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JUBERT,Paul(18..-19..) :  L’Amiral de Robec(1932).
Saisie du texte : S. Pestel pour la collectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (03.X.2008)
Texte relu par : A. Guézou
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Texteétabli sur l'exemplaire de lamédiathèque (Bm Lx : norm 1538) de Normannia, Revuebibliographique et critique d’histoire de Normandie, 5èmeannée - n°1-2, àCaen : chez Jouan & Bigot, janvier-avril 1932, pp. 226-237.

L’Amiralde Robec
par
Paul Jubert

~*~ 

I

Tous les Rouennais connaissent bien les rivières du Robec et de l’Aubette. Lapremière prend sa source dans la cour d’une petite ferme située àFontaine-sous-Préaux, passe à Saint-Martin-du-Vivier, traverseDarnétal, entre dans la ville de Rouen par le faubourg Saint-Hilaire,et, après avoir longé de l’Est à l’Ouest la rue qui porte son nom,passe par derrière les rues Damiette et Malpalu pour se jeter dans laSeine auprès du Pont Corneille. La seconde prend sa source àSaint-Aubin-Epinay, passe près de Darnétal, mêle une partie de ses eauxavec celles du Robec à un endroit appelé le Choc, traverse le faubourgMartainville et se perd dans la Seine près de la porte Guillaume-Lion(1). Le lieu dit le Choc, dont le nom se retrouve dans le chemin duMoulin du Choc signalé par Périaux (2), chemin faisant aujourd’huipartie de la rue des Petites-Eaux, était autrefois un moulin dufaubourg Saint-Hilaire. Il tirait son nom du choc, ou écluse, parlequel une partie des eaux de l’Aubettecoulait dans le Robec.Ce moulin n’existe plus, mais son emplacement peut être à peu prèsdéfini : il se trouvait à la pointe formée aujourd’hui par les limitesorientales de la ville (3).

Depuis la charte de novembre 1262, en vertu de laquelle saint Louis, enéchange d’une rente perpétuelle de 3.000 l. t., avait concédé au maireet aux bourgeois de Rouen les moulins de la ville et ceux de Deville «cum suis juribus et honoribus », le vivier de Martainville, toutes lesautres eaux des susdits moulins, la ville de Rouen s’était toujoursconsidérée comme propriétaire du cours du Robec et de l’Aubette. Elleavait institué une juridiction dite des pleds de Robec où étaientassignés ceux qui avaient « entrepris » sur le cours de ces rivièressoit en construisant des ponts ou des planches, soit en y jetant desimmondices. Elle appointait même un garde du cours de Robec, lointainprédécesseur du garde des eaux et rivières, que la Ville désigneaujourd’hui à l’agrément du Préfet et dont les honoraires sont payéspar toutes les communes riveraines du Robec, au proratade la longueur de traversée de cette rivière sur leur territoire. C’estde ce garde que nous voudrions dire ici quelques mots.

Les nombreuses lacunes que présentent les Archives municipales deRouen, ne permettent pas de faire remonter son existence au-delà du XVesiècle. Jacques Evrevin, agent des affaires de la ville, a copié en1786 dans le compte des deniers patrimoniaux de la ville de 1431-1432,aujourd’hui disparu, la dépense suivante, enregistrée au chapitre desouvrages : « Payé à Anfray Duhamel, bosqueron [la somme de 11 livrestournois] qui deue lui estoit, c’est assavoir, tant pour lui que pourses aides, pour leur peine d’avoir talué en clayes et grands pieuxfichés en terre soustenant ledit taluage de la cauchée de Robec depuisle siège des moulins de Saint-Ouen, près des murs de lad. porteSaint-Hilaire, jusques à l’endroit d’un pont de nouvel fait faire parordre de M. le Régent sur la dite rivière, d’avoir rempli les videsplaces de terre et glise, ainsi qu’il appartient, et trouvé le boscdesd. pieux et clayes. » (4). C’est sans doute ce même Anfray Duhamel,à qui il n’est alors donné aucune qualification, qui reçoit, le lundide Pentecôte 21 mai 1442, lors de la visitation du Robec, ordre dejustice de faire faire les talus et curages à tous « les demouransdepuis la herche de la porte Saint-Ylaire, par où Robec entre ens lad.ville, jusques au sault ou moulin devant où l’on curent les toiles »(5). Et dans une autre note d’Evrevin, datée par lui du 22 juin 1443 etrenvoyant au compte de 1442-1443, également défaillant aux Archives dela ville, il est parlé d’un « mandement au profit de Duhamel, pionnier,commis au gouvernement des chaussées de Robec appartenant à laditeville, pour avoir refait les chaussées de Robec » (6). Aucun doute neparaît plus possible sur l’identité de cet Anfray Duhamel, car, auxcomptes de 1447-48, son prénom lui est donné avec le même titre. Ilémarge alors au budget municipal pour une pension annuelle de 8 livrestournois (7) et il reçoit, en outre, 4 l. 12 s. 6 d. t. pour avoir faittrente-sept toises « de haye batisse en forme de taluage » au long deladite rivière, « à l’endroit de l’église Saint-Gille de Respainville(8), et pour avoir empli de terres à l’endroit dudit taluage pour fairela cauchée, au prix de 2 s. 6 d. t. la toise. Il reçoit encore 7 l. 17s. 6 d. pour quarante deux toises de semblable haye « de plus grantessence » en plusieurs endroits le long de la rivière, et pour avoir «renfourmée » la chaussée, chaque toise étant évaluée, pour remplage etpour haye, 3 s. 9 d. t. Et pour la journée de deux ouvriers qui avaient« labouré de pionnage » en la rivière, on lui accordera 6 s. 9 d. t.

Anfray Duhamel est encore « garde de l’eaue de la rivière de Robec » de1448 à 1450, et de 1456 à 1459. Il reçoit aussi diverses rétributions,comme gardien et commis au gouvernement des chaussées, pour plusieursréparations effectuées par lui ou sous ses ordres. Peut-être n’est-ilpas inutile de retenir les prix pratiqués à cette occasion. En 1448, iltouche 27 s. pour trois journés de trois hommes qui avaient curé devantSaint-Pierre-de-Carville (9) « où piéça l’on n’avoit curé », la journéeétant évaluée à 3 s. ; 38 toises et demie de « taluages de clayes deverge batisse avec la pente de l’emplage des chaussées à l’endroitdesdits taluages… et là où la rivière estoit hors de son cours » sontévaluées à 4 l. 16 s. 3 d., le prix de la toise étant toujours de 2 s.6 d. ; on paye enfin 18 d. « pour un quesne mis en forme de taluageprès la planchette Saint-Gille-de-Respainville (10) ». En 1449, 22toises de petite haie « raemplies » de terre en forme de taluage aulong du Robec hors ville pour tenir en état les chaussées rompues enplusieurs endroits, coûtent 4 l. 16 s., au prix de 3 s. la toise ; dixjournées d’ouvriers sont payées 30 s. ; on débourse encore 5 s. pour levin donné à « ceulx qui estouppèrent et ostèrent Robec hors de soncours la sepmaine de Penthecoustes 1450 », et 71 s. 4 d. pour plusieursréparations faites aux chaussées de Robec et d’Aubette qui avaient étérompues en 1449 (11).

Aux comptes de 1456-57, Anfray Duhamel touche encore 7 l. 11 s. t. pourquatre-vingts toises de « hayes bastiches faites de verges et de pieuxet pour le remplage de terre à l’encontre desd. hayes » à la chausséede Robec, le prix de la toise étant évalué à 2 s. t. pour le bois, lafaçon et le remplage ou à 12 d. t. si les haies n’ont pas été rempliesde terres ; le curage, depuis la planche d’un certain Jean le Tourneurjusqu’à l’abreuvoir de Saint-Hilaire (12), est payé 11 s., sur laquellesomme 6 s. avaient été attribués aux cureurs, le reste devant reveniraudit Duhamel pour son droit et peine « d’avoir osté et mis hors et ensle cours de lad. rivière ès feries de Penthecoustes 1457 » (13) ; en1457-58, il perçoit 9 l. 10 s. pour 92 toises de haies de verge batisseet remplage de terres et certaines réparations de bois « à l’oppositedu moustier de Carville, affin d’estoupper le passage aux bestes qui enicelui endroit traversaient ladite rivière et rompaient lesditeschaussées » (14). Le 9 mai 1459, lors de la visitation annuelle duRobec, les Conseillers de la ville lui commandent de se fournir depieux et de verges pour faire des haies batisses le long des chausséesde Robec hors la ville et de faire faucher « à eaue courant » lesherbes étant au cours des Ailleries (15). Au compte suivant (1458-59),les divers travaux de haies et remplage faits par lui prèsSaint-Pierre-de-Carville, à Saint-Gilles-de-Repainville, au pont desChartreux, près le moulin des religieuses de Saint-Amand et àl’abreuvoir devant Saint-Hilaire, lui sont comptés 9 l. 7 s. 4 d. t.,au prix de 20 d. la toise. Mais, dans cette somme, étaient compris 24s. pour six cents bourrées livrées par lui pour le chauffage de «l’ostel de la Ville », 5 s. t. pour avoir ôté le Robec de son cours et5 s. pour le salaire de deux varlets qui avaient curé la rivière entrel’abreuvoir de Saint-Hilaire et la planche de Jean le Tourneur (16).

La rareté des documents ne nous a pas permis de savoir combien de tempsAnfray Duhamel resta préposé à la surveillance du Robec. Même dans lesprocès-verbaux de visite de la rivière, dont la série est assezcomplète, cet officier subalterne n’est presque jamais nommé et il fautattendre trente ans avant de rencontrer une pièce à son sujet. Et, danscette pièce, une sentence du bailliage du 4 juin 1488, il est toutsimplement qualifié d’amiralde la rivière de Robec. C’était une affaire sérieuse, dureste.

Le 27 mai précédent, nuit de la Pentecôte, quatre individus étaientvenus, accompagnés de quinze à seize personnes « malicieusement et deguet-apens » battre ledit amiral, nommé Jehan Laurens, et lui avaientadministré « jusques au nombre de dix ou douze horions de baston surplusieurs parties de son corps » tellement qu’il avait dû s’aliter sanspouvoir mettre la rivière hors de son cours. Non contents de cela, lesagresseurs avaient jeté à l’eau ses quatre compagnons qui étaient venuspour l’aider à tourner la rivière et ceux-ci avaient dû se réfugierdans le cimetière de Saint-Gilles-de-Repainville, d’où ils n’avaient pusortir que le lundi, au grand jour, car leurs assaillants maugréaientle nom de Dieu et « s’ils feussent sailliz, ils les eussent tués ». Ilsavaient encore dépouillé le fils de Jean Laurens d’« une pièce de filléà prendre troites », dont il voulait se servir une fois la rivièredétournée, et volé du fil qu’ils avaient appliqué où bon leur avaitsemblé. Appellés à l’audience, ils ne s’étaient naturellement pasprésentés, et le sergent de la ville avait reçu l’ordre de les saisirpartout où ils se trouveraient « hors lieux saints » et de lesconstituer prisonniers ès prisons du roi à Rouen (17). Il ne semble pasque les poursuites aient été menées plus loin. En tout cas, JehanLaurens porte encore le titre d’amiral de Robec dans les comptes de1509-1510, au chapitre des recettes, pour loyer annuel, fixé à 5 s. t.,« de la garde où l’on a coustume faire le guet du thourouil en temps deguerre », que les conseillers-échevins lui avaient concédée depuis laSaint-Michel 1509. Et, au chapitre des dépenses, il est porté comme «admiral de Robec, commis au gouvernement des chaussées et cours de lad.rivière » pour le traitement annuel déjà connu de 8 l. (18).Quelques-uns de ceux qui lui succèderont dans l’exercice de cettecharge seront désignés du même titre : Jehan Valles « admiral de Robec,commis au gouvernement des rivières de Robec et Aubette » (1539) (19),Guillaume Cacherat, pourvu à la charge d’amiral de Robec, après la mortde Nicolas Dubreuil (11 juillet 1551) (20), alors que ce dernier estsimplement appelé dans une quittance de gages du 15 octobre 1548, «commis à la garde des cours et chaussées de Robec et Aubette » (21).Cacherat reçut de la ville, le 10 septembre 1552, l’autorisation de seservir de la loge du guet de la porte Martainville, à la charge del’entretenir et de la clore pour éviter qu’on ne s’y assemble, ainsique le faisaient certains joueurs de dés, et le greffier a inscrit enmarge : « congé du guet de la porte Martainville accordée à l’admiralde Robec ». Mais ce titre pompeux disparut bientôt. Guillaume Fournier,successeur de Cacherat (22 mai 1554), son fils Jehan, pourvu le 5janvier 1555 (n. s.) (22), Jehan Le Hucher, qui reçut sa commission le12 mai 1564 par suite de l’absence et incapacité du précédent (23),Robert Le Hucher, fils dudit Jehan (commission du 19 novembre 1590(24), Jacques Le Prestre, nommé après le décès de Robert Le Hucher (22juin 1655), encore en fonctions le 9 février 1666 (25) et le dernierfonctionnaire « commis et établi à la charge du gouvernement deschaussées et des cours des rivières de Robec et d’Aubette » ne portentpas de titre plus pompeux, à deux exceptions près. Par sa commission,Jehan Le Hucher est établi à la « charge de garde et gouvernement deschaussées et des cours de la rivière d’Aubette » mais le greffier a misen marge : « Commission de Jehan Le Hucher, admiral de Robec ». Et le24 décembre 1566, dans une liste de « personnes à qui il convientprésenter des gasteaux la vigille des Rois », six « monnyers »(meuniers) figurent chacun pour six livres et l’avant-dernier est notreJehan Le Hucher, « admiral d’Aubette » (6). Quant à Jacques Leprestre,il s’intitulera, en donnant, le 9 février 1666, quittance de ses gagesannuels, « admiral du cours des rivières de Robec et Aubette » (27).

On peut donc suivre pendant près de deux siècles l’histoire de l’amiralde Robec. En dépit de son titre, ce n’est pas un gros personnage.Auffray Duhamel est pionnier ou terrassier ; Guillaume Fournier estboulanger et Jehan le Hucher, meunier. Fonctionnaire de la ville, ilest nommé par les conseillers-échevins, en vertu d’une commissionsignée de leurs seings manuels. Son traitement annuel estinvariablement resté fixé à 8 livres, « avec les droits et émolumentsraisonnablement accoutumés » (28). Ce traitement lui est payé en vertud’un mandement des conseillers et il en délivre quittance signée.Nicolas Dubreuil apposera en 1548 sa marque formée d’une croix potencée(29). Cette somme de 8 livres a cependant été une fois exprimée sous laforme suivante : 2 écus 40 sols (19 novembre 1590 (30). Mais l’écuétant alors évalué à 3 livres et le sol étant la vingtième partie de lalivre, il ne peut y avoir de doute possible : il s’agit bien des gageshabituels. Quelle valeur cette somme peut-elle représenter enfranc-papier ? En se basant sur l’évaluation du pouvoir d’achat de lalivre en franc-or antérieur à la guerre dressé par Paul Raveau (31), enmultipliant cette somme par 8 et en la quintuplant (le franc-papiervalant cinq fois moins que le franc-or) on obtient un traitement qui,de 2.500 francs environ en 1448 a été sans cesse en diminuant pourarriver à 450 francs, à peu près, en 1666.

L’amiral de Robec était préposé à la surveillance du cours de cetterivière hors la ville et il certifiait au besoin avoir accompli samission. Ainsi fit Jehan Fournier le 3 juillet 1560 : dansl’attestation qu’il délivra des entreprises faites par les riverains,il dit être allé « depuis la porte ou arche des murs » de la porteSaint-Hilaire jusqu’au moulin du Chou ou du Choc appartenant à la ville(32). C’est donc entre ces deux limites extrêmes englobées aujourd’huidans le territoire de la ville que son contrôle devait s’exercer.

Il semble bien aussi que l’amiral de Robec ait pu faire assigner lesdélinquants devant la juridiction des pleds de Robec. A la fin del’assignation à comparoir aux pleds du 15 mars 1606 adressée par lesergent à de nombreux riverains, celui-ci ajoute avoir adressésemblable assignation, « à la requeste de Robert Le Hucher, stipullépour lesd. srs conseillers eschevins », à un nommé Louis Dodement,coupable d’avoir pêché des « trouettes » contre les ordonnances dejustice publiées aux issues des grand’messes de St-Hilaire,St-Gilles-de-Repainville, Carville et Saint-Paul-lès-Rouen (33). Quantaux travaux de pionnage dont avait été chargé Andray Duhamel, il semblebien que ce fut à cause de sa profession, car nous n’avons pas trouvéd’autre mention de réparations et d’ouvrages confiés à ses successeurs.

Quelle est l’origine de cette dénomination d’amiral de Robec qui peutparaître singulière ? Les échevins n’en savaient sans doute rieneux-mêmes au XVIIIe siècle. En 1739, en effet, Louis-Alexandre Savary,grand-maître des Eaux et Forêts au département de Rouen, leur avaitcontesté tout droit de propriété sur le Robec en s’appuyant surl’ordonnance des Eaux et Forêts d’août 1669, et ils avaient produit lespièces justificatives de leurs droits. Parmi ces pièces figurait lasentence du bailliage de 1488 et, en l’inventoriant, ils écrivaientqu’ils « avoient autrefois un officier que l’on qualifioit d’amiral deRobec, et, quoique cette pièce prouve assez le peu de cas de certainsmutins envers cet amiral d’eau douce, elle n’en prouve pas moins lapropriété et possession desdits eschevins qui lui donnoient cettecommission et non la maîtrise ». Et Savary de riposter : « L’acte du 4juin 1488 est aussi chimérique qu’il est singulier. On y qualifie unhomme d’amiral de Robec. Ce pouvait être un meunier ou quelque basofficier de la ville, commis pour veiller à la conservation des droitsqu’elle pouvait avoir ; mais il ne paraît pas qu’il ait eu aucunejuridiction et il n’est pas facile de déterminer sur quels principes onl’avait décoré du titre d’amiral de Robec » (34).

Point n’est besoin, d’ailleurs, de longues dissertations pour expliquerune telle appellation. Amiral vient de l’arabe amir, emir, quisignifie chef, et, dans l’ancien français, ce terme n’avait pas d’autresens. L’amiral du Robec n’était qu’une sorte de préposé en chef, à lasurveillance du cours de la rivière (35). Ce titre d’amiral fut,d’ailleurs, employé à Rouen dans d’autres circonstances. On sait quecelui qui était chargé de nettoyer le cours de la Renelle, portait, auXVIe siècle, le titre « d’admiral de la Renelle » (36). Le petit coursd’eau qui passe dans un canal couvert dans la rue du Ruissel à qui il adonné son nom, avait aussi son amiral, l’amiral du Petit-Ruissel, dontnous avons trouvé mention deux fois. En 1543-1544, le collège desnotaires apostoliques payait une redevance de 4 d. par an à Berthault,amiral du Ruissel, pour le vin de l’admiralité (37). Le 5 juin 1565,lors des pleds de Robec, on veut interroger l’amiral du Petit-Ruissel,nommé Jehan Bavent, « pour savoir et entendre les causes qu’il ne cureicelui ruissel comme il y est subject », et on lui enjoint « de cureret tenir nect led. ruissel », avec défense de dégrader « ny esseaulx nigrédils » (38).

Ce titre donné à un cureur de rivière « n’avait alors rien de biensingulier… et on ne voit pas qu’il soit venu de protestation de la partde l’amiral de France, pas plus qu’empereur et roi n’ont trouvé àredire à ce que leurs titres servissent à désigner les premiers dansune classe de collège ou de confrérie » (39).


P. JUBERT.


NOTES:
(1) Périaux, Dictionn.des rues de Rouen, 1870, p. 14 et 182.
(2) Ibid.,p. 399. La rue des Petites-Eaux (de Robec) commence à Darnétal et finità la rue de l’Abreuvoir, à l’extrémité Est de la ville.
(3) Cf. A. Cerné, Lesanciennes sources et fontaines de Rouen (Rouen, 1930),pl. VII.
(4) Tiroir 164 bis,1re liasse. Sauf indication contraire, toutes nos références d’archivessont tirées des Archives municipales de Rouen, aujourd’hui conservées àla Bibliothèque de cette ville.
(5) Registre de visites du Robec, FF 1, f° 42.
(6) Tir. 164 bis,1re liasse.
(7) Série XX (Comptes de la ville), 1re registre (Comptes 1447-48), f°23.
(8) Cette église tirait son nom du hameau de Repainville, au faubourgSaint-Hilaire. Elle existait encore en 1807. Son souvenir se retrouvedans les noms de la rue Saint-Gilles, entre la rue de Lyons et la routede Darnétal, et du chemin de Repainville compris entre la route dePitres et les rues de Lyons et Saint-Gilles.
(9) Carville est aujourd’hui un hameau de Darnétal.
(10) Comptes de 1448-49, Reg. XX 1, f° 93 v°.
(11) Comptes de 1449-50, Reg. XX 1, f° 152.
(12) L’abreuvoir de Saint-Hilaire, a été desséché au début du XIXesiècle et son nom se retrouve dans la rue de l’Abreuvoir.
(13) Comptes 1456-57. Reg. XX 2.
(14) Comptes 1457-58, Même reg.
(15) Tir. 164.
(16) Comptes 1458-59, Reg. XX 2.
(17) Orig. de cet acte et copie, tir. 164, liasse 3 ; autres copies,tir 241 et 242, liasse 1.
(18) Comptes 1509-10, Reg. XX, 3.
(19) Comptes 1538-39. Reg. XX 5, au chapitre des gages.
(20) Reg. B 1 f° 100.
(21) Tir. 255, liasse 2.
(22) Reg. B 1 f° 124 v° et 136 v°.
(23) Reg. de commissions M f° XIV v°.
(24) Reg. B 5 f° 7 v° et tir. 242, liasse 1.
(25) Reg. B 11 f° 44 et tir. 442. 1re  pièce.
(26) Reg. B 2, f° 239 v°.
(27) Tir. 442, 1re pièce.
(28) Commissions de Jean Le Hucher (Reg. M, f° XIV), de son fils Robert(Reg. B 5, f° 7 v°) et de Jacques Leprestre (Reg. B 11, f° 44).
(29) Tir. 255, liasse 2. Autres quittances, tir. 306, liasse 3 et 442,1re pièce.
(30) Commission de Robert Le Hucher : Reg. B 5. f° 7 v°.
(31) P. Raveau. Lacrise des prix en Poitou au XVIe siècle, (Rev. Historique,sept.-oct. 1929, p. 2-3).
(32) Copie collat., tir. 164.
(33) Reg. de visites du Robec, FF 2, à la date.
(34) Tir. 293.
(35) Cf. le sens donné au mot « admiral » par le New dictionary of the Englishlanguage de Webster : « A commander or officer having acertain general control of a fishing or merchant fleet, especially a fishermanappointed to preserve order, decide differences etc. in a fishingfleet. »
(36) Périaux : Dictionn.des rues de Rouen, p. 521 ; A. Cerné : Les anciennes sources etfontaines de Rouen (Rouen. 1930), p. 385.
(37) Ch. de Beaurepaire : Noticesur le clos Saint-Marc, (Précis Acad. Rouen,1906-1907, p. 171).
(38) Tir. 29.
(39) Ch. de Beaurepaire. - On connaît le nom d’un cureur de la Renelleen 1619 (27 juin 1619), (Reg. B 7, f° 68) et d’un cureur de la PetiteAubette en 1695 (tir. 164, liasse 14).