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CAUCHOIS, André (18..-19..) : Enseignement et familles nombreuses.- Rouen : Impr. spéciale de laFamille Nombreuse de Normandie, [1926].- 26 p. ; 21 cm. Saisie du texte : O. Bogros pour la collection électroniquede la Médiathèque André Malraux de Lisieux (22.I.2015) [Ce texte n'ayantpas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement desfautes non corrigées]. Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros]obogros@lintercom.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusionlibre et gratuite (freeware) Orthographe etgraphie conservées. Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx: n.c). Articles extraits de LaFamille Nombreuse de Normandie, organe de la Fédération desLigues de F. N. de Normandie [administration : 6, rue de Crosne, à Rouen]. LIGUE DES FAMILLES NOMBREUSES DE ROUEN __________________ Enseignement et familles nombreuses par Dr André Cauchois Président de la Fédération des Ligues des Famillles Nombreuses de Normandie _____ LES FAMILLES NOMBREUSES ET LES FRAIS D'ÉTUDES (Septembre 1924) Voici venir, avec les premières feuilles jaunissantes, une lourdeéchéance pour les familles : la rentrée des classes. Faire l'appel dessarreaux et des galoches, reconstituer le trousseau de chacun, c'estpeu : on y est habitué. Faire face aux fournitures scolaires, c'estdéjà davantage. Renouveler, et cela pour tous les enfants, nonseulement le matériel de classe, mais la collection complète des livresnécessaires, emprunter tel manuel, marchander tel gros dictionnaire,tout cela est encore un aspect de la vie chère, plus chère que jamais,chère surtout pour les Familles Nombreuses. Mais ce n'est rien encore. En une après-midi, l'enfant unique seraéquipé de neuf. Quant à nous, avec un peu plus de temps et enmultipliant la dépense par cinq ou par huit, nous en viendrons à bout.Mais il y a pour nous des soucis plus graves encore. A côté de ceux quirentrent, il y a ceux qui ne rentreront pas. Dans combien de familles ya-t-il chaque année un enfant sacrifié, sevré du lait des classiquespour être mis au régime plus rude des travaux manuels ?. Heureuxencore l'enfant qui bénéficie alors d'un contrat d'apprentissage ! C'est que souvent, à la maison, on attend après le travail du petit quiva gagner tout de suite ou aider les parents. En ce sens, même l'écolegratuite, c'est coûteux déjà. Et plus on monte dans l'instruction, plus cela devientinaccessible. A tous les degrés, et dans des milieux divers, on voitdes pères de famille dans l'impossibilité de faire face à la fois àtous les frais d'études réclamés par tous leurs enfants. Il y a unepériode, en effet, où tous coûtent très cher en même temps ; et c'estalors qu'on abrège ces années précieuses et irretrouvables de lapréparation à la vie. Ou si l'on n'en vient pas de suite à cetteextrémité, on renonce à telle Ecole ou à telle carrière qu'on pouvaitambitionner. Faire poursuivre des études supérieures à des enfants deF. N., cela devient presque un luxe. Et l'on se prend à réfléchir à cesgens prudents qui, sciemment, ont évité d'avance la difficulté et ontreculé devant la perspective des frais progressifs et multipliés del'éducation complète de nombreux enfants... Il y a là une injustice et un danger. Sans doute il convient de ne pasnous exagérer la nécessité de l'enseignement supérieur, ni surtout lesaptitudes spéciales de nos enfants. Tant de fruits secs traînent surles bancs des Ecoles, qui peut-être eussent été brillants dans quelquebon métier bien simple ! Mais précisément, s'il doit se faire unesélection, qu'au moins ce ne soit pas par une question d'argent ! C'estune faute sociale grave de ne pas discerner et mettre à leur vraieplace, en temps utile, les valeurs qui, dès l'enfance, peuvent êtrereconnues. Mais on s'accommode très bien aujourd'hui de cettesélection à rebours qui consiste à dire : « Tout le monde ne peut pasarriver à Corinthe. Il faut bien qu'il y ait des pauvres. Eh bien !les fils des F.N. seront ces pauvres, qui fourniront aux métiersmanuels, et leurs filles assureront, parmi les incapables et lesmalheureux, la main-d’œuvre bon marché dont on a tant besoin ». Etvoilà ! A toutes les incapacités naturelles ou acquises qu'on atoujours rencontrées dans la Société, s'ajoute aujourd'hui uneincapacité nouvelle, qui consiste à être issu d'une famille qui a voulu être nombreuse.C'est ainsi depuis que s'est constituée, de par l'augmentation desfamilles restreintes, la classe déshéritée des F. N. Dès l'enfance etdès le berceau, cela se fait sentir. Mais au moment du choix del'enseignement et de la carrière, c'est le premier grand aiguillageoù beaucoup prennent la voie descendante pendant que d'autress'élèvent. En dépit des aptitudes, l'instruction va devenir de plus enplus le privilège de la fortune et du malthusianisme. Dans l'intérêt de la natalité comme pour la justice, il faut que celacesse. Ne dit-on pas que les F. N. doivent être encouragées etfavorisées ? Qu'au moins elles ne soient pas tellement concurrencées !Il y a là, on en conviendra, un problème nouveau posé par ladépopulation, à peine mis en lumière jusqu'ici, ou qui n'a reçu que dessolutions partielles. On nous dira qu'il y a des bourses, destinées justement à cela, et queles F. N. y sont admises aujourd'hui plus facilement. Sans doute, etil faut que cela soit, de plus en plus, pour les plus pauvres, pour lesveuves chargées d'enfants. Mais cela ne saurait suffire. Qui ditbourse, dit faveur spéciale pour cas exceptionnels, avec garanties detravail, donc attribution au choix. Ce que nous voudrions en outre,c'est un droit égal pour toute F. N. et comme telle. Nous avons ditl'utilité de la sélection. Nous irons plus loin. Nous voudrions que lebénéfice de l'instruction ne fût pas réservé aux seuls sujetsbrillants, mais qu'il nous fût loisible, à