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DUBOSC, Georges (1854-1927) :  Croix et calvaires normands(1905).
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électroniquede la Médiathèque André Malraux de Lisieux (13.VII.2016)
Texte relu par : A. Guézou
Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex
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Diffusionlibre et gratuite (freeware)

Orthographe etgraphie conservées.
Première parution dans le Journal de Rouen du 9 juillet 1905.Texte établi sur l'exemplaire de la médiathèque (Bm Lx : norm 1496) de Par-ci, par-là : études d'histoire et demoeurs normandes, 2ème série, publié à Rouen chez Defontaine en 1922.


CROIX ET CALVAIRES NORMANDS

par
Georges DUBOSC
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Les calvaires et les croix de carrefour, considérés comme des emblèmesreligieux, restent tolérés sur les voies publiques, mais il est àcraindre que leur conservation ne soit pas toujours assurée par desmesures de restauration souvent très utiles. Sans doute, quelques-unsde ces vieux monuments sont classés comme historiques, et de ce fait,protégés contre le vandalisme, mais combien d’œuvres charmantes serontvouées à la destruction si on ne permet pas quelques travaux depréservation ! Déjà une circulaire ministérielle, antérieure à la loinouvelle, interdisait les restaurations de calvaires, comme celles quiavaient eu lieu dans notre région pour les calvaires de Butot en 1855,les croix de la Moinerie à Arques, relevée par l’abbé Cochet, la Croix à la Dame rétablie en 1855, le calvaire de la Gaillarde, lecalvaire d’Epinay, près Duclair, restauré en 1893.

Et cependant, quoi qu’ait dit jadis M. Briand, du caractère artistiquedes calvaires, que de monuments intéressants par la diversité de leursformes, par la variété de leur ornementation, par la naïve simplicitéde leur sculpture ne seraient-ils pas à conserver dans notre seuldépartement ! Aussi bien tous ces vestiges anciens ne sont passeulement des témoignages de la foi de nos pères, de purs « emblèmesreligieux », ils sont la plupart du temps liés à l’histoire, à la viequotidienne, à l’existence populaire de nos ancêtres. Il faut bien sedire qu’en ces temps de ferveur religieuse, la croix sert de signe etde commémoration pour mille faits sociaux. La croix sert de borne entreles champs et les communes ; c’est la croix-limite. Mais voici « lacroix d’expiation », signalant l’endroit d’un crime ; la « croix decommémoration » d’un fait, comme celles que Philippe-le-Hardi fitélever de Saint-Denis à Paris, sur le passage du corps de Saint-Louiset qui rappellent tantôt un accident, un évènement tragique, un endroitvénéré, une tombe célèbre comme la croix du Grand-Pevrel qui marque laplace où tomba le « père des Cauchois » ; la « croix de prêche »indiquant la domination intolérante du catholicisme, comme celles quiexistaient à Autretot, à Dieppe, à Sanvic, à Saint-Jouin, ; la « croixdes jetées », signe de salut pour les marins, leur servant souventd’amers, ou leur annonçant de loin la patrie.

Aussi que de légendes originales, imprégnées de la poésie mystique dumoyen-âge, ne se sont-elles pas formées autour de nos calvairesnormands, croix de carrefours plantées à la rencontre des chemins,souvent décorés jadis de bouquets, d’épis ou de pampres, au temps demoissons et de vendanges, par nos paysans français ; croix decimetières dominant le champ des morts où dorment les aïeux !

C’est le cas, par exemple, de la Croix-mangea-la, à Bacqueville, dontla légende rappelle un peu celle de Griselidis…, sans la musique deMassenet. Cette jolie croix fut élevée, en effet, pour rappeler un faittrès étrange. Guillaume Martel était parti à la croisade, abandonnantsa jeune femme à laquelle il avait laissé la moitié de son anneau. Faitprisonnier par les Infidèles, il resta pendant sept années enesclavage. Désespérant de jamais le revoir et le considérant commemort, sa femme allait se remarier, quand tout à coup, par uneintervention divine, Guillaume Martel fut transporté dans son pays oùpersonne ne le reconnaissait plus. Ayant rencontré quelques jeunesfilles, il leur demanda le chemin de son château. Quand il y parvint,il put, grâce à son anneau, se faire reconnaître de sa femme, qui serendait à la chapelle pour faire bénir sa nouvelle union.

