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LIBERT,François-Jacques(1792-1836) : Description du cérémonial qui avait lieu dans les 14.e, 15.e,16.e et 17.e siècles, à la réceptionet à l’installation des Evêques deSéez (1836). Saisie du texte : S. Pestel pour la collectionélectroniquede la Médiathèque André Malraux deLisieux (04.II.2006) Texte relu par : A. Guézou Adresse : Médiathèque André Malraux,B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros]obogros@ville-lisieux.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Orthographe et graphie conservées. Texte établi sur l'exemplairede la médiathèque (BmLx : norm 850) de l' Annuaire des Cinq départements del’Ancienne Normandie (3e année - 1837) publié à Caen parl’Association normande, chez A. Le Roy en 1836. DESCRIPTION Du cérémonial qui avait lieu dans les14.e, 15.e,16.e et 17.e siècles, à la réception et àl’installation des Evêques deSéez. par François-Jacques Libert ~*~ Quelques historiens nous ont transmis la description descérémonies qu’on observait dans ungrand nombre d’églises cathédralesà la réception et àl’installation des évêques. Celles quiavaient lieu à Séez étaient assezsingulières, et méritent qu’on enconserve le souvenir. Nous allons les rappeler, M. d’Orvillen’en ayant presque rien dit dans son Histoire de Séez(pag. 79 et 80). (Extrait de notesmanuscrites de Odolant-Desnos.- Dom Cosnard, Antiquitésmanuscrites de Séez. - Pilatre, Histoire deSéez, M. S.)L’évêque, après avoirreçu ses bulles, se rendait à Séez,dans une hôtellerie située sur son fief(aujourd’hui l’Hôtelde la Crosse) ; de là il allait àl’abbaye de Saint-Martin et y couchait. Le lendemain, leprélat, vêtu d’un habit de cavalier,botté, éperonné,l’épée au côté,montait un superbe coursier, et se faisait accompagner del’abbé Saint-Martin, égalementà cheval ; il prenait la route de la ville.Arrivé à la porte d’Alençon,l’évêque descendait de sa monture,substituait à son premier habillement une soutane et unmanteau long, un chapeau convenable, et montait une mule. Il traversaitainsi la ville, accompagné de ses amis et des principauxmagistrats. Une double haie d’habitants était sousles armes. Dès que le cortége était parvenuà une maison située sur la placeappelée le Parquet,et en face de la cathédrale, le propriétaire decette maison mettait la main àl’étrier, aidait le prélat àdescendre, le débottaitet le déchaussait.Lorsque l’évêque étaitrevêtu de ses habits pontificaux, le prieur, les chanoinesréguliers, et, depuis la sécularisation, leprévôt et les chanoines en chapes grises,entraient et le saluaient. Il leur rendait le salut, leur donnait lebaiser de paix et sa bénédiction. Alors le cortége partait processionnellement, en marchantsur du linge blancet honnêteque le propriétaire de la maisoninféodée était tenu de faireétendre sur la terre, depuis sa porte jusqu’aupied du grand autel de la cathédrale. Quand le chapitreétait entré, les portes se fermaient.L’évêque, en dehors,accompagné d’un notaire et de sonsecrétaire qui tenait ses bulles à la main,demandait à être mis en possession de sonéglise. Le prieur ou le prévôt faisaitouvrir les portes, et, après la lecture des bulles, exigeaitdu prélat, et sur les saints évangiles, leserment suivant : Queson entrée serait pacifique ; qu’il conserveraitles droits de son église ; qu’iln’aliénerait ni ses biens ni ceux del’évêché (seulement dans lescas permis et avec les formalités voulues) ; qu’ilferait son possible pour retirer ceux qui auraientété aliénés ;qu’il ne ferait aucune inféodation nouvelle ;qu’il maintiendrait de tout son pouvoir lesimmunités de son église, et qu’il enobserverait les coutumes écrites et non écrites.L’évêque répondait : Je le jure. Omnia hæcjuro. De suite, deux membres du chapitre et un desarchidiacres mettaient l’évêque enpossession. Il terminait la cérémonie en invitantà dîner les personnes qu’il jugeaità propos ; mais il était tenu de faire asseoirà sa table le propriétaire de la maisonoù il était descendu, de lui laisser sa monture,ses bottes, ses éperons, son chaussement, en un mot tous les vêtementsauxquels il avait chevaulché. Un mandement donné, le 15 octobre 1564, par un sieurVauquelin, juge à Falaise, nous apprend encore que lepropriétaire de la maison où descendaitl’évêque étaitobligé, en outre des charges dont nous avonsparlé, à porter le chapeau du prélatjusqu’au palais épiscopal (quoque pileum in suum episcopalepalatium inferre) ; mais il ne dit rien d’unebourse de 75 livres qui, d’après quelquesmanuscrits et d’après M. d’Orville,devait également être donnée aupropriétaire. Hasardons maintenant quelques conjectures sur ce singuliercérémonial. Les Anglais brûlèrent la ville de Séezet rasèrent ses murailles en 1356.L’évêque, le chapitre et les habitantsfirent bâtir un fort qui renfermal’église cathédrale, le palaisépiscopal et le cloître des chanoines. Il porta lenom de Saint-Gervais, l’un des patrons de lacathédrale, et subsista jusque vers la fin du 15.esiècle. Ils en obtinrent le commandement, pour ne pasêtre sous la dépendance des capitaines de la ville. Le 3 septembre 1367, Charles V donna, en considération de lafidélité du chapitre, des bourgeois, et de leurzèle pour son service, la capitainerie de la ville et dufort à l’évêque Guillaume deRancé, avec le pouvoir de nommer pour capitaine la personnequ’il voudrait, et de la destituer quand bon lui semblerait. Les Anglais, devenus de nouveau maîtres de la Normandie en1417, ne permirent plus aux évêques deSéez de choisir des gouverneurs ; mais lorsqu’ilsfurent chassés du diocèse, les prélatscherchèrent vraisemblablement à rentrer dans lesdroits que les rois de France avaient bien voulu accorder àla fidélité de leursprédécesseurs. Mais le fort Saint-Gervais ayantété détruit, la villen’ayant plus de forteresse, et n’étantpas même enceinte de murailles, ils ne purent nommer descapitaines d’une forteresse qui n’existait plus.Ils cherchèrent à reprendre ce gouvernement parquelque cérémonie qui d’abord dutparaître sans conséquence, mais dont ils surent seprévaloir dans la suite. En effet, leur entréedans l’équipage bisarre que nous venons derapporter, imitait la prise de possession des capitaines de placesfortes, et convenait à un siècle oùles usages de la chevalerie étaient encore en honneur. M. leCamus de Pont-Carré (66.e évêque deSéez) est le dernier qui ait observéscrupuleusement ce cérémonial ; et sessuccesseurs ne cessèrent cet usage que lorsqu’ilspensèrent qu’on ne pouvait plus leur contester legouvernement de la ville. Ces prétentions furentbientôt détruites : un arrêt du Conseildu Roi, du 17 juillet 1679, déclara que le gouvernement deSéez n’était point attachéau siége épiscopal, et débouta de sademande M. de Forcoal, qui voulait que ce droit fût aussiancien que son église. |