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Normandie, revue régionale illustrée mensuelle, n°15 - juin 1918.Normandie : Revuerégionale illustrée mensuelle de toutes les questions intéressant laNormandie : économiques, commerciales, industrielles, agricoles,artistiques et littéraires / Miollais, gérant ; Maché,secrétaire général.- Numéro 15 Juin 1918.- Alençon : ImprimerieHerpin,1918.- 16 p. : ill., couv. ill. ; 28 cm.
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électroniquede la Médiathèque André Malraux de Lisieux (17.VII.2014).
Texte relu par : A. Guézou
Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros]obogros@lintercom.fr
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Texteétabli sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx :41060-nor598).


NORMANDIE

REVUE RÉGIONALE ILLUSTRÉE MENSUELLE
DE TOUTES LES QUESTIONS INTÉRESSANT LA NORMANDIE
Économiques, Commerciales, Industrielles, Agricoles, Artistiques etLittéraires

DEUXIÈME ANNÉE. - N°15 JUIN 1918

Normandie, revue régionale illustrée mensuelle, n°15 - juin 1918.

~*~


Vers une Action Normande

IX. – LES CAUSES.

(Suite.)


Nous avons maintenant les données du problème : celui-ci sera facile àrésoudre.

D’abord, une race impulsive, généreuse ; race disciplinée, dans sonensemble, par des siècles de Monarchie, dans ses individus par laculture gréco-latine et par une morale à base franchement religieuse ;cette race habite une contrée justement enviée, et cette situationgéographique exceptionnellement favorable, lui commande une politiquefaite de prudence et de fermeté, une politique réaliste : en outre nousconstatons que cette race, ce pays, ont de mauvais et puissantsvoisins, des voisins inaccessibles aux idées nobles, généreuses et quine respectent que la force. Tout concourt donc : tempérament, défautd’éducation politique, nécessité d’être forts, pour qu’on ne se lancepoint dans les aventures.

Que faisons-nous ?

La plus formidable expérience politique qu’il puisse être donnée à unpeuple de tenter !

Cette société française façonnée par des siècles de pouvoirmonarchique, étayée, pour reprendre la figure de Balzac d’un côté parla royauté, de l’autre par le catholicisme, nous la privons brusquementde ses appuis séculaires, et nous lui donnons pour breuvage, le vinfort de la liberté ! Nous opérons ce changement radical dans sonRégime, sans transition, sans frein, sans l’ombre d’une éducationpréalable !

A cette mineure pliée à une tutelle de tous les instants dans l’ordrematériel, à une discipline morale sévère dans l’ordre spirituel, ondonne l’émancipation totale.

Du jour au lendemain cette enfant inexpérimentée, naïve, de tempéramentléger et impulsif, retenue d’obéir aux instincts qui nous sollicitenttous si fort, par le frein moral le plus puissant connu jusqu’alors, setrouve chargée d’accomplir seule les tâches les plus délicates et lesplus redoutables, et libérée de toute obligation morale.

La société française devenue soudain orpheline et majeure, devra :

Gérer son domaine.
Administrer les individus.
Diriger la politique étrangère, etc., etc.

Et pour ce faire, à défaut des mandataires et des tuteurs, nonseulement on ne lui laisse ni papiers, ni testament, ni même cesrecettes empiriques parfois si précieuses, mais encore on lui imposedes directions nettement contraires à celles observées jusqu’alors. Ilfaut nécessairement continuer à exploiter le beau domaine de lamonarchie, mais avec défense expresse d’employer des méthodesressemblant même de loin, à celles usitées jusque-là. Systématiquementon condamne les procédés de gouvernement de l’ancien régime,systématiquement, en en prend le contre-pied ! Comme les théoriesnouvelles procèdent d’un idéal humain très élevé, comme elles rompentnettement avec les systèmes utilitaires et prosaïques du régime déchu,l’enfant impulsive et généreuse qu’est la société françaises’enthousiasme éperdûment pour elles. La folle du logis exercera sesravages à loisir : il sera superflu de lutter contre cette vagueformidable d’idéalisme qui dégénère presque instantanément enidéologie. La France est folle, la France est grisée, il faudra lalente mais inéluctable leçon des faits, du temps, pour qu’elle sedemande si l’on n’a pas fait fausse route ou tout au moins brûlé lesétapes, et supprimé des freins de première utilité.

La France a une situation géographique, des voisins, qui commandent laprudence et la force ? Allons donc ! Tous les peuples comme les hommesnaissent libres et nous déclarerons la guerre au monde pour assurer letriomphe du principe des Nationalités. On ne se demande point sil’intérêt français bien entendu ne commande pas, lui, quelquecirconspection, quelque tempérament dans la réalisation de ce grand etbeau Rêve. Le vent est à la fraternité humaine. Durant tout le XIXesiècle, la griserie intellectuelle continue. L’Encyclopédie, laRévolution, Michelet et Victor Hugo présentent successivement l’enivrante liqueur sous les espèces les plus séduisantes. Micheletappelle de tous ses vœux l’heure bénie où les peuples auront réaliséleur unité : il a pour la future unité allemande une tendresseparticulière. De nos jours, ne voyons-nous pas le gouvernement de laRépublique prisonnier des mêmes théories, sanctionner l’indépendanced’une Finlande dont les armes se pourraient bien retourner contre nous !

