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Normandie, revue régionale illustrée mensuelle, n°5 - Août 1917.Normandie : Revuerégionale illustrée mensuelle de toutes les questions intéressant laNormandie : économiques, commerciales, industrielles, agricoles,artistiques et littéraires / Miollais, gérant ; Maché,secrétaire général.- Numéro 5 Août 1917.- Alençon : ImprimerieHerpin,1917.- 16 p. : ill., couv. ill. ; 28 cm.
Numérisation : O. Bogros pour la collection électroniquede la Médiathèque André Malraux de Lisieux (04.I.2014).
[Ce texte n'ayantpas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement desfautes non corrigées].
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NORMANDIE

REVUE RÉGIONALE ILLUSTRÉE MENSUELLE
DE TOUTES LES QUESTIONS INTÉRESSANT LA NORMANDIE
Économiques, Commerciales, Industrielles, Agricoles, Artistiques etLittéraires

PREMIÈRE ANNÉE. - N°5   AOÛT 1917

Normandie, revue régionale illustrée mensuelle, n°5 - Août 1917.

~*~

La Vie Rurale
Et la Production Agricole
Au Pays Normand

(Cinqième article de lasérie.)

IV

L'EXPLOITATIONANIMALE EN NORMANDIE. — JADIS ET AUJOURD'HUI. — L'AIDE A L'AGRICULTUREET A L'ÉLEVAGE. — LE CRÉDIT-AGRICOLE EN NORMANDIE ; SON ŒUVREÉCONOMIQUE ET SOCIALE. — POUR LES FEMMES DES CULTIVATEURS MOBILISÉS ETLA MISE EN CULTURE DES TERRES ABANDONNÉES. — LA RACE BOVINE NORMANDE ;SES CARACTÈRES ET SES QUALITÉS. — LAIT, BEURRE, VIANDE.    — LES BŒUFS NORMANDS DANS LES TEMPS MODERNES.
 
L'histoire agricole de la Normandie atteste que la prospérité de cepays, à travers les siècles, a toujours été intimement liée audéveloppement et aux progrès de l'élevage sur son territoire. L'originede l'exploitation animale — qu'on est convenu d'appeler aujourd'hui «l'Economie du bétail » — se perd dans la nuit des temps. Au moyen âge,l'immense étendue des surfaces où s'exerçait la vaine pâture permettaitd'entretenir des troupeaux assez nombreux, qui constituaient une partieimportante de la richesse agricole du Pays normand. Le bétail était, l'avoirpar excellence ; dans les baux, on le désigne, en Normandie, sous lenom d' « avair », mais cette appellation s'applique seulement au grosbétail, tandis que, dans d'autres régions françaises, celles du Midi,en particulier, on établit une distinction : avere tam grossum quam minutum, ainsi que le dit Dareste de la Chavanne, dans son Histoire des Classes agricoles en France.

La fertilité des pâturages normands, la valeur des races bovines de laNormandie furent célébrées par maints historiens et chroniqueurs, parFroissart, notamment, et la légitime renommée des bœufs du Cotentin,très recherchés — surtout par les éleveurs du pays de Caux — date destemps anciens. Philippe le Bel approvisionnait son armée par des achatsau bailli du Cotentin, et les écrivains du temps ne tarissent pas enéloges sur « les mérites et la grande valeur des bœufs provenant decette, plantureuse contrée de la province normande. » Dès le moyen âge,il se faisait un gros trafic de bestiaux entre la Bretagne et laHaute-Normandie, mais en ce qui concerne l'espèce ovine, seulesquelques importations de sujets de races étrangères furent tentées,notamment par Henri de Tilli, châtelain de Tilli et seigneur deFontaines (Normandie), qui fit venir de Séville des brebis et deschèvres. Les anciens comptes du domaine de Dieppe mentionnentfréquemment le débarquement de brebis anglaises, notamment en 1425,époque à laquelle furent importés 96 sujets reproducteurs de l'espèceovine. Colbert et ses successeurs firent beaucoup pour le développementde l'élevage en recommandant sans cesse aux intendants de favoriserl'augmentation du nombre des bestiaux. Une déclaration, en date du 17avril 1614, ordonnait des distributions de vaches en faveur des pauvres: ces vaches dites « vaches royales » étaient, dans la généralité deCaen, achetées au moyen d'une imposition levée sur le bétail mis àpâturer dans les marais, landes et pâtis communaux. Les vaches ainsiachetées étaient données à des familles  pauvres et chargéesd'enfants.

A trois siècles de distance, et toute question de politique à part — enégard aux temps modernes — cette manifestation, sous une telle forme,du socialisme d'Etat n'est-elle pas, à la fois, curieuse et suggestive? En tout cas, elle nous prouve que, de bonne heure, en Normandie, lesentiment de l'assistance, de la sollicitude envers les classes pauvresde la population, envers la classe rurale, se fit jour, germa, évoluaet se traduisit par ce progrès social, déjà très marqué, préparant, onquelque sorte, pour les siècles à venir, la décadence de la féodalitéau profit des idées et des principes démocratiques.

* * *

Empressons-nous d'observer que, de nos jours, les richesses acquisespar le travail, par la diffusion des méthodes amélioratrices et desprogrès dans l'exploitation du sol ; enfin, par l'évolution de lamutualité, sous toutes ses formes, ont donné une vive impulsion auxmultiples organismes appelés à servir la cause des déshérités et desplus humbles parmi nos populations rurales. Un bel exemple de cesutiles institutions — dont la Normandie bénéficie d'ailleurs largement,depuis bien des années déjà — ne nous est-il pas offert parl'institution du Crédit agricole Mutuel ?

Puisque nous nous sommes assigné la tâche d'examiner et de mettre enrelief ici tous les éléments de nature à contribuer à la prospérité dupays normand, par la mise en valeur des richesses de son sol et lesmoyens capables d'aider à promouvoir les intérêts régionaux, rappelons,en quelques mots, le rôle du crédit agricole mutuel, les nombreuxobjectifs qu'il vise, les multiples services qu'il peut rendre dans sesdiverses applications, et les bienfaits que doivent en recueillir nospropriétaires et travailleurs ruraux.

Voici les précisions sur lesquelles on ne saurait trop insister, carelles justifient bien la grande utilité, la nécessité du créditagricole mutuel : Mettre immédiatement au service de l'agriculture, envue des intérêts généraux du pays, de l'argent à un taux modéré,poursuivre en même temps, et atteindre le plus souvent du même coup, unbut moral en procurant le bien-être qui doit aider à l'élévationintellectuelle et morale de l'individu. Donner indistinctement à tous,aux plus favorisés de la fortune comme aux moins favorisés, les moyensde développer rapidement, dans l'intérêt commun, les richessesagricoles latentes dont ils sont les dépositaires ; donner à chacun lelevier nécessaire pour la mise en œuvre de son travail et de sonactivité. Accroître le bien-être de la démocratie rurale à l'aide deprêts individuels, à long terme, consentis en vue de l'amélioration, dela transformation ou de la reconstitution de la petite propriétérurale. Constituer pour les générations de demain d'immenses réservesde capitaux auxquelles les plus humbles comme aussi les plus aiséspourront toujours faire appel aux heures difficiles, et cela pour leprofit commun.
 
Telle est l'œuvre économique et sociale, telle est l'œuvre d'aujourd'hui et de demain du crédit agricole mutuel.
 
Ce nous est l'occasion de signaler le rapide essor pris par uneinstitution qui pourrait être citée comme un modèle du genre : la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Centre de la Normandie,société autorisée par le Ministère de l'Agriculture et présidée par unagriculteur éminent, qui est aussi un grand mutualiste, M.Descours-Desacres, bien connu pour son dévouement illimité aux intérêtsde l'agriculture normande — et que nous avons la bonne fortune decompter parmi nos amis. Cette société, qui a son siège à Lisieux, arendu d'éminents services à notre agriculture régionale ; elle étend sasphère d'action sur les départements du Calvados, de l'Eure, de l'Orneet de la Manche. Voici la nomenclature des nombreuses caisses localeset associations agricoles qui lui sont affiliées :

Caisses locales. —Aunay-sur-Odon, Bayeux, Bernay, Blangy, Bourguébus,Bretteville-sur-Laize, Broglie, Caen, Cambremer, Condé-sur-Noireau,Cormeilles, Creully, Dozulé, Falaise, Honfleur, Juaye-Mondaye, Lisieux,Livarot, Luc-sur-Mer, Mézidon, Mondeville, Orbec, Pays d'Ouche,Pont-Audemer, Pont-l'Evêque, Pont-d'Ouilly, Rouvres, Ryes,Saint-Germain-du-Crioult, Saint-Pierre-sur-Dives, Tilly-sur-Seulles,Thury-Harcourt, Tournebu, Troarn, Trouville-sur-Mer,  Ussy,Villers-Bocage, Vire.
 
Sociétés coopératives. — Argences, Bayeuxj, Broglie, Carcagny, Juaye-Mondaye, Mesnil-Guillaume, Pont-Audemer.

Sociétés d'assurances mutuelles. — Luc-sur-Mer, Thury-Harcourt.

