. Cette peinture, que je crois devoirappartenir à l’école d’Avignon, présente tous les caractères du XVesiècle.

Des angelots et des cartouches complètent la décoration de ce vitrail.

Dans les cartouches, se lisent des inscriptions se rapportant à laVierge. Dans ceux de gauche on lit :

HAEC EST ARA DEI
CELI FENESTRA

Dans ceux de droite :

EXCELSA SUPER SYDERA
QUIES NOSTRA

Ces textes sont empruntés à la liturgie, notamment à un hymne du jourde l’Assomption, encore en usage dans le bréviaire cistercien.


Sixième fenêtre. –Verrière moderne dont le remplage a conservéquelques parties anciennes. A droite, sainte Marguerite yssant d’undragon vert et tenant dans ses mains un vase d’or surmonté d’une croix.Elle porte un costume jaune dont les extrémités des manches sontviolettes et un manteau rouge. La scène se détache sur fond bleu. Lalégende de sainte Marguerite, avec sa physionomie toute particulière,toute populaire, était en harmonie parfaite avec l’esprit et lestendances du moyen âge. La scène de la prison surtout, l’apparition dumonstre effroyable, la jeune fille engloutie d’un seul coup dans lagueule immense du dragon, mais, sans se troubler en face d’un pareildanger, faisant le signe de la croix ; cette croix, tout à coupmatérialisée, grandissant, déchirant les flancs du monstre et la jeunemartyre en sortant intacte et sans blessures, reste la scène la plustypique de la vie de la sainte. La littérature, la peinture et lasculpture l’ont reproduite à l’infini. Cette histoire venue del’Orient, fut bien vite répandue et, dès le Xe siècle, on la trouvedans Métaphraste. Mais ce qui contribua le plus à sa popularité, ce futla puissance qu’on attribuait à son intervention. Son nom, nous dit unmanuscrit du moyen âge, cité par les Bollandistes, était célèbre dansl’Eglise toute entière à cause de ses étonnants miracles, ob stupendamiracula. Elle était considérée comme la protectrice des femmes inlabore partu et c’est une des croyances les mieux établies dumoyenâge. Pour revenir à notre vitrail, voici le texte d’une vieillerédaction en prose évoquant la scène de la prison : « Elle pria nostreseignor quil eust merci de lui et que il li mostrat celui qui estoitses aversaires. Quant ele ot finies oraisons, uns dragons granz et rouseissi dun des angles de la chartre, qui avoit barbe ausint come flambeet ses dentz reluisoient ausint comme ors. Si oeil reflamboient come IIpierres precieuses et sa langue rouge comme sanc, et si sorcils blanccome argent. Et se leva enmi la chartre et commença à suibler. Et enchartre avoit grant clarté del feu qui li issoit parmi la bouche.Seinte Marine ot molt grant paor... » et elle pria Dieu de ladéfendrecontre ce dragon : « Le dragons laprist et la transgloti et li signede la croix devant et rompit quanque li dragons avoit el cors et liparti li ventre et la virge sen eissi quonques mal nout et li dragonsremest mort (32). »

L’iconographie de la sainte n’a guère retenu que cette scène ; c’estelle que l’on retrouve dans un grand nombre de manuscrits et jusque surle tableau de Raphaël que possède le musée du Louvre, si connu par lesgravures de Thomassin, Rousselet, Surrugue, Picard, Audran, Mariette,Marie Briot, Fiori et le baron Desnoyers.

A gauche, se voit une autre sainte, assise, vêtue d’une robe rose etd’un corsage jaune broché, le bras gauche appuyé sur une sphère.L’identification de ce personnage me paraît difficile à établir.Serait-ce sainte Avoye ? Nous savons qu’une chapelle de l’église étaitplacée sous son vocable. Ces deux sujets émergent de nuages et sedétachent sur fond bleu. Dans les lobes supérieurs, des anges tenantdes rebecs. Fond rouge et nuages. Dans deux petits cartouches, selisent les initiales P. I.

Septième fenêtre. –Moderne.

Huitième fenêtre. – Encommençant par les lobes du remplage, nousvoyons, en haut, se détachant sur un fond bleu, un Père éternel drapédans un manteau rouge, tenant le globe du monde et bénissant ; desanges musiciens, traités au blanc d’argent, avec des ailes rouges,jaunes et violettes. Ils sont au nombre de seize, dont neuf jouent desinstruments à cordes et un du basson ou ophicléide.

Au-dessous, quatre scènes (Pl. V) dont l’interprétation paraît, deprime abord, assez embarrassante. J’avais cru y voir des épisodes serapportant à la Purification, détaillée aux chapitres V et XII du Lévitique ; à l’Annonciation (Luc,I, 26, 35) et à la Nativité duChrist (Luc, II, 8, 13). M. le baron de Moidrey a lu ce vitrail d’unefaçon tout à fait différente, et pense que ces quatre scènes serapportent à la vie de saint Joachim, à celle de sainte Anne et à celledu grand prêtre Zacharie.

Saint Joachim et sainte Anne arrivent au Temple pour y faire leuroffrande. Ils en sortent tous les deux, leur don ayant été refusé parle Grand Prêtre Zacharie, à cause de leur stérilité.

Saint Joachim, muet, garde les troupeaux et cache sa honte àOuadi-ek-Kelt, près de Jéricho. Il y reçoit d’un ange l’annonce quesainte Anne sera bientôt mère. Le même messager apporte à sainte Annel’heureuse  nouvelle qui mettra fin à sa disgrâce (33).

L’archaïsme du dessin, l’éclat des couleurs, me font supposer que cespeintures sont plus anciennes que les autres. Elles pourraient êtreattribuées au XVe siècle et, peut-être, proviennent-elles des vitrauxde l’ancienne église ?

Au-dessous, deux fragments d’autres scènes, encadrées par une accoladeà crochets. On ne voit que les têtes des personnages. Le premierfragment de gauche, appartient à une Annonciation. L’ange est à gauchede la Vierge, on distingue l’extrémité de son sceptre terminé par unefleur épanouie. Une marmite de cuivre à couvercle est suspendue à lamuraille. Le fragment de droite appartient à une Visitation. Les deuxfigures sont fort belles, surtout celle d’Elisabeth, à droite,remarquable d’expression et le drapé de sa coiffure très élégant.Au-dessus de l’accolade de droite, un fragment d’ornement, étranger ausujet, a été rapporté.

Nous sommes ici dans la chapelle de Le Valois ou de Putot. Les armes decette famille, qui se voyaient jadis sur le vitrail, ne s’y trouventplus aujourd’hui. Elles se lisent encore, à demi effacées, sur lamuraille, à gauche. D’après un contrat de location de cette chapelle,cité par M. Puchot dans ses notes, sans indication de source ni dedate, le soin de la verrière était laissé aux locataires de cettechapelle. Ils étaient autorisés à remplacer les vitraux peints par duverre blanc. C’est ainsi que l’église Saint-Jacques fut dépouillée desa riche parure de peinture sur verre.