nous aussi, de fairecontinuer des études à des enfants qui ne donneraient aujourd'huipeut-être que peu d'espérances, mais qui, nous le croyons, pourraientdemain se révéler, après quelques années en apparence peu fructueuses. Il y a donc lieu de chercher un système de répartition, permettant untarif dégressif des études, de même qu'on a trouvé juste d'établir unsursalaire progressif, des réductions sur les transports et aussi chezles com-merçants. C'est une des premières péréquations des charges familiales à réaliser. Et l'on se demande comment il se faitque rien n'ait encore été essayé dans ce sens. Nous avons inscrit cettequestion à notre programme de l'année. Et nous sommes heureux desavoir qu'elle sera portée à Strasbourg à l'assemblée générale de laFédération Nationale des Associations de Familles nombreuses par notredistingué collègue de Clernont-Ferrand, M. Icole, qui traiteracertainement avec compétence des dégrèvements à obtenir dans les Lycées. * * * Le principe paraît si indiscutable que volontiers nous dirions qu'ilsuffisait d'y penser. Mais il faudrait se garder de limiter la questionaux Lycées : ce serait n'en voir qu'un petit côté. Il faudrait voiraussi celui, plus complexe, de l'Enseignement libre. Améliorer lasituation dans les écoles de l'Etat serait favoriser celles-ci audétriment de la liberté d'enseignement. Ce serait un privilège de pluspour les Maisons de l'Etat et une liberté de moins pour les F. N.L'Etat doit respecter l'opinion des F. N. comme il le fait pour lesPupilles de la Nation. Le choix de l'éducation appartient aux parents.A eux la responsabilité d'élever leurs enfants selon leur conscience,dans l'athéisme ou le christianisme, et de leur donner une formationcommuniste ou républicaine. C'est leur droit absolu. C'est pourquoi la méthode idéale, comme pour toutes les péréquationsque nous réclamons, serait d'attribuer globalement aux F. N. uneallocation nationale annuelle qui corresponde à la fois à toutes lescharges excessives. Malheureusement notre allocation actuelle de 90francs ne répond à rien du tout. Et, de même qu'en d'autres questions,il vaut mieux s'adresser d'abord à l'initiative privée. Il faudrait obtenir dans toutes les maisons d'éducation, non pas uneréduction infime et uniforme, comme il en peut exister en raison du nombre d'enfants inscrits ensemble,mais une réduction importante, un véritable dégrèvement, proportionnel au nombre d'enfants par famille, même s'ilssont éparpillés dans plusieurs collèges ou s'ils ne font pas d'études.En un mot, il faudrait s'inspirer de ce qui se fait pour les cheminsde fer, où la réduction est pour chacun de 30 à 70 % selon que lafamille compte de 3 à 7 enfants. Si l'on voulait vraiment favoriser lesF. N., il faudrait réaliser la péréquation idéale des chargesscolaires, de telle manière que chaque famille paie la même somme quiserait répartie sur le nombre d'enfants. C'est sans doute beaucoupdemander d'emblée. Et l'on peut se contenter du barème des chemins defer. Quoi qu'il en soit du quantum, une objection se pose. Qui donc paierala différence ? Evidemment les familles restreintes. Mais comment ?Sans doute par l'entremise de l'Etat et au moyen d'un Office Nationalde la Natalité. Mais, en attendant, comptons sur nous-mêmes. Or, demême que pour les allocations professionnelles, il y a une répartitiontrop inégale des F.N. parmi les différents collèges. Et, d'autre part,il faut éviter que celles-ci ne deviennent des clients onéreux, etpartant indésirables. Dès lors, pourquoi ne pas instituer, comme pourle sursalaire, un système de compensation entre toutes les écoles ?Vraisemblablement, il n'y a guère de parents de fils uniques qui netrouveraient équitable de verser un supplément au prix de pension pourla caisse de compensation interscolaire. A celle-ci, chaque écoleverserait une cotisation proportionnelle au nombre de ses élèves pouren recevoir, par enfant de F. N., une prime calculée selon le nombred'enfants par famille. Bien entendu, primes et cotisations seraientproportionnées au prix de pension. C'est sans doute caresser un rêve chimérique de penser que toutes lesécoles sans distinction d'une ville, d'un département consentiraient àadhérer à cette caisse en commun, et que celle-ci pourrait recevoir dessub-ventions. Au moins ne peut-on nier que .ce serait là un bel effortde fraternité sociale. ________________ On pourra consulter utilement les travaux suivants : 1° Assemblée générale de la Fédération Nationale des F. N. à Strasbourg(1924) Rapport de M. Icole, de Clermont-Ferrand. 2° Congrès de la Natalité de Clermont-Ferrand (1925). Voeu présenté aunom de la Fédération des F. N. de la Seine-Inférieure et de la C. D. N. de la Seine-Inférieureet.adopté par la Commission de l'En-seignement et le Congrès (Voir « LaFamille Nombreuse » de novembre 1925). (Un voeu analogue a été présenté aussi et adopté à l'Assemblée généralede la Fédération Nationale des F. N., ainsi qu'un autre à la Commission catholique tendant à instituerdes réductions aux F. N. sur les frais du culte et dans l'enseignementlibre). 3° Congrès régional de Bernay (octobre 1925). Rapport de M. Videcoq,de Forges-les-Eaux : « Le projet d'école unique nous donneraitpeut-être quelque satisfaction. Mais l'idée première des Compagnons del'Université a ététellement déformée par les passions politiques de ceux qui se sontfaits ses défenseurs, qu'il faut faireles plus grandes réserves... » (Voir les voeux adoptés). Rapport de M.Bertier, de l'Ecole des Roches. 