Voilà un exemple pris entre mille de l’erreur commise par la sociétéfrançaise et envisagée dans son ensemble. Prenons un autre exemple d’erreur aussi grosse de conséquences, mais aupoint de vue de l’individu.

Sous l’ancien régime, le peuple avait en quelque sorte remis son sortentre les mains de mandataires munis de pleins pouvoirs : il importaitfort que ces mandataires fussent bien pénétrés de leurs devoirsvis-à-vis  du peuple, il importait peu que celui-ci ne fût pasaussi pénétré des siens puisqu’il était gouverné et ne détenait aucuneparcelle de l’autorité publique. Le peuple avait le rôle passif, le roile rôle actif ; or l’expérience démontre que la nature humaine esttoujours encline à abuser de son rôle et de ses attributions ; on peutdonc dire que ce qui importait à l’équilibre de l’ancien régime,c’était une monarchie très soucieuse de ses devoirs avec un peuplesachant défendre ses droits.

Du jour où les rênes du gouvernement passaient des mains défaillantesde la royauté dans celles du peuple, il devenait clair pour des espritsque la passion n’eût pas aveuglés, qu’une des premières conditions desanté sociale c’était que le peuple devînt très soucieux de sesdevoirs. Le gouvernement du peuple par le peuple ne se conçoit pasautrement. Il n’est possible qu’à la condition que l’individu quidevient le maître de ses propres destinées comme de celles de lasociété dont il est un élément, soit assez armé de moralité pourtoujours, en toutes circonstances, faire passer l’intérêt général avantson intérêt particulier.

Si l’individu n’est pas cet être de haute et inflexible moralité, legouvernement démocratique – appelons-le par son nom – sera vicié dansson essence même : nous n’aurons plus la démocratie, mais la démagogie: ce ne sera plus l’idéalisme, qui guidera nos pas incertains, mais ladangereuse idéologie ; nous ne cheminerons plus sur la terre ferme,mais au milieu des nuées. Ces réflexions suffisent, je pense, à fairecomprendre le raisonnement que je veux tenir.

Du jour où les théoriciens que nous savons renversaient l’ancienrégime, ils avaient pour premier devoir non pas d’abattre toutes lesbarrières morales, non pas d’énerver et de supprimer les disciplinesspirituelles, non pas de tarir les sources de moralité, mais bien d’encréer de nouvelles, plus abondantes, plus riches, plus puissantes.

Or, vous savez ce qui fut fait : je n’y reviendrai pas. On proclama les droits de l’Homme et du Citoyen, mais dans le moment même où l’onabattait le trône qui les eût mis en valeur et leur eût donné touteleur signification. Enfin et surtout alors que les devoirs seuls vontdevenir essentiels à la bonne marche des affaires publiques, on n’ensouffle mot : la démocratie commence l’édifice sur le sable mouvant,sans base, sans assises, probablement pour ne pas s’aliéner le « lionpopulaire », mais voilà comment par une capitulation de conscience, oncrée de la démagogie là où l’on se flattait de faire de la démocratie !

J’entends bien que pour justifier cette façon de faire une démocratieon invoque la bonté foncière, la droiture, le désintéressement de l’âmehumaine ! Ouais ! comme dit l’autre, j’aimerais mieux voir… Et qu’on neme dise pas que je soutiens là un raisonnement « bien usé » ; jerépondrai en invoquant mille et un témoignages sur la nécessité de laforte armature morale, clef de voûte des démocraties.

Quelle est la démocratie qui s’impose le plus à l’attention émerveilléedu monde ? La République des Etats-Unis bien entendu. Ouvrez unehistoire et dites-moi si les Franklin, les Washington, ne l’ont pasconstruite sur le roc solide de la moralité et de la « vertu » pourreprendre l’expression de Montesquieu.

Voyez ces jeunes combattants qui se révèlent comme des âmes ferventesdans des corps robustes, ne nous donnent-ils pas l’impression d’êtresdisciplinés moralement. Est-ce le matérialisme ou le spiritualisme quiest à la base de toutes les graves décisions, de tous les discours queprend ou que prononce le consciencieux Wilson ?? Craint-il d’invoquerle secours de la Providence divine celui qui est de l’aveu de tous, leplus éminent des démocrates de l’époque ? Reconnaissons qu’en voulantfonder la démocratie sur le matérialisme nos directeurs de conscienceont commis la « plus grande erreur du siècle » !

………. Jouis, dit la raison païenne ;
Jouis et meurs ; les dieux nesongent qu’à dormir ;
Espère seulement, répond la foichrétienne !