C’est pour commémorer cette aventure extraordinaire que fut élevée àBacqueville la Croix-mangea-la, à l’endroit où Guillaume Martelrencontra les jeunes filles, qui lui indiquèrent sa route et luidonnèrent à manger un peu de pain. C’était, du reste, un brave soldatque ce Guillaume Martel qui fut garde-oriflamme de France et mourut àla bataille d’Azincourt. Il nous semble bien qu’il existe encore dansla chapelle Saint-Léonard de l’église de Bacqueville, des peintures quirappellent divers traits de cette légende du sieur de Bacqueville,telle que la rapporte, en l’an 1386, le P. Richeome, dans son Pèlerinde Lorette.

A hauteur d’Alvimare, le long de la voie ferrée, on peut encoreapercevoir deux croix, l’une en face de l’autre, de chaque côté duchemin conduisant à l’église d’Alvimare. Ce sont les Croix deBlengues, célèbres dans toute la contrée et dont la dénominationrappelle une des plus vieilles familles de Normandie, encore existante,car une des tantes de Guy de Maupassant, Mme Harnois de Blengues, porteencore ce nom. L’une de ces croix, petite, est moderne ; l’autre, dontle piédestal est triangulaire et supporte un léger faisceau decolonnettes prismatiques du XVe siècle, a été restaurée plusieurs fois,notamment en 1842, par M. de Rouen, baron d’Alvimare, ancien colonel del’armée de Condé.

Est-il besoin d’ajouter que les Croix de Blengues, comme la Croix deBacqueville, ont leur légende ? Si vous demandez, en effet, leurorigine, on vous répondra qu’au temps jadis, le sire d’Auzouville et lesire d’Auberbosc aspiraient tous deux à la main de la demoiselle deBlengues. Egalement épris des beaux yeux de la châtelaine, aucun nevoulut céder. On décida donc de s’en remettre à la fortune des armes,et un furieux combat s’engagea où les deux chevaliers périrent ensembledès le premier choc. Ils furent inhumés à l’endroit où ils avaientcombattu et la demoiselle de Blengues voulut qu’une croix fut élevéesur le tombeau de chacun de ceux qui avaient combattu pour elle. Et,comme la légende est toujours une peu malicieuse, – surtout en payscauchois – elle ajoute que la croix la plus belle et la plus somptueusefut dressée là où reposait celui des deux chevaliers qu’elle préféraitsecrètement à l’autre ! Telle est la légende. Les sires d’Auzebosc etd’Auzouville se sont-ils jamais battus ? Leurs corps reposent-ils sous« les Croix de Blengues » ? Difficile énigme, mais il est certain quela demoiselle de Blengues fut une des plus jolies Cauchoises de sontemps, car il est bon de rappeler que l’aventurier espagnol Pedro Ninol’adora en secret et en fit la « dame de ses pensées ».

Que d’autres légendes n’ont pas encore été inspirées par nos calvairesnormands ! Voici, par exemple, la Croix-Gueroult, à Senneville, prèsde Fécamp, auprès d’une chapelle, sur l’ancienne route arquaise,conduisant à Arques. Elle date du XIVe siècle et est fort jolie, avecses statuettes de saint Jacques en pèlerin, de saint Roch et de saintWaast. Eh bien ! son nom rappelle celui d’un malheureux berger qui futfoudroyé en ces lieux et dont le calvaire a conservé la mémoire àtravers les siècles. Voici plus loin, dans l’Eure, à Cormeilles, la Croix pleureuse, sur la route de Caen à Falaise. D’après la légende,Guillaume-le-Conquérant, qui n’était pas toujours d’humeuraccommodante, aurait, un beau jour, fait traîner par les cheveux safemme, l’impératrice Mathilde, jusqu’à ce lieu, où, en repentir, ilaurait fait élever une croix, disparue aujourd’hui, car les Calvinistesla renversèrent en 1562. Voilà encore, à Saint-Mards-sur-Risle, auhameau de la Croix-Hamel, la Croix des Magnants, rappelant lesouvenir de bohémiens chaudronniers, engloutis sous terre à la suite dequelqu’acte d’impiété. Dans ce joli coin du Roumois, on vous raconteraqu’à certains jours, on entend le bruit du marteau des magnants, quiretentit sous terre et retentira jusqu’à la fin des siècles.

