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![]() Numérisation : O. Bogros pour la collection électroniquede la Médiathèque André Malraux de Lisieux (01.III.2014). [Ce texte n'ayantpas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement desfautes non corrigées]. Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros]obogros@lintercom.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusionlibre et gratuite (freeware) Orthographeetgraphieconservées. Texteétabli sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx :41060-nor598). NORMANDIE REVUE RÉGIONALE ILLUSTRÉE MENSUELLE DE TOUTES LES QUESTIONS INTÉRESSANT LA NORMANDIE Économiques, Commerciales, Industrielles, Agricoles, Artistiques etLittéraires PREMIÈRE ANNÉE. - N°7 OCTOBRE 1917 ![]() ~*~Vers une Action Normande I have taken up arms for the fields along the Boyne, for the birds ofthe blue sky over them... (1) (Lance-Caporal FR. LODWIDGE, Poète irlandais, tué en Juillet 1917.) I. — SES RAISONS D'ÊTRE Méditer a dix mètres sous terre dans l'un de ces tunnels boches, —véritable tanière à bêtes fauves — que la vaillante ténacité françaisevient d'arracher, en Champagne, puis à Verdun, au Germain têtu : yméditer sous un marmitage de brute obstinée, en songeant auxangoissants problèmes d'après-guerre, puis, recevoir de la Terrenatale, sous la forme d'une jeune revue régionaliste, un écho de sespropres préoccupations, voilà, je vous assure, une forte, saine etinoubliable impression ! Cette frêle brochure habillée de vert, commenos prairies natales et comme l'espérance, venant, au milieu de cestableaux de mort, symboliser nos raisons de tenir et de croire, quelleimage lumineuse et réconfortante dans la nuit de notre souterrain ! Jevous sais un gré infini de m'avoir procuré cette impression, composé cetableau. J'avais entendu parler de vous : la vérité m'oblige à dire que je vousavais accueilli avec scepticisme : « Encore une de ces Revues pour «personnes pâles », confectionnée par de petits jeunes gens aux brastrop débiles pour tenir un fusil, uniquement poussés par « quelque «prurit » littéraire ! Ah, non merci ! Que la guerre au moins, surtouten ce temps de crise du papier, ne permette pas ces fantaisiescoupables ; qu'elle apprenne la pudeur du silence à ceux qui n’ont rienà dire d'utile au grand œuvre qui s'élabore. Qu'ils se taisent et sesouviennent que c'est un de chez nous, Malherbe, qui a osé écrire : Unpoète est parfois moins utile à l'Etat qu'un joueur de quilles ! » Or, ce fut avec une surprise joyeuse que je lus votre programmeprometteur d'action féconde : vous m'aviez conquis puisque, vous aussi,vous preniez la plume pour agir et non pour parler. Trop rares, en effet, sont les esprits de l'arrière qui comprennent lagrandeur tragique du drame immense qui se joue sur la scène du monde,qui savent le prix de l'enjeu terrible : « To be or not to be ! » dela lutte sans précédent dont la France est l'Animatrice et la Victimeet dont elle ne peut pas, ne doit pas, sortir les mains vides. Je ne saurais donc résister au plaisir de vous crier : « C'est bien,cela ! Cette fois, vous « y êtes » et si vous suivez résolument cetteligne de conduite, nous n'aurons plus à déplorer cette sorte demalentendu funeste qu'à chaque permission, nous constatons entrel'avant et l'arrière. La liaison, cette chose essentielle, si difficileà réaliser dans le combat, la coordination des efforts, existent bienainsi : n'en perdons pas le bénéfice et permettez-mai, par ces notesrapides, jetées sur le papier au hasard des abris, réunies en un congéde convalescence, d'établir comme « une chaîne de coureurs » entre vouset nous. J'ose vous dire, sans fausse modestie, que nous pouvons vous êtreutiles. Ici on souffre, on vit gravement, on réfléchit, on compare etl'on s'efforce de conclure. Comme à la lueur d'un vaste incendie,apparaissent soudain les vices de construction, mais aussi la solidecharpente, les poutres, les colonnes maîtresses qu'on ne soupçonnaitpas à la vue d'une façade délabrée et qui permettent à un vieil édificede lutter contre le fléau, ainsi dans le grand cataclysme que nousvivons, se manifestent vigoureusement, à côté des points faibles quenous connaissions, les nobles sentiments, les vertus traditionnelles etles solides qualités auxquelles nous ne croyions bientôt plus et quiconstituent toujours le fonds résistant des forces morales etmatérielles d'un grand peuple. Nous sommes plus près de l'incendie etles détails de structure nous apparaissent mieux. En outre, l'action àlaquelle nous participons nous préserve de ce pessimisme si fréquentchez ceux qui, n'y ont pas une part directe : n'est-ce pas tout profitpour l'effort que nous entreprenons les uns et les autres en vued'assurer le bénéfice de la victoire ? Ici, enfin, on redevient «nature » ; l'artificiel tombe comme tombe l'enduit qui recouvrait unédifice lorsque celui-ci n'est plus défendu contre les injures dutemps. Le vernis social disparaît et l'on est heureux de trouver sousce brillant fragile, dans chaque individu, un substratum solide, uneforte armature, l'Ame française en un mot. Ah ! si vous saviez quelsmiracles elle a réalisés chaque jour souvent par les plus humbles denos poilus, cette Ame française retrouvée ! Comme vous maudiriez lesmauvais prophètes du : Finis Galliae ! Je tremble de colère quand jesonge que dans les années qui ont précédé la guerre, on maintenaitencore à la dignité de pontife officiel, le philosophe onctueux durenoncement qui avait eu le triste courage de donner à ce grand fougénéreux de Déroulède, ce conseil impie : « Jeune homme, jeune homme,la France se meurt, ne troublez pas son agonie ! » Puisque l'essentielde nos vertus ancestrales demeure — la guerre le démontre aux plusdécouragés — la Race peut, la Race doit se sauver. Eh ! bien ! il faut que l'eau profonde, désormais jaillisse de toutesparts et qu'elle fasse reverdir les frondaisons du vieux chêne gaulois— particulièrement chez nous, en « Roumare », en « Brotonne » ou en «Bellême » il faut que de la Mort surgisse la Vie. « Les morts fécondes» n'est-ce pas le sujet choisi par l'Académie Française pour sonprochain concours. Il faut qu'une fois de plus se trouve vérifiée laparole du philosophe : La guerre fait encore plus d'hommes qu'elle n'entue ! Pour nous, Normands, le sillon est tout tracé. Chantons la terre desaïeux, exaltons l'amour qu'on doit à la plus généreuse, à la plusnourricière des mères : que notre amour toutefois ne cesse pas d'êtreclairvoyant et surtout sagement réaliste. Comme des fils à l'affectionéclairée qui ont recueilli les fruits de l'expérience parmi de duresépreuves, cherchons les maux qui ont failli terrasser ce corpsvigoureux, et les remèdes. Ne vivons plus repliés sur nous-mêmes, enune « ignoble aise » selon la vigoureuse expression de Roosevelt, ausein de nos querelles stériles ; ayons le viril courage de reconnaîtreque dans le domaine des réalisations la France s'est laissée gravementdistancer — au point de mettre son existence même, en grand péril demort. Ayons cet autre courage de proclamer que nous avons perdu untemps précieux, gaspillé sottement en luttes fratricides et souvent parignorance, par paresse, des trésors moraux et matériels précieux entretous. Puis, ceci bien avoué, regardons chez le voisin, ami ou ennemi ;prenons-lui ce qu'il a de bon, mettons-nous à la tâche, opiniâtrement.Que par un acte fervent, persévérant, continu, de volonté, la Terre quimeurt devienne la Terre ressuscitée. Loin de nous la pensée d'écarter complètement le Rêve. Il est à la basede ces études, il en justifie l'épigraphe. C'est en songeant à monvillage natal si florissant autrefois, désert aujourd'hui, que j'aicompris notre devoir envers la Terre normande et que je trouve chaquejour la force de tenir. D'ailleurs n'est-il pas, ce Rêve, nécessaire àl'Action chez un peuple formé à la culture gréco-latine ? La Francedoit être : équilibre, harmonie, sagesse, mais elle doit être, avanttout : Force puissante. Nous pouvons bien dire que jusqu'à la guerre,l'équilibre avait été rompu au détriment de l'Action et des Réalités.La France, dupe de sa générosité native, avait versé dans l'Idéologiepour le seul profit des politiciens ; car ... La politique, voilà notre misère ! (A. DE MUSSET). Que l'âme ardente des descendants des Vikings, dirigée par la penséelatine, tempérée par un réalisme prudent qui est d'ailleurs au fond denotre vrai tempérament, se mette, sans plus tarder, au travail ; iln'est que temps. Surtout qu'elle ne s'abandonne pas à une sorte defatalisme encore en honneur hier, et si pernicieux ! Que retrouvant leschemins qui lui indiquent ses traditions, son histoire, elle soit bienconvaincue que c'est la Volonté et non le Hasard qui régit touteschoses. Ce sacrifice fait à la rhétorique, devenons réalistes nous-mêmes, et nenous laissons plus détourner du but que cherchent à atteindre ces notes. Après avoir rappelé succinctement les maux dont souffre la sociétéfrançaise en général, la normande en particulier, indiqué les causescertaines, mises à jour par nos communes épreuves, (puis lesprobables), nous rechercherons, sans autre souci que la véritéfrançaise, que l'intérêt de la grande, et de la petite patrie, lesremèdes qui, manifestement, s'imposent si nous voulons sincèrement leretour immédiat à la santé. C'est un devoir impérieux, en ces années lourdes de responsabilités,que de s'exprimer sans réticences, avec une franchise entière, absolue.Si l'on ne s'en sent point le courage, il faut briser sa plume : ilvaut cent mille fois mieux rester oisif qu'écrire pour flatter Démos. Nous abuserons des citations — à dessein. D'origines très diverses,mais tendant toutes au même but : notre relèvement — elles prouveront,à l'appui de notre thèse, qu'il y a des vérités fondamentales, d'ordrebiologique en quelque sorte, sur lesquelles s'accordent des hommes decœur et de bonne volonté, quoique venus des horizons les plus opposés,qu'ils s'appellent Lysis, Maurras ou Sembat, des vérités primordialesdis-je, qui peuvent servir de trait d'union et de point de départ pourune action commune. L'Union Sacrée ainsi comprise, enfermée dans la limite de ces véritésfondamentales, mais laissant à chacun sa véritable personnalité, peutet doit durer après la guerre. Elle permettra de se mieux connaître, des'apprécier, dissipera des malentendus et assurera aux discussionsd'idées une élévation et un esprit de tolérance qui n'existaient plusavant 1914. D'ailleurs, la France épuisée, fragile, ne saurait subir d'erreurs derégime sans risquer sa vie même ; j'imagine qu'on le comprendra et qu'àson lit de convalescente ses enfants ne recommenceront pas leurscriminelles querelles : au besoin nous y veillerons et nous monteronsla garde à son chevet. Enfin pour donner à ces notes plus de vie, pour susciter des réflexionsutiles, des énergies fécondes, nous ouvrirons, si vous le voulez bien,les colonnes de Normandie à une enquête sur les moyens les plusefficaces d'exercer dans toutes les branches de l'activité humainecette action normande de demain qui doit être notre hantise à tous. Que dans la France d'après-guerre, ouverte économiquement à l'étranger,nous ayons sans cesse à l'esprit pour en faire la règle de tous nosactes, la fière devise du premier de nos ducs : « Nous en resteronsMaîtres et Seigneurs. » Que nous nous en inspirions quotidiennement etje ne doute point que le Réveil soit magnifique. VINCENT-DESBOIS. (1) J'ai pris les armes pour défendre mon champ le long de la Boyne, etpour entendre à nouveau l'alouette qui se perd au-dessus de lui dans leciel bleu ! Quelques " CONSIDÉRATIONS " Sur notre Programme « En éditant cette Revue, nous voulons nous efforcer, sans aucunepréoccupation politique, ou confessionnelle, de défendre les intérêtsnormands sous quelque forme qu'ils se présentent. » Cette phrase de notre programme, publié dans le numéro d'avril de larevue, m'a valu de la part d'un de nos nouveaux abonnés, une lettre delaquelle je crois intéressant de publier les extraits suivants, ainsique la réponse que j'y ai faite. Cette correspondance servira de commentaire à cette partie de notreprogramme et je suis heureux de saisir l'occasion qui m'est ainsiofferte de l’expliquer au moment même où notre collaborateur VINCENT-DESBOIS aborde, dans l'article qui précède, la questiond'Economie politique en Normandie. Voici ce que m'écrivait cet abonné : Après vous avoir dit la sympathie qu'éveille dès l'abord en moi votreRevue, et tout le plaisir que je me promets par avance à la parcourir —l'assentiment aussi que je donne à priori à l'ensemble de votreprogramme : le culte ému et reconnaissant de la petite patrie —oserai-je vous soumettre sur un point de celui-ci quelquesconsidérations, je vous prie de ne point lire « critiques » ? Donc, Normandie est une Revue régionale qui se propose d'une partd'étudier les questions « économiques, commerciales, industrielles,agricoles, artistiques et littéraires », et d'autre part de les aborder« sans aucune préoccupation politique et confessionnelle ». Et de suite, sans autre préambule, je vous demanderai si sincèrement,si réellement, vous croyez possible la juxtaposition de ces deux termeset si vous avez vraiment l'espérance de pouvoir réaliser votreprogramme en restant fidèle à l'un et à l'autre ? Qu'on puisse faire du régionalisme artistique et littéraire en dehorsde toute préoccupation politique et confessionnelle, j'en tombepleinement d'accord. Même je pense qu'on n'en peut tenter qu'à cettecondition-là. Mais je crois aussi que c'est le seul qu'on puisse faireainsi. Et j'ai quelque penchant à nier, tout simplement, qu'on puisse étudiersérieusement, réellement, intégralement, les questions économiques,commerciales, industrielles et agricoles, sans traiter en même temps etquasi fatalement de politique. « Faites-moi de bonne politique et je vous ferai de bonnes finances. »Quoique antérieure à la Révolution, la parole demeure l'expressiond'une vérité, et, ce n'est pas seulement quant aux finances qu'elle estvraie. Elle l'est presque au même degré de tout ce qui constituel'activité d'une nation, et, il n'est point — on en pourrait citernombre d'exemples éclatants — d'initiative heureuse, de labeur acharné,d'efforts méritoires qui ne puissent se trouver annihilés et ruinés parune politique mauvaise, celle-ci n'eût-elle avec ceux-là aucun point decontact direct. Et trop souvent d'autre part — c'est encore un faitd'expérience malheureusement usuelle — la politique est intervenue pourimposer aux phénomènes économiques, commerciaux, industriels ouagricoles de notre pays, une direction qui n'était pas celle parlaquelle ils puissent prospérer. Prétendre donc étudier ces questions en dehors de toute préoccupationpolitique, c'est se condamner, il me semble, à les concevoir et à lesprésenter d'une façon incomplète, ou pour mieux dire encore, tronquée, et tronquée d'un élément qui, je le répète, apparaît commeessentiel dans l'ordre pratique des réalisations. Ou bien alors, c'est proclamer par avance qu'on fait abstraction de cepoint de vue pratique et qu'on cause en dilettante, dans l'ordre del'idée pure. Serait-ce votre, programme ? Sincèrement, je ne le croispas. Si donc, vous ne cherchez pas la politique, la politique vous cherchera; il est fatal que vous la rencontriez, car, de par la nature deschoses, que nous ne pouvons pas changer par des définitionsarbitraires, elle est partie intégrante des matières que vous vousproposez d'aborder. J'en dirai presque autant des considérations confessionnelles. Puisqu'il est fatal que vous rencontriez la politique, il l'est ipsofacto que vous heurtiez du même coup les questions religieuses, carl'état de notre politique française est tel que les questionsreligieuses en sont, qu'on le nie ou qu'on le proclame, très haut, lesubstratum fondamental. Je n'insisterai donc pas sur la démonstrationde ce second point. …… La Normandie serait-elle la petite patrie où les luttes et lesdéchirements politiques et religieux seraient inconnus, et où onpourrait en faire abstraction, comme nous faisons nous-mêmes desdistinctions qui séparent le brahmanisme du boudhisme ? — Hélas ! j'yai vécu, j'y ai gardé assez d'attaches pour savoir qu'il n'en est rien,et que là, comme partout en France, la différence est tranchée dans lamanière de concevoir et de résoudre les grands — el les petits —problèmes qui se posent à l'homme... et au citoyen... J'ai répondu à mon correspondant en le remerciant des « considérations» qu'il avait bien voulu me soumettre et en lui disant que si justes etsi sages que fussent ses idées, elles me semblaient être des idéesd'avant-guerre, car j'espère (et je voudrais ne pas me tromper) que leséjour commun, pendant de longs mois dans les tranchées, d'hommes detoutes les conditions, a dû influer sur leurs idées el modifier leurétat d'esprit pour l'après-guerre. Ceci pour ce qui a rapport à lapolitique pure, celle que nous voulons éliminer de nos colonnes, lapolitique de coteries, d'intrigues, de personnalités, d'égoïsmes, quimène à l'impuissance dans toutes les questions sociales et économiques. Ceci dit, je suis d'accord avec mon honorable correspondant ; lapolitique viendra à nous dans l'étude et la discussion des sujets quenous serons appelés à traiter, mais c'est là, précisément, qu'il faudraécarter la politique que je qualifie plus haut pour ne songer qu'àl'intérêt supérieur du pays. Et cette mise au point ne serait pas complète si je ne donnais encoreici un extrait de la réponse de mon correspondant dans laquelle ildéveloppe et explique sa pensée : C'est que, dit-il, le mot « politique » a deux sens assez communémentconfondus et que nous ne parlons pas, vous et moi, du même, ce qui faitque nous avons peut-être raison tous deux. Le sens usuel, courant, du mot politique s'applique à cette lutte « decoteries, de partis, de personnalités, d'égoïsmes », que vousflétrissez justement. Ce que je viens de vous dire de mon abstentiontotale de celle-là vous fera comprendre à quel point je suis d'accordavec vous dans votre souci de l'éliminer de vos colonnes. Appelons-la,si vous voulez bien, pour la définir d'une façon peut-être imparfaite,mais claire, la politique électorale. Mais à côté — et, bien heureusement au-dessus de celle-ci — que ladéviation des idées et des mots à notre époque a rendu la seule que lamasse connaisse (à tel point qu'on a l'air de soutenir un paradoxe endisant qu'il y en a une autre), il existe précisément cette « Politique» supérieure, la vraie, qui s'occupe de déterminer et de prévoir lesmeilleures conditions de l'existence et de la prospérité — de la viemême et c'est de cela qu'il s'agit aujourd'hui pour notre pays — de lacollectivité. Cette politique-là, faite de philosophie, d'histoire, d'économiegénérale et de sociologie, j'ose dire et soutenir nonseulement qu'elle est digne de préoccuper les esprits les plus sainsmais qu'elle doit être, au sens absolu des mots, la premièrepréoccupation de tous ceux qui ont le sincère souci de travailler à laréfection et à la restauration de la France. Terminons ce commentaire sur cette proposition qui ne peut que réunirtous les hommes soucieux de la prospérité nationale et souhaitons quetous les Normands s'unissent dans l'action, pour faire triompher, dansla Région, cette « Politique supérieure ». A. MACHÉ. * * * La Vie Rurale Et la Production Agricole Au Pays Normand (Septième article de lasérie.) VII L'ÉLEVAGE DU PORC DANS NOS CAMPAGNES NORMANDES. FROMAGERIES ETPORCHERIES. — L'ENGRAISSEMENT. — LE COMMERCE DES PORCS. — CARACTERESSPÉCIFIQUES DE LA RACE PORCINE NORMANDE. VIANDE ET LARD ; AMÉLIORATIONDE LEURS QUALITÉS. LA RÉNOVATION DE L'EXPLOITATION PORCINE. — LAPRODUCTION DE LA VIANDE DE PORC, DANS LES CIRCONSTANCES ACTUELLES. —LES RÈGLES DE L'ÉLEVAGE INTENSIF. — LES BÉNÉFICES RÉALISABLES. —CONTRIBUONS AU RAVITAILLEMENT NATIONAL. L'examen des diverses modalités de l'élevage en Normandie présente unintérêt d'autant plus grand qu'il met en relief l'importance et lavaleur des sources de production qui contribuent si grandement àassurer, à notre belle contrée, des éléments de richesse et deprospérité qui la classent au premier rang de nos provinces françaises. Aujourd'hui, nous nous occuperons des petits élevages qui, certes, nesont pas à dédaigner, ainsi qu'on le verra dans le cours de ces étudesd'Agriculture et d'Economie rurale consacrées spécialement au paysnormand, et notre attention se portera plus particulièrement surl'élevage du porc, l'utile animal, cher à Monselet... et à sesdescendants. A vrai dire, nos braves ruraux n'apprécient pas toujours, comme ils ledevraient, les ressources que peut procurer l'exploitation porcine. Ilsne se rendent pas compte de ce fait que l'énorme capital que le porcreprésente comme animal de produit, se renouvelle en moins de deux ans,et que cette réalisation constitue un avantage d'ordre économiqueméritant toute l'attention des gens avisés, qui savent compter etraisonner, et surtout, des personnes n'ayant que de faibles ressourcesen argent. L'élevage du porc n'appartient-il pas à cette catégorie despetits élevages d'ordre familial, populaire, dont M. Méline, alorsministre de l'Agriculture, préconisa si judicieusement la propagation,comme moyen de remédier à la cherté de la viande, de fournir unenourriture saine et de procurer des revenus aux petits ménages ruraux,aux familles ouvrières, aux classes laborieuses, aux petits artisans,etc., en un mot à tous ceux qui, à la campagne, peuvent disposer d'unepetite place pour y Installer un toit a porc ? De tout temps, le porc arempli ce rôle de pourvoyeur du ménage rural, en fournissant lacharcuterie conservée, précieuse ressource pendant l'hiver, et même unegrande partie de l'année. Au pays normand, on sait, évidemment, que le porc est comme laProvidence du cultivateur, mais il est d'observation constante que sonélevage raisonné, méthodique, laisse encore beaucoup à désirer, et que,par suite, les produits et les profits qu'on en retire sont notoirementau-dessous de ce qu'ils devraient être. °°° Un coup d'œil sur la production, l'exploitation et le commerce du porcdans nos cinq départements normands permet d'avoir, à cet égard, desuffisantes précisions et de tirer de ces observations prises sur levif, des déductions utiles pour l'avenir de cette branche de l'élevagedans notre pays. Dans le Calvados, l'exploitation du porc est assez prospère dans lesarrondissements de Caen et de Pont-l'Evêque : on tire parti des résidusde la fabrication du beurre et du fromage, mais on ne sélectionne, passuffisamment les reproducteurs, en vue d'un rendement plus élevé enchair et lard pour la charcuterie. Depuis bien des années, on a constaté que dans la région de Lisieux,l'élevage et l'engraissement, chez les cultivateurs, n'ont plusl'importance qu'ils présentaient jadis et cela tient à ce qu'on vend laplus grande partie du lait. Par contre, il est des fromageries qui ontannexé à leur industrie, des porcheries assez importantes, où sepratique, plus particulièrement, l'engraissement au petit-lait, ausérum de fromagerie. L'opération est menée ainsi assez économiquement,en temps normal, pour permettre de produire de bons porcs gras que l'onexpédie sur le marché de la Villette. Les fromageries de Moyaux etd'Orbec envoient leurs porcs gras sur les marchés de l'Eure. Dans l'arrondissement de Falaise, le commerce des porcs estordinairement très limité. Sauf, peut-être, à Jort, où l'engraissementdu porc avec le petit-lait de fromagerie se fait en grand, cette formed'exploitation zootechnique est demeurée restreinte à une insuffisanteutilisation des résidus de laiterie. A Bayeux, nous voyons le plus fort commerce de porcs de tout cetarrondissement. Ce marché reçoit surtout les gorets âgés de 5 à 6 mois,tandis que ceux de Littry et de Trévières sont pourvus de porcs âgés de2 à 4 ans. Le porc gras se vend généralement bien sur ces marchéshebdomadaires, mais là, comme partout ailleurs, les cours ont suivi lahausse formidable et persistante causée par les circonstancesactuelles. Alors qu'on payait la livre de porc gras 0 fr. 70 à 0 fr.80, sur nos marchés, avant la guerre, il faut payer actuellement 1 fr.45, 1 fr. 50, 1 fr. 60, et le porcelet de 25 kilogr., qui valait 30 à60 ou 75 francs, ne se vend pas moins de 100 francs. Dans l'arrondissement de Vire, l'élevage du porc s'est toujourspratiqué avec succès, grâce au bon exemple donné par des agriculteursémérites, parmi lesquels on peut citer des lauréats des concoursgénéraux agricoles de Paris. Les porcs élevés dans cet arrondissementont presque tous les caractères spécifiques de la race celtique ; il ya peu de sujets issus de croisements. Les porcs de lait se trouvent principalement sur les marchés de Vire etd'Aunay-sur-Odon, et en temps normal, les foires de Condé-sur-Noireausont, généralement, bien approvisionnées. Le département de l'Eure n'offre pas un développement important à laproduction porcine, bien qu'il y ait des éléments intéressant celle-ci. Il est à peu près certain qu'après la guerre, les cultivateurs, lesménages ruraux, qui auront appris, par suite des nécessitésmatérielles, à supputer les avantages offerts par le porc commeproducteur de viande, donneront à cet élevage toute l'attention et toutle développement justifiés par la valeur même des ressources qu'ilassure aux populations rurales. °°° Nous constatons, dans la Manche, l'importance du développement donné àl'élevage et l'engraissement du porc, comme corollaire de l'entretiendes vaches laitières. On nourrit les pores au petit-lait, au laitécrémé additionné de farine d'orge, de choux, de pommes de terre etd'orties hachées. Les porcs gras sont vendus vers l'âge de 6 mois, surles marchés de Saint-Lô, Carentan, Brécey. En bonne année, on engraisse, dans le département de la Manche, environ60.000 porcs qui se renouvellent constamment. La race normande estcroisée avec la race anglaise de York-shire ; elle acquiert ainsi plusde précocité, et une conformation qui la rapproche davantage duprototype de l'animal recherché par la charcuterie. On a remarqué que,sur le marché de Saint-Lô, les porcs présentant des taches noires sevendent difficilement, tandis qu'au contraire sur le marché de Bayeux,ces porcs, issus de croisements, trouvent facilement preneurs. Somme toute, on peut dire que depuis bien longtemps, l'élevage du porcs'est affirmé comme une des spéculations zootechniques les plusrémunératrices et cela est justifié par ce fait que bon nombre depetits fermiers payaient leurs fermages avec les produits de leurporcherie. La situation a pu se modifier défavorablement par suite desdifficultés créées par la guerre, dans les campagnes. Mais les fermiersnormands, du moins dans la Manche, n'en restent pas moins acquis àcette pratique qu'ils considèrent, avec raison, comme une desmeilleures sources de revenus. De même qu'au cours des années les plusprospères, on peut donc compter que les gorets se vendront encore enquantité considérable sur les marchés de cette région normande. L'Orne ne se classe pas au même rang que la Manche pour sa productionporcine. Néanmoins, ce département livre à la charcuterie beaucoup deporcs gras âgés de moins d'un an. Dans presque toutes les fermes, onélève des porcs ; tantôt ce sont des truies qu'on livre à lareproduction ; et dont les produits sont vendus à l'âge de 2 à 3 mois ;tantôt, ce sont des animaux que l'on, engraisse avec le petit-lait etles pommes de terre. La vente se fait dans tous les centres où ont lieudes foires à bestiaux. L'espèce porcine trouve en Seine-Inférieure des conditions trèsfavorables à son élevage et aux diverses formes d'exploitation, en vuedes débouchés commerciaux. Avant la guerre, l'effectif porcin de cedépartement — où existent des porcheries renommées — s'élevait à un peumoins de 100.000 têtes (porcs gras, porcs maigres ou coureurs et porcsde lait). Les principaux marchés de porcs sont, par ordre d'importance: Gournay-en-Bray, Buchy, Envermeu, Forges-les-Eaux, Lillebonne,Aumale, Neufchâtel et Bolbec. °°° C'est dans la vallée d'Auge que notre race porcine normande a son paysd'origine, et c'est là qu'on trouve les plus beaux sujets. Leszootechniciens qui étudièrent cette race, jadis, en distinguèrentplusieurs variétés : le porc augeron, le porc du Cotentin, le porcalençonnais et le porc cauchois, dont les caractères variaient plus oumoins. D'une façon générale, le porc normand, tel qu'on le rencontreactuellement, a le corps ample, le dos presque horizontal, la têtegrosse. La face est large et plus ou moins longue, selon le degréd'amélioration ; les oreilles sont larges et pendantes, le groin épais,les mâchoires divergentes, les membres assez longs, paraissant diminuerà mesure, que le tronc s'arrondit et s'épaissit. La peau est rosée,sans pigmentation, les soies sont blanches ou un peu roussâtres plus oumoins fines, selon le degré de précocité. Les truies ont au moins douzemamelles, ce qui leur permet de nourrir une nombreuse famille. Le type le plus avantageux à exploiter paraît être l'augeron, parcequ'il est plus fin et mieux conformé que les autres types de porcsnormands. Il s'engraisse bien et les truies sont très fécondes. Lesdifférences qui existent entre la race porcine normande qu'on élèveaujourd'hui et celle qu'on élevait autrefois sont très sensibles. Onpeut faire, notamment, cette observation qui ne manque pas d'intérêt aupoint de vue pratique, c'est-à-dire en ce qui concerne le rendement enviande nette : c'est que jadis, on avait des porcs à très grosse tête,pesant 20 kilogr., tandis que, chez les sujets perfectionnés, amélioréspar une sélection habile et persévérante, le poids de la tête estréduit à 10 ou 12 kilgr. La viande et le lard sont de bonne qualité ;le rendement en viande est plus élevé que le rendement en graisse ;l'une et l'autre sont très fines et fournissent d'excellentes salaisons. L'industrie de la production des gorets a toujours présenté un réelintérêt en Normandie où elle fait l'objet d'un important commerce, nonseulement de porcelets à engraisser, vendus aux petits ménages de lacontrée, mais encore par la vente dans les départements voisins etparticulièrement dans la région de Paris. °°° Une des grandes préoccupations, à l'heure actuelle, doit être de fairerendre à cet élevage le maximum de ce qu'il peut donner. En effet, ildevient, chaque jour, de plus en plus nécessaire d'accroître laproduction de la viande, pour subvenir aux énormes besoins de laconsommation. Outre nos nationaux, il nous faut nourrir les Anglais etles Américains, nos alliés dans la lutte contre les barbares de laGermanie. Et comme ces alliés ont une prédilection marquée pour la viande deporc, notamment sous forme de jambons, l'élevage du porc dispose ainside débouchés considérables et rémunérateurs. Et puis, il y a lieu deprévoir une hausse générale des cours de la viande, après la guerre,surtout de la viande de porc ; on a donc la certitude de vendre à bonprix un produit pour lequel, pendant bien des années, la demande seraconstante, assurée. La portée d'une truie comporte, en moyenne quatre femelles. Si on lesélevait toutes pour la reproduction, quinze mois après leur naissanceleur portée fournirait 4.000 kilogr. de viande nette ; une secondeportée en fournirait autant la même année. On obtiendrait plus de 8.000livres de viande, annuellement si, au lieu de sacrifier les porcs trèsjeunes, on les conservait, un ou deux mois de plus. Il faut six moispour amener un porc au degré normal de consommation, c'est-à-dire aupoids vif de 90 à 100 kilogr. Une portée de six porcelets fourniradonc, au bout de six mois, un poids vif de 600 à 700 kilogr., alors quece poids ne sera atteint par le bœuf qu'entre trois et quatre ans, etque la proportion de viande nette est sensiblement plus grande chez leporc que chez le bœuf. Evidemment, dans les circonstances actuelles, l'observation dufabuliste : « Le porc à s'engraisser coûtera peu de son », ne peut êtreévoquée, bien loin s'en faut. A l'encontre de celte observation, ilsemble que la boutade : « On n'engraisse pas les cochons, avec de l'eauclaire » n'aura jamais été interprétée avec plus d'à-propos qu'en cestemps-ci où les prix des denrées alimentaires, pour les animaux commepour l'homme, atteignent des cours presque fantastiques. ... Quoiqu'il en soit, nous avons un incontestable intérêt à développerl'élevage du porc. Il faut intensifier cet élevage en le raisonnantmieux encore qu'on ne l'a fait jusqu'à présent, dans notre Normandie,si féconde et si favorable aux multiples entreprises d'exploitationanimale. °°° L'élevage intensif, si recommandable en ce moment, permet de produirebeaucoup avec le minimum d'aliments. Nous croyons que quelques donnéeset conseils, à ce sujet, doivent avoir leur place ici, pour aider noséleveurs normands. A partir du poids de 25 à 30 kilogr., un porc de précocité moyennearrive à gagner presque uniformément 5 kilogr. par semaine quand lesconditions suivantes sont réunies : 1° Donner des aliments d'une digestion facile, non volumineux etpresque dépourvus de cellulose, car l'appareil digestif du porc est peudéveloppé et ne fournirait pas un rendement suffisant si onl'encombrait de substances indigestes ; 2° Etablir des rations aussi copieuses que les animaux se montrentcapables d'en absorber ; plus ils mangeront et plus leur développementet leur engraissement progresseront rapidement ; finalement, moindresera la quantité consommée ; 3° La viande étant une combinaison azotée, l'alimentation comporteraune quantité de substances azotées suffisante pour fournir lesmatériaux de la chair ; 4° Une croissance rapide exigeant le développement d'un fort squelette,le porc doit trouver dans sa ration tout le phosphate de chauxnécessaire à la formation de son ossature. On ne peut se dissimuler que, présentement, grande est la sujétion del'éleveur qui veut nourrir convenablement. Un éleveur émérite, M. AndréGouin, nous communiquait dernièrement, à ce sujet, les observationspratiques basées sur son expérience, observations que nous résumonsici, au profit des éleveurs normands : En employant les tourteaux d'arachides et de palmistes, les gains de 5kilogr. par semaine peuvent être obtenus aisément, si on a soind'éliminer de l'élevage intensif tout goret resté chétif après lapériode du régime lacté. Ces tourteaux, mélangés par moitié, fournissent plus d'azote que n'ennécessitent les besoins de la croissance, mais ils manquent dephosphate de chaux indispensable à la constitution d'une ossaturecapable de supporter une lourde masse de chair et de graisse. On ysupplée en ajoutant à la ration journalière une ou deux poignées depoudre d'os verts ou de farine d'os dégélatinés. Il suffit de délayerces aliments simplement dans l'eau froide. A ce régime, un goret de 25 kilogr. peut produire facilement 200 livresde viande nette (poids vif, 133 kilogr.), en moins de cinq mois etdemi. Il consomme, tout au plus, 400 kilogr.de tourteaux et 12 kilogr.De farine d'os. Pour l'éleveur, la question dominante est celle du prix de revient dela viande produite. Ce prix de revient s'établit ainsi qu'il suit : Achat du goret de 25 kilogr 100 fr. 200 kilogr. de tourteaux d'arachides Coromandel à 45 fr. 50 les 100kil. 81 » 200 kilogr. de tourteaux de palmistes à 44 fr. les 100kil. 88 » 12 kilogr. de farine d'os, à 50 fr. les 100 kilogr . 6 » Prix de revient des 200 livres de viande. 285 fr. La livre revient ainsi à l fr. 425. Les 200 livres de viande se vendant facilement 450 francs, on voitqu'il resterait une marge de bénéfice énorme, dont le consommateur, enraison d'une production plus abondante, profiterait, sous forme d'uneréduction dans le prix de la viande. Remarquons, enfin, qu'aux prix auxquels étaient payés, autrefois, lesgorets et les tourteaux, les 200 livres de viande n'eussent pas coûtéplus de 112 francs, à produire, soit 50 centimes la livre. A tous les points de vue, il y a un incontestable intérêt à développeret intensifier l'élevage du porc, car il n'est pas d'exploitationanimale plus lucrative que celle-là. En s'y adonnant largement,l'agriculture normande contribuera au ravitaillement national. Elle neperdra pas de vue qu'entretenir les forces vives de la grande Patrie,c'est hâter l'heure de la victoire décisive. Henri BLIN, Lauréat de l'Académie d'Agriculture de France. * * * Parmi les Croix du Champ de Bataille de la Marne Pour rendre moins pénibles les marches faites sac au dos, des dunes deBelgique aux sapinières des Vosges, je me suis figuré être un pèlerin,curieux notamment de découvrir, sur sa route, de pieux vestiges de cequi fut un des plus magiques et des plus grandioses drames de cetteguerre. Si les ruines des villages incendiés émeuvent, comment passerindifférent parmi tant de tombes de soldats ? Il est certainscimetières militaires près des cités, qui forment de vrais jardins auxpetites plates-bandes rectangulaires, fleuries, couronnées, pavoisées,où se rendent les pèlerinages suscités par la ferveur parisienne. Devant les luxueuses tombes de Meaux et d'Esternay, la peinture nous adéjà montré la veuve classique, à l'élégant voile noir, agenouillée.Fort bien. Mais que de fosses isolées dans les Champs et les boisn'ont, pour les distinguer des épis murs et des halliers, qu'une pauvrecroix sans nom et même sans numéro! Rarement, un fragile enclos de branchages révèle seul l'emplacementd'un tertre ensemencé où lève l'avoine ; plus rarement encore, est-ilenvahi par les betteraves et les choux. Pourtant, il y en a. Et quandon songe que nous devons aux hommes vaillants tombés là, de fouler cesol de France, plus cher que jamais, on est tristement impressionné.Les privilégiés dorment au bord des chemins de grande communication,sous le regard du Passant ; les déshérités reposent, au hasard de labataille, en des coins sauvages où la Nature les recouvre de plus enplus d'Oubli : « second linceul des morts », comme a dit le poète. Cetoubli, il est vrai, n'est qu'apparent si des prières ardentes et leculte de son souvenir viennent dédommager le héros obscur de l'abandonforcé de sa tombe. Daignons cependant, en ce mois anniversaire, parcourir ensemblequelques tombes délaissées et nous incliner un instant devant elles. °°° Nous sommes dans l'Ile-de-France, sur la route départementale deCompiègne. Ce ciel du Valois est d'un azur si tendre, au-dessus descollines ombragées, la plaine si paisible avec ses attelages de bœufsblancs d'une immobilité de marbre, au soleil, qu'on oublieraitvolontiers les rencontres sanglantes qui eurent lieu ici entre, lesuhlans, des cavaliers anglais et nos chasseurs à cheval. Mais des croixdressées, en bordure des prairies, sont là pour nous les rappeler.Approchons-nous et, pour lire, écartons les hautes herbes : « Trois soldats anglais morts pour leur patrie et pour la nôtre.1914. », puis, à l'écart, près d'un buisson : « Un soldat français. »La croix est composée de deux bouts de manche à balai, encadrée d'unbas clayonnage en style Tranchée et ornée d'un drapeau incolore faitd'un morceau de... chemise. C'est tout. Convenez que l'intention pieuserehausse cette simplicité et qu'on n'a pas envie de sourire. Traversons les forêts de Villers-Cotterets et passons l'Ourcq, rivièredemeurée toute souriante de la défaite du général Von Klück, et entrezavec nous dans La Ferté-Milon, au pas cadencé, rythmé par les claironset les tambours du régiment. La Champagne se présentera bientôt à nous avec ses immenses plaines auxrares clochers, ses vallons boisés, coupés de délicieux ruisselets dontles sources pleurent indéfiniment dans les broussailles et les joncs. Le soir est calme. On perçoit des éclairs rouges, précédant la rumeurdu bombardement de Reims. Nous avons exécuté des manœuvres de brigade dans cette région, un an etdemi après le prodigieux recul des armées allemandes. Nous utilisionsles tranchées prussiennes, nous nous déployions en éventail dans leslabours, nous occupions les trous d'obus reverdis. Autour de nous descroix ! des croix ! des croix ! Dans les ébauches de tranchées qui les dissimulèrent un moment aux yeuxde l'ennemi, des sections entières d'infanterie sont inhumées. La terrecrayeuse recouvre un colonel et une poignée de braves. Un officier mitrailleur est enterré près d'un entonnoir de 77 — l'obussans doute qui le tua — et cette excavation pleine d'eau forme un jolibassin fleuri, vrai miroir à libellules. Sur le tumulus, on a placé saboîte de munitions. Un sous-officier de la garde impériale repose à proximité de là. A unesorte de petit gibet pend un casque noir et la seule parure de cettetombe d'un ennemi est typique : ses bottes ! Dans le brouillard que dore la lumière du matin, une chaumièreeffondrée et les peupliers sont si flous qu'on dirait des fuméesgrises. Pénétrons dans le bois où subsistent des culots d'obus, deslambeaux de tunique bavaroise, un squelette humain à demi enfoui, puis,au bord d'une mare, la tête décharnée d'un cheval. Le cavalier et samonture, peut-être ? Français ? Allemand ? Des combattants sont enterrés à l'issue de ce bois, le long de la voieferrée. Sous les arbres fracassés, où l'on trouve dans un désordreartistique, des fusils cassés et rouillés, des cartouches mêlées aumuguet en fleurs, des croix s'alignent militairement. Un képi rougedemeure accroché aux branches et l'inévitable roue de caisson briséedes dessins de Raffet, est là pour compléter ces épaves de combats. Et les soldats passent, taciturnes, exténués, courbés, le cou tendu, dela poussière jusque dans les cils. L'obsédant spectacle de toutes cessépultures les assombrit-il ? Non. Mais que ne désirent-ils pas fairepour embellir la tombe d'un frère d'armes ! Dans un cimetière de village champenois, les brancardiers venaientd'inhumer un zouave de vingt ans, qu'un obus avait déchiqueté. La croixune fois fixée sur le tertre, ils s'en furent avec leur civière. Leshommes de l'escouade apportèrent un bouquet de fleurs champêtres dansune douille de 75, et, jugeant l'ensemble trop pauvre, encore, ilsdérobèrent au tombeau d'une vieille demoiselle une couronne virginaled'une blancheur magnifique et, sans la moindre hésitation, en ornèrentla croix de leur jeune camarade. °°° Hâtons-nous de traverser les sombres forêts de l'Argonne, dont leséchos retentissent toujours du grondement des lourds canons ennemiscrachant la mort. Mais arrêtons-nous à Evres, bourgade à demi détruite,que des tombes entourent comme les fleurons sacrés d'un diadèmeglorieux. Si les chaînes bleues des Vosges, leurs précipices boisés, le picnébuleux du Donon nous attirent, allons aux environs de Raon-l'Etape,franchissons le col de la Chipote, par ces chemins forestiers bordés,comme des voies romaines, de tombes soignées où les familles sont déjàvenues apporter couronnes et fleurs. Enfin, des hauteurs du bois de la Rapp, où se livrèrent des combatsacharnés entre les soldats de l'armée de Castelnau et les bavarois,nous dominerons Baccarat. Allons-y. Des tombes françaises et allemandessont le plus somptueux ornement d'une de ses places publiques etplusieurs propriétés privées s'honorent de mêler des croix aux penséeset géraniums des jardins. Oui, allons-y et nous reviendrons de notrepèlerinage réconfortés. Un dimanche soir que nous gagnions la route de Lunéville, nous vîmesdeux jeunes filles lorraines, coiffées d'un large nœud noir, et portantla croix d'argent sur leur corsage de deuil, se pencher sur un tertreenclos de fil de fer. Elles y disposaient, en forme de crucifix, depetits galets des bords de la Moselle, puis y piquaient un sabrerouillé quelconque, recueilli aux alentours. Nous les observâmesencore, plaçant un joli bouquet de pivoines et de roses dans un étui de77 allemand, puis nous demandâmes à l'aînée : — Vous connaissez... Mademoiselle... ? — C'est ma tombe, répondit-elle. — Votre tombe ? — Oui, j'ai un chasseur, mais la fille, là, dit-elle, en désignant sacompagne, elle a un capitaine de hussards... — Un capitaine de hussards ?... Et dans son gracieux patois régional, elle nous expliqua que M. leMaire avait organisé pour les jeunes filles réfugiées de Lorraine, unetombola de guerre. Chaque numéro sortant au tirage correspond au numérod'une des nombreuses tombes françaises bordant la route nationale à lasortie de la commune. L'entretien de la sépulture ainsi confiée à lajeune fille est à sa charge. Aussi, s'acquitte-t-elle de son rôle avecune coquetterie et un amour-propre édifiants. C'est avec émotion que nous vîmes l'aînée s'agenouiller et réciter uneprière pour le pauvre chasseur inconnu qui tomba en défendant la terrelorraine. Formons le souhait que l'exemple de ces jeunes filles soit suivi et,alors, nous pourrons, sans arrière-pensée, redire avec le poète CharlesPéguy, un des grands morts, non oubliés, de la Marne : Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles, Couchés dessus le sol, à la face de Dieu... Heureux ceux qui sont morts dans une juste guerre. Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés. Paul VAUTIER. * * * Organisez-vous, car à l'heure de la paix, il ne faudra pas être pris audépourvu. C’est d'ailleurs votre intérêt et celui du pays. * * * A Camille Saint-Saëns (1) L'Océan Atlantique est miné, peu t'importe ! Tu braves par deux fois ses pièges intestins, Fier de représenter chez nos amis lointains Une France invaincue, harmonieuse et forte. D'abord San Francisco, la grande ville accorte, Célèbre en ta personne un prince des Latins, Et l'an d'après, tu vas ravir les Argentins Sous l'aile de la gloire immense qui t'escorte. La jeunesse, attardée en tes quatre-vingts ans, La Muse, qui toujours te comble de présents, Surent te protéger durant, chaque voyage. Si ta nef eût sombré sous un vil horion, Tu n'aurais pas péri, maître ! Comme Arion, Quelque dauphin charmé t'eût conduit au rivage. Jean MIRVAL (Georges LEBAS). (1) Ces poèmes font partie d’un recueil intitulé Eclats de verre qui paraîtra après la guerre. °°° L'Humble Bonheur Cœur hésitant, rempli de bons vouloirs peureux, Mets ta gloire à bien vivre où le sort t'a fait naître ; Jouis d'un bonheur simple et d'un petit bien-être Et dédaigne la voix du rêve aventureux. Passe ton existence au loyer d'un ancêtre, Parmi des souvenirs tendres et douloureux ; Fleuris d'amour ce nid qu'il t'a laissé poudreux, Et goûte l'univers du bord de ta fenêtre. Borne aux soins de ton champ ta peine et tes efforts ; Un jardinet suffise à tes joyeux transports ; Découvre la vertu des humbles destinées. Béni, qui peut s'offrir le tranquille régal De diriger sa vie à petites journées D'un bout à l'autre bout de son verger natal ! Gaston LE RÉVÉREND. °°° Rien n'a Changé Rien n'a changé.... La table est là... Voici le livre... Voici les ciseaux d'or et l'étui de vermeil... Une abeille de feu que la lumière enivre Semble flotter le long d'un rayon de soleil... Rien n'a changé... Les fleurs sont là... Voici les roses... Voici la clématite aux rameaux étoilés... Sur le pollen des lis un papillon se pose Et les pigeons du toit viennent de s'envoler... Rien n'a changé... Le parc est là.... Voici les arbres... Voici les buis amers et les noirs orangers Et, là-bas, la pâleur d'une épaule de marbre... Elle est morte depuis deux jours... Rien n'a changé. Pierre VARENNE. °°° Paysage d'Hiver Beauté d'une limpide après-midi de mars !... Chaque chose aujourd'hui s'amincit et s'approche Pour retenir un peu nos fugitifs regards ; Pareil à l'homme heureux qui vécut sans reproche Tout — l'herbe, la forêt, la plus humble maison — Porte, comme un manteau, la volupté de vivre. Le soleil alangui qui touche l'horizon, Le soleil qui, bientôt, va faire un ciel de cuivre Met sur le tronc verdi des arbres au front nu La patine du bronze ancien d'une statue. L'air a je ne sais quoi d'étrangement ténu ; Un vent frais et léger comme un torrent afflue ; Puis, sur le jardin clair, dans l'azur épuré, La lune, au plus haut point du céleste voyage, Avec son semi-disque encor mal assuré, Semble être un pacifique et vaporeux nuage. Avranches (Jardin des plantes). Albert DESVOYES * * * ACTIVITÉS RÉGIONALISTES Courrier Trimestriel (1) M. Gaston Sauvage a acquis une notoriété de bon aloi parmi notre éliteagricole. Ses études pleine de bon sens, d'idées neuves et pratiques,parues dans l’Information Universelle de mon maître et ami VictorMargueritte, notamment, mériteraient d'être l'objet d'une diffusionofficielle spéciale dans nos sociétés agricoles de tous ordres. M. Gaston Sauvage est convaincu, comme tous les hommes ayant étudié laquestion, que la terre française est loin de produire la quantité dedenrées qu'elle est capable de donner — et nous pouvons, sans témérité,faire la même constatation dans la plupart des domaines. Ce n'est pashier qu'Emile Gautier imprimait, d'après Georges Ville, quel'agriculture française peut nourrir cent millions d'hommes —c'est-à-dire près de trois fois notre population... Et nous importionsavant la guerre ! (Je ne fais pas état de nos importations actuelles,naturellement). A l'heure où, malgré la crise du papier, tant de livres inutiles ounuisibles sont jetés sur le marché, M. Gaston Sauvage publie un petitouvrage qui vient bien à son heure : Les deux agricultures (2). Dansla préface qu'il a écrite pour ce volume, M. Fernand David, ministre del'Agriculture, constate que M. Gaston Sauvage « démontre, chiffres àl'appui, qu'avant les événements actuels, l'Allemagne, avec unepopulation rurale diminuée environ de moitié en raison du prélèvementfait par l'industrie, avait augmenté cependant sa production agricoled'un tiers. » M. Fernand David ajoute : « La conclusion est qu'enFrance il est possible à nos agriculteurs si travailleurs, siintelligents, d'obtenir de sensibles progrès, malgré la diminutionconsidérable de main-d'œuvre qu'il leur faudra subir par suite desmorts et des mutilations causées par la guerre, par suite aussi del'afflux des campagnes vers les industries et les gros salaires desvilles ! » M. Sauvage pose le problème avec toute l'ampleur qu'il mérite. Après unaperçu général fort net, il étudie, en deux chapitres lourds desubstance, l'enseignement agricole en Allemagne, puis il consacre unquatrième chapitre à l'état actuel de l'enseignement agricole enFrance. Il compare ensuite les améliorations agricoles en France aveccelles obtenues en Allemagne. Enfin, il insiste sur les remèdesprincipaux que nous devrons employer : culture mécanique, motoculture,destruction des insectes nuisibles, remembrement, etc. Enfin, il prendsouci de nos richesses coloniales aussi inépuisables que stupidementexploitées (ou, plus stupidement encore, inexploitées !) et desdébouchés qui s'offriront à nous dans le monde entier dès que, noussuffisant enfin à nous-mêmes, nous pourrons songer à faire de là grandeexploitation. L'œuvre de M. Gaston Sauvage présente un intérêt trop immédiat en cequi concerne l'agriculture de nos régions pour que, faute de pouvoiranalyser complètement ici les Deux Agricultures, je ne m'attarde pas,avec M. Paul Forsans, président de l’Union des Intérêts économiques,qui a analysé l'ouvrage excellemment dans la Correspondance Politiqueet Agricole, à quelques questions particulières. D'abord, l'instruction de nos agriculteurs, base de toute réforme et detoute amélioration générales : « Des efforts, écrit M. Forsans, ont été faits, en France, à la foispar le Gouvernement et par les grands et petits groupements agricoles,qu'ils s'appellent « Sociétés d'agriculture », « Syndicats » ou «Comices agricoles ». Malheureusement ceux-ci ne sont pas encore asseznombreux et à ce sujet, M. Sauvage rappelle tout le bénéfice que lescultivateurs pouvaient tirer de la loi du 21 mars 1844 sur lesassociations professionnelles, et il regrette que ceux-ci n'en aientfait qu'un usage vraiment trop restreint. » Cependant, il constate lesprogrès réalisés en ce sens : « Le nombre des syndicats agricoles,dit-il, est passé, depuis la promulgation de la loi du 21 mars 1884, de175 à 6.667 au 1er janvier 1914. Les membres affiliés à ces syndicatsétaient au nombre de 234.234 en 1890 et de 1.029.727 en 1914. » Il n'en demeure pas moins que près de 7 millions de propriétairesruraux, grands, moyens ou petits, n'ont pas compris les avantages de lasolidarité, ou sont restés indifférents devant la loi de 1884, lenombre des propriétaires ruraux français étant, en effet, évalué à 8millions. L'union de toutes ces énergies dispersées aurait sans aucun doutepermis d'apporter au territoire agricole de la France les améliorationsqu'il réclame et qui sont des plus urgentes. » Ensuite la grande et difficile question du remembrement de la propriétérurale, qui a fourni au sénateur C. Chauveau l'occasion d'écrire despages pleines de sagesse et beaucoup plus prudentes que ses travauxantérieurs sur la question — que nos agriculteurs les plus instruitsliraient avec grand profit. Dans l'état actuel de la législation, uneloi existe — celle du 3 novembre 1884 — qui réduit le droit de mutationà 0 fr. 20 pour 100 francs afin de permettre à peu de frais leséchanges de parcelles. « Malgré cela, poursuit M. Forsans, il n'a étéfait de cette disposition qu'un usage très restreint. » D'autres lois furent également édictées dont l'une des plus importantesest celle du 19 mars 1910 accordant aux cultivateurs des prêts à longterme qui peuvent s'élever jusqu'à 8.000 francs remboursables dans undélai maximum de quinze années. On sait que ces crédits sont accordésau taux généralement adopté de 2 % avec faculté, pour l'emprunteur, derestreindre, le délai qui lui est accordé en payant des annuités plusou moins fortes suivant la prospérité de son exploitation. Faitremarquable : la loi a prévu les bonnes et les mauvaises années et ellen'oblige en aucune façon le cultivateur à effectuer des remboursementsde même importance chaque année. Outre les efforts faits par le Gouvernement, Les deux Agriculturesmentionnent ceux des particuliers et des groupements agricoles en vuedu développement de la plus importante des branches de l'activiténationale, et l'auteur cite des faits réconfortants, parmi lesquelscelui-ci, par exemple : « En 1900, dit-il, les 7 millions d'hectaresoccupés par la culture du blé produisaient une récolte de 110 millionsd'hectolitres. Il fallait importer de l'étranger 12 millionsd'hectolitres de blé pour satisfaire à la consommation totale du pays.Sur ces 122 millions d'hectolitres, 14 millions étaient réservés auxensemencements ; 5 millions aux diverses industries ; 103 millionsd'hectolitres restaient pour répondre aux besoins de la consommationalimentaire. En 19.11, au contraire, bien que l'étendue ensemencéen'atteignait plus que 6.500.000 hectares, ceux-ci suffisaient à assurerà peu près complètement la provision nationale pour la consommationintérieure, par suite de l'amélioration des rendements ! En faisantquelques efforts, nous pourrions donc augmenter considérablement lechiffre de la production agricole de la France. » Je conclus : les études passées et futures de M. Gaston Sauvageméritent d'être méditées et suivies avec la plus grande attention, et,parmi elles, les Deux Agricultures plus que toutes les autres. Il est probable qu'à l'heure où j'écris ces lignes l'édition magnifiquede Celles qui s'en vont... s'est éparpillée presque tout entière dansles bibliothèques d'amateurs d'art et de bibliophiles en Normandie etailleurs. Précédées d'une éloquente et vaste Préface d'Albert-EmileSorel, accompagnées de deux remarquables poèmes signés Auguste Bunoust,les inoubliables lithographies dans lesquelles Jean-Ch. Contel fixe, àtemps, l'aspect de nos vieilles maisons les plus pittoresquesconstituent l'un des ensembles normands les plus séduisants, voire lesplus émouvants, qu'il m'ait été donné de contempler depuis dix ans. Jean-Ch. Contel a beaucoup de talent, encore que je ne sois pas sûr dene point le voir affirmer davantage encore l'originalité, déjà évidentede sa facture. Il s'est promené à travers les curieuses venelles deRouen, de Pont-Audemer, de Bernay, d'Honfleur, de Bayeux, de Caen, maissa prédilection pour l'incomparable vieux Lisieux éclate à toutes lespages de son précieux album. Il s'est d'ailleurs gardé de s'attarder àdes perspectives trop connues, à des demeures trop célébrées, à desaspects vulgarisés par les agences et les guides. Cela n'est que fortnaturel de la part d'un véritable artiste. Une chose pourtant mesurprend un peu, à savoir que M. J.-Ch. Contel ne se soit pas sentiattiré par l'aspect misérable, mais baroque à souhait des gîtes quitrébuchent sur les bords de la rivière. Quelles images saisissantes ileût pu créer devant ces cohortes de logis accablés, aux murs gluants etroux desquels, ainsi que je le croquais jadis, ...la Touques aime à s'attarder Pour refléter des toits de guingois lourds de tuiles Et ricaner sous les ponts courts des ruelles tortes... Au demeurant, je serais surpris à demi si j'apprenais que Celles quis'en vont n'est que le premier album d'une longue série. Je souhaitemême qu'il en soit ainsi. Jean-Ch. Contel a su choisir son préfacier et son poète. Albert-EmileSorel a signé là des pages mémorables, des pages qui charmerontl'esprit et remueront le cœur de tous les français de vieille souche,et plus particulièrement de tous les normands de belle race. Quant à M.Auguste Bunoust, il s'est révélé — pour la première fois dans la RevueNormande de Rouen sauf erreur — comme un des poètes les mieux doués denotre province. Je ne sais s'il aura des ailes assez fortes pouraborder avec succès la grande poésie. Mais qu'il soit capable d'uneinspiration longuement soutenue ou courte quoique éclatante, il estindubitable, dès à présent, qu'il voit pittoresque, qu'il peint avecune vigueur et une originalité rares ; enfin — premier don de toutpoète digne de ce nom — qu'il sait la valeur des sonorités et que, touten respectant les mètres traditionnels indispensables, il orchestresons et couleurs avec habileté. Il m'apparaît un peu, si j'ose dire,comme le Rimsky-Korsakow de la poésie normande. Ecoutez plutôt ces vers(extraits de Celles qui s'en vont) : Honfleur me monte au cœur comme un flux de marée : Je dirai dans le port, sur l'eau sage et moirée Les petits soubresauts de la barque amarrée ; Et les nuits d'équinoxe où les flots s'assemblant, De toute leur fureur brisée au phare blanc, Font tinter, ruisselante, une cloche en croulant... ... L’escalier qui s'émiette en grimpant les venelles, L'impasse où claque au vent le pavois des flanelles, La cave où l'air moisi sent d'anciennes cannelles ; Et, lointain souvenir des siècles de butin. Le tapis déroulé du marchand levantin : L'azur cousu d'oiseaux qu'un soir d'Asie a teint. De tels vers ne feront pas rêver que Lucie Delarue-Mardrus. La Société Normande littéraire et Artistique présidée par lecommandant A. Hérou, publie une revue qui, présentée un peu gauchement,n'est pourtant pas dénuée d'intérêt. On y peut lire des vers, beaucouptrop de vers : on entend bien que s'ils étaient bons je ne lestrouverais jamais assez nombreux. A côté de poèmes aimables, tels queceux de MM. Eléonor Daubrée et Louis Richard, qui possèdent déjà uneagréable renommée, que d'insignifiances, que de maladresses, qued'avortements ! On trouve, heureusement aussi, dans la Revue de laSociété Normande littéraire et Artistique, des consultations fortintéressantes comme celles qui répondent à la question : Qu'est-ce quele Cotentin ? un curieux dialogue écrit en un patois savoureux par M.J. Regnault (de Saint-Lô) et un précieux Vocabulaire normand que jesouhaite voir promptement publié en volume et placé sur les rayons denos grandes bibliothèques régionales. Il est évident, en outre, si jecrois les procès-verbaux des séances de la Société normande, que M.A. Hérou (47, rue de la Duché, à Cherbourg) exerce une, actionsalutaire en faveur des choses de l'esprit dans le département de laManche. Mais pourquoi n'est-il pas plus sévère dans le choix des œuvresqu'il imprime ?... Il existe pourtant de nombreux bardes, érudits etprosateurs de talent dans l'Avranchin et le Cotentin !... « Benjamin » des écrivains normands est certainement M. Raymond Postal.Je viens de lire sa première plaquette : Les Voix héroïques, dialoguelyrique très supérieur à la moyenne des poèmes de cet ordre. J'ai eul'occasion de lire à maintes reprises des vers et de la prose signéspar l'auteur des Voix héroïques (3). Je le crois capable de devenir,à brève échéance, un essayiste hors de pair ; mais je l'attends à sapremière longue nouvelle, ou mieux, à son premier roman. Sans connaîtreencore ni ses facultés de constructeur, ni l'ampleur de soninspiration, je n'hésite pas à saluer dès maintenant en lui l'un desmeilleurs espoirs de la littérature normande, voire de la littératurefrançaise. La lecture de l’Aube, revue littéraire, organe de la Société desPoètes de l'Ouest — (MM. A. Perroteaux, directeur à Terves, parBressuire (Deux Sèvres), et L. Guerry, rédacteur en chef, à Saint-Légerde Montbrun, par Thouars (Deux-Sèvres) — me rappelle que j'ai tenté «au temps de ma jeunesse folle » il y a dix-sept ou dix-huit ans, unefédération des revues provinciales. Sans succès d'ailleurs. L'intérêtqu'il y aurait à ne plus disperser les efforts et les capitaux, par lacréation d'une poussière de revuettes dénuées d'intérêt, sinon detalent, et à les réunir systématiquement afin d'obtenir une ou deuxpublications capables de lutter avec les grandes revues parisiennes,par région ; cet intérêt, dis-je, n'existe, je l'ai pu constater : niau prix de la gloire d'être rédacteur en chef, directeur ou secrétairede la rédaction de l’Eglantine de Saint-Porchaire, du Sémaphored'Issoire ou de La Lyre de Mazamet, ni au prix des « avantages »attachés à ces titres, avantages au premier rang desquels il fautcompter la liberté d'entrer dans les coulisses du beuglant del'endroit. Il faut bien que jeunesse se passe ! Mais, hélas ! lesdirecteurs, rédacteur en chef et secrétaires de rédaction de cesfeuilles n'ayant pas d'autres lecteurs que leurs dirigeants et leursquatre collaborateurs-abonnés, ne sont pas toujours jeunes !... Etoutre que nous n'avons plus le droit de gaspiller notre papier, iln'est bon, ni pour les auteurs peu doués d'être imprimés trop tôt, nipour le public, désorienté depuis longtemps par l'absence quasi-totalede toute critique littéraire autorisée et désintéressée, de lire dansles revues indépendantes des insignifiances... ou pis. Ces reproches nes'appliquent que partiellement à l'Aube, dont le principal défaut estde ne paraître avoir ni programme ni idée directrice, ni originalitémême. Et pourtant, dans cette suite de pages insérées à la suite lesunes des autres, au petit bonheur, je découvre du talent : La Galère,poème posthume d'André Giraud, est une belle pièce, et M. Camy-Renoult,qui se prodigue à souhait en faveur de cette jeune publication, estfort bien doué : j'ai d'ailleurs eu l'occasion de l'écrire naguère icimême (4). M. Pierre Préteux, régionaliste de marque, directeur de l'intéressanteet gracieuse Revue Normande (de Rouen), vient de se révéler par lapublication d'un recueil intitulé : Au-dessus du Sillon (5), comme unpoète de valeur. Peut-être n'est-il pas encore absolument maître de sa« manière » ; peut-être ne s'est-il pas libéré de deux influencescontradictoires qu'il a dû longtemps subir : j'entends l'influence deVerhaeren, manifeste surtout dans le puissant poème, intitulé la Grand'Route : Soit que le soleil darde un violent rayon Découpé sur le sol par l'ombre de la branche, Soit que le vent d'hiver s'élève en tourbillon, La grand'route est toujours la grande route blanche : L'artère de la Nation. Des hameaux au village et du bourg à la ville En cahots saccadés passent les lourds charrois, Et le troupeau poudreux, qui paraît immobile, Malgré les Chiens actifs se disloque d'effroi Quand fonce au loin l'automobile... et celle de Coppée, évidente surtout dans l'amusant sonnet, intitulé : Matin à Paris : ...A l'étage au-dessous, l'énervant nonchaloir D'une bonne coquette en sa robe d'indienne, Autour des meubles rêve, ainsi qu'une âme en peine, Dandinant son plumeau comme un triste encensoir Sous les toits, on entend crépiter la machine Où travaille déjà quelque active voisine Levée avec le jour………….. ...Et dans la cour étroite où vibre son tapage Joyeux et plein d'ardeur, le concierge avec rage D'un gros bâton, à tour de bras, bat ses tapis. Mais la tenue générale de l'ouvrage indique que M. Pierre Préteux netardera pas à affirmer sa personnalité. Je vois en lui, un lettrésuivant la belle formule ancienne, jouissant du charme de l'heure etcréant, pour lui d'abord, de beaux poèmes, un paisible rêveur, comme ill'écrit à la page 92 d'Au-dessus du Sillon : …….Qui voyage en touriste Les yeux remplis d'azur et de calme horizon, Heureux dans son âme d'artiste. Il peut prétendre, selon moi, à la notoriété solide et de bon aloi d'unAndré Lemoyne, d'un Robert Campion, dont il devrait suivre l'exemple enne demandant ses inspirations qu'à la patrie normande ; d'un AlbertMérat, voire d'un Charles de Pomairols — sinon d'un François Fabié. C'est une bien curieuse et bien instructive publication que Le PetitMessager des Arts, des Artistes et des Industries d'art « paraissanttous les vingt jours » que dirige, avec la collaboration du boncritique d'art Max Goth, et de l'excellent romancier Edmond Char, M.Ad. Cadot (38, rue de Turin, à Paris (8e). J'ai rarement trouvé plusd'idées en si peu de pages. Publié sans souci de lucre, « envoyégratuitement aux artistes, artisans et amateurs d'art aux armées », le Petit Messager des Arts (6) répond à un besoin réel. On trouvera dansle dernier numéro paru, outre de bonnes études signées P. Vorin et Ch.Rivaud (l'Ecole ouvrière régionale), la suite d'une remarquableconférence faite par l'érudit architecte Adolphe Dervaux, à l'Ecolesupérieure d'Art public. Dans la préface, haletante à force de tenue et de sobriété, que lepoète A.-M. Gossez a pu écrire aux armées, entre deux alertes, pour lecharmant volume intitulé : Poussières (7), par M. Marcel Lebarbier,nouveau venu en littérature, je lis : ...« Refaire l'élite. Tendre à ce but toute la volonté. Et voilà qu'un poète prêche d'exemple. Jeune homme d'hier, il retrouve,serrés au creux de la main, rêves, amours... : un peu de poussièresirisées, petit amas de grands projets, reste de vraies douleurs... Rienque cela. Il nous le tend d'un geste surpris : toute son adolescence,si peu maintenant ! Ce peu, toutefois, c'est de la vie. Il en garde legoût, la saveur. Il l'exprime suivant le rythme intérieur « qui suitles contours et les ressauts de la pensée » parfois il pleure, même ila su se vaincre. Et il dédie son passé à l'homme qu'il est devenu, à celui qui serademain, la « Force et la Joie, et que je salue », parce qu'il est,dès maintenant, la Volonté de l'Espoir. » M. A.-M. Gossez a fort bien dit ainsi, en quelques lignes, tout cequ'il fallait dire. M. Marcel Lebarbier promet d'avoir un beau talent. Il possède déjà unesensibilité exquise et il sait l'extérioriser. Coquettement édité, à petit nombre comme il sied, Poussières estillustré de bois intéressants par M. Georges Guinegault. « ... Aux lieux qu'ils ont aimé les défunts se survivent, affirme, enun beau vers, le grand prosateur Jean Revel. Et c'est sur ce vers ques'ouvre La Faucille d'or, émouvant recueil de poèmes écrits parSuzanne Toutain, fille très douée du maître normand à qui lalittérature française doit les Hôtels de l'Estuaire, livreexceptionnel dont on ne peut trouver un équivalent que dans l'œuvre deRosny aîné... « Les défunts se survivent » même hors des lieux qu'ilsont aimé lorsqu'ils laissent des pages de valeur. Si je crois la rumeurpublique, Suzanne Toutain excellait surtout dans la compositionmusicale. J'ignore ses œuvres musicales, mais les poèmes réunis sous letitre : La Faucille d'or (8) décèlent une belle âme et un mémorabletalent. Peut-on citer quelque chose de plus pur, dans son élégance àpeine mièvre, que le sonnet intitulé : PRINTEMPS Jadis, aux temps heureux des époques attiques, Les vierges, apportant leurs présents ingénus, Défilaient lentement, à l'ombre des portiques, Vers Pallas Athèné, soulevant leurs bras nus. Ainsi, sous notre ciel, tels de vivants cantiques, Dans un sublime élan vers les dieux inconnus, Nos arbres, égipans, gracieux et rustiques, Dressent bras, frondaisons, cimes, rameaux chenus. Leurs profils incurvés ont la grâce d'amphores ; On croirait voir passer de blanches canéphores Portant au temple saint les offrandes d'amour, Quand, en leur clair feuillage, écartant ses longs voiles Et sortant de l'abîme où tombent les étoiles Perséphone sourit à la splendeur du jour. Les anthologies normandes et françaises doivent une place à la poétessenormande, Suzanne Toutain. Son talent veut que sa famille, que leglorieux écrivain son père, ne soient pas seuls à renouveler sur satombe les scabieuses dolentes, les rameaux de laurier et les palmesd'argent. Le Bon Gros Saint-Amant (1594-1661) (9), dédié par le gracieux poètePierre Varenne, au sage, trop modeste (…et trop silencieux à mon gré),Georges Dubosc, l'écrivain le plus justement aimé de notre province, meparvient à l'instant où je signe ce courrier. Cet élégant volume, parson sujet et par son auteur, vaut plus de dix lignes rapides. Jel'examinerai tout à loisir dans mes prochaines Activités régionalistes. Georges NORMANDY. Tout ce qui concerne la rubrique : ACTIVITÉS RÉGIONALISTES, courriertrimestriel, doit être directement adressé à M. Georges Normandy 51,rue du Rocher, à Paris (8e arr.) N. D. L.R (1.) V. Normandie, n° 4, p. 10 et suiv. (2.) Laval, Impr. Barnéoud, et chez l'auteur, 6, rueCaroline, à Paris. 1 vol., 3 fr. 50. (3.) Edition de la Revue Normande, à Rouen. (4.) V. Normandie n°4, p. 13, c. 2. (5.) Librairie Perche, 45, rue Jacob, Paris, 1 vol. 3francs. (6.) Abonnement « pour les civils » : 5 fr par an. (7.) Ed. « Les Humbles », 4, rue Descartes, Paris 5e. (8.) Hors-Commerce, Imprimerie Lecerf, fils, àRouen. (9.) A Rouen, chez Lecerf, 46-48, rue desBons-enfants. Cette édition charmante, sur Japon impérial et sur vergéd’Arches, fait la joie de tous les bibliophiles normands. * * * Nouvelles Agricoles Commerciales et Industrielles Aide aux cultivatrices. — M. Lavoinne, député de la Seine-Inférieure,avait demandé, à M. le Ministre de l'Agriculture, par voie de questionécrite, s'il ne serait pas indiqué, pour le maintien de la productionagricole, de mettre en sursis dans des fermes importantes lescultivateurs exploitants des classes 1889 à 1892 appartenant auxrégions envahies, ajoutant que cette mesure viendrait en aide à demalheureuses fermières qui font actuellement un travail au-dessus de leurs forces. Voici la réponse qui a été faite à cette question de l'honorabledéputé, et qui peut intéresser, en Normandie, un grand nombre defermières, restées seules à la tête de leur exploitation : « Les agriculteurs, chefs d'exploitation des régions envahies,appartenant aux classes 1889 à 1891, peuvent être affectés à desdomaines du territoire non envahi. Les fermières qui désirent l'aide deces agriculteurs doivent en adresser la demande au service de lamain-d'œuvre agricole au ministère de l'agriculture qui, d'autre part,dispose d'un très grand nombre de chefs de culture dégagés de toutesobligations militaires. » Labourage mécanique. — Le Journal officiel du 10 octobre 1917,publie un arrêté du Ministre de l'Agriculture, faisant connaître lesconditions dans lesquelles, les groupements agricoles comptant au moinssept participants, peuvent recevoir des subventions sur le budget duministère de l'Agriculture, pour l'achat d'appareils destinés aulabourage mécanique. Ces subventions pourront également être accordéesaux départements, aux communes et syndicats de commune. Les demandes desubventions doivent être adressées au Ministre de l'Agriculture, parl'intermédiaire du préfet. Les bénéficiaires de ces subventions devront s'engager à exploiterpersonnellement les appareils et à labourer et ensemencer en céréales,au minimum par appareil, un nombre d'hectares qui sera fixé dans chaquecas par la décision accordant la Subvention en tenant compte de lacapacité de travail de l'appareil et de1 la uni tire des terrains a cultiver. Le Directeur départemental des services agricoles qui devra établir lespièces réclamées à l'appui de la demande de subvention, est (ontdésigné pour renseigner les intéressés sur les formalités à remplir. La Tourbe en Normandie. — Une nouvelle autorisation d'extraction dela tourbe a été accordée, par arrêté du Préfet du Calvados du 1eroctobre, sur la partie du territoire comprise entre les communesd'Isigny et d'Arro-manches. Ainsi que nous le disions dans noiredernier numéro, il existe encore de nombreux gîtes, très riches, àexploiter. Les personnes que cette question intéresse, peuvent obtenirà la Préfecture du Calvados (2e division), tous renseignements au sujetde la situation de ces gîtes el des formalités a accomplir en vue deleur concession. Port de Caen. — Un transporteur électrique sur le terre-plein dunouveau quai, deux cabestans électriques et une grue de cinq tonnes auxquais du nouveau bassin, viennent d'augmenter l'outillage de ce port. Société des Produits chimiques de Petit-Quevilly — Celle Sociétévient d'être dissoute par anticipation et la propriété de l'usine dePetit-Quevilly a été cédée pour la somme de 1.500.000 francs auxManufactures de Produits chimiques du Nord. La liquidation de laSociété a été confiée à MM. Lefèvre, 117, boulevard Haussmann, etNauteau, 21, rue de Téhéran, à Paris. Société anonyme des Aciéries de Grand-Couronne. — Dans une assembléeextraordinaire des actionnaires, tenue le 25 septembre, le capitalsocial a été porté de 1 millions à 10 millions. L’Industrie de la Mode et le Régionalisme, — Le dernier « Congrès del'Habillement » a décidé l'institution d'un Conseil national, destiné àdécentraliser l'action et la propagande et à centraliser les efforts.Le Congrès a ainsi fixé les centres régionaux : Paris, Lyon, Marseille,Bordeaux, Toulouse, ROUEN, Nancy ou Dijon. Nantes, Clermont Ferrand etLille. D'autre part, à la dernière réunion de la « Fédération desIndustries de la Mode », M. Brossard, président de « l'Union desSyndicats des industries de la Plume », a préconisé la création debanques locales de crédit. Banques hôtelières régionales. — Sous ce titre : Rendez-nous labonne auberge, M. Gaston Fleury a publié dans le Figaro, un articleduquel nous extrayons les lignes suivantes : Ainsi, vous ouvrirez vos régions à une élite fervente qui ne lesoubliera plus ; vous accomplirez doublement une œuvré d'intérêtnational, tout en déterminant dans votre coin une prospérité jusqu'iciinconnue et s'étendant à tous. Créez, à l'exemple de la Suisse, dontl'essor touristique n'a pas d'autre origine, des banques hôtelièresrégionales, en vous répétant que les beautés de ne notre ciel, de notresol, constituent la première de nos mines d'or ; puis agissez sanshésitation et sans peur. « Rien de plus facilement réalisable, d'ailleurs : de modestescapitaux, du goût, du tact, de l'honnêteté, une compétenceprofessionnelle aisément découvrable : le culte de l'antique cuisinefrançaise, dédaigneuse des chimies corruptrices, et une cave — unevraie cave — amoureusement soignée... Un personnel féminin aux cheveuxbien peignés, aux mains nettes ; des pas ouatés, de l'intimité, dusilence... Et, surtout, éviter l'horreur de ces tables d'hôterappelant, plus fâcheusement, les proies dévorées en commun, sous lesfeux croisés des regards, au collège... Les Normands en Algérie. — Une importante société amicale normandeexiste à Alger ; elle a pour titre : La Normandie. Dansun appel qu'elle adresse à ses sociétaires, nous trouvons laphrase suivante que nous nous empressons de reproduire, car elle dénoteun esprit de solidarité que nous sommes heureux de signaler : «Normands en Algérie et Normands dans la Métropole savent désormaisqu'ils ont, à Alger, une Maison Commune, un centre d'amicalesolidarité où ils peuvent s'adresser avec la certitude que ce ne serajamais en vain et où l'on se fera toujours un agréable devoir de lesaccueillir fraternellement, de chercher à leur être utile, de lesrenseigner, de les mettre, au besoin, en relation les uns avec lesautres ; en un mot, de servir avec tout le dévouement qu'ils méritent,la cause et les intérêts normands en Algérie. » ____________________ Le Gérant : MIOLLAIS. _________________________________________________________ IMPRIMERIE HERPIN, Alençon. Vve A. LAVERDURE, Successeur. |