La crise française est donc avant tout une crise d’ordre moral : c’estce que j’ai voulu préciser en disant que l’action de demain devraitêtre : morale d’abord ! Cette crise morale nous la retrouvons à laracine de tous nos maux : dépopulation, altération de la cellulefamiliale, désertion des campagnes, pornographie, mœurs politiquesnéfastes, etc.

Il semble bien que la guerre ait ouvert les yeux de beaucoup et lescitations par lesquelles je voulais clore cet article, mais que ledéfaut de place m’oblige à reporter au prochain numéro, démontrerontque l’union sacrée est encore à la base de ces critiques.

(A suivre.)

G. VINCENT-DESBOIS.


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Le Canard de Rouen
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La Normandie a ses titres de gloire, non seulement dans l’héroïsme deses enfants, qui luttent pour la sauvegarde de la Patrie et de laLiberté, et dans ses hommes illustres par leur talent dans les arts,les sciences, les lettres, etc., mais encore par le renom qu’elle aconquis pour la valeur des produits de son sol fertile. Parmi cesproduits qui jouissent d’une renommée légitime et, en quelque sorte,mondiale, le fameux canard de Rouen mérite, à tous égards, les honneursd’une particulière citation. C’est d’ailleurs, pour lui, un droit aumême titre que la citation du poilu qui, en se comportant vaillammentdevant l’ennemi, illustre nos gloires nationales et fait honneur à sonpays.

Sans médire des canards gascons, nantais, ou vendéens, qui ontd’incontestables qualités, on me permettra bien cette manifestationtoute spéciale en faveur du régionalisme – oserais-je dire durégionalisme… avicole – dont l’utilité ne me paraît pas discutablepuisque nous voulons, ici, mettre en relief l’importance et la valeurdes ressources de notre petite patrie, en même temps que l’intérêt quis’attache à leur accroissement, à leur amélioration, en vue de retirerde leur exploitation le plus grand profit. Il me semble que l’on nesaurait traduire en termes plus élogieux ni plus exacts les brillantesqualités du canard de Rouen qu’en débutant par la flatteuseappréciation et le portrait fidèle, frappant, qu’en a donné le trèsérudit et très spirituel Fulbert Dumonteil, le subtil écrivain à quil’on doit les plus enthousiastes descriptions mettant en reliefl’attrait qu’offre le peuple de nos basses-cours :

« A la Normandie, si riche en tant de choses, appartient le plusdélicat, le plus fin, le plus gras, le plus savoureux, le plus opulent,le plus estimé de tous les canards de France et de Navarre. Lamerveille de la broche et la volupté de la table, c’est le canard deNormandie. C’est à croire que les navets ne poussent que pour lui fairecortège et que la douce Provence se pare d’oliviers pour lui fairehonneur. Ses aiguillettes roses, que le citron relève, sont exquises,et ses cuisses, un peu grasses, triomphent dans ces daubes odorantesqu’adorait le vieux Corneille.

« Le premier de tous les canards de Normandie : fine chair, finegraisse et fine fleur, c’est le canard de Rouen. Il est de nobleorigine, issu en ligne directe du canard sauvage dont il a gardé leplumage superbe et le fumet original. On dirait qu’il porte son extraitde naissance sous son aile. Un jour de jeûne, il s’est laissé séduirepar les charmes de l’auge et l’attrait du grain. Le voilà conquis à lacivilisation et à la casserole. C’est le mieux vêtu de nos canards :bec jaune taché de noir, couleurs vives et tendres, capuchon d’un vertcharmant aux reflets veloutés, poitrine marron et collier blanc, ventregris-perle, ailes cendrées que terminent de beaux miroirs à refletsverts et bleus, rehaussés d’un liseré blanc. La robe est fort jolie,mais c’est particulièrement le dessous qui nous intéresse : la plumes’envole, la chair reste, et la fourchette a des plaisirs aussi sacrésque le regard. Quelque admirable profusion de teintes et de nuancesartistement combinées que présente son plumage, la plus belle couleurd’un canard de Rouen est la robe d’or qu’il emprunte à la flamme descuisines. »

