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DUBOIS, Louis (1773-1855) : Des possédées en Normandie etprincipalement de celles du couvent des franciscaines de Louviers(1843).
Reconnaissancede caractères et corrections : O. Bogros pour la collectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (22.V.2007).
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Orthographe etgraphieconservées. 
Article extrait des Recherches archéologiques,historiques, biographiques et littéraires sur la Normandie publiées à Paris, en 1843 par  Dumoulin, libraire-éditeur [pp.2-54]. Texte établi sur l'exemplairedisponible en mode image sur le site Google-Recherche de livresde la société Googlecorrigéet augmenté des pages en déficit à partir del'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : Norm 295). [Lespages 34-35 & 42-43del'exemplaire en ligne sont manquantes (non numérisées) -22.05.07]. 

Despossédées en Normandie
et principalement decelles du couvent
des franciscaines de Louviers
par
Louis Du Bois

 ~*~


             Qui credit cite, levis estcorde, et minorabitur.
              ECCLESIAST.XIX. 4.

L’organisation sidélicate et en quelque sorte si bizarre du sexe féminin, l’expose, danscertaines circonstances, à recevoir d’une imagination éminemmentimpressionnable une influence telle que la même femme, quis’évanouirait à la vue d’une araignée, brave la mort pour sauver unêtre chéri, et dans l’Inde préfère au déshonneur les tortureseffroyables du feu où elle s’élance avec intrépidité.

C’està cette organisation qui a toujours rendu la femme propre à jouer ungrand rôle dans les fureurs suivies d’extases des pythonisses, dans lesconvulsions du cimetière de Saint-Médard, dans les possessions et lesobsessions prétendues opérées par le diable.

Depuisque les lumières de la raison sont enfin parvenues à se faire jour àtravers les ténèbres de l’ignorance et du fanatisme, et que laphysiologie a révélé les phénomènes de notre nature, on a reconnu queles femmes sujettes aux extases dévotes ; que les pythonisses, dans lesparoxismes de leurs vapeurs hystériques, prédisant l’avenir tant bienque mal ; que les convulsionnaires recevant sans douleur apparente les secours meurtriers des coups de bûches et de chenets ; que lesfascinées, les obsédées, les maléficiées, les magnétisées, lesdémoniaques, étaient possédées non du diable, mais de l’hystérie et dela monomanie, quand ce n’était pas par spéculation qu’elles seprêtaient à des manoeuvres de jonglerie.

Lapossession et obsession par le diable devint épidémique en certainspays et à certaines époques. Telle fut au XVe siècle cette monomaniedes Nonnains qui gagna tous les couvens de femmes de la Saxe, duBrandebourg, de divers autres états de l’Allemagne, pénétra jusque enHollande, et partout présentait le spectacle assez peu édifiant dereligieuses qui « prédisaient, cabriolaient, grimpaient, bêlaient et semordaient entre elles (1). »

Comme on voit, c’estsurtout chez de pauvres recluses, exaltées par la dévotion, les jeûnes,le fouet ou la discipline, la solitude, la continence forcée, que lesphénomènes de l’hystérie sont plus fréquents et plus bizarrementremarquables.

Il ne faut pas croire que cesextravagances aient été seulement ridicules. Les tortures atroces de laquestion tant ordinaire qu’extraordinaire, le feu même des bûcherspunissaient souvent outre mesure et parfois injustement des malheureuxmonomanes, ou des imposteurs qui ne méritaient pas la mort. Qui neconnaît l’histoire funeste des religieuses de Loudun, et le rôle atrocequ’y joua le cardinal de Richelieu ?

Notre Normandiefut aussi témoin de ces pieuses folies, dont nous nous bornerons àrappeler les plus remarquables.

La croyance auxsortilèges et aux maléfices remonte aux plus lointaines époques. Chezles Romains la loi des douze tables condamnait à mort les auteurs desmaléfices et ceux qui fesaient par enchantement passer chez eux lesproductions des terres du voisinage. Beaucoup d’accusés furent lesvictimes déplorables de ces absurdes imputations, car la plupart sansdoute ne pouvaient pas, ainsi que Caïus Furius Crésinus (2), présenter,comme leurs seuls moyens de magie, les meilleurs instrumens aratoiresdu pays, les meilleures méthodes du tems, les ouvriers les plusintelligens et les plus robustes.

L’effet desmaléfices exercés sur les personnes, la possession des hommes etsurtout des femmes par le démon, ne sont guères connus que depuis lesévangiles qui parlent même des pourceaux possédés qui, dans lemoyen-âge, auraient été brûlés vifs, mais qui alors en furent quittespour la noyade. Les pères du désert de la Thébaïde avaient été en butteà des grandes et fréquentes tentations, mais ils avaient triomphéhonorablement.

Depuis cette période de tribulations,saint Augustin assura (3) positivement que le diable était désormaisenchaîné, et que, tout rugissant qu’il est contre la race humaine, ilne peut s’élancer au-delà du bout de sa chaîne qui est fort courte ettrès serrée. C’est sans doute depuis l’avènement du Christ-Sauveur quifit aussi taire les oracles dont, comme chacun sait, la voix n’étaitque celle du démon. Il faut convenir que cette assertion de saintAugustin, qui malheureusement n’a guères été écoutée, est pourtant fortrassurante, surtout si l’on considère que le savant et judicieux JeanWier (4) ne compte pas moins de 7 millions 405 mille 926 mauvais géniesou démons, commandés par 72 princes des ténèbres.

Quoiqu’il en soit, à l’époque où l’on venait de découvrir l’imprimerie etoù l’on allait trouver l’Amérique, Innocent VIII, qui siégea de 1484 à1492, osa dans les termes suivans démentir le saint évêque d’Hippone :« Nous avons appris qu’un grand nombre de personnes des deux sexes ontl’audace d’entrer en commerce intime avec le diable, et par leurssorcelleries frappent également les hommes et les bêtes, rendentstérile le lit conjugal, font périr les enfans des femmes et les petitsdes animaux, et flétrissent les moissons des champs, les raisins desvignobles, les fruits des arbres, et les herbes des pâturages. »

Iln’en fallut pas davantage pour accroître la fureur des inquisiteurs quiinfestaient alors la surface du monde chrétien.

Lestortures et les massacres, frappant en tous lieux et sans pitié commesans discernement les Juifs, les hérétiques et les sorciers, couvrirentl’Europe de bûchers et de sang, et préparèrent les succès de Luther etde Calvin, par l’effet naturel de la juste aversion qu’excitaient labarbarie féroce et l’immoralité du moyen-âge.

Lesdésordres des moines n’eurent guères de retentissement que dansquelques conciles et dans les fabliaux ; mais la corruption des couvensde femmes fut plus remarquée, parceque elle était accompagnée decirconstances plus extraordinaires, ainsi qu’on va le voir dans nosrécits dont l’exactitude est facile à constater.

En1509, le 31 mai, le pape Jules II fit brûler à Berne plusieurs jacobinsdépravés.

Vers 1557, sous le pontificat de Paul IV,Rome eut sous les yeux, pendant quatre ans entiers, le spectaclescandaleux de 99 femmes et filles regardées comme possédées du démon.

En1569, la fille d’un tisserand de Romorantin, Marthe Brossier, âgéed’environ 20 ans, fut traitée comme possédée et en cette qualitésoumise à toutes les formalités des exorcismes, courut le monde sousl’inspiration de la Sainte-Ligue (4), l’attestation des médecins et laprotection de l’abbé de Saint-Martin, jusque à ce que le parlement etle pape lui-même, d’après l’invitation des agens de France, laforçassent en 1599 à rester sédentaire et tranquille (5).

Peude temps après, vers 1600, un imposteur nommé Robert Bisson, et qu’ondésignait communément sous le nom du prêtre de Bellouet, (sans douteparceque il était né dans cette commune du canton de Livarot), avaitl’effronterie de se donner, à qui voulait l’entendre et le croire, pourle plus grand des fabricateurs de miracles. Grâce au commérage dequelques dévotes, il n’était question que des sourds auxquels il avaitrendu l’ouie, que des aveugles auxquels il restituait la vue, et quedes boiteux qu’il fesait marcher droit. L’examen diminua bien vite lesproportions d’un si prodigieux mérite : la nature continuait de suivreses lois, et l’abbé Bisson finit obscurément par passer pour n’êtreplus bon tout au plus qu’à guérir les accès de fièvre (7), les rages dedents et les piqûres d’orties.

Dans le courant de1611, Louis Jauffred, plus connu sous le nom de Gaufridi, curé etdirecteur des ursulines de Marseille, y avait été brûlé vif pour avoirensorcelé ces saintes filles.

Marie de Coutances,qui mourut en 1656, avait été, durant 32 mortelles années, en lapossession des diables. Malgré le tems que l’on eut d’examiner cettedélicate affaire, on ne savait pas au juste si Marie était sorcière oupossédée, ou bien même l’une et l’autre, et jusque à nos jours sonvéritable état est resté incertain ; mais, ce qui ne l’est pas du tout,c’est que, en sa première qualité, mise en prison à la conciergerie duparlement de Rouen, elle fut déchargée de cette imputation par un arrêtformel, et, qui plus est, visitée discrètement par des matrones ettrouvée clairement vierge à n’en pas douter.

Onconnaît l’histoire du pauvre Urbain Grandier, brûlé vif, commeGaufridi, pour avoir bien et dûment ensorcelé d’autres ursulines,celles de la ville de Loudun, en 1632. Ce fut le 18 auguste 1634 quecet infortuné, après avoir été appliqué à la plus rude question, futdéclaré « atteint et convaincu du crime de magie, maléfice etpossession, arrivés par son fait ès personnes d’aucunes religieuses etautres personnes séculières, et condamné à être brûlé vif avec lespactes et caractères magiques restés au greffe. »

Nousaurions eu de quoi nous étendre sur cette déplorable matière ; mais entout il faut savoir se borner, notamment en fait de magie et depossessions diaboliques. Toutefois, nous allons, avant d’en venir auxreligieuses possédées du couvent de Saint-François de Louviers, parlersuccintement de quelques autres événemens de ce genre arrivés ailleursqu’en Normandie.

Ainsi nous ne ferons qu’indiquer :

1°l’histoire d’Elisabeth Allier, native de la Côte Saint-André enDauphiné, possédée pendant 21 ans par deux démons dont le nom a étéconservé pour l’instruction et l’édification de la postérité, qui doitsavoir qu’ils s’appelaient Orgueil et Bonifarce : les exorcismes quimirent fin à cette scandaleuse possession ne durèrent pas moins quedepuis le mercredi 18 auguste 1649, jusque au 23 du même mois (8) ;

2°Les horribles tentations de la Mère Catherine de Saint-Augustin, morteà Quebec en 1668, et dont Ragueneau a écrit la vie bien exactement :biographie édifiante dans laquelle cet honnête jésuite cite plusieurssaintes qui furent possédées du démon, et entre autres la vénérableMère Alix qui le fut pendant 20 ans ; « la sainte abbesse Sara, enScythie, » durant 30 ans, sans qu’elle ait jamais demandé à Dieu d’enêtre délivrée : ce qui prouve qu’elle ne s’en trouvait pas trop mal ;et sainte Françoise Romaine qui n’eut avec les diables que l’avantaged’être « assommée de coups ; »

3° La possession desvénérables religieuses et autres personnes pieuses de la villed’Auxonne, en 1662, sur lesquelles on publia un jugement en mai 1736 ;

4°La relation publiée à Toulouse en 1682, par l’autorité du parlement,qui fut plus judicieux que celui qui, dans le siècle suivant, fitrompre vif l’innocent et malheureux Calas : car celui de 1682 fitconstater et connaître la supercherie des quatre demoiselles qui, à lafin de 1681, dans la Maison de l’Enfance, prétendaient éprouver,pendant la messe, des hoquets, des vomissements, et rendaient desépingles qu’on regardait comme fesant partie d’un pacte (9) ;

5°La guérison de la possédée de Reims qui fut opérée en 1683, parl’application du diurnal de saint Bernard qui avait pourtant prophétisési peu juste sur la croisade de 1146 ; guérison au surplus bienauthentique, puisque elle eut lieu en présence de 7 ou 8 religieuses etde 2 ou 3 prêtres, tous fort judicieux, très sincères, et tout à faitdésintéressés dans la question.