4° Déclaration des Droits de la Famille (Lille 1920 et Rouen 1923) : «La famille a droit d'éducation. Elle doit former le corps,l'intelligence, l'âme de l'enfant. Elle a donc le droit de mettre enoeuvre tous les moyens légitimes qui concourent àcette triple fin et spécialement d'entretenir avec l'école desrelations suivies de collaboration et de contrôle ». ________________ LA RÉFORME DE L'ENSEIGNEMENT (Janvier 1926). Le terme d' « Ecole Unique », si l'on s'en tient aux interprétationsqui furent les plus officielles, signifie pour nous à la fois, et lesprincipes les plus indiscutables d'accession plus facile aux bienfaitsde l'enseignement, et des tendances absolument inacceptables, dans lamesure où elles porteraient atteinte aux droits de la famille. Et si nous sommes vraiment dans un pays de démocratie et de liberté,nous avons le devoir d'élever la voix, en même temps pour applaudir àcertains progrès nécessaires et pour repousser la plus intolérable destyrannies. Jamais on n'a plus parlé d'un certain droit pour tous aux bienfaits del'enseignement. Et jamais cependant nous n'avons été plus éloignés d'unesolution satisfaisante. Car on n'aperçoit guère, ni dans l'étatactuel, ni dans les projets ou contre-projets mis en avant, le moyenpour les F. N. de soutenir leurs droits dans la concurrence qui leurest imposée, là comme partout ailleurs. La raison en est bien simple, toujours la même et d'ordre général :c'est une grave lacune de notre constitution. Depuis que s'est révélée,du fait de la restriction natalitaire, une classe sociale nouvelle,chaque jour plus déshéritée (et plus injustement que ne le fut jamaisle Tiers), celle de ce Quatrième-Etat fait des vrais prolétaires quesont les F. N., jamais on n'a encore trouvé bon de considérer sesdroits et de représenter politiquement ses intérêts. Conséquence: dans la question de l'enseignement, comme dans toutes les grandesquestions nationales, d'ordre fiscal, militaire ou autre, on ometsystématiquement de tenir compte des F. N. dont les enfants formentpourtant les deux tiers des élèves, c'est-à-dire la génération future. Pour l'enseignement, l'abus est criant, car il s'agit de nos enfants etde ce qui en eux nous est le plus cher : leur avenir. A grand bruit, ona agité les programmes de politiciens qui n'ont généralement pasd'enfants et croient pouvoir disposer des nôtres selon leur fantaisie.Que tardons-nous à faire connaître, à côté des points de vuepolitiques, voir même des compétences pédagogiques ou confessionnelles,l'opinion des chefs de famille, les principaux intéressés ? Déjà, dans nos Congrès, à Strasbourg et Clermont, à Lisieux et Bernay,nous avons abordé de loin ces questions délicates. Il importe enfin quenous prenions position sur un terrain d'entente, à l'exclusionnaturellement de toute préoccupation autre que purement familiale et entoute impartialité. C'est à quoi voudrait viser cette étude, sans prétendre apporter autre chose encore qu'un sentiment tout personnel. * * * I Si l'on admet généralement qu'il est du devoir de tout gouvernement dedégager les élites de la masse, dire que la sélection par l'argent oula naissance n'est pas la plus heureuse ni la plus juste, enparticulier pour les enfants de F. N., et qu'une meilleure répartitionde l'enseignement pourrait être recherchée, cela ne devrait pasparaître révolutionnaire. Et quand nous entendons proclamer qu'il est souhaitable de ménager pourtous indistinctement, à aptitudes égales, des possibilités égales ded'élever par l'instruction, nous ne pouvons qu'applaudir, nous quil'avons maintes fois réclamé comme un droit essentiel. Cela semble mêmeénoncer une vérité d'évidence. Autant dire qu'il faut que le soleilluise pour tout le monde. Et il est étrange qu'il y ait encore des genspour s'élever contre d'aussi élémentaires revendications, qu'on nedevrait pas avoir à rappeler. Certaines personnes peut-être se sentent portées à accepter lasituation actuelle parce qu'elles n'ont pas senti ce qu'elle ad'accablant pour quelques-uns, tels que les familles nombreuses. On répète volontiers qu'un garçon de mérite, même pauvre, arrivetoujours à. percer. Peut-être ! Mais nous voudrions qu'il ne lui fûtpas nécessaire pour cela d'être une sorte de génie. Or, que se passe-t-il ? Loin de donner aux F. N. un privilège positif,qui eût été si souhaitable comme effet moral, en vue de favoriser notrenatalité, au contraire, tout se passe comme si on avait voulu montrerque les enfants de F. N. doivent dès l'école descendre les degrés del'échelle sociale, aisément refoulés par les autres, à qui seraréservée une ascension facile et presque automatique. Si l'on veut constater la carence de l'enseignement actuel, il suffitd'établir la proportion des enfants de F. N. dans toutes les classesd'une école : on s'aperçoit que leur nombre diminue à mesure qu'ons'élève vers les hautes classes. Bien plus, on sait quel est le défautd'assiduité scolaire dans certains milieux et quel nombre d'illettréson y compte encore, surtout chez les F. N. C'est qu'elles n'ont pas lamême faculté que d'autres de suivre même les basses classes. Et celatoujours pour cette même raison qu'il y a du travail à la maison etqu'il faut « gagner » de bonne heure. On pourrait donc, avant de se préoccuper de faire des bataillons delicenciés, commencer par donner aux enfants des F. N. des facilitéspour accéder comme les autres au moins à l'enseignement élémentaire. Etplutôt que de proposer la gratuité de tout enseignement, dontprofiteraient surtout les fils uniques, même riches, il serait destricte justice de commencer par donner aux pères de F. N. ce qui leurmanque du fait de leurs charges pour « élever » leurs enfants selon lesgoûts et les aptitudes qu'ils présentent. Sans doute on peut « arriver » dans la vie sans être d'une cultureraffinée. Et cela se voit souvent dans les F. N. chez les sujets quiont reçu une éducation sérieuse. Bien entendu, les F. N. doivent serappeler qu'il ne faut pas se laisser illusionner par le miragetrompeur des carrières intellectuelles, que, si un jeune homme estintelligent et laborieux, ce n'est pas une raison pour en faire unprofesseur ou un ingénieur et qu'il est au moins aussi honorable