Neuvième fenêtre. – Dansla partie supérieure du remplage, l’oeilexercé peut apercevoir une minuscule Ascension. Le Christ s’élève surun fond rayonnant ; la partie supérieure de sa personne est cachée parun nuage. Il porte une robe verte et ses pieds nus ont laissé leurempreinte sur le sol.

Dixième fenêtre. – Dansles lobes du remplage se voient encorequelques restes d’une Pentecôte. L’attitude de deux personnages, lesmains jointes, le regard dirigé vers un point central, la présence delangues de feu se détachant sur un fond bleu, ne laissent aucun doutesur ce point. Le bas de ce vitrail a conservé trois curieuses figuresencadrées par des motifs d’architectures de la fin du XVe siècle et dela Renaissance (Pl. VI.)L’encadrement du milieu comprend deuxpilastres de la renaissance italienne ; les autres, de chaque côté,sont carrés à moulures prismatiques et décorés de pampres de vigne avecraisins. Les sujets représentés sont, de gauche à droite : saintJacques, portant la barbe et les cheveux frisés, ces derniers tombantsur ses épaules. Il est coiffé d’un large chapeau ou chaperon velu surle devant duquel une coquille est fixée. Son vêtement se compose d’unerobe gris bleu, recouverte d’un manteau lie de vin ; un nimbe rougeavec double cercle d’or entoure sa tête et il tient de la main gauchele bourdon de pèlerin. Ensuite, on voit un autre personnage quebeaucoup de personnes prennent pour le Christ ; il est vêtu d’une robeviolette que recouvre un manteau rouge doublé de vert ; un nimbe vertcerclé d’argent entoure sa tête et, de sa main gauche, semble tenir unecroix de couleur jaune, ce qui indique saint Jean-Baptiste et non leChrist. La dernière figure, une sainte abbesse, est beaucoup plusénigmatique, bien que son nom soit inscrit en lettres fleuriesblanches, se détachant sur le rouge vif du nimbe. Elle porte une robeviolette, une guimpe blanche et un voile gris brun et tient, de sa maingauche, une superbe crosse abbatiale dont la volute est ornée d’unfleuron épanoui. L’inscription porte le nom d’Ansberte ; il s’agit desainte Austreberte, vierge et première abbesse du monastère de Pavilly,fondé par saint Philibert, abbé de Jumièges. Originaire du territoirede Thérouanne, vers 630, fille de Badefroi, un des premiers officiersdu roi Dagobert, elle mourut à Pavilly, le 10 février 703. C’est à cejour que le Martyrologe romain en fait mémoire (34).

Onzième fenêtre. - Bienque restauré, ce vitrail a conservé denotables parties anciennes qui se reconnaissent facilement. Il comprendtrois personnages en pied, se détachant sur des fonds d’étoffesdamassées brun, bleu et mauve. On y voit, de gauche à droite : saintPaul, vêtu d’une robe rouge à galon d’or recouverte d’un manteau bleudoublé de vert. Il tient, de la main gauche, le livre de ses Epîtres,relié en rouge avec fermoirs et tranches dorés et, de la main droite,s’appuie sur une longue épée. Un nimbe cendré entoure sa tête.

Le personnage du milieu est peut-être plus difficile à identifier, maisje crois qu’il représente saint Jean l’Evangéliste. Il porte une robedorée brochée noir et une ceinture grise avec un manteau vert brochédoublé de couleur lie de vin. De sa main droite, il s’appuie sur unbâton et de sa gauche, il tient un livre fermé, le livre de sonEvangile, relié en rouge avec tranches dorées. Un nimbe brun entoure satête.

Le dernier personnage, à droite, représente saint Pierre, facilementreconnaissable aux clefs qu’il tient, de la main gauche. La robe, decouleur bleue, est bordée en bas d’un large galon rouge avec fleuronset filets or. Un ample manteau rouge doublé de vert s’agrafe sur sonépaule droite. Il tient dans sa main droite un livre fermé, relié enrouge comme les précédents ; un nimbe vert entoure sa tête. Ces troispersonnages ont les pieds nus, particularité s’appliquant spécialementaux apôtres.

Dans le remplage, en grande partie refait, un Saint-Esprit se détachesur un fond lumineux et deux anges tiennent des phylactères surlesquels ont lit : S. Petrus - S.Paulus.

A remarquer, dans le bas de ce vitrail, aux pieds du personnagecentral, un ecclésiastique à genoux, vêtu d’une robe rouge et d’unsurplis à larges manches (Pl. II). Peut-être sommes-nous ici dans lachapelle première, dont j’ai parlé au début de cette étude, et, dans cecas, le donateur représenté ici serait Jehan de Mannoury, à genoux auxpieds de son saint patron, saint Jean.

Noble, vénérable et discrète personne, Jehan de Mannoury, chanoineprébendé de Lisieux, est qualifié de protonotaire du Saint-Siègeapostolique en 1510, 1518, 1524 et 1543 ; prieur commendataire deSaint-Cyr de Friardel (35) et prébendé de la prébende Paynel, en 1524.

Les actes du tabellionage de Lisieux (36) nous le montrent passant unaccord, en 1510, avec un prêtre, Robert Flambart, au sujet d’une maisonde la rue de la Chaussée. Le 1er décembre 1518, il fait une fondationpieuse en l’église Saint-Jacques et assigne à cet objet une rente detrente livres sur plusieurs maisons de la rue du Bailli. Le 20 avril1524, il s’oblige, avec Richard Lefèvre, avocat de cour laie, en lafaisance d’une rente de douze livres au Chapitre de la cathédrale.Enfin, le 18 avril 1543, il fait fondation pieuse en la cathédrale deLisieux, aux termes de laquelle les chanoines devaient dire et chanter,à genoux, à son intention, le Stabat et plusieurs autres prières lejour du  Vendredi-Saint. Il avait donné à cet effet trente livrestournois.

Douzième fenêtre. –Moderne.

Vitraux du Collatéral sud

Première fenêtre (àdroite en entrant par le grand portail). – Enverre blanc.

Deuxième fenêtre. – Cebeau vitrail, habilement restauré, représenteune légende empruntée aux miracles de Saint-Jacques-de-Compostelle(37). Pour avoir l’explication de cette légende, quelque peuénigmatique, il suffit de recourir aux Acta sanctorum (38) où l’on entrouve deux versions attribuées au chroniqueur italien Luc de Marineset au moine cistercien César d’Hersterbach (39). Voici la substance deces deux récits :