Syndicats agricoles. — Syndicat du Centre de la Normandie, du Pays d'Auge et du Lieuvin, Dozulé.

Comices agricoles. — De Bretteville-sur-Laize, de Douvres, de la Petite Suisse normande, de Ryes, de Villers-Bocage et de Vire.

***
 
Nous n'avons pas la latitude de nous étendre, aujourd'hui, aussilonguement que nous le voudrions sur les brillants résultats obtenuspar le Crédit agricole mutuel en Normandie ; nous reviendrons sur cetteintéressante question. Mais en rendant hommage aux hommes dévoués quiont travaillé pour le bien de notre agriculture, en la faisantbénéficier des services que rend cette précieuse institution, il noussemble qu'en raison des circonstances actuelles, c'est faire œuvreutile que d'indiquer ici comment nos vaillantes et laborieusesfermières, — celles qui, en l'absence de leurs maris mobilisés pour ladéfense de la Patrie, ont dû prendre la direction des exploitations —peuvent, le cas échéant, s'assurer le concours, l'aide précieuse ducrédit agricole mutuel, en vue de parer aux nécessités du moment.
  
Dès le début des hostilités, le Gouvernement avait prescrit auxdirecteurs des Caisses régionales de crédit agricole de faire tousleurs efforts pour aider les agriculteurs dans leurs opérations deculture et de récolte (1). Le ministre de l'Agriculture a voulu, dansla plus large mesure, mettre le crédit agricole à la portée des femmesde mobilisés, et pour que les femmes, généralement inexpérimentées enpareille matière, puissent s'adresser utilement aux caisses locales, ila indiqué la procédure à suivre.

S'il s'agit d'une femme dirigeant l'exploitation, et pouvantcorrespondre avec le mari mobilisé, rien de plus simple : elle peut seprésenter à la caisse de crédit agricole avec un pouvoir sous seingprivé dans lequel le mari détermine la somme à emprunter ; il peutaller plus loin et l'instituer gérante d'affaires pendant tout le tempsque durera son absence.

Si le mari est prisonnier ou disparu, la question n'est pas aussisimple : elle comporte une modalité différente que le ministre del'Agriculture a indiquée, dans sa lettre du 28 octobre 1916, auxprésidents des Caisses régionales de crédit agricole. Il est stipuléqu'on peut prêter à la femme qui se présente avec un ou plusieurs avalsou cautions solidaires émanant d'agriculteurs solvables et nonmobilisables, chacun d'eux se portant fort de l'engagement principal.Si les femmes de cultivateurs rencontrent certaines difficultés pouremprunter, dans ces conditions, l'argent dont elles ont besoin, ellesont une autre ressource, celle de gager la dette par un warrant dûmentcautionné ou par un Bon de la Défense nationale déposé en nantissement.

On saisira toute l'importance que présente cette question du créditagricole et la nécessité d'intensifier l'action des Caisses régionales.Mais, alors qu'il s'agit de venir en aide aux agriculteurs en détresse,et d'entourer de toute la sollicitude nécessaire leurs femmes restéesseules à la tête de domaines dont l'exploitation est, le plus souvent,au-dessus de leurs forces, on ne s'explique pas que ces femmes, que laguerre a le plus durement frappées, en leur enlevant leurs maris,disparus ou retenus prisonniers, soient astreintes à des formalitésplus compliquées ou à surmonter certaines difficultés pour obtenir unprêt du crédit agricole ; et il paraît regrettable de ne pas les voirbénéficier d'une mesure adéquate à leur situation et aux nécessités del'heure présente, mesure qui édicterait en leur faveur des dispositionsparticulièrement bienveillantes auxquelles elles ont droit.

***

Les circonstances actuelles nous ont incité à aborder la question ducrédit agricole, parenthèse ouverte au début de cette étude surl'élevage en Normandie, en particulier dans le Calvados. Nous reprenonsmaintenant ce sujet pour mettre en relief le rôle considérable que jouel'élevage bovin dans l'Economie rurale du Pays normand.

Dans son ensemble, la race bovine normande compte 1.600.000 têtesenviron, abstraction faite, bien entendu, de la situation anormalecréée par la guerre. La race normande jouit d'une célébrité universelleque justifient incontestablement ses qualités réelles, et son expansionconstante en dehors de son pays d'origine. Actuellement, la distinctionentre les deux variétés de cette race : le type cotentin et le typeaugeron, ne présente plus qu'un intérêt documentaire, l'unification dutype normand étant obtenue par l'emploi de reproducteurs recrutés dansles meilleurs centres d'élevage du Cotentin. Les caractères deconformation, le poids vif, le pelage, les rendements en lait et enviande varient suivant le régime et les conditions de milieu. Engénéral, le corps est ample, bien développé, le pelage est constituépar un mélange de poils rouges et de poils blancs, formant des bandesirrégulières sur lesquelles tranche une sorte de tigré noir qu'onappelle, dans le pays, brin-geures ou bringures. On dirait des traces de suie entraînées par la pluie sur tout le corps de l'animal.
 
La vache cotentine est une opulente laitière, fournissant, au minimum,entre deux vêlages, 2.800 à 3.000 litres d'un lait riche en beurre.Mais le rendement annuel atteint couramment 3.400 à 3.500 litres pourune durée de lactation de 340 jours. La proportion de beurre contenudans le lait est, en moyenne, de 5,62 %. S'il est vrai que, suivant lerégime (pâturage, ou stabulation), le kilogramme de beurre est obtenuavec 22 à 28 litres de lait, on doit observer que les vachesfournissant le kilogramme de beurre avec moins de 20 litres de lait nesont pas rares, et cet heureux résultat est dû à la diffusion d'uneméthode zootechnique relativement récente et présentant un grandintérêt : la sélection beurrière, c'est-à-dire la recherche, en vue dela reproduction, des vaches ayant au plus haut degré l'aptitude àproduire le lait le plus riche en matière grasse. Cette méthode estjudicieusement associée au contrôle laitier, qui a pour objet lasélection au point de vue des qualités laitières. Mais nos cultivateursdu pays de Caux du pays de Bray, et dans l'Orne, ceux des régions deMortagne et d'Argentan, ne s'intéressent pas assez à ces méthodesrationnelles ; aussi, bien souvent, le rendement annuel en laits'abaisse-t-il à 2.600 et même 2.400 litres.

La célébrité de notre race bovine normande tient également à sesqualités comme race exploitée pour la boucherie, sans préjudice de saremarquable aptitude au travail, particulièrement appréciée, au bonvieux temps. Ce sont les mérites des grands bœufs normands qui, dit-on,inspirèrent au bon poète et chansonnier lyonnais, Pierre Dupont,voyageant en Normandie, sa chanson rustique, si populaire, danslaquelle il exalte l'amour du paysan pour ses compagnons de labour :

J'ai deux grands bœufs dans mon étable,
Deux grands bœufs blancs marqués de roux.
La charrue est en bois d'érable,
L'aiguillon en branche de houx.

S'il me fallait les vendre,
J'aimerais mieux me pendre.
J'aime Jeannce, ma femme, eh bien ! j'aimerais mieux
La voir mourir que de voir mourir mes bœufs.

La docilité et la douceur du bœuf normand lui valurent, pendant biendes années, les honneurs de la préférence pour la promenade du bœufgras, aux fêtes du Carnaval, à Paris. Et c'est probablement cetteplacidité de nos serviteurs aux pieds fourchus — courbant le front sousle joug, ou s'engraissant dans les gras herbages de la fertile terrenormande — qui servit de thème à un auteur, au nom prédestiné : BlaisePetiveau, dans ses rimes sur « les animaux peints par eux-mêmes » :

C'est nous les bœufs, les bœufs tranquilles,
Qui serions heureux comme tout,
Si, par un destin moins hostile,
Nous n'étions marqués que de roux.

Fréquemment, nous entendons dire :
« On n'est pas des bœufs ! » Dieu merci !
Notre pauvre cœur se déchire,
De ne pouvoir le dire aussi.

A perpète célibataires,
Nous sommes rangés, sérieux.
Jamais on ne vit sur la terre
Personne de plus pot-au-feu.

Etre des bœufs, fâcheuse affaire !
Toujours oncles, toujours cousins.
Jamais maris et jamais pères,
Tel est notre triste destin.

***

Toute plaisanterie à part, faisons remarquer que la boucherie atoujours apprécié les qualités du bœuf normand, parce qu'il fournit uneviande juteuse, savoureuse, excellente, et cela se conçoit d'autantmieux que, dans la majorité des cas, les bœufs normands sont engraissésà l'herbe; leur poids peut atteindre 1.100, 1.200 kilogr. et plus.
 
L'engraissement des bœufs devra être, dans l'avenir — lorsque, après laguerre, notre cheptel sera complètement reconstitué — une source derevenus aussi importants que ceux procurés par l'industrie laitière.
 
Nous reviendrons sur cette question, car nous ne devons rien négligerpour faire apprécier les richesses de la production animale de laNormandie, et faire valoir, en particulier, les réels mérites, lesbrillantes qualités de ses bovidés.