Revenons à laNormandie, avant de nous occuper des religieuses franciscaines deLouviers, objet principal de nos recherches.

Ce nefut pas seulement en 1641, que le malin esprit fit rage à Louviersparmi les pauvres religieuses de cette ville, qui est devenue lethéâtre d’une industrie bien autrement importante que celle despossessions diaboliques et des pieux exorcismes. Palma Cayet (10) nousa conservé de curieux détails sur des diableries que nous allonsrapporter d’après lui.

Dans la nuit du 16 auguste1591, il advint dans Louviers un cas émerveillable, peu de tems aprèsque cette ville eut été soumise à Henri IV.

Versminuit, après un affreux tapage, dans une maison voisine du portail dela grande église, près d’un corps-de-garde commandé par le capitaineDiacre, deux femmes se présentèrent aux fenêtres, criant à l’aide etvoulant se jeter du haut en bas, disant que c’était un esprit qui lesavait tourmentées. Le lendemain, ces deux femmes déclarèrent que « surle minuit un esprit était descendu par la cheminée, comme un brandon defeu qui s’était adressé a leur servante, l’avait poursuivie en laruelle du lit, l’avait battue d’une hallebarde, dont elle avait levisage meurtri, et avait fait tous les brisemens et tout le désordrequ’ils voyaient. »

Cette servante s’appelaitFrançoise Fontaine. Mise en prison, elle y commit beaucoup d’actesétranges, et les continua en présence du prévôt Morel qui l’interrogeale 31 auguste. Elle s’élevait de deux pieds de haut et bientôt aprèselle se laissait « tomber à terre sur son dos, tout de son long, lesbras étendus comme une croix, et après elle se traînait, la têtedevant, sur son dos, le long du parquet. »

On n’enreprit pas moins l’interrogatoire : « cette pauvre fille confessa qu’ungrand homme noir s’était apparu à elle, lui disant qu’elle s’étaitdonnée à lui quand les trois soldats la violèrent… Elle confessa que cegrand homme noir l’avait tant importunée, qu’enfin il avait eu sacompagnie par plusieurs fois ; lequel avait continué toutes les nuits,réservé à la nuit passée qui était la cause, pourquoi ce grand hommenoir l’avait tant tourmentée. »

Les flambeaux furentrenversés, les lumières éteintes, les assistans mis en fuite, le prévôtet la servante frappés au milieu d’accidens merveilleux, qui sontcontés au long par Cayet.

Françoise, reconduite enprison vers dix heures du soir, y recommença ses extravagances quieffrayèrent beaucoup le geôlier et les prisonniers. Elle descendit dansle puits au moyen de la corde, et s’y tint, « la tête en bas, les piedsen haut, » si fortement que huit hommes ne l’en purent retirer quelorsque le curé Belet l’eut exorcisée et aspergée d’eau bénite.

Lelundi 2 septembre, cette fille fut conduite à l’église Notre-Dame, dansla chapelle de la Trinité, où le chapelain Buisson dit la messe.Lorsque on présenta l’hostie à Françoise pour la communier, « ils’apparut comme une ombre noire hors l’église, qui cassa une losangedes vitres et souffla le cierge qui était sur l’autel…. Tout aussitôtFrançoise, qui était à deux genoux, fut enlevée si épouvantablement quece fut tout ce que purent faire six personnes que de la ramener àterre… Plus de 1200 personnes virent cela, entre lesquelles étaient lessieurs abbé de Mortemer, de Rate, les sieurs de Rubempré, les barons deNeufbourg, des Noyers, le sieur Séguier, grand-maître des forêts, etplusieurs autres. »

On recommença les exorcismes.Tout allait bien ; mais on représenta l’hostie. Aussitôt la possédée «fut emportée en l’air, la tête en bas, les pieds en haut » : ce quin’était pas plus décent que la descente dans le puits. Mais il paraîtque c’était chez cette fille un parti pris d’intervenir en touteschoses l’ordre naturel.

Heureusement, comme ilparaît que le charme était dans ses cheveux, on s’avisa de la raser :ce qui aurait été un remède insuffisant si on n’eût pas annoncé qu’onallait faire promener le rasoir sur toutes les parties où il pouvaits’exercer.

Alors Françoise déclara au prévôt qu’elleétait allégée, et n’hésita plus à renoncer au malin esprit.

Ilne faut pas négliger de remarquer en passant qu’on avait attiré à cespectacle plusieurs soldats protestans dont quelques-uns ne manquèrentpas de se convertir à l’aspect d’un cas aussi émerveillable.

Cen’était pas seulement à Louviers que Françoise Fontaine avait été lejouet du démon : à Paris, dans divers autres lieux et notamment àBernai, en présence de plusieurs cordeliers et de quelques curés, elleavait victorieusement résisté aux exorcismes et aux bons effets desprocessions générales, même ordonnées par le légal Gaëtan.

Ilétait grand tems que la pauvre fille fut délivrée des obsessionsdiaboliques, car elle déclara (et elle devait le savoir) que troissemaines plus tard, le malin esprit devait venir la « guérir pourl’emmener avec un courtaut noir. »

En homme sage, lebon prévôt fit garder Françoise encore un mois dans la chapelle avecaccompagnement de prêtres et d’archers : « pendant lequel tems et dudepuis, elle n’a plus été tourmentée du malin esprit. » Je le croisbien ; et je me garde bien de ne pas croire aussi que, comme l’observeCayet, « cette histoire est notable d’autant plus que, selon saint Paul(II Corinth., 7) Les ruses de satan sont grandes ; et que tous lesactes en ont été écrits et signés authentiquement par plusieurs gensd’église qui ont vu tout ce que dessus. »

Quittonsun moment Louviers pour passer à d’autres faits, qui concernent aussinotre Normandie.

Le cordelier Saunier avaitdistribué des pâtes ensorcelées, et abusé (de 1696 à 1698), par lemoyen toujours très commode de la confession, de Catherine Bedel de laRigolette et de Marie Bénoist de la Bucaille. Le révérend père n’avaitnégligé, dit-on (11), ni magie, ni prestiges, ni illusions : il n’enfut que mieux, lui et la Bénoist, condamnés à être pendus et brûlés,après avoir été appliqués à la question tant ordinairequ’extraordinaire (12). Heureusement pour le cordelier, il avait quittéle pays, et il était parti pour Nancy au mois d’auguste 1697. La Bedelne fut condamnée qu’à trois ans de bannissement ; on fit subir à Jeannede Launey les atrocités de l’une et l’autre question (13).

ABulli en Brai (canton de Neufchâtel), vers 1725, il y eut beaucoup descandale occasionné par la procédure dirigée contre NicolasDesquinemare, prieur-curé de cette commune : il fut détenu par lettresde cachet dans l’abbaye du Bourg-Achard, tandis que cinq possédéesqu’il avait compromises se trouvaient depuis 1723, arrêtées dans lesprisons de Rouen et de Neufchâtel. Dans un mémoire, daté du Bosc-Achard en auguste 1725, l’abbé Desquinemare dit que « il y avaitlong-tems qu’il voyait que les maléfices fesaient de grands désordresdans sa paroisse, lorsque enfin il s’aperçut en 1723, que Marie Terrieret Anne-Françoise Le Fèbvre non-seulement étaient maléficiées, maismême possédées ; » ce dont sans doute le bon prieur était bien sûr.Cette dernière était même allée à l’abbaye de Saint-Evroul qui avait laréputation de guérir, par l’immersion dans une fontaine fameuse, tousles maléfices et les accidens aussi fâcheux qu’incontestables qui ensont la suite : mais l’ensorcellement de la pauvre Le Fèbvre était sitenace que le voyage n’avait produit aucun effet salutaire. « Dans lecours des exorcismes, continue le prieur Desquinemare, le diable semanifesta et se dit être Belzébut, déclarant posséder Anne Le Fèbvrepar les maléfices de Laurent Gandouet, ainsi que Belphégor possédaitMarie Terrier. » Il paraît que Gandouet n’endura point patiemmentl’imputation du curé de Bulli, car il rendit plainte en justice et fitdécréter de prise de corps et le curé et les deux femmes. Le décret futconfirmé par arrêt du parlement de Rouen (14). Cette cour de justicequi se rappelait l’affaire de Louviers et quelques autres du mêmegenre, toutes plus ridicules les unes que les autres, n’eut pas d’égardà 22 pages d’attestations, pourtant bien authentiques sans doute etbien dignes de foi, lesquelles certifiaient que les deux possédéesavalaient impunément des pierres, des boucles et même du verre, tousobjets de dure digestion, comme les certificats eux-mêmes.

Unepossession de jeunes femmes avait commencé en 1732, au retour desfeuilles du mois de mai : les filles de M. Le Vaillant de l’Eau-Partieet quelques autres jeunes personnes de Landes-sur-Ajon (15) passèrentpour être les victimes de l’obsession et de la possession du diable. LeVaillant lui-même publia en 1735 un Mémoire pour établir la certitudeincontestable de ces faits, et fut bravement secondé par M. de Vâcogneset même par une douzaine de docteurs de Sorbonne qui y croyaientfermement. Cependant, pour répondre à Le Vaillant, Charles-Gabriel Poréet le D. Dudouet, de Caen, firent en 1737 paraître sous le voile del’anonyme un « Examen de la prétendue possession des filles de laparoisse de Landes et réfutation du Mémoire par lequel on s’efforce del’établir (16). » Cette publication consciencieuse mit à portéed’apprécier les faits. Le curé de Landes s’appelait Jean Heurtin : iln’était encore qu’obitier d’Evreci lorsque, précédemment, il avait étéinterdit par l’évêque de Baïeux au sujet d’une Marie Letoc, fameusealors sous le sobriquet de la Sainte d’Evreci. Creulli (17), supérieurdes eudistes de Caen, seconda puissamment l’abbé Heurtin dans sesexorcismes que l’évêque de Baïeux (M. de Luynes) approuvait fort,persuadé qu’était le débonnaire prélat de la sincérité de la possessiondes filles de Landes. Comme ces moyens ne parurent pas sans doute assezefficaces, on se détermina à faire venir de Paris un célèbre exorciste,qui s’appelait Charpentier, et un renfort de docteurs non moins fameux.Ce fut peine tout-à-fait perdue : je ne sais pas si le diable rentra enenfer, mais il est certain que tout rentra dans l’ordre, dès qu’on eutenvoyé l’honnête Heurtin à l’abbaye de Belle-Etoile, et dispersé Mllesde l’Eau-Partie dans diverses communautés de Caen et de Baïeux où jesuis bien sûr que satan n’avait pas d’accès.

L’affairela plus intéressante en ce genre, parceque elle s’exerça sur un plusgrand théâtre et par de plus nombreux acteurs, et parceque les détailsen ont été recueillis avec plus de soin, est l’histoire desfranciscaines de la ville de Louviers, que par ces motifs nous avonscru devoir réserver pour la fin de notre travail.

POSSÉDÉESDE LOUVIERS.