Ainsi s’exprime Fulbert Dumonteil, ce fervent de la lèchefrite, autreMonselet, autre Brillat-Savarin, amateur délicat, fin connaisseur sansêtre disciple de Pantagruel. La description physique et gastronomiquequ’il nous donne du canard de Rouen est d’une exactitude, d’unefidélité que l’on ne saurait contester, car notre canard rouennais estbien de ressemblance parfaite avec son ascendant, le canard sauvage, lejoli col vert, joie du chasseur au marais ; mais sous l’influence de ladomestication et d’un élevage qui en a amplifié les formes, augmenté levolume, le canard de Rouen présente une différence de poidsconsidérable. Tandis que le poids du canard sauvage n’atteint que 1 k.500 environ, celui du canard de Rouen amélioré par la sélection et unélevage rationnel, atteint jusqu’à 4 k. 500. Le même écart existe entrela cane sauvage et la cane rouennaise, dont l’aptitude à la pontes’élève au quintuple. Cette dernière a le fond du plumage isabelleclair, les plumes du dos, des flancs et du ventre marquées de brun,d’un liseré marron et d’une autre marque en fer à cheval, de couleurmarron. Son plumage est moins riche que celui du mâle, mais dansl’ensemble elle présente bien les caractères d’une parenté extrêmementétroite avec la cane sauvage. Notre canard de Rouen est, avant tout, uncanard pratique, gros, gras, plantureux, massif comme nos rudes garsnormands. On critique son allure, on dit qu’il marche en titubant commes’il avait bu six pintes de cidre. On oublie trop que son véritableélément c’est l’eau, la mare ou la rivière où il déploie toute sonélégance aquatique, surtout quand il baigne sa tête veloutée et tournevers le ciel l’antipode du bec, friandise artistement rôtie des bouchessensuelles, croupion fameux qu’on appelle avec une gaîté gouailleuse :« Le sot-l’y-laisse. » M. de Talleyrand, qui l’aimait fort, ne lelaissait jamais. C’était sa bouchée de prédilection ; et c’est de mêmecelle de tout gourmet qui se respecte.

Le canard de Rouen aime ses herbages, ses vergers de pommiers, sesmarais et ses ruisseaux. S’il se balance fièrement comme pour fairesonner les écus que la nature a mis sous son aile, s’il traîne enchantant, comme un bourgeois de Lisieux ou de Pont-l’Evêque, et prendtoujours à droite….. pour aller à gauche, c’est qu’il, transporte aveclui, en lui, le trésor que représente la plasticité de ses formesrebondies, riches des plus séduisantes promesses gastronomiques. Car lecanard de Rouen est une race utile, sérieuse, productive, ainsi quel’atteste le rôti du pays arrimé en un grand plat de Rouen à fleursbleues tout tapissé d’aiguillettes fumantes et roses.

N’est-ce pas aussi une race facile à élever ? Le canard de Rouen estapprécié partout en France et à l’étranger. En temps ordinaire, laVendée, particulièrement, en fait un important commerce. Les huttiersvendéens élèvent de grandes quantités de canards, et ce sont noscanards rouennais, qu’ils expédient à Nantes. A son tour, Nantesexpédie sur Paris, en sorte que le commerce de notre précieux canardest bien plus important qu’on ne le croit, généralement, puisqu’iln’est pas limité à la Normandie, mais s’est étendu, de longue date,dans d’autres régions françaises. Le canard de Rouen, suivant la routede son glorieux compatriote, Guillaume le Conquérant, s’est mêmeimplanté jusqu’en Angleterre où ses descendants ont su conquérir….. lesfourchettes britanniques.

Le canard de Rouen a pour lui les plus authentiques parchemins, et l’ona tout intérêt à le conserver dans toute sa pureté, à éviter, dans sonpays d’origine, les mésalliances qui terniraient la grande et légitimerenommée acquise par cette race. Dans les petites vallées quiaboutissent à la Seine, dans la partie occidentale de l’arrondissementde Rouen, à Yvetot et dans ses environs, l’élevage des canards atoujours été une spéculation avicole d’un excellent rapport. Lescanards se vendent principalement sur les marchés de Duclair, Gournayet Dieppe.

Mais qu’est-ce que la race de Duclair ? demandent les profanes.

Le canard de Duclair est une variété locale du Rouen, obtenue etsélectionnée plus particulièrement à Duclair, localité située à vingtkilomètres de Rouen. Ce canard a le bec vert noir, la tête et lederrière du cou d’un beau vert bronzé brillant ; deux traits blancsau-dessus des yeux et à la base du bec ; le devant du cou et lapoitrine sont blancs, formant une sorte de bavette blanche, large commele fond d’un verre ; le corps est brun en dessus, noir en dessous ; lemiroir est vert ; les tarses sont bruns ; les formes massives ;l’envergure a 1m05. C’est, comme on le voit, un très gros canard.

La cane a le bec presque noir, le plumage gris et brun ; chez lesjeunes, le duvet est brun et jaune. Les œufs sont verdâtres.

Le canard de Duclair est précoce, fécond ; à neuf semaines, lescanetons sont bons à consommer. La chair est excellente, à saveur plusprononcée, plus « canard » que celle du Rouen ; c’est du reste ce quel’on constate chez les races où le noir domine (Duclair, Cayuga,Labrador). On attribue cette saveur prononcée à l’effet du milanisme,à la présence, dans le sang, d’une grande quantité de pigment, colorantnon seulement la plume, mais aussi la chair. L’excès contraire,l’albinisme, produit l’effet opposé : plumage blanc et belle chairblanche.