etprofitable d'être un bon artisan sachant son métier. La Franceaujourd'hui a moins besoin d'instituteurs que de laboureurs. Mais, sans rien exagérer de la nécessité de l'instruction, il estchoquant de voir qu'un fils de F. N. est obligé de cesser des étudesqui l'intéressent et où il réussit, non pour se diriger vers unecarrière qui le séduit davantage, mais seulement à cause du painquotidien. Il est fâcheux, dans l'intérêt de la Société, de voir que l'orientationprofessionnelle est déterminée, chez nous, non pas en raison de tellesupériorité ou manuelle ou intellectuelle, mais à peu près uniquementen fonction des moyens pécuniaires de chacun, c'est-à-dire à l'avantagedes familles restreintes et au détriment des F. N. Nous pouvons donc dire de l'état actuel qu'il y a quelque chose àchanger et que d'autre part, donnerait-on à tous la gratuité desétudes, cela ne suffirait pas aux familles nombreuses, à qui ilfaudrait ajouter une allocation familiale supplémentaire selon lenombre d'enfants à nourrir. Cela vaudrait certes mieux que depénaliser, comme on l'a proposé récemment, le manque d'assiduitéscolaire. Nous verrons dans un prochain article à quel point sont inacceptablescertaines dispositions des projets officiels de l'Ecole Unique en cequ'elles portent atteinte à la liberté absolue du père de famille defaire instruire ses enfants comme bon lui semble. II (Février 1926). Il est utile et légitime, nous l'avons vu précédemment, de chercher uneréforme qui facilite les études aux moins favorisée de la fortune, doncaux F. N. Il est compréhensible aussi qu'on ait songé à limiter lesavantages du système à ceux qu'on croit le plus capables d'en profiter.On propose pour cela deux moyens : réaliser un programme unique et uneméthode de triage des élèves. Sur le premier point, nous n'avons pas d'objection de principe. C'estaux spécialistes de dire si l'on peut trouver un programme, où le mêmealphabet et la même grammaire pourraient servir aux débuts de tous,sans nuire ni à ceux qui doivent terminer rapidement, ni à ceux qui sedestinent à poursuivre leurs études. Si l'on peut, en effet, rapprocherles deux tendances, ou trop utilitaires ou trop abstraites, des deuxcycles actuels, s'il est possible de supprimer ou retarder la division,qui à présent se fait dès le berceau, selon la situation de famille,entre primaires et secondaires, nous n'y voyons certes pasd'inconvénient. Ajoutons même que pour nous, F. N., si une telleréforme était possible, nous nous réjouirions de voir tous les enfantsmis sur une route commune, sauf à avancer plus ou moins vite et àbifurquer plus tard : ils auraient ainsi l'avantage de fraterniser unpeu plus et de connaître un peu moins, les conceptions de castes et declasses sociales, qui sont du reste fort atténuées entre F. N. L'Eglise a depuis longtemps réalisé cette fraternité de tous dans sesséminaires, où riches et pauvres, citadins et ruraux, indistinctementmêlés, ont le même catéchisme, le même latin et la même théologie.Notons toutefois que pour uniformiser un enseignement, c'est moins lesélèves, les programmes et les manuels que l'esprit du personnelenseignant qu'il faudrait unifier... Mais il y a un autre point sur lequel nous devons au contraire éleverune protestation irréductible, c'est la prétention qui a été émise detrier, par le jeu d'un examen éliminatoire, les élèves appelés à bénéficier de l'enseignement et ceux qui en seraient rejetés. Que, faute d'un meilleur moyen de sélection, un examen serve à désignertant bien que mal les élèves qui méritent d'être encouragés par desfaveurs pécuniaires, soit. Mais il est inadmissible qu'on en fasse unmotif pour mettre à la porte ceux qui, à leurs frais, voudraientpersévérer. Ce serait d'abord une folie de la part d'un Etat économe,que de se priver des ressources de ceux qui estiment pouvoir s'offrirun luxe et y mettre le prix. Mais surtout de quel droit pourrait-on interdire à certains pères, mêmede condition modeste, de s'obstiner à faire des sacrifices pourl'instruction de leurs enfants ? Sous prétexte d'une plus largediffusion de l'instruction, ce serait aboutir à une restrictionodieuse. Ce serait retourner à une confiscation de la liberté, plusrigoureuse que l'antique roche tarpéienne, et qui condamnerait certainsenfants à une vie de déclassés. L'Etat a la possibilité de s'arroger le monopole du latin, comme desallumettes. Mais il ne peut tout de même pas nous empêcher d'en usercomme bon nous semble. C'est aux parents, après s'être entourés desconseils compétents, d'en décider sous leur entière responsabilité. Si tel père veut, en dépit des aptitudes intellectuelles de son fils,interrompre ses études pour l'initier de bonne heure à son propremétier, c'est pour lui une grave décision ; mais c'est son droit.Inversement, si tel autre père a voulu faire l'unique but de savie d'économiser pour donner à ses enfants ce qu'il estime être le bienle plus précieux de l'existence, une instruction choisie, c'est encoreun droit absolu pour lui de continuer jusqu'au bout et coûte que coûtele traitement pédagogique qui lui paraît le plus propre à leur assurer,fussent-ils des cancres, le meilleur développement de leurs facultés.Au surplus, qui connaît le mieux l'enfant, si ce n'est le père et lamère ? Aussi faut-il ajouter que ce choix fait par l'Etat est non seulementune rigueur injuste, mais une prétention irréalisable. Une difficultése présente, en effet. Comment juger ? C'est une impossibilité, pourqui que ce soit, de prévoir de bonne heure ce que seront finalement lesaptitudes d'un enfant. La toise pour mesurer exactement l'intelligence n'est pas encore tout àfait trouvée... ; à plus forte raison pour pronostiquer son évolutionfuture. Combien s'y sont trompés et lourdement ! Combien d'artistes etde génies ont été des élèves peu disciplinés. Et combien d'élèvesstudieux n'ont