Henri BLIN,
Lauréat de l'Académie d'Agriculture de France.

  (1) A ce sujet, il est utile de rappeler qu'aux termes de la loi du 7 avril 1917, relative à la Mise en culture des terres abandonnées,et conformément au décret en date du 30 juin 1917, les départements,syndicats de communes, communes, sociétés coopératives ou associationsagricoles, qui veulent entreprendre des travaux de culture dans lesconditions générales fixées par la susdite loi, peuvent recevoir, parl'intermédiaire des Caisses régionales de Crédit agricole mutuel, pendant la durée de la guerre et de la campagne agricole qui suivra la cessation des hostilités, des avances spéciales de fonds pour ces opérations.    H. B.


*
* *

Une Enquête
 
Les Syndicats agricoles de nos régions ont reçu des sous-comités d'action économiqueune demande de renseignements, à fournir le plus tôt possible, au sujetde la prochaine récolte des pommes à cidre, afin d'éviter le pluspossible qu'il en soit perdu. On envisage, pour la cueillette, l'emploide la main-d'œuvre scolaire les après-midi de beau temps, sous lasurveillance des maîtres ou maîtresses. On s'occupe aussi d'organiserau mieux le transport des pommes ; les wagons employés devront êtrechargés à 10.000 kilos (soit environ 380 rasières.) En dépit de lanavrante lettre qu'on lira plus loin, nous applaudissons à cet essaid'organisation fait à temps — enfin ! — pour une fois, et noussouhaitons ne jamais revoir les pommes normandes — et bretonnes surtout— prendre le chemin de la Suisse, donc de l'Allemagne — d'où ellesrevenaient ensuite sous la forme de ces innombrables bouteilles de fauxchampagne qui, en temps de paix, ont tant nui dans le monde entier aucommerce et à la renommée de nos grands vignobles champenois... où l'onva, une fois de plus, vendanger au bruit du canon. - N.

*
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GASPILLAGES !
Quand nous organiserons-nous ?
 
 
Notre éminent compatriote et ami, M. Emmanuel Boulet, membrecorrespondant de l'Académie d’Agriculture, vient, comme président du Syndicat agricole du Roumois, d'adresser au ministre du Ravitaillement la lettre suivante :

SYNDICAT AGRICOLE DU ROUMOIS
Siège Social : Bosc-Roger-en-Roumois (Eure)

Bosc-Boger-en-Roumois, le 24 juillet 1917.
A Monsieur le Ministre du Ravitaillement, à Paris

Monsieur le Ministre,

J'ai l'honneur de vous exposer que l'un de nos adhérents du Syndicat Agricole du Roumois,agriculteur exploitant une ferme importante, qui est mobilisé depuis ledébut des hostilités, « poilu » remplissant courageusement son devoir,sous-lieutenant décoré de la Croix de guerre, m'envoie du front lalettre ci-dessous que je copie textuellement. Je crois de mon devoir devous en donner connaissance dans l'intérêt général :

« Monsieur et cher Président,

   « C'est encore sous le coup de l'indignation la plusviolente que je vous écris afin de vous signaler une énormité, je diraiplus : un crime. Je suis arrivé hier dans un petit pays de l'Aisne à quelques kilomètres de la ligne de feu ; or j'y ai compté, dans la superficie d'un canton, environ deuxcents meules de blé non battu datant de l'année dernière. Je n'ai paspu voir toutes celles que les obus ont brûlées, mais j'en connais une,datant de 1915, dans un pays que les Roches n'ont jamais occupé ni même bombardé. Cette dernière meule est totalement dévorée par les rats et j'estime que danscette seule meule il y avait pour sept à huit mille francs de blé etpaille il y a deux ans. Plusieurs cultivateurs de l'endroit ont leurgrenier qui fléchit sous le poids du blé battu de l'année dernière : les rats y font bombance, mais le pain est rare à la ferme.D'où provient cette situation ? De deux choses : 1° le manque absolu dematériel de battage ou de combustible ; 2° la défense absolue de sortirun quintal de blé du département.

« Et l'on s'inquiète de la soudure, et l'on achète à prix d'or du bléen Amérique, et l'on crie : Semez du blé ! Plusieurs vieux cultivateursm'ont dit, la larme à l'œil : « Je ne sèmerai pas de blé au moisd'octobre pour le voir perdre l'année suivante... » Et je n'ai rienrépondu, car devant une pareille invraisemblance administrative, il n'ya rien à répondre ; mais je voudrais que l'homme responsable d'unpareil crime soit livré aux femmes de Paris qui mangent du pain bis etne sont pas sûres d'en trouver demain.

« Je vous écris cela, Monsieur et cher Président, car je sais que vousavez toujours défendu la cause nationale partout où elle touche laculture et je crois qu'il est grand temps de pousser le cri d'alarmepour que l'administration fasse son devoir comme nous faisons le nôtre.Il faut que le combattant dans la tranchée soit sûr que sa femme et sesenfants ne manqueront pas de pain demain. Or, devant une telle incurie,beaucoup s'inquiètent à juste titre.

« J'espère que votre santé est bonne. Ici, nous venons d'en voir dedures, et je crois que nous allons prendre un repos bien gagné.

« Veuillez agréer, etc... »
 
Le membre du Syndicat agricole du Roumoisqui m'envoie cette lettre, datée du 18 juillet, et reçue hier, est unhomme, des plus sérieux et qui ne dit certainement que ce qu'il a vu.C'est pourquoi je prends la liberté de vous adresser cette copie avecl'espoir qu'elle pourra vous servir utilement dans l'intérêt du pays etde la défense nationale, et je vous prie d'agréer la respectueuseexpression de mes sentiments les plus distingués.

Emmanuel BOULET,
Président du Syndicat Agricole du Roumois,
Membre correspondant de l’Académie d’Agriculture de France,
à Bosc-Roger-en-Roumois (Eure).
 
Nos renseignements personnels nous permettent d'ajouter quel'invraisemblable fait signalé a pu être constaté, en outre, cent fois dans la Somme et dans le Pas-de-Calais. Quand les autorités militaires consentiront-elles à coordonner certains de leurs actes avec les actes des autorités civiles ?

G. N.

*
* *

Le Congrès
de la
Fédération Régionaliste Française

L'idée principale qui nous animait tous lorsque, sur l'initiative del'orateur étonnant et de l'admirable apôtre Charles-Brun, nous créâmes la Fédération régionaliste française,était celle-ci : mettre d'accord sur un programme minimum lesrégionalistes de toutes opinions et de toutes écoles. Il y a desquestions et des principes sur lesquels tous les Français peuvent etdoivent être d'accord. La F. R. F., au rebours de trop d'organisations,cherche ce qui doit unir et non ce qui peut diviser. Le dernier Congrèstenu à Paris, du 29 mai au 2 juin 1917, auquel participèrent plus desoixante groupements des provinces, de toutes les provinces, a démontréque l'idée régionaliste a fait, dans l'opinion publique, des progrèstrès significatifs. Il n'est plus téméraire de croire — et JeanHennessy l'a prouvé magnifiquement à plusieurs reprises que lerégionalisme français a dépassé les limites de la théorie et que nousferons de lui une réalité, à brève échéance, si nous savons vouloir etsi nous coordonnons convenablement nos efforts. Il est agréable auxouvriers de la première heure que nous sommes de constater que l'idéecomme le sentiment régionaliste, nés de la race et de l'histoire, n'ontpas été, tomme tant de doctrines, anéantis par la guerre qui, bien aucontraire, a eu pour effet constaté de les mieux dégager, de lesaccroître et de les renforcer.
 
Pour illustrer ce que je viens d'écrire, je prierai mes lecteurs deméditer sur les noms de quelques congressistes et sur les doctrinessouvent contradictoires, en apparence, qu'ils représentent.

Aux réunions qui se succédèrent deux et même trois fois par jour, du 29mai au 2 juin derniers, prirent activement part, entre cent autres :Léon Bérard, ancien sous-secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts ; LouisMarin, député de Nancy, président de F. R. F. ; Charles Dumont, ancienministre ; les députés Charles Leboucq, Jean Hennessy, Maurice Spronck,Grousseau, marquis de l'Estourbeillon ; l'économiste (et littérateur)J. Charles Roux; MM. Charles Lamy, président de la Chambre de Commercede Limoges ; du Maroussem, G. Risler, Coquet, G. Lecarpentier, G.Blondel, Razous, Lepelletier ; les écrivains : Charles Le Goffic, notrecher et respecté demi-compatriote, Eugène Le Mouel, mon glorieuxcamarade angevin Marc Leclerc ; le grand sculpteur berrichon JeanBaffier ; le critique d'art Léon Rosenthal ; les agronomes Bossu,Coquidé, R. de Clermont ; les universitaires Jean Amade, Sarrieu, Grès— et leur chef, comme il est le nôtre à tous, J.-Charles Brun ; lesjuristes Jules Mihura, Boucheron, Barré, Macaigne ; les médecins Foveaude Courmelles, Bertillon, Le Fur, Pujo ; M. Barré, conseiller à la Courdes Comptes ; M. A. Glorieux, secrétaire général de la Plus grande Famille — groupes du Nord ; Mlle Tarrade-Page, déléguée de l'Art de France, etc., etc.