L’influence favorable exercée par le canard de Rouen sur la productiondu canard de rapport, sur les autres races qui doivent être amélioréesdans ce sens, est connue de longue date. On sait que pour produire lecanard bien gras, c’est au gros canard normand qu’il faut s’adresser,et que si l’on donne à une cane ordinaire un beau canard rouennais, onobtient des sujets de bonne taille, robustes, faciles à élever et ànourrir. On sait aussi que la chair des canards qui se baignentrégulièrement est plus savoureuse, et qu’en exploitant une grosse racecomme le Rouen, à développement rapide, on a des canetons bons àconsommer vers huit à dix semaines. Si on les gardait jusqu’à sept ouhuit mois, ils seraient certainement moins appréciés pour la table.

Les qualités du canard de Rouen sont mises à contribution largement,dans bien des contrées, même les plus méridionales. C’est que ce canarda des aptitudes telles qu’on trouve en lui un excellent facteur decroisement améliorateur. C’est le croisement du canard de Barbarie avecnotre cane de Rouen qui permet aux éleveurs du sud-ouest (région deToulouse, des Landes, du Gers, etc.), de produire ce canard dit Mulard ou Mulet, de fort poids, de grande taille, métis infécond,mais dont la chair est fine, délicate, et ayant une forte propension àl’engraissement et au foie volumineux chargé de graisseextrêmement  fine, que l’industrie des foies gras met en œuvre, etdont elle obtient ces pâtés exquis, renommés dans le monde entier. Pourobtenir ces volumineux foies, les éleveurs gascons ont recours augavage des mulards. L’élevage de ce canard mulard devrait être répandudans toute la France. Ce serait une grande ressource. Pour cela, ilfaudrait que se vulgarise cette industrie des pâtés de foies de canardset autres conserves alimentaires fournies par cet utile palmipède.Quelle précieuse ressource alimentaire ne serait-ce pas par ces tempsde restrictions et de vie chère !

Notez que les croisements du canard de Rouen avec d’autres races tellesque le Pékin, l’Aylesbury, donnent d’excellents résultats : chair fineet succulente, juteuse, croissance rapide, grande précocité, fortetaille, rusticité. Le croisement du canard anglais d’Aylesbury avec lacane de Rouen est en tous points recommandable.

Ce même canard anglais croisé avec notre excellente race de Duclairdonne des sujets encore plus robustes que ceux issus des croisementsprécités, et ayant même précocité, forte taille et finesse de chair.Les canes de Rouen mariées au canard de Barbarie donnent des produits àchair excellente et abondante ; sur leur poitrine, on détache desfilets qui ont l’épaisseur d’une tranche de gigot. On a constaté qu’ilfaut près de trois kilogrammes de nourriture sèche pour produire unkilogramme de canard vif. En passant, qu’il me soit permis cette simpleobservation relative à la préparation des canards pour la vente sur lesmarchés ou l’expédition ; Le canard étouffé a une chair rouge, de goûtet d’aspect sauvage. Le canard saigné est plus blanc, plus fin, sachair a une saveur plus douce, moins caractéristique. Mais si on saigne« à blanc » la chair devient alors trop sèche. Il semble que la méthodede sacrifice qui consiste en la désarticulation du cou est la plussimple, la plus expéditrice et la moins cruelle.

En terminant ce panégyrique amplement justifié par les mérites, lesqualités réelles qu’on doit reconnaître au canard de Rouen – qui est àsa façon une de nos célébrités locales – souhaitons que nos éleveursnormands en développent le plus possible la production, non seulementpour subvenir, présentement, aux grands besoins de l’alimentation, maisencore pour apporter, dans l’avenir, une part contributive à lareconstitution du patrimoine national.

Henri BLIN,
Lauréatde l’Académie d’Agriculture deFrance.

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L’Organisation Economique
Régionale

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Nous n’avons cessé dans cette revue d’appeler l’attention surl’organisation économique régionale qui doit être créé dès à présent,afin de parer aux besoins d’après-guerre. Dans notre numéro d’avril,nous signalions celle de la région du centre. Aujourd’hui, nousconstatons le mouvement qui se dessine en Normandie, à la suite del’initiative prise par les représentants des intérêts bas normands.

Toutes les régions d’ailleurs ont compris l’intérêt vital qu’il yavait, pour elles, à préparer l’organisation économique d’après-guerre.En Provence, notamment, notre excellent confrère La Race, mène unevigoureuse campagne pour l’organisation de cette région. Dans le bassindu Rhône, les représentants des populations se sont réunis en ungroupement de l’Aménagement du Rhône et de ses affluents, et, avec leconcours du Ministre des Travaux publics, ils sont bien décidés àpoursuivre vigoureusement l’aménagement du fleuve par l’exécutionsimultanée des travaux afférents à la navigation, à l’irrigation et àla production de l’énergie.

En ce qui concerne la Normandie, lors de l’établissement du projetgouvernemental en vue de la distribution de la France en régionséconomiques, par la fédération régionale des Chambres de Commerce, ilavait été prévu l’organisation d’une seule région comprenant les cinqdépartements normands.