Un homme profondément religieux s’étant mis en route avec sa femme etson fils (40), adolescent d’une grande vertu, pour se rendre àSaint-Jacques-de-Compostelle, arriva à Toulouse (41) où la fatiguel’obligea à se reposer dans une hôtellerie dont le maître avait unefille de l’âge du jeune homme. A sa vue, le coeur de cette filles’enflamme. Elle essaie en vain de lui faire partager ses sentimentscoupables. Alors l’amour fait place à la haine et à la vengeance.Profitant du moment où le vertueux pèlerin est plongé dans le sommeil,elle glisse dans son sac la coupe d’argent de l’hôtelier et, à l’heuredu départ, elle l’accuse de l’avoir volée. Le magistrat est informé, ilenvoie à la poursuite des voyageurs ; la coupe est retrouvée et lejeune homme condamné à être pendu. Accablés de douleur, les malheureuxparents reprennent le chemin de Compostelle. A leur retour, ilsveulent, une dernière fois, contempler les restes inanimés de leurenfant demeuré suspendu au gibet. Baignée de larmes, la pauvre femme seprécipite avec désespoir ; mais soudain la voix de son fils se faitentendre : « O ma mère, ne pleure pas, je suis vivant ! La sainteVierge et saint Jacques me soutiennent et me conservent sain et sauf.Allez trouver le juge qui m’a condamné injustement ; dites-lui que moninnocence m’a conservé la vie et qu’il se hâte de me rendre à laliberté et à votre tendresse. » Les larmes de la mère se changèrent enlarmes de joie. Elle est dans la maison du juge au moment où deuxpoulets retirés du foyer allaient être servis sur la table. Il croitque la douleur égare cette femme. « Bonne mère, lui répondit-il, vousrêvez. Votre enfant est vivant comme ces deux volailles. » Il parlaitencore quand les poulets s’agitent, et l’un d’eux se mit à chanter.Stupéfait le juge suit les parents, convoque les habitants et, lemiracle constaté, fait détacher le jeune homme qu’il rend à son père età sa mère.

Jacques de Voragine et Vincent de Beauvais reprirent à leur tour cettelégende, d’après un prétendu texte du pape Callixte II. Voicil’interprétation qu’ils en ont donnée, l’un dans la Légende dorée(42), l’autre dans le Miroirhistorial (43) :

Un homme allant avec son fils à Saint-Jacques, vers l’an du Seigneur1090, s’arrêta pour loger, à Toulouse, chez un hôte qui l’enivra etcacha une coupe d’argent dans sa malle. Quand ils furent partis, lelendemain, l’hôte les poursuivit comme des voleurs et leur reprochad’avoir dérobé sa coupe d’argent. Comme ils lui disaient qu’il les fîtpunir s’il pouvait trouver la coupe sur eux, on ouvrit la malle et ontrouva l’objet. On les traîna de suite chez le juge. Il y eut unjugement qui prononçait que tout leur avoir fût adjugé à l’hôte, et quel’un des deux serait pendu. Mais comme le père voulait mourir à laplace du fils et le fils à la place du père, le fils fut pendu et lepère continua, tout chagrin, sa route sur Saint-Jacques. Or, vingt-sixjours après, il revint, s’arrêta auprès du corps de son fils poussantdes cris lamentables. Soudain, voici que le fils attaché à la potencese mit à le consoler en disant : « Très doux père, ne pleure pas, carje n’ai jamais été si bien ; jusqu’à ce jour, saint Jacques m’asustenté, et il me restaure d’une façon céleste. » En entendant cela,le père courut à la ville, le peuple vint, détacha de la potence lefils du pèlerin, qui était sain et sauf, et pendit l’hôte.

Comme on le voit, il y a de notables divergences entre les deux récits,et le mobile de l’accusation est, d’un côté, une vengeance de femme, del’autre, l’avarice seule.

La littérature populaire a traduit, elle aussi, cette légende, ens’inspirant du texte de Luc de Marines, rapporté dans les Actasanctorum. Dans un recueil imprimé à Troyes, au XVIIIe siècle,noustrouvons, sous le titre de « la chanson du pèlerin de Saint-Jacques »la pièce suivante, racontant le miracle :

            Troispellerins faisant séjour,
            Une fille prial’un d’amour.
            La refusant,en sa besace,
            De nuict ellemist une tace.

            Par le moyende la rusée,
            Sur luy latace fut trouvée.
            Soudain auprévost fut mené,
            D’estre pendu,fust condempné.
            Ses père etmère s’en allèrent,
            En retournant,vif, le trouvèrent,
            Au chant ducoq rosti.

            Lors,l’innocent fust despendu
            Sain et joyeuxleur fust rendu.
            La paillardefust condempnée
            D’estre par lefeu terminée.

Le vitrail de Saint-Jacques de Lisieux, visiblement inspiré par lapremière version, la plus pittoresque et la plus agrémentée de détails,doit être lu en commençant par le registre supérieur, en haut et àgauche (Pl. VII).

I. – Pendant le sommeil despèlerins, une jeune fille cache un objetprécieux dans un sac de voyage. – Le père, la mère et l’enfantsontcouchés dans un grand lit à pentes brodées, à rideaux verts etcouverture rouge. A la tête du lit, une statuette de la Vierge. Sur unetablette, un vase et un chandelier.

II. – Arrestation de l’adolescent.– La jeune fille à cheval, conduitet commande les gardes. La scène se déroule dans un joli paysage. Al’horizon, une maisonnette et des tours en ruine.

III. – Pendaison de l’accusé.– La jeune fille, richement habilléed’une robe multicolore, désigne du doigt, avec satisfaction, lesupplicié aux juges et aux autres spectateurs. Le bourreau, en chemise,les manches retroussées, a un pantalon collant mi-partie jaune et blancavec haut-de-chausse à crevés. Il pousse du pied la jeune victime. Unmagistrat, vêtu d’un manteau rouge, tient le bâton de commandement.

IV. – Retour des parents. –Le père et la mère retrouvent leurenfant, toujours suspendu au gibet, mais soutenu par saint Jacques.

V. – Ils supplient le juge de ledélivrer. – Celui-ci est à tableavec plusieurs convives ; le coq chante debout devant lui.

VI. – L’enfant est rendu à sesparents. – A remarquer, au bas de cepanneau, au-dessus d’un château servant de fond au paysage, le supplicede la dénonciatrice ; un homme portant une longue perche attise le feudans lequel est plongée la véritable coupable. Les deux personnagessont traités en grisaille, l’un sur fond bleu, l’autre sur fond rouge.

Au bas de la composition se déroule le cortège de la charité deSaint-Jacques, donatrice du vitrail en 1526 (Pl. VIII). On y voitvingt-quatre personnages, dont huit chapelains, un clerc et leporte-bannière. Les chapelains portent le surplis et les frères sontvêtus de longues robes de couleur jaune, grise, bleue et rouge ; ilstiennent des torches ardentes et, sur l’épaule droite, arborent lechaperon de la confrérie (44).

Dans les lobes du tympan, deux autres scènes empruntées au texte dejacques de Voragine et représentant : un homme à cheval avec unadolescent en croupe, transportant un cadavre dans son linceul.

