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DU BOIS, Louis (1773-1855) : Pillage de la cathédrale de Lisieux parles protestants le 5 mai 1562 et les jours suivants (1832). Saisie du texte : O. Bogros pour la collection électroniquede la Médiathèque André Malraux de Lisieux (6.IX.2016) [Ce texte n'ayant pas fait l'objet d'uneseconde lecture contient immanquablement des fautes non corrigées]. Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00. Courriel : mediatheque-lisieux@agglo-lisieux.fr, [Olivier Bogros] obogros@agglo-lisieux.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusionlibre et gratuite (freeware) Orthographe etgraphie conservées. Texte établi sur l'exemplaire de la médiathèque dun° 28 du journal Le Lexoviendu 12 juillet 1832. PILLAGE DE LA CATHEDRALE DE LISIEUX PAR LES PROTESTANTS, LE 5 MAI 1562 ET JOURS SUIVANTS. Le Lexovien, N°28 – 12juillet 1832 _____ Les protestants, dès longtemps irrités de la persécution, desdéceptions, des massacres et des exécutions dont ils étaient lesvictimes, s'emparèrent de Lisieux et pillèrent la cathédrale. Nousallons à ce sujet extraire quelques notes du Procès- Verbal qui futrédigé le 13 auguste 1552 par Pontmolain, alors bailli de Lisieux, surle rapport du doyen et des chanoines du chapitre. On cite, parmi les principaux chefs de la troupe qui saccagea lacathédrale, Guillaume de Hautemer, seigneur de Fervaques, qui depuisfut maréchal de France et ne cessa jamais d'être catholique ; Louisd'Orbec, bailli d'Evreux ; les seigneurs de Serquigny et de LaCressonnière ; Jacques Faulcon, l'un des receveurs de la ville ;Laillier et Carrey, tabellions. Dans la troupe on remarquait Desmaraispère et fils ; Roland de Longchamp et son fils ; deux Duval ; deuxJouas ; trois Paulinier ; Fauques ; Lebas ; Bertre ; Buchard ; Heuttes; Vesque ; Couture ; Champagne ; Rabot, etc. Dans cette dévastation vandalique on brisa les autels et les statuesdes saints ; on enleva les objets d'or et d'argent, ainsi que lespierreries et les ornements que l'on put trouver parmi ce qui n'avaitpas été caché par les chanoines. On déchira et brûla une foule detitres et de papiers précieux ; on foula aux pieds et on livra auxflammes les images et les reliques. Ceux de l'Église nouvelle, commedit le procès-verbal, forcèrent le 5 mai la garde de la cathédrale, quiétait de10 ou 12 hommes, entrèrent au moment du service divin armés depistolets, de dagues et d'épées, et mirent en fuite la garde qui allase cacher dans les voutes. Nous allons suivre les détails de cet évènement jour par jour et telsqu'ils sont rapportés par le procès-verbal rédigé pour qu'il en fûtinformé d'après l'ordonnance du bailli. Le 7 mai (jour de l’Ascension), à 9 heures du soir, les protestants sesaisirent des clefs des portes de la ville. Le lendemain, d'après une délibération qu'ils prirent publiquement àl'hôtel commun (l'hôtel-de ville, qui était alors dans la Grande Rue),ils engagèrent le chapitre à se concerter avec eux pour préserver lacathédrale du pillage dont elle était menacée. Ils prièrent le chapitrede faire cesser les insultes multipliées dont les protestants avaient àse plaindre de la part des catholiques qui ne firent aucun droit àcette légitime réclamation et s'attirèrent de fâcheuses représailles. 18 Mai. Ce jour et la nuit suivante, plus de 300 protestants accourusde Honfleur, de Pont-l’Evêque, de Cormeilles, de Fervaques, dePrêtreville et d'autres endroits, entrent et s'établissent à Lisieux. 19 Mai. Il était difficile que tant de mécontents restassent longtempspaisibles. Aussi vers neuf heures du matin, une foule de pillardspénétra dans la cathédrale et s'y livra aux plus grands désordres. Ilparait que leur chef s'appelait Antoine Laugeois, dit Lacornerie, venude Cormeilles à la tête d'une compagnie, et qu'il fut surtout secondépar les trois frères Paulmier qui tirèrent des coups d'arquebuse et depistolets sur le crucifix et les statues. Le pillage dura trois ou quatre jours pendant lesquels les protestantsfirent beaucoup de fêtes et donnèrent des repas chez les taverniers ouaubergistes Regnard Dosse, au Falot d'or, et Richard Crochon ou Cochon,à l'image Saint-Martin. Les clefs de la cathédrale étaient restées aux mains des protestantsdepuis le 9 mai jusqu'au16, jour auquel le duc de Bouillon, lieutenantgénéral de la Normandie, ordonna la remise de la clef de la grandeporte près de l'entrée du palais épiscopal, pour l'exercice du cultecatholique. D'après l'article 12 du procès-verbal, il paraît que lesprotestants s'étaient établis