Mais, depuis, sur l’initiative de M. Blaisot, député du Calvados, lesreprésentants des Chambres de Commerce du Calvados, de la Manche et del’Orne avec l’appui des sénateurs et députés de ces départements ontsoumis au ministre du Commerce un vœu tendant à la création d’unerégion économique de la Basse-Normandie.

Sous prétexte que les trois départements précités avaient entre eux descontacts économiques permanents qu’ils n’avaient pas avec laSeine-Inférieure et l’Eure, les Chambres de Commerce de Caen, Honfleur,Alençon, Cherbourg, Granville, Flers, souhaitaient de se réunir entreelles plutôt que d’être rattachées à Rouen, et, naturellement, laChambre de Commerce de Caen qui doit bénéficier de cette nouvelleorganisation demandait la division en deux parties de la régionéconomique prévue au projet gouvernemental : Région de Caen pour laBasse-Normandie et région de Rouen pour la Haute-Normandie.

C’est ce vœu qui a été présenté par M. Lefebvre, président de laChambre de Commerce de Caen au ministre du Commerce dans l’audienceaccordée par celui-ci aux représentants des Chambres de commerce de laBasse-Normandie.

M. Clémentel a répondu que le souci de ne pas trop morceler les régionsétaient la cause de la décision contenue dans le projet gouvernemental,mais que l’intérêt du vœu qui lui était présenté ne lui avait paséchappé et que déjà il avait songé à prévoir cette région économique dela Basse-Normandie avec Caen, comme chef-lieu et que, après unenouvelle étude de la question, il avait été amené à se rallier au pointde vue soumis par le Président de la Chambre de Commerce de Caen, et ila assuré la délégation que cette région économique figurerait dans leprojet gouvernemental.

Voilà donc, décidé, en principe, la division de la Normandie en deuxrégions distinctes.

Que pensent de cette décision les Chambres de Commerce et lesreprésentants des départements de l’Eure et de la Seine-Inférieure ?

Nous ne sommes pas de ceux qui croient que les anciennes provincesfrançaises qui n’ont jamais cessé d’exister, doivent seulement revivredans leur intégralité, mais si l’on doit tenir compte pour ladélimitation de ces régions de la production du sol et du sous-sol, desvoies de communication, des moyens de transport, etc., nous croyons queles intérêts spéciaux ne peuvent trouver satisfaction que dans uneœuvre d’ensemble.

Dans l’élaboration du projet gouvernemental, M. Clémentel n’a eu,dit-il, qu’un seul souci : l’intérêt du Commerce et de l’Industriefrançais. C’est parfait, mais ces branches de notre activité ne sontpas les seuls éléments de la prospérité nationale. En Normandie,notamment, nous avons un autre élément qui, par son importance, devraitbien avoir voix au chapitre. C’est l’agriculture. Mais celle-ci n’aprobablement pas été consultée dans ses Syndicats.

Et c’est ici que l’on voit l’importance qu’aurait la création, réclaméedans la proposition de M. de l’Estourbeillon, des Chambresd’agriculture, des Chambres de métiers et des Commissions régionalesdes Arts français, car comme l’a fort bien dit, M. Charles-Brun « laformule la meilleure de la région future sera celle qui satisfera leplus grand nombre d’éléments. »

Aussi espérons-nous que la décision du Ministre du Commerce n’est pasirrévocable et qu’une consultation plus générale des intérêts normandsprécédera la solution définitive dans l’organisation régionale normande.

A. MACHÉ.

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Les Activités régionalistes, le très important courrier trimestriel de M. Georges NORMANDY, paraîtront dans un prochain numéro.

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Tout en causant…
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Depuis longtemps déjà, la nuit était tombée, une nuit que laréverbération lunaire et le scintillement des étoiles laissaient claireet illuminée. Heure exquise, dont je savourais le charme enveloppant,en compagnie du capitaine Percy Fergusson, dont j’étais l’hôte cesoir-là, et d’un jeune sergent canadien, Paul Dumoustier, originaire deQuébec, et qui, parlant notre langue avec un archaïsme savoureux,compte probablement parmi ses aïeux quelqu’un des hardis compagnons deChamplain.

Nous étions tous trois assis sur le perron d’un chalet bâti à mi-flancdu mont Thuringe, et dont les toits pointus, comme ceux d’une pagodechinoise, abritèrent les derniers jours d’un savant chimiste rouennaisqui fut des familiers de Flaubert.

Dans cette « villa des chimères » comme l’avait appelée son originalpropriétaire, que de fois, il y a maintenant des années de cela, jem’étais attardé à écouter le père Houzeau, me raconter, sur la vie du «grand Flô », mille piquantes et curieuses anecdotes qu’on ne trouverapas dans les doctes biographies de l’auteur de Madame Bovary.