Qu'on réfléchisse aussi sur les vœux émis par ce Congrès. Ils sont tropclairs, trop lourds de substance et trop significatifs pour que je lescommente autrement qu'en disant d'eux, après Le Monde Industriel et Commercial, qu'ils apparaissent comme les premiers Cahiers des Provinces françaises faisant entendre leurs doléances. Voici intégralement ces vœux :

Le Congrès de la Fédération régionaliste française, réuni à Paris, du29 mai au 2 juin, a émis, dans sa séance de clôture, tenue au Muséesocial, sous la présidence de M. J Charles-Roux, ancien député deMarseille, les vœux suivants :

Que soit préparée activement,en vue d'une réalisation aussi rapprochée que possible, la création etl'organisation de régions, fondées sur le groupement des « PAYS » en vue de l'obtention de leur indépendance morale et administrative ;

Qu'un cartographe soit chargé d'établir la carte des « PAYS » qui serviront de base à la constitution des régions ;

Que la Fédération régionaliste française etles associations régionalistes affiliées s'appliquent de plus en plus àsaisir l'opinion publique de la question du régionalisme et que, dansce dessein, des campagnes de conférences et de presse soient organiséesdans chaque région ;

Que les élus du Parlement créent, sans tarder, un Groupe Régionaliste à la Chambre ;

Que les parlementaires soient invités par la Fédération régionaliste française et les associations régionalistes affiliées à l'examen des projets de loi ayant pour objet la constitution de régions ;

Que, sans plus tarder, soientconstitués de grands syndicats régionaux d'initiative qui, autour desquinze villes principales de France, susciteront la prospection dusous-sol et la généralisation  des  secteurs  électriques ;

Que ces syndicats obtiennent, s'il est possible, l'approbation des Conseils généraux, en s'appuyant sur l'article 89 de la loi de 1871,et constituent ainsi des unions interdépartementales, complètementdifférentes des circonscriptions de corps d'armée qui ne sauraientservir de base à une véritable organisation régionaliste ;

Que la législation de 1912 sur l'autonomie des ports soit immédiatement révisée dans un sens libéral et pratique ;
 
Que, conformément à la proposition de la Ligue de représentation professionnelle et d'action régionaliste,le gouvernement, dans le plus bref délai, dépose un projet de loitendant à la Constitution de régions ; qu'un vaste mouvement soitorganisé dans le pays afin de préparer l'opinion publique à la réforme; que l'assemblée régionale à prévoir soit élue par le suffrageuniversel organisé en vue de la représentation des intérêts ;

Que, conformément à la proposition du Groupe des chefs de familles nombreuses du Nord et des régions envahies (section de la Plus grande Famille),la création de la région étant intimement liée à la restauration de lafamille, la famille devant être considérée comme l'élément essentiel dela région, ainsi qu'elle l'est de la patrie, la création de la régionsoit étudiée et réalisée avec la préoccupation principale de répondreaux besoins impérieux et aux vœux de la famille française dont laconservation, la sécurité, la prospérité sont les facteurs essentielsde la conservation, de la sécurité, de la prospérité de la région,comme de la patrie elle-même.

*** 
 
Que les instituteurs soientsoustraits à l'autorité des préfets pour être rendus à celle de leurschefs hiérarchiques, les Recteurs d'Académie ;
  
Que l'enseignement rural soit organisé en prenant pour base les spécialités agricoles appelées « PAYS »,et que cet enseignement soit confié à des exploitants responsables,simplement subventionnés, afin d'assurer la rémunération desprofesseurs proprement dits ;
  
Que le choix des instituteurset institutrices soit dirigé de façon à inspirer aux jeunes générationsle goût et l'amour du travail des champs : l'instituteur doit être unrural supérieur et non un déchet des catégories urbaines ;

Que les instituteurs, nedépendant plus du préfet, mais de l’Université, reçoivent desdirections leur permettant d'orienter leur enseignement dans un sensrégional en faisant connaître et apprécier aux enfants non seulementles produits du sol et les beautés de la région, mais encore lesmétiers locaux et l'intérêt qu'ils ont pour les enfants du pays ;

Que les régionalistes agissent,par tous les moyens dont ils disposent, auprès des municipalités, desélus de la nation, des pouvoirs publics, de tout groupement qu'ilssauront acquis à la cause du régionalisme et, tout particulièrement desSyndicats régionaux d'initiative, afin de favoriser la création de Musées régionaux quisoient la représentation concrète de la région, de sa nature, de sonhistoire, de ses ressources actuelles, etc., etc., et que, au besoin,les délégués de la F. R. F. prennent eux-mêmes l'initiative de ces créations ;

Que le Ministère de l'Instruction publique favorise, par des instructions adressées à qui de droit, la création de Musées scolaires régionaux,représentation concrète de la région, dans les établissements de sonressort, mais plus particulièrement dans les écoles primaires ;

Que le travail manuel éducatif soit pratiqué dans les écoles de tous les degrés ;

Que, autant que possible et defaçon à assurer le fonctionnement régulier du machinisme agricole, lesSyndicats et groupements de toute nature fassent triompher le,principe, de l'interchangeabilité des pièces ;

Que les bibliothèquesrégionales soient groupées et qu'une entente soit réalisée entre lesSyndicats d'initiative afin d'établir un Guide général du voyageur à travers la France,qui, en même temps qu'il fournirait tous les renseignements habituels,réserverait une place à des renseignements de caractère éducatif ;

Que les décrets des 10 août et 30 décembre 1916instituant les Comités régionaux des arts appliqués, soient supprimés ;qu'ils soient remplacés d'urgence par les commissions prévues par laproposition de loi déposée par M. de l'Estourbeillon sur le bureau dela Chambre des députés ;

Que les pouvoirs publicssecondent de tous leurs efforts la création d'une Ecole ouvrièrerégionale, à Quimper, pour la région bretonne, sur les principesadoptés par le Comité d'organisation de cette œuvre et invitent lesmembres du Comité central technique des arts appliqués à s'y intéresserdirectement ;
  
Que les Syndicats ouvriers etpatronaux de chaque région constituent des Chambres d'industrie ou demétiers, représentant les intérêts de la corporation qui serontchargées de préparer l'application de la loi sur l'apprentissage enfaisant connaître au ministère du Commerce les besoins de de chaquerégion ;
 
Que les Chambres de métierssoient également chargées de surveiller les Cours professionnelsexistants, d'en créer de nouveaux et se tiennent en rapports constantsavec les Comités départementaux de l'enseignement technique qui devrontles consulter pour tous les projets concernant l'apprentissage et lesCours de perfectionnement ;
 
Que l’enseignement donné dansles Ecoles des Beaux-Arts de province ait un caractère nettementrégionaliste et que l'on y étudie surtout l’architecture traditionnellede la région ;
 
Que, outre l'enseignement del'histoire locale préconisé par M. Maurice Faure, il soit donné, dansles établissements d'instruction publique, primaires ou secondaires, uncommentaire philologique du parler de la région (patois ou dialecte) ;
 
Que, tout particulièrement enBasse-Bretagne, la langue bretonne ait accès dans les écoles, lycées etcollèges de l'un et l'autre sexe, selon les vœux plusieurs foisexprimés par l'Union régionaliste bretonne et la Fédération régionaliste de Bretagne,et conformément aux indications déjà données à ce sujet par la Facultédes Lettres de l'Université de Rennes et par différentes personnalitésuniversitaires ;

Que les régionalistes aident etencouragent la formation de Comités locaux ou régionaux pour lacréation de « Maisons de tous », telles que l'Alliance d'Education Sociale et Civique ena étudié l'aménagement et en sollicite la création, et s'assurent ainsiune part importante dans l'aménagement et le fonctionnement de ces «Maisons » ;

Qu'une presse réellement régionalistesoit organisée, bien décidée à répandre autour d'elle le patriotismelocal, base du patriotisme français, et à émanciper l'opinion desruraux d'une presse centraliste et trop théorique ;

Que les femmes françaises, parune sage économie des ressources particulières à leur région et uneintelligente répartition de ces ressources, se préoccupent d'équilibrerles déficits qu'offrent les récoltes ou les produits industrielssimilaires dans d'autres régions ;
  
Qu'elles prêtent leur appui aux délégués de « l'Ecole des Economies » qui,par leurs indications, leur permettront, d'une part, de réduire leurconsommation et, d'autre part, en facilitant les échanges entre lesrégions, de contribuer efficacement à l'atténuation de la criseéconomique actuelle.

Georges NORMANDY.

Nota. — Les demandes de renseignements et les adhésionspeuvent être adressées à M. Ch. Brun, délégué général de la Fédérationrégionaliste française, 22, rue Delambre, à Paris.    G.N.
 
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Nous continuerons dans le prochain numéro l'étude sur les RICHESSES MINIERES DE NORMANDIE,mais il nous est impossible de faire état des renseignements trèsintéressants, qui nous ont été adressés par des correspondantsanonymes, sans qu'ils se soient fait connaître. La plus complètediscrétion leur est d'ailleurs assurée.

