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DUBOIS, Louis (1773-1855):  Étrennesd’économie rurale et domestique.- A Paris : Chez Raynal,13, rue pavée Saint-André-des-Arts, 1827.- 168 + 10 p. ; 10,5 cm.
Saisie du texte : S. Pestel pour la collectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (16.XI.2008)
Texte relu par : A. Guézou
Adresse : Médiathèque André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros]obogros@ville-lisieux.fr
http://www.bmlisieux.com/

Diffusionlibre et gratuite (freeware)
Orthographe etgraphieconservées.
Texte établi sur l'exemplaire de laMédiathèque (Bm Lx : 40664).

Étrennesd’économie rurale et domestique
dédiées aux personnes de laville et de la campagne,
auxquelles l’économie n’est pas indifférente, et
qui ne dédaignent pas de s’occuper de leurs fermes,
de leurs jardins et de leur maison.

Etrennes d'économie rurale et domestique (Couv.)

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TABLE DES MATIÈRES.

Avertissement
Calendrier
Année agronomique
Météorologie
De la Lune et de soninfluence
Analyse des terresarables
Analyse descéréales
Canard, cane,caneton
Oie, oison,jars
Des vins
Fabrication desvins
Sirop de Miel
Fabrication dukirsch-wasser
Cerises àl’eau-de-vie
Gelée degroseilles
Autrerecette
Autrerecette
Eau degroseilles
Eau de rose, de Lavande, etc
Composition du cirage àfrotter
Autrecomposition
Vins et teintures desanté
Vin des quatrefruits
Empoisonnement desloups
Composition de l’eau deCologne
De l’usage deschampignons
Traitement des asphyxiés,etc
Traitement desnoyés
Abrégé dechronologie
Table desvitesses
Famine en mer
Naufrage de la goëlette Little-Patty
Suicide d’une veuveindienne
Morale, anecdotes et bonsmots
Amasis etThalès
Pensées
Poésies

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AVERTISSEMENT.
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Nous continuerons tous les ans régulièrement ces petites Étrennes quiseront très variées, et n’offriront chaque année que des morceauxneufs, au lieu de ces réimpressions continuelles qui ne font, de laplupart des ouvrages de ce genre, qu’une répétition fastidieuse. Cerecueil continuera de présenter des mémoires sur l’Économie rurale etdomestique, des recettes et des procédés, des faits curieux d’histoirenaturelle et d’agronomie, et un grand nombre d’articles utiles auxpersonnes de la ville et de la campagne auxquelles l’économie n’est pasindifférente, et qui ne dédaignent pas de s’occuper de leurs fermes, deleurs jardins et de leur maison.

Le temps ne nous a pas, cette année, permis d’apporter à nos Étrennesles soins que nous leur donnerons les années suivantes.

LOUIS DU BOIS.


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ÉCLIPSES DE 1827.

Il y aura cette année quatre éclipses : deux de soleil et deux de lune.
Le 26 avril, éclipse de soleil invisible à Paris ; conjonction à 3 h.11 m. du matin.
Le 11 mai, éclipse partielle de lune invisible à Paris, commencement à6 heures 56 m. du matin.
Le 20 octobre, éclipse de soleil invisible à Paris ; conjonction à 3 h.56 m. du soir.
Le 3 novembre, éclipse partielle de lune, visible en partie à Paris ;commencement à 3 h. 53 m. du soir.


FÊTES MOBILES.

SEPTUAGÉSIME…………………………………………………    11février.
LES CENDRES……………………………………………………    28février.
PAQUES…………………………………………………………...    15 avril.
ROGATIONS…………………………………………………..21,22,23 mai.
ASCENSION………………………………………………………    24 mai.
PENTECOTE……………………………………………………...     3 juin.
LA TRINITÉ………………………………………………………..    10 juin.
LA FÊTE-DIEU…………………………………………………….    14 juin.
L’AVENT……………………………………………………………    2 décembre.


QUATRE-TEMPS.

Le 7, 9 et 10 mars.
Le 6, 8 et 9 juin.
Le 19, 21 et 22 septembre.
Le 19, 21 et 22 décembre.


COMPUT ECCLÉSIASTIQUE.

Nombre d’or………………………………………………………………    4
Épacte…………………………………………………………………….    III.
Cycle solaire……………………………………………………………..    16
Indiction romaine………………………………………………………...   15
Lettre dominicale…………………………………………………………    G.


DES SAISONS.

Le Printemps commence le 21 mars.
L’Été, le 22 juin.
L’Automne, le 23 septembre.
L’Hiver, le 22 décembre.

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ANNÉE AGRONOMIQUE.
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JANVIER.

Si le temps ne permet pas de travailler en plein air, on prépare lesgraines, on continue de battre en grange et de pressurer les cidres ;on fait les eaux-de-vie et les raisinés.

Lorsqu’il ne gèle pas trop fort, et que la neige ne couvre pas laterre, on émonde les arbres, on abat les bois de charpente et dechauffage, on plante en terrain sec, on transporte les terres, ontransplante les plantes vivaces si l’on n’a pas pu procéder à cetteopération en novembre ; on commence à tailler les arbres en espalier eten quenouille ; on nettoie les arbres des mousses, du gui, des lichenset des bois morts ; on serfouit le pied des arbres des vergers.

On donne un labour aux asperges, sur le terrain desquelles on jette dufumier consommé, des curures et des terreaux ; on visite lesartichauts, qu’on tient bien couverts.

Il est déjà temps de semer la fève et le pois, qui, si le temps devientdoux, donnent des primeurs avantageuses. On nettoie les oseilles, donton rafraîchit les racines. On peut hasarder, dans les terres précoceset les bonnes expositions, sur sol léger, quelques semis d’ognon.

Sous les châssis vitrés et dans les serres, on sème la laitue àrecoupes, le cerfeuil et les autres fournitures, le petit céleri, lesraves, les radis, la chicorée sauvage pour recoupes, la chicoréehâtive, les choux hâtifs et les choux-fleurs.

Vers la fin du mois on sème sur couche quelques melons, des concombres,et même quelques variétés de fleurs annuelles.

Lorsqu’on n’en a pas eu le temps en octobre, on peut encore mettre enterre les ognons de la tulipe et de la jacinthe, ainsi que les pattesou griffes des anémones et des renoncules.

On nourrit les bestiaux avec la paille, le foin, les feuillages séchésen juillet, les racines et les pommes de terre cuites.

FÉVRIER.

Les jours sont déjà plus longs, et l’atmosphère un peu plus chaude ; ona déjà beaucoup de choses à faire : on laboure pour les semailles demars, on plante les arbres, on continue de tailler les espaliers, onrépare les clôtures, on fait tous les travaux de janvier que lamauvaise saison n’aurait pas permis d’entreprendre ou de terminer.

On sème les fèves, les pois, les navets, les carottes, les salsifis,les betteraves, l’ognon, le poreau, les choux, le topinambour, lapoirée, le panais, les épinards, les laitues, les asperges, le céleri,le persil, le cerfeuil et le cresson alenois.

On plante l’ail, la ciboule, l’échalotte, les petits ognons destinés àêtre repiqués pour grossir.

On sépare et l’on réduit les vieux pieds d’oseille, d’estragon, delavande, de romarin, de thym et des autres plantes vivaces. Si le tempsest doux, on peut donner un peu d’air aux pieds d’artichauts, exposés àpourrir, mais on recouvre soigneusement.

Il est à propos de biner et serfouir les plants du mois précédent, telsque fèves et pois, si la terre s’est durcie et s’il est survenu desherbes parasites.

Il faut continuer de faire des couches de primeur ; on sème souschâssis, sous cloches, quelques melons et quelques concombres. On meten place ceux des semis de janvier qui ont prospéré ; on sème denouveau pour remplacer ce qui a péri ; on repique avec avantage dessalades et quelques choux ; on dresse les plate-bandes, on compose etrégularise les bordures ; on bêche et prépare les planches pour lessemis du mois suivant ; on manie et mélange les fumiers et les terreauxqu’on doit employer en février, en mars et en avril, afin de les tenirmeubles et de les perfectionner ; on nettoie, on serfouit et l’onamende les fraisiers de bordures et de planches.

Dans les terres humides on attend à la fin de ce mois pour lesplantations d’arbres et d’arbustes ; on taille le pêcher, l’abricotier,le prunier, le cerisier, la vigne et ceux des poiriers et des pommiersqui ne l’ont pas été en janvier.

On fait les boutures, et l’on met en terre les noyaux et les grainesqu’on a stratifiés pendant l’hiver pour accélérer leur végétation.

On commence à planter les arbres verts et résineux.

On sème à demeure le pied d’alouette, le thlaspi, le réséda, les pois àfleur, le pavot et le coquelicot. On sème sur couche plusieurs fleursannuelles pour l’été et l’automne, telles que la reine-marguerite,l’oeillet de la Chine, etc.

Il est encore temps de mettre en terre les ognons de tulipe et dejacinthe, ainsi que les griffes d’anémones et de renoncules.

On recueille pour les bestiaux les feuilles du chou cavalier pourcontribuer à les nourrir et à varier leurs alimens.

MARS.

On achève d’émonder et d’abattre les arbres, de réparer les haies, deredresser les fossés, de retourner les marnes, les curures et tous lesengrais.

On finit de bêcher ; on ne doit plus avoir à planter ni arbres niarbustes, et très-peu de plantes vivaces ; on place les échalas et lestuteurs ; on commence l’opération de la greffe par les cerisiers et lespruniers, avant d’en venir aux poiriers et aux pommiers.

On laboure et on ensemence les grains de mars.

Tous les espaliers doivent être palissés et taillés, les haiesréparées, et les bordures mises en bon état.

On établit les aspergeries nouvelles ; on serfouit et engraisse cellesqui sont en rapport.

On sème encore des fèves, des pois, des légumes et des fleurs. Il esttard de planter les arbres, excepté les arbres résineux, à moins que cene soit dans des terrains fort humides.

Si le temps est devenu beau, on découvre tout-à-fait les artichauts, onles serfouit, on enlève les oeilletons ou les drageons, et l’on met enplace ceux dont a besoin.

On sème des scorsonnères, des salsifis, des cardons, des betteraves,des artichauts, des épinards, des laitues, des bettes, des chicorées,des arroches, du cresson alenois, des porreaux, de l’ognon, du persil,du cerfeuil, du pourpier, des raves et des radis.

On fait de nouvelles couches pour les melons et les concombres, lespimens, les basilics et les autres semis qu’on continue. On met enterre les pommes de terre, les topinambours, les chervis ; on repiqueles choux ; on éclaircit et l’on bine les planches de légumes.

On met en terre pour graine des ognons, des betteraves, des salsifis,des carottes, des navets, des scorsonnères, et tous les plus beauxindividus des légumes réservés avec soin pour la multiplication.

On plante à demeure les boutures, les marcottes, les drageonsenracinés, et les choux qu’on avait mis en pépinière pour passerl’hiver.

On sème des fleurs pour l’été et l’automne, soit à demeure, soit pourrepiquer. On continue de greffer.

AVRIL.

Si le temps a forcé de différer le travail, on peut encore semer lescéréales dites de mars, et la luzerne, le trèfle, le sainfoin et lesautres herbages de prairies artificielles.

Dans les bois et les forêts on continue de semer les acacias, les pins,les mélèses, les châtaignes et les glands qu’on a stratifiés ; on faitle long des eaux la plantation des boutures et des gaules des saules,de l’osier et des peupliers.

On arrose les arbres et les arbustes transplantés récemment, si letemps se met à la sécheresse, et l’on continue cette opération àdiverses époques si la saison l’exige.

On sème les tapis et les gazons d’agrément.

Lorsqu’on n’a à sa disposition ni châssis ni couches, on sème enplates-bandes toutes les plantes et les fleurs indiquées dans le moisprécédent. Dans les terres humides, dans les expositions froides et lessols peu échauffés, on commence à semer la plupart des légumes ; maisils sont plus exposés à être dévorés à leur naissance par la limace etles autres insectes qui sont le fléau des jardins.

On sème les giraumons, les citrouilles, des melons, des concombres, desépinards, des raves et des radis, et en général les légumes dont onveut avoir à manger aux diverses époques de l’année.

Quand la saison est retardée par les froids, on fait à cette époque lestravaux de mars ; on nettoie les artichauts, on sème, on repique, onbine, on greffe.

Si le temps est beau on hasarde quelques haricots.

On réchauffe les vieilles couches, on en fait de nouvelles.

On découvre et l’on dispose les figuiers ; on expose au grand air pardegrés, avec précaution, et pendant quelques heures seulement, lesplantes de l’orangerie, afin de les préparer à sortir à la mi-mai.

MAI.

On peut encore, si l’on n’a pu faire autrement, semer des arbres vertsrésineux, des acacias, des faux-ébéniers, des arbres de Judée. C’est letemps de semer les graines d’ormes aussitôt qu’on les a recueilliesbien mûres.

On sème pour les bestiaux plusieurs fourrages, et plusieurs plantesoléagineuses ; on prépare la terre pour le sarrasin qu’on semera dansle mois suivant.

On fait des boutures de géranium, d’hortensia, etc.

On continue de semer des fleurs, de biner, d’arroser, s’il fait sec, etde sarcler.

On fait de nouveaux ensemencemens de haricots, de pois, de fèves, desalades, de fournitures et d’herbages.

On sème les capucines, les aubergines, les tomates, les pimens, et onrepique à demeure les plantes que l’on a fait lever sur couche et enserre, ou sous cloches.

On greffe en flûte le châtaignier et le figuier ; on écussonne.

JUIN.

Il faut semer les navets pour fourrage et le chou cavalier et arroserles semis, biner les pépinières, continuer quelques écussons, réduireet dresser les greffes de deux et de trois ans ; on tond les buis etles petites haies ; on ébourgeonne la vigne ; on sarcle, on bine, onarrose s’il est nécessaire, ainsi que pendant le mois suivant ; on sèmedes laitues, des chicorées, des navets, du céleri et du cresson alenois.

On commence à recueillir des graines et à tirer de terre les ognons defleurs, les bulbes et les griffes à mesure que les feuilles sontdesséchées.

JUILLET.

On sème plusieurs légumes pour l’automne et l’hiver, des épinards, desognons, des porreaux, des salades et des fournitures, des navets, descarottes et des choux ; on continue de sarcler et de biner.

On recueille la fleur d’oranger le matin et le soir au soleil.

On écussonne à oeil dormant sur églantier, sur rosier, sur épine, surprunier et sur poirier ; on commence la moisson ; on laboure pour lessemailles d’octobre.

AUGUSTE.

On sème à la fin de ce mois, et pendant le suivant, des graines de poisà fleur, de réséda, de pied-d’alouette et de pavots, qui, si l’hiverest doux, donnent l’année suivante des fleurs plus précoces et plusbelles.

On recueille les graines ; on commence à remettre en terre quelquesognons de fleurs si le sol est froid, et seulement à la fin deseptembre si le terrain est chaud, soit de sa nature, soit parl’exposition.

On continue d’écussonner sur le cognassier, le pommier, l’amandier, lemahaleb ou arbre de Sainte-Lucie, et-c.

On marcotte les oeillets ; on butte le céleri ; on lie ou on couvre leschicorées.

SEPTEMBRE.

On fait la curure des mares et des fossés, à moins qu’il n’y eût dudégât pour les cultures : ce qui forcerait de la différer jusqu’ennovembre.

On sème pour fourrages la carotte et la chicorée.

On continue d’écussonner ; on sème des salades, des fournitures et deslégumes pour l’hiver.

Quand il est nécessaire de faire des arrosemens, on n’y procède plusque le matin.

On lie des salades, on butte le céleri ; on empaille les cardesd’artichauts ; on finit de palisser les arbres ; on commence à tirer deterre des pommes de terre, des topinambours et des racines.

OCTOBRE.

On commence déjà à faire les fossés et même à planter des arbres et desarbustes dans les terrains secs.

On continue de semer des salades, des fournitures, des choux.

On met en place ou pépinières des oeilletons d’artichauts, des choux,des salades ; on nettoie les bordures ; on effile les fraisiers, onfinit de mettre en terre les ognons de fleurs.

On détruit les couches ; on met en réserve les fumiers et les terreauxqui en proviennent.

On coupe les rameaux d’asperges, on nettoie l’aspergerie et on jettedes feuilles sèches et de longues pailles ou de la fougère.

On arrache pour les ensabler à la cave les racines dont on a besoinpour l’hiver.

On élève en tombes ou rayons les planches du potager qui ne se trouventpas occupées, afin que la terre se mûrisse pendant l’hiver, et que plusameublie au retour des cultures elle puisse être bêchée plus facilement.

On finit de cueillir les fruits ; on dispose à la cave la chicoréedestinée à donner pendant l’hiver la barbe de capucin ; on rentre dansla serre et dans l’orangerie les arbres, les arbustes et les plantesqui doivent y passer la mauvaise saison ; on empaille les figuiers.

NOVEMBRE.

On plante en terrain sec, on ouvre les fossés pour les plantations defévrier et de mars, on couvre les artichauts, on sème quelques pois.

DÉCEMBRE.

On sème encore des pois, on serfouit les oseilles et les laituesd’hiver ; on plante des arbres s’il fait beau, on abat les bois decharpente.

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MÉTÉOROLOGIE.
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En passant sur des surfaces de la terre couvertes d’eau ou mêmesimplement humides, l’air les dessèche en pompant l’humidité.

L’air dissout d’autant plus d’eau qu’il est plus chaud ; mais cettefaculté dissolvante a des bornes, et, une fois que l’air est saturé,il n’en dissout plus.

L’eau bien dissoute dans l’air n’altère pas plus sa transparence que lesel pur bien fondu dans l’eau n’obscurcit ce liquide.

Si l’air bien chargé d’eau dissoute vient à se refroidir par une causequelconque, il sera forcé d’abandonner de l’eau ; si c’est lentement etprès de la surface de la terre que s’opère ce refroidissement, il seformera des brouillards ; si c’est de même lentement, maispartiellement et à une certaine élévation, il se formera des nuages ;s’il se refroidit encore, ces nuages, composés de gouttelettes tropgrosses, s’abaisseront aussi en brouillards épais ; si les gouttelettesqui composent ces nuages de réunissent, elles formeront des gouttes, ettomberont en pluie ; mais si le refroidissement est considérable, cesgouttelettes en se réunissant formeront de la neige qui tomberalentement dans un air tranquille, ou plus rapidement si le vent lapousse. Si ce refroidissement s’opère dans le brouillard, celui-cidéposera du givre sur les plantes et les autres corps qui y serontexposés ; mais si ces gouttelettes qui composent ces nuages, au lieu dese geler lentement en se réunissant, ne gèlent que lorsqu’elles serontréunies en gouttes, et en tombant, alors elles formeront de la grêle.

Voici quelques observations usuelles sur la dissolution et laprécipitation de l’eau par l’air.

Quand on se promène en hiver, et qu’il gèle, l’haleine ressemble à dela fumée, parce que l’air n’est pas assez chaud pour la dissoudresur-le-champ ; dans l’été, au contraire, ou dans un lieu échauffé, elleest dissoute à l’instant, et par conséquent n’est pas visible : lasueur qui s’échappe du corps des animaux n’est visible en hiver que parla même cause. Le brouillard qui s’élève en espèce de fumée des mares,des ruisseaux, des rivières, le matin et le soir, n’est apparent quelorsque l’air n’est pas chaud à la surface de l’eau.

Si en hiver on entre dans un café, qu’on demande une glace, et qu’onaille la prendre en plein air lorsqu’il gèle, la surface extérieure duverre ne sera point humide. Si l’on rentre dans le café, et qu’il soitbien échauffé, la surface extérieure du verre se couvre de rosée. Ceteffet est tout simple : la surface de ce verre est très-froide, l’airde la salle est chaud ; la portion d’air qui approche du verre, endevenant plus froide, abandonne un peu d’eau qui s’attache aux paroisdu vase.

C’est M. Monge qui est le premier savant à qui on doit la réunion desfaits sur lesquels repose la théorie des météores aqueux dont nousvenons de parler.


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DE LA LUNE ET DE SON INFLUENCE
SUR L’AGRICULTURE.
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C’est une erreur bien ancienne, bien enracinée, que celle qui attribueà la Lune une grande influence sur les variations atmosphériques, surl’agriculture et sur la santé même. Comme elle ne se montre à la vueavec éclat que pendant les nuits, cette apparition mystérieuse, autantque la variation de ses phases, attira sur elle plus d’attention quen’en obtint peut-être le soleil, qui pourtant fut adoré aussi et mêmeforma la base de la plupart des cultes religieux de l’antiquité.

Les anciens attribuaient à la Lune une foule d’actions qui presquetoutes provenaient d’une sorte de jeu de mots. Ainsi les arbres, lesongles, les cheveux tondus ou coupés en croissant devaient croîtreet repousser plus vite ; on devait semer et greffer en croissant,tandis qu’il fallait pressurer les liqueurs et abattre les arbres endécours, afin que les unes ne fussent pas exposées à entrer enmouvement ou à se troubler, et que les autres ne fussent pas attaquéspar les vers.

Cependant il fut constaté que même les rayons de la pleine Lune,concentrés dans le miroir concave de La Hire 306 fois de plus que dansleur état naturel, ne purent faire monter le liquide du thermomètre,pourtant fort sensible, d’Amontons. En 1760, le savant Bouguer établitque la lumière de la Lune, comparée à celle du Soleil, auquel ellel’emprunte, est environ 300,000 fois moindre.

Nous ne parlerons pas de toutes les superstitions et de toutes leserreurs auxquelles la croyance à l’influence de la lune sur la santé etla végétation a donné lieu. Ce serait un travail curieux, mais ici ceserait une peine inutile.

D’excellens météorologistes, MM. Cotte, Toaldo et Lamarck, ont enfinreconnu que cette influence prétendue est nulle. Et pourtant ils ontpendant de longues années fait des observations exactes, continuelleset importantes.

La régularité des marées, partout où elles ont lieu, et la différencedes variations météoriques, telles que la pluie, la sécheresse, etc.,dans différentes contrées quoique peu distantes entre elles, prouvent,contre l’opinion accréditée dans le peuple, que les diverses phases dela Lune ne déterminent pas une grande influence sur le temps,c’est-à-dire l’atmosphère et les météores, et par suite sur lavégétation et la santé.

Les effets de la Lune rousse vers le mois d’avril sont uniquementproduits par la température encore froide que l’air et la terre ontconservée après l’hiver, aux nuits longues encore et par conséquentfroides, à l’humidité du sol, et aux gelées du matin qui proviennent deces diverses causes. En effet l’influence de la prétendue Lune rousses’opère dans le midi de l’Espagne et de l’Italie vers la fin defévrier, dans la France méridionale en mars, et dans les départemens duNord et de l’Ouest en avril et même en mai, c’est-à-dire sous des Lunes ou des phases différentes.

Ce que l’on est convenu d’appeler premier quartier de la Lune, pleine Lune, dernier quartier de la Lune, nouvelle Lune, ne sontque la présence de cet astre plus ou moins sensible à la vue, suivantqu’il est pour nous partiellement ou totalement éclairé par les rayonsdu soleil. Cette variation qui diffère chaque jour s’opère par degréset insensiblement, et pourtant on lui attribue les effets les plusimportans, et même des effets très divers suivant que la Lune estéclairée à droite ou à gauche (en croissant ou en diminuant),quoiqu’elle le soit dans la même étendue de proportion.