Et ce soir-là, par un de ces hasards imprévus qui brisent d’unesurprise la ligne monotone de notre vie, dans cette même « villa deschimères », louée par le capitaine Fergusson, je me retrouvais causantavec un officier de l’armée britannique et un sergent canadien.

A vrai dire, notre causerie qui, depuis le dîner, avait roulé surFlaubert, et sur son disciple Maupassant, dont les œuvres, comme nousl’avait longuement exposé Paul Dumoustier, sont l’objet d’un véritableculte dans les milieux intellectuels d’outre-Atlantique – et enAngleterre aussi – avait ponctué le capitaine Fergusson, notre causeries’était arrêtée.

Nous ne parlions plus ; nous regardions. Du haut du perron, nousvoyions s’allonger devant nous le ruban argenté de la Seine, et ledouble ligne des lumières des quais, feux jaunes d’entre lesquels sedétachaient, çà et là, des fanaux verts et rouges. Et sur les côtés etau delà de ces raies lumineuses, éclairant le travail  nocturne duport dont la fin du jour n’interrompt pas l’incessant labeur,s’estompaient la masse sombre de la ville endormie, surmontée de laflèche altière de la cathédrale, et là-bas, tout au loin, fermantl’horizon, la courbe de ces collines de Croisset au pied desquellesFlaubert promena l’amertume désenchantée de son génie créateur.

Pourquoi, par quelle association d’idées inconsciente, devant cespectacle s’encadrant dans un décor lunaire, dans le calme et lasérénité silencieuse de cette douce nuit, des petits vers, ingénus etcharmants, me revinrent-ils soudain à la mémoire que je me suis mis àfredonner tout haut :

               Il est un âge dans la vie
               Où chaque rêve doit finir
               Un âge où l’âme recueillie
               A besoin de se souvenir…
               Lorsque ma muse refroidie
               Aura fini ses chants d’amour
               J’irai revoir ma Normandie…
               C’est le pays qui m’a donné le jour !

- Ah ! pardon ! s’exclama Paul Dumoustier en riant, quand votre musesera refroidie,  ̶  ce qui, je vous le souhaite de tout moncœur, n’arrivera pas encore demain – vous n’irez pas revoir votreNormandie, vous continuerez à la voir, car si je m’en rapporte à vospropres confidences, aimable Normand que vous êtes, vous ne l’aurezguère quittée, votre Normandie et vous seriez bien embarrassé de dire,comme Frédéric Bérat…

- Comment, interrompis-je, vous connaissez Frédéric Bérat ?

- Parbleu, répliqua le jeune canadien, et il chantonna à son tour :

               J’ai vu les champs de l’Helvétie
               Et ses chalets et ses glaciers
               J’ai vu le ciel de l’Italie
               Et Venise, et ses gondoliers…

Je fus bien forcé de convenir qu’en effet je n’avais vu ni lesglaciers de l’Helvétie, ni les gondoliers de Venise.

- A part quelques excursions, ajoutai-je, et de courts séjours enBretagne, dans les Vosges, sur les rives de la Loire et dans lesmontagnes d’Auvergne, ma vie pourrait être figurée dans un tryptiquedont Paris et le Havre seraient les vantaux, et Rouen le panneaucentral. Je n’ai jamais visité les peuples « estranges », comme disaitle bon poète rouennais Paul Delesques. Je le regrette d’ailleurs.

- Pourquoi, fit à son tour le capitaine Percy Fergusson ? Pourquoialler chercher au loin des sensations fugitives et souvent décevantesquand votre propre pays, votre « patelin » comme vous dites, a desbeautés suffisantes pour émouvoir et émerveiller votre sensibilité ? Etc’est votre cas, à vous autres, Normands !...

Il resta un moment silencieux, puis :

- Ce que j’admire dans les Français, c’est leur attachement au solnatal, ce sol sacré que vos poilus depuis quatre ans défendent avec unsi splendide héroïsme. C’est aussi l’affection profonde, indéracinable,qu’a chacun de vous pour sa « petite patrie ».

- Les Anglais n’ont-ils pas, eux aussi, leur « petite patrie ? »demandai-je.

- Oh ! que si. Et tenez, en ce moment, je songe à mon cher pays deGalles, et à ma petite ville de Cardignan, qui baigne ses vieillesmaisons sur les bords du canal Saint-Georges. C’est là que je suis né,c’est là que j’ai vécu jusqu’au jour où le devoir m’a fait répondre àl’appel de mon roi et de mon pays. C’est là que m’attend mon père.Pauvre père, le reverrai-je jamais ?

Le capitaine se tut. De nouveau, nous demeurâmes silencieux. Uneangoisse indéfinissable opprimait maintenant notre rêverie.

Tout à coup, brusquement, sur toute la ligne des quais, les lumièress’éteignirent.

De la ville plongée dans le noir, des appels de clairon montèrent,stridents et prolongés.

Le canon tonna.