fait que de mauvais ronds-de-cuir ! Si l'on s'amusait à faire le compte des soi-disant cancres devenusensuite des hommes de valeur et par ailleurs des premiers de classe quiont fait plus tard des fruits secs, on arriverait peut-être à desconclusions paradoxales, propres à ébranler les préjugés si françaisdes forts en thème et des têtes à concours. Hormis dans notre pays, le concours n'a jamais donné qu'une présomptionde valeur réelle. Il est incapable de mesurer autre chose qu'une valeurtoute relative et momentanée, une qualité de présentation, une forcecombative. S'il est indispensable pour les grandes Ecoles et les postesélevés où l'on ne peut admettre qu'un petit nombre d'élus, il ne peutconstituer une appréciation définitive, ni justifier une barrière troprigoureuse ou trop précoce. Les garanties d'avenir et les qualitésfoncières, ce qui fait les hommes, tout cela réside bien plutôt dansles qualités de caractère, de jugement, qui ne sont pas toujoursacquises dès le jeune âge ni départies aux plus savants. Admettons d'ailleurs qu'on veuille se prononcer quand même ; qui doncva juger ? Le surveillant ou le professeur de gymnastique ? Et queva-t-on juger ? Le travail, la conduite ou la santé ? Quel est ce tribunal de surhommes, assez intègres, cela va de soi, etassez perspicaces surtout, qui va prendre tous nos enfants, à un âgedonné, et émettre la prétention de les classer et étiqueterdéfinitivement comme dignes de faire ou non des études et de devenirdes intellectuels ou des manoeuvres ? Conscription ou maquignonnage, un tel choix risque d'avoir moins devaleur que celui du médecin militaire qui, avec des mensurations, faitdes aptes ou inaptes et pas beaucoup plus que celui que nous faisonsentre les petits chats pour noyer les uns et garder les autres. Ceci n'est pas tout à fait une plaisanterie. Souvent c'est au médecinqu'il appartiendrait plutôt de juger. Car le rendement du travailscolaire est intimement lié à l'état physio-pathologique. Sans insistersur les causes bien connues de paresse passagère liée au lymphatisme ouà l'anémie, d'inattention causée par les végétations ou là myopie, toutéducateur sait bien que normalement les crises de croissance et depuberté ne se produisent pas chez tous ni au même âge ni avec la mêmesimplicité. De même que tous les petits enfants ne parlent pas et ne font pas leurdentition au même âge, ainsi, dans l'ensemble de la formation, certainssujets mettent beaucoup plus longtemps que d'autres à sortir de cetétat larvaire qu'est l'enfance ou de chrysalide qu'est l'adolescence.Et, comme pour tout le reste du corps, qui peut atteindre très tard undéveloppement complet, ainsi les fonctions cérébrales peuvent avoir uneévolution simplement retardée, qui n'en sera pas moins excellente etmême brillante un jour. Nous savons tous, par exemple, que certains enfants ont longtemps unbesoin incoercible de locomotion et de jeu qui retarde leur goût dutravail intellectuel dont l'aptitude apparaîtra plus tard dans toute savigueur. Notons qu'à ce point de vue, chez les F. N., les enfants jouent plus etsont généralement plus jeunes que les autres. De même on y vieillitplus vite les aînés, à qui on demande davantage dans la maison qu'auxderniers, souvent plus gâtés. La précocité d'un enfant dépend doncsouvent de la constitution familiale. Et l'on peut dire que juger unhomme à l'âge ingrat de l'enfant est une tâche non seulement ingrateelle-même, mais absurde. Autre inégalité : certains enfants vivent dans des conditionsfamiliales qui leur permettent d'être poussés d'une manière intense etun peu artificielle : méthode qui donne des résultats brillants maisquelquefois peu durables. Cela arrive souvent dans les famillesrestreintes, tandis que les enfants des F. N. sont généralement pluslivrés à eux-mêmes, comme dans le régime de l'internat. Nous nesaurions donc souscrire à un système d'école unique, pour ainsi direréservée uniquement à l'enfant unique,puisqu'il aboutirait en somme à favoriser surtout le petit prodigecultivé en serre et bourré de répétitions, en concurrence avec le filsde F. N. élevé plus durement et qui, évincé, serait au surplus et parcontre-coup contraint à payer les frais d'instruction de son vainqueur. Cette comparaison, un peu poussée sans doute, jointe à la difficultépécuniaire qu'ont souvent les F. N. à continuer les études, risqueraitde préparer pour le Pays une génération d'intellectuels où seperpétuerait l'état d'esprit souvent héréditaire des famillesrestreintes. Cherchant à éviter le privilège de la naissance et de lafortune, on l'aurait ainsi rétabli pire qu'auparavant : ce serait leprivilège de la restriction et de l'avarice. Partis pour remédier à desdifférences de situation parfois cruelles, nous arriverions nonseulement à souligner et sanctionner les inégalités naturelles, d'ordresocial, familial et individuel, mais à leur ajouter des inégalitésnouvelles plus graves, artificielles et arbitraires, par la constitution de deux castes, pourvues ou non de la manne étatiste del'enseignement. Pour comble, on peut prédire qu'une telle Ecole unique ne tarderait pasà faire place à l'Ecole multiple. Le jour même, en effet, où seraitpassé le premier examen éliminatoire, il faudra ouvrir, à côté del'Ecole des lettrés et des apprentis-savants, une autre Ecole, plus «normale », celle-là, pour les gens ordinaires, du moins momentanément,qui sans prétendre à être des puits de science, tiendraient à avoir,chacun dans leur sphère, toute l'instruction dont ils seraient capables. Nous terminerons la prochaine fois en disant pourquoi les F. N., ànotre avis, doivent défendre la thèse de la liberté dansl'enseignement. Et nous esquisserons, pour conclure, ce que pourraitêtre un programme positif conforme à notre point de vue. III (Mars 1926). Au seul point de vue des F. N., nous avons dit la nécessité