On a dit avec raison : Savez-vous pourquoi il y a tant de gens quicroient à l’influence de la Lune sur le temps ? c’est que ces gens-làobservent bien quand le temps change avec la nouvelle Lune, et netiennent jamais note de l’observation contraire. C’est comme certainmédecin qui cite vingt malades morts d’apoplexie après avoir étésaignés, et qui ne fait nulle mention de tous ceux qu’il a laissémourir faute d’une saignée.

Le savant astronome Olbers auquel nous devons la découverte de deux desdouze planètes (Pallas et Vesta), a publié en allemand un mémoireimportant qui traite de l’influence de la Lune sur les saisons. Voicice qu’il dit entre autres choses intéressantes sur cette matière : «Beaucoup de personnes répètent que, suivant ses diverses phases, laLune exerce une grande influence sur le temps beau ou mauvais, sur lesanimaux et sur les plantes. L’expérience seule peut donner des lumièressur cet objet ; une remarque très simple suffit pour prouver que cetteprétendue influence n’est pas sensible : on n’a jamais pu découvriraucun rapport entre les phases lunaires et le beau ou le mauvais temps,quoiqu’on ait à cet égard pendant un grand nombre d’années fait,multiplié et continué les expériences les plus savantes et les plusjudicieuses. On parvint au même résultat  en remarquant que lapuissance attribuée à la Lune doit produire son plus grand effet dansles pays situés entre les tropiques, où cependant on n’a pu enapercevoir aucune trace : car, dans ces climats, la chaleur, lespluies, les vents etc., ne dépendent que de la distance du soleil auzénith, sans qu’il soit nécessaire d’avoir égard à la situation et auxphases de la Lune……… L’astronome anglais Horsley n’a pu non plusreconnaître aucun rapport entre les phases de la Lune et le temps….…Ayant reconnu que l’influence de la Lune sur l’atmosphère estinsignifiante, on doit avoir une juste méfiance de sa prétendueinfluence sur les hommes, les animaux et les plantes. Pendant ma longuepratique de la médecine je n’ai jamais aperçu aucune relation entre lecours de la Lune et les maladies, leurs symptômes et les effets desmoyens curatifs. »

Nous ajouterons, quant aux prétendus effets de la Lune sur les pierresdes murailles, sur l’altération des couleurs etc., que la lumière de laLune a si peu de puissance que des expériences récentes, fort bienfaites à l’Observatoire de Paris, ont constaté que cette lumière,quoique condensée par une très forte lentille, n’a pas altéré desproduits chimiques pourtant très-sensibles de leur nature ettrès-altérables par la lumière.


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EXTRAIT

Des recherches géoponiques sur la plus simple
analyse des terres arables ; par M. Cadet de
Gassicourt.
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Après avoir balayé la surface du terrain qu’ils voudront analyser pouren écarter tous les débris des végétaux, les cultivateurs prendrontavec la bêche trois ou quatre kilogrammes de terre qu’ils diviserontgrossièrement en l’étendant sur une claie à mailles serrées, et ils laporteront au-dessus d’un four de boulanger : quand on aura cuit quatreou cinq fournées, ils trouveront la terre parfaitement sèche ; alorsils la passeront au tamis de crin, comme celui dont on se sert pourpasser le tabac. Ils disposeront au-dessus d’un vase transparent unentonnoir de la capacité d’un litre, garni d’un filtre de papier gris ;ils peseront quatre hectogrammes de la terre à essayer ; ils laverseront légèrement dans le filtre sans la tasser ; ils arroserontdoucement cette terre avec quatre hectogrammes d’eau, et ils noterontle temps que cette eau mettra à passer. Dès que l’entonnoir cesserad’égoutter, ils peseront le filtre avec la terre humide, et ilsmarqueront l’augmentation de poids, qui indiquera la quantité d’eauabsorbée. Il faudrait répéter cette expérience quatre fois avec le mêmesoin, additionner les produits, et prendre la moyenne proportionnelle,c’est-à-dire le quart du total de l’eau absorbée et du temps del’immersion. Alors ils chercheront dans les nombres suivans celui quise rapproche le plus du nombre qu’ils auront obtenu.


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RÉSULTATS

D’un mémoire intitulé : Recherches analytiques sur les grainescéréales, suivies de quelques expériences sur la fermentation de cesgrains, et sur la nature du pain ; lues à l’Académie des Sciences deMunich le 8 mars 1817, par M. Vogel.
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1° La farine de froment (Triticum hybernum) est composée de

Fécule   68
Gluten nondesséché 24
Sucregommeux              5
Albuminevégétale               1  50

    La farine de Triticum spelta renferme
   
Fécule   74
Gluten nondesséché 22
Sucregommeux              8  50
Albuminevégétale ()           "  50

() En faisant dessécher le gluten, il faut déduire 9, 50 de la sommedu produit.

2° La farine d’avoine est composée de

Fécule   59
Albumine  4  30
Gomme             3  50
Sucre et principe amer               8  25
Huilegrasse  2
Matièrefibreuse   "   "

3° Le riz contient
  
Fécule   96
Gluten nondesséché   1
Sucregommeux              1  50
Albuminevégétale               "  20

Le gaz acide carbonique ne peut pas remplacer la levure et le levaindans la fermentation. Le gaz hydrogène peut soulever la pâte, mais nonpas la faire fermenter.

Les parties constituantes de la farine une fois séparées, on ne sauraitles réunir et tendre cette farine recomposée propre à la panification.

Le pain de froment est composé de
   
Sucre  3  60
Féculetorréfiée18
Fécule           53  50
Gluten combiné avec un peu defécule             20  75
Acidecarbonique″   ″
Muriate dechaux ″   ″
Magnésie″   ″


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CANARD, CANE, CANETON.
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On désigne par ces trois noms le mâle, la femelle et le petit d’ungenre d’oiseaux de l’ordre des palmipèdes. Le genre des canards offrebeaucoup de variétés ; nous ne nous occuperons ici que de ceux quipeuplent ou doivent peupler nos basses-cours.

Les oeufs, la plume et la chair font les revenus des canes, dit Olivierde Serres, et ce premier de nos auteurs géoponiques, ici comme partoutailleurs, a complétement raison.

Cet animal domestique, facile à multiplier, à élever, à engraisser,offre beaucoup d’avantages. Il suffit d’avoir à proximité, de l’eau,quelques mares, ou simplement quelques fossés. Sa nourriture n’est paschère ; outre qu’il s’en procure par lui-même une partie dans les lieuxqu’il recherche, le surplus se compose de quelques vannures, de son,d’orge, d’avoine et d’herbes sans valeur.

Le mâle est plus gros et plus beau que la femelle ; un seul suffit àdix canes.

Une cane commence ordinaire sa ponte, dès la fin de février, etquelquefois elle pond de suite jusqu’à soixante oeufs. Pour accélérer laponte, quelques ménagères ont soin de donner dès le mois de janvier uneration d’avoine à leurs canes, qui, échauffées par cette nourriture,donnent leurs oeufs beaucoup plus tôt. Lorsqu’on soupçonne que le momentde la ponte est arrivé, il faut surveiller la cane, qui ne manquejamais de chercher pour déposer sa couvée quelque coin couvert etécarté dans les marais ou les broussailles : il est prudent de luifaire adopter quelque lieu sûr, afin que l’humidité ne détruise pas legerme des oeufs ou qu’ils ne deviennent pas la proie des fouines, desrats et d’autres animaux qui en sont très friands ; le canard lui-mêmeen fait quelquefois sa pâture. Un des meilleurs moyens d’attacher lacane à un endroit sûr qu’on veut lui faire adopter, c’est de lui donnerses repas dans ce lieu. Une fois que le premier oeuf a été déposé dansun pondoir quelconque, la cane ne manque pas d’y venir pondre lesautres. Il importe donc de la surveiller lorsqu’on voit approcher lemoment où elle doit commencer sa ponte : au surplus, comme elle pond oula nuit ou du moins de grand matin, il suffira à cette époque de ne lalaisser sortir que vers neuf ou dix heures.

L’oeuf de la cane n’est guère plus gros que celui de la poule ; il estaussi nourrissant, le jaune en est plus foncé, mais la saveur en estmoins délicate. On les emploie avec avantage dans la pâtisserie ; ilssont assez bons en omelettes ; mais cuits à la coque ils conservent ungoût désagréable, et le blanc n’en devient pas laiteux. Lorsque laponte est terminée, la cane se trouve disposée à couver. Il faut avoirsoin de ne lui laisser que le nombre d’oeufs qu’elle peut bien couvriret échauffer ; placer son nid dans un lieu sec, et surtout ne paslaisser tomber d’eau sur les oeufs, qui éclosent au bout de 31 joursd’incubation. Il est inutile d’avertir que c’est par un préjugéridicule que l’on a supposé que les oeufs prospèrent mieux à lacouvaison quand ils sont au nombre de 13. C’est une erreur aussi dedire que les canes qui proviennent d’oeufs couvés par la poule communeou par la poule d’Inde ne se déterminent jamais à la couvaison. Tenir àportée de la mère les alimens en moyenne quantité qui lui conviennent,est un soin prudent qui l’empêche de sortir, de laisser refroidir lesoeufs, et d’y rapporter de l’humidité. Les petits canetons étantdélicats à élever, il faut préférer à tout autre temps la fin duprintemps et le commencement de l’été pour la couvaison, afin que lachaleur contribue à hâter davantage le développement de ces petitsanimaux. Cependant il est avantageux d’obtenir des canards précoces quisont d’ailleurs plus rares et plus recherchés, et par conséquent d’unevente plus profitable. Nous ne parlerons pas des fours où l’on pourraitfaire éclore en grande quantité tous les oeufs des volailles que l’onélève : le procédé n’est pas assez facile pour nos ménagères, et seraittrop coûteux pour la plupart des fermes.

Comme la cane couve avec beaucoup moins de soin que les poules etsurtout que les poules d’Inde, on préfère souvent de leur donner lesoeufs à couver et les petits à élever. Outre qu’elles en couvent uneplus grande quantité et que la dinde surtout peut faire de suiteplusieurs couvées, elles ne conduisent pas les petits à l’eau, ce qui,lorsque la saison est froide, est souvent funeste aux jeunes canetons.Dans le commencement, de simples baquets d’eau leur suffisent pourbarbotter ; et en très-peu de temps ils peuvent se passer de mère, etse procurer par eux-mêmes leur nourriture dans les herbages et leseaux. Du pain émié dans du lait, avec quelques jaunes d’oeufs, despommes de terre cuites avec quelque laitage, pourvu que les alimenssoient frais et non entrés en fermentation, leur suffisent pendant lespremiers jours ; ensuite on les nourrit avec de la farine de sarrasin,d’orge, de maïs, etc., délayée en pâtée avec de jeunes feuilles d’ortiehachées très-mince ; et peu après des herbes potagères, du son et dulaitage de rebut les nourrissent suffisamment : mais, lorsqu’ils sontassez gros pour être mangés, il est bon de leur donner de l’avoine, dela pâte d’orge ou du sarrasin. A ce moyen ils acquièrent rapidement dela graisse et de la chair.

Dans tous les temps, comme le caneton est très-vorace et que sadigestion s’opère très-promptement, on lui donne à mangertrès-fréquemment et jusqu’à ce que son jabot soit complétement rempli.

Les criblures de grains, les déchets de la cuisine, le gland, le rebutdes légumes et des fruits, tout est bon aux canards ainsi qu’auxcochons. Une ménagère économe sait tout employer, et à ce moyen ellenourrit ses élèves à peu de frais. Le canard est tellement vorace qu’ilse nourrit non seulement de végétaux, mais encore de poissons, dereptiles et d’animaux de voirie. Dans l’automne il n’a plus ou presqueplus besoin de nourriture de la ferme ; il se procure à lui seul toutesa subsistance.

L’accroissement du caneton est tellement rapide que dans l’espace dedeux mois on en voit qui pèsent déjà près de 4 kilogrammes (de 6 à 8livres). Ceux-là sont de la grande espèce, et supposent une nourritureconvenable et abondante.

Lorsque leur crue est à peu près faite, pour les engraisser plus viteon les empâte souvent avec de la farine d’orge ou de sarrasin détrempéeavec du laitage, ou même simplement de l’eau ; on y ajoute quelquefoisde l’avoine en grain ; on les fait boire fort peu, et on les tientenfermés comme les chapons en mue.

Ces oiseaux, pour devenir gras en peu de temps, n’ont pas, comme lescoqs, besoin d’être chaponnés.

L’éducation des canards est une bonne spéculation : cet oiseau devientpromptement bon à être mangé ; sa chair, délicate, succulente etnourrissante, est fort recherchée : il est d’ailleurs propre à servird’aliment aussitôt qu’il a été tué, et il n’a pas besoin d’êtremortifié. Le canard ne doit pas être saigné ; il faut l’étouffer ou luipercer le crâne avec une pointe de fer.

Indépendamment de la chair du canard, sa plume n’est pas sans utilité,quoique très-inférieure à celle de l’oie. On en fait la récolte en maiet en septembre, avant l’époque de la mue ; en les arrachant sous leventre, autour du cou et sous les ailes.

Le canard doit être placé loin des viviers et des étangs où l’on veutélever du poisson ; sans cette précaution il les dévasterait en peu detemps, et dévorerait bientôt toutes les petites carpes, les jeunestanches, les brochetons, et même des individus assez gros.

La mue est pour le canard une époque de crise au bout de laquelle ilreprend son embonpoint, qu’elle lui avait fait perdre momentanément.

Les ennemis du canard, comme des autres oiseaux de basse-cour, sont lesrenards, les fouines, les putois, les oiseaux de proie ; il y en aencore qui lui sont particuliers ; ce sont les sangsues, quis’attachent aux pattes des canetons.

Il est bon d’avertir aussi que les canards et les autres volailles ontbeaucoup à redouter une plante assez commune et qui est vénéneuse ;c’est la jusquiame, qu’on appelle aussi la hannebonne : elle doit êtresoigneusement arrachée et jetée au feu.

Outre le canard purement domestique, et dont la meilleure espèce estcelle des départemens de la Seine-inférieure et du Calvados, il y aquelques variétés qui ne sont pas à dédaigner.

Le canard sauvage dépose ses oeufs dans les glaïeuls et les joncs desmarais ; lorsqu’on peut les trouver, il est avantageux de les donner àcouver soit à des canes privées, soit aux poules, soit aux dindes : lescanetons qui en proviennent sont excellens à manger, et s’élèvent commeles autres dont nous avons parlé. Toutefois, comme ils pourraient êtretentés de ressaisir leur indépendance, on leur coupe l’extrémité d’uneaile : au moyen de cette précaution, ils ne peuvent s’écarter, surtouts’ils vivent habituellement avec les canards domestiques.

Le canard turc, du Kaire, des Indes, de Barbarie, ou de Guinée, ou biencanard musqué, connu depuis le seizième siècle, peut aussi être élevéavec avantage. Cette variété est beaucoup plus grosse que lesprécédentes : la tête est revêtue d’une espèce de peau rouge qui lafait facilement reconnaître ; il y en a de blancs, de bruns et debigarrés. Leur chair ne vaut pas celle des canards ordinaires ;cependant, tant qu’ils sont jeunes, elle est agréable et nourrissante.La femelle peut couver jusqu’à seize ou dix-huit oeufs. Uni avec desindividus de l’espèce commune, le canard de Barbarie produit des muletsdont on recherche la chair, qui en effet est très délicate, et dont lesoeufs sont aussi nombreux que substantiels, mais peu féconds à lacouvée. Ces mulets, comme les autres, ne peuvent se reproduire entreeux.

Cet oiseau s’engraisse facilement, mais il mange beaucoup. La femellepont deux ou trois fois par an ; et à chaque ponte elle donne douze àquinze oeufs de forme presque ronde et de couleur verdâtre. Aussitôt quele canard d’Inde a été tué, il est bon de lui couper la tête et surtoutle croupion dans lequel réside la source de cette odeur de musc quiserait insupportable en le mangeant : alors sa chair est agréable etpresque autant que celle des canards mulets.

Dans une partie du haut Languedoc on élève, on engraisse et on sale descanards qu’on y appelle canards mulards : ce sont les canards muletsdont nous venons de parler. On les nourrit avec du millet, du maïs, despommes de terre bouillies avec des choux, etc. Quand ils sont grands onles enferme dans un lieu obscur et on leur remplit le jabot avec dumaïs cuit dans de l’eau. Au bout de quinze jours ils sont bons à mangeret donnent un mets délicat. Quand on veut les conserver, on détache lesparties charnues que l’on saupoudre de sel et que l’on dépose dans unsaloir pendant quinze jours. Au bout de ce temps, on les retire, on lespique de clous de girofle, on y jette du poivre et on les conserve à lacave dans des pots de terre bien couverts.

Nous terminerons par un article extrait du Journal de la Haute-Garonne(du 22 décembre 1811), article fort intéressant et qui n’est pas connu.

« Pour saler les oies et les canards, il faut d’abord écrasergrossièrement le sel ; il se répand mieux, et perd moins. On fait unepremière couche, sur laquelle on met une oie qu’on couvre modérément desel ; on met successivement les oies et les canards les uns sur lesautres, de cette manière.

On les place ordinairement dans un saloir ou tinette de bois, ou dansune grande terrine vernissée, pour ramasser la saumure dans laquelle onles laisse.

Cet usage n’est pas sans inconvénient ; le sel, en se fondant, entraînele sang et la partie lymphatique qui est dans la chair, et qui estforcée de sortir, à cause du racornissement de la viande. Cette eau,celle surtout qui sort les premier et second jours, est sujette à secorrompre, à cause de la grande quantité de sang qu’elle tient endissolution, et je ne doute pas que la continuité d’une telle immersionde viande dans cette saumure ne soit cause que bien des salages sontmanqués.

Dès le lendemain de la première salaison, il faut tirer les oies decette eau ; on les met dans un autre vase, ou tout bonnement sur unetable couverte de toile cirée ou d’un torchon, en observant de mettrela première oie qui se trouvait au-dessus en dessous ; ainsi de suite.

La durée de la salaison est en raison de la température de la saison etdu lieu où on la fait. Lorsqu’on voit que la quantité de sel que j’aiindiquée est employée, la viande est à point.

Alors il faut faire fondre de nouveau les graisses d’oie et de canardqu’on met à bouillir, après les avoir partagées en quatre quartiers, enlaissant à l’extrémité d’une des cuisses le bout du croupion, qu’on aconservé en désossant.

Il faut laisser bouillir modérément cette graisse à petit feu, pourdonner le temps à la partie aqueuse qu’elle peut renfermer des’évaporer ; trois quarts d’heure, une heure au plus suffisent. Il fautà cet égard, choisir un juste milieu : trop cuite, la viande perd unepartie de son goût, son jus se mêle avec la graisse, et elle estsujette à se rancir ; si elle n’est pas assez cuite, elle se moisit.

Il faut ensuite se pourvoir de pots vernissés en dedans et en dehorsqui n’aient aucune odeur, bien secs surtout, dans lesquels on met lescuisses et les ailes des oies et des canards, en les arrangeant bienles unes auprès et sur les autres ; plus elle sont tassées, sans excèscependant, moins il faut de graisse.

Lorsque les pots sont pleins jusqu’au goulot, on vide la graisse, qu’onrépand avec une grande cuiller, à travers une passoire. Lorsque lagraisse est de niveau avec la viande, on place le pot dans un lieufrais, pour qu’elle se fige ; en se condensant, elle diminue de volume.Il faut donc de nouvelle graisse fondue pour remplir le vide, et pourque la viande se trouve recouverte.

La graisse d’oie ou de canard est beaucoup moins compacte et se fondplus facilement que celle de cochon. On se sert très-ordinairement decette dernière pour recouvrir entièrement la viande, et on en remplitle pot jusqu’au bord. De cette manière les oies se trouvent couvertesd’un pouce et demi de graisse de cochon.

Pour être bonne, il faut que cette graisse soit tirée non desintestins, mais de la panne ou du lard du cochon.

On les coupe en morceaux, on les fait fondre à petit feu dans unchaudron, et on coule la graisse à proportion qu’elle fond. Il fautéviter de la mettre bouillante sur les oies ou les canards. Il fautattendre qu’elle soit tiède, presque au point de se figer ; étant moinsdilatée, elle remplit mieux l’objet qu’on se propose, pour empêcher lapénétration de l’air.

Quelques ménagères ramassent les fritons, les mettent dans un pot avecla graisse qui est au fond du chaudron, et s’en servent pour faire lasoupe aux ouvriers, qui s’en accommodent assez, surtout si on faitusage de cette graisse et de ces fritons avec des choux.

Lorsque le froid a figé la graisse, on la recouvre 1° avec un papierblanc, qu’on a fait tremper dans l’esprit de vin ou de la forteeau-de-vie ; 2° avec plusieurs doubles de papier ou avec du parcheminqu’on attache au-dessous du col du vase.

On place les oies dans un lieu tempéré, plutôt froid que chaud. Il fautavoir soin de mettre sur le papier ou parchemin des tuiles, desplanches, et tout ce qui peut empêcher les souris et les rats de percerle papier.

Un mois et demi ou deux mois après que les oies et les canards ont étédans la graisse, on peut les manger. Si la salaison a été bien faite,de la manière que je viens de l’indiquer, on peut la garder un an etplus. J’ai mangé des ailes d’oies qui avaient été préparées ainsidepuis plus de dix-huit mois, et qui étaient aussi fraîches que lepremier jour.

Lorsqu’on entame un pot, il est nécessaire de ne point laisser laviande à l’air dans le pot ; mais il faut avoir l’attention qu’ellesoit toujours couverte de graisse, et de rattacher les couvertures.

Je n’ai parlé que des cuisses et des ailes ; dans les petits ménages on confit, c’est-à-dire on met également en graisse les cous, lesgésiers et les pates ; ils donnent du goût à la soupe, et il faut alorsmoins de viande. Quelques personnes mangent les gésiers d’oies avecautant de plaisir que les ailes, soit chaudes, soit froides. Quelquesgourmands donnent la préférence aux pates ; et j’avoue que je lestrouve bien bonnes surtout en friture.

J’ai recommandé cidevant de conserver dans son entier la peau du cou del’oie ; elle sert de fourreau pour faire de bons saucissons. Voici leprocédé qu’on emploie.

On détache des os de la carcasse des oies les aiguillettes ou lesblancs, et en général toute la viande qu’on en peut tirer ; on la hacheà morceaux, avec une suffisante quantité de boeuf bien attendri, et decochon gras et maigre ; on assaisonne ce hachis, et on en farcit lespeaux du cou. On leur fait prendre un bouillon avec les ailes dans lagraisse en évitant de faire trop de feu, pour que la peau ne se crèvepas, et on les met dans des pots vernissés, qu’on remplit de graisse.

Pour les manger on les met pendant une demi-heure environ dans le potau feu, et on sert ces saucissons froids ; C’est ce qu’on appellela saucisse d’oie. Pour qu’elle ait du goût, outre la chair qu’ontiredes carcasses, on peut ajouter une ou deux ailes d’oies qu’on hacheavec l’autre viande.

Dans les provinces méridionales on conserve également dans la graissele cochon qu’on dépèce en morceaux et qu’on prépare ainsi que je l’aiindiqué pour les oies et les canards. C’est un grand objet d’économiepour le paysan de ces départemens, et cet usage vaut bien mieux quecelui qu’on suit en Normandie, de saler et laisser déssécher le cochon,ou de lui laisser prendre un goût de relan dans le saloirou tinette. Le propriétaire ou fermier qui a beaucoup dedomestiques ànourrir trouverait de l’économie en suivant le premier procédé : sesgens seraient mieux nourris ou plus rassasiés. »
                               
LOUIS DU BOIS.

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OIE, OISON, JARS.
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Anas anser domesticus, suivant Linnée : le jars est le mâle ; l’oie,la femelle ; et l’oison, leur petit. Cet oiseau de basse-cour est undes plus utiles de tous ceux que nous élevons : sa chair, son foie etsa graisse sont très recherchés ; ses plumes sont l’instrument le pluscommode dont nous nous servions pour fixer et transmettre notre pensée; son duvet nous donne pour le repos des coussins et des lits moëlleux.L’histoire même de cet oiseau n’est pas sans quelque éclat ; il futrecherché par les Égyptiens ; il sauva, dit-on, le Capitole, et futcette nuit-là plus vigilant même que le chien ; la chaste époused’Ulysse, Pénélope, engraissait ses oies avec le froment même, à uneépoque où les hommes et même leurs chefs se contentaient de pain d’orge; à Noël, l’oie grasse rôtie parait avec pompe sur la table des roisd’Angleterre, et à la saint-Michel sur celle des particuliers les plusgastronomes de la Grande-Bretagne. Nos aïeux aussi en faisaient leursdélices avant l’introduction du dindon, rival de l’oie en bêtise, maisson maître en fait de saveur délicate, surtout lorsque la truffe duPérigord lui prête l’agrément de son parfum.

Les meilleures oies grasses viennent d’Alençon, de Strasbourg, deMontauban, de Bordeaux et de Baïonne.

Cet oiseau vit assez long-temps ; mais il est douteux, quoi qu’en diseWillougbhy, qu’il puisse devenir sexagénaire. On en connait peu devariétés ; celle qui doit obtenir la préférence est la plus grosse :quand elle est grasse elle pèse jusqu’à sept kilogrammes (14 livres) ;on en voit même de plus pesantes, mais elles sont vieilles, parconséquent peu tendres, d’une saveur peu agréable et d’une digestiondifficile. Leur couleur est grise, noirâtre ou blanche ; leurs pates etleur bec son brun-roux tant qu’elles sont jeunes, et deviennentjaune-orangé à mesure qu’elles vieillissent ;

L’oie a quelque ressemblance avec le cygne ; aussi, il y a quelquesannées, on accoupla avec succès au jardin des Plantes un cygne mâleavec une oie : de neuf oeufs qu’elle pondit un seul produisit un petitvivant. A sa naissance, comme par la suite, il a toujours eu plus deressemblance avec l’oie qu’avec le cygne ; il était seulement plus grosque sa mère.

L’éducation des oies est une bonne spéculation dans les pays où leslandes, les bruyères et les marécages sont communs ; il n’en est pas demême des contrées où les pâturages ont beaucoup de valeur, et danslesquelles on cultive les céréales. L’oie est très-vorace ; elle mangebeaucoup d’herbe, et celle qu’elle ne mange pas, salie par sesexcrémens, dégoûte les bestiaux, qui pourraient s’en nourrir, et quiseraient plus profitables qu’elle ; elle dévaste les grains et lesvignes. Il faut la confier à un gardien lorsqu’on veut l’éloigner deterres cultivées et productives. D’ailleurs sa chair n’est bonne quelorsqu’elle paît les plantes aromatiques des terrains maigres, inculteset arides. Peu d’eau lui suffit, et sa saveur même en est plusdélicate. A moins que le troupeau d’oies ne soit trop peu considérablepour indemniser des frais du gardien, il est prudent de ne pas leslaisser sortir au loin sans lui ; les oies sauvages pourraients’abattre parmi elles, et les engager à les suivre au loin.

Ce que nous avons dit à l’article du canard peut s’appliquer à l’oielors de la ponte. Il faut la surveiller afin qu’elle n’aille pasdéposer ses oeufs dans quelque lieu écarté et peu sûr. Comme il est entout important d’avoir des primeurs qui toujours se vendent mieux etplus chèrement, on cherche à déterminer l’oie à pondre de bonne heure.Pour arriver à ce but on la met coucher dans un lieu chaud ; on luidonne du maïs, de l’orge, du sarrasin et surtout de l’avoine ; on luiabandonne de la paille courte pour construire son nid dans quelquepetite retraite saine, obscure et éloignée du bruit. Là, dès qu’elle afini sa ponte et qu’elle couve, on tient à sa portée un baquet d’eau,du grain, des pommes de terre cuites, des châtaignes bouillies, du sonmêlé avec de l’avoine, suivant le prix de ces objets.

L’oie commence à pondre ordinairement en février, quelquefois dès lafin de janvier, si l’hiver est doux et la nourriture abondante : cetteponte est de dix à vingt oeufs ; généralement elle ne passe pas douze àquinze. Comme elle pond tous les deux jours, elle termine cetteopération dans un mois. Elle peut couver dès les premiers jours de mars; ces oeufs se vendent de 60 cent. à 1 fr. 50 cent. la douzaine, suivantles années, et selon qu’on les vend plus tôt ou plus tard. Les oiesbien nourries pondent deux ou trois fois par an ; chaque ponte estalors de dix à douze oeufs.

On donne de douze à quinze oeufs à couver à chaque oie ; les pluspetites n’en peuvent échauffer suffisamment que dix. L’incubation dure27 à 30 jours, ce qui dépend de la chaleur de la saison et du local oùle nid est situé. Ainsi on peut avoir des oisons dès la fin de mars.Pendant l’incubation il faut nourrir la couveuse avec de l’orge ; lameilleure serait celle qui serait crevée dans l’eau.

Lors de l’éclosion il faut veiller à ce que les premiers-nés soient, àmesure qu’ils sortent de leur coquille, retirés du nid, parce que poureux la mère abandonnerait les derniers oeufs, qui quelquefoisn’éclosentque deux ou trois jours après les premiers. Ces petits oisons sontplacés dans un panier garni de laine et tenus chaudement jusqu’à cequ’on les rende aux soins maternels, ce qui soit se faire aussitôt quetous les oeufs féconds sont éclos. On s’assure de la fécondité dechaque oeuf en l’examinant au grand jour pour juger de sa transparenceou deson opacité : ceux qui sont dans ce dernier état renferment un oiseau ;les autres sont clairs, c’est-à-dire stériles, et ne sont bons qu’àjeter. Quelquefois le tonnerre tue les petits dans les oeufs ;quelquefois aussi le petit vient à périr par le refroidissement,lorsque l’oeuf qui le contient ne se trouve pas bien placé sous samère.Au surplus, trois jours après que les premiers sont venus à terme, onne risque rien d’écarter les oeufs qui restent.

La première éducation des oisons a beaucoup de rapport avec celle descanetons : éviter le froid, le grand soleil, le voisinage des bestiaux; donner une nourriture composée d’orge moulu et mis en pâtée avec unquart de son et du lait, ajouter soit des orties tendres, soit de lamillefeuille, soit du mélilot haché et demi-cuit, faire bouillir descroûtes de pain : voilà ce qu’on peut conseiller avec le plus desuccès. Les oisons aiment à manger souvent, à se baigner, à courir surl’herbe ; il faut veiller à ce que ces choses ne leur manquent pas :leur éducation en sera plus facile, et leur accroissement plus rapide.Les oisons de mars, lorsque le temps est froid, doivent être tenus sousdes hangards ou dans des étables, où on leur procure un baquet d’eauqu’on renouvelle pour qu’elle ne se corrompe pas. Dès que l’oison aquinze à vingt jours, il sort sans inconvénient. Lors de la mue il fauttenir chaudement les oisons, leur donner de l’orge crevé dans l’eau devaisselle, et même, pour les fortifier, leur faire avaler un peu devin, de cidre ou de bière. Au bout de six à huit mois, suivant qu’il aété bien ou mal nourri, l’oison est bon à manger ; il pèse alors detrois à quatre kilogrammes (six à huit livres). Sa chair est tendre etsavoureuse ; mais il n’est pas encore gras, et il est susceptibled’augmenter beaucoup de poids et de valeur. On peut donc le manger dèsla fin d’auguste, en septembre et en octobre.

Si l’on veut engraisser les oisons, seul moyen de les rendre excellenset d’augmenter le produit qu’on doit se proposer d’en retirer, on lesnourrit pendant un mois ou cinq semaines avec des grains bouillis etdétrempés avec un peu de lait lorsqu’il n’est pas trop cher : cesgrains sont l’orge, le maïs, le sarrasin ou l’avoine. Les déchets depain, les pommes de terre, les châtaignes bouillies et réduites enpâtée qui ne soit pas liquide, sont très avantageux pour leur procurerun engraissement rapide. Il est bon de le terminer par de l’avoine nonmoulue et non cuite, qui donne à leur graisse plus de consistance et desaveur. L’oie sera d’autant mieux et d’autant plus promptementengraissée qu’elle mangera à discrétion toutes les trois heures,qu’elle fera moins d’exercice, qu’elle aura moins d’eau : il faut doncl’enfermer, la laisser sortir pour paître seulement trois heures parjour, la placer dans un lieu sombre, sain, tranquille et propre, et nela laisser boire que peu et rarement : cet engraissement ajoute untiers au poids de l’oiseau. Ainsi, dès le commencement d’octobre onpeut avoir des oisons gras du poids de six kilogrammes (12 livres) ; etpendant les mois de novembre et de décembre, il n’est pas rare d’entrouver qui pèsent plus de huit kilogrammes (16 à 18 livres). On peuten manger tout l’hiver.

Dans les pays où les figues sont communes, on doit en mêler de sèchesavec la pâtée que l’on fournit aux oies qui en deviennent plusdélicates. On peut évaluer à 25 kilogrammes au plus (50 livres), laquantité de grain nécessaire à l’engraissement complet de l’oie,lorsqu’on n’a pas d’autre nourriture à lui fournir.

Quand l’oie est parvenue au terme désiré, on la tue en lui ouvrant lecrâne sur sa largeur par un coup de serpe qui lui fait promptementperdre la vie avec son sang qui est bon à manger, surtout lorsqu’il estfrit avec de l’ognon. On la laisse se faisander de deux à huit jours,selon la température de la saison. On la fait rôtir lentement etpendant trois ou quatre heures : on en retire ainsi, indépendamment desa chair très-savoureuse, 1 à 2 kilogrammes (2 à 4 livres) d’unegraisse fine et délicate qui, étant convenablement salée et épicée,peut se conserver toute l’année pour la cuisine.

On confit les oies et on en fait au loin des envois productifs. A cemoyen on peut en manger toute l’année et dans tous les pays. Pour ceteffet on détache les quatre membres, c’est-à-dire les ailes et lescuisses, de manière qu’il ne reste que le squelette ; on découpe lesautres chairs et les graisses : on met le tout au sel avec un peu denitre pendant deux ou trois jours ; ensuite on fait, dans un chaudronpropre, cuire, au moyen de la graisse, cette chair qui n’est parvenue àson véritable degré de cuisson que lorsqu’elle peut facilement sedétacher des ossemens. Pour conserver ces pièces, on les placeproprement et sans les briser dans des pots de grès pour l’usage, oudans des barils de bois blanc et inodore pour le transport ; on versedessus la graisse fondue, de manière qu’elle occupe tous les vides etcouvre bien la totalité. Comme cette chair doit se conserverlong-temps, et que sa saveur naturelle doit encore être rehaussée, ilfaut, en la faisant cuire, y joindre du sel et les ingrédiens d’usage,tel que le poivre, le clou de girofle, les feuilles de laurier, etc.Lorsque le tout est bien refroidi, il est prudent, surtout si l’on doittransporter au loin, d’ajouter une couche de graisse de porc mâlefondue mais non bouillante, et dont l’épaisseur soit d’environ un doigtou deux.

Comme la cuisson est prolongée, on peut employer à cet usage lesvieilles oies, pourvu toutefois qu’elles aient été bien engraissées.

Les membres du canard et du dindon peuvent être conservés ettransportés en suivant les mêmes procédés.

J’ai remarqué que les oiseaux que l’on avait fait demi-rôtir avant dedétacher leurs membres pour les cuire et les soumettre à l’apprêt quenous venons de décrire, avaient beaucoup plus de saveur et seconservaient tout aussi bien que les autres. A la vérité la préparationest plus coûteuse ; mais, comme le résultat en est plus avantageux, onne doit point balancer à la préférer, surtout lorsque l’on désire seprocurer de bonnes choses et que l’on a les moyens de faire pour celaquelques sacrifices.

L’oison de septembre se vend de 1 fr. 80 c. à 2 et 3 fr. ; celuid’octobre et de novembre, lorsqu’il est gras, peut valoir de 3 à 5 et 6fr. Une belle oie grasse pesant 8 à 10 kilogrammes (16 à 20 livres)vaut souvent jusqu’à 12 fr.

Outre les produits que l’on retire de cet oiseau, soit en chair, soiten graisse, il donne encore au bout de 3 à 4 mois, c’est-à-dire enjuillet, un duvet très-estimé pour les lits et les coussins : laquantité que l’on recueille de cette première moisson est d’environ 122grammes (4 onces) ; la seconde moisson a lieu à la fin d’auguste etdonne un poids égal. Ainsi on retire de chaque oison avant de le manger250 grammes (une demi livre) de duvet qui peut valoir 4 à 7 fr. lekilogramme (2 à 3 f. 50 c. la livre). La plume tirée ou duvet fin vamême jusqu’à 10 fr. le kilogramme (5 fr. la livre). On doit renfermerpendant 2 jours les oies qui viennent d’être plumées.

Les plumes à écrire ou bouts d’aile, sont encore une productionprécieuse de l’oie : elles valent le cent de 2 à 9 fr. suivant laqualité. On n’en doit arracher que quatre ou cinq à chaque aile. Ilparaît certain que ce ne fut que dans le 5e siècle que l’on commença àsubstituer ces plumes aux roseaux qui jusqu’alors avaient servi pourl’écriture, et dont quelques peuples de l’Orient se servent encore.L’usage de la plume à écrire était devenu commun au 10e siècle et nefit que s’accroître rapidement jusqu’à ce qu’il fût devenu tout-à-faitexclusif.

Il est une plante plus redoutable encore, pour l’oie et les autresvolailles, que la cigüe, c’est la jusquiame ou hannebonne : cetteplante les empoisonne en peu de temps. Il est donc prudent del’extirper avec soin des lieux qui sont à la portée des oiseaux debasse-cour.

L’oie est sujette à quelques maladies, dont les plus dangereuses sontla diarrhée et le vertige. La première se guérit en mettant l’animalaux alimens secs, en lui faisant boire un peu de bon vin chaud etsucré, ou aromatisé d’un peu de cannelle ; on conseille aussi le vindans lequel on a fait infuser des pelures de coing, des feuilles ou dubois de cassis (groseiller noir), du gland sec, ou un peu de thériaquegros comme une noisette. La seconde maladie provient de l’affluence dusang au cerveau, et jette l’animal dans un vertige qui le fait périr enpeu d’instant : il faut pour remédier à cet accident lui tirer du sangavec la pointe d’un canif ou avec une forte aiguille d’une veine placéesous la peau qui sépare leurs ongles.

Le fumier de l’oie est très-chaud à cause de la grande quantité de selsque contiennent les excrémens des oiseaux et surtout de ceux dont ladigestion est promptement élaborée et terminée.

L’oie doit être séparée des autres oiseaux de la basse-cour, exceptédes canards avec lesquels elle vit en bonne intelligence.

Les jars pendant leurs amours, les oies lorsqu’elles ont des petits ensont pas faciles à approcher : ils peuvent blesser les enfans et sontquelquefois même redoutables aux hommes.

On préfère, pour avoir de bons produits, le jars de couleur blanche etla femelle de couleur grise, ou au moins panachée. Un mâle suffit à dixfemelles.

Comme le foie des oies est très-délicat, on s’est attaché à en obtenirde volumineux en procurant à l’animal une sorte de cachexie hépatique.Pour parvenir à ce but, on place l’oiseau dans une boîte ou même dansun vase de terre cuite où il ne peut se retourner ; on l’établit dansun lieu obscur ; on le gorge sans cesse de nourriture. Il y a de cesfoies qui pèsent jusqu’à un kilogramme (2 livres).

LOUIS DU BOIS.

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DES VINS.


La nature assigne à chaque plante le sol qui lui convient, et à chaqueterrain la plante qu’il affectionne le plus. Ainsi l’on doit voirprospérer dans les vallées, les prairies ; dans les plaines, le blé ;les bois sur les montagnes, et la vigne sur les coteaux. Les terrainsqui donnent le meilleur vin rouge sont, 1) la terre grouetteuse ; 2° laterre calcaire ; 3° la terre forte, grise, qui repose sur une couche deglaise verte : sur tous ces terrains le raisin mûrit de bonne heure, etn’y pourrit jamais. Quand depuis le 15 auguste jusqu’au 15 septembre letemps est beau et chaud, le raisin cuit sur les ceps, et le vin esttrès-bon.

Le premier mouvement de la sève, dans la vigne, arrive du 15 au 20 mars; la floraison du 15 au 25 juin, et la maturité du raisin versl’équinoxe d’automne. Ces trois époques causent ordinairement unchangement dans la température, qui influe sur les liqueurs animales etvégétales, et par conséquent sur le vin de nos caves. Quand le vin estvert, acerbe ou dur, on l’adoucit en mettant dans le tonneau deux outrois poignées de plâtre en poudre, ou bien autant de blanc d’Espagne.Dans le Dauphiné, on y met de la cendre, de la craie ou de la chaux,pour rendre le vin plus tendre et plus potable. Il y a eu des années oùla sécheresse de l’été et une maturité très-avancée rendaient le vinexcellent huit jours avant les vendanges, puis tout à coup le temps semettant au froid et à la pluie, le raisin se crevait, se pourrissait,et le vin n’était pas potable. Telles furent, pour les vins, les années1787, 1789, 1792 et 1808.

Le commerce des vins de Bordeaux est depuis long-temps connu en Europe.Il est constaté, par les registres des douanes, qu’en 1130 il étaitsorti du port de cette ville 141 navires chargés de 13,400 tonneaux devin. Chaque tonneau est de 800 pintes, ou de deux milliers (poids demarc). Froissard dit qu’en 1372 on vit entrer dans le même port uneflotte composée de 200 navires qui venaient enlever les vins du pays.En 1791 on exporta de Bordeaux 325,000 tonneaux de vin.

La disette des blés détermina, en 1566, le roi Charles IX à défendre laplantation des vignes ; ce prince voulut qu’il n’y eût que le tiers dechaque canton qui fût occupé par les vignes. En 1583, Henri III modifiacette ordonnance. En 1731, Louis XV défendit de planter des vignes ; en1736, cette ordonnance fut renouvelée. Ces défenses plongèrent dans lamisère plusieurs cantons vignobles.

Les vins d’Espagne et d’Italie sont plus huileux que ceux de France,parce qu’ils sont plus cuits et qu’ils sont plus fermentés : cependantil se trouve en Italie des vins aussi mauvais que ceux de Surêne etd’Argenteuil. Henri IV  buvait des vins de Surêne etd’Argenteuil à son dessert ; il ne connaissait pas de vin au-dessus decelui d’Arbois. L’empereur Julien, qui a habité à Paris, a parlé avecéloge des vins qui croissent aux environs de cette ville. Dans le 13esiècle on vantait beaucoup les vins de Marli, de Melun, de Montmorenci,de Pierrefitte, de Mantes, etc. Il y avait dans le même temps des vinsrenommés en France, dont on ne parle plus : tels étaient ceuxd’Issoudun, de Châteauroux, de Buzançois, de Montmorillon, etc. Cesfaits consacrés par l’histoire nous indiquent une grande révolutionopérée dans la culture de la vigne et dans la fabrication du vin.Depuis ce temps-là l’invention des bouteilles a offert un grand moyende conserver les vins ; car sans les bouteilles point de vins mousseux.Les bouteilles étaient inconnues en France il y a 400 ans : on n’yconnaissait pas davantage les vins grecs, ceux d’Espagne, d’Italie, duRoussillon, de l’Hermitage, etc.

Les vins de Languedoc et du Rhin donnent beaucoup de tartre ; plus levin est gros, plus il en donne ; ceux d’Espagne n’en donnent point dutout. Les vins de Grave contiennent beaucoup d’esprit ardent ; ils ontbesoin d’être éventés, foulés et refoulés à la fermentation. Les vinsparticipent de la saveur des engrais : ceux qui viennent sur lescailloux sentent la pierre à fusil ; les vins de Saint-Perai et deSeyssuel ont l’odeur et la saveur de la violette ; ceux de Côte-Rotiesentent la pierre à fusil ; ceux de la Moselle sentent l’ardoise ; ceuxd’Argenteuil sentent le souci, et ceux de Surêne les boues de Paris.Les vins de Tudéla et de la Pesalta sont les meilleurs vins d’Espagne ;ils sont meilleurs que ceux de Malaga, d’Alicante, de Rota, de Xérès etde la Frontera, qui sont néanmoins plus renommés, et dont le transportest plus dispendieux.

Les Romains en faisant leurs vins mettaient dans la cuve, après lafermentation, de la craie, du plâtre, du ciment, de la résine, du sel,de la myrrhe, de la fleur de sureau, des feuilles de pêcher et desplantes aromatiques, etc.

Nota. Le vin que l’on servait à la table de Henri IV n’était pas duvin de Surêne, mais de Suren, vin blanc d’Anjou, fort agréable.


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NOTICE

Sur les différentes méthodes de faire les vins, et
sur les changemens qu’on peut faire à leur pré-
paration relativement aux saisons.


C’est avec assez de raison qu’on craint que cette année, en général sitardive, mais pourtant remarquable par la très-grande abondance duraisin, ne le soit encore davantage par la médiocre qualité du vin.Tout semble s’être réuni pour cela : un hiver très-prolongé dans leprintemps, un été sans chaleurs, enfin un automne froid, sans soleil,et excessivement pluvieux ; toutes ces vicissitudes et cette inclémencesoutenue des trois saisons, nous laissent peu d’espérance sur la bontéde cette récolte. En 1742 la ci-devant Guienne fut affligée d’unerécolte aussi abondante, et en même temps désastreuse, à cause du froidet des grandes pluies dans le temps des vendanges, enfin par lamauvaise qualité des vins qui résulta de toutes ces causes.

Peut-on remédier à ces maux ? peut-on corriger, à cet égard, la nature,et venir enfin au secours de ce qu’elle n’a pu faire ? Comment procurerau raisin une partie de ce degré de maturité qui lui manque, etdévelopper dans son suc cette aptitude à fermenter que le froid et latempérature humide et soutenue lui refusent ?

Voyons d’abord quelles sont les mauvaises qualités qu’une saisonpluvieuse, froide, fait contracter à la vendange ; et tâchons d’exposerles faits et de rendre nos idées avec clarté, avec cette simplicité quela vérité demande, et qu’exige l’intérêt des citoyens, pour qui l’onécrit.

Il est de fait que le raisin n’aura ni ne peut avoir, cette année, lamaturité requise, faute de la chaleur qui fait les vins généreux. Lesvins seront faibles, aqueux et acides, la partie muqueuse n’est pasassez élaborée, et sa première acidité y est encore, avec le caractèreplus ou moins développé du verjus : au lieu que dans les excellentesannées, lorsqu’une maturité précoce a pu recevoir toute l’influence dela chaleur des derniers mois de l’été, tout l’acide s’est combiné, etla partie muqueuse, douce et sucrée de son suc, dépouillée de son eausurabondante, a pu recevoir toute sa consistance et sa maturité. Aussivoit-on, dans ces heureuses années, le suc du raisin devenir gluant etvisqueux au point que la main et les doigts des vendangeurs en sontdésagréablement fatigués. Alors les vins fermentent sur-le-champ, ausortir du pressoir ou à l’entrée dans la cuve, ou, ce qui arrivesurtout dans les climats très-chauds, le suc du raisin se trouve sinourri et si concentré, que la fermentation en est comme ralentie et seprolonge pendant le cours entier de l’année.

Voici d’abord ce qui se pratique dans les divers pays à vin : car lemoyen de se bien faire entendre dans les choses de pratique, c’est derassembler des faits ; c’est des faits bien énoncés que viennent toutnaturellement les inductions salutaires ou utiles.

En Hongrie, dont la latitude s’étend depuis le 45e jusqu’au 49e degré,on a, comme en d’autres endroits, des méthodes différentes de faire levin.

Par exemple, le vin de tête à Tokai se fait avec une espèce de raisinqui arrive à sa maturité vers le commencement du mois d’auguste ; on yfait un choix de celui qui est le plus mûr. J’ai aussi vu pratiquer cetriage pour les vins doux des deux Chalosses au département des Landes,et dans le département de la Dordogne, aux environs de Bergerac. Cepremier triage porte, comme on le voit, sur le raisin le plus mûr etdéjà à demi cuit : mais ceci n’arrive que dans les cas où la floraisonde la vigne s’est faite irrégulièrement dans le printemps, ou qu’enautomne les froids et les pluies ont fort retardé la maturité.

A Tokai, le raisin qui reste sur pied de ce premier triage, est récoltéquelques jours après, et fait un vin très-bon, mais pourtant inférieuren qualité au premier. A Tokai et dans toute cette partie du comté deZemplin, sur les coteaux qui bordent Theysse, on suit souvent uneméthode particulière ; c’est de prendre toute cette seconde récoltesans choix, et de mettre dans les tonneaux, avec le moût lorsqu’il esten pleine fermentation, une portion de raisins secs, qui étant bientôtpénétrés par cette liqueur en mouvement, enrichit de sa substance douceet sucrée la liqueur vineuse, que l’inclémence de la saison laisseraitappauvrir : dans ce cas, on expose même les raisins, ou du moins unepartie des raisins, à mesure qu’on les cueille, dans une étuve où lachaleur un peu forte fait partir l’excès d’humidité, flétrit le grain,concentre le suc, et l’élabore jusqu’à un certain point.

En 1741, je me rappelle que l’année fut excellente dans les ci-devantprovinces méridionales de la France, et les vins très-généreux ;cependant on ne vendangea dans le Béarn, et en particulier à Jurançon,qu’en novembre : les premières gelées y avaient déjà passé ; toute lafeuille de la vigne était tombée ; le bois était parfaitement mûr, etle pédicule de la grappe tellement sec, que, ne pouvant plus fournir desève, le raisin, qui n’en transpirait pas moins, était flétri, et commedéjà à demi cuit.

Dans la ci-devant Champagne, le triage se fait et se répète jusqu’àtrois fois : deux motifs ont établi cette pratique ; l’un est de faire,en triant le raisin le meilleur et le plus mûr, une tête de vin ; lesecond motif est de distinguer et de séparer les différens degrés dematurité.

Nous avons depuis quelques années, dans les départemens du Rhin, un vinpresque factice, connu sous le nom de vin de paille. On le fait dansles bonnes années ; on cueille pour cela le raisin dans sa parfaitematurité ; on choisit le plus beau, le mieux conservé ; on l’étale dansdes chambres sèches et fraîches, sur de la paille (et c’est de là quelui est venu son nom) ; on le visite souvent pour en séparer, avecsoin, jusqu’au moindre grain qui s’altère ; enfin on le soumet à lapresse vers le 1er mars. Le moût ne tarde pas à fermenter, et fait, nonplus un vin du pays, mais un vin de liqueur d’une excellente qualité.Ce qui doit paraître d’abord extraordinaire dans un département presqueau nord de la France, cesse de l’être lorsqu’on fait attention auxsoins qu’on se donne pour conserver le raisin, à ceux qu’on prend pourséparer tout ce qui pourrait l’altérer, enfin à la perte de l’humiditéqu’il éprouve pendant les six mois d’hiver, et à la concentration quelui procure le grand air auquel il est exposé.

On use en Espagne, dit-on, de méthodes semblables, lorsque les saisonsse comportent mal et qu’on a lieu de craindre que la récolte ne soitpas d’une assez bonne qualité.

Dans certains endroits, on soumet la vendange à l’action du soleilaprès que le raisin est coupé ; dans d’autres on l’étale pendantquelques jours dans des greniers : il y en a, dit-on, où l’on absorbele trop d’humidité, à l’aide d’un peu de plâtre écrasé qu’on introduitdans le suc lorsqu’il est exprimé.

C’est ainsi que Kempfer nous apprend que les pressoirs en Perse sontrevêtus de plâtre, et en particulier à Sjiras, d’où vient le meilleurvin de ce pays. On voit clairement que ce plâtre doit nécessairementabsorber une partie de l’eau, et concentrer d’autant la partie du sucpropre à la fermentation.

La chaleur et le soleil sont donc les grands promoteurs de la maturité,de l’élaboration du suc du raisin et par conséquent de la perfection dela fermentation, comme la température froide et soutenue l’empêche, lasuspend ou la détruit. En 1742, je l’ai déjà dit, la saison desvendanges et même la fin de l’été furent si pluvieuses et si froides àBordeaux, que pour exciter la fermentation, on fut obligé de couvrirles cuves de planches et de couvertures de laines, et même de promenerdes brasiers au-dessous ; encore eut-elle bien de la peine à se faire,et elle ne se fit qu’imparfaitement.

Tous ces faits réunis, et bien d’autres sans doute qu’on pourrait yajouter, nous amènent tout naturellement à deux considérations ; l’une,que dans les années froides et pluvieuses les fruits conservent tropd’eau, et que leur acidité première n’y est tout au plus qu’à demichangée, ce qui fait que le suc fermentatif n’est pas, à beaucoup près,suffisamment élaboré ; l’autre, que dans les bonnes années aucontraire, lorsqu’une température régulière et les chaleurs soutenuesont de bonne heure travaillé les fruits, l’eau n’y domine plus, lesprincipes deviennent plus actifs et se combinent dans chaque espèceselon que le comporte sa nature, d’où résultent des sucs nourris,consistans, épais, visqueux, doux et sucrés ; en un mot, cet état quiconstitue la maturité parfaite.

Les faits que nous avons rapportés nous indiquent déjà une partie desmoyens qu’on peut employer pour corriger le vice d’une températureirrégulière et mauvaise : il s’agit de dissiper ou d’absorber cet excèsd’humidité ; il s’agit d’amortir et d’enchaîner en partie le tropd’acide qui domine, et de rapprocher et concentrer le suc véritablementpropre à fermenter, lorsqu’il est noyé et trop étendu ; et c’est ce quis’exécute par tous les moyens qu’on a rapportés. Maupin dans sonouvrage les a déjà indiqués. Enfin il s’agit d’enrichir le suc duraisin par une addition de cette matière douce et sucrée qui luimanque, et qui seule peut fermenter et faire du vin : ce moyen estencore dans la puissance de l’art, non de l’art de cette espèced’hommes fourbes, avares et affronteurs dont l’état est de mentir et detromper, comme leur but unique est de s’enrichir ; mais bien de cet artutile que peut exercer celui qui, déjà nourri d’une théorie réfléchieet lumineuse, se trouve encore fortifié par une expérience qued’heureux résultats ont confirmée.

Maupin publia, en 1772, un petit ouvrage dont le titre est : Expérience sur la bonification de tous les vins. Cet ouvrage est depratique, et peut passer dans les mains de tout le monde, et du peuplesurtout ; il est écrit pour lui. L’auteur y propose des moyens propresà être mis en usage avec fruit, surtout dans des circonstances commecelles de cette année.

J’ai vu deux vins de cerises faits à des époques différentes ; l’un parle grand Rouelle : c’était le résultat d’un mélange de merises, decerises et de sucre, fait depuis quarante ans. Ce vin était d’abordfort en couleur et très-acerbe ; mais avec le temps cette saveurs’adoucit et disparut à mesure que la partie colorante s’en précipita :il devint un vin excellent, qu’on aurait comparé aux bons vins deRoussillon, si le parfum de la merise ne l’en eût fait distinguer.

Le second fut fait à peu près de même en 1768, par Rouelle le cadet :les dernières bouteilles ont également déposé une bonne partie de leurprincipe colorant, et ce qui en reste aujourd’hui est encore de bon vin; il conserve en entier le parfum de la merise, qui en fait la base,malgré la longue inondation des caves où il a été enseveli long-tempssans être goudronné.

Les Rouelle avaient encore fait un vin d’abricots : celui-ci avaitété composé quelques années avant leur second vin de cerises, dont jeviens de parler ; il était devenu un excellent vin de liqueur, et douéparticulièrement de tout le parfum de ce fruit : il y a tout au plus unan qu’il n’en existe plus.

Ces trois exemples suffisent pour prouver sans réplique que tout fruitqui contient un corps sucré et doux, même lorsqu’il est enveloppé d’unprincipe acerbe et austère, peut être amené, par le secours de l’art, àl’état de fermentation vineuse ; et ce vin sera potable lorsqu’il sesera épuré après un espace de temps indéterminé. On sait que le savant Baumé a fait, pendant bien des années, du vin potable avec le fruitacide de la groseille parvenue à sa maturité. J’ai vu le fruit dusorbier des oiseaux passer, dans sa maturité, de la fermentationvineuse à la fermentation acide ou au vinaigre, malgré le principeacerbe qui y domine.

Mais voici des faits plus déterminés et plus analogues à lacirconstance.

Tout le monde connaît les vins des environs de Paris, dont la mauvaisequalité est bien moins un vice de la nature, qu’une erreur de l’intérêtet de la cupidité ; c’est à la surabondance de fumier que ce vin doitprincipalement son mauvais goût, sa verdeur, et le peu de temps qu’ilpeut se conserver.

Il y a dix ans révolus que je pris d’un des principaux employés à lamanufacture de Sèvres une certaine quantité de moût, avant qu’iln’entrât dans la cuve, et au sortir du pressoir ; j’en remplis d’abordune pièce neuve d’environ 1 hectolitre (150 pintes), et la valeur ensus d’une dame-jeanne de la contenance d’environ 30 litres.

Je fis ensuite retirer du tonneau une même quantité d’environ 30 litresou pintes de ce moût non fermenté ; je le mis dans un chaudron sur lefeu, et le portai à l’ébullition légère, afin, d’un côté, de l’évaporeret de le concentrer ; de l’autre, pour adoucir sa verdeur et sonacidité. L’année fut assez chaude, et le vin généralement de moyennequalité. On fit fondre dans ce moût environ deux kilogrammes (4 livres) de sucre, et l’on y mit un demi-kilogramme (1 livre) deraisins secs de carême, que j’eus soin d’ouvrir et de déchirer. Aprèsune légère ébullition et l’évaporation d’un demi-quart de la liqueur,on la laissa un peu refroidir, et on jeta le tout dans le tonneau.

D’un autre côté, les 30 litres ou pintes de réserve dans la dame-Jeannefurent préparées de même : ce vin était destiné pour remplir la pièce àmesure qu’il s’en consommerait par la lie et par l’évaporation.

J’ajoutai de plus en même temps à ce moût, au moment où le tonneau futrempli, un bouquet de petite absinthe, espérant que le principe amer etaromatique de cette plante deviendrait pour le vin un principeconservateur.

La fermentation ne tarda pas à s’établir ; elle se fit bien ;lorsqu’elle fut modérée et que la liqueur eut bien pris le caractère devin, je bouchai le tonneau : du reste il fut rempli du même vin, etgouverné à l’ordinaire : on le soutira au printemps, et il le fut un anaprès, avant d’être mis en bouteilles.

Dès-lors ce vin fut trouvé bon, et il avait si peu de rapports avec levin semblable du propriétaire, que ce particulier ne voulait pas lereconnaître. Cependant le bouquet d’absinthe dominait, et sa saveur s’yfait encore un peu trop sentir.

Du reste, ce vin existe après dix ans révolus ; il est clair encore,quoiqu’il commence à faiblir.

En faisant ce vin, j’ai voulu remplir deux objets ; l’un d’enrichir,avec du sucre et des raisins secs, la vendange de Sèvres, naturellementpauvre, de cette substance douce et sucrée qui fait le vin.

J’en ai fait bouillir une partie, afin d’amortir et corriger l’excèsd’acide, afin d’en séparer l’humidité qui y était en excès, et deconcentrer d’autant la totalité. Enfin on doit sentir que de verser lachaudronnée chaude dans le tonneau, n’a pu que bien faire, enéchauffant le tout ensemble, et en y développant plus promptement lemouvement fermentatif. Le bouquet d’absinthe a pu servir à ajouterquelque chose au principe conservateur de ce vin.

C’est d’après ces principes qu’un de mes disciples a travaillé, vers1792, dans la ci-devant Bourgogne, du vin blanc et du vin rouge, dontla qualité s’est trouvée supérieure à celui de la même récolte et dumême vignoble fait à l’ordinaire.

Enfin un particulier dont le nom est recommandable parmi nos premiersfondateurs de l’agriculture (1), a préparé à deux myriamètres de Paris,d’après mon procédé, une partie de son vin de l’année dernière : ce vinse trouve plein, bien nourri, et fort supérieur à celui qui n’a pasreçu la même préparation. Au reste, dans ces deux derniers cas il n’estpoint entré d’absinthe dans la préparation.

On peut faire ces additions pendant tout le temps que le vin nouveausera en pleine fermentation, mais au-delà on ne ferait que du vinsucré, et ce ne serait jamais qu’à une reprise de ce mouvementfermentatif, que le sucre qu’on y mettrait pourrait utilement sedécomposer. J’observerai encore que le sucre commun sera préférable,toutes choses égales, au sucre plus raffiné : le beau sucre de premièrequalité ne fermente pas ; tandis que les sucres bruts, les cassonadeset les gros sirops sont des principes très-énergiques de fermentation.
                        
M. DARCET.

(1) Un descendant d’Olivier de Serres.

Préparation du sirop de miel.

   Miel………………………………    50 kilogrammes.
    Charbonlavé…………………....         5 kilogrammes.
   Eau……………………………….      8 litres.
    Blancsd’oeufs…………………...        5
   Craie……………………………..     1kilogramme.

On bat les blancs d’oeufs avec l’eau, on ajoute le miel, le charbon etla craie ; on met le tout dans une bassine qui laisse un tiers de vide,on porte promptement à l’ébullition ; lorsque la liqueur, en bouillant,remplit la bassine, on retire celle-ci du feu et on laisse reposerjusqu’à ce que la liqueur reprenne la place qu’elle occupait avant debouillir ; on répète trois fois cette opération ; à la troisième onlaisse reposer pendant deux heures. Une partie du charbon se rassembleà la surface du liquide, d’où on l’enlève facilement avec une écumoire; on porte de nouveau à l’ébullition, et on verse promptement sur unechausse de laine claire, en ayant soin de repasser les premièresportions de liqueur. Lorsque le sirop est passé, on jette sur lachausse le charbon qu’on a enlevé avec l’écumoire ; on ajoute, au boutde quelque temps, un peu d’eau pour enlever les dernières portions demiel qui adhèrent au charbon ; on met ce dernier à la presse ; onréunit ces deux dernières liqueurs qui sont employées, au lieu d’eau,dans une nouvelle opération.

Procédé pour faire le vrai kirsch-wasser.

Prenez telle quantité qu’il vous plaira de cerises des bois, noires,vineuses, teignant fortement les doigts, nommées merises,lorsqu’elles seront au point d’une parfaite maturité. Otez-en lesqueues et mettez-les dans un vase quelconque, où elles seront écraséeset bien réduites en pâte. N’écrasez pas tous les noyaux, mais seulementun tiers ou la moitié tout au plus. Les merises ainsi préparées, jetezle tout ensemble dans un tonneau, pour les laisser fermenter pendantsix ou sept jours. Si c’est dans un grand vase couvert, couvrez-lebien, afin que la liqueur ne s’évente pas. Lorsque la fermentation estachevée, prenez une quantité de ces merises et de leur suc que vousrejetez dans un alambic garni de toutes ses pièces. Ayez attention dene pas le remplir, et de laisser un demi pied de vide. Vous verserezpour la première fois sur les merises dans l’alambic une pinte ou unepinte et demie d’eau de merises distillée, et mêlerez le toutexactement.

Si on repasse par une seconde distillation la liqueur qu’on obtiendradans la première, cette addition est inutile ; le kirsch-wasser en seraplus fort.

Commencez par donner un feu doux, modéré et par degrés, et ayez soin deremuer de temps en temps toute la masse avec un bâton, afin que le marcne s’attache point au fond. Lorsque la masse annonce les premiersbouillonnemens, couvrez la chaudière de l’alambic de son chapiteau,armez-le de son serpentin, de son réfrigérant, et ayez grand soin queson eau soit fraîche et jamais chaude ; renouvelez-la lorsqu’ellecommencera à s’échauffer. La plus grande attention à avoir est de nepas presser le feu. Si la distillation coule trop vite ou trop fort,c’est marque qu’il y a trop de feu, et la liqueur sentira l’empireume :elle doit couler goutte à goutte. Tant que la liqueur sera claire commel’eau de roche, ce sera une preuve que la distillation de la bonneliqueur n’est pas à sa fin ; mais dès qu’elle paraitra louche, changezaussitôt de récipient et recevez dans un autre ce qui continuera dedistiller. Prenez garde cependant que cette liqueur louche ne contractele goût de feu ou de brûlé qui ne se perd jamais. Conservez cette eaulouche pour une seconde distillation, et vous distillerez jusqu’à ceque vous n’ayez plus de fruit fermenté.

Celui qui désirera la perfection du kirsch-wasser fera très-bien dedistiller au bain-marie ; la liqueur n’aura jamais aucun mauvais goût,et on ne craindra pas de brûler l’alambic, ni de gâter la liqueur enpoussant le feu.

Cerises à l’eau-de-vie.

On se borne communément à laisser infuser au soleil la cerise dansl’eau-de-vie, à laquelle on ajoute du sucre et quelques aromates.

Or, tout fruit, cerise, prune, pêche, abricot, mis ainsi dansl’eau-de-vie, sans être au préalable confit et pénétré de sucre, luiabandonne son eau pour s’emparer de son esprit. Ce fruit alors n’estplus qu’une sorte d’éponge rendue coriace par la partie spiritueusedont il est pénétré, tandis que la liqueur dans laquelle nage le fruitn’a plus que la force du vin, et fait une liqueur plate. Aussi lesdames font-elles peu de fête aux cerises à l’eau-de-vie. La recette quevoici conviendra mieux à la délicatesse de leur palais.

Prenez des cerises précoces à leur point de maturité, ôtez-en la queue,écrasez-les à la main, concassez-en le noyau ; mettez-les dans unepoêle à confiture avec le sucre ; faites bouillir jusqu’à la réductiond’un tiers ; versez cette compote toute bouillante dans l’eau-de-vie, àlaquelle vous ajouterez votre aromate, et laissez infuser au soleil :lorsque la saison des framboises sera venue, vous en ajouterez, si vousle jugez à propos, à votre infusion.

La cerise à confire, la Montmorenci, le gobet à courte queue, mûritla dernière de toutes, et à un mois d’intervalle de la cerise précoce.Alors vous passerez, exprimerez et filtrerez l’infusion. Ce sera déjàun excellent ratafia de cerises et de framboises, et c’est dans ceratafia que vous mettrez vos cerises.

Votre fruit n’échangera plus son eau contre de l’eau-de-vie pure, maisbien avec une liqueur ayant déjà la saveur, l’odeur de la cerise etl’aromate qu’on y aura joint. La cerise conservera son volume et sacouleur ; elle sera très-agréable à manger, et plus facile à digérerque ne l’est celle imbibée d’eau-de-vie. Voici les proportions : Prenezcerises hâtives, 5 livres ; framboises, 1 livre ; sucre, 3 livres ;eau-de-vie, bonne, 6 pintes ; oeillet à ratafia épluché, 6 onces. Onpeut substituer à l’oeillet, clous de girofle, 6, ou canelle, demi-gros,ou enfin vanille, 2 gros. Le choix de l’aromate dépend du goût qu’onpréfère. On pulvérisera ces substances ; un demi-gros de canellepulvérisée fait plus d’effet dans une infusion que deux gros laissés enentier.

De la gelée de groseilles d’après M. Cadet de Vaux.

La gelée de groseilles appartient à la table comme aliment agréable, età la médecine comme remède : sous ce double rapport il faut la bienpréparer, et c’est la chimie qui doit présider à cette branche del’économie domestique et médicale.

Voici la vraie manière de la préparer.

Prenez groseilles rouges (1) avant leur point de maturité parfaite (2)dix livres, sucre dix livres. Epluchez la groseille et concassez lesucre, mettez l’un et l’autre dans la poêle à confiture écurée (3), surun feu clair et vif.

Faites prendre un bouillon couvert ; c’est-à-dire attendez que lebouillon qui commence à se former sur les bords s’étende et couvretoute la surface de la poêle.

Retirez alors la poêle du feu, et coulez sur un tamis de crin ; laissezégoutter sans exprimer, et versez dans vos pots : sans autreclarification que le parenchyme de la groseille qui enveloppe leslégères impuretés du sucre, on a la gelée la plus transparente.

Si on veut parfumer sa gelée avec l’odeur de framboise, on étend sur letamis une livre de framboises épluchées, et on verse dessus laconfiture toute bouillante.

Si on veut avoir un goût plus prononcé de framboise, on en mettra deuxlivres ; mais alors on diminuerait de cette seconde livre de plus laquantité de groseilles, pour ne pas trop s’écarter de la proportion desparties égales de sucre et de fruits.

On peut exprimer le marc sur un autre vase ; cette portion de gelée,tout aussi bonne au goût, a de l’opacité, et altérerait, si on ne lamettait pas à part, la transparence de la totalité ; ou bien on lave lemarc dans l’eau pour en faire de l’eau de groseilles.

Cette gelée a la couleur du rubis ; elle en a la transparence ; on yretrouve toute la saveur et toute l’odeur de la groseille ; elle estbeaucoup plus salutaire pour la convalescence et pour l’enfance, parceque le fruit a perdu le moins possible, et qu’il n’a subi l’action dufeu que le temps suffisant pour en extraire et en combiner lesprincipes : elle se conserve pendant plusieurs années ; enfin elle estplus facile à faire, et peut-être plus économique que par tout autreprocédé.

Elle se dissout facilement et complètement dans l’eau, propriété quen’a pas la gelée cuite et recuite, en sorte qu’elle est un véritablesirop de groseilles infiniment plus agréable et plus salutaire que nel’est cette espèce de sirop qu’on n’obtient dans l’état de liquiditéqu’en faisant subir au suc de la groseille un commencement defermentation qui en altère la saveur, le goût et le principe acide ;cette gelée, étendue dans une suffisante quantité d’eau, peut à toutesles époques de l’année faire un excellent sorbet à glacer.

Quant aux confitures épépinées de Bar, qui sont fort bonnes, mais fortchères, on les fait également bonnes partout. La proportion du fruit etdu sucre est la même ; on épépine ou on achète la groseille épépinée ;on clarifie, on cuit son sucre à la plume, et on y jette sa groseille ;au bout de cinq minutes on retire la poêle du feu, et on verse dans lespots de verre, tels que ceux où elles nous viennent de Bar-sur-Ornain.

On fera de la même manière la confiture d’épine-vinette.

Quelques personnes vantent la gelée de groseilles à froid : pour lafaire, on prend poids égal de suc de groseilles et de sucre pulvérisé :on agite avec une cuiller jusqu’à ce que le sucre soit fondu, on versedans des pots, et sous peu de jours le mélange prend une consistance degelée.

Mais cette gelée est moins agréable que celles dont on vient de donnerla recette ; elle a une acidité trop marquée, elle n’a pas le parfum dela groseille, parfum qui réside dans la pellicule, et ici il n’y a quele suc exprimé.

(1) La groseille blanche a beaucoup moins de parfum que la rouge, etoffre une confiture moins belle à l’oeil.
(2) La groseille, à son point de maturité parfaite, perd son arome, etsurtout de son acidité.
(3) Une poêle écurée de quelques jours donne un goût insupportable decuivre à ce qu’on y prépare ; d’ailleurs cette altération de la surfacedu cuivre peut devenir dangereuse, tandis qu’il n’y a aucuninconvénient à employer ce métal, pourvu qu’on n’y laisse pointséjourner la substance qu’on a préparée.

Autre recette.

Prenez des groseilles qui soient à un juste point de maturité,cueillies après le soleil levé et lorsque la rosée est absolumenttombée ; employez-les la même journée ou le lendemain au plus tardqu’on les aura cueillies ; égrenez-les dans un endroit exposé à lafraîcheur, avec une fourchette d’argent, car il faut avoir laprécaution de ne toucher à ce fruit que le moins qu’on le peut. Lesgroseilles égrenées, ajoutez-y la quantité de framboises que vousdésirerez : mettez ces fruits dans une balance, et prenez poids égal desucre rapé ou mis en poudre dans un mortier de marbre ou de bois, nonde métal ; servez-vous d’un pilon de bois ; vous observerez de passerle sucre à travers un tamis de crin, afin de l’obtenir égalementpulvérisé, et qu’il n’y reste point de morceaux que leur grosseur rendeplus difficiles à fondre.

Les groseilles et les framboises épluchées, mettez-les dans un mortierde marbre, de bois, ou même dans une terrine ; écrasez-les légèrementavec un pilon de bois ; prenez ensuite une serviette de toile neuve etclaire, qu’on aura eu soin de passer dans plusieurs eaux propres pourlui ôter absolument le goût de lessive. Mettez par partie lesgroseilles dans cette serviette ; exprimez-les fortement en serrant lesdeux extrémités avec des bâtons, et facilitant la sortie du suc avecune grande cuiller d’argent ou de bois, non avec la main ; ayez untamis posé sur une terrine pour recevoir le suc, afin qu’il soit bienclarifié. Le suc de la groseille bien exprimé, mêlez-y le sucre enpoudre, et remuez le tout avec une cuiller l’espace de dix à douzeminutes, c’est-à-dire jusqu’à ce que le sucre soit dissous. Alorsmettez ce mélange dans des pots. Au bout de quelques heures il aurapris la consistance de gelée. Couvrez la confiture d’un rond de papiertrempé de bonne eau-de-vie. Recouvrez les pots, ficelez-les et lesserrez dans une armoire située dans un endroit plus chaud que froid.Quinze jours ou trois semaines après, renouvelez les papiers, etréitérez cette même opération trois à quatre fois, afin d’enlever toutela partie aqueuse contenue dans la gelée de groseilles.

On observera qu’il ne faut employer que de petits pots. Lorsqu’ils sontentamés et gardés plusieurs jours, la gelée perd un peu de consistance.Ainsi préparée, cette confiture est transparente et d’une belle couleur; elle a tout le parfum du fruit ; l’année même révolue, elle nediffère en rien de la groseille que l’on cueille. Dissoute dans l’eau,on en fait d’excellentes liqueurs fraîches ; en y ajoutant un peu desucre, elle produit une boisson fort agréable en été et salutaire encas de maladie. On l’emploie également pour les glaces ; et, si l’onveut jouir d’un coup d’oeil agréable dans les desserts, on en sert dansdes pots de verre blanc.

Autre procédé.

Prenez groseilles épluchées, 7 livres ; framboises, 1 livre ; sucre, 4livres ; mettez la groseille dans la poêle, à un feu vif ; quand elleaura pris un bouillon couvert, le grain sera crevé ; retirez-la et laversez sur un tamis de crin clair. On n’exprimera point le marc ; ilpèse deux livres et demie. Remettez la liqueur passée dans la confituretoute bouillante sur le tamis de crin qu’on aura lavé, et sur lequel onétendra une livre de framboises épluchées. Vous aurez au poids 8 livresde confitures. La framboise qui reste sur le tamis fera un pot deconfitures excellentes de framboises d’environ une livre.

Eau de Groseilles.

Egrappez et pressez dans un vase, pour extraire leur jus, desgroseilles rouges à grappe, à l’époque de leur première maturité.Passez ce jus à travers un linge neuf, et versez-le dans des bouteillesde verre, en y laissant vide un espace de deux pouces. Placez vosbouteilles dans un chaudron plein d’eau froide, que vous mettrez sur unfeu clair jusqu’à ce qu’il ait jeté un premier bouillon. Alors vousretirez et mettez refroidir vos bouteilles. Dès qu’elles sont bienfroides, vous versez sur le jus de groseilles un doigt au moins debonne huile d’olives ; puis vous bouchez et ficelez ou goudronnez vosbouteilles, que vous conservez à la cave pour le besoin.

Cette opération doit être faite en peu d’heures, afin que la liqueurn’entre pas en fermentation. Ce jus, conservé même plusieurs années,est toujours aussi agréable que le jour même où il a été extrait de lagrappe. Pour s’en servir, il faut mettre un peu de sucre et verser àvolonté de l’eau froide. A ce moyen, pour la santé ou pour l’agrément,on est sûr d’avoir une limonade rafraîchissante, exquise ettrès-salutaire, préférable sous tous les rapports aux sucs végétauxcuits et sucrés d’avance. On peut par le même procédé conserver le jusdu citron, de l’orange, des tomates, etc., etc.

Eau de Roses, de Lavande, etc., obtenue sans alambic.

Sur un vase creux de terre vernissée, posez un linge fin, et fixez-leautour des bords extérieurs avec un cordon, en sorte néanmoins que celinge tombe dans le vase jusqu’à la moitié de sa profondeur, en formede poche.

Emplissez cette poche de feuilles de roses rouges ou blanches,nouvellement épanouies et cueillies, et qui ne soient ni chargées derosée ni humides ; placez après une feuille de papier sur ces feuilles.

Faites chauffer ensuite le cul d’une assiette de terre assez large pourcouvrir tout le vase, et posez-la sur ce vase contenant les roses àdistiller. Remplissez cette assiette de cendres rouges et même depetits charbons ardens, pour qu’elle communique une chaleur douce aux roses effeuillées qui sont dessous. L’effet de cette chaleurintérieure distraira et détachera les parties odorantes et humides des roses ; elles passeront à travers le linge où elles posent, ettomberont dans le vase destiné à les recueillir.

Lorsque ces feuilles auront ainsi rendu toute leur eau parfumée, vousplacerez cette eau dans une bouteille, que vous boucherez avec soin ;vous jeterez les feuilles qui sont dans la poche et les remplacerez parde nouvelles feuilles de roses, et vous renouvellerez, s’il estbesoin, les cendres chaudes et les charbons ardens placés dansl’assiette qui les couvre, afin de continuer la distillation.

On peut distiller par le même procédé la lavande, le romarin, l’oeillet,le jasmin et toutes les autres plantes parfumées.

Il faut boucher avec soin les bouteilles où sont ces eaux d’odeur ; etsi on s’aperçoit qu’elles aient déposé un limon, on les transvaseradoucement et par inclinaison dans d’autres bouteilles.

Composition du Cirage à frotter.

    Noird’ivoire           6 onces.
    Mélasse                  6
    Bleu indigo ou de Prusse  enpoudre        172
    Vitriolliquide.         1
    Jus de 6 citrons.
    Sucrecandi.           1

Mêlez le tout ensemble et y ajoutez 3 ou 4 cuillerées d’huile d’olive.

Pour s’en servir on délaie cette pâte avec du vinaigre ou du vin blanc; on l’étend avec une brosse douce, et on frotte avec une autre pourdonner le luisant.

Autre composition.

    Noird’ivoire           3 onces.
    Miel                       2
    Vitriol                    1
    Sucrecandi            1
    Jus de deux citrons.
    Gommearabique     1

Battre et mêler les objets ci-dessus dans un plat de terre, au moyend’une cuiller de bois, après avoir mis en poudre fine le noir d’ivoire,le vitriol, le sucre candi, et la gomme arabique. Le tout sera délayédans une bouteille de bon vinaigre mis peu à peu dans le mélange.Laisser reposer quinze jours dans une bouteille bouchée que l’on agitedeux fois par jour.

Vins et teintures de santé.

Vin d’absynthe. Faire infuser 24 heures dans un litre de vin blanc, 2gros d’absynthe sèche.

Vin de quinquina. Faire infuser trois jours dans un litre de vin rougeune demi-once de quinquina gris concassé.

Teinture d’absynthe. Faire infuser dans un litre d’eau-de-vie à 20 d.pendant 24 heures 2 onces d’absynthe sèche.

Teinture de quinquina. Faire infuser, idem, pendant trois jours, 2onces de quinquina gris concassé.

Avec ces teintures on fait du vin d’absynthe et du vin de quinquina.

Vin d’absynthe. Une demi-once de teinture d’absynthe sur un litre devin blanc.

Vin de quinquina. Une once de teinture de quinquina sur un litre de vinrouge.

Il ne faut mêler les teintures aux vins qu’au moment de l’usage.

Vin des quatre fruits (de la composition de M. Gastinel, pharmacien à Dijon).

    Groseillesrouges                          50 kil.
    Groseillesblanches                       10
    Merises noires (queues etnoyaux) 15
    Framboises                                  10
    Cassis                                         3
    Genièvresec                                 1
    Citrons coupés partranches           2 ou 4
    Eau-de-vie deLanguedoc              2 litres.

On met plus ou moins de citrons suivant les goûts. Il faut laisserfermenter le tout de 15 jours à un mois suivant la température, dans untonneau rempli d’eau, que pendant la première semaine on agite tous lesjours avec un bâton.

A mesure que l’on use de cette boisson, on remplace par de l’eaujusqu’à ce qu’il ne sorte plus du tonneau qu’une liqueur fade etdécolorée.

Recette éprouvée pour empoisonner les loups.

Il faut se pourvoir d’un chien de moyenne taille. Vous ferez périr cechien en l’empoisonnant avec trois décagrammes (une once) de noixvomique, mêlée avec du crin haché que vous envelopperez de graisse oude beurre, ou que vous mettrez dans une omelette. On a faitpréalablement jeûner le chien, pour qu’il dévore sans répugnance lemets perfide. Prenez ensuite quatre hectogrammes (trois quarterons) denoix vomique, que vous aurez soin de faire râper sous vos yeux, car ilfaut se méfier de celle qu’on vend en poudre, qui est ordinairementséchée au four et pilée, ce qui lui ôte toute sa vertu ; vousramasserez six ou huit ognons de colchique, vulgairement appelés vache, veillerotte ou tulipe sauvage, plante qui se trouvetrès-communément dans les prés froids et humides. Ajoutez une poignéede crin haché de la longueur de deux millimètres (une ligne), et autantde verre pilé. On pile les ognons de colchique, qui se réduisentpromptement en lait ; vous y ajouterez la noix vomique, le crin et leverre. Faites de profondes incisions au chien dans les parties les pluscharnues, insérez-y le mélange, et sur-tout dans la poitrine et lesentrailles ; faites coudre les plaies pour les fermer. Déposez le chiendans un fumier chaud, jusqu’à ce qu’il commence à avoir de l’odeur, etque son poil se détache facilement. Retirez le chien, et, après l’avoirfait traîner dans les endroits fréquentés par les loups, placez-le à ladistance d’environ un demi-kilomètre (un demi-quart de lieue) du bois,et à la portée de fontaines ou ruisseaux où ces animaux viennentchercher de l’eau par les fortes gelées ou la neige. Lorsque le loup amangé du chien empoisonné et qu’il a bu, il est sûr qu’il tombera à peude distance.

Eau de Cologne.

L’eau de Cologne, ou prétendue Eau inimitable, n’est pas autre choseque le produit de la dissolution de différentes essences odorantes dansun esprit de vin très-pur et de force moyenne. Les fabricans se sontjusqu’ici donné beaucoup de mal pour préparer cette eau, qu’aujourd’huitout individu peut se procurer aisément, à bon marché, et de qualitésupérieure, par le procédé suivant, qui n’exige pas même dedistillation : « Dans une pinte d’esprit-de-vin rectifié au charbon,versez une once d’huile essentielle de romarin, demi-once d’essence debergamotte, trois drachmes d’essence de citron d’Italie, et une drachmed’essence de lavande. Mêlez le tout soigneusement dans une bouteille,et laissez-le reposer jusqu’à parfaite clarification ; vous aurez unetrès-bonne eau de Cologne. – Si l’on faisait filtrer l’esprit-de-vin àtravers une quantité de fleurs d’orange fraîches du quart de son poids,on donnerait à la composition un parfum plus agréable encore. Ce qu’onappelle à Paris le rouleau pourra revenir à 12 ou 14 sous. »

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DE L’USAGE DES CHAMPIGNONS,

D’après le Conseil de santé de Paris, et divers auteurs.


Les champignons les plus propres à servir d’alimens sont, de leurnature, difficiles à digérer. Lorsqu’ils sont mangés en grandequantité, ou qu’ils ont été gardés quelque temps avant d’être cuits,ils peuvent causer des accidens fâcheux. Il y a des champignons quisont de vrais poisons, lors même qu’ils sont mangés frais. Pour lespersonnes qui ne connaissent point parfaitement ces végétaux et qui ontl’imprudence d’en cueillir dans les bois ou dans le champs, nous allonsindiquer les principaux caractères propres à distinguer l’espèce deschampignons ; ensuite nous décrirons en abrégé plusieurs espèces bonnesà manger ; enfin nous placerons à côté de ces espèces la descriptiondes champignons qui en approchent pour la ressemblance, et quicependant sont pernicieux.

Le champignon est composé d’un chapiteau ou tête, et d’une tige, sortede queue ou pivot qui le supporte. Lorsqu’il est très-jeune, il a laforme d’un oeuf, tantôt nu, tantôt renfermé dans une poche ou bourse.Quand le chapeau se développe sous forme de parasol, il laissequelquefois autour de la tige les débris de la bourse, qui prennent lenom de collet. Le chapeau est garni en dessous de feuillets serrésqui s’étendent du centre à la circonférence.

Bon champignon. Champignon ordinaire, agaricus campestris. On letrouve dans les pâturages et dans les friches. Il n’a point de bourse,son pivot ou pied, à peu près rond, plein et charnu, est garni d’uncollet très-apparent. Son chapeau est blanc en dessus, ses feuilles ontune couleur de chair ou de rose plus ou moins claire. C’est cechampignon que l’on fait venir sur couche, et c’est le seul champignonde couche qu’il soit permis de vendre à la halle et dans les marchés deParis. Il ne peut nuire que lorsqu’on en mange en trop grande quantité,ou qu’il est dans un état trop avancé.

Mauvais champignon. On peut confondre avec cette bonne espèce uneautre qui est très-pernicieuse, c’est le champignon bulbeux, agaricusbulbosus, ainsi nommé parce que la base de son pivot est renflée enforme de bulbe, autour duquel on retrouve des vestiges d’une bourse quirenfermait le chapeau. Il a aussi le collet comme le bon champignon.Les feuillets sont blancs et non point rosés, le dessus du chapeau esttantôt très-blanc, tantôt verdâtre ; quelquefois le chapeau verdâtreest parsemé en dessus de vestiges ou débris de la bourse. C’est cechampignon, surtout celui qui est blanc en dessus, qui a trompébeaucoup de personnes et qui a causé des accidens funestes. Il fautrejeter tout champignon, ressemblant d’ailleurs au champignonordinaire, dont la base du pied ou pivot est renflée en forme de bulbe,qui a une bourse dont on retrouve les débris et dont les feuillets duchapeau sont blancs et non poins rosés.

Bon champignon. Oronge vraie, agaricus aurentiacus. Ce champignon aune bourse très-considérable. Il est ordinairement plus gros que lechampignon de couche. Son chapeau est rouge en dehors, ou rouge-orangé; ses feuillets sont d’une belle couleur jaune ; son support ou piedest jaunâtre, très-renflé, sur-tout par le bas ; il est garni d’uncollet assez grand et jaunâtre. Ce champignon, qu’on trouve dans lestaillis à Fontainebleau et dans le midi de la France, est un metsdélicat et très-sain.

Oronge blanche, agaricus ovoideus. Elle est moins délicate que laprécédente ; elle a la même forme, une bourse et un collet pareil ;elle n’en diffère qu’en ce que toutes les parties sont blanches.

Mauvais champignon. Oronge fausse, agaricus pseudo-aurentiacus. Sonchapeau est au-dessus d’un rouge plus vif et non orangé comme celui del’oronge vraie ; il est parsemé de petites taches blanches qui sont lesdébris de la bourse. Son support est moins épais, plus arrondi, plusélevé ; les restes de la bourse ont plus d’adhérence avec la bulbe quiest à la base du support. La réunion de la couleur rouge du chapeau etde la couleur blanche des feuillets est un indice assuré pourdistinguer la fausse oronge de la vraie. La fausse oronge se trouvedans les environs de Paris et en divers lieux de la France, notammentdans la forêt de Fontainebleau ; c’est un des champignons les plusvénéneux, et qui produit les accidens les plus terribles. Plusieursautres champignons bulbeux et malfaisans ont des rapports moins marquésavec l’oronge vraie ; les uns sont recouverts de tubercules nombreux oud’un enduit gluant ; les autres ont une couleur livide, une odeurdésagréable, et leur seule vue les fait rejeter.

Bons champignons. Mousserons. Ils croissent au milieu de la mousse oudans des friches gazonnées. Ils sont d’une couleur fauve ; le chapeau,de forme plus ou moins irrégulière, est couvert d’une peau qui a leluisant et la sécheresse d’une peau de gant. Le pivot, plein et ferme,peut se tordre sans être cassé. On en distingue de deux espèces ; l’uneplus grosse, plus irrégulière, à pivot plus gros et par proportion pluscourt ; c’est le mousseron ordinaire, agaricus mouceron. L’autre estplus menu, son chapeau est plus mince, son support est plus grêle ;c’est le faux mousseron, agaricus pseudo-mouceron. Ils sont bons àmanger tous les deux, et d’un goût fort agréable.

Mousserons suspects. On peut confondre avec ce mousseron plusieurspetits champignons de même couleur et de même forme, qui n’ont pointson goût agréable. On les distinguera, parce que la surface de leurchapeau n’est pas sèche ; qu’ils sont d’une consistance plus molle ;que leur support est creux et cassant. Parmi les champignonsfeuilletés, il en est encore beaucoup que l’on peut manger impunément ;mais comme ils ressemblent à d’autres plus ou moins dangereux, il estprudent de s’en abstenir. On doit cependant encore distinguer lachanterelle, agaricus cantharellus. C’est un petit champignon jaunedans toutes ses parties. Son chapeau, à-peu-près aplati en dessus,prend en dessous la forme d’un cône renversé, couvert de feuilletsépais, semblables à de petits plis, et est terminé intérieurement en unpied très-court. Cette espèce est recherchée. Parmi les champignons nonfeuilletés, nous ne parlerons point du cèpe ou bolet, boletusesculentus, dont une espèce est estimée dans le Midi, mais dont onfait peu de cas à Paris, non plus que des vesses-de-loup, lycoperdon,dont on fait très-rarement usage, à cause du peu de goût qu’elles ont,et parce que leur chair se change trop promptement en poussière.

Bon champignon. Morille, phallus esculentus. Sur un pivot élargipar le bas, portant le chapeau toujours resserré contre lui, nes’ouvrant jamais en parasol, inégal et comme celluleux sur la surfaceextérieure, ce champignon croit dans les taillis au pied des arbres ;il est sain et très-recherché.

Mauvais champignon. Le satyre, phallus impudicus, qui ressemble àla morille par son chapeau celluleux, a un pied très-élevé sortantd’une bourse. Le chapeau est plus petit et laisse suinter une liqueurverdâtre. Ce champignon exhale une très-mauvaise odeur et esttrès-dangereux.

Bon champignon. Girole ou clavaire, clavaria coralloïdes. Cechampignon diffère de tous les précédens. C’est une substance charnue,ayant une espèce de tronc qui se ramifie comme le chou-fleur et setermine en pointes mousses et arrondies. Sa couleur est tantôtblanchâtre, tantôt jaunâtre tirant sur le rouge. Son goût est assezdélicat. On ne connaît dans ce genre aucune espèce pernicieuse. On nesaurait trop recommander à ceux qui ne connaissent pas parfaitement leschampignons de ne manger que ceux qui sont généralement reconnus pourbons, le champignon de couche, le champignon ordinaire, l’oronge vraie,l’oronge blanche, les deux mousserons, la chanterelle, le cèpe, lamorille et la girole.

Accidens causés par les champignons. Les personnes qui ont mangé deschampignons malfaisans éprouvent plus ou moins promptement tous lesaccidens qui caractérisent un poison âcre stupéfiant ; savoir : desnausées, des envies de vomir, des efforts sans vomissemens, avecdéfaillance, anxiétés, sentiment de suffocation, d’oppression, souventardeur avec soif, constriction à la gorge ; toujours avec douleur à larégion de l’estomac, quelquefois des vomissemens fréquens et violens,des déjections alvines (selles ou garde-robes) abondantes, noirâtres,sanguinolentes, accompagnées de coliques, de ténesmes, de gonflement ettension douloureuse du ventre. D’autres fois au contraire il y arétention de toutes les évacuations, rétraction et enfoncement del’ombilic.

A ces premiers symptômes se joignent bientôt des vertiges, la pesanteurde la tête, la stupeur, le délire, l’assoupissement, la léthargie, descrampes douloureuses, des convulsions aux membres et à la face, lefroid des extrémités et la faiblesse du pouls : la mort vientordinairement terminer, en deux ou trois jours, cette scène de douleur.La marche, le développement des accidens présentent quelque différence,suivant la nature des champignons, la quantité que l’on en a mangée etla constitution de l’individu. Quelquefois les accidens se déclarentpeu de temps après le repas ; le plus ordinairement ils ne surviennentqu’après dix à douze heures.

Le premier objet, dans tous les cas, doit être de procurer la sortiedes champignons vénéneux. Ainsi on doit employer un vomitif, tel que letartrite de potasse antimonié ou émétique ordinaire ; mais pourrendre ce remède efficace, il faut le donner à une dose suffisante,l’associer à quelque sel propre à exciter l’action de l’estomac,délayer, diviser l’humeur glaireuse et muqueuse dont la sécrétion estdevenue plus abondante par l’impression des champignons. On fait doncdissoudre dans un demi-kilogramme (une livre ou chopine) d’eau chaudedeux à trois décigrammes (quatre ou cinq grains) de tartrite de potasseantimonié (émétique), avec douze à seize grammes (deux ou trois gros)de sulfate de soude (sel de Glauber), et on fera boire à la personnemalade cette solution par verrées tièdes, plus ou moins rapprochées, enaugmentant les doses jusqu’à ce quelle ait des évacuations.

Dans les premiers instans, le vomissement suffit quelquefois pourentraîner tous les champignons et faire cesser les accidens ; mais siles secours convenables ont été différés, si les accidens ne sontsurvenus que plusieurs heures après le repas, on doit présumer quepartie des champignons vénéneux a passé dans l’intestin, et alors ilest nécessaire d’avoir recours aux purgatifs, aux lavemens faits avecla casse, le séné et quelque sel neutre, pour déterminer lesévacuations promptes et abondantes. On emploira dans ce cas avec succèscomme purgatif une mixture faite avec l’huile douce de ricin et lesirop de pêcher que l’on aromatisera avec quelques gouttes d’étheralcoholisé (liqueur minérale d’Hoffmann), et que l’on fera prendre parcuillerées plus ou moins rapprochées.

Après ces évacuations, qui sont d’une nécessité indispensable, il faut,pour remédier aux douleurs, à l’irritation produite par le poison,avoir recours à l’usage des mucilagineux, des adoucissans, que l’onassocie aux fortifians, aux nervins. Ainsi on prescrira aux maladesl’eau de riz gommée, une légère infusion de fleurs de sureau coupéeavec du lait, et à laquelle on ajoutera de l’eau de fleurs d’orange, del’eau de menthe simple et un sirop. On emploira aussi avec avantage lesémulsions, les potions huileuses aromatisées avec une certaine quantitéd’éther sulfurique. Dans quelques cas on sera obligé d’avoir recoursaux toniques, aux potions camphrées ; et lorsqu’il y aura tensiondouloureuse du ventre, il faudra employer les fomentations émollientes,quelquefois même les bains, les saignées ; mais l’usage de ces moyensne peut être déterminé que par le médecin, qui les modifie suivant lescirconstances particulières ; car l’efficacité du traitement consisteessentiellement, non pas dans les spécifiques ou antidotes dont onabuse si souvent le public, mais dans l’application faite à propos deremèdes simples et généralement bien connus.

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TRAITEMENT

Des asphyxiés par les gaz méphitiques


1° Il faut promptement tirer les asphyxiés du lieu méphitisé et lesexposer au grand air ;

2° Leur ôter les vêtemens, et faire sur le corps des aspersions d’eaufroide ;

3° Leur faire avaler, s’il est possible, de l’eau froide légèrementacidulée avec du vinaigre ;

4° Leur donner des lavemens avec deux tiers d’eau froide et un tiers devinaigre : on pourrait ensuite en prescrire d’autres avec une fortedissolution de sel marin (muriate de soude) dans de l’eau commune, ouavec le séné et le sel d’epsum (sulfate de magnésie).

5° Si ces secours n’étaient pas promptement efficaces, le corps del’asphyxié ayant de la chaleur comme cela a lieu ordinairement pendantlong-temps, il faudrait lui tirer du sang, et la saignée de lajugulaire produirait un effet plus prompt que les autres.

6° On tâchera d’irriter la membrane pituitaire avec la barbe d’uneplume qu’on remûra doucement dans les narines de l’asphyxié, ou avec unflacon d’alcali volatil fluor (d’ammoniac), d’eau de Luce, ou d’eau dela reine de Hongrie, mis sous le nez, etc.

7° On poussera de l’air dans les poumons, en soufflant pendant quelquetemps dans l’une des narines avec un tuyau, et en comprimant l’autreavec les doigts, pour empêcher l’air d’en sortir : on pourrait encore,pour dernier moyen, pratiquer une ouverture dans la trachée-artère poury introduire un petit tuyau dans lequel on soufflerait.

Il faut mettre la plus grande célérité dans l’administration dessecours proposés : le temps presse ; et plus on tarde à y recourir,plus on doit craindre qu’ils ne soient infructueux ; et comme la mortpeut n’être qu’apparente pendant long-temps, il ne faut en abandonnerl’usage que lorsqu’elle est bien confirmée.

Nota. Pour déméphitiser les lieux méphitisés par le gaz qui provientde la combustion du charbon, des vins en fermentation, des mines, etc.,il faut recourir aux projections d’eau, surtout de celle qui tient dela chaux en dissolution. La volatilisation de l’acide muriatiqueoxygéné, selon la méthode de M. de Morveau, est efficace pourdéméphitiser les lieux pleins de gaz provenant des matières animales,comme les prisons, les hôpitaux, les spectacles, les latrines, lespuisards.

Extrait de l’Instruction sur le traitement des asphyxiés et des noyés,etc., par M. Portal.

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AVIS

Sur le traitement des noyés.


1° Ce traitement doit être fait le plus promptement possible, dans lebateau même qui aura servi à pêcher la personne noyée, sur le rivage,ou dans un autre endroit proche et commode, si l’on peut s’en procurerun ; il faut l’y porter sans délai ; et l’on doit, à cet effet, seservir d’un brancard, d’une civière, ou de quelque voiture où il soitcommodément ; on pourrait aussi le transporter sur une charrette danslaquelle on aurait mis de la paille ou un matelas, observant demaintenant le noyé couché sur le côté, la tête élevée et couverte d’unbonnet de laine ; le reste du corps sera enveloppé d’une bonnecouverture de laine : deux ou plusieurs personnes peuvent aussi leporter couché sur leurs bras ou assis sur leurs mains jointes.

On prendra garde, en transportant les noyés, qu’ils ne soient secouésviolemment, tous les mouvemens rudes pouvant éteindre facilement le peude vie qui leur reste ; on en a vu plusieurs périr pendant qu’on lestransportait, ou dans le moment qu’on les déshabillait (1). C’estpourquoi on agira le plus vite et le plus doucement qu’il sera possible: le mieux, en pareil cas, pour leur ôter les vêtemens mouillés etcollés sur leur corps, est de les fendre d’un bout à l’autre avec desciseaux.

2°.  Après avoir déshabillé le noyé, on l’envelopperalargement dans la couverture de laine, et on le couchera sur un ou deuxmatelas à terre, ou sur un lit peu élevé, près d’un grand feu, enobservant de le maintenir aussi sur le côté, et la tête levée avec unou deux oreillers un peu durs.

Sous cette large couverture, on fera au noyé des frictions sur lesdiverses parties du corps, d’abord avec une flanelle sèche, et ensuiteimbibée de quelque liqueur spiritueuse, telle que l’eau de mélisse,l’esprit-de-vin, l’eau vulnéraire camphrée, l’ammoniac, l’espritvolatil de corne de cerf, l’eau de lavande, le vinaigre antiseptique oudes quatre-voleurs : ces frictions sont d’autant plus utiles, que lecorps des noyés est ordinairement couvert d’une couche de matièreglutineuse plus ou moins épaisse, qui ne concourt pas peu à augmenterl’intensité du froid dont le noyé est saisi.

On fera bien aussi, pour réchauffer le noyé, de placer sur la régionépigastrique et sous la plante des pieds une brique chaude, couverted’un linge.

3°. On versera dans sa bouche, si on le peut, quelques gouttes de vinchaud, de l’eau-de-vie, de l’eau de mélisse ou de l’eau de Cologne.

4°. On lui poussera de l’air dans les poumons ; et la meilleure manièred’y parvenir, c’est d’introduire le tuyau d’un soufflet dans une desnarines, et de comprimer l’autre avec les doigts ; on peut, au défautd’un soufflet, se servir d’un tuyau quelconque, qu’on introduira par lamême voie. Il est plus avantageux d’introduire l’air dans les narinesque dans la bouche, parce qu’il parvient ainsi plus facilement dans latrachée-artère ; d’ailleurs beaucoup de noyés ont la bouche fermée parla convulsion des muscles de la mâchoire inférieure : l’on ne peutsouvent la leur ouvrir sans violence avec le manche d’une cuiller defer ou avec le levier à double branche, qu’on place entre les petitesmolaires d’un côté ; on met, avant de le retirer, sous celles del’autre côté, un petit rouleau de linge pour maintenant la boucheentr’ouverte.

5°. On chatouillera le dedans des narines et de la gorge avec la barbed’une plume, et on tâchera de l’irriter avec la fumée de tabac, avec del’eau de Luce, de l’alcali volatil, de l’eau de la reine de Hongrie,etc. (2)

6°. Dès que le noyé commencera de jouir du mouvement de déglutition, onen profitera pour lui faire avaler quelques petites cuillerées d’uneliqueur spiritueuse, d’eau de mélisse, de bon vin chaud, d’eauémétisée. Quelquefois le noyé les garde dans sa bouche plus ou moins detemps et termine par les avaler : il faut toujours observer de ne pastrop la lui remplir, jusqu’à ce que le mouvement de la déglutition soitbien rétabli ; sans cette précaution on courrait risque de fairerefluer dans la trachée-artère le liquide qu’on voudrait donner enboisson. Si le noyé éprouvait des nausées, on lui ferait prendrequelques cuillerées d’eau légèrement émétisée, pour exciter de doucesvomituritions et provoquer quelques selles.

7°. Il faut donner au noyé des lavemens irritans ; on s’est souventservi avec succès du suivant : Prenez feuilles sèches de tabac,demi-once ; sel marin, trois gros, ou autant de sel de Glauber ; faitesbouillir dans suffisante quantité d’eau pendant un quart d’heure ; eten même temps qu’on pratique les autres secours, coulez. On peutréitérer deux ou trois fois le même lavement, ou un autre avec ladécoction de séné, le sel d’Epsom et le vin émétique trouble ; enfin unlavement irritant quelconque, surtout lorsque le noyé tarde à reprendrel’usage de ses sens.

8°. La saignée ne doit pas être négligée dans les sujets dont le visageest rouge, violet, noir, et dont les membres sont flexibles et ayantencore de la chaleur : la saignée à la jugulaire est la plus efficaceet celle qui fournit le plus promptement une quantité suffisante desang ; à défaut de cette saignée, on ferait celle du pied. Mais il fautéviter toute espèce de saignée sur des corps froids et dont les membrescommencent à se roidir ; on doit, au contraire, d’autant plus s’occuperà réchauffer les noyés qui se trouvent dans un tel état.

9°. Il faut presser doucement avec la main, et à diverses reprises, lebas-ventre du noyé ; et enfin, pour dernier secours, lui souffler dansles poumons, à la faveur d’une ouverture faite à la trachée-artère.

On a conseillé d’introduire de la fumée de tabac dans le fondement desnoyés, par le moyen d’une machine appelée fumigatoire, de leur mettredes vésicatoires, de leur appliquer des ventouses en diverses partiesdu corps, et enfin de leur faire de légères incisions aux malléoles,pour s’assurer s’il existe encore en eux quelques signes de vie (3) :nous ne nous y opposons pas ; mais nous comptons peu sur l’efficacitéde tous ces moyens pour rappeler les noyés à la vie.

On doit bien se persuader que, quelque utiles qu’aient été les secoursque nous conseillons pour les noyés, ils ne réussiront qu’autant qu’ilsseront administrés avec ordre, pendant long-temps et sans interruption.Leurs effets sont lents et presque insensibles ; c’est pourquoi il fautles continuer plusieurs heures. Il y a des noyés qu’on n’a rappelés àla vie que sept à huit heures après qu’ils avaient été retirés del’eau. Nous insistons d’autant plus sur cet objet, que l’on abandonnesouvent les noyés à leur malheureux sort dès que l’on voit que lespremiers secours sont sans succès.

Nota. Pour faciliter et rendre le traitement des noyés généralementplus prompt, il faudrait, comme on l’avait fait avant la révolution,établir dans les ports de mer, dans les lieux habités près desrivières, des canaux, et surtout près des endroits où l’on va sebaigner, des entrepôts contenant les divers moyens nécessaires autraitement des noyés, à l’exemple de M. Pia, qui les avait fait établirà Paris sur les rivages de la Seine. Ces entrepôts peuvent être d’unegrande utilité, comme l’expérience l’a appris. Ils consistent en unecaisse de bois contenant :

1°. Une ou deux bonnes couvertures de laine, une camisole de laine,quelques morceaux de flanelle  pour essuyer et frotter lecorps du noyé, un bonnet de laine ;

2°. Une bouteille d’eau-de-vie camphrée, animée d’alkali volatil(ammoniaque), dont on imbibe les morceaux de flanelle pour lesfrictions ;

3°. Une petite bouteille d’eau de mélisse ou d’eau de Cologne, et unede vinaigre fort ;

4°. Six paquets contenant chacun trois grains d’émétique ;

5°. Une petite cuiller de bois ou de fer pour l’administration desliqueurs ;

6°. Une canule, qu’on introduit dans les narines, pour souffler del’air dans les poumons, à l’aide d’un soufflet ;

7°. Une seringue ordinaire avec ses tuyaux, pour donner, le plus tôtpossible, le lavement irritant, et qu’on réitérera suivant lescirconstances ;

8°. Deux ou trois bandes à saigner ;

9°. Une petite bouteille d’esprit volatil de sel ammoniac, pour enintroduire à diverses reprises dans les narines ;

10°. Trois ou quatre onces de feuilles sèches de tabac en quatrepaquets ;

11°. Enfin la machine fumigatoire de M. Pia. On compte peu sur sonefficacité, comme on l’a déjà dit ; cependant on l’a comprise dans cetentrepôt, pour n’omettre aucun des secours connus pour le traitementdes noyés, et pour satisfaire à l’opinion de ceux qui pourraient encoreavoir quelque confiance à ces fumigations. L’appareil fumigatoireconsiste en un fourneau en cuivre étamé, un tuyau flexible, et en unsoufflet. Quand on voudra s’en servir, on y brûlera l’un des paquets detabac qu’on trouve dans cette boîte, et on aura soin de l’humecterauparavant : on l’allumera avec un morceau d’amadou, et l’on introduiradans le manche de la machine le tuyau du soufflet, qu’on y assujettirapar la petite fiche de fer qui y est attachée ; on fera mouvoir lesoufflet doucement et à diverses reprises pour allumer le tabac ; alorson insinuera dans le fondement du noyé la canule qui est attachée autuyau flexible, et l’autre extrémité de ce tuyau recevra le bec de lamachine fumigatoire. On aura le soin de fermer, avec un bouchon deliége, l’ouverture supérieure de cette machine, et l’on examinera detemps en temps si le tuyau n’est point obstrué.

Extraits de l’Instruction, publiée par ordre du gouvernement, sur letraitement des asphyxiés et des noyés, etc. ; par M. Portal, premiermédecin consultant honoraire de Sa Majesté, etc.

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(1) On voit par là combien étaient dangereuses les méthodes de roulerles noyés dans un tonneau sur le rivage, de les suspendre par lespieds, comme on l’a fait généralement pendant long-temps.
(2) Nous proscrivons du traitement des noyés les injections d’eautiède, et l’usage où l’on est d’introduire dans leur bouche une épongeou une brosse pour détacher les mucosités dont elle est pleine, cettemanoeuvre étant plus propre à achever de suffoquer le noyé qu’à opérerl’effet qu’on en attend.
(3) La putréfaction est le seul vrai signe de la mort.



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VARIÉTÉS.

ABRÉGÉ DE CHRONOLOGIE.

Il n’y a guère de gens instruits qui n’aient besoin de se rappeler desdates ; il est donc utile pour eux d’avoir le tableau des événemens lesplus remarquables de l’histoire : nous l’avons fait pour leur agrémentet pour le nôtre.

Années avant l’ère vulgaire.

2342. Yao, empereur de la Chine.
2328. Déluge présumé, suivant Pétau.
1855. Inachus, roi d’Argos.
1556. Cécrops, à Athènes.
1516. Lelex, roi de Lacédémone.
1490. Sésostris, roi d’Égypte, conquérant.
1455. Cadmus, ensuite Laïus, Jocaste, OEdipe, Étéocle et Polinice.
1451. Mort de Moïse.
1360. Voyage des Argonautes, suivant Barthélemy.
1297. Mort de Bélus, fondateur de l’empire d’Assyrie.
1238. Hercule et Évandre, suivant Pétau.
1282. Prise de Troie, suivant Larcher et Barthélemy. Suivant Ussérius,1184.
1182. Jephté ; Enée en Italie.
1015. Mort de David.
1000. Salomon achève le temple de Jérusalem.
1000. Homère né à Smyrne ou à Chio.
  975. Jéroboam sépare les dix tribus ; royaume d’Israël.
  950. Hésiode.
  884. Athalie. Lois de Lycurgue.
  849. Didon à Carthage.
  785. Isaïe.
  776. Ère des Olympiades.
  754. Fondation de Rome, suivant les Fastes Capitolins etPétau.
  752. Suivant Varron, Echard, etc.
  747. Ère de Nabonassar ; prise de Babylone. Sardanapale sebrûle ; fin du premier empire d’Assyrie.
  742. Achaz.
  727. Ézéchias.
  715. Mort de Romulus.
  630. Solon, Jérémie, Sapho, Phalaris.
  606. Nabuchodonosor II. Captivité des Juifs à Babylone.
  595. Ézéchiel.
  584. Les Gaulois Cénomans (du Maine) vont en Italie.
  589. Nabuchodonosor détruit Jérusalem.
  580. Ere philosophique. Thalès.
  544. Conquête de Cyrus sur Crésus.
  536. Cyrus délivre les Juifs. Les enfans de Juda rebâtissentle temple.
  535. Pythagore.
  531. Les Romains subjuguent la Gaule cisalpine.
  524. Les Gaulois s’établissent sur le Pô, an de Rome 230.
  510. Fin des rois de Rome.
  508. Posenna assiége Rome.
  507. Mutius Scévola.
  500. Héraclite, Démocrite, Anacréon, Pindare.
  490. Bataille de Marathon.
  488. Mort de Coriolan.
  468. Naissance de Socrate.
  466. Zénon.
  458. Cincinnatus tiré de sa charrue.
  454. Prophète Malachie. Décemvirs à Rome.
  435. Empédocles.
  431. Guerre du Péloponèse, 27 ans. Aspasie, Sophocle.
 428. Peste horrible dont mourut Périclès, le plus grand desGrecs, qui avait gouverné Athènes 40 ans. Anaxagore pauvre se laisse mourir.
  426. Naissance de Platon.
  414. Diagore, athée.
  413. Naissance de Diogène.
  400. Mort de Socrate.
  391. Les Gaulois s’emparent de Rome sous la conduite deBrennus, venu de Sens.
  361. Mort d’Hippocrate.
  341. Épaminondas, Thébain, le plus grand des Grecs, suivantMontaigne, gagne la bataille de Leuctres contre les Lacédémoniens.
  334. Alexandre en Asie, pendant dix ans ; Aristote, Épicure,Démosthène.
  319. Zénon.
  301. Epicure.
  295. Théodore l’athée.
  262. Cléante.
  218. Annibal gagne la bataille de Trasimène.
  217. La bataille de Cannes.
  146. Scipion détruit Carthage.
    61. Triumvirat de César, Pompée etCrassus. Caton, Cicéron.
    49. Bataille de Pharsale.
    43. Second triumvirat, Octave, Antoine,Lépide. Mort de Cicéron.
    32. Bataille d’Actium. Virgile, Horace.
    30. Auguste ferme le temple de Janus.
      3. Naissance deJ.-C., suivant Pétau, etc.
      1. Suivant Baroniuset Scaliger.


Années de l’ère vulgaire.

    14. Mort d’Auguste.
    17. Mort d’Ovide.
    31. Mort de Jésus-Christ.
    68. Néron.
79-81. Règne de Titus. Embrasement du Vésuve.
98-117. Trajan.
138-160. Antonin-le-Pieux.
161-180. Marc-Aurèle.
  215. Caracalla défait les Goths venus de la Suède et duDanemarck par les Palus-Méotides.
  311. Constantin se fait chrétien.
  325. Premier concile oecuménique, à Nicée, contre les ariens.
  330. Constantin s’établit à Byzance, ou Constantinople.
  337. Mort de Constantin.
  376. Les Huns, venus originairement du nord de la Chine, etinconnus en Europe, traversent les Palus-Méotides.
  410. Alaric saccage Rome.
  418. Loi salique sous Pharamond.
  450. Mérovée défait Attila, venu avec les Huns de la Hongrie.
  476. Fin de l’empire d’Occident.
  481. Clovis.
  496. Clovis embrasse le christianisme après la bataille deTolbiac.
  546. Pillage de Rome sous Totila.
  568. Alboin, roi des Lombards ; ce royaume finit en 774.
  570. Chilpéric trahi par Frédégonde.
  622. Fuite de Mahomet : Hégire, époque des Turcs.
  709. Paul-Luc Anafeste, premier doge de Venise.
  714. Les Maures en Espagne.
  737. Pélage, premier roi de Léon en Espagne.
  787. Invasion des Danois en Angleterre.
  800. Charlemagne proclamé empereur à Rome.
  801. Egbert, conquérant et premier roi d’Angleterre.
  833. Les Sarrasins commencent à faire des courses en Italie.
  846. Eric, premier roi de Danemarck.
  871. Alfred règne en Angleterre.
  886. Paris assiégé un an par les Normands.
1023. Humbert, comte de Savoie.
1024. Boleslas, roi de Pologne.
1066. Conquête d’Angleterre par Guillaume, duc de Normandie.
1070. Établissement des fiefs en Angleterre.
1077. L’empereur Henri IV va recevoir l’absolution du pape Clément VII.
1084. Robert Guiscard et ses Normands pillent Rome.
1085. Fin du royaume de Tolède en Espagne.
1094. L’ermite Pierre prêche la croisade.
1150. Eric, premier roi de Suède.
1152. Guelfes et Gibelins en Italie.
1173. Mort de Noradin, conquérant et philosophe.
1177. Frédéric Barberousse obligé d’aller recevoir l’absolutiond’Alexandre III à Venise.
1183. Origine des duchés d’Italie.
1193. Mort de Saladin, conquérant et philosophe, en Espagne.
1212. Prise de Tolosa, où deux cent mille Maures périrent.
1215. Grande charte d’Angleterre.
1220. Gengis-Khan, Mogol, conquiert 1800 lieues sur 1000.
1227. Frédéric II excommunié par Grégoire IX.
1236. Prise de Cordoue.
1257. Ezzelin fait prisonnier.
1265. Établissement des communes en Angleterre.
1269. Sixième croisade.
1305. Le pape établi à Avignon.
1315. République des Suisses.
1323. Vidal obtient le prix des jeux floraux de Toulouse.
1327. Mort d’Otteman ou Osman 1er.
1328. Rivalité de la France et de l’Angleterre.
1342. Les Maures font usage de l’artillerie.
1346. Bataille de Créci ; siége de Calais.
1354. Mort de Rienzi à Rome.
1356. Bataille de Poitiers.
1362. Année de malheurs.
1378. Election de Clément VII ; grand schisme d’Occident fini en 1417.
1401. Tamerlan fait massacrer 800 mille habitans à Bagdad, 10 auguste.
1415. Bataille d’Azincourt.
1429. La pucelle d’Orléans.
1435. Guttemberg invente l’imprimerie à Strasbourg.
1450. Jean Basilowitz, czar de Russie.
1453. Prise de Constantinople par Mahomet II.
1461. Guerre de la Rose-Blanche (Yorck) et de la Rose-Rouge (Lancastre).
1492. Fin du royaume de Grenade, et de la domination des Maures enEspagne, qui avait duré 782 ans.
1492. Découverte de l’Amérique.
1493. Maladies vénériennes.
1495. Bataille de Fornoue, que Charles VIII gagne en revenant de Naples.
1509. Bataille d’Agnadel, gagnée par Louis XII.
1520. Naissance du luthéranisme. Luther condamné à Rome.
1525. Bataille de Pavie.
1528. Rome saccagée par Charles de Bourbon.
1530. François 1er établit le collége royal.
1534. Henri VIII, roi d’Angleterre, excommunié.
1571. Bataille de Lépante ; André Doria.
1572. Massacre de la Saint-Barthélemi, où 50 à 60 mille protestansfurent égorgés.
1576. République des Provinces-Unies des Pays-Bas.
1595. Premier ouvrage de Kepler.
1610. Découverte des lunettes d’approche.
1624. Le cardinal de Richelieu au conseil.
1635. Académie française.
1641. Massacre d’Irlande : 50 à 100 mille.
1643. Louis XIV. Le cardinal Mazarin.
1666. Académie des sciences.
1678. Paix de Nimègue, dont Louis XIV dicta les conditions.
1680. Comète prodigieuse. Établissement aux Indes.
1683. Mort du grand Colbert.
1689. Mort de Christine, reine de Suède, à Rome.
1697. Traité de Riswick qui donne la paix à l’Europe.
1715. Mort de Louis XIV.
1739. Thamas Koulikan fait massacrer 200 mille habitans à Dehli.
1776. Etats-Unis de l’Amérique.
1789. 14 juillet, prise de la Bastille, qui commence la révolution deFrance.
1792. 10 auguste, fin de la monarchie française.
1793. 21 janvier, supplice de Louis XVI.
1799. 9 novembre (18 brumaire an 8), nouvelle constitution ; le généralBonaparte premier consul.
1805. 2 décembre, couronnement de l’empereur Napoléon.
1810. 7 février, convention de mariage entre l’empereur Napoléon etl’archiduchesse Marie-Louise, fille de François 1er, empereur d’Autriche.
1811. 20 mars, naissance du roi de Rome, fils de Napoléon.
1814. 2 avril, acte du Sénat conservateur qui déclare Napoléon déchu dutrône.
         11 Abdication de Napoléon.
          2 mai, déclaration de Louis XVIII à Saint-Ouen.
         4 juin, octroi de la Charte constitutionnelle.
1815. 1er mars, débarquement de Napoléon dans le département du Var.
         8 juillet, rentrée de Louis XVIII, à Paris.
1821. 5 mai, mort de Napoléon dans l’île Sainte-Hélène.


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TABLE

des vitesses, par Jérôme LALANDE.


Vitesse de la Seine dans les basses eaux, à Paris, 0m6 par seconde.

La pente de la Seine est d’un mètre sur 6000 mètres de distance,suivant Picard ; mais elle est environ trois fois plus grande lorsdes inondations.

Vitesse d’un homme qui se promène 1m3 par seconde.

Celle d’un bon cheval de cabriolet, 4 mètres par seconde.

Celle d’un renne tirant un traîneau en Laponie, 8m4 par seconde.

Dans les courses de Rome, un cheval barbe (non monté) parcourt 1685mètres en 141 secondes ou 12 mètres par seconde. (Mémoires del’académie, année 1757, page 394.)

Un bon cheval de course anglais (monté) parcourt la carrière deNewmarket, qui est de 6784 mètres, en 7 minutes 30 secondes, ce quifait 15 mètres par seconde. (Mémoires de l’académie, année 1757, page396.)

Les courses au Champ-de-Mars, le 1er vendémiaire an 7, ont été mesuréesavec soin par M. Bouvard.

Longueur de la course à pied, 251,5 mètres ; durée de la course, 33secondes, ce qui donne 7,69 mètres par seconde.

Longueur de la course à cheval 2575,5 mètres ; durée de la course, 3minutes 31 secondes ; donc, vitesse par seconde, 12,21 mètres.

Longueur de la course des chars, 1478 mètres ; durée, 2 minutes 13secondes ; vitesse par seconde, 11,11 mètres.

La course à pied était en ligne droite ; mais la course à cheval etcelle des chars étaient sinueuses et représentées par un double 8 dechiffre. Les vitesses auraient été plus grandes si les chevaux avaientcouru en droite ligne.

On estime qu’un grand lévrier a encore plus de vitesse qu’un cheval decourse anglais.

Certains poissons font 8 mètres par seconde.

La plus grande vitesse d’un vaisseau bon voilier n’excède guère 6mètres par seconde.

Un bon vaisseau peut prendre le tiers de la vitesse du vent, lorsqu’ilcourt vent par le travers, toutes voiles dehors ; et le quartseulement, lorsqu’il court également avec toutes ses voiles, ventarrière.

Le vent alisé entre les Tropiques, dans l’Océan, fait 8 à 10 mètres parseconde.

La vitesse du vent dans nos climats est quelquefois beaucoup plusgrande. M. Vallet l’a observée à Javelle de 27 mètres par seconde,avec un anémomètre de sa construction. Elle va à 32 mètres par secondedans les coups de vent sur mer, et elle doit être encore beaucoup plusgrande dans les ouragans qu’on éprouve dans nos îles.

Le son parcourt 337 mètres par seconde. Un boulet de canon en parcourt422 au sortir de la pièce ; cette dernière vitesse est la même quecelle de l’air qui rentre dans un espace où on avait fait le vide.

Un point de l’équateur terrestre parcourt, par son mouvement diurneautour de son axe, 438m7 par seconde.

Les planètes, par leur mouvement autour du soleil, font, savoir :Mercure, 49 kilomètres par seconde, Vénus 35, la Terre 30, Mars 27,Jupiter 13, Saturne 9, et Herschel environ 7.

Les corps graves parcourent dans la première seconde 4m887 sousl’équateur, et 4m901 à 80° de latitude.

Une pierre tomberait au centre de la terre en 15 minutes. (Astr.3578).

L’ombre de la lune, dans une éclipse, parcourt environ 65 kilomètrespar seconde.

La lumière parcourt la distance du soleil à la terre, c’est-à-dire15287873 myriamètres en 8 minutes 13 secondes ; ce qui fait 30960myriamètres par seconde.

Elle doit employer plus de trois ans à venir des étoiles, lesquellessont au moins deux cent mille fois plus éloignées que le soleil ; ensorte que les phénomènes que nous pouvons observer dans les étoilessont arrivés trois ans plus tôt.


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FAMINE EN MER.


Dans le mois de juin 1810 j’étais soldat dans la première compagnied’artillerie de la garnison de Sainte-Hélène. Le 10 de ce même mois, lenommé M’Kannon, canonnier de la deuxième compagnie, me demanda si jevoulais déserter avec lui, et me rendre à bord du vaisseau américain la Columbia, capitaine Henri Lelas, le seul qui se trouvait en rade.

Malheureusement, après quelques pourparlers, je consentis à saproposition, et je me trouvai au rendez-vous donné, où je rencontraiquatre autres soldats de la compagnie du major Scal ; savoir :M’Quinan, Brighouse, Parr et Conway. Parr, qui était un bon marin, nouspromit de nous conduire dans un bateau à l’île de l’Ascension, ou decroiser devant le port jusqu’à ce que la Columbia levât l’ancre etsortît. Nous nous rendîmes à huit heures du soir sur le rocher d’ouest,où nous trouvâmes la chaloupe de la Columbia qui nous attendait avectrois hommes qui nous conduisirent à bord de leur bâtiment.

Après y être restés une demi-heure, deux d’entre nous, craignant qu’onvînt faire des recherches à bord de la Colombia, proposèrent de nousemparer d’un bateau de baleinier, et de nous sauver en pleine mer. Nousprocédâmes sur-le-champ à l’exécution de ce projet. Le bateau étaitattaché à une grosse pierre ; il s’y trouvait cinq rames et un bout decable : nous hissâmes la pierre dans le bateau et nous arrivâmes à côtéde la Columbia à onze heures du soir.

Un instant après nous vîmes beaucoup de lanternes passer le long desfortifications du côté de la mer ; nous entendîmes un grand bruit, etnous crûmes qu’on nous cherchait. Nous sautâmes à bord du bateau debaleinier, prenant avec nous vingt-cinq livres de pain, une piècecontenant treize gallons d’eau, une boussole et un cadran que lecapitaine de la Columbia nous donna. Pendant notre rapideembarquement, le cadran tomba dans l’eau, du moins nous ne pûmes plusle retrouver. Le bateau était à moitié plein d’eau, et nous n’avionsrien qui pût servir à le vider.

Dans cette déplorable situation, nous mîmes en mer, et nous nouséloignâmes de l’île à une distance considérable, espérant quel’Américain viendrait nous prendre à son bord, comme il avait promis dele faire dans peu d’heures. Nous restâmes au même point jusqu’à midi ledeuxième jour après notre départ : point de vaisseau américain. Parrpromit de nous conduire à l’île de l’Ascension, en gouvernant nord parl’ouest, et ensuite nord nord-ouest ; une rame nous servit de mât ;nous y attachâmes nos mouchoirs.

Pendant deux jours le vent continua de souffler avec force ; mais letroisième nous eûmes du beau temps. Le 18, nous vîmes beaucoupd’oiseaux, mais point d’île. Parr dit qu’il était sûr d’avoir manquél’île de l’Ascension. Nous changeâmes de route, et mîmes le cap àl’ouest par le nord, espérant d’arriver à Rio-Janeiro, sur la côte duBrésil. Trouvant que nos mouchoirs étaient de bien faibles voiles, nousen fîmes de nouvelles en coupant en morceaux nos chemises. Mais bientôtla famine avec toutes ses horreurs vint nous assiéger : ce fût en vainque nous nous étions bornés à une once de pain et deux cuillerées d’eauen vingt-quatre heures. Tout notre pain fut consommé le 28 juin.

Nous n’eûmes d’autre perspective qu’une mort affreuse. M’Quinan, ayanttrouvé une canne de bambou, se mit à la mâcher, nous nous jetâmes toussur cette misérable ressource. Moi, j’essayai de manger mes souliers,mais la semelle était tellement pénétrée d’eau salée que je ne pusl’avaler, je mangeai le cuir du dedans, mais sans en réprouver aucuneffet favorable. Enfin, le 1er juillet Parr prit un dauphin avec unegaffe qui était restée dans le bateau, non sans difficulté : nousrendimes grâce à Dieu de nous avoir envoyé ce secours. Nous bûmes lesang du poisson, et sa chair séchée nous servit de nourriture jusqu’au4 juillet.

Privés de nouveau de toute subsistance, quelques-uns d’entre nousproposèrent de percer le bateau, afin de mettre un terme à nossouffrances ; M’Kannon et M’Quinan ne voulurent pas y consentir. Lepremier de ces Irlandais nous engagea à tirer au sort lequel d’entrenous mourrait pour servir de nourriture aux autres. Comme nous avionsde l’encre et du papier, nous écrivîmes des numéros qui furent jetésdans un chapeau. Le nombre fatal était cinq ; il tomba entre les mainsde M’Kannon lui-même ; sur-le-champ il se fit trois coupures dans lebras et les pieds, recommanda son âme à Dieu, et se laissa mourir enperdant tout son sang. Quand nous le vîmes mort, Brighouse lui coupa unmorceau de la cuisse, et nous en mangeâmes tous. Le corps souvent lavédans l’eau de la mer, afin d’être garanti de la putréfaction, nousservit de nourriture jusqu’au 8 juillet.

C’était mon tour de veille ; je m’aperçus à l’aube du jour que lacouleur de l’eau changeait : quand le soleil se leva, nous vîmes terredevant nous. A huit heures du matin, nous approchâmes du rivage ; maisici de nouveaux malheurs nous attendaient : le résac était très-violent; nous fûmes trop faibles pour tenir le bateau droit ; il tourna decôté et chavira. Après beaucoup d’efforts, Parr, Conway et moi, nousnous vîmes jetés à terre ; mais les pauvres M’Quinan et Brighouse senoyèrent. Nous apprîmes bientôt que nous étions sur la côte du Brésil,non loin de Rio-Janeiro, où nous reçumes tous les secours de la pitiéet de l’humanité. Je m’engageai comme marin, et fus envoyé à bord du Foudroyant. »


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NAUFRAGE
DE LA GOELETTE LITTLE-PATTY.


« Notre bâtiment partit de Charlestown le 26 juillet 1806 : il étaitdestiné pour Sainte-Marie ; mais le mauvais temps et des avariesconsidérables nous forcèrent à plusieurs relâches, dont la dernière futà Savanah ; après nous y être réparés, nous en partîmes, le 18 auguste,avec un beau temps et un vent favorable que nous conservâmes jusqu’au21. Nous arrivâmes à 3 heures à la vue du port, et déjà nous regardionsnotre voyage comme fini. Nous étions livrés aux idées les plus douceslorsque le vent passa tout à coup au nord-ouest, et devinttrès-violent. Nous essayâmes de conserver notre route en louvoyant,dans l’espérance que le temps deviendrait plus beau ; mais le vent nefit qu’augmenter, et à minuit nous essuyâmes une véritable tempête.Notre vaisseau, qui fatiguait horriblement, fit une voie d’eau. A deuxheures nous nous abandonnâmes au vent, afin de soulager le bâtiment.Les passagers et l’équipage se mirent tous aux pompes, mais la voied’eau trompait tous leurs efforts : on essaya d’alléger le navire encoupant les mâts et en jetant à la mer les ancres, les cables et toutce dont on put se débarrasser. Nous continuâmes ce travail pendant uneheure environ, et cependant l’eau s’éleva de cinq pieds dans la cale :on renonça à des efforts désormais inutiles. Nous espérions que levaisseau, en se remplissant, pourrait n’être pas submergé, parce que lacargaison n’était pas composée de marchandises pesantes. Dans cetteidée, nous préparâmes des provisions, de l’eau, des habits et descouvertures sur le pont, ainsi que des boussoles, des compas, deslivres, des cartes, etc., et tout ce qui pouvait rendre notre situationmoins déplorable. Nous primes aussi la précaution de préparer le grandcanot pour nous servir de dernière ressource. Le vent était terrible etla mer effrayante, car nous nous trouvions dans le milieu du golfe.Enfin arriva un moment affreux et déchirant ; il était quatre heures ;la mort semblait voler autour de nous, prête à nous dévorer. Notrevaisseau s’était rempli plus vite que nous ne comptions, et coulaitbas. Les cris des femmes, le désordre et la confusion générale, laviolence des vagues qui se brisaient sans cesse sur nos têtes,donnaient à cette scène une horreur solennelle que l’imagination nepeut concevoir. Un matelot se tenait dans le canot et s’occupait sansrelâche à le vider. Lorsque le vaisseau fut rempli totalement, deuxvieilles dames, âgées de près de 80 ans, glissèrent sur le pont, et lesvagues qui les couvraient les jetèrent en dehors ; l’une d’ellescependant fut assez heureuse pour être emportée contre le cablot dubâteau, elle s’y crampona, et fut retirée par un marin. Dans le mêmeinstant une jeune personne, miss Maria Osborn, fut emportée par unelame énorme ; un passager M. Curtice, qui l’aperçut, saisit une cordequ’il lui jeta, et l’attrapant par sa robe, il la ramena contre lebord, et lui recommanda de se tenir contre le bastingage jusqu’à cequ’il pût se procurer des cordages pour la faire remonter ; il s’enoccupait lorsqu’une vague encore plus affreuse vint fondre sur le pont,emporta la cabane qui frappa M. Curtice et le fit tomber, etpoursuivant ses ravages, entraîna trois personnes à la mer, Mme Gere,la femme du capitaine, son fils et l’infortunée Maria. Mme Gere nelâcha pas prise ; son fils s’attacha à ses habits, et on les eutbientôt repris tous les deux ; mais, hélas ! tous les efforts furentinutiles pour sauver la belle Maria Osborn ; son heure était venue ;cependant elle se débattait sur l’eau avec courage, ses mains étenduesvers son premier libérateur, et implorant son assistance par lesregards les plus expressifs ; mais tous ses efforts étaient perdus,aucune puissance humaine ne pouvait la sauver ; enfin, voyant que sespeines étaient inutiles, et que le courant l’éloignait du vaisseau,elle se résigna à sa cruelle destinée ; on vit cette charmante filleélever ses bras vers le ciel, et ses yeux en se fermant parurent mêmesourire à la mort. Tous les autres passagers, au nombre de dix-sept,parvinrent avec grande peine à gagner le bâteau, dans lequel ils mirentaussi deux petits chiens et un chat, qui vinrent à côté en nageant. Ilne nous restait qu’un aviron qui nous servit à diriger le canot. Chacuneut ordre de ne pas bouger, excepté deux hommes occupés à bacqueterl’eau qui remplissait le canot à chaque instant, car les vaguespassaient par-dessus notre tête. Nous passâmes de cette manièrejusqu’au lendemain matin ; le vent s’abattit à ce moment, et la merdevint moins houleuse. Nous prîmes alors quelque nourriture, et nousfîmes la revue de nos provisions de bouche, qui se trouvaient bien peuconsidérables ; ce fut pourtant avec ces faibles ressources que nousnaviguâmes pendant dix jours. Plusieurs fois nous eûmes la douleur devoir des bâtimens que nous ne pûmes approcher, et dont nous ne fûmespas aperçus ; plusieurs d’entre nous succombèrent à la fatigue et aubesoin, et eurent la mer pour sépulture. Enfin le 2 septembre, à troisheures du matin, nous vîmes tout à coup près de nous une lumière quenous reconnûmes distinctement pour les feux d’un vaisseau ; nousessayâmes de nous faire entendre, et bientôt on répondit à nos cris.C’était le brick La Polly, capitaine Hubbles : l’équipage et lecapitaine nous prodiguèrent les soins les plus touchans ; une ou deuxpersonnes moururent encore les jours suivans, et le reste débarquaquelques jours après en bonne santé, mais sans ressources pécuniaireset dans la plus grande détresse.

                             (DailyAdvertiser.)


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SUICIDE D’UNE VEUVE INDIENNE EN 1811.



A Nyurpet, mon domestique m’apprit qu’il y avait une veuve qui allaitse brûler avec le corps de son mari. M’étant mêlé dans la foule quil’accompagnait, je fis tous mes efforts pour la dissuader de cetteaction. Je trouvai cette victime ornée de fleurs, chargée de ses beauxhabits ; elle paraissait âgée de cinquante ans, et avait unephysionomie sauvage, mais pleine de fermeté ; elle répondait à toutesmes instances par des refus positifs, et avec un son de voix plus fortet plus expressif que celui d’une femme dans un état ordinaire. Ayantdemandé si elle avait des enfans, j’appris qu’elle en avait plusieurs ;l’un d’eux, un garçon de quatorze ans, était à côté d’elle. Je tentaide réveiller chez elle le sentiment de la tendresse maternelle, le plusfort de tous les sentimens humains ; je n’y pus réussir. « Il n’y a, medit-elle, aucune considération de famille qui me retienne. Plusieurs demes enfans sont assez âgés pour pouvoir prendre soin de ceux qui sonten bas âge. Je ne dois plus écouter aucune remontrance contre larésolution que j’ai prise ; j’ai quitté ma maison en déclarant que jeme brûlerai : je me suis dévouée, personne n’admettrait dans sa maisonune misérable qui, au moment de l’épreuve, se refuserait à son devoir.– Mais, lui répliquai-je, pouvez-vous abandonner cet aimable enfant ?Oui, oui, répondit-elle, lui et tout être quelconque. » Je priai lejeune garçon de m’aider à fléchir l’obstination de sa mère et à laréconcilier avec la vie ; mais combien je fus choqué de l’entendre direavec un rire diabolique : « Je désire qu’elle se sacrifie ! »

Je vis que ce barbare sacrifice était devenu un point d’honneur pour lafamille, et que la moindre hésitation de la part de la veuve luiattirerait le mépris de tous ses parens. J’allai du côté de la rivièrepour examiner les préparatifs. La fosse était creusée, le bois étaitprêt. Sur ma demande : qui avait commandé ces préparatifs ? lesouvriers cessèrent leur travail, et n’osèrent me répondre. A la longue,j’arrachai de l’un d’eux l’aveu que l’ordre avait été donné par quatreou cinq parens de la veuve. Je les menaçai de les faire punir commehomicides, d’après les règlemens de la compagnie des Indes : ils furenteffrayés et quittèrent l’ouvrage ; mais à peine fus-je de retour dansmon quartier, que je vis arriver une députation, ayant à sa tête lefrère du défunt, et qui me demanda respectueusement de ne plus mettred’obstacle à une cérémonie nécessaire pour l’honneur et la tranquillitédu village. Je leur répondis que je ne pouvais pas les en empêcher,mais que je voudrais en avoir le pouvoir.

Alors ils partirent avec une physionomie riante, et reprirentl’horrible exécution prescrite par leur croyance superstitieuse. Jeretournai auprès du bûcher ; le sacrifice était consommé : une fouled’hommes, de femmes et d’enfans en revenait ; le triomphe de lareligion était écrit dans leurs regards pleins de joie : tous lesvisages étaient rians. Je jetai un coup d’oeil sur le bûcher où les deuxcorps commençaient à être réduits en cendres : je sentis toutel’horreur de ce spectacle ; et, avec le ton de la plus profondemélancolie, je demandai à un vieillard s’il croyait cette actionagréable à Dieu. – C’est, me répondit-il, la destinée, et la volonté deDieu. – Non, non, m’écriai-je ; ce n’est ni la destinée, ni la volontéde Dieu ; c’est le crime des hommes. Il y eut un moment de silence ;mais bientôt des cris confus de joie s’élevèrent de nouveau……


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MORALE, ANECDOTES ET BONS MOTS.


L’abbé de Molières était un homme simple et pauvre, étranger à tout,hors à ses travaux sur Descartes. Il travaillait dans son lit, faute debois, sa culotte par-dessus son bonnet, les deux côtés pendant à droiteet à gauche. C’est dans cette position qu’il se vit enlever un jour lefruit de ses faibles épargnes. Il entend frapper à sa porte : « Qui estlà ? – Ouvrez… (Il tire un cordon, et la porte s’ouvre.) – Quiêtes-vous ? – Donnez-moi de l’argent. – De l’argent ? – Oui, del’argent. – Ah ! j’entends ; vous êtes un voleur. – Voleur ou non, ilme faut de l’argent. – Vraiment oui, il vous en faut. Eh bien !cherchez là-dedans. (Il tend le cou, et présente un des côtés de saculotte : le voleur fouille.) – Hé bien ! il n’y pas d’argent. –Vraiment non, il n’y en a pas, mais il y a ma clef. – Eh bien ! cetteclef ? – Cette clef, prenez-là. – Je la tiens. – Allez vous-en à cesecrétaire ; ouvrez. (Le voleur met la clef à un autre tiroir.) Laissezdonc, ne dérangez pas, ce sont mes papiers. Ventrebleu ! finirez-vous ?Ce sont mes papiers : à l’autre tiroir, vous trouverez de l’argent. –Le voilà. – Prenez… Fermez donc le tiroir ! (Le voleur s’enfuit.)Monsieur le voleur, fermez donc la porte. Morbleu ! il laisse la porteouverte ! Quel chien de voleur ! Il faut que je me lève par le froidqu’il fait ! Maudit voleur !...

L’abbé saute à bas, va fermer la porte, et revient se remettre à sontravail, sans songer qu’il ne lui restait plus de quoi dîner.


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AMASIS ET THALÈS. – DIALOGUE.


J’aime assez que, pour s’instruire de ce que le plus souvent ilsignorent, les princes fassent des questions aux sages. On trouve dansl’histoire quelques exemples de cette condescendance des maîtres dumonde pour la science ; mais les exemples des princes qui ont profitédes réponses des philosophes sont extrêmement rares. On cite à proposde souverains qui ont bien voulu s’humaniser avec la sagesse, undialogue entre Amasis, roi d’Égypte, et le philosophe Thalès, dialogueremarquable par le laconisme des réponses du sage, et la justesse quiles caractérise. Diogène-Laërce et Plutarque nous ont conservé cemonument de la curiosité du prince et de la franchise du philosophe.