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L'Hôtellerie Française et Régionale
 
Les Français avaient acquisune renommée universelle dans « l'Art de la Cuisine » ; toutes lesgrandes cours d'Europe avaient un cuisinier français, mais, en France,avant la guerre, nos grands hôtels étaient dirigés par des étrangers(des boches presque toujours), qui imposaient leurs menus compliqués.
  
Débarrassée, pour toujoursespérons-le, du cauchemar boche, l’Hôtellerie française qui doitprendre une plus grande extension, devra modifier ses méthodes pourrevenir au véritable caractère national.
 
Dans une de ses dernièrescauseries sur la Cuisine française, M. Prosper Montagne insistait pourqu'on revienne à nos succulents plats régionaux, dont la France seule possède le secret, grâce aux produits de son sol.
 
Pour revenir à ces anciennestraditions, qui devront s'allier aux améliorations modernes réclaméespar les Touristes, les hôteliers trouveront le meilleur appui près d'unnouveau groupement qui vient à son heure : La Chambre Nationale de l'Hôtellerie française.
  
Constituée le 31mai dernier, dans une réunion présidée par M. Fernand David, ministrede l’Agriculture et Président de l'Office national du Tourisme, et danslaquelle étaient représentés 102 fédérations, unions ou syndicats locaux, départementaux ou régionaux, la Chambre Nationale de l'Hôtellerie françaisea élu un Conseil d'administration dans lequel figurent lesreprésentants les plus autorisés de l'Hôtellerie française et parmilesquels, nous sommes heureux de relever les noms de deux membres de l'Hôtellerie Normande : MM. Lebrun, de l'hôtel de la Poste, à Rouen, nommé trésorier, et M. Ducoudert, du Grand-Hôtel de Dieppe.

Nos félicitations à ces deux compatriotes qui peuvent compter sur le concours de Normandie, dans toutes les questions hôtelières intéressant la région.

A. M.

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Colombine sauvée
Ballet-pantomime en un acte et quatre tableaux
Par Jean Lorrain


DEUXIÈME TABLEAU

Un endroit vague enveloppé de mouvantes ténèbres. Au milieu de lascène, COLOMBINE endormie ; douze femmes voilées, debout, font cercleautour d'elle. Un rai de lumière tombe sur COLOMBINE.

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Normandie, revue régionale illustrée mensuelle, n°5 - Août 1917.Minuit sonne. Les douze femmes voilées s'éclairent : ce sont douzeArlequines jaunes et noires, pailletées d'argent. Elles dansent uneronde autour de COLOMBINE qui est vêtue de gaze d'or.

Pendant qu'elles dansent, les ténèbres se dissipent. On est au fondd'un immense parc bleuâtre avec charmilles et terrasses venant mourirsur la scène par un grand escalier ; dans le fond, un grand étang bordéde montagnes escarpées et chimériques rappelant le décor de l'Embarquement pour Cythère.Sur une des terrasses, à gauche, se profile la colonnade d'un petittemple à l'Amour. Un clair de lune féerique baigne ce parc de rêve :atmosphère lumineuse et bleuâtre. On est dans l'île de Cythère.

COLOMBINE sommeille toujours. Un Arlequin mauve et noir,celui du premier tableau, paraît sur l'escalier ; les Arlequinesdansent en l'appelant par des gestes et en lui montrant COLOMBINE endormie. Arlequin accourt en dansant vers COLOMBINE ; les Arlequines se dispersent. Arlequin s'agenouille devant COLOMBINE, la contemple et dépose sur sa bouche un baiser.

Pas de deux avec Arlequin essayant de la séduire.

Après quelques pas de poursuite, COLOMBINE émerveilléepar ce qui l'entoure, se laisse atteindre. Arlequin l'amène, doucementenlacée, sur le bord du théâtre et là, emprisonnant sa taille dans uneécharpe de soie, lui montre du doigt le petit temple de l'Amour.

COLOMBINE hésite encore, mais sur un signe d'Arlequin,une musique amoureuse et douce s'élève, toute de violes et de flûtesd'amour, le petit temple s'éclaire et sur son piédestal la statued'Éros s'anime et voilà que, par la droite, processionne lentement, setenant enlacés, le cortège enrubanné des pèlerins et des pèlerines del'île.

Costumes de l'Embarquementde Watteau. Ils traversent lentement la scène, deux par deux, en camailet dominos jonquille bleu-lunaire et violet pâle ; quand les dominoss'entr'ouvrent, on voit que les pèlerines sont des Colombines lilas etjaunes et les pèlerins des Arlequins. Ils gravissent l'escalier quiconduit au temple et se groupent en diverses poses, de degrés endegrés, éclairés par la lune.

COLOMBINE extasiée les regarde et se laisse poser surles épaules un camail et un domino de pèlerin ; Arlequin lui-même revêtle même costume et prenant la main de COLOMBINE, ils se dirigent tous deux vers le temple de l'Amour.

A ce moment, PIERROT surgit et leur barre le chemin ; il fait des reproches à COLOMBINE qui veut fuir et provoque Arlequin ; celui-ci insulte PIERROT et met l'épée à la main. PIERROT en fait autant. COLOMBINE essaye en vain de les séparer ; des pèlerins l'entourent qui l'empêchent de se jeter entre les combattants : le duel a lieu.

Ils se battent.

PIERROT percé de part en part, tombe mort toutéclaboussé de sang ; le temple de l'Amour s'écroule ; une nuit sombreenvahit la scène ; la foule des Arlequins et des Colombines se disperse.

COLOMBINE reste seule, agenouillée près du cadavre de PIERROT... Tandis qu'au-dessus de l'étang bordé de montagnes, fantastique, se lève une énorme lune couleur de sang.

RIDEAU

(A suivre.)


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Manmam (1)

Quand ej veux caoseir 'd tei, manman,
Jai 'l cueur si plein qu'ej tremb' ei pleure,
Ei 'q dans mei, la parole 'd'meure
Comme eun chagrein, comme eun tourment.

J'ai 'l cueur si plein qu'ej tremb' ei pleure,
Quand 'j tei veis m'ainmer comm' tu feis,
J'sieus jaloux deis biaux jours d'aut' feis ;
Bitôt viux, j'ai co paoux 'q tu meure.

Quand 'j tei veis m'ainmer comm' tu feis,
Ei tout' dolente, ei tout' fleutrie,
M'êt' co bonn' comm' eun' saint' Marie,
J mei dis quei 'l bon Guieu 'l fait expreis

Ei tout' dolente ei tout' fleutrie,
Dei 't quitteir vivr' aco queuq's ans
Pou' servir d'exempl' à t's effants
Ei leu t'nir la main d'vant la vie ;

Dei 't quitteir vivr' aco queuq's ans,
Pou' m' dorlotteir quand j'ai 'd la peine,
M' dir' où 'q el chemin 'q ej prends meine,
E m' laisseir p'tit gars pus longtemps.

Gaston LE RÉVÉREND.

(1) Ce poème inédit fait partie d'une plaquette illustrée,
écrite en patois normand du Lieuvin, sous le titre : L'Huis entresbayé,
qui paraîtra après la guerre.
N. D. L. R.

Encore...


Encore un pas, ou deux, sur la pente très dure
Où l'on traîne, en montant, de la nuit après soi.
Encore un peu de souffle, encore un peu d'émoi :
Sur la cime des monts brille l'aube future.

Encore un bond, soldat que la guerre torture ;
Encore de l'argent, riche : telle est la loi ;
Encore du travail, toi qui vis sans emploi ;
Encore un cran déplus, bourgeois, à ta ceinture !

Encore une souffrance en votre chair, héros !
Puis vous défilerez, au son des allégros,
Bombardés de bouquets qui fleuriront vos armes.

Femme qui chancela sous des coups douloureux,
Encore d'autres deuils pour ton cœur valeureux :
Le bonheur des demains se paie avec tes larmes.

Jean MIRVAL (Georges LEBAS).

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PAYSAGES NORMANDS

Après un repas de Noces…
 
Normandie, revue régionale illustrée mensuelle, n°5 - Août 1917.Après un repas de noces chez un riche cultivateur du hameau deSourdeval, une longue file de voitures emporta les nombreux invitéspour la traditionnelle excursion digestive, sur la route d'Etretat auHavre. Nous étions cinq messieurs dans le même landau, conduit par leloueur en personne. Par cette fin d'après-midi de juillet, le soleilnous rôtissait la peau, à travers le drap noir de l'habit de cérémonieet ne nous donna point de repos, qu'il ne nous eut fait, tour à tour,ôter et remettre le haut-de-forme sur notre tête, autant de fois quenous passâmes d'une plaine brûlante et dorée de « cossards », à unesombre « cavée » d'une sépulcrale fraîcheur.

Plongé dans une rêverie délicieuse, je regardais défiler, derrière lafumée tremblante de nos havanes, ce coin riant de campagne cauchoise,tout imprégné du souvenir des artistes qui l'aimèrent passionnément etdes œuvres enthousiastes qu'il inspira — obsession si chère à mon cœur.

J'éprouvais, à contempler ce paysage, la même délicate jouissance qu'àfeuilleter pour la première fois, les plus jolies pages normandes du Chemin le plus court ou d'Une vie.Les pittoresques accessoires du décor de ces romans fameux, je lesretrouvais dans cette « caverne » bleue de berger, isolée dans un parcà moutons, dans ce tilbury de paysan, à roues jaunes, traversant unecour plantée de Sainte-Marie-au-Bosc : dans ce poirier géant, auxlarges branches où, quand le soir approche, les volailles se juchent, àla façon des personnages d'un arbre généalogique.

Puis, ce fut la vision soudaine de cette valleuse solitaire deBruneval, admirée de tant de peintres et d'écrivains, dont la gloirerayonne aujourd'hui sur son nom et qui en firent comprendre la sauvageet chaotique beauté. Combien d'entre eux, au sommet de ces pentesensoleillées, parmi les genêts, les fougères, les bruyères roses, de cide là assombries par les joncs marins, demeurèrent à songer, les yeuxfixés sur la mer infinie, aux reflets de soie bleue !
 
A mesure que notre calèche dévale les bas-fonds de Bruneval, un vapeurprofile plus nettement sur le ciel pommelé, sa fumée effilochée et, surle varech des éboulis de rochers, on distingue un douanier méditatif...Oui, c'est là qu'ils vinrent, jeunes, timides, ambitieux, former lerêve de pouvoir un jour, dans quelque villa discrète, vivre cachés,avec un nom célèbre. Puis, plus tard, désabusés, en dépit del'enivrement du succès, c'est au clapotis des flots mousseux, augrondement sourd des vagues bondissantes et légères, qu'ils demandèrentde nouvelles sensations d'art et le retour des illusions perdues.

Et nous arrivons dans la commune de Saint-Jouin, devantl'Hôtellerie-Musée de la Belle-Ernestine, bien choisi comme but denotre, nuptiale randonnée, dans laquelle je persistais à ne voir qu'unpèlerinage artistique.

***

Par une allée couverte, à la courbe solennelle, bordée d'autospoudreuses, longeant une haie de lauriers bien taillés, nous pénétronsdans un verger où des « parisiens » et des « américains d'Etretat »,des négociants havrais en goguette, dînent, assis devant de petitestables à nappes blanches, placées dans l'herbe, sous les pommiersfeuillus. A l'approche de nos voitures usagées, dont des roues fontcrier terriblement le galet, les têtes d'hommes grisonnantes etglabres, les visages fardés de femmes, dont une écharpe orange ou vertedissimule les coiffures excentriques, se tournent à demi vers nous etleurs rires éclatants, un instant réprimés, fusent de plus belle sousles ombrages frais. Serait-ce que de nos jours, il y a plus debizarrerie à voir paraître dans un clos de pommiers une noce vraimentnormande, qu'une réunion de plagistes et de citadins exhibant les modesles plus extravagantes de Paris et d'ailleurs ?

Des servantes stylées tiennent haut les plats fumants, vont et viennentdu verger à la maison blanche et d'apparence modeste qu'est l'Hôtel deParis, cité dans tous les Joanne et les Conty.

Ayant mis pied à terre, nous reconnaissons avec plaisir — pour l'avoirdéjà vue en carte postale, photographiée en costume cauchois, — laBelle-Ernestine d'autrefois, la respectable Madame Ernestine Aubourgd'aujourd'hui. Pensive et lente à se mouvoir, un couvert à la main,l'air « bonne maman », elle répond à notre demande d'autorisation devisiter son célèbre musée, par un oui, qui est tout un poème derésignation aimable et de mélancolie souriante.

Comme je la comprends ! Ce n'est pas à ces touristes modernes,exclusivement adonnés au sport et au négoce, absorbés par les tracasfinanciers et les préoccupations mondaines, qu'elle aime à révélerl'intimité originale de son passé et ses souvenirs personnels de femmequi a vu de près des grands hommes, nos gloires nationales. Ce qu'ilsdoivent lui paraître fats et superficiels, ces visiteurs autoritairesqui jettent en passant un jugement bref et dédaigneux de blasés, surles œuvres exposées chez elle et sur leurs auteurs ! qui singentcependant l'allure étrange des artistes, qu'ils méprisent au fond, dontils jalousent la notoriété, le prestige et les honneurs ! L'aimablehôtelière trouve, il est vrai, une compensation notable à tout cela,dans les louanges monnayées à l'adresse de ses excellents menus. Sansdoute, la reconnaissance émue de ces dîneurs satisfaits, dont témoignel'album d'autographes ouvert à leur vanité, lui fait-elle admettre unattrait particulier à leur paraphe d'hommes d'affaires ets'irrite-t-elle moins d'être obligée de soulever un lot de cartes devisites commerciales, à l'entrée du vestibule, pour retrouver le nomprécieux d'un véritable dilettante et d'un sincère dévot de l'art !

Nous nous découvrons d'instinct en pénétrant dans la salle à manger etdans le « studio » car voici disposés avec goût sur les murs, unecollection de marines à l'huile, de paysages à l'aquarelle, de fusains,qu'envierait un musée municipal de petite sous-préfecture. Cesproductions — inspirées souvent par le charme du pays — représententautant d'hommages rendus jadis à la jeunesse et à la beauté, par despensionnaires,  la  plupart   devenus illustres.Libre à nous de voir également dans ces témoignages d'admiration, desraisons d'ordre économique ou sentimental. Cela se devine auxautographes qui sont légion, agrémentés les uns de croquis, les autresde notes de musique ; ils attestent en diverses langues, combienpeintres, musiciens et littérateurs contemporains de la BelleErnestine, furent sensibles au plaisir de rencontrer dans un village depêcheurs, agreste et retiré du pays de Caux, plein de charmes et dechemins creux, une hôtelière, enjouée et gracieuse, indulgente à leursréjouissantes manies et habile à retenir leur sympathie généreuse.Dumas fils n'exerça-t-il pas son humour en ces quatrains, crayonnés surun bout de papier, dévotement encadré :

La plus belle fille du monde,
Je la connais certainement,
Mais si vous croyez qu'elle est blonde,
Vous  vous  trompez  complètement !...

Elle pousse tout à l'extrême,
Gaieté, cœur et tempérament.
Mais si vous croyez qu'elle m'aime,
Vous  vous  trompez  complètement !

Vous avez là des lettres de Meilhac, dont l'encre est jaunie, des versde Parnassiens et de chansonniers Montmartrois, une longue épitre deSuzanne Brohan et le portrait dédicacé d'un acteur de laComédie-Française, le havrais Jacques Fenoux, ceint de l'armure etcoiffé d'un casque.

Mais soudain, tout s'efface pour moi, devant un modeste cadre de boisbruni. Une douce émotion m'étreint... Eloignez-vous, gens de la noce,gais et bruyants, laissez-moi seul devant la photographie de Guy deMaupassant. Laissez-moi regarder ces mots tracés de sa main : « AErnestine, son vieil amoureux platonique » et cette signature aimée detant de pages vibrantes et colorées, dont chaque ligne révèle unmaître. Le voici, tel que nous l'ont dépeint ceux qui le connurentjeune, avec ses cheveux à la Capoul, sa figure pleine reposant sur uncol rabattu et mettant une ombre légère, sur la régate et le veston degros drap à parements, de mode vers 1875 ; avec son front volontaire etsa forte moustache frisée, soulignée par la mouche qu1 l'assimilent unpeu à un farouche sous-officier campagnard. Celui qu'on appela « untaureau triste », vous regarde là de ses yeux sévères de pessimiste,mais on y retrouve, suivant l'une des jolies expressions tombées de saplume, « un peu des pays qu'il a vus. »

S'ils expriment, en effet, ces yeux, le désenchantement d'une existenceerrante, le néant d'un idéal de bonheur toujours fuyant, l'amertume desdésirs trop tôt réalisés, n'y voit-on pas briller cet amour sensuel duterroir normand qui déborde de son cœur d'homme de lettres, secommunique à nous, nous réconforte, nous fait aimer passionnément lavie ?

Quoi d'étonnant à ce qu'elle nous apparaisse moins laide qu'à lui, sinous éprouvons un contentement profond à y croiser des êtres meilleurset d'une plus grande élévation morale, que les personnages de sesromans et de ses contes ?

***

Gens de la noce, mes compagnons de voiture, je vous ai déjà vus dansMaupassant et Alphonse Karr, puisque, vous êtes l'ironique répétitiondes types créés par eux, mais le charme boisé et recueilli deSaint-Jouin vous enveloppe si bien, la mélancolie voluptueuse et mauvedu soir sur la mer nacrée, aux ondulations sans fin vous anoblit à cepoint, que je vous trouve vraiment beaux. Vous me consolez del'humanité des livres, augmentez ma tendresse pour l'admirable naturenormande, votre décor, qui m'exalte et me fait si ardemment désirer lebonheur !
                            
Paul VAUTIER.
Saint-Jouin-Bruneval, 13 juillet 1914.

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Pour l'Eglise de Jumièges
 
Le voyageur qui s'arrête àJumièges ne considère pas seulement les ruines de la splendide abbaye,— admirablement conservées d'ailleurs, grâce aux soins éclairés de MmeLepel-Cointet, — mais il considère aussi l'ensemble du paysage, et,dans ce paysage, l'église paroissiale de Saint Valentin, — modeste, etgrande par les travaux restés inachevés, de l'abbé de Fontenai, —collabore pour une grande part. L'église a de beaux vitraux, de jolieset naïves statues de bois coloriées, et sa situation charmante, touteentourée qu'elle est de son cimetière, dominant un peu la plaine. Ellea été classée en 1867 parmi les édifices départementaux. Or, dans le Journal de Rouen, du 18juillet, notre dévoué confrère Georges Dubosc nous apprend que l'églisede Jumièges est dans un état de délabrement absolu. Le portail estmenacé d'effondrement, la voûte en bois est pourrie, et pourraits'écrouler, les toitures et voûtes des bas-côtés exigent desréparations et les chapelles absidales sont fort dégradées. Il noussemble — et peut-être à cette heure, l'a-t-on déjà fait,— qu'il seraiturgent de saisir de cet état de choses la Commission départementale des Antiquités.Avec cette revue, toute dévouée par son nom à notre folklore, formulonsle vœu que la vieille petite église soit conservée telle à la Péninsuledont elle est, par son passé, après l'abbaye, un des plus  curieuxornements.

Gabriel-Ursin LANGÉ.

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Le Régionalisme dans l'Art et l'Industrie
 
Nous extrayons d'un rapport présenté au Comité des arts appliqués deNantes, par M. Chaussepied, architecte des monuments historiques, àQuimper, les lignes suivantes :
 
Il est bien certain que Paris tient toujours la tête de tout mouvementartistique ; mais il ne s'ensuit pas que les provinces qui possèdentaussi des artistes et des savants se laissent complètement absorber parla capitale et ne marchent qu'avec le mot d'ordre de Paris.

Nous réclamons notre indépendance parce que nous mourons de cette centralisation ; nous voulons faire du régionalisme,c'est-à-dire conserver dans nos arts, comme dans nos industriesfrançaises, le style régional qui les caractérise et les feraprospérer. N'était-ce pas, du reste, la pensée du gouvernementlorsqu'il instituait ces comités régionaux ? Nous devons travaillerensemble, mais garder chacun nos spécialités.

Nous travaillerons à faire revivre nos vieux métiers provinciaux ; nousvoulons, dans un nouvel effort, leur redonner un nouvel éclat, denouveaux débouchés ; le meilleur moyen n'est-il pas de travaillerensemble, de s'entendre tout en gardant ses libertés ?
 
Nous ne pouvons qu'approuver entièrement les suggestions de M.Chaussepied ; elles font partie du programme de cette revue qui saisiratoutes les occasions pour aider à leur réalisation en Normandie.

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Le « Bulletin des Normands de Paris »...
  
...fait à Normandie l'honneur extrême de découper, dans l'article consacré à Georges Bureaupar M. Georges Normandy, un long passage et de le reproduire dans sesnuméros 4, 5 et 6 de 1917 (page 99, c. 1 et 2), sans y changer unevirgule et sans citer le nom de l'auteur, ni la revue qui publia ceslignes originales.

Nous sommes, naturellement, fort satisfaits d'avoir collaboré, sans le vouloir, au Bulletin des Normands de Paris.Toutefois, nous serions reconnaissants aux rédacteurs de notreintéressant confrère, de citer leurs sources à l'avenir. Nous leurrappelons qu'en l'occurence, il s'agit, simplement, de tradition et destricte honnêteté... et que, par surcroît, ils se sont mis encontravention avec les règlements de la Société des Gens de lettres de laquelle M. Georges Normandy est membre et lauréat.    N. D. L. R.

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ÉCHOS DE NORMANDIE


SEINE-INFÉRIEURE
 
Pour les Cultivatrices.— Les Sénateurs de la Seine-Inférieure ont adressé dernièrement au ministre de l'Agriculture, la lettre suivante :

MONSIEUR LE MINISTRE,

Nous avons l'honneur d'appeler votre bienveillante sollicitude surl'opportunité que présenterait l'attribution de récompenseshonorifiques aux cultivatrices de nos campagnes de France, dontl'admirable énergie ne s'est pas démentie depuis le début de la guerre.Il semble qu'une promotion spéciale, dans l'ordre du Mérite Agricole, àl'égard des plus méritantes d'entre elles serait pleinement justifiéedès à présent.

Ces distinctions viendraient à la fois récompenser et soutenir lavaillance de celles qui ont si puissamment contribué à assurerl'alimentation du pays. Ce serait, pour ces excellentes Françaises unevéritable Croix de guerre.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, etc.

Louis BRINDEAU, Louis QUESNEL, Julien BOULAND, Auguste LEBLOND, Sénateurs de la Seine-Inférieure,
 
Cette initiative des représentants de la Seine-Inférieure, venant après celles du Syndicat agricole du Roumois et du Syndicat agricole du Calvados,dont nous avons rendu compte, recueillera l'approbation unanime de tousceux qui s'intéressent à l'agriculture normande, à laquelle, dans cetterevue, nous faisons une place aussi large que possible.
 
*** 

Il vient de se fonder à Rouen, sous le nom de Société Rouennaise de déchargements et au capital de 2.750.000 francs, une société de déchargements dont le siège est à Paris, rue du Louvre, 42.

*** 
 
La Société Havraise d'Etudes diverses, dont nous avons déjà parlédans notre numéro de juin, avait, au mois de mars dernier, demandé àtous ceux qui ont des idées pratiques ou des solutions heureuses àprésenter sur les problèmes économiques et sociaux qu'a fait surgir lasituation actuelle, de vouloir bien les lui soumettre.
 
Les questions qu'elle a indiquées, et que nous reproduisons ci-dessous,ne l'ont été qu'à titre de simple indication, ses correspondants ayanttoute liberté de choisir leur sujet :

Questions d'intérêt régional. — Des relations économiques entre unegrande ville et les campagnes avoisinantes. Rapprochement  de  leurs intérêts.

— De l'organisation et de la rémunération du travail agricole dans la région du Havre.
 
— De l'avenir du port du Havre, après la paix victorieuse. Ce qu'ildoit être dans l'intérêt national. Quelles améliorations sontdésirables au point de vue économique et administratif.
 
— Organisation pratique et efficace de l'assistance du Havre.

Questions d'intérêt général.

— Des Syndicats patronaux et ouvriers. Du look out et des grèves. De l'organisation et de la rémunération du travail.

— De notre situation économique après la paix nous accordant de fortes indemnités annuelles de nos ennemis.

Du Budget, des Chemins de fer, de la Navigation, des  Canaux,  des  Banques, etc.

— De nos relations économiques avec l'Allemagne après la paix victorieuse.

Les travaux devront parvenir à la Société le 30 septembre, au plus tard; ils seront examinés par des Commissions spécialement désignées et lesmeilleures études seront publiées dans le Bulletin de la Société. Deplus, il sera fait et remis aux auteurs, un tirage à part, de 50 à 300exemplaires suivant leur valeur et leur importance, des travauxretenus. Il est rappelé que les travaux inédits auront la préférence etque chaque étude ne devra porter qu'une devise répétée sur uneenveloppe fermée contenant le nom et l'adresse de l'auteur.

***
 
« Trois Normands ». — Sous ce titre, l'éditeur rouennais, HenriDefontaine, va réunir trois études de Georges Dubosc, sur PierreCorneille, Gustave Flaubert, Guy de Maupassant. De curieusesreproductions de portraits et photographies inédites, illustreront cebeau volume dont l'impression a été confiée à Lucien Wolff, lemaître-imprimeur, rouennais ; c'est dire la perfection avec laquellecette édition sera exécutée. Elle sera certainement très recherchée desbibliophiles. On peut souscrire chez M. Henri Defontaine, éditeur,41, rue de la Grosse-Horloge, à Rouen. Edition sur vélin, 6 francs.100 exemplaires numérotés tirés sur papier à la cuve des Papeteriesd'Arches, 12 francs.

CALVADOS

Exposition des Œuvres du sculpteur rouennais Robert Busnel. — Tousles amateurs d'art voudront visiter l'intéressante exposition, quivient de s'ouvrir à Caen, rue Saint-Pierre, dans les salles de laMaison Brunet, des œuvres d'un artiste normand, M. Robert Busnel,professeur de sculpture, réformé pour infirmité de guerre, que sesconnaissances anatomiques ont fait nommer chef du service orthopédiqueà l'Ecole départementale de rééducation des mutilés de la guerre, à laDélivrande. Elève de Philippe Zacharie et d'Alphonse Guilloux, àl'Ecole des Beaux-Arts de Rouen, il obtint une bourse de la ville quilui permit de suivre les cours de l'Ecole Nationale des Beaux-Arts àParis, où il eut pour maîtres, Injalbert et de Peter. Parmi sesnombreuses productions, un bronze du général Joffre fut acquis parl'Etat. Tout dernièrement, il exécuta un buste en marbre rte son amiRobert Dumarche, architecte, titulaire du Legs Lefrançois, de la villede Caen, tué à l'ennemi.

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Les Richesses Minières normandes. — Le Journal officiel a publié le28 juin dernier, un décret en date du 27 du même mois, rejetant lesdemandes faites par MM. Levassort et Mauger, et la Société d'Etudes etde Recherches de la Manche, ayant pour but des recherches minières surle territoire des communes de Créances et du Pérou, dans la Manche.

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La Chambre de Commerce de Caen a été autorisée, à prélever une sommede 71.000 francs, en vue de l'acquisition d'un remorqueur, sur leproduit des péages institués à son profit, au port de la ville, pardécrets des 20 mai 1915 et 1er mai 1917.
 
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Concours de la Société du Cheval de guerre. — La Société du cheval deguerre donnera à Caen, le 15 septembre prochain, un important concourspour poulains de demi-sang de selle, âgés de trois ans, comptant aumoins un auteur de pur-sang (étalon ou jument), dans leurs sixascendants directs. Ce concours est doté de 18.300 fr. de prix etprimes répartis comme suit : lre Catégorie. — Chevaux de 1 m. 55 à 1 m.58 ; 8.650 fr. divisés en 20 primes. 2e Catégorie. — Chevaux de 1 m. 59et au-dessus : 8.650 fr. divisés en 20 primes. 1.000 fr. à répartir parle jury à des chevaux particulièrement aptes à porter un très grospoids. Le registre des engagements sera clos le samedi 1er septembre àquinze heures.

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La Société Normande de Métallurgie, dont nous parlions, dans notrearticle du mois d'avril, sur les richesses minières de Normandie, aréalisé l'augmentation de son capital de 25 à 40 millions au moyen de60.000 actions de 250 fr. souscrites en espèces. Plusieurs sociétésparmi lesquelles les Hauts-Fourneaux et Fonderies de Pont-à-Mousson,les Cylindres et Laminoirs de Frouard, les Aciéries de Micheville seseraient intéressées dans cette opération.

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Syndicat d'action de défense agricole du Calvados. — M. le Préfet duCalvados a reçu une importante délégation de ce syndicat qui lui aexposé que la situation de l'élevage est rendue impossible par lesréquisitions qui s'exercent sur le cinquième de la récolte totale defourrage, déjà déficitaire, ce qui aura pour résultat infaillible ladisparition du cheptel bovin et hippique, la ruine de l'élevage, lararéfaction du lait et de la viande indispensables au ravitaillement dupays. M. le Préfet lui a promis son concours pour amener lamodification de cet état de choses si préjudiciable au pays. Ladélégation était composée de MM. Delarbre et Viel, vice-présidents,représentant le président ; M. Parin, empêché ; MM. Abel Michel,secrétaire général, maire de Cauvicourt ; Bonnet, trésorier, adjoint aumaire de Poussy ; Andrieu, Drouet, maire de Bellengreville ; Delaunay,maire de Croissanville ; Alfred Michel, Déchauffour, Coulibœuf etDulosier.

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L'Indicateur de Bayeux, précisait dernièrement le lieu de naissanced'Octave Mirbeau, l'auteur du Jardin des supplices, qui est né àTrévières, le 16 février 1848, et non à Regmalard (Orne), commed'aucuns le prétendaient. Son père, M. François Mirbeau, était médecin.Sur la tombe de l'écrivain, au Père-Lachaise, on a gravé cette penséetirée d'un de ses ouvrages, Lettres de ma Chaumière : « Ne haispersonne, pas même le méchant. Plains-le, car il ne connaîtra jamais laseule jouissance qui console de vivre : faire le bien. »

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NORMANDIE publiera dans son prochain numéro : Figures Normandes :Albert BOISSIERE ; l’Ecole de Fécamp : René CREVEL (avecillustrations) par Georges NORMANDY ; des poésies de Jean MIRVAL(Georges LEBAS), Gaston LE REVEREND, Paul VAUTIER ; la suite de Colombine sauvée, par Jean LORRAIN, illustrations de P.-J. POITEVIN,et des pages de Henri BLIN, A. MACHÉ, etc.
 
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Le Palmarès Normand

SEINE INFÉRIEURE
 
DESCHAMPS, LOUIS, sous-lieutenant au 119e régiment d'infanterie : «Officier d'une bravoure proverbiale ; est resté pendant dix joursconsécutifs en première ligne dans un secteur particulièrementmouvementé (ler-ll juin 1917) avec ses pièces enrayées ou ensevelies àchaque instant par le bombardement, et aussitôt après nettoyées etremises en batterie ; contribuant par son intervention opportune àbriser une attaque ennemie débouchant sur le front d'une compagnievoisine (1 blessure, 2 citations.) » Parti comme caporal à lamobilisation, M. Deschamps a gagné l'épaulette devant l'ennemi ; il estle neveu de M. Gacornin, épicier, rue de Crosne, à Rouen.

GERMAIN, JEAN-PHILIPPE, lieutenant d'artillerie, observateur àl'escadrille C-42 : « Les 3 et 4 juin 1917, grâce à des vols très bas,a rapporté les renseignements les plus précis ; est rentré avec sonappareil endommagé. Le 6 juin 1917, au cours d'une attaque allemande,est retourné plusieurs fois dans la journée survoler les lignes à bassealtitude pour déterminer une situation embrouillée. Le 7 juin 1917 estparti à dix-neuf heures, malgré un orage, et a pu définir la situationexacte de nos troupes, Est rentré avec un appareil criblé de balles. »M. Germain est le fils du distingué conseiller municipal de Rouen.

CALVADOS

LE 119e RÉGIMENT D'INFANTERIE : « Régiment d'élite, qui s'était déjàdistingué en Artois, à Verdun et à Bezonvaux. Ayant été durementéprouvé en juin 1917, a montré, moins d'un mois après, sous lecommandement du lieutenant-colonel Malvy, un magnifique héroïsme et unsplendide esprit offensif en soutenant pendant sept jours consécutifsdes combats acharnés au cours desquels il a repoussé toutes lesattaques ennemies et mené avec un entrain superbe, dans un terrainparticulièrement fortifié, deux attaques en terrain libre qui lui ontpermis de reprendre aux Allemands une grande partie du terrain queceux-ci nous avaient enlevé avant son entrée en secteur. » Le 119ed'infanterie, qui était en garnison à Lisieux, a déjà été cité àl'ordre de l'armée.
 
GUILLEMIN-TARAYRE, sous-officier du génie : « Faisant partie d'uneavant-garde, a fait preuve de courage et d'initiative pour faciliter laprogression de l'infanterie. Chargé d'organiser une partie destranchées ennemies, s'est élancé hardiment à l'assaut. A maintenu sonunité au travail sous un feu violent et meurtrier. Son chef de sectionétant tombé, a réussi, la nuit venue, à ramener dans nos lignes tousnos travailleurs. S'est retiré le dernier et après s'être assuré qu'ilne restait plus de sapeurs blessés. » M. Guillemin-Tarayre étaitarchitecte à Caen.

EURE

FORCINAL, capitaine d'infanterie : « Admirable officier qui, malgré sesblessures anciennes et qui le font encore douloureusement souffrir,fait preuve d'une force d'âme et d'une énergie à toute épreuve. A,pendant la première quinzaine de juin 1917, obtenu de sa compagnie,dans le secteur difficile et constamment bombardé du Mont Cornillet, unrendement remarquable, exerçant sur elle, en toutes circonstances, unascendant complet. » M. Forcinal, déjà cité, est le fils du sympathiqueconseiller municipal de Gisors.

DUMOUCHEL, LUCIEN, zouave au 4e régiment de marche : « Excellentmitrailleur. Le 25 avril 1917, devant la ferme de H..., a continué àassurer le tir de sa pièce sous le feu violent de l'ennemi. Exemple desang-froid et de courage pour ses camarades. » C'est la 4e citation duzouave Dumouchel, dont la famille habite Bazincourt ; il est engagévolontaire de la classe 17.

POUSSIN, lieutenant au 160e régiment d'infanterie : « Commandant decompagnie de mitrailleuses très actif, a dirigé personnellement le feude ses mitrailleuses sur une contre-attaque ennemie qu'il a faitavorter. » M. Poussin, dont la famille habite Gisors, rue de Paris, 55,mobilisé comme sergent-fourrier, a été blessé une fois et a gagné tousses galons devant l'ennemi.

WAGENHEIM, LOUIS, soldat brancardier, au 329e rég. d'infanterie : «Brancardier prêtre, d'un courage admirable et plein d'abnégation, s'estprodigué le 23 mars 1917 pour la relève des blessés n'hésitant pas à serendre, dans les endroits les plus exposés pour leur porter ses soinset les secours de son ministère. Blessé grièvement, a continué à lesexhorter par ses paroles et n'a quitté le champ de bataille que surl'ordre formel d'un officier. » Le R. P. Wagenheim, religieuxrédemptoriste, qui en est à sa troisième citation, a dû subirl'ablation d'un œil. Il est le fils de M. Wagenheim, de Sanvic, employéau Havre-Eclair.


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