dans les maisons des chanoines dont « ilsemployaient les tables et même le linge à leurs festins et banquets, età leurs cérémonies de baptêmes et mariages, et autres péchés qui secommettaient aux susdites maisons. » Fervaques, qui prenait le titre de capitaine de la ville, annonça euxchanoines Blosset et Guitart ou Guaitard qu'il ne resterait à Lisieuxni chanoines ni ecclésiastiques parce que on n'y serait jamaistranquille « que la vermine de prêtraille n'en fût dehors, » et qu'onne cessât d'y dire la messe. Pourtant Fervaques n'avait pas abjuré lecatholicisme ; mais tel était le désordre et la barbarie du bon vieuxtemps que les croyances étaient fort peu éclairées et qu'on passaitaisément du respect le plus superstitieux aux plus outrageantesprofanations. Le 22 juin, Fervaques, à la tête d'une troupe armée, s'empara chezNicolas Le Petit, avocat, d'un livre précieux qui avait été déposé chezlui par le chapitre. « Ce livre, dit le procès-verbal, art. 19, reliéd'aisserie (de planchettes), était couvert de lames d'argent doréentièrement, enrichi de pierreries précieuses et même du fût de lavraie croix de Notre Sauveur, appelé Majesté, portant icelui livre desEvangiles dont se fait lecture à la Messe, aux fêtes solennelles ;lequel ils auraient pris et se seraient saisis de ladite Majesté. » La chasse de Saint Ursin, qui avait été cachée et enterrée, ayant étédécouverte, Fervaques en enleva une lame d'argent qui la recouvrait etqui pesait au moins 500 marcs non compris la dorure et les pierreries.Il résulte, de l'art. 23 du procès-verbal, que ce seigneur s'écria à lavue de ce riche monument : « On dit que si je fesais ouvrir cette bellechasse, je ne vivrais pas demi- an ; je ne l'en ferai pas moins ouvrir.» Il le fit comme il le disait, en brayant la prédiction qui nes'accomplit pas. On y trouva trois sacs de cuir de cerf, remplisd'ossements, scellés du sceau de l'évêque Guillaume d'Estouteville quiles avait reconnus le 14 avril 1399. Fervaques se saisit de cesreliques et dit : « ce sont-là des os de cheval ». Les autresassistants, non moins impies que leur chef, ajoutaient : « Ce sont biendes os de chien. » Il ajouta (art. 22), en s'adressant à quelquesmembres du chapitre qui se trouvaient- là : « Tous ces ossements vousont servi à gagner votre vie et de l'argent ; vous avez métier d'engagner autrement. Cettui-ci est perdu pour vous , car ils seront tousbrûlés et consommés en cendre. » Il paraît que depuis, par une fraude pieuse, comme on fit pour lasainte Ampoule il y a quelques années, on prétendit que les reliques desaint Ursin avaient été sauvées. En effet, l'évêque Le Hennuyer en fitla reconnaissance, comme de pièces authentiques, le 18 juin 1564 ;elles furent encore reconnues depuis (le 18 septembre 1626, le 29auguste 1664, et le 3 juillet 1731), par les évêques GuillaumeAlleaume, Matignon 1er, et Brancas. Outre le précieux reliquaire de saint Ursin, les protestantsdécouvrirent un bras du même saint enchâssé dans de l'argent doré etqui pesait environ 30 marcs, ainsi que des pierreries, des calices etd'autres effets précieux qui avaient été mis en terre dans une cave desmaisons de la fabrique du chapitre, et qui pesaient plus de 300 marcs. Dès cette époque, le chapitre de Lisieux jouissait d'un droit que nouslui avons vu exercer jusqu’à la révolution et qui était évidemment fortancien. Ce privilège est cité parmi les cérémonies remarquables.C'était pour le pays un spectacle curieux, qui avait lieu le 11 juin,jour de la Saint-Ursin et de l'ouverture de la principale foire de laville. Ce jour-là, Fervaques s'attribua les droits dont jouissait leChapitre qui nommait parmi ses chanoines deux comtes temporaires,lesquels recevaient les honneurs et les droits du comté dans la villeet la banlieue. Dans le même temps, on découvrit an prêtre (RegnaultCostentin) caché en contravention aux ordonnances de police rendues parFervaques. Cet ecclésiastique fut saisi disant la messe : on leconduisit en prison revêtu de ses habits sacerdotaux, et il fut livré àla risée du public qui, au surplus, ne l'outragea pas autrement. Parmi les propos violents tenus par Fervaques, les déposants attestentqu’il disait, en parlant du duc d'Aumale, envoyé par la cour enNormandie : « Aumale m'en veut ; mais, par le Corps-Dieu ! je luimarcherai sur le ventre, s'il prend son chemin vers Lisieux... et s'ilvient gens pour entrer en cette ville, je ferai rempart de prêtraille,des rasés (les moines) et des papaux (papistes ou catholiques dévoués àla cour de Rome.) » L. D. B. |