Trente hommes de Lorraine, au témoignage de Hubert de Besançon,allèrent vers l’an 1080 à Saint-Jacques de Compostelle et se donnèrentl’un à l’autre, un seul excepté, la promesse de s’entr’aider. Or l’und’eux étant tombé malade, ses compagnons l’attendirent pendant quinzejours, puis tous l’abandonnèrent à l’exception de celui-là seul qui nes’était pas engagé. Il le garda, au pied du Mont Saint-Michel, et surle soir, le malade mourut. Or, le survivant eut une grande peuroccasionnée par la solitude de l’endroit, par la présence du cadavre,par la nuit qui menaçait d’être noire. A l’instant saint Jacques luiapparut sous la forme d’un chevalier et le consola en disant : «Donne-moi ce mort, et toi, monte derrière moi sur le cheval. » Ce futainsi que cette nuit là, avant la lueur du soleil, ils firent quinzejournées de chemin et arrivèrent à Montjoie qui n’est qu’à unedemi-lieue de Saint-Jacques. Là, le saint les mit à terre et commandade convoquer les chanoines de Saint-Jacques pour ensevelir le pèlerinqui était mort, et de dire à ses compagnons que, pour avoir manqué àleur promesse, leur pèlerinage ne vaudrait rien. Le pèlerin accomplitces ordres et ses compagnons furent très saisis par le chemin qu’ilavait fait et par les paroles qu’il leur rapporta avoir été dites parsaint Jacques.

La seconde scène représente deux fugitifs traversant un pont quis’écroule derrière eux et barre le passage à ceux qui les poursuivent.Là encore, c’est une réminiscence de la Légende dorée dans laquelleon voit une tour s’abaisser pour laisser le passage à un prisonnier.Ces deux dernières scènes appartiennent en effet au cycle légendaire desaint Jacques de Compostelle (45), mais n’ont aucun lien de parentéavec la légende principale qui occupe les grands panneaux de laverrière.

Si nous en croyons le témoignage de l’historien italien Luc de Marines,rapporté par les Bollandistes (46), cette légende aurait été peintedans toutes les églises et chapelles dédiées à saint Jacques (47). Quoiqu’il en soit, cette représentation, sur des vitraux est aujourd’huiassez rare. J’en connais six, appartenant tous aux XVIe siècle, sanscompter une peinture de Pisanello, citée par Vasari (48), qui auraitété exécutée dans la jeunesse de l’artiste, dans l’ancienne église delTempio à Florence (49).

Le premier vitrail portant une date est celui de Saint-Jacques deLisieux ; le second, de 1554, se voit dans l’église de Triel (50) ; letroisième, dans l’église Saint-Vincent de Rouen (51) ; le quatrième,dans l’église de Châtillon-sur-Seine (Côte-d’Or) (52) ; le cinquième,dans l’église de Courville (Eure-et-Loir) (53) et le sixième, provenantde l’église de Villiers (Loir-et-Cher), est aujourd’hui conservé aumusée de Vendôme (54).

Une étude comparative de ces vitraux démontre qu’aucun ne contient lalégende en entier, mais qu’ils peuvent néanmoins se compléter l’un parl’autre. En prenant comme point de départ ceux de Châtillon-sur-Seineet de Triel, qui contiennent le thème iconographique dans son intégritéprimitive :

I. –  Comment le père et lamère de l’enfant partirent pour allerà Saint-Jacques et demandèrent à loger à l’hôte. Cette scène nesetrouve que sur le vitrail de Châtillon-sur-Seine.

II. – Comment la chambrière mit latasse dans la mallette del’enfant. A peu de variantes près, cet épisode est représentésur lessix verrières. Dans une vaste chambre, plus ou moins luxueusementaménagée, les trois pèlerins sont couchés dans le même lit. Tantôt, lepère est au milieu, comme à Lisieux et à Vendôme (55) ; tantôt c’est lamère, comme à Triel. A Châtillon-sur-Seine, au contraire, le jeunehomme est couché dans un lit, seul ; le père et la mère reposent dansun second lit et les deux scènes sont séparées par une grande cuisine,toute garnie d’accessoires, où se tient la chambrière, les manchesrelevées plus haut que le coude, les pieds nus. Le vitrail de Trieloffre cependant une particularité qui donne l’explication de l’actionde la jeune femme, c’est qu’on voit, au dernier plan, cette même femmecherchant à faire violence au jeune pèlerin, lequel s’arrache de sesmains et refuse de consentir à ses désirs. On voit que c’est l’histoirede Joseph, de la femme de Putiphar et de la coupe cachée dans le sac deBenjamin que le légendaire du moyen âge a imitée. Pur qu’il n’y aitaucun doute sur le sujet, le peintre verrier a tracé cette inscriptionau-dessous du tableau :

        Coment la chabriere, par nuyt,ainsy que
        Les pelerins dormoient, mist unetace
        D’argent en la malette du filz,car il
        N’avoit pas voulu faire savolunté.

On se rappelle que dans la Légendedorée, c’est la cupidité seule quipousse l’aubergiste à la calomnie, et que cet aubergiste exécute sonaction après avoir enivré les pèlerins, tandis que dans le vitrailfrançais, c’est une vengeance de femme et de femme dédaignée.

III. – Le départ des pèlerins.Cette scène n’est représentée que surle vitrail de Courville. Elle se passe en pleine campagne, dans unpaysage riant et enchanteur.

IV. – Arrestation de l’adolescent.Les verrières de Courville, deLisieux et de Triel nous y font assister. Elle est faite par des gardesarmés et le riche costume de la jeune fille qui y préside, montre bienqu’il ne s’agit pas là d’une simple chambrière, mais d’une personne dequalité.

V. – Pendaison de l’accusé.Nous trouvons ce supplice représenté surles vitraux de Lisieux et de Triel.

VI. – Comment le père et la mèretrouvèrent l’enfant pendu à laJustice. Le retour des parents retrouvant leur fils encorevivant augibet, est rendu avec beaucoup d’expression sur les vitraux deChâtillon-sur-Seine et de Lisieux ; sur ce dernier, on voit nettementsaint Jacques soutenant de ses deux mains l’enfant, au grand étonnementdes parents en présence d’un pareil prodige.

VII. – Comment miraculeusement lecoq chanta. Ici encore unedivergence est à noter : les poulets rôtissent à la broche, dans lagrande cheminée de la cuisine et, tout à coup, s’en détachent etreprennent leurs plumes comme on le voit sur les vitraux deChâtillon-sur-Seine (56), de Triel (57) et de Rouen (58). A Lisieux, aucontraire, le poulet est déjà servi sur la table du juge assis avec denombreux invités. Les parents sont à genoux devant la table surlaquelle, dans un plat, le coq chante à la grande stupéfaction del’assistance (59). Luc de Marines ajoute naïvement à la fin de sonrécit, que le coq et la poule furent transportés à l’église voisineavec une grande pompe. Ils y vécurent sept ans. Après la mort de cesvolatiles, le grand nombre d’étrangers qui passaient par la ville nemanquaient jamais de se rendre dans cette église d’où ils emportaientquelques plumes, lesquelles ne vinrent jamais à manquer (60) !

VIII. – Comment l’enfant futmiraculeusement dépendu. Cette dernièrescène, qui termine la légende, se trouve à Châtillon et à Lisieux,représentée à peu près d’une manière identique.

Le vitrail de Saint-Jacques de Lisieux est d’une luminosité un peuexcessive qu’accentue encore son emplacement en plein midi. Lescostumes des personnages, sans être d’une grande richesse de drapé etde couleurs, sont néanmoins traités avec une certaine maîtrise, lerouge et le bleu y dominent. Ils rappellent ceux de la belle époque deFrançois Ier. Les figures sont, en général, très expressives, surtoutcelles des femmes. Une certaine recherche dans les accessoires et legroupement des personnages, témoigne de l’habileté et de la consciencede l’artiste anonyme qui exécuta cette peinture. La richesse descouleurs qui flamboient au soleil ne lui fait rien perdre de soncaractère ; les scènes se détachent fort bien sur la grande lumière etla disposition de l’ensemble demeure toujours très compréhensible.

Dans le bas, à gauche, une inscription dans un cartouche nous apprendque ce vitrail a été restauré en 1859 (61) ; voici cette inscription(Pl. VIII) :

        Cette vitre a été faite
        aux dépens de la charité
        de cette paroisse en l’an
        M Vcc XXVI ainsi qu’on
        peut linduire du débris-ci
        contre conservé avec soin dans la
        restauration faite en M VIIIc CIX.

Troisième fenêtre. – Nepossède plus, dans son remplage, qu’un angepriant, traité en rouge, et un fragment informe sur fond rose.

Quatrième fenêtre. –Dans le remplage, on trouve : à gauche, lemartyre de saint Sébastien (62). Le corps du glorieux soldat est mutilé: il n’en subsiste que la partie inférieure, le reste a été remplacépar un morceau de verre jaune. Deux archers, celui de droite bande sonarc, celui de gauche vise le saint dont le corps est attaché à unarbre, un flèche dans sa jambe droite, une autre à terre. L’un desarchers porte une culotte bleue, l’autre une culotte rouge ; l’un estla tête nue, l’autre porte une sorte de bonnet jaune à carreaux.

A droite, sainte Barbe, debout, vêtue d’une robe bleue et manteau rose.Elle tient une palme de sa main droite et de sa gauche, soutient unlivre ouvert ; un nimbe rouge entoure sa tête. Près d’elle, une tour,dont il manque une partie, se détache sur un fond de paysage. Dans lesdeux plus petits lobes, deux anges priant, traités en rouge sur fondbleu.

Cinquième fenêtre. –Dans le lobe central du remplage se voit unetrès curieuse crucifixion traitée en grisaille. Le Christ est attaché àla croix par trois clous. Ciel nuageux avec rayons de feu se détachantdes nuages. Au-dessus des bras de la croix, le soleil et la lune. Dansle bas du sujet, une vue de Jérusalem, représentée par des monuments,des pylônes, une tour tordue et, à gauche, une gigantesque constructioncirculaire à plusieurs étages, rappelant la tour de Babel ainsi qu’onla représente ordinairement. Dans deux petits lobes, deux roues d’orsur fond d’azur, armes parlantes de la famille de La Reue, donatriceprobable du vitrail.

Sixième fenêtre. –Verrière moderne, ayant conservé dans son remplagequelques parties anciennes. En haut, l’annonce de la Nativité auxbergers (63), dont deux sont debout regardant avec étonnement lecéleste messager ; un troisième, assis, sommeille. L’ange de la partiesupérieure est moderne. Au-dessous, la nativité de l’Enfant-Dieu, nu etcouché dans la crèche. Trois anges adorateurs au fond ; sur le devant,l’âne et le boeuf au repos. De chaque côté, la Vierge et saint Joseph,tenant dans sa main gauche une chandelle allumée dont il protège laflamme, avec la main droite et son manteau, contre le vent qui soulèveen arrière les plis de ses vêtements, accompagnés d’anges apportant desprésents sur de riches plateaux. La facture de ce vitrail, quelque peunégligée, trahit une époque de décadence.

Septième fenêtre. –Moderne.

Huitième fenêtre. – Lafenêtre est remplie par une verrière moderne,mais le remplage a gardé une page ancienne d’une belle allure et d’uncaractère très original : un jugement dernier. En bas, les mortssortent de leurs tombeaux au son de la trompette des anges. Tous sontnus, les mains jointes, jusqu’à un cardinal ne portant que son grandchapeau à cordelières ; un autre a la tête couverte d’une calotteecclésiastique. Deux personnages assis, d’un aspect majestueux, quipourraient bien être Moïse et Elie, tiennent de longues banderollespliées sur leurs genoux. Quatre anges portent les glorieux instrumentsde la Passion ; quatre autres, sur les côtés, sonnent de la trompettevers les quatre points cardinaux. Au-dessus, saint Joseph et la Vierge,le premier, moderne. Plus haut, le soleil et la lune éclairent, d’uneteinte blafarde, la redoutable scène. Enfin, au sommet du vitrail, leChrist en majesté, mais de facture récente. Malgré ses retouches,malgré surtout le voisinage de l’affreuse imagerie qu’elle surmonte,cette scène du jugement dernier est tout à fait remarquable.

Neuvième fenêtre. – Cevitrail, qui devait se rapporter à la vie desaint Jean-Baptiste, n’offre plus aujourd’hui que deux scènes relativesà la vie du Précurseur. Au milieu, on a inscrit un délicieux portementde croix exécuté en grisaille sur fond d’or, d’une facture toutedifférente du reste du vitrail. Les deux scènes de la vie de saint Jeanse trouvent dans les lobes du tympan. A gauche, le baptême du Christ(64) nu, debout dans les eaux du Jourdain, la main droite sur sapoitrine. Sur sa tête, le Saint-Esprit, sous la forme d’une colombe, sedétache sur un nimbe non crucifère. A gauche du Christ, le Précurseur,simplement vêtu d’une tunique jaune serrée à la taille par une corde,tient de sa main droite une coquille. Un faisceau de rayons lumineux sedétache des nuages. Le sujet de droite se rapporte à la décollation desaint Jean (65). La tête du saint est présentée, sur un plateau, àHérode, pour satisfaire au caprice d’une courtisane. Il est à remarquerqu’Hérode porte le grand costume des rois de France : robe de brocartd’or, manteau bleu au col d’hermine, couronne fleuronnée, jusqu’ausceptre d’or terminé par une fleur de lys, qu’il tient de sa maingauche. Deux séraphins traités en grisaille sur fond bleu pâle. Dans lehaut, fragment d’un couronnement gothique, étranger au sujet.

Dixième fenêtre. - On yvoit encore deux anciens couronnements dedais gothiques abritant, autrefois, des personnages maintenantdisparus. Dans les lobes du remplage, quatre scènes, dont trois serapportent à la sainte Vierge. Le premier sujet, d’après sa technique,doit provenir d’une autre verrière. En effet, ce motif est peint engrisaille d’or, alors que les autres sont traités en verre de couleurs.On y remarque un personnage en chaire, la tête manque, prêchant à desauditeurs plus ou moins attentifs, de profil, de dos et même couchés.Les autres scènes se rapportent à la mort de Marie : sa dernièrecommunion, sa mise au tombeau et son Assomption. On ne possède aucundocument sur la mort de Marie, la tradition seule a permis aux artistesde la représenter. Jean Schoerel, peintre flamand du XVIe siècle, areprésenté la Vierge au moment de sa mort, tenant à la main un ciergeallumé, que l’on retrouve sur ce vitrail, recevant la communion desmains de l’apôtre saint Jean, dans la maison duquel on croit qu’ellemourut à Ephèse. La lecture de ce vitrail est d’ailleurs assezdifficile, le dessin manque de netteté et quelques inversions ont dûêtre commises lors d’une remise en place. Au-dessus, deux angesmusiciens, l’un joue de la harpe, l’autre de l’orgue. Dans la partiesupérieure, le Christ bénissant, tenant le globe du monde, figureparaissant avoir été restaurée. De chaque côté, deux séraphins traitésen grisaille sur fond bleu.

Onzième fenêtre. – N’aconservé que quelques fragments : des anges,dont deux jouent de la harpe, deux de la viole et deux autres priant.La figure du Christ, occupant la partie supérieure du remplage, estmoderne. Par contre, la partie extrême des dais, à droite et à gauche,est ancienne.

Douzième fenêtre. –Moderne.

L’étude des vitraux de Saint-Jacques ne peut que faire regretterdavantage la disparition de cette riche parure qui complétait si bienl’édifice. Ces fragiles oeuvres d’art que le temps avait épargnées,n’ont pas trouvé grâce devant le mauvais goût d’une époque qui lesproscrivit, parce qu’elle en ignorait la beauté et n’en comprenait plusle sens.

L’art somptueux du vitrail fut, en France, inséparable del’architecture et la forme la plus brillante et la plus riche de lapeinture monumentale. Léon d’Ostie (66) et le moine Théophile (67) sontles premiers qui aient parlé clairement de l’art du peintre verrier ;le second reconnaissait la supériorité des ouvriers de chez nous, inhoc opere peritissimi.

Au siècle dernier, Cahier et Martin, pour les vitraux de Bourges (68) ;Hucher, pour ceux du Mans (69), ont ouvert la voie et provoqué denombreux travaux sur ce sujet si captivant.

De nos jours, l’archéologie, qui a rendu de si grands services à l’artchrétien, s’est occupée des vitraux avec une sollicitude touteparticulière. Des spécialistes les ont étudiés et décrits ; lesymbolisme de leur iconographie, que nos aïeux comprenaient sanseffort, a été expliqué et commenté dans de remarquables ouvrages quiont donné naissance à une science nouvelle, la vitrologie.

Ces monuments, d’un art aussi précieux, méritent la sollicitude de laCommission des Monuments historiques qui devrait opérer le classementde tout ce qui reste de ces verrières étincelantes, au même titre etavec le même soin que les édifices dont ils sont le plus bel ornement.

En terminant, je tiens à rendre tout particulièrement hommage à M. lecommandant baron de Moidrey, qui s’est occupé des vitraux deSaint-Jacques avec un dévouement inlassable. Les planches de cetopuscule sont son oeuvre ; il les a dessinées au prix de milledifficultés, relevant avec sincérité les portraits des donateurs, quele grand éloignement rend à peine visibles. Au cours de ses travaux, ila recueilli de précieuses notes descriptives, complétant ainsi monétude, ce dont je te remercie, et qui m’ont permis de signalercertaines particularités qui échappent à l’oeil du visiteur, beaucoupplus séduit par la luminosité de l’ensemble que par la richesse et ladiversité des détails, pourtant si pittoresques. 


NOTES :
(1) « Plusieurs des visions de saint Jean sont peintes dans lesfenêtres hautes de Saint-Jacques de Lisieux. » Jean LAFOND : L’Artchrétien dans nos vitraux normands (Journal de Rouen du 28 août1919).
(2) Devis de l’église Saint-Jacquesde Lisieux fondée par la maison deValois, dans Bulletin de laSociété historique de Lisieux, 1900, n°12, p. 46.
(3) Tabellionnage de Lisieux, Archives de Me Cailliau, notaire.
(4) Comptes du Trésor. Arch. du Calvados.
(5) Mémorial de ce qui s’est passéde plus remarquable dans la villede Lisieux depuis l’an 1676 [jusqu’en l’an 1717], dans Bulletin de laSociété historique de Lisieux, 1875, n° 6.
(6) DELISLE et P. MEYER : L’Apocalypseen français du XIIIe siècle(Bibl. Nat. F. 403). Paris, 1900-1901, in-8 et album in-fol,FIRMIN-DIDOT : Des Apocalypsesfigurés manuscrits et xylographes.Paris, 1870 in-8. PETIT-DELCHET : LesVisions de saint Jean dans troisApocalypses du XVe siècle. Paris, 1905 in-8.
(7) Miscellanées Lisieux,1856, p. 106-108.
(8) Un Vitrail du XVIe àSaint-Jacques de Lisieux, dans LeProgrèsLexovien des 4 et 11 février 1921.
(9) FIRMIN-DIDOT : Des Apocalypses......,p. 65
(10) Publié par L. DELISLE et P. MEYER : L’Apocalypse en français auXIIIe siècle.
(11) JAMES (M. R.) : The Trinitycollege, Apocalypse a reproductioninfacsimile of the manuscrit R. 16. 2 in the Library of TrinityCollege, Cambridge, printed for the Roxburghe Club. London,1909,in-fol.
(12) WAAGEN : Treasures of art inGreat Britain, t. II, p. 453.
(13) La Bible française au moyen âge,p. 93, 97, 408.
(14) Et vidi cælum apertum, et ecce equus albus, et qui sedebat supereum, vocabatur fidelis et verax. Apoc., XIX, 11.
(15) Et in capite ejus diademata multa. Ibid., 12.
(16) Et vestitus erat veste aspersa sanguine. Ibid., 13.
(17) Et de ore ejus procedit gladius ex utraque parte acutus. Ibid.15.
(18) Et exercitus qui sunt in cælo sequebantur eum. Ibid., 14.
(19) Et reges terræ et exercitus eorum congregatos ad faciendumprælium. Ibid., 19.
(20) Fol. 33. DELISLE et MEYER, loc-cit.,p. 87. Veni, ostendam tibidamnationem meretricis magnæ, quæ sedet super aquas multas cum quafornicati sunt reges terræ et inebriati sunt qui in habitant terram.XVII. 1, 2.
(21) Ms. fol. 33 v°. DELISLE et MEYER, p. 88. Mulierem sedentem superbestiam coccineam... et mulier erat circumdata purpura et coccino etinaurata auro, et lapide pretioso, et margaritis, habens poculum aureumin manu sua plenum abominatione et immunditia fornicationis ejus... Apoc., XVII, 3-5. La grandeBabylone, sous l’apparence d’une femme enrobe violet pâle, semée de fleurs avec un diadème à fleurons, assise decôté sur un léopard jaune, se trouve dans le ms. néerlandais n° 3, fol.20 de la Biblioth. nationale. Peut-être pourrait-on trouver uneallusion à notre sujet dans une miniature d’un ms. de l’Escurial, fol.37, attribuée à Jean Colombe, et qui représente une bergère assise aumilieu d’une vaste prairie. La bête à sept têtes l’effraie et elle sepenche en arrière tenant à la main une coupe d’or en forme de ciboire.
(22) Ms. fol. 35. DELISLE et MEYER, p. 94. Cecidit, cecidit Babylonmagna et facta est habitatio dæmoniorum, et custodia omnis spiritusimmundi, et custodia omnis volucris immunde et odibilis. Apoc.,XVIII, 2. On peut encore rapprocher de ce vitrail de curieusespeintures du XIIe siècle dans un ms. de la Biblioth. d’Altamira,notamment celle du fol. 51 représentant la Grande Prostituée. Voir A.BACHELIN : Description d’uncommentaire de l’Apocalypse dans LeBibliophile français, t. IV, 1869, pp. 98-129. Voir aussi ladescription des bas-reliefs de l’église de Grainville la Teinturière,dans abbé COCHET : Les églises del’arrond d’Yvetot, t. I, p. 154.
(23) Mulier, amicta sole, et luna sub pedibus ejus, et in capite ejus,corona stellarum duodecim. Apoc.,XII, 1.
(24) La Vie de Nostre-Dame, laglorieuse Vierge Marie, dans G.P[eignot] PHILOMNESTE. Predicatoriana,Dijon, 1841, p. 319 et suiv.
(25) Voir un curieux recueil de Miracles du saint archevêque, racontéspar Guillaume de Cantorbéry, que Robertson a inséré dans son précieuxouvrage Materials for the hystory ofThomas Becket, London 1875-1885,7 vol. in-8, notamment t. I., p. 256, qui contient le récit del’accident survenu aux ouvriers qui travaillaient aux fondations de lacathédrale de Lisieux, récit publié et traduit par le chanoine V. HARDYdans son bel ouvrage : La cathédralede Lisieux, pp. 116 et suiv. Cetexte a été utilisé par Georges HUARD : La cathédrale de Lisieux auxXIe et XIIe siècles, dans Étudeslexoviennes, t. II, p. 8-9. HIPPEAUa publié en 1859, le texte d’une vie de saint Thomas, par GARNIER dePont Saint Maxence : La Vie de saintThomas-le Martyr, Paris, Aubry,1859, in-8, d’après un manuscrit provenant de l’abbaye de Saint Evroul,acquis en 1839 par la Bibliothèque nationale et que Le Roux de Lincy asoigneusement décrit dans la Bibliothèquede l’École des Chartes, t.IV, p. 208-247 ; il porte actuellement le n° 13.513 du fonds français.(H. OMONT : Catalogue général desmanuscrits français, t. III p.639.) Voir enfin abbé RENET : SaintThomas Becket. Ses historiens, sonculte, sa naissance, son passage, ses parents dans le Beauvoisis,dans Bull. soc. Acad. de l’Oise,t. XII, 1886, p. 12 et suiv. Rappelonsaussi que la chapelle de l’hôpital de Lisieux conserve des ornementssacerdotaux qu’une respectable tradition dit avoir servi au saintprélat lors de son voyage à Lisieux au moment de la construction del’église de l’Hôtel-Dieu, vénérable monument que des vandales ontdétruit au XIXe siècle ! Voir abbé TAPIN : Saint Thomas de Cantorbéryet une tradition à Lisieux, Caen, 1870, in-8, extrait de la Revue deNormandie, t. IX, 1869, p. 721 et suiv.
(26) Il y a lieu de rappeler ici le souvenir du cérémonial que devaientobserver, pour leur réception, les compagnons chapeliers. Les officiersde compagnonnage prenaient les noms de Pilate, Anne et Caïphe,personnages dont on retrouve les effigies sur ce vitrail. Voir Histoire du Travail. Les corporations demétiers au XVe et XVIesiècles, dans L’Ami du peupledu 9 juillet 1928.
(27) Et cum complerentur dies Pentecostes, erant omnes pariter in eodemloco... et apparuerunt illis dispertitæ linguæ tanquam ignis, seditquesupra singulos eorum. Act.,II, 1, 3.
(28) Sanctis sanctior, et cælis excelsior, et Cherubim gloriosior etSeraphim honorabilior, et super omnem creaturam venerabilior. SANCT.GERMANUS CONSTANTINOP patriarcha : Homiliade S. Virginis Deiparæmysteriis, dans Patr. græc.lat. t. XCVIII, col. 306.
(29) Astitit a dextris ejus, in vestitu deaurato. Ps. XLIV, 10.
(30) Posuisti in capite ejus coronam de lapide pretioso. Ps. XX, 4.
(31) Chanoine PORÉE : Note surquelques représentations de laSainte-Trinité, p. 2.
(32) C’est la traduction d’un texte latin plus ancien qui s’exprimeainsi : Et ecce subito de angulo carceris exivit draco horribilis totusvariis coloribus, deauratis capillis et barba ejus aurea. Videbenturdentes ut ferrum ignitum. Oculi ejus velut margaritæ splendebant, et denaribus ejus ignis et fumus exiebat... Tunc erexit se ac sibilavitfortiter : et factum est lumen in carcere ab igne qui exiebar de oredraconis... Dum hec diceret bona Margarita draco ore aperto, posuit ossuum super caput beatissime Margarite et linguam suam porrexit supercalcaneum ejus et suspirans deglutivit eam in ventrem suum. Sed cruxChristi quam sibi fecerat beatissime Margarita, ipsa crux Christicrevit in ore draconis et in duas partes eum divisit, et beataMargarita exivit de ore draconis dolorem nullum habens in se. Voir A.JOLY. La vie de sainte Marguerite,1879, pp. 134 et 142.
(33) Voir Petr.de Natalib.,lib. VIII, cap. 51 ; CAHIER, Caractéristiquedes saints dans l’art populaire, t. I, p. 22 ; Légende dorée, traduction de l’abbéROZE, t. III, 1902, p. 13.
(34) In pago Rothomagensi, sancte Austreberte virginis, miraculiscelebris. La vie de sainte Austreberte fut écrite par un moine deJumièges, sur les instances de sainte Julienne, abbesse de Pavilly.Voir Abbé MICHAUD : Vie de saintPhilibert, 1848, p. 46 et suiv. ; H.LANGLOIS : Les Enervés de Jumièges,p. 13 et pl. 2 ; Abbé P. MEUNIER: Sainte Austreberte de Marconne,abbesse de Pavilly, sa vie, sesmiracles, son culte, Arras, 1888, in-8.
(35) Le prieuré de Friardel fut fondé à la fin du XIe siècle parIsabelle d’Orbec et Guillaume de La Saussaye, son époux. Voir A.DALLET, Essai d’histoire etd’archéologie sur le prieuré de Saint-Cyrde Friardel, dans Revuecatholique de Normandie, t. XXIII, 1914, pp.602-615 ; 691-702.
(36) Archives de Me Cailliau, notaire.
(37) Abbé MÉTAIS, dans Bul. Archéolog.1900, p. 32. OTTIN : LeVitrail, p. 213.
(38) Julii, t. VI, 1729, p. 50 § 202-204. Voir Etienne DEVILLE : LaLégende du pendu, Lisieux, 1919, in-8 et Revue Catholique deNormandie, t. XXVIII, 1919, p. 83-92. Une seconde édition a étépubliée en 1920, in-8 de 12 pages extrait du Progrès Lexovien des 13et 20 août.
(39) Théologien né vers 1180 dans le diocèse de Cologne, mort vers1240. La plupart de ses ouvrages sont demeurés manuscrits. Ses travauxsur les miracles, publiés sous ce titre : Cesarii Hersterbacchensislibri XII illustrium miraculorum et historiarum memorabilium,Cologne1591, 1599, sont très connus ; ils contiennent le récit de nombreuxprodiges dont l’absurdité a été plusieurs fois démontrée. Voir Hist.litté. t. XIII ; OUDIN. DeScriptoribus ecclesiasticis, t. III, p.81.
(40) La nationalité des pèlerins n’est pas très nettement établie. Dansles Acta sanctorum, on neparle que de deux personnages « quosdamTeutonicos ». César d’HERSTERBACH pense que ces gens étaient de Trèves,tandis que Louis de la VEGA dit qu’ils étaient français. Les textes neparlent que de deux personnages. Luc de MARINES, seul, en cite trois «vir quidam probus et amicus Dei, et uxor ejus optima mulier cum filioadolescentulo magnæ probitatis. »
(41) Bien que le témoignage de Nicolas BERTRAND, l’historientoulousain, dans son ouvrage DeTholosanorum gestis, publié en 1515et traduit en français en 1517 sous ce titre : Des Gestes Tholosains,dise que ce fut dans la ville de Toulouse que le miracle eut lieu, ilest difficile de préciser s’il s’agit de Toulouse, en France, ou deTolosa, en Espagne. Le temps mis par les pèlerins à revenir deCompostelle, pourrait peut-être servir d’indication.
(42) Traduction du chanoine ROZE, t. II, p. 275 et suiv.
(43) Specul. hist., lib.XXVII.
(44) De semblables cortèges se retrouvent sur de nombreux vitraux duXVIe siècle, notamment à Saint-Ouen de Pont-Audemer, Saint-Sauveur duPetit-Andelys et Quilleboeuf-sur-Seine.
(45) Légende dorée,traduction du chanoine ROZE, t. II, 275 et 280.
(46) Acta sanctorum, loc.cit.. § 184-186.
(47) Quod pictum videmus in singulis beati Jacobi ecclesiis autcapellis.
(48) Vie des peintres,traduction de LECLANCHÉ, t. III, 1840, p. 75.
(49) Voir Bull. archéolog. publiépar le Comité historique desMonuments, t. II, 1842, p. 122.
(50) Bull. Archéolog., loc.cit., p. 123-125. Une description de cevitrail, avec les textes des légendes, a été publiée par Eug.LEFEVRE-PONTALIS : Notice historiquesur l’église de Triel, dans Commissiondes Antiquités et des Arts de Seine-et-Oise, vol. VII,1887, p. 132-133.
(51) Bull. Archéolog., loc.cit., p. 125, note I. Paul BAUDRY : L’égliseparoissiale de Saint-Vincent de Rouen, 1875, p. 67.
(52) OTTIN : Le Vitrail, p.213.
(53) Bull. Archéolog.., 1900,p. 26 et suiv.
(54) Bull. Archéolog. publié par leComité... t. I, 1840, 2e part.,p. 196 ; t. II, 1842, p. 123.
(55) Cette scène a été interprétée à tort par LAUNAY : Bull.archéolog. publié par le Comité..., t. I, 1840, p. 196, comme serapportant à un épisode de la vie de Robert d’Arbrissel , cité parMARBODE, évêque de Rennes, et GEOFFROY, abbé de Vendôme. La lettre dece dernier, la XLVIIe, a fait l’objet d’un judicieux article de M. dePÉTIGNY, l’historien du Vendômois, sur l’authenticité etl’interprétation de cette singulière lettre. Voir Biblioth. de l’Ecoledes Chartes, 3e série, t. V, p. 1 et suiv. et Congrès Archéologique,XXXIXe session, p. 237-241.
(56) La scène se passe dans la cuisine du juge ; les poulets sontdebout, sur la broche. OTTIN : LeVitrail, pl. XVI, p. 148.
(57) Le coq est à la broche. Il s’en détache, reprend ses plumes et semet à chanter. Bull. archéolog.publié par le Comité..., t. II, 1842,p. 125. Com. des Antiquités deSeine-et-Oise, t. VII, 1887, p. 133.
 (58) Non seulement le coq sort de la broche,  mais il vientse placer au milieu de la chambre pour chanter. Bull. archéolog.,loc. cit., p. 125, note I.
(59) « ... Prætorem conveni in mensa sedentem qui gallum et gallinamassos scindere volebat... gallus et gallina saltaverunt in mensa,statimque gallus cantavit. » Actasanct., loc. cit.
(60) « ... domumque reversi gallum capiunt et gallinam et in ecclesiamtranserunt magna solennitate : quæ ibi clausæ (res admirabiles et Deipotentiam testificantes) observantur. Ubi septennio vivunt (hunc enimterminum Deus illis instituit) et in fine septenni, antequam moriantur,pullum relinquunt et pullam sui coloris et magnitudinis, et hoc fit inecclesia quolibet septennio. Magnæ quoque admirationis est, quod omnesper hanc urbem transeuntes peregrini, qui sunt innumerabiles, gallihujus et gallinæ plumam capiunt et numquam illis plumæ deficiunt. » Acta sanctorum., loc. cit.
(61) Voir le journal Le Normanddu 23 juillet 1859.
(62) Saint Sébastien était le patron des confréries d’archers,d’arbalétriers et d’arquebusiers. L’origine des confréries de charitéen l’honneur de ce saint, remonte au XVe siècle. Voir Description dupèlerinage de Préaux, 1850, p. 8 ; F. ALIX : Saint Sébastien, sa vie,son culte, ses pèlerinages, Caen, 1912, in-8.
(63) Luc, II, 8-13.
(64) Matth. III, 13-17. ; Marc I, 9-11 ; Luc III, 21-22 ; Joan I, 29.
(65) Matth. XIV, 5-12 ; Marc VI, 17-29.
(66) Chronici Casinensis,édit. Dubreuil, Paris, 1603, lib. III, cap.10, 27.
(67) Theophili presbyteri et monachilibri III scu diversarum artiumschedula, édit. de l’Escalopier, Paris, 1843, lib. II.
(68) Vitraux peints de Saint-Etiennede Bourges, Paris, 1841-1844, 2vol. gr. in-fol.
(69) Calque des vitraux peints de lacathédrale du Mans, Paris, 1854et suiv., gr. in-fol.

PLANCHES :

Les vitraux de St Jacques de Lisieux (PL 1) Les vitraux de St Jacques de Lisieux (PL 2) Les vitraux de St Jacques de Lisieux (PL 3) Les vitraux de St Jacques de Lisieux (PL 4)
Les vitraux de St Jacques de Lisieux (PL 5) Les vitraux de St Jacques de Lisieux (PL 6) Les vitraux de St Jacques de Lisieux (PL 7) Les vitraux de St Jacques de Lisieux (PL 8)

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Dessin du baron Tardif de Moidrey

Planche extraite de l'exemplaire personnel annoté et enrichi du Baronde Moidrey de
Les Vitraux de l'église St.Jacques de Lisieux  par Etienne Deville.
1ere édition.- Evreux : Revue catholique de Normandie, 1922.
[Bm Lx : Ms 162]