Les détails fort curieux de lapossession de ces dévotes filles qui appartenaient à l’ordre de saintFrançois et dont la maison fut, après de longs scandales, supprimée en1647, par arrêt du parlement de Normandie, sont contenus dans uncertain nombre d’écrits dont voici les titres :

1° Examen de la possession des religieuses de Louviers. Paris, 1643 ;in-4°, 18 pages. Cet examen est tiré d’une « lettre écrite par unepersonne de croyance à un sien ami. » Elle est datée de Paris le 30septembre 1643 : cette date est manuscrite. L’ouvrage est du D. Yvelin,médecin de la reine régente ;

2° Censure del’Examen de la possession des religieuses de Louviers. 1643 ; in-4°,38 pages. L’auteur de cette brochure reproche au D. Yvelin d’avoirvoulu faire passer son écrit sous le nom de Dubal ou Dubar, son ami ;

3° Réponse à l’Examen de la possession des religieuses de Louviers, à M.Levilin (sic pour Yvelin). Evreux, J. de La Vigne. 1643 ; in-4°, 14pages. « Publiée le 28 octobre » dit une note manuscrite. Cet opusculeet le précédent ne renferment que des injures et sont sans intérêt ;

4° Réponse à l’Examen de la possession des religieuses de Louviers.Lettre anonyme et sans date, comme l’Examen. In-4°, 13 pages. Une notemanuscrite porte ces mots : « publiée le 30 octobre 1643 ; »

5° Récit Véritable contenant ce qui s’est fait et passé aux exorcismesde plusieurs religieuses de la ville de Louviers, en présence de M. lepénitencier d’Evreux et de M. Le Gauffre. Paris, Fouquoyre ; in-4°, 8pages. (Note manuscrite : « publié le 4 novembre 1643 ; »

6° Continuation des exorcismes de plusieurs religieuses de la ville deLouviers, en présence de M. le pénitencier d’Evreux et de M. LeGauffre, avec la délivrance d’une fille possédée, ayant eu une desreliques du B. père Bernard, en présence de plusieurs personnes. In-4°,8 pages. Cette brochure est adressée à la reine par Le Gauffre ;

7° Apologie pour l’auteur de l’Examen de la possession des religieusesde Louviers, à MM. Lemperière et Magnart, médecins à Rouen. Paris,1643 ; in-4°, 31 pages. (C’est probablement un nouvel ouvrage du jeunedocteur Yvelin.)

8° Récit Véritable de ce qui s’estfait et passé etc. (comme au n°5). Paris, Alliot, 1643 ; in-8°, 107pages. C’est une seconde édition du récit, avec des augmentations. Ilnous offrira de curieux détails ainsi que les deux écrits du D. Yvelin ;

9° La Défense de la vérité touchant la possession des religieuses deLouviers, par Jean Le Breton, théologien. Evreux, de l’imprimerieépiscopale de Nicolas Hamilton, 1643 ; in-4°, 27 pages. Cette défensede l’évêque, beaucoup plus que la vérité, offre à peu près tout cequ’on peut attendre d’un théologien opiniâtre aux prises avec unmédecin éclairé ;

10° Traicté de la marque desPossédez et la preuve de la véritable possession des religieuses deLouviers, par P. M. Esc. D. en M. Rouen, Osmont, 1644 ; in-4°, 94pages. Van-Thol attribue ce traité à Simon Pietre qui le mit au joursous les initiales de P. Marescot, écuyer, docteur en médecine, sonbeau-père ;

11° Arrêt de la cour du parlement deRouen contre Mathurin Picard et Thomas Boullé, dûment atteints etconvaincus des crimes de magie, sortilége, sacriléges, impiétés et casabominables commis contre la Majesté divine, et autres mentionnés auprocès. Rouen, Petitval, 1647 ; in-4°, 8 pages. L’arrêt est du 21auguste 1647 ;

12° L’innocence Reconnue, oudéfense de Mathurin Picard, curé du Ménil-Jourdain, par Laugeois,successeur immédiat de Le Picard. (Manuscrit in-4°, copié en 1787 surl’autographe qui était alors entre les mains de M. d’Acquigni.) D’aprèscet ouvrage consciencieux, divisé en IX chapitres, Le Picard seraitinnocent, mais non pas Boullé ou Boullay, son vicaire. Laugeois a lebon sens de ne pas croire à la possession des nonnes de Louviers ;

13° Histoire de Madelène Bavent, religieuse du monastère de Saint-Louisde Louviers, avec sa confession générale et testamentaire où elledéclare les abominations, impiétés et sacriléges qu’elle a pratiqués etvu pratiquer tant dans le dit monastère qu’au sabat, et les personnesqu’elle y a remarquées. Ensemble l’arrêt contre Picard, etc. Cettehistoire est dédiée à madame la duchesse d’Orléans. Paris, Le Gentil,1652 ; in-4°, 80 pages. Il semble, par l’épitre dédicatoire, que LeGentil est l’éditeur de l’ouvrage ainsi que de « un petit impriméportant le titre d’Avis » relatif aux religieuses de Louviers. Nousn’avons pu découvrir cet Avis. Madelène Bavent était encore prisonnièreà la conciergerie du palais à Rouen, lorsque en 1647 elle rédigea sonHistoire d’après les conseils de son confesseur, l’oratorien Desmarets,sous-pénitencier de Rouen ;

14° Procès Verbal deM. le pénitencier d’Evreux de ce qui lui est arrivé dans la prison,interrogeant et consolant Madelène Bavent, magicienne, à une heureuseconversion et repentance. Paris, 1643 ; in-4°, 7 pages (15 octobre,suivant une note manuscrite).

Les faits que nousallons raconter n’appartiennent pas à une seule des maisons religieusesde Louviers. Les exorcismes eurent lieu au couvent de Saint-François ;mais, à l’hôpital Saint-Louis, les Soeurs ne se comportaient pas mieux :le mal était épidémique et qui pis est contagieux. Les hospitalières etsurtout la soeur Madelène Bavent firent grand bruit alors, ainsi quenous le verrons dans le cours de ce récit.

Laprétendue possession des religieuses de Louviers eut d’autant plus deretentissement dans les feuilles de Pont-Neuf et autres publications dece genre, qu’il ne s’était passé que dix ans depuis l’affaire deLoudun, et qu’on voyait figurer l’évêque d’Evreux (François dePéricard), le grand pénitencier De Langle, deux médecins de Rouen(Lemperière et Magnart), Billard, curé de Vernon, le séraphique P.Ignace capucin, prédicateur, et diffiniteur de son ordre, le RevérendPère Esprit de Bosc-Roger, autre capucin indigne, auquel ses exorcismesvalurent la fonction de diffiniteur de son ordre et de gardien du grandcouvent de Rouen ; Briant, médecin de Louviers ; Charton, grandpénitencier de Paris ; l’archevêque de Toulouse, Charles de Montchal ;le conseiller-d’état Morangis (18) ; le chanoine de Paris Martineau,(ces quatre derniers envoyés par la reine) ; et, pour comble de grandspersonnages, les jésuites Annibal Séqueran, et Ragon, recteur ducollège des jésuites de Rouen : tous avaient d’abord été pour le moinsdupes des apparences, et ensuite par entêtement et vanité ne voulaientpoint passer pour avoir été mystifiés.

Deux annéess’étaient écoulées, et les possessions avaient redoublé depuis huitmois. Dans le courant d’auguste 1643, comme cette affaire ébruitéeavait retenti jusque à la cour, la reine-régente envoya à Louviers,indépendamment d’un archevêque, de deux autres ecclésiastiques et dedeux conseillers-d’état, un médecin attaché à sa personne. C’était ledocteur Yvelin qui, à son arrivée, trouva l’évêque d’Evreux et quelquesautres personnages, qui croyaient fermement à la possession de 6religieuses et à l’obsession de 17 autres (19). Ce jeune médecin, quiétait très éclairé, remarqua que ces 23 femmes jouissaient d’une fortbonne santé. Il ne tarda pas à s’apercevoir de leur imposture, et de lapart qu’y prenait un jésuite, grand exorciste et opposant obstiné àtoute recherche des causes naturelles de l’événement. Ces personnagesprévenus, aveuglés ou menteurs, voyaient des miracles partout, etjusque dans un mal au sein dont souffrait Madelène Bavent, qui seral’objet d’un article particulier. L’une des possédées, montrant aumédecin, dit le docteur Yvelin, « une petite tumeur variqueuse, qui luiétait survenue à la jambe, lui soutenait que c’était l’un des yeux dubouc du sabat, qui par ce moyen était devenu borgne. » Et tous lesthéologiens, qui étaient là, ne manquaient pas de témoigner leurassentiment à ce mensonge évident, tandis qu’ils s’opposèrent à laprésentation d’une hostie non consacrée, offerte pour voir si le diablela discernerait de celles qui l’avaient été. Ce moyen très simple dedécouvrir la vérité fut repoussé par eux comme étant inutile, et «parceque le diable ne pouvait pas connaître si les hosties étaientconsacrées ou non. »

Yvelin raconte que, voyageantavec le grand pénitencier Charton, ce débonnaire ecclésiastique «attribuait aux malins esprits tout ce qui lui arrivait, jusque là que,étant monté sur un petit cheval noir qui se déferrait à chaque momentpour avoir la corne tout usée, il nous voulait persuader que c’étaitLéviathan, diable domicilié à Louviers, depuis qu’on lui a fait quitterLoudun, qui lui rendait souvent ce déplaisir à cause que, enl’exorcisant, il lui fesait bien plus de peine qu’aux autres diables,ses associés…. Ce qui m’ayant fait juger le personnage fort crédule, jeme résolus de lui en donner tout au long. Je lui dis donc que jeconnaissais ce Léviathan, pour l’avoir vu à Loudun lorsque iltourmentait la soeur Agnès ; que j’étais avec un conseiller de Tours ;qu’il nous dit des choses fort secrètes qui nous étonnèrent beaucoup :ce que je feignais, sans autre dessein que de faire le chemin plusgaîment. Mais cette invention eut un succès que je n’avais pas espéré ;car cet homme entra auparavant moi au couvent et conta si précisémentce que je lui avais dit, que, lorsque j’y allai, je connus par ce queme dit Léviathan par la bouche d’une de ces religieuses que, pensantn’avoir affaire qu’à un fol, je pourrais avoir en la même personne unfourbe à combattre ; car, me prenant pour un chirurgien, il me dit lesmêmes choses de point en point comme je les avais racontées sur lechemin. Je vous laisse à deviner quelle pensée me fit naître ce préludeen faveur de la possession dont il s’agit. »

D’aprèsla demande expresse des commissaires députés, les médecins de Rouenarrivèrent à Louviers le 1er septembre 1643, et s’empressèrent d’allerau monastère de Saint-louis se réunir aux graves personnages que nousavons fait connaître, tous plus ou moins experts dans le grand art dela démonologie et de la sorcellerie, mais tous, à l’exception d’Yvelin,

       Gens d’esprit faible et derobuste foi,

et, comme nous l’apprend Simon Pietredans son sérieux Traité de la marque des possédés, « tous gensd’honneur, de probité et de suffisance. » Quant à cette suffisance,qu’il faut prendre en bonne part, elle pouvait bien être comme la grâcesuffisante qui ne suffit jamais.

Les exorcismesallaient leur train et devaient être pour les spectateurs un sujet derécréation plus que d’édification. Quelques-uns de ces exorcismesduraient plus de huit heures consécutives et souvent mettaient endanger la vie des pauvres actrices de ces indécentes pantomimes. Unefille de quinze ans, Marie Chéron, qui se disait possédée par un diablenommé Grongade, soumise à ces rudes épreuves depuis 9 heures du matinjusque à 5 heures du soir, faillit périr de ses fatigues d’autant plusgrandes que l’on se trouvait alors au mois d’auguste.

Onsignala, comme remarquables entre tous les autres, les exorcismes dusamedi 29 auguste, du mercredi 30 septembre, et du jeudi 1er octobre.Pendant celui du 30 septembre, Le Gauffre (auteur du Récit Véritablequ’il adresse à la Reine), raconte que lui et frère Jean virent la soeurMarie du Saint-Sacrement, laquelle était possédée par Putiphar, « serenverser sur le dos, la tête en bas. » Cet honnête Le Gauffre rapportenaïvement que, le 1er octobre, il fit inutilement à la religieuse quepossédait Cismond l’application d’un reliquaire enrichi d’une partie «du coeur de saint Bernard, du sang de saint François de Sales, et dubois de la vraie croix, » toutes reliques pourtant fort authentiques,comme on n’en saurait douter. Il ajoute que, le vendredi 2 octobre, lepénitencier Mariage et lui recommencèrent leurs exorcismes, dans lachapelle de Notre-Dame-de-Lorette, sur soeur Anne de la Nativité, quiétait possédée par le fameux Léviathan, l’un des démons les plusredoutables : car, comme on s’en doute bien, tous n’étaient pas de lamême force. Dans ce solennel exercice, Léviathan répondit à unequestion : « Je n’en dirai pas davantage ; je crève ; j’enrage ; jen’en puis plus. - M. le pénitencier lui demanda si ce serait ledimanche ensuivant à la fin de la procession et de la neuvaine. Ils’écria de rechef : chien de pénitencier, ne me parle point de cela,car j’enrage qu’il faille que j’obéisse à ces petits hommes. - Conjuréde quitter la fille, il obéit, et elle demeura paisible. »

L’abbéLe Gauffre, auteur de ce récit qu’il appelle Véritable, n’était pashomme à rester en si beau chemin. Ce digne homme fit encore subir à lareine l’envoi d’une Continuation des Exorcismes, dans laquelle onvoit comme quoi on amena au confessionnal « une fille possédée par ledémon Gonsague…. Conjuré de dire quel il était, il répondit : J’avaisenvoyé trois diables ici ; mais Dagon, ne les trouvant pas assez forts,m’a fait venir moi-même, et j’y demeurerai. » Le pauvre diable n’étaitpas bien sûr de son fait ; car, à peine exorcisé, il se mit à crierpiteusement qu’il n’en pouvait ; mais une autre possédée, « la soeurBonaventure, continue Le Gauffre, vint se confesser à moi. Est àremarquer que ce diable a eu toujours envie de me parler. » Je le croisbien ; il y a toujours tant d’avantage à s’entretenir avec les gensd’esprit. « Comme j’en fis refus, continua-t-il, je lui demandai enquel lieu de la fille il était. » La question était délicate, c’étaitpeut-être s’exposer à quelque réponse incongrue ; mais, en assez bondiable, Arfaxa (c’est bien le nom propre de ce malin esprit) répondithonnêtement : « Au pied ! » répartie sage et mesurée, beaucoup plus queles propos qui la suivirent.

Le pénitencier, s’étantmis aux trousses de la diablesse Putiphar, obtint durant ses exorcismesla réponse suivante, en propres termes : « Faut-il que Madelène (20)nous tienne pour des couards, et qu’elle ait plus de force que nous.Oui, je n’oserais aller au sabat ; elle est toujours à me reprocher queje n’ai rien exécuté de ce qu’elle m’a dit. - Interrogé si elle va ausabat, dit : elle y va accompagnée de quatre diables. - Interrogécomment elle peut sortir de son cachot, dit : par de fausses clés qu’unde nos serruriers a faites. » Nous ne suivrons pas le reste de cedialogue un peu niais. Comme la Putiphar n’était sans doute pasobstinée, elle quitta sa possédée au premier ordre que le pénitencierlui intima. Les possesseurs n’étaient pas toujours aussi dociles, commenous le verrons par la suite.

Tous les narrateurs deces événemens bizarres n’étaient pas des compères. Le docteur Yvelin dumoins, et nous en avons eu des preuves, ne mérite aucun reproche. Ilattribue avec beaucoup de vraisemblance la cause de tous ces désordresà l’abbé Mathurin Le Picard, curé du Ménil-Jourdain, auteur anonymed’un ouvrage qui avait paru en 1623 sous un titre assez plaisant (21).Le Picard, dit Yvelin dans son Apologie pour l’auteur de l’Examen,« avait persuadé à ces filles que le vrai moyen d’agrandir leur maisonet la rendre recommandable était de s’étudier aux façons des possédésdécrites dans des livres (dont on a trouvé quelques-uns dans lecouvent), soit qu’il crût que, émouvant par ces stratagèmes lesassistans à pitié, ils seraient aussi excités à faire quelques aumônes,ou bien que, prenant ces opinions de possession pour marques desainteté en elles, la visite serait plus fréquente, dont ellespourraient retirer grand avantage. Tant y a qu’il les obligeait à faireces grimaces devant lui pour les dresser à ce métier de diable. Ilenchérissait par-dessus tous ceux qui montrent cet art, par cettedéclaration de charmes ; mais le pauvre maître est mort trop tôt pourleur profil. »

L’auteur déjà cité du Récitqualifié Véritable, Le Gauffre, dit en propres termes : «L’après-dînée du dimanche 4 octobre (fête de Saint-François), au retour de la procession, M. le pénitencier fit une conjuration àtous les démons de quitter les filles, et à Putiphar en particulier…Putiphar répondit : Je proteste à Lucifer et à Belzébut de renoncer àtoute éternité à cette Mariette (22) et à tous ceux qui se confient enelle. Et, regardant en haut comme s’il eût vu quelque chose, criait :Maudite journée ! Dagon, me laisseras-tu ? Mariette, maudite Mariette !chiens d’hommes de terre, poudre et cendre ! Et criait, disant cela :Aïe ! aïe ! aïe ! d’une voix plaintive. A ces paroles, Dagon se levatout en furie, voulant battre tout le monde… Putiphar dit : Dagon,Léviathan et tous les diables m’abandonnent ; c’est encore un effet dela puissance de Mariette. Ote tes pieds de dessus moi, chien depénitencier ! Moi qui régis et gouverne les astres, qui gouverne lesprovinces, de me voir réduit sous les pieds d’un petit homme de terreet de poussière. C’est moi qui dois faire les commandemens et non pasles recevoir de vous autres, réduits dans cette maudite maison commedes chiens. Quand on parlera d’un Dagon, d’un Putiphar, d’un Léviathanet d’un Ancisi (23), on dira que ce sont des diables qui n’ont point depuissance… Commandé de dire qui l’avait envoyé, a répondu : C’est cemaudit Picard ; il était prêtre du sabat ;  il était prince dusabat…… Mariette m’a dit : Vois-tu ce petit homme ? Il est grand, il teconfondra et te lira…. Commandé de déclarer ce petit homme, a répondu :Ah ! chien, c’est ce maudit évêque de ce diocèse. Je te dis que, depuisque cette maison est en affliction, il a fait des actions qui ont tantplu à cette Mariette, que ce sera la cause d’une grande perfection àcet évêque… La mère Jeanne n’a pas un démon formé : c’est la force ducharme. Les charmes ne vont point sans démons ; son démon n’est pasdans elle ; le nom de son démon est Arsaloth. Cette pauvre petiteMarotte, frappant sur le corps, est une fille que je voudrais qu’ellene portât point les noms qu’elle porte ; j’aurais  bien de laprise sur elle. Ce sont les deux noms que l’on nomme si souvent, Mariede Jésus. Elle est possédée d’une terrible façon ; elle a maléfice etpossession ; elle est plus travaillée en l’esprit qu’au corps ; ledémon s’appelle Apérat. L’autre est travaillée au corps et en l’esprit: cette fille est Louise de l’Ascension (24) ; le nom de son démon estArphaxat. Elle a un charme des plus puissans. Diantre ! il est en unterrible endroit que je ne pense pas que jamais elle en guérisse :c’est une poudre entre les deux yeux. C’est son petit père Picard quilui a baillé. Le diable qu’elle a est cause que soeur Louise del’Ascension a une douleur à l’épaule gauche : c’est que nous netouchons jamais les personnes qu’au côté gauche. Il y a encore unepetite Marthillonne : c’est la petite Marthe Duval. Il y a encore lasoeur qui est décédée. Le petit père les a bien accommodées toutes deux; il a fait ce qu’il a pu à la troisième. »

Enfin,Le Gauffre commanda à Dagon d’aller « avec la fille souffler le ciergequi était sur l’autel et de faire une croix sur le pavé avec sa langue.» Ce fut l’occasion de grands débats, comme on s’en doute bien. « M. lepénitencier et moi, dit-il, poussés d’une secrète inspiration etéchauffés d’une ferme confiance, nous le pressâmes vigoureusement àsatisfaire à ce commandement, pour assurance et confirmation que toutce qu’il avait dit était véritable (cet exorcisme étant un des plusimportans que nous eussions encore ouï). Le démon se rendant rebelleplus on le pressait, car il crevait de dépit de se voir obligé à faireune action si lâche et si servile, nous prîmes la résolution d’y passerplutôt la nuit que de le quitter…. Ce misérable Putiphar, n’en pouvantplus, fut contraint de se lever et d’aller, comme un Cibilot (25),sautelant devant ce cierge, tournant tantôt à droite, tantôt à gauche,fesant mine de le souffler, puis le soufflant à demi, se renversaitaussitôt en arrière, fesait des gestes et des postures à faire creverde rire…. Puis revenait à mesure que nous redoublions. Enfin, nousayant mené jusque à 9 heures, se sentant forcé et violenté par unevertu d’en haut qui avait désiré cela de notre persévérance, il fit lacroix sur le pavé, telle qu’un peintre ne la saurait mieux faire, puisvint souffler le dit cierge, et quitta aussitôt la fille. »

Cefut bientôt le tour de Cismond qui ne tint pas moins de 3 heuresd’horloge en l’exorcisme qu’on lui fit. « Ce qu’il nous dit méritaitbien cette peine, puisque, par sa propre confession, son instructionest suffisante de convertir cent mille âmes » ni plus ni moins.

«Cependant il agitait le corps de la fille que quatre à peine pouvaientretenir. L’enlevant de terre, il la laissait retomber sur le pavéplusieurs fois, en sorte qu’il semblait qu’elle fût toute brisée, ayantle visage tout de travers, les yeux affreux, et la bouche écumante derage. En même tems survint Grongat, bouffonnant et raillant de voir soncompagnon ainsi traité. »

Il y a lieu de croire quel’abbé Le Gauffre n’était pas tout à fait désintéressé dans son zèle,et qu’il aspirait à en faire une durable application. En effet, ilprétend que Grongat lui parla en ces termes : « Je le déclare que laSainte Vierge qui t’a conduit ici n’est pas encore satisfaite de ce quetu y as fait, mais qu’elle attend que tu y reviennes pour voir terminercette affaire. Elle veut que tu sois confesseur, afin que, sachantl’intérieur de ces filles et leur innocence, tu la puisses faireconnaître à tout le monde. Oui, je te dis qu’elle veut que tu soisconfesseur. »

Le Gauffre, parvenu à sa 105e page,termine ainsi le Récit Véritable qu’il fait à la reine : « Noussommes à un tems, Madame, où jamais on n’a vu tant de malices noires,tant de crimes énormes, et tant de desseins formés pour détruire etabolir le culte de Dieu… Depuis votre heureuse régence vous avezentendu parler de crimes qui n’étaient jamais venus à votreconnaissance, sans ceux qu’on ne vous dira jamais de peur de vouseffrayer… C’est enfin, Madame, ce qui nourrit et entretient le vicedans Paris, les blasphèmes, les vilenies, les ivrogneries, l’impureté,l’athéisme, le judaïsme, les abominations, la corruption et le méprisde la religion. »

Un nouveau chevalier, qui veutenvers et contre tous prouver la sincérité de la possession desreligieuses dont louviers tirait tant d’éclat, se présente dans l’arène: c’est l’abbé Le Breton, qui se donne comme prenant la défense de lavérité, tandis qu’il n’embrassait que celle de son évêque, complètementdupe de ce que le D. Yvelin appèle tout simplement des singeries. Ilest vrai que c’est par ordre du prélat, que l’abbé desserre sonin-quarto dans lequel de méthodiques subdivisions, un peu pluspédantesques que claires, ont pour objet d’élucider ces nébuleusesmatières. Il en néglige rien, et c’est une justice à lui rendre, pourdémontrer que « environ quinze religieuses étaient grandementtravaillées des démons intérieurement et extérieurement. Ces quinzefilles, dit-il, témoignent dans le tems de leur communion une horreurétrange du Saint-Sacrement, lui font la grimace, lui tirent la langue,crachent contre lui et le blasphèment avec une apparente impiétéextrême. Elles font d’étranges convulsions et contorsions de leurscorps, et entre autres se courbent en arrière en forme d’arc sans yemployer leurs mains, et en sorte que tout leur corps est appuyé surleur front autant ou plus que sur leurs pieds, et tout le reste est enl’air… Au sortir de là, après quatre heures d’efforts, elles setrouvent aussi saines, aussi fraîches, aussi tempérées, (durant lesplus chaudes après-dînées des jours caniculaires) que si rien ne leurfût arrivé. Quelquefois elles s’évanouissaient pendant plus d’unedemi-heure. Elles reviennent de cet évanouissement en remuantpremièrement l’orteil, et puis le pied, et puis la jambe, et puis lacuisse, et puis le ventre, et puis la poitrine, et puis la gorge. »C’est un véritable exercice en sept tems : « Parmi ces quinze filles ily en a trois des plus célèbres que l’on exorcise coutumièrement et qui,durant les exorcismes, font voir aux personnes qui connaissent lenaturel des démons un naturel tout pareil à celui-là par mille ruses,fourberies, mensonges, hypocrisies, endurcissemens, impudencesextrêmes, inquiétudes continuelles, rages et fureurs étranges. »

Jene sais pas si le bon abbé Le Breton connaissait la nature des démons,mais nous allons voir qu’il ignore celle de la vérité quoique il s’endise le défenseur. Il prétend, page 10, que les possédées répondaientnettement aux questions qui leur étaient adressées soit en grec, soiten latin, quoique elles ne connussent pas ces langues. Voici laréfutation de ce mensonge dans le Récit Véritable de Le Gauffre : onobjecte, dit-il page 102, « qu’elles ne parlent pas grec et latin ;mais ces mêmes personnes en doivent les premières louer Dieu, car ellesauraient le déplaisir de ne les pouvoir entendre. » Le Breton assureque ces possédées indiquent les lieux où se trouvent enterrés descharmes quelque petits qu’ils soient. Le D. Yvelin, qui avait pendant17 jours entiers étudié ces saintes filles, rapporte à la fin de sonApologie que, « la nuit de la conception de Notre-Dame, on devaitdécouvrir un charme d’importance ; que plusieurs personnes de conditionde Rouen y furent exprès ; que la fille possédée, fesant feinte de lechercher, M. de Busserolles, conseiller en la cour des Aides à Rouen,s’apercevant qu’elle avait le pouce et le petit doigt d’une main serrésensemble, lui saisit promptement la main, et fit voir à plus de 80personnes qu’elle tenait entre ses doigts le maléfice que l’oncherchait, qui était une hostie marquée de trois gouttes de sang, avecces trois lettres D. M. B. : ce qui émut tellement l’assemblée que l’oncria tout haut qu’il fallait brûler le couvent, les filles et leuréquipage. » L’évêque d’Évreux fut un moment ébranlé, mais le capucinEsprit de Bosc-Roger le ramena à son opinion en disant « que ce pouvaitêtre un artifice du diable qui aurait voulu mettre ce maléfice entreles mains de cette fille pour entretenir dans leur opinion ceux qui necroient point cette possession. » D’après les convaincantes raisons ducapucin et l’assentiment des compères, les fraudes pieuses et les singeries continuèrent.

Toutes ces belles chosesfurent jugées, dit l’abbé Le Breton, « surnaturelles de la secondesorte de surnaturalité par l’évêque d’Evreux » et les autres discrètespersonnes, illustres et illustrissimes, revérends et révérendismes, quiassistaient gravement à ces ridicules et scandaleuses momeries. Je m’enrapporte à l’auteur : il soutient que « encore qu’il ne soit bienévident si ce sont des démons plutôt que des âmes damnées, néanmoins ily a plus d’apparence que ce sont des âmes damnées. Toujours sera-cediablerie », ajoute l’auteur qui termine sa dévote élucubration parcette conclusion bien digne de l’exorde : soit donc conclu généralementque les actions des religieuses de Louviers sont surnaturelles à raisonpour le moins de leurs circonstances, et que les principes dont cesactions procèdent sont des démons et démons qui possèdent ces pauvresfilles. »

Quoiqu’il en soit, nous allons analyser lerécit de Simon Pietre qui avait été bien informé et qui s’exprime avecune grande candeur.

Quand la docte et judicieuseassemblée eut pris convenablement séance au réfectoire, on présenta auxmédecins plusieurs religieuses au nombre de cinq, dont trois s’étaientun peu calmées ; mais, comme raconte notre historien, cette bonace nedura pas long-tems ; car bientôt après deux d’entre elles commencèrentà changer de visage, tourner les yeux, soupirer, faire des grimaces,ensuite dire des injures, des saletés, des blasphèmes, puis des airs etdes chansons, se jeter par terre, se battre la tête avec telle violencequ’elle eût été capable de faire fente et contrefente… sitôt que par laforce des exorcismes, des prières, des reliques des saints et desautres remèdes spirituels, elles furent délivrées de cette vexation,elles parurent gaies, saines, vigoureuses, sans perte d’appétit. »Malheureusement, cette autre bonace fut suivie de tempêtes dont nousverrons les effets.

La troisième de ces vierges duSeigneur, vierges folles, s’il en fut jamais, s’appelait Louise dePinterville, dont il a été question plus haut, sous le nom de Louise del’Ascension dans l’extrait du Récit Véritable de Le Gauffre, et pourqu’on le sache, je dirai d’après mes auteurs qu’elle était possédée parArphaxat, qui pourtant la laissait assez tranquille quand l’évêqued’Evreux s’avisa de lui faire « le signe de la croix, en derrière surl’épaule droite, (c’est Simon Pietre qui continue) : elle commença àrouler les yeux, devenir furieuse, dire quantité d’exécrations, etfaire les mêmes ou peu dissemblables actions qu’avaient faites lesautres : ce qui fut soigneusement remarqué. » Je n’en doute pas, mais,ce que je n’ose croire, c’est que parmi tant de graves personnages, ilne s’en trouvât aucun qui eût le bon sens de penser comme le D.Marescot, lequel ayant visité, peu d’années auparavant, Marthe Brossier(26) possédée aussi s’il jamais il en fut, avait fort judicieusementconclu dans son rapport que, en ces sortes d’affaires, il y avaitbeaucoup d’imposture, peu de maladie, rien du démon (multa ficta,pauca a morbo, nulla a dæmone.)

Nous n’avons eugarde de cacher le nom du possesseur de la soeur Pinterville : c’étaitbien Arphaxat. Nous dirons pour l’instruction de la postérité celui dupossesseur de la vénérable soeur Barbe de Saint Michel ; il paraît qu’iln’était pas trop mal partagé, car cette fille était, ainsi que Pietrenous l’apprend, « puissante, ramassée, bien colorée, de bonne habitude,grosse et grasse. » Il est bien clair que grosse ne signifie pas icienceinte : je me hasarde à présumer que, si cette pauvre créature eûtété dans ce cas fâcheux elle n’eût pas éprouvé les accidents qui latourmentaient. A propos j’avais oublié le nom du diable qu’elle avaitau corps : c’était, sauf respect, Ansitif ou Ansiti, carmalheureusement on n’est guère d’accord sur l’orthographe de ce nom.

Dagonpossédait la soeur Marie du Saint Esprit : « grande fille, et de belletaille, un peu maigre » à la vérité mais bien découplée, haute encouleur et de vigoureux temperamment. Il y a bien lieu de croire que ceDagon était un assez bon diable et parfois même assez facétieux. Eneffet, j’apprends du judicieux Pietre qui s’était empressé de réfuterle D. Yvelin, que la soeur du Saint Esprit « entra devant ces Messieurschantant, sautant, dansant, et frappant doucement qui l’un qui l’autre,contant quelques bagatelles » jusque à ce qu’elle « se lança dans unpanneau de vitre, la tête la première sans sauter et faire aucuneffort, et y passa tout le corps, puis repassa. »

Ilest à remarquer que, après ces exercices et ces tours de souplesse,qui, je le suppose, étaient plus décens que les saletés proféréesauparavant par deux soeurs, le pouls de ces filles se trouvait calme et sans émotion ce qui est toujours fort rassurant.

Lelendemain 2 septembre, dès 6 heures du matin, « chacun se rassemblapour faire confesser et communier, non-seulement les cinq religieusesdont il a été parlé, mais 12 ou 13 autres, toutes prétendues obsédéesou possédées du mauvais esprit. Là il est certain (je cite toujoursconsciencieusement mon auteur) que, dans la chapelle, on vit d’étrangeschoses : car ce ne furent qu’horribles et exécrables blasphèmes, quechansons lascives (27), mouvements étranges de toute sorte,convulsions, concussions, hurlemens, exclamations, ris demesurés, brefun tintamarre et une telle confusion qu’on ne peut pas s’en imaginer deplus grande : chacune d’elles jouant son personnage et un rôleparticulier sans respect dans ce saint lieu où, parmi tout et teldésordre, on ne laissa pas de dire la messe continuellement jusqu’aumidi : » ce qui apparemment était fort convenable alors, mais ce queles honnêtes gens regarderaient aujourd’hui comme fort indécent.

Toutcomme chez les convulsionnaires de 1732, « la soeur Barbe deSaint-Michel se battit la tête pendant un quart-d’heure contre leschaires du choeur. » De son côté la soeur du Saint Esprit n’était pas enreste ; elle passa de l’église dans le jardin par une fenêtre de quatrepieds d’élévation, « puis s’y relança deux ou trois fois. Toutes lesdeux, forcées de se confesser et communier, crachaient au nez duprêtre, disant en outre mille blasphèmes, imprécations, injures, fesantla mine et se voulant à tout moment jeter sur la sainte hostie. »

Leshistoriens de ces dévotes saturnales ne font nulle difficulté derapporter les mauvais propos de ces possédées ; nous ferons comme cessaintes gens, tout indignes que nous sommes de marcher sur leurs tracesexemplaires. Nous dirons donc, chroniqueurs naïfs et débonnaires, quetrès souvent, durant les exorcismes, le diable possesseur criaitmalhonnêtement par la bouche de la soeur possédée : « Chien d’évêque !chien de prêtre ! chien de pénitencier ! chienne d’église ! » Ilappelait par dérision la Vierge Marie Mariette, et la croix un gibet.On conviendra que les diables de ce tems-là étaient bien insolens, etbien peu dociles au pouvoir de l’exorcisme.

D’autresreligieuses aussi « firent des peines extrêmes à tous les prêtres pourrecevoir l’un et l’autre de ces sacremens. Elles tiraient la languehors de la bouche de trois ou quatre doigts, la balottant haut et basjusque au nez et au menton, l’espace bien souvent d’une demi-heure ouplus. »

Continuons d’emprunter à Simon Pietre lerécit de ces farces vraiment sacrilèges et dont il importe d’autantplus de faire justice que, au lieu de ranimer la ferveur comme on leprétendait, ces momeries dégradaient le catholicisme et fournissaientcontre lui des armes à ses ennemis, dont le massacre de laSaint-Barthélemi avait diminué le nombre, mais non l’ardeur et leslégitimes ressentimens. « Comme on achevait, dit Pietre, de communierces filles, une chose arriva, bien digne d’être remarquée, entre lesdiables qui possèdent deux de ces religieuses, Ansitif et Putiphar ; M.d’Evreux fit commandement à Putiphar de passer avec Ansitif, comme ilavait fait une autre fois. Lors Putiphar dit : « On me commande,Ansitif, de t’aller voir ; mais je n’en ferai rien. Viens chez moi, situ veux ; je te logerai bien, car j’en ai le moyen. Comme elle parlaitde cette sorte, le diable la quitte, passe dans le corps de l’autre…..Cependant, celle qui avait deux diables en son corps tomba toute raidesur le plancher, les bras et les pieds étendus (28). »

Onn’ignore pas le nom de celle qui avait deux diables au corps dansl’attitude peu décente où on vient de la laisser, « la face colorée, »et tombée à la renverse. Quant à celle qu’Ansitif quittaitmomentanément, c’était soeur Barbe de Saint Michel. La premières’appelait soeur Marie du Saint-Sacrement.

Dans cetteposition, deux hommes et en outre M. de Mombas, grand-maître des eauxet forêts de France, ne purent pas même lui lever la tête. Alors onposa le Saint-Sacrement sur sa poitrine : en même tems les deuxreligieuses « se roulèrent deux ou trois fois d’une vitesse qui ne sepeut concevoir, hurlant et criant épouvantablement, se relevèrent etdirent à M. d’Evreux mille injures et pas moins aux autres prêtres. »

C’étaitvéritablement la confusion des langues ; car, tandis que le jésuiteRagon demandait « en grec une feuille de vigne, » j’ignore à queldessein les prélats perdaient leur latin avec les diables et lespossédées « qui se tourmentaient avec excès. »

Qu’onnous permette cette plaisanterie que la matière autorise, la ville deLouviers n’était pas alors dans de beaux draps : en effet, si lesdiables fesaient rage dans les couvens de filles, ils n’étaient guèresplus tranquilles ailleurs, comme nous allons voir dans l’ouvrage dePietre. « Après midi, les médecins furent, dit-il, à la conciergeriefaire la visite de Madelène, prétendue sorcière ou magicienne, présencede messieurs les maîtres des requêtes, et lui trouvèrent quatrecicatrices d’autant de coups de couteau qu’elle dit avoir reçus dudiable dans la prison d’Evreux, une à la gorge, deux au bras droit, pasplus considérables que l’ouverture d’une saignée ; mais la quatrième,qui était au bas-ventre, excédait la moitié de la longueur d’un granddoigt, toute rouge encore et nouvellement refermée, le diable (à cequ’elle disait) ayant laissé le couteau quatre heures dedans, sans luipermettre de l’ôter. Ils visitèrent pareillement son sein qu’ilstrouvèrent blanc, ferme et poli, et la papille petite, ronde etvermeille comme d’une fille de quinze ans. »

Ce quec’est que d’être théologien pour bien connaître et apprécier les choses; mais passons sur ces détails qui n’ont rien, ce semble, de bienthéologique.

« Dans les agitations de soeur Marie, lediable demanda à boire. » C’était bien la moindre chose. Enfin, aprèsboire on eut recours à divers exorcismes, à des applications dereliques et même à celle du bois de la vraie croix.

       Hélas ! le tout en vain.

Onfut donc forcé de conclure « que les cinq filles religieuses étaientvéritablement possédées du mauvais esprit, » ainsi que beaucoupd’autres de leurs consoeurs, jeunes filles aussi ; car il paraît quec’est la jeunesse et le beau sexe qui sont le plus exposés aux embûchesdu malin.

Il est présumable que le mal de Louviersétait incurable, car le parlement de Rouen se crut obligé de supprimerla maison quatre ans après.

Pour déterminer à cettefantasmagorie de pantomimes diaboliques, que nous avons rapportées,tout un couvent de fringantes nonnains, il fallait que l’affaire deLoudun, dont elles avaient eu dix ans pour étudier l’histoire, eûtproduit une vive et durable impression sur ces féminines cervelles.Apparemment l’éclat, produit par cette échauffourée qui devint sitragique, affrianda les bonnes récluses de Louviers qui ne s’amusaientpeut-être pas beaucoup de leur pieuse obscurité, et leur inspira legoût de chercher à faire bruit dans le monde, jalouses qu’elles étaientvraisemblablement de ne pas laisser à Nos Soeurs de Loudun le monopolede la célébrité. Le docteur Yvelin, que nous avons cité ci-dessus, p.14, attribue expressément au curé Le Picard, directeur de ces nonnes,la suggestion de ces fraudes pieuses occasionnées par des vuesd’intérêt et de vanité.


LES HOSPITALIÈRESDE SAINT-LOUIS ;
MATHURIN LE PICARD, ET L’ARRÊT DUPARLEMENT DE ROUEN.

Nous avonsparlé du curé du Ménil-Jourdain et de son livre bizarre (Le Fouet desPaillards). Quoi qu’en ai dit l’abbé Laugeois, successeur de Le Picarddans sa cure, et auteur de sa défense sous le titre de l’InnocenceReconnue, le vicaire Boullay n’était vraisemblablement pas seulcoupable de liaisons scandaleuses avec quelques-unes des religieuses deLouviers. Je ne crois pas à l’infaillibilité des Juges, voire même descours de parlement, tant s’en faut ; mais il y a au moins de trèsfortes présomptions contre ces deux prêtres, fort assidus dans lecouvent qui devint le théâtre de tant de turpitudes.

Plustard nous avons rapporté le titre de l’arrêt rendu par le parlement deRouen contre Le Picard et Boullay.

Les noms de cesdeux ecclésiastiques avaient été fort compromis dans tous les actes àla possession des religieuses. Plusieurs arrêts avaient été renduscontre Le Picard (29) qui était mort en septembre 1642 (30), contre sonvicaire Boullay, et contre la soeur Madelène Bavent, religieusehospitalière du couvent de Saint-Louis, tous trois accusés de magie etd’avoir donné lieu aux maléfices qui avaient causé les désordresarrivés dans cette maison.

Dans l’arrêt du 21auguste 1647, on relate 1° un arrêt du conseil privé du roi, du 30 juin1645 ; 2° un procès-verbal de l’évêque d’Evreux, du 2 mars 1643,concernant les exorcismes ; 3° une audition des religieuses, du 3 dumême mois ; 4° des déclarations et reconnaissances des possédées, des 9février, 4 et 5 mars 1643 ; 5° une information faite par le pénitencierDelangle, le 3 mars ; 6° un procès-verbal d’exorcisme et enlèvement demaléfices, des 5, 6 et 7 mars ; 7° un interrogatoire de Madelène Bavent; 8° une information du pénitencier sur la vie et moeurs de défunt LePicard, du 11 mars ; 9° les conclusions du promoteur, du même jour 11mars ; et 10° la sentence rendue par l’évêque, le lendemain 12 mars.

Parcette sentence de l’évêque « Madelène Bavent avait été convaincued’apostasie, sortilège ; d’avoir porté au sabat l’hostie de sacommunion ; d’avoir prostituée son corps aux diables, aux sorciers etautres personnes, de la copulation desquels étant demeurée grosse parplusieurs fois, ils lui auraient procuré plusieurs décharges (31) parelle portées au sabat, dont une partie aurait servi à faire descharmes…... Pour la réparation desquels crimes la dite Bavent…. seraitconfinée à perpétuité dans la basse-fosse ou un des cachots des prisonsecclésiastiques de l’officialité, et à jeûner au pain et à l’eau lesmercredis, vendredis et samedis. Et pour le regard de Picard inhumédevant la grille du choeur des religieuses à l’endroit où ellesreçoivent la sainte communion, vu qu’il apparaissait qu’il avait abuséde la dite Bavent, et par ses sortilèges causé le désordre arrivé auxreligieuses du dit monastère ; pour restituer le repos des ditesreligieuses troublé par la sépulture du corps du dit Picard, aurait étéordonné que, pour tenir la chose secrète sans observer autre formalitérequise de droit, qui tournerait au scandale et pourrait arriver audéshonneur du sacerdoce, que son corps serait exhumé secrètement etporté en lieu profane écarté du monastère à moins de bruit que faire sepourrait. »

Il est ensuite fait mention : 1° duprocès-verbal d’Adrien Le Conte, lieutenant-général du bailli de lahaute justice de Louviers, du 20 mai 1643, « de la visitation d’uncorps mort, entier et non consommé (32), trouvé dans la fosse appeléepuits Crosnier, lieu servant de voirie ordinaire, et reconnu pour êtrele corps de Picard ; » 2° du procès-verbal d’Antoine Routier, «lieutenant-général criminel au siège du Pont-de-l’Arche, du 21 du ditmois, contenant la plainte des parens du défunt afin d’être informés dela dite exhumation ; » 3° des informations en conséquence, etc. ; 4° del’interrogatoire prêté par Madelène Bavent devant François Auber,commissaire, conseiller au parlement de Rouen, le 16 juin ; 5° del’interrogatoire de la même devant Barillon, maître des requêtes,commissaire député par arrêt du conseil, les 25 et 31 auguste 1643 etautres jours : 6° « de dépositions de religieuses prétendues «possédées et maléficiées ; » 7° d’un décret de prise de corps décernécontre Boullay le 2 juillet 1644 ; 8° d’un procès-verbal de Routier «de la visitation faite en sa présence de Boullay, » par un médecin ettrois chirurgiens, du 24 janvier 1645, « portant leurs attestations quele dit Boullay était marqué de la marque aux sorciers reconnue parl’insensibilité du dit Boullay à l’endroit de la dite marque ; » 9° deprocès-verbaux d’exorcismes ; 10° d’un « testament de Le Picard, passédevant les tabellions de Louviers le 8 septembre 1642 ; » 11° d’unprocès-verbal de Routier, du 21 mai 1647, « de ce qui s’était passélors de l’enlèvement du cadavre de Le Picard des prisons de Louvierspour apporter à Rouen, en exécution de l’arrêt de la cour. » Etc., etc.

Boullayet Madelène Bavent ayant été entendus devant le parlement, « le procèsmis en délibération, la cour, la grand’chambre, Tournelle et Editassemblées, fesant droit sur l’appel comme d’abus, a dit que par lejuge d’église il a été mal, nullement et abusivement procédé àl’exhumation du corps de Picard ; et, vu ce qui résulte des preuves duprocès, a déclaré Mathurin Le Picard et Thomas Boullay atteints etconvaincus des crimes de magie (33), sortilège, sacrilèges et autresimpiétés et cas abominables » etc., la mémoire de Le Picard condamnéecomme impie, son corps et « le dit Boullay cejourd’hui délivrés àl’exécuteur des sentences criminelles pour être traînés sur des claiespar les rues et lieux publics de cette ville ; Boullay condamné à faireamende honorable ; ce fait, être traînés en place du Vieux-Marché, etlà y être le dit Boullay brûlé vif, et le corps dudit Picard mis au feujusque à ce que les dits corps soient réduits en cendres, lesquellesseront jetées au vent… et avant l’exécution du dit Boullay, ordonnéqu’il sera appliqué à la question ordinaire et extraordinaire pourdéclarer ses complices… Ordonné que soeur Simonne Gaugain, dite laPetite Mère Françoise (34), ci-devant supérieure du monastère deSaint-Louis de Louviers, et depuis habituée à Paris, sera prise etappréhendée au corps… et que soeurs Catherine Le Grand dite de la Croix,Anne Barré dite de la Nativité, et soeur de Sainte Geneviève,religieuses au dit monastère, seront assignées à comparoir en la courpour être ouïes sur aucuns points résultant du procès ; le jugement dela dite Bavent différé. »

L’arrêt ordonne en outrela translation des religieuses dans un autre monastère ou chez leursparens ; l’application des maisons de ce monastère pour l’usaged’autres ordres.

« Fait au parlement de Rouen le 21ejour d’août 1647,

               » Signé, BERTOUT. »

Néeà Rouen en 1607, et entrée fort jeune à Saint-Louis de Louviers,Madelène Bavent avait été accusée par les religieuses de ce monastèred’avoir, dès l’âge de 14 ans, été débauchée par un cordelier nomméBontems, deux ans avant d’entrer chez elles. Elle avoue en proprestermes, dans l’histoire qu’elle a laissée et dont nous avons parlé, quePierre David, qui conduisait toutes les novices, parmi lesquelles ellefigurait, « était un horrible prêtre. » Cette période de dévotion étaitcependant ce que les censeurs moroses de notre époque appèlent le bonvieux tems.

A la lecture des récits de MadelèneBavent, il semble qu’on est reporté à ce qu’a depuis raconté, desreligieuses de la Toscane, le bon et vertueux évêque de Pistoie,Scipion Ricci, qui a révélé des turpitudes, des infamies et dessacrilèges que l’on voilait sous des apparences de dévotion.

Voiciun passage fort remarquable du commencement de l’histoire de notrereligieuse : « David introduisait des pratiques abominables…. Il disaitqu’il fallait faire mourir le péché par le péché, pour ressembler à nospremiers parens qui étaient sans aucune honte de leur nudité devantleur première coulpe…. Les religieuses passaient pour les plus saintesqui se dépouillaient toutes nues et dansaient en cet état, yparaissaient au choeur et allaient au jardin. On nous accoutumait à noustoucher les unes les autres impudiquement, et à commettre les plusinfâmes péchés contre la nature…. j’y ai vu même abuser de l’image ducrucifié. O horreur ! j’y ai vu exercer la circoncision sur une figure,ce me semble, de pâte, que quelques-unes prirent après pour en faire cequ’elles voulurent. J’y ai vu en outre profaner le très Saint-Sacrementde l’autel… Et on me l’a voulu une fois faire user, après l’avoir misquelques jours dans le fumier….. Je résistai beaucoup à communier unefois, dépouillée toute nue jusque à la ceinture : il fallait pourtantle faire. »

David ne tarda guère à mourir. Il eutpour successeur Mathurin Le Picard. Madelène Bavent était alorstourière depuis quelques mois. Le directeur-confesseur Le Picard nevalait pas mieux que David. Notre religieuse cite de ce prêtreplusieurs actes obscènes propres à révolter par leur recherche, et unmélange de sacriléges et de libertinage. Nous nous bornerons àrapporter le fait suivant, cité à la page 17 : Le Picard lui prit dusang menstruel qu’il recueillit sur une hostie, et qu’il enfouit aupied d’un rosier.

Une des parties les plus curieusesde cette histoire est celle où la fille Bavent donne des détails sur lesabat où elle n’était « enlevée que de nuit et après avoir dormi, »sans doute prenant ses cauchemars nocturnes pour des réalités. Quoiqu’il en soit, elle s’exprime ainsi : « Je n’y ai aperçu que desprêtres et des religieuses. Les diables y sont assez souvent endemi-hommes et demi-bêtes. L’hostie qui est employée à leur messe estroussâtre. Quand on y mange, c’est de la chair humaine….. Outre que j’yai toujours aperçu Picard, j’y ai reconnu son vicaire Boullay…, etquatre religieuses de Louviers, Catherine de la Croix, Catherine deSainte Geneviève, Elizabeth de la Nativité, qui pratiquaient, avecDavid mort ou plutôt avec le démon sous sa figure, les mêmes nudités etordures spécifiées dans la maison, et Anne Barré. »

Jene saurais me résoudre à copier ce qu’elle dit (page 29) et dédie à laduchesse d’Orléans : elle parle de l’abus dégoûtant que, pendant lesabat, quelques prêtres fesaient des hosties, dans leur commerce avecles femmes.

Le Picard et son vicaire Boullay eurentavec Madelène Bavent des rapports aussi scandaleux que ceux qu’elleavait eus avec David. Ce sont (comme elle a dit elle-même plus haut) debien « horribles prêtres » en effet, que ces directeurs et confesseursde nonnes dont cette malheureuse parle, sans doute avec véracité, dufond du cachot où on lui fesait durement expier ses erreurs, peut-êtremoins coupables qu’elles ne le paraissent, surtout si on considère quec’étaient des ecclésiastiques, respectables à ses yeux et auxquels onconfiait la direction du couvent, qui avaient profité de sa tendrejeunesse, de son innocence et de sa soumission, pour abuser de sacrédulité et pour corrompre ses moeurs.

Elleraconte des prodiges et des miracles arrivés au sabat ; elle parle deprêtres profanateurs réduits en cendres par Jésus-Christ, d’enfantsrôtis et mangés, de maléfices consommés avec des hosties et desentrailles d’enfans.

Sur la demande de l’abbéLanglois, auquel elle fit part des visions et des cauchemars dont elleétait la dupe et la victime, l’évêque d’Évreux vint la confesser àLouviers, en 1642. C’était peu de mois avant la mort de Le Picard, etenviron un an avant les fameux exorcismes du couvent des religieuses deSaint-François.

Le 3 mars 1643, par ordre de ce mêmeévêque d’Évreux, Madelène fut dévoilée, c’est-à-dire dépouillée duvoile et de son habit de religion. Elle avait alors trente-six ans. Lamère-supérieure, Catherine de la Croix, dit-elle, la mère-vicaireCatherine de Sainte Geneviève, et la mère des novices, Elizabeth de laNativité, me haïssaient beaucoup… J’avais toujours abhorré ces troiscréatures, à raison des pratiques infâmes par où elles m’avaient faitpasser. »

La soeur de la Nativité (Anne Barré), filledissolue, « ayant indiqué, continue Madelène, que j’étais marquée,l’évêque commanda à ces bonnes mères de la pratique de me visiter etraser. C’était ce qu’elles demandaient, accoutumées qu’elles sont àrepaître leur vue sensuelle des nudités des filles. »

L’évêque,qui depuis 14 ou 15 mois était son confesseur, « homme trop crédule »suivant la Bavent, la condamna pour la rémission de ses péchés à uneprison perpétuelle et à jeûner trois fois la semaine au pain et àl’eau, sur les simples dépositions d’Anne Barré qui parlait tantôt ensainte, tantôt en démoniaque.

Madelène était enprison depuis le 11 mars 1643, souvent plongée dans une basse-fosse ;dès le mois d’avril, elle fut en proie à d’affreux accès de désespoir,à tel point que cette malheureuse fille essaya plusieurs fois de sesuicider, soit en se frappant de coups de couteau, soit en avalant duverre broyé, des araignées et même de l’arsenic. C’est dans cet état,et il est facile de le concevoir, que l’infortunée fut en proie à defréquentes visions et à ce qu’elle appèle des tentations.

Envoyéeplusieurs fois de la prison d’Evreux à Louviers pour y subir desexorcismes, et menacée d’être brulée vive, elle fit plusieurs aveux surla véracité desquels on doit peu compter, puisque elle assure que lapeur la déterminait à convenir de tout ce qu’on voulait.

Laissonscette pauvre femme raconter elle-même les plus graves inculpations quilui étaient faites par les religieuses :

« Voici lesprincipaux articles dont les filles m’accusent :
QueDagon m’a épousée et a eu diverses fois ma compagnie ;
Quej’ai procuré quantité de décharges, et abusé d’icelles en sortilèges ;
Quej’ai eu plusieurs enfans, morts, vivans, portés au sabat, mangés, etc ;
Queplusieurs diables et sorciers ont joui de moi tant en ma cellule qu’ausabat ;
Que j’ai vu composer à Picard le charme dela sacristie dans le sabat, qu’on dit avoir été fait pour exciter àcharnalité ;
Que je sais des nouvelles de laligature composée de huit charmes où est le C coupé ;
Quej’ai baillé quantité d’hosties aux démons et porté d’autres en macellule pour servir à ma sensualité, ou pour les profaner par autrevoie ;
Que le charme, appelé l’Étendard ou leMariage Spirituel, m’est connu ;
Que Boullay, aprèsla mort de Picard, en certain transport, m’a demandé d’avoir sur moi lemême pouvoir de Picard, auquel, après avoir consenti, Picard mort m’adonné charge de faire avec son vicaire comme avec lui ;
QuePicard et les autres prêtres ont lavé leur honte avec le sang deJésus-Christ dans les calices au sabat, devant que de venir aux actionsimpudiques, et que je me suis laissée aller à cette abomination ;
Quej’ai vu des femmes accoucher au sabat, dont les enfans ont été égorgéspar les propres mères et les assitans, déchirés et enfouis dans terre,ou mangés avec les miens, après en avoir pris les parties principalespour la composition des maléfices ;
Que je me suischarnellement jointe au bouc, etc ;
Que mon mal desein était la marque du diable qui me le doit avoir guéri ;
Queje sais bien, comme y étant présente, que le vicaire Boullay, durant samesse au sabat, a envoyé couper du poil des parties honteuses à toutesles femmes qui étaient présentes pour le mettre dans le calice, et leboire tous après lui ;
Que Duval (35), que j’ai vumarquer au sabat, m’a envoyé de son sang par Verrine, son démon. »Etc., etc.

Madelène Bavent assure que l’évêqued’Evreux lui dit que l’affaire de Louviers était bien embrouillée ;qu’il n’y connaissait plus rien ; qu’il fallait que la Barré fut unegrande sainte ou une grande magicienne ; qu’il voudrait ne s’en êtrejamais mêlé. »

Il paraît que la pauvre Madelèneétait l’objet d’extrêmes rigueurs, et on le conçoit d’après les idéesde fanatisme qui dominaient dans ces tems encore barbares. Après laprocédure de 1647 au parlement de Rouen, devant lequel elle parut avecle malheureux Boullay et le cadavre de Le Picard, elle fut conduite « àla prison de l’archevêché sans qu’on lui donnât un morceau de painseulement pour sa nourriture. » Elle dit, et ce passage de son histoireconfirme bien ce que le docteur Yvelin pensait de la crédulité desexorcistes : « Le pénitencier d’Evreux s’était amusé à me faire desexorcismes avec le bon M. Gauffre ; il me traitait en possédée, et jele trompai d’importance ; car je la contrefis pour lui donner lepasse-tems qu’il cherchait. »

Ce pénitencier déjàaccusé par Yvelin est formellement incriminé par la Bavent. « Lorsque,dit-elle, on fit mourir Bellard, accusé de sorcellerie, à Evreux, commeon m’eût fait venir devant lui qui était tout près d’aller au supplice,et avait déjà eu les tortures, pour lui être confrontée sur ce qu’ilavait dit de moi, le dit Bellard répondit que tout ce qu’il en avaitdit m’était que par un ouï-dire public ; et que, pour ce qui concernaitle papier de blasphèmes, son confesseur M. le pénitencier lui avait ditque, s’il pouvait parler de moi en ce fait, il lui donnerait six sous,pour lesquels avoir (sa pauvreté étant extrême) il avait dit, à desseinde le contenter, que je l’avais mis entre Louviers et Evreux. »

Lamalheureuse Bavent n’était pas seule dupe de ses illusions et des accèsde réelle démence dont la cause était toute physique et que le mariageeût prévenus assurément : le grand-pénitencier ne craignit pas de faireimprimer le procès-verbal de ce qu’il prétendait lui être arrivé dansla prison pendant qu’il s’évertuait à tourmenter d’interrogationsextravagantes la pauvre Madelène. Dans cet acte authentique, dont nousallons citer quelques passages, on voit que le bon pénitencier n’avaitpas moins besoin d’ellébore et de brouillons rafraîchissans que lesprétendues possédées dont au surplus il était, suivant le docteurYvelin, au moins autant le complice que la dupe.