d'uneréforme de l'enseignement, pour en faciliter l'accès aux familles lesplus chargées. Et nous avons vu l'insuffisance du système des bourses,même améliorées. Améliorées, elles mériteraient de l'être certes,puisque de récentes dispositions, en unifiantleur répartition dans lesens du sytème primaire, ont marqué pour les F. N. un recul. Mais,fussent-elles aménagées dans un meilleur esprit, ce n'est pas un régimede faveurs et d'exceptions, nécessairement limitées en nombre et enquotités, qui peut constituer pour nous une réforme assez importante.Très souvent, ces faveurs sont inutilisables parce que trop médiocrespour des F. N. Et surtout, seraient-elles largement complétées,beaucoup d'entre nous répugnent à les quémander. Il faut le répéter,nous ne voulons ni secours ni faveurs ; mais des droits. Nous voulonspasser aux guichets de l'Etat avec notre carte de F. N. et qu'on nousconsidère, non pas comme des obligés reconnaissants, mais comme descréanciers, très fiers de réclamer au moins un peu de ce qui leur estdû. Nous avons montré d'autre part l'injustice et l'absurdité du système de SÉLECTION,cruellement tyrannique, qui, par des épreuves éliminatoires, asséneraitle coup de grâce aux élèves qui, dès leur jeune âge, ne donneraient pastoute satisfaction devant la prétention pédantesque de leurs maîtres demesurer leur intelligence et de prophétiser leur avenir. Nous dénions àl'Etat la capacité de juger et de préjuger en maître absolu desaptitudes de nos enfants ; à plus forte raison le droit de refuser àleurs facultés, même jugées débiles, le régime fortifiant qui leurserait nécessaire. Le rôle des maîtres n'est point d'écrèmer impitoyablement les seulssujets intéressants ; mais de procurer à tous la formation etl'assouplissement, que nous sommes en droit de désirer, pour tirer dechacun de nos enfants le meilleur parti possible, à quelque carrièrequ'ils soient destinés. Car l'instruction, même secondaire, n'est pas nécessairement réservéeaux carrières intellectuelles ; dans tous les métiers il est permisd'être instruit. L'enfance est un temps de développement et non derendement. Et l'Ecole doit rester avant tout le gymnase de formationgénérale, tendant à faire de tous des gens de goût, aptes à seperfectionner ensuite, plutôt qu'une adaptation immédiate à laprofession, une spécialisation utilitaire et prématurée, bourrant lescrânes d'idées toutes faites, sans développer l'esprit critique. Sic'est là un luxe, il est des plus utiles et chacun, plus ou moins, peuten tirer bénéfice. Mais en tout cas, c'est aux parents, sur lesconseils des profeseurs, de décider s'ils doivent l'offrir à leurenfant. * * * Il nous faut maintenant préciser encore et dénoncer les dangers que,intentionnellement ou non, les projets officiels feraient courir auprincipe de la liberté des familles devant l'enseignement. L'absurde et implacable sélection est la conséquence inévitable de la gratuité pour tous, laquelle à son tour découle nécessairement de l'obligation inévitablement liée à la laïcité. Nous voilà donc en face du bloc inséparable d'un système d'étatisme rigoureux, négation de toute liberté. On abuse de la GRATUITÉ à laquelle nous a trop habituésl'école primaire. Et pourtant, nombre d'instituteurs eux-mêmesgémissent de donner l'enseignement gratuit à des gens bien plus richesqu'eux, pour qui est avili tout ce qui ne coûte rien. On se demande, eneffet, pourquoi le fils unique aisé et la F. N. pauvre jouissent dumême traitement. Alors que tout est cher, tout va devenir gratuit.Pourquoi pas le pain et le cinéma ? Gratuité apparente, puisque tout sepaie en définitive chez le percepteur. Pourquoi ne pas revenir au droitcommun, c'est-à-dire à la liberté ? Et pourquoi ne pas réserver lagratuité à ceux qui la méritent, par exemple, aux familles trèsnombreuses et aux enfants pauvres particulièrement remarquables ? On abuse aussi de l'OBLIGATION qui ne devrait êtreimposée qu'au minimum d'instruction strictement nécessaire et êtrealors plus efficace en vue de réduire le nombre scandaleux desillettrés en France. Or, voici que le Ministère d'hier nous a dotésd'un projet d'enseignement post-scolaire obligatoire.Pourquoi obligatoire ? Il est très utile d'offrir à la jeunesseouvrière un perfectionnement de culture esthétique ou professionnelle.Mais quelle nécessité voit-on à ce que nos jeunes gens soient obligésjusqu'à 18 ans à recevoir « l'éducation civique » de l'Etat ? Onpourrait aussi, pendant qu'on y est, décréter qu'à la veille desélections, tout citoyen devra recevoir l'enseignement obligatoire duparti politique régnant ! Réservons l'obligation aux illettrés. Quel'Etat leur dise : « Je ne contrains personne à être un savant malgrélui, ni à venir à mon Ecole ; mais celui qui, à 20 ans, ne saura nilire ni écrire, n'aura pas le droit de vote, fera un an de service deplus et de prestations supplémentaires. » Quant aux autres quivoudraient suivre les cours de perfectionnement, malgré les charges deleur famille, qu'on leur donne des indemnités de frais d'études. Voilàce qui pourrait s'appeler de l'encouragement à l'instruction et de lavraie liberté. Et ce serait plus efficace que l'obligation... d'allersigner un registre de présence, ou dormir aux cours du soir. * * * Enfin, dernière et principale caractéristique, l'Ecole projetée comporterait nécessairement une extension des principes de LAICITÉet l'on sait ce qu'il faut entendre aujourd'hui par ce mot que nousn'avons pas ici à définir ni apprécier. En fait, tout cela aboutirait,il faut le craindre, au monopole de l'enseignement. C'est là un danger sur lequel nous avons le devoir de nous prononcer. Parmi les libertés à maintenir, ou plutôt à conquérir, pour le père defamille, s'il y a un droit essentiel, c'est celui de choisir lesmaîtres destinés à le suppléer auprès de l'enfant et à assurer telleéducation, telle