Et sur nos têtes, dans les hautes couches de l’atmosphère, unvrombrissement passait, lugubre, sinistre……

Henry BRIDOUX.


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Organisez-vous, car à l’heurede la paix, il ne faudra pas être pris audépourvu. C’est d’ailleurs votre intérêt et celui du pays.

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FIGURES NORMANDES
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Auguste Dorchain

Auguste Dorchain par Nadar
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Je me souviendrai toute ma vie de la Fête des Roses qui, surl’initiative du poète Emile Lesueur et de M. Tersen, fondateur etprésident des Rosati d’Artois, eut lieu en 1914, à Cambrai, citénatale d’Auguste Dorchain. Dans le cadre fleuri du parc, devant le plusbel horizon d’azur sombre, nous parlâmes à la foule, le président Soïlde Moriamé, de l’Académie d’archéologie de Belgique – demeuré dans sabonne ville de Tournai et quoi devenu parmi le mascaret boche qui lasubmergea ? – et moi, avant le poète de la Jeunesse pensive, quicélébra sa cité natale, la paisible gloire de Martin et de Martine etles roses, toutes les roses, dans un des plus magnifiques discoursqu’il m’ait été donné d’entendre. Or, le soir, lorsque les musiques seturent, lorsque les applaudissements s’éteignirent, lorsque la foule sedispersa, l’Echo du Nord nous apprit la tragédie de Serajevo. A vraidire, nous étions loin de nous douter que le mince ruisseau rouge sortides veines d’un déplorable archiduc autrichien, allait s’allonger enrü, s’enfler en rivière, rouler en fleuve, déferler en océan sur levieux continent et sur le monde tout entier. Nous célébrions la beautédans la paix de nos vieilles cités tranquilles sans nous douter que desinistres gredins se préparaient à remplacer l’épanouissement de nosroses rouges françaises par celui des atroces blessures faites dans laplus pure des chairs humaines par la guerre – la guerre « fraîche etjoyeuse » aimée des hobereaux prussiens… Ce que fut notre réveill’univers le sait. La rapidité avec laquelle nous nous adaptâmes astupéfié nos ennemis eux-mêmes. Ceux qui, chez nous, ne pouvaientcombattre par l’épée se dévouèrent autrement. Auguste Dorchain plusqu’aucun autre. Il a voulu oublier les roses de Cambrai. Il a arrachéles cordes d’argent de sa lyre pour les remplacer par des cordesd’airain. Il s’est replongé dans les sources de notre héroïsme – et ila écrit, lui aussi, un livre de guerre – l’un des plus beaux, l’undes plus salutaires, l’un des plus solides parmi les rares livres quisurnageront sur le… niagara des ouvrages de cet ordre – il vient depublier un admirable, un passionnant Pierre Corneille (1).

Avant toutes choses, qu’on ne me chicane pas le droit d’intituler cette Figure Normande : AUGUSTE DORCHAIN. Dorchain est presque aussinormand que Pierre Corneille. Né à Cambrai en 1857, il quitta cetteville alors qu’il était en bas-âge, grandit à Elbeuf et surtout àRouen, où il naquit vraiment à la vie intellectuelle et où son espritse forma. Il faut lire l’adorable Avant-propos du Pierre Corneille,tout entier consacré à l’évocation de ces années vécues dans la paixstudieuse du Lycée Pierre Corneille(où il eut pour condisciples deshommes aussi éminents et aussi modestes que l’archéologue, graveur etpeintre Léon Coutil et le poète Pierre Nebout) ce Lycée où leCorneilliste François Bouquet, « le père Bouq », l’initia « au cultequasi religieux de l’auteur du Cid. » La lumière auguste del’immortel rouennais ne devait plus cesser de baigner l’existence etl’œuvre du dramaturge de Pour l’Amour. Sur la cheminée de son cabinetde travail triomphe le « cabinet » du grand Corneille, vénérablehéritage ; sur le pupitre d’un prie Dieu s’ouvre en permanence la belleédition de l’Imitation de Jésus-Christ, traduite et paraphrasée envers français par Pierre Corneille, l’Imitation, dont l’auteurd’Horace a magnifiquement transmué les alinéas écrits dans une «langue barbare mais si expressive et si suave, par un moine inconnu »(ou plus exactement mal connu), « en périodes d’alexandrins robustes etgraves » et « en strophes ailées et ferventes », telles que celle-ci,entre autres :

Sers pour l’amour de Dieu, mortel, sers ton prochain
    Sans en avoir de honte.
Et quand tu parais pauvre, empêche que soudain
    La rougeur au front ne te monte
    Pour le paraître avec dédain.

A bien regarder la vie et l’œuvre de Dorchain, on découvre qu’ellesfurent influencées par celles de notre immortel tragique. En expliquantl’auteur de Cinna et du Menteur, Auguste Dorchain s’est expliquélui-même. Ecoutez-le : « … De cette œuvre si diverse, si souple dansson développement et dont ce serait se faire une idