Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électroniquede la Bibliothèque Municipale de Lisieux (10.V.1999)
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Texte établi sur l'exemplaire de labibliothèque municipale de Lisieux (BmLx : n.c.).
sur
la guerre de la succession d'Espagne
En reconnaissant le prince de Galles comme successeur de Jacques II à la couronne d'Angleterre et surtout en acceptant pour son petit fils le trône d'Espagne, Louis XIV renonçait aux avantages que, trois ans à peine auparavant, la paix de Ryswick avait conférés à ses sujets épuisés. La guerre, terminée en 1697, avait laissé dans le royaume et particulièrement en Normandie des traces trop durables pour que son retour ne fût point redouté comme la plus cruelle calamité par les populations agricoles et commerçantes de cette province appauvrie. Elle n'avait pu si vite oublier la suspension complète de son négoce, le poids des impôts qui l'écrasaient et c'était avec un regret douloureux qu'on se racontait les épisodes navrants qui avaient accompagné la ruine d'un des ports les plus riches naguères du littoral, Dieppe, que le courage de ses bourgeois n'avait pu préserver d'un désastre irréparable et qui avait vu se joindre aux horreurs d'un bombardement opéré sans pitié par la flotte anglaise le crime d'un pillage pratiqué sur ses habitants par les Miliciens chargés de leur défense.
Ces pénibles souvenirs auxquels les hostilités recommencées en 1700 rendaient une vie nouvelle se traduisent avec une saisissante vérité dans les deux pièces, dont une communication bienveillante de notre vénéré confrère, M. le marquis de Blosseville, nous permet la publication. Grâce à sa libéralité, la copie que l'avocat rouennais, Auguste Le Chevalier en a faite au XVIIIe siècle les transmettra à la curiosité de notre génération : elles réunissent à ses yeux un double intérêt qu'une étude approfondie, entreprise par de plus compétents, mettrait en lumière par des développements utiles à la littérature et à l'histoire locales, mais que par ce motif même je dois me borner à indiquer.
Il est vraisemblable d'une part, que la hardiesse des appréciations contenues dans ces écrits en a empêché l'impression et que, demeurés inédits, restant, à la faveur du langage familier qu'ils affectent, ignorés ou incompris par ceux qui auraient été tentés d'en rechercher ou d'en punir les auteurs, ils ont circulé de maison en maison dans une région où leur vive allure, leur forme narquoise, autant que le ton piquant du patois dans lequel ils sont composés, augmentaient la durée de leur vogue et leur assuraient un succès fortifié par le mystère même dont ils s'enveloppaient. Dès 1649, au début du règne, les mazarinades (voir notamment : les Maltotiers ou les Pesqueux en yau trouble) avaient donné l'exemple et, vingt ans plus tard, la réapparition de cet emploi du style purinique favorisait une opposition discrète, mais réelle au pouvoir absolu du grand Roi et substituait la critique du bon sens et les protestations populaires à la louange officielle des grands, qui devenait suspecte dès qu'elle n'était plus excessive. Cette tendance ne constitue pas un des traits les moins saillants qu'on puisse relever dans les vers peu poétiques, il faut l'avouer, dont nous offrons la lecture à la Société des Bibliophiles Normands.
Leur découverte nous impose une seconde constatation : elle atteste en effet la persistance ininterrompue de ce procédé littéraire dont la vulgarité cherchée s'adapte si bien aux audaces, prudemment voilées, du pamphlet et de la satire. Ce pastiche des conversations tenues dans les carrefours de nos villes, cette reproduction calquée des locutions usitées dans les villages et les faubourgs, aux champs et dans les ateliers, ce jargon du paysan et de l'ouvrier dont la naïveté imagée s'enrichit de la malice des dictons et des proverbes conservés par la tradition se perpétuent au cours des différentes époques de l'histoire de la Normandie. Leur existence signalée par M. Alph. Chassant dans deux poëmes du XIVe siècle, l'Advocacie Notre-Dame et la Chapelle du château de Bayeux qu'il a tirés de leur obscurité se manifeste de nouveau en 1658 dans les vers de Louis Petit, dont nous devons encore la connaissance aux recherches consciencieuses de ce laborieux érudit (La muse normande de Louis Petit. - Rouen. - Le Brument. - 1853). L'abbé Goujet, d'ailleurs (Bibl. françoise. - t. XVIIIe) n'avait-il point, avec une remarquable intuition, pressenti cette tendance du poëte rouennais, dont le meilleur titre à l'attention de la postérité est l'amitié dont P. Corneille l'honora, en le désignant comme le collaborateur de David Ferrand qui avait fait paraître sa Muse Normande dès 1655 ? Le siècle suivant vit se continuer l'usage de la langue à laquelle ce dernier ouvrage avait initié les classes lettrées et dans les archives de l'Académie de Rouen, qui n'ont pas plus de secrets pour M. de Beaurepaire que celles dont il a la garde, notre confrère a eu l'obligeance de retrouver pour nous un joyeux remerciment adressé sous cette forme triviale par Dambourney à une dame qui lui avait envoyé une volaille et des poissons à l'occasion du renouvellement de l'année. Cette pièce leste et pimpante de ton, écrite en 1758 avec une facilité qui, en dépit de quelques détails un peu libres, ne manque pas d'agrément, n'est-elle pas un argument en faveur de l'opinion qui attribue au célèbre chimiste la paternité du Coup d'oeil purin, ce célèbre pamphlet, éclos vers 1770 et qui porta de si rudes coups au conseil supérieur par lequel Maupeou avait essayé de remplacer le Parlement de Normandie ?
N'en ai je point dit assez pour justifier la publication des lettres rimées, dont je crains par ces lignes d'avoir presque égalé la longueur, et n'est-il pas grand temps qu'après une digression, à laquelle on pourra reprocher des prétentions littéraires, historiques ou philologiques, la préface cède le pas à la correspondance qu'elle annonce et qui peut-être aura seule les honneurs de la lecture ?
Nicodême, purin à Roüen, fur les affairesdu temps.
Des nouvelles, m'en fieux, je n'en sçai point de bõnes ; |
à fon père, Mathurin Caroli, paifan
de Caux.
Quand j'ai rechu l'écrit quo mavez enviai, |
Notes :
(1) La ville de Dieppe avoit été bombardée et brûlée lors de la dernière guerre.
(2) Le Roi confie ordinairement aux invalides la garde du Hâvre et des côtes voisines.
(3) Le Roi, qui avoit juré de ne jamais rétablir la capitation, le fit néanmoins par la déclaration du 12 mars 1701, et elle fut bien plus onéreuse qu'elle ne l'avoit été lors de la dernière guerre.
(4) La superstition aiant extrêmement multiplié les fettes, Mgr l'archevêque en retrancha fort sagement un certain nombre dans son diocèse, ce qui fut regardé par la folle populace cõme une entreprise sacrilége.
(5) Il étoit fils de Mr Colbert, ministre d'Etat.
(6) C'est le lieu où tous les purins de la ville s'assemblent.
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