histoire, telle philosophie ou telle religion quicorrespondent à ce qu'il croit être la vérité. Si nous avons recueillide nos pères une tradition, si nous avons péniblement acquis au coursde notre existence une conviction, nous avons le droit de les léguer ànos successeurs qui, seuls, en disposeront selon leur conscience, commed'un héritage sacré, celui de notre pensée, intime et profonde. Cela,on ne doit pas y toucher : c'est par là que nous sommes doublement lespères de nos enfants, dont nous avons la mission naturelle de formernon seulement les corps, mais aussi les intelligences. On peut mettreun impôt successoral sur nos économies, mais nous ne devons passouffrir une mainmise sur l'âme de nos enfants, ni sur leur patrimoinemoral. L'enfant appartient à ses parents. Et c'est à eux qu'il convientd'en décider. Or, précisément, nous sommes en présence d'un esprit qui tend àsubstituer à l'autorité familiale celle de l'Etat. De plus en plus,l'Etat incline à s'attribuer le droit de nous imposer tel moded'élevage, tel traitement préventif, telle formation morale, telleorientation professionnelle de son choix. C'est une intrusion abusive.Son rôle, plus modeste, est de nous assurer un minimum de garanties,nécessaires pour l'intérêt général : minimum d'assiduité chez lesélèves, de capacité chez les maîtres, d'hygiène chez tous. A l'école,il doit faciliter aux parents, sans se substituer à eux, leur devoir decollaboration et de contrôle. L'Etat peut nous offrir tout cela et desconseils. Le reste nous regarde. Sachons donc revendiquer la liberté absolue d'élever nos enfants ànotre guise. Car la liberté de l'enseignement doit rester chez nous laplus précieuse et la plus noble des libertés. Quelle que soit l'opinion qu'on professe sur la nécessité de l'Ecolelibre, sur la légitimité et la possibilité de l'Ecole neutre,enseignement d'État, il y a à cet égard un fait indéniable, c'est queles Français se partagent en deux fractions importantes : l'uneacceptant l'enseignement neutre, l'autre préférant l'enseignementlibre. Dans certaines régions, souvent les plus prolifiques, comme enBretagne, la grande majorité des familles s'adressent à l'enseignementlibre, quoique beaucoup plus dispendieux. Si l'on interroge lesFamilles Nombreuses seulement, on les trouve en plus grand nombre àl'Ecole libre. C'est ainsi qu'en Seine-Inférieure, à ne considérer quel'Enseignement secondaire, où les effectifs sont équivalents de part etd'autre, quand dans les Ecoles libres il y a 60 % d'enfants qui sontissus de F. N. ; dans celles de l'Etat, il n'y en a que 30 %.Corollaire : quand dans les premières, il y a 13 % de fils uniques,dans les autres, il y en a 36 %. Ces proportions, qui sont analogues pour le reste de la France,donneraient sérieusement à réfléchir sur les milieux scolaires qu'auseul point de vue de la natalité il conviendrait le plus d'encourager.Retenons seulement ce fait que les membres de nos Ligues de F. N. vonten grand nombre à l'enseignement libre. Notre protection étant assuréeà tous également et indistinctement, il y a là tout au moins une raisonpour nous, comme cela devrait être aussi pour l'Etat, d'envisager lasituation scolaire dans son ensemble et de réclamer qu'on respecteégalement toutes les Ecoles de notre choix en nous assurant lapossibilité de choisir notre instituteur, aussi bien que notre médecin. Pour cela, il n'y a qu'un moyen, et très simple, dans un régime deliberté et d'égalité : c'est que le budget assuré par tous serve à touségalement ; que soit entièrement libre le commerce du latin et desmathématiques et que nous puissions nous adresser à notre gré à laMaison qui tient l'article « Libre Pensée » ou au contraire laspécialité « Congréganiste ». Que l'on remette donc à chacun de nous, selon ses charges, une somme oubien un bon d'enseignement, avec quoi il pourra se présenter chezn'importe lequel des patentés de l'Enseignement, comme il peut allerchez tous les diplômés de la Médecine qui présentent les garantiesrequises. De même que pour le sursalaire, qu'on légifère d'abord en faveur de laF. N. et l'on sera bien près d'avoir rétabli la justice. Comme pour lesprimes à la natalité, qu'on s'adresse à tous également, sans regarderautre chose que le nombre des enfants. Hélas, nous sommes loin d'unetelle conception ! Nulle part on n'a encore compris qu'on devrait aumoins nous offrir une réduction sur tous frais d'études selon le nombrede nos enfants. Il faut vraiment que nous soyons opprimés par unemajorité de gens sans famille, pour n'avoir pas encore obtenu ceminimum de justice et dé péréquation. Comme on mettrait plus desimplicité et de sérénité dans le débat en envisageant surtout lesdroits des familles Malheureusement la lutte est ancienne et toujours aiguë entre deuxpuissances redoutables, lutte où s'affrontent ardemment des doctrines,soit politiques, soit religieuses, profondément divergentes etexclusives. Esprit laïque et esprit religieux se disputent l'influencesur nos enfants. Mais qui donc, en cette matière, a sur eux autorité pour décider, sinon les auteursde leurs jours, les parents responsables ? C'est donc à nous la parole.Au lieu de rester les moutons sur le sort desquels on discute,peut-être pourrions-nous aussi donner notre avis ? Loin des régionsabstraites où se heurtent, implacables, des théories absolues etinconciliables, nous qui vivons dans les réalités pratiques, peut-êtreferions-nous figure d'arbitres, si, guidés par la seule solidarité desfamilles devant les grands problèmes de l'éducation et dans un vifdésir de tolérance mutuelle, nous parvenions à tenir compte de toutesles opinions ? Sans vouloir nous prononcer entre deux thèses surlesquelles, individuellement, nous devons avoir chacun notre sentiment,mais résolus à rester collectivement en dehors des partis, nousproposerions l'hypothèse d'une conciliation libérale pour tous, oùseraient respectées les exigences inévitables de chacun. Nous quiouvrons nos rangs à toutes les familles, sans acception d'opinions,nous avons toute qualité pour une telle oeuvre, mais sans nous laisseraffaiblir par aucune division. Ne sommes-nous pas les mieux placés,pour saisir les aspirations et les intérêts de tous et les réconcilierdans une atmosphère de travail paisible et dans un esprit de vraieliberté ? Un rôle splendide s'offrirait à nous s'il nous était permis d'apporterun peu d'apaisement devant des réformes qui, débarrassées des passionssectaires, pourraient être belles et fécondes, devant des projets oùsouffle malgré tout un large vent de progrès et de générosité et danslesquels le rêve de chacun pourrait être respecté, mais dans un idéalcommun d'entente familiale et de fraternité sociale. * * * Pour conclure, nous souhaitons une réforme de l'enseignement quipermette mieux qu'aujourd'hui aux enfants de F. N. de recevoir toutel'instruction désirable. Mais, au lieu d'une gratuité uniforme dépendant d'un examen, nouspréférons des réductions proportionnelles aux charges de famille.L'idéal serait qu'automatiquement, toute F. N. reçût,proportionnellement à ses charges, une indemnité compensatrice desfrais d'enseignement, soit séparément, soit par le jeu de l'allocationnationale globale, dont le calcul devrait tenir compte de toutes lessortes de compensations et s'adresser à toutes les F. N. Il est sansdoute plus prudent de préconiser un compte spécial pour tout lechapitre de l'enseignement. Dans ce but, nous demandons qu'il soit attribué à toute F. N. d'abord une réduction,de droit et sans condition, sur tous les frais d'études selon le nombred'enfants par famille, réduction qui pourrait rester à la charge dechaque Etablissement, quel qu'il soit ; cela indépendamment des boursesoffertes au seul mérite pour tous les autres enfants, quelles quesoient leurs situations de famille. En outre, l'État devrait accorder à toutes les F. N. et selon le nombre d'enfants une indemnité familiale d'enseignementrépondant aux frais directs et indirects qu'entraîne dans les famillesla prolongation des études. tout comme un apprentissage technique. Nousvoudrions que ces avantages fussent un droit égal pour tous. Mais, si,à la rigueur, un examen d'aptitudes devait conditionner l'obtention, ilfaudrait qu'il ne fût absolument éliminatoire pour personne, maislimité à garantir seulement un minimum d'aptitudes. tel que l'enfantfût reconnu capable de suivre une classe sans gêner le travail de sescamarades. Il y a encore une condition pour que ces facilités jouent pour tous également, c'est qu'elles soient offertes à la famille et indépendamment de l'école àlaquelle appartient l'enfant, tout comme cela se fait pour le pupillede la Nation, qui garde le droit entier de choisir son école, sonmédecin, sa colonies de vacances, ou comme l'officier promu qui toucheune indemnité d'équipement et reste libre de se fournir où bon luisemble. Ce point de vue si libéral et si juste n'est pas toujours admis partous. Pourtant, si l'on veut comprendre et défendre la liberté du chefde famille, c'est bien à lui qu'appartient l'indemnité. Ce qu'on veutfavoriser, c'est l'élève et non pas l'école, encore moins telle écoleau détriment d'une autre. C'est ici en effet le noeud de la question. Si le but plus ou moinsavoué et avouable de tel projet est de tuer ainsi indirectementl'Enseignement libre en France, il ne recueillera pas l'approbation desF. N., dont le devoir est de défendre leurs libertés. Si, au contraire,un projet, quel qu'il soit, se donnait le beau rôle de maintenir lalibre concurrence et de respecter l'ex'stence de l'Ecole libre, on peutaffirmer qu'à ce prix, il aurait l'assentiment des familles. Si donc on se bat autour de l'expression trop équivoque d'Ecole unique,dans un but d'influence politique, rappelons à tous que c'est à nousseuls de disposer de nos enfants, tant qu'ils ne peuvent le faireeux-mêmes et que si l'on veut sincèrement faciliter l'enseignement àceux qui le méritent, c'est aux F. N. qu'il faut d'abord songer. En résumé, nous voulons que la décision sur l'avenir d'un enfant nedépende exclusivement ni de la situation de fortune ou de famille, nide la chance d'un examen, mais surtout de l'appréciation par lesparents des goûts et aptitudes de l'enfant. Nous approuverons donc toutprojet de réforme respectant le double principe d'une égale possibilitéd'accès à l'enseignement et d'un respect absolu de la liberté desfamilles. * * * Fédération Nationale des Familles nombreuses Le 28 Février 1926, sur la proposition de M. le docteur Cauchois, le Conseil National a adopté la motion suivante : Lesdélégués des Associations de Familles Nombreuses, réunis à Paris enséance du Conseil de leur Fédération Nationale, émus par certains côtésde la Réforme de l'Enseignement, à laquelle ils sont les premiersintéressés ; Considérant que toute décision sur le choix de l'enseignement à donner à l'enfant appartient aux parents et non pas à l'Etat ; S'élèvent contre l'idéed'une sélection éliminatoire qui prétendrait juger définitivement lesaptitudes d'un enfant dès l'âge de dix ans ; Protestent contre toutprojet qui tendrait directement ou indirectement à porter atteinte à lapleine liberté qu'ont les familles de faire instruire leurs enfants oùet comme il leur semble bon ; Proposent de substituer,au système de gratuité pour tous, un régime de réductions larges etprogressives, sur tous frais d'études, selon le nombre d'enfants parfamille, tout en maintenant les bourses pour les élèves peu fortunés etméritants ; Demandent enfin que danstoute Commission chargée d'étudier la Réforme de 'Enseignement, uneplace importante soit faite à des chefs de Famille nombreuse et quedans les Conseils d'Ecole il y ait des représentants des Pères deFamille élus par ceux-ci. |