MadelèneBavent, dite la soeur de la Résurrection, déclare que, étant dans lecachot de cette prison, « le diable Dagon était venu à elle dans uneforme bien horrible, savoir la moitié du corps de la partie d’en hauten homme, ayant les cheveux levés comme des cornes et étincelans, levisage fort noir, et aux deux coudes deux couettes (36) de poil noir,et tout nu, et la partie d’en-bas du dit diable était d’une bête commed’un serpent tors et fort noir, sans poil, ni apparence de partieshonteuses….. Les dits diables, au nombre de huit avec Dagon, se mirentdans son lit avec elle et se tinrent là jusque après sa confession quifut faite le soir…. Lesquels diables demeurèrent avec elle jusque à monarrivée sur les quatre heures du soir, où, comme je commençais à luifaire faire sa confession générale, six diables tout nouveauxarrivèrent et se mirent à l’entour de moi….. Ce qu’elle n’osa me direde peur d’être troublée dans sa confession….. outre aussi qu’elle étaitdivertie par l’apparition de Dagon qui lui montrait des partieshonteuses qui la détournaient et lui donnaient du trouble, sans qu’elleeût aucune émotion charnelle, bien que ces parties honteuses luieussent paru comme celles d’un homme. »

Aussitôtqu’elle eut signé la renonciation, « tous les diables s’en allèrentavec un grand bruit ; » mais ils ne tardèrent guères à revenir pour luifaire révoquer sa renonciation ; ils lui « mirent la tête en bas et lespieds en haut, continue le judicieux pénitencier, l’espace de troisheures, et la jetèrent sur la place de son cachot si rudement qu’ellecroyait être morte et avoir la tête cassée ; car ce n’est pas avoiraffaire à du coton qu’avoir affaire à ces bêtes-là. »

Aprèscette réflexion profonde, le docte pénitencier rapporte que la soeurBavent « se souvient que, mercredi dernier, le diable s’est apparu àelle en forme de M. Langlois, confesseur des religieuses, qui la forçal’espace de deux heures d’avoir son habitation charnelle….. Madelènerenonce de tout son coeur aux diables, et révoque toutes les promessesci-devant faites, se donnant à Dieu très intimement. Ce qu’elle a juréen notre présence, la main sur le Saint-Sacrement, le jeudi 28 mai1643. » Signés : Delangle ; soeur Madelène de la Résurrection.

Quandles textes bibliques ont proclamé si haut cette grande maxime de lanature : Croissez et multipliez ! quand Jésus a condamné le figuierstérile, et pardonné à la femme adultère ; quand les apôtres eux-mêmesétaient mariés ; quand l’un d’eux disait franchement, en proprestermes, qu’il fallait plutôt se marier que brûler d’un feu infécondet préjudiciable ; n’était-il pas à la fois insensé et barbare depréconiser le célibat ? Aussi la nature, toujours empressée à punirceux qui violent ses lois, a-t-elle frappé d’une énergique réprobationces misanthropes farouches et ces victimes des préjugés qui se sontsoustraits au charme de l’amour et au besoin de l’hyménée. Quelleexistence que celle des ermites de la Thébaïde qui croyaient luttercontre les tentations du diable quand ils ne fesaient que combattre lesnaturelles impulsions du tempérament humain : sectateurs stupidesqu’ils étaient d’une perfection imaginaire qui en réalité n’étaitqu’une dépravation anti-sociale ! Aussi dans les couvens, dont lesfastes antiques et les chroniques sincères nous manquentmalheureusement, que de désordres et d’immoralité s’étaient introduitsmalgré des statuts trop sévères pour être exécutés ! A défaut del’histoire proprement dite, que de précieuses révélations dulibertinage des moines et même des nonnains dans les poèmes destroubadours et dans les fabliaux, et dans les nouvelles, et même dansdes actes plus sérieux des autorités tant civile que religieuse ! Moinsopulens qu’ils ne l’étaient, les templiers n’eussent pas été envoyés aubûcher pour leurs turpitudes et leurs sacrilèges ; et ces sacrilèges etces turpitudes eussent continué plus ou moins voilés, comme dans laplupart des autres associations de célibataires dévots.

Quoiqueles réformes religieuses eussent forcé le clergé à se tenir sur sesgardes, et qu’il fût maître de la plume qui écrit l’histoire et de lapuissance qui par le fer et le feu impose silence aux victimes, nevoyons-nous pas le libertinage avéré dans plusieurs couvens dumoyen-âge, et dans le XVIIe siècle encore, les scandaleusespossessions, prétendues diaboliques, que nous avons citées et qui nesont pas les seules de cette époque ? Et dans le siècle suivant, aucentre de l’Italie si éclairée, quelles infamies et quels sacrilègesépouvantables, dans les couvens de femmes de la Toscane, nous a faitconnaître le pieux évêque Scipion Ricci ?

Dans lesilence des cellules, si propre à accroître sans distractionl’intensité des passions érotiques, sous le fouet excitateur de ladiscipline, dans les méditations de certains passages de la bible et del’imitation de Jésus-Christ, le feu couvait dévorant sous la cendre etne tardait guères à se manifester avec d’autant plus de violence qu’ilavait eu plus de tems pour acquérir de la force. Quelle idée barbared’ailleurs que d’enchaîner de très jeunes filles au joug des codesmonastiques, avant qu’elles connussent l’étendue du sacrifice qu’onleur imposait, et qu’elles sussent si elles seraient assez fortes pourle consommer tout entier ! Était-il prudent de confier à des hommes,souvent jeunes et ardens, la direction de la conscience, et despensées, et des scrupules, et des actions de novices ingénues,inexpérimentées, et dociles aveuglément à celui qui a le pouvoird’ouvrir d’un seul mot les portes de l’abîme infernal ou des félicitésineffables du paradis ?

LOUIS DU BOIS.


NOTES :
(1)Goulart : Trésor d’histoires admirables ; t. I.
(2) Pline : Hist. nat.
(3) Sur le Psaume 63, et Cité de Dieu, liv.XX,ch. 7, etc.
(4) Traité des prestiges (de Præstigiis etincantationibus), traduit en français par Grevin. Paris, 1577, in-8°.
(5)Lorsque l’on prit de sages mesures pour confondre cette fille, lesprédicateurs de la Ligue se plaignirent en chaire de ce que « onétouffait une voix miraculeuse dont Dieu voulait se servir pourconvaincre les hérétiques. »
(6) Voir Lettre du cardinald’Ossat, et Discours Véritable sur le fait de Marthe Brossier (parle D. Marescot). Paris, 1599 ; in-8°.
(7) Apologie pourHérodote ; t. II. p. 368 à 416.
(8) « Relation Véritablecontenant ce qui s’est passé aux exorcismes d’Elisabeth Allier, etc.,par le R. P. François Farconnet, » digne moine du couvent des FrèresPrécheurs, où s’étaient faits les exorcismes. Sur la copie imprimée àGrenoble, Paris, Sevestre, 1649, in-4° de 15 p. Les deux démons, sanscompter un autre diable nommé Marcot, avaient pénétré chez El. Allier «par maléfice donné par une croûte de pain, dès l’âge de sept ans, àdessein de faire souffrir la créature, ou pour la faire paillarder,s’ils pouvaient. »
(9) Après de feints exorcismes dont lesjeunes dames furent dupes, on fit venir, non pas des capucins ou desjésuites, mais des médecins éclairés qui reconnurent la fourberie.
(10) Chronologie Novenaire : année 1591.
(11) Factum pour MarieBénoist, etc., appelante de ce qui a été fait contre elle par lebailli du Cotentin, etc., contre le procureur du roi de Valognes, enprésence de Jeanne de Launay, aussi appelante, et de Catherine Bedel.In-4° de 48 p.
(12) La condamnation par les juges de Valognesest de 1699 : elle fut atténuée par le parlement de Rouen.
(13)La vie de Marie Bucaille avait été écrite par l’abbé Dallet (mort vers1682) ; elle avait alors dix-sept ans. Cet ouvrage (peut-être restémanuscrit) a pour titre : Vie d’une personne qui veut travailler à saperfection. Il a paru une Réplique de Marie Bucaille à la réponsequ’on a donnée à son factum. In-4°, de 23 pages. La réponse dont ils’agit avait été publiée sous le titre de Réflexions, etc., parSainte-Marie, remplissant les fonctions du ministère public à Valognes.
(14)Je n’ai vu que le manuscrit du Mémoire de Desquinemare, ainsi quel’Examen du procès commencé au bailliage de Neufchâtel, 46 pagesin-4° ; (c’est la copie de l’imprimé de Rouen, chez Cabut.)
(15)Canton de Villers-Bocage, dép. du Calvados.
(16) 1737 ; in-4°de 14 et 27 pages.
(17) Le supérieur général des Eudistess’appelait Pierre Cousin. Il avait en 1727 succédé à Fontaines deNeuilli, et mourut à Caen, le 14 mars 1751, âgé de 86 ans.
(18)Le Conseiller d’état Monchal y fut aussi envoyé.
(19) Lecouvent contenait environ 50 soeurs.
(20) Madelène Bavent,détenue en prison, comme magicienne.
(21) Le fouet despaillards ou juste punission des voluptueux et charnels, conformes auxarrêts divins et humains, par M. L. P. Rouen, 1623. Réimprimé dans lamême ville en 1628, toujours in-12. L’approbation est datée du 1erauguste 1618.
(22) Petite Marie : terme de mépris pour laVierge Marie.
(23) Ancisi ou Ansitif : il possédait lavénérable soeur Barbe de Saint-Michel, comme on verra plus
bas.
(24)Louise de Pinterville.
(25) Sibillot : qui contrefait lesesprits ; ventriloque, etc.
(26) Voir ci-dessus, p. 5.
(27)Où donc les bonnes soeurs, dont un de leurs historiens vantel’ingénuité, avaient-elles appris ces chants obscènes ? C’est ce qu’ilest permis de demander sans indiscrétion.
(28) Ce fait estraconté, à peu près dans les mêmes termes, par l’abbé Le Breton : Défense de la Vérité, p. 10.
(29)Le frère et le neveu de LePicard avaient appelé comme d’abus de ce qui avait été fait parl’évêque d’Evreux, et de sa sentence du 12 mars 1643 pour faire exhumerle corps du curé.
(30) Il fut exhumé et jeté dans une marnièrele 3 mars 1613.
(31) Fausses couches.
(32) Le corpsde Le Picard, après son exhumation, avait été jeté dans une marnière.C’est là qu’il fut découvert ensuite par des chiffonniers. Ses parensayant intenté un procès à l’évêque d’Evreux, le prélat avait étécondamné par arrêt du conseil à l’inhumer de nouveau à ses frais. Lepromoteur d’Evreux fit surseoir à l’exécution de cet arrêt et obtintque l’affaire fût renvoyée au parlement de Rouen pour y être jugéedéfinitivement. C’est ce qui eut lieu le 21 auguste 1647 par l’arrêtdont nous donnons ici un extrait.
(33) On lit, dansl’Histoire de Madelène Bavent, page 76, un testament réel ou supposédu curé Le Picard, lequel commence ainsi : « Arles Picard. Au nom dugrand dieu Belzébut, le prince sur toute notre Vénérable Congrégation,auquel moi je jure fidélité pour l’éternité, en foi duquel je m’obligeà mon très cher frère Pierre David, de continuer ces très saints etadorables fondemens de perfection… Fait par moi maître en l’archimagie.
                  » Signé PICARD. »
(34) Le conseil d’état renditle 7 septembre suivant un arrêt qu’on trouve dans l’Histoire deMadeleine Bavent, p. 77 à 79. il décharge la soeur Simonne Gaugain dudécret de prise de corps décerné contre elle par le Parlement de Rouen,et renvoie l’affaire à l’official de Paris.
(35) Duval étaitun vieillard qui se trouvait dans la prison d’Evreux en même tems queMadelène Bavent.
(36) Mot normand : petite queue ; diminutifde la vieille expression coue, cauda.