Amasis. Qu’y a-t-il de plus ancien dans le monde ?

Thalès. Dieu : il n’a point eu de commencement.

Amasis. De plus grand ?

Thalès. L’espace : il contient tout ce qui existe.

Amasis. De plus rapide ?

Thalès. La pensée : d’un trait elle embrasse toute la nature.

Amasis. De plus beau ?

Thalès. Cet univers : l’ordre et l’harmonie qui constituent sesdifférentes parties sont admirables.

Amasis. De plus savant ?

Thalès. Le temps : il n’est de découvertes qui lui échappent.

Amasis. De plus commun ?

Thalès. L’espérance : c’est la ressource de ceux auxquels tout manque.

Amasis. De plus utile ?

Thalès. La vertu : elle seule, en modérant l’usage de toutes choses,les rend propres au bonheur des humains.

Amasis. De plus pernicieux ?

Thalès. Les vices de l’âme : leur présence corrompt et détériore toutce qu’il y a de bien sur la terre.

Amasis. De plus fort ?

Thalès. La nécessité : rien ne peut la vaincre.

Ce texte fort court établit, à lui seul, les bases d’un excellenttraité de la science universelle.


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PENSÉES.


Je ne conçois pas de sagesse sans défiance. L’Écriture a dit que lecommencement de la sagesse était la crainte de Dieu ; moi je crois quec’est la crainte des hommes.

- Il y a des sottises bien habillées, comme il y a des sots très-bienvêtus.

- Qu’est-ce qu’un philosophe ? C’est un homme qui oppose la nature à laloi, la raison à l’usage, la conscience à l’opinion, et son jugement àl’erreur.

- On souhaite la paresse d’un méchant et le silence d’un sot.

- Il y a à parier que toute idée publique, toute convention reçue estune sottise : car elle a convenu au plus grand nombre.

- L’homme sans principes est aussi ordinairement un homme sanscaractère : car, s’il était né avec du caractère, il aurait senti lebesoin de se créer des principes.

- Célébrité : l’avantage d’être connu de ceux qui ne vous connaissentpas.

- Celui-là fait plus pour un hydropique, qui le guérit de la soif, quecelui qui lui donne un tonneau de vin. Appliquez cela aux richesses.

- Les petits esprits usent de finesse : mais quand ils s’en serventpour se couvrir d’un côté, ils se découvrent de l’autre.

- Le coeur ne vieillit point.

- Il faut avoir beaucoup de vertu pour vivre avec ceux qui en ont peu.

- Phocion appelait les babillards les larrons du temps.

- Ménagez  le temps, la vie en est faite, dit le bonhommeRichard (Franklin).

- Pascal dit : L’homme qui n’aime que soi ne hait rien tant que d’êtreseul avec soi.

Duclos disait d’un homme enrichi par les plus vils moyens et endurciaux affronts : « On lui crache au visage, on le lui essuie avec lepied, et il remercie. »

La bonne foi est le lien et l’âme de la société.

Personnage sans éducation, corps sans âme.

L’affabilité est l’ornement de la grandeur ; la fierté ne sied que dansl’infortune.

- L’ivresse ne produit pas les défauts, elle les décèle. La fortune nechange point les moeurs, elle les découvre.

- Le sage craint quand le ciel est serein. Dans la tempête ilmarcherait sur les flots et sur les vents.

- Jouis, voilà la sagesse ; fais jouir, voilà la vertu.

- Une merveille pour un flatteur, c’est un homme sourd à sa voix.

- Pourquoi les poètes ont-ils si peu de fortune ? C’est que personnen’a besoin d’eux pour faire la sienne. On ne ramasse point devermisseaux pour le rossignol ; on donne des chardons à l’âne.

- La magnificence est le moyen d’un fat pour attirer les yeux d’un sot.

- Tel prodigue les conseils pour vous apprendre à vivre, qui nedonnerait pas un écu pour vous empêcher de mourir.

- Le Français ne paraît léger aux autres peuples, que parce qu’ilconçoit avec facilité ce qu’ils calculent avec peine.

- Il y a, pour les hommes les plus heureusement nés, une époque où ilsn’ont plus que la mémoire de leur esprit.

- Qui parle, sème ; qui écoute, recueille.


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POÉSIE.


Sur les amis du jour.

    Mille fois ils m’ont tout promis,
    Mais le siècle en fourbes abonde ;
    Et je ne hais rien tant au monde
    Que la plupart de mes amis.

           GOMBAUD.


Réflexion d’un bonhomme.

    Je ne puis me plaindre de rien
    Chacun prend part à ma disgrâce ;
    Tout le monde me veut du bien,
    Mais j’attends toujours qu’on m’en fasse.


L’HOMME.

    Un peu de poussière pétrie
    Par le Dieu qui préside au sort,
    C’est l’homme…. Amour le vivifie :
    Qu’Amour s’éloigne, tout est mort.

           M. CHEVALIER DE SAINT-AMAND.


MADRIGAL. (Un roi de la fève parle.)

        Églé, jete fais souveraine.
        Au sortje dois ma royauté,
        Tu doisla tienne à ta beauté ;
    Le Destin m’a fait roi ; l’Amour seul tefait reine.
        Demain jene serai plus roi :
        Demain,toujours tu seras belle.
    Amour, fais que demain elle fasse pourmoi
        Cequ’aujourd’hui je fais pour elle.

           LE PETIT PÈRE ANDRÉ.


MADRIGAL.

    Jeunes beautés, aimez qui vous adore ;
    Ne craignez point de vous laissercharmer.
    Que de plaisirs un insensible ignore !
    C’est l’amour seul qui peut nous animer.
    Avant d’aimer on ne vit pas encore ;
    On ne vit plus dès qu’on cesse d’aimer.

           HOUDARD DE LA MOTTE.


MADRIGAL à une dame.

    De vos grâces toujours nouvelles
    Vous faites sentir le pouvoir :
    Près de vous le Temps a des ailes
    Et l’Amour cesse d’en avoir.
   

MADRIGAL.

    Iris, ne croyez pas qu’une flammenouvelle
        Me fasseailleurs porter mon choix :
    On peut en vous voyant devenir infidèle,
        Maisc’est pour la dernière fois.


LE COCHE. - Fable.

    Au bruit d’une quadruple roue,
    Qui s’avance ? Quelle rumeur !
    Quels flots de poussière et de boue !
    Gare ! gare ! c’est monseigneur.

    Toujours roulant, le char approche :
    Les fouets l’annoncent en claquant.
    Il parait enfin : c’est un coche
    A douze places, mais vacant.

    Vides d’esprit et de courage,
    Sur la terre combien de grands
    Ressemblent à cet équipage !
    Bruit au dehors, et rien dedans.


L’ENVIEUX. - Epigramme.

    Dites-moi d’où vient, cher Albin,
    Cette mine triste et pensive
    Et cet air malade et chagrin :
    Est-ce du mal qui vous arrive,
    Ou du bien à votre voisin ?


Conte.

    Un vieux prélat, tout bouffi de son nom,
    Frappé se vit d’humeur apoplectique.
    Un vieux docteur, homme de grand renom,
    Appelé fut dans ce moment critique.
    Près du malade il s’assied, prend lepouls.
    « Eh bien ! dit-il, comment vousportez-vous ? »
    Point ne répond. Notre ruséBoerhaave   
    Lui dit alors d’un ton un peu plus fort :
    « Monseigneur ! » Rien. Peste ! le casest grave.
    « Prince ! » Au plus mal. « VotreAltesse ! » Il est mort.

           LE BRUN.


Vers écrits sur le livre d’heures d’une jolie femme.

    Lorsque vous demandez au souverain descieux
    Qu’il accorde à vos voeux le bonheur delui plaire,
       Souvenez-vous d’un malheureux
        Qui vousfait la même prière.


QUATRAIN.

    Nous n’avons qu’une bouche et notreoreille est double.
    En nous formant ainsi, quel fut le butde Dieu ?
    L’homme, pour éviter la discorde et letrouble,
    Doit écouter beaucoup et doit parlerfort peu.

           M. FRANÇOIS DE NEUFCHATEAU.


Epitaphe de Voltaire.

    O Parnasse ! frémis de douleur etd’effroi ;
    Pleurez, muses ! brisez vos lyresimmortelles !
    Toi, dont il fatigua les cent voix etles ailes,
    Dis que Voltaire est mort, pleure, etrepose-toi.

           LE BRUN.


Epigramme contre madame F. de B.

    Chloé, belle et poète, a deux petitstravers :
    Elle fait son visage, et ne fait pas sesvers.

           LE MÊME.


FIN.



NOTICE DES LIVRES

Qui se trouvent chez RAYNAL, li-
braire, rue Pavée-Saint-André-des-Arcs, n° 13, à Paris.

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Le même se charge de toutes commissions relatives à la librairie.
Les demandes auxquelles ne seront pas joints les fonds nécessaires, onun mandat à courte date sur Paris, seront regardées comme non avenues.
Les emballages et port de lettres seront portés en facture.
Les prix des livres sont marqués brochés à l’exception de ceux indiquésautrement.

OUVRAGES NOUVEAUX.


ÉTRENNES D’ÉCONOMIE RURALE ET DOMESTIQUE, contenant des anecdotes, desmorceaux d’agriculture, de morale, de médecine, de pharmacie, etc.,etc. PRIX 1 f. 25 c. et 1 f. 50 par la poste.

Nous continuerons tous les ans régulièrement ces petites Etrennes, quiseront très-variées, et n’offriront, chaque année, que des morceauxneufs, au lieu de ces réimpressions continuelles, qui ne font de laplupart des ouvrages de ce genre qu’une répétition fastidieuse. Cerecueil continuera de présenter des mémoires sur l’économie rurale etdomestique, des recettes et des procédés, des faits curieux d’histoirenaturelle et d’agronomie, et un grand nombre d’articles, utiles auxpersonnes de la ville et de la campagne, auxquelles l’économie n’estpas indifférente, et qui ne dédaignent pas de s’occuper de leursfermes, de leurs jardins, et de leur maison. Le temps ne nous a pas, cette année, permis d’apporter à nos Etrennesles soins que nous leur donnerons les années suivantes.

PETIT COURS D’AGRICULTURE, ou Manuel du fermier, contenant un traitésur la physique agricole, la culture des champs, les animauxdomestiques, les laiteries et la manière d’en utiliser les produits ;l’art vétérinaire, les différens modes de locations, et la comptabilitéd’une ferme. Par M. E. B. de Lépinois, membre de la sociétéd’agriculture de Provins, correspondant de la société royale etcentrale de Paris, et du conseil d’agriculture établi près du ministèrede l’intérieur : 1 vol. in-8° ; 1821. Prix 3 f. 50 c. et 4 f. 25 c. parla poste.

Cet ouvrage, classé méthodiquement, fruit d’une longue expérience, nepeut manquer d’être utile aux cultivateurs qui n’auraient pas toutesles connaissances préliminaires, et auxquels il manque souvent le tempsnécessaire pour lire les ouvrages volumineux ; celui-ci leur offrel’extrait des choses indispensables à connaître.

Il consiste tout entier en faits et en préceptes basés d’un côté surl’expérience, et de l’autre sur une théorie dont l’application doitproduire les plus grands avantages. La manière de préparer les terres,de les juger, de les travailler chacune en son temps, les instrumensdont il faut se servir, les bestiaux qu’il convient le mieuxd’employer, le soin qu’il faut prendre de ces derniers, les qualitésrequises pour en faire le choix, leurs maladies, les remèdesapplicables ; tout s’y trouve recueilli avec ordre, précision etclarté. Un petit dictionnaire chimique, qu’on trouve à la fin duvolume, aide beaucoup à la lecture, et sert à l’intelligence de laplupart des faits et moyens qu’il présente.

(Extrait des Tablettes universelles.)

PRATIQUE SIMPLIFIÉE DU JARDINAGE, à l’usage des personnes qui cultiventelles-mêmes un petit domaine contenant un potager, une pépinière, unverger, des espaliers, des serres, des orangeries et un parterre ;suivi de l’Année du jardinier, ou travaux à faire pendant l’annéedans un jardin. Par M. Louis Du Bois, membre de plusieurs académiesfrançaises et étrangères, l’un des collaborateurs du Cours completd’Agriculture, etc. : 1 vol. in-12 ; 1821. Prix 2 f. 50 c. et 3 f. parla poste.

Cet ouvrage, simplifié et très-élémentaire, renferme dans un petitnombre de pages tout ce qui concerne le jardinage, et peut dirigerd’une manière éclairée toutes les opérations de cet art si intéressant.Il est tout-à-fait au niveau de la science, bien différent en cela deces recueils volumineux, et toutefois incomplets, de vieillesdoctrines, de faux préceptes et de bévues compilées sans goût et sansdiscernement dans des livres surannés. Ce petit traité est très-complet; les matières y sont classées avec méthode, traitées avec clarté, etprésentées dans un style simple et pur. On peut donc regarder cette Pratique simplifiée comme le manuel le moins cher et le plus completque puissent se procurer les jardiniers ainsi que les amateurs de laculture des jardins.

LEÇONS D’UN PÈRE A SON FILS, par M. Duval, ancien avocat : 1 vol.in-8°, avec une fig., 2e édit. ; 1821. Prix 5 f. et 6 f. 25 c. par laposte.

Avec cette épigraphe :

    Qu’il est heureux l’enfant qui possèdeun bon père !...
    Où pourrait-il trouver un ami plussincère !...


Cet ouvrage, intéressant sous tous les rapports, est le fruit de latendre sollicitude d’un père vertueux et éclairé, qui annonce moins lesprétentions d’un auteur que celles d’un guide prudent et sage. Le butde l’auteur est de préserver un fils, son unique espérance, des écueilsdont la jeunesse est sans cesse environnée, et de la conduire d’unemain sûre dans le sentier de l’honneur et de la vertu. Une épitre envers simples, mais non dépourvu d’élégance, précède l’ouvrage, et endonne le plan ainsi que la conduite.

ENFANCE DES GRANDS HOMMES, dédié à l’adolescence ; 1 vol. in-18°, 2eédit. Prix 1 f. 50 c. et 2 f. par la poste.

Ce petit ouvrage, orné de six jolies figures, est propre à être donnéen étrennes ; l’exécution en est très-soignée.

DISSERTATION SUR CETTE QUESTION, proposée par la société d’agriculture,sciences et arts, de Provins : PROVINS EST-IL L’AGENDICUM DESCOMMENTAIRES DE CÉSAR ? par M. Barrau, docteur en médecine : 1 vol.in-12, orné d’un plan de Provins ; 1821. Prix 2 f. et 2 f. 50 c. par laposte.

VOYAGE A L’ABBAYE DE LA TRAPPE DE MELLERAY, par M. Ed. Richer : 1 vol.in-18, 3e édit. ; 1821. Prix 60 c. et 75 c. par la poste.

Ouvrages principalement sur le jardinage et
l’économie rurale et domestique.

ART DU TAUPIER, ou Méthode amusante et infaillible pour prendre lestaupes, suivant les procédés d’Aurignac ; par Dralet. Brochure in-8° ;1807, 60 c.

BON JARDINIER (le), alm. pour l’année 1821 ; par MM. Pirolle, Vilmorinet Noisette, avec planches : 1 vol. in-12, 8 fr.

CONFISEUR (le) ROYAL, ou l’Art du confiseur dévoilé aux gourmands ;contenant la manière de faire les confitures, marmelades, compotes,dragées, pastilles, etc. ; des instructions sur la distillation ;divers articles concernant l’office ; enfin des recettes d’économiedomestique pour faire toutes sortes de vinaigres et les aromatiser,etc. ; par madame Ultrecht-Friedel ; cinquième édit., Paris, 1818. 1vol. in-12, orné de 3 pl., 3 f.

ECOLE DU JARDIN FRUITIER, par M. Labretonnerie, dans laquelle on trouvel’origine des arbres fruitiers, les terres qui conviennent à chacund’eux, le moyen de les leur approprier, et de corriger les plusmauvaises ; le choix de ses arbres, leur plantation et transplantation,les pépinières, les différentes sortes de greffes, le temps et lamanière pour les bien faire, la taille et les formes que l’on peutdonner aux arbres fruitiers, le temps et la manière de lesébourgeonner, leurs maladies et accidens, etc. ; la cultureparticulière de chaque espèce, les usages et propriétés de leurs fruitset de leurs bois ; enfin le journal de tous les ouvrages à faire dansle jardin fruitier pendant le cours de l’année. Nouvelle édition,corrigée et augmentée par l’auteur du Bon Jardinier : 2 gros vol.in-12, de 600 à 700 pages ; 1808, 7 f.

ECONOMIE RURALE, traduction du poëme du P. Vanière, intitulé Proediumrusticum ; par Berland : 2 vol. in-12, rel., 1756, 8 f.

FIGURES POUR L’ALMANACH DU BON JARDINIER ; 2e édit. augmentée de cinqplanches : 1 vol. in-12, fig. noires., 3 f.

Id., figures coloriées. 7 f. 50 c.

FORÊTS (les) DE LA FRANCE ; leurs rapports avec les climats, latempérature et l’ordre des saisons, avec la prospérité de l’agricultureet de l’industrie ; par M. le baron Rougier de la Bergerie : 1 vol,in-8°, 6 f.

GÉORGIQUES FRANÇAISES, poëme ; par M. le baron Rougier de la Bergerie ;1804 : 2 vol ; in-8°, 8 f.

HISTOIRE DE L’AGRICULTURE FRANÇAISE, précédée d’une notice sur l’empiredes Gaules, et sur l’agriculture des anciens ; par M. le baron Rougierde la Bergerie ; 1815 : 1 vol. in-8°, 6 f.

MAÏS (le), ou BLÉ DE TURQUIE, apprécié sous tous ses rapports ; mémoirecouronné par l’Académie royale de Bordeaux ; par Parmentier : 2e édit.; 1812, 5 f.

MAISON RUSTIQUE (la nouvelle) : 3 vol. in-4°, figures, 50 f.

MANUEL DES PROPRIÉTAIRES D’ABEILLES ; par Lombard : 1 vol. in-8°, 2 f.50 c.

PARFAIT (le) AGRICULTEUR, ou Dictionnaire portatif et raisonnéd’agriculture, contenant les nouvelles inventions et découvertes faitesdans cet art ; ouvrage rédigé d’après l’expérience et les avis desagriculteurs les plus célèbres, et les traités les plus modernes dansces parties ; par Cousin d’Avalon : 2 vol. in-12, 5 fr.

PARFAIT (le) BOUVIER, ou Instructions concernant la connaissance desboeufs et vaches, leur âge, maladies et symptômes, avec les remèdes lesplus expérimentés propres à les guérir ; augmenté de deux petitsTraités pour les moutons et porcs, ainsi que plusieurs remèdes pour leschevaux, par M. B… Nouvelle édit. ; 1819, 2 f.

TAILLE RAISONNÉE DES ARBRES FRUITIERS, et autres opérations relatives àleur culture ; par Butret : 1 vol. in-8°, 2 f ; 25 c.

TRAITÉ DE LA CULTURE DES ARBRES FRUITIERS, traduit de l’anglais, deForsyth : 1 vol. in-8°, figures, 7 f. 50 c.

Ouvrages divers.

AVENTURES DE TÉLÉMAQUE ; fils d’Ulysse, par M. de Fénélon, archevêquede Cambrai ; édition très-correcte, à laquelle on a joint unDictionnaire de Géographie ancienne et de Mythologie : 2 vol. in-8°,avec 25 fig., 8 f.

DÉFENSE DE L’ORDRE SOCIAL contre les principes de la révolutionfrançaise ; par J. B. Duvoisin. Nouvelle édition : 1 vol. in-8°, 4 f.

ESSAI D’UNE MÉTHODE GÉOLOGIQUE, ou Traité abrégé des roches, par M.Dubuisson, professeur et conservateur du Muséum d’histoire naturelle dela ville de Nantes, etc. : 1 vol. in-8°, 2 f.

FABLES de Florian : 1 vol. in-18, 1 f.

FORMULAIRE magistral et mémorial pharmaceutique, par Cadet deGassicourt ; 4e édition : 1 vol. in-18, 4 f.

GÉOGRAPHIE de Gauthier : 1 vol. in 18, cart., 1 f. 50 c.

GRAMMAIRE de la jeunesse, par Jégou, professeur du collége de Nantes :1 vol. in-8°, 5e édit., 2 f.

GRAMMAIRE des Grammaires, ou Analyse raisonnée des meilleurs Traitéssur la langue française ; par Charles-Pierre Girault Duvivier ; 4e édit: 2 vol ; in-8°, 1819, 15 f.

GRAMMAIRE française, par l’abbé Gautier : 1 vol., 1 f. 50 c.

MANUEL pratique des poids et mesures, des monnaies et du calcul décimal; par Tarbé : 1 vol. in-18, 2 f. 50 c.

PHILOSOPHIE (de la) religieuse et morale dans ses rapports avec leslumières ; par M. Ed. Richer : 1 vol. in-8°, 1 f. 25 c.

PHILOSOPHIE de la jeunesse : 1 vol. in-18, 75 c.

PRÉCIS historique, statistique et minéralogique, sur Guérande, leCroisic et leurs environs, précédé d’un Abrégé de l’Histoire deBretagne, jusqu’à la réunion de cette contrée au royaume de France,avec une carte de l’ancien territoire de Guérande ; par J. Morlant : 1vol. in-8° 2 f. 50 c.

PROSODIE française, par M. l’abbé d’Olivet, simplifiée et augmentée parM. Charles François Lhomond, suivie de quelques observationsgrammaticales : in-12, 40 c.

REMARQUES sur la culture et le commerce intérieur du Bengale ; traduitde l’anglais, de M. Colebrook, par M. R., officier du génie : 1vol. in-8°, 2 f.

VOCABULAIRE (Nouveau) français, de Wailly, 9 édit : 1 vol. in-8°, 7 f.

VICTOR ET AMÉLIE, poëme en quatre chants, suivi de poésies diverses ;par Ed. Richer : 1 vol. in-18, 1 f. 25 c.

CONSIDÉRATIONS PRATIQUES SUR LE TRAITEMENT DE LA GONORRHÉE VIRULENTE,et sur celui de la vérole ; par M. Fréteau : 1 vol. in-8°, 1813, 5 f.

TRAITE ÉLÉMENTAIRE SUR L’EMPLOI LÉGITIME ET MÉTHODIQUE DES ÉMISSIONSSANGUINES DANS L’ART DE GUERIR, avec application des principes à chaquemaladie ; par M. Fréteau : 1 vol. in-8°, 1816, 5 f.

Sous presse.

L’ÉCOLE DU JARDIN POTAGER, contenant la description exacte de toutesles plantes potagères, leur culture, les qualités de terre, lessituations et les climats qui leur sont propres, leurs propriétés, lesdifférens moyens de les multiplier, le temps de recueillir les graines,leur durée, etc., etc ;

Suivie du traité de la culture des pêchers, par De Combles ; sixièmeédition, mise en ordre, enrichie d’observations, précédée d’une noticesur De Combles et ses ouvrages, par M. Louis Du Bois, membre deplusieurs académies et sociétés agronomiques de Paris, des départemenset de l’étranger ; l’un des auteurs du Cours complet d’agriculture,etc.