S’il nous fallait citer toutes les croix de carrefour de notredépartement, la liste serait longue. Toutefois on nous permettra denoter dans l’arrondissement d’Yvetot, à Néville, deux croix bienconnues, la Croix du Sire de Bréauté, élevée au XVe siècle, enmémoire d’une victoire remportée sur les Anglais. C’est aujourd’hui la Croix-Hellouin et la Croix à la Rose, plantée en 1624 ; àVeauville-les-Baons, la Croix blanche, belle croix de carrefour, avecsa colonne dorique, dont les bras sont entourés de rayons et qui datede 1590 environ ; à Caudebec-en-Caux, sur la route de Caudebecquet, unede ces croix de Malte du XIIe siècle qu’on appelle Croix desTempliers ; à Saint-Arnoult, sur le bord de la route de Lillebonne,une vieille croix de carrefour qui nous montre saint Jacques-le-Majeur,saint Jean et la Vierge, accompagnés des statuettes des donateursagenouillés ; enfin, à Hattenville, une des plus curieuses croix decarrefour du diocèse, qui rappelle un peu les calvaires bretons. Deloin, auprès du chemin de Bennetot, elle semble une sorte de grandeclef en pierre, usée par le temps, ainsi qu’on en peut juger par denombreux dessins. Au centre du médaillon, figure le Christ mourant,accompagné de la Vierge et de saint Jean debout. Deux anges volant,soutenant le soleil et la lune, couronnent le groupe, qui se complèteau bas par les statuettes des deux donateurs. Sur la face postérieure,la Vierge se détache, accompagnée d’un pèlerin à large chapeau et d’unévêque mitré. En 1793, le calvaire d’Hattenville, situé au hameau de la Croix de Pierre, avait été sauvé par un fermier voisin, et futreplacé à l’endroit qu’il occupe aujourd’hui.

Dans l’arrondissement de Dieppe, les croix de carrefour son asseznombreuses : la Croix à la Dame, à Hautot-sur-mer, au bord de laroute du Havre à Lille, croix de grès du XVIe siècle, restaurée en 1652et en 1855 ; la Croix de l’ancien cimetière de Pourville, dessinéedans les Voyages pittoresques de Taylor et de Nodier, avec son fût engrès, orné de fleurs et de coquilles, qui porte la date du 20 mars1540, et qui fut replacée au bord de la route en 1860 ; la Croix engrès d’Ouville-la-Rivière, datée de 1560 ; la Croix de la Crique, datéede 1550 ; la Croix grecque du XIIe siècle, au carrefourd’Auberville-sur-Yère et Saint-Martin-le-Gaillard ; une semblable àSaint-Ouen-sous-Bailly ; la base en grès de la Croix de Bouteillestransportée à l’entrée d’Arques.

Dans l’arrondissement du Havre, nous rappellerons une croix decarrefour du XVIe siècle, ornée de statuettes aux Loges, et une autre,joliment sculptée, sur la route de Beaucamp à Oudalle. Auprès deNeufchâtel, à Bures, une base en grès d’une croix de carrefour de 1557.Dans l’arrondissement de Rouen, il exista aussi quelques croix decarrefour. A tout prendre, la fontaine de la Croix-de-Pierre, à Rouenmême, n’était qu’une croix de carrefour édifiée par les d’Amboise. Demême, la Croix d’Yonville, à l’entrée de la route conduisant à Déville,et la Croix-Lalouette, qui formait la limite entre la ville de Rouen etDarnétal.

Plus nombreuses encore sont les croix de cimetière, qui appartiennent àdifférents types, soit qu’elles portent la statuette du Christ crucifiéou de la Vierge, qu’elles soient ornées des statuettes des donateurs oud’armoiries, que le fût en soit décoré de sculptures comme lesinstruments de la Passion, ou forme une colonnette corinthienne, ainsiqu’il en existe beaucoup au XVIIe siècle. Au moyen-âge, on éleva nombrede croix de bois, mais la plupart sont disparues. Seules ont résistéles croix en pierre, ou les croix en grès, et celles-ci sont fortnombreuses, car on en compte bien près de deux cents dans notredépartement. S’il fallait faire un choix parmi ces vestiges si curieuxde la foi de nos pères, il faudrait mettre en première ligne,l’admirable croix de Graville-Sainte-Honorine, du XIIIe siècle, qui aété dessinée et gravée un peu partout et qui a servi de modèle pour lacroix qui figure dans Robert-le-Diable. Brunie par le temps et lesvents d’Ouest, elle abrite sous ses bras moussus la tombe d’un pauvreenfant de la famille Lefebvre, dont la mort inspira de belles strophesà Victor Hugo :

    Nature d’où tout sort, nature où tout retombe,
    Feuilles, nids, doux rameaux que l’air n’oseeffleurer,
    Ne faites pas de bruit autour de cette tombe ;
    Laissez l’enfant dormir et la mère pleurer.

Ce premier rang, la croix du cimetière de Sasseville, qui date de 1545,pourrait le disputer à la croix de Graville. C’est, a-t-on écrit, « laplus belle croix du diocèse ». Et le fait est que son fût en grès, ornédes instruments de la Passion, ses trois croix, celle du Christ et desdeux larrons, ses statuettes curieuses, dont l’une tient un cœur,l’autre une châsse, la troisième un disque, et que l’abbé Cochet, unpeu témérairement, croit représenter la Foi, l’Espérance et la Charité,ont une très grande allure, malgré leur état de délabrement.

Rien de plus curieux non plus que la croix du cimetière de Toussaint,sur une base à niches, qui dénote la Renaissance, et dont les branchessupportent les statuettes de saint Jean et de la Vierge, en unedisposition ornementale très riche rappelant les calvaires bretons.Pour être moins décorée, la croix de Limpiville, avec son Christentouré d’un large nimbe et ses statuettes de donataires, n’en est pasmoins une œuvre charmante du XVIe siècle. Mais que d’autres monumentsde ce genre n’aurions-nous pas encore à rechercher dans nos cimetièresnormands ! Dans l’arrondissement d’Yvetot : la croix du XIIIe siècle duMesnil-sous-Lillebonne ; la croix de 1522, avec sa Mater dolorosa etses statuettes de saint Hubert, de saint Jean, et son inscriptionrappelant qu’un prêtre, Regnault Burel, la fit réparer, àEcretteville-sur-Mer ; la croix d’Héricourt, avec deux statuettes duXVIe siècle ; la croix de Fultot, avec une inscription relatant ledonateur Adrien Simon ; la croix en grès de Fontaine-le-Dun, datée de1547 ; la croix de Brametot, datée de 1550 et portant des armoiries ;la base Renaissance de la croix de Boudeville…

Aux environs de Neufchâtel, les croix de cimetière ne manquent pointd’intérêt. A Cuy-Saint-Fiacre existe, par exemple, une croix portantdes statuettes du Christ et de la Vierge, de saint Jean et de saintMartin, ainsi que l’histoire d’Adam et Eve. A Saint-Valery-sous-Bures,le fût de la croix est également orné de sculptures curieuses : fleursde lis, coquilles, dauphins. Sa base octogonale avec ses sirènes, sesdauphins et le nom du donateur, Jacques Fournel, est non moinsintéressante. Très curieuse aussi la croix de Boschyons, avec ses deuxpersonnages en haut-relief et ses deux écussons armoriés : c’est untravail plus moderne puisqu’il date de 1749.

Plus ancienne est la croix de Beaubec-la-Rosière, placée devantl’église, dont la base et le fût sont du XIIIe siècle et proviennentprobablement de l’ancienne abbaye de l’Ordre de Cîteaux. La croix deFontenay, quoique datant du XVIIe siècle, mérite aussi d’attirerl’attention, avec ses croisillons et son fût corinthiens, et ressembleà la croix de Nesle-Hodeng, ornée en plus d’écussons héraldiques trèseffacés, et à celle d’Ernemont-la-Villette, donnée par Jean Mignot,chanoine de Gournay, en 1764.

Auprès de Dieppe, voici encore : la croix de Saint-Aubin-sur-Scie, avecun pied en grès, de 1657, provenant de l’ancienne chapelleNotre-Dame-des-Vertus, fondée par David Valles ; la croix deSaint-Martin-Eglise, datée de 1535 ; la croix d’Imbleville, en grès,datée de 1510 et portant les armoiries des Dampierre, seigneurs deBiville-la-Baignarde.

Il n’est pas besoin de se rendre très loin aux environs de Rouen, poury retrouver les vestiges très curieux de croix de cimetière. Celle deSaint-Austreberthe, qui a souvent été dessinée, devait être une desplus somptueuses de la région, si on en juge par sa base polygonale duXVe siècle, ornée de bas-reliefs représentant toute la Passion duChrist, Jésus au Jardin des Oliviers, le baiser de Judas, laFlagellation, etc., et Jésus triomphant accompagné par les statuettesdes quatre Evangélistes. Le cippe est fleurdelisée et devait supporterune croix très décorative, aujourd’hui disparue. Très curieuse aussi lacroix en grès de Butot, dont le fût est décoré de mascarons, decoquilles, de fleurs de lis, de monogrammes entremêlés avec lesinstruments de la Passion et cette inscription : « Cette + a été fetedu tresor de céans. 1560. » ; la croix de Mont de l’If, donnée parJean Galley et sa femme en 1553, et décorée d’os de morts en sautoir ;la croix de Bouville, qui date du XVIe siècle et dont le pied estsculpté sur toutes ses faces ; les croix de Saint-André-sur-Cailly, deQuincampoix, ornées d’instruments de la Passion ; de Quevillon, avec unfût corinthien et des écussons effacés ; de Saint-Jacques-sur-Darnétal,œuvre du XVIe siècle, qui a été reproduite dans un des volumes des Congrès archéologiques de France ; d’Epinay-sur-Duclair, dont il nereste que la base qui est de cinq mètres de haut, et est décorée degrandes niches, vides aujourd’hui ; de Pissy-Pôville, où se trouveégalement un pied de croix intéressant au hameau de la Croix rompue;de Goupillères, où un fût de croix de la Renaissance, dans l’anciencimetière, s’orne des instruments de la Passion et d’une longueinscription.

Parmi les monuments les plus originaux dans ce genre qu’on peut citer,dans le voisinage de Rouen, on ne peut oublier La Fontaine nourrice,à Fontaine-le-Bourg, le long des murs de l’ancien cimetière, qui, dansune niche aux moulurations du XVIe siècle, porte un groupe de Materdolorosa, d’un beau sentiment, souvent reproduite. Un type de calvaireassez rare dans notre région, est la croix du cimetière deSaint-Jean-du-Cardonnay. Sa base, à huit pans, porte des sculptures dela Renaissance et sa partie supérieure se divise en trois consoles quiservaient à placer des pupitres. C’est ce qu’on appelle une « Croixhosannière », d’après le terme du moyen-âge, cité par Ducange, unecroix dont le pupitre ou le petit autel servait pour la station de laprocession des Rameaux, quand on chante le hosannah ! Rares dans laHaute-Normandie, les croix hosannières sont nombreuses aux environs deVire…

Il serait inutile de poursuivre cette nomenclature descriptive descroix et calvaires normands. On a pu voir, en effet, par ces quelquesnotes, quel intérêt artistique et historique s’attachaient à cessouvenirs du passé qui, ainsi que le disait jadis à la Chambre M.Briand, « constituant un embellissement du pays, ont aux yeux deshabitants une valeur de sentiment ou marquent le caractère pittoresqued’une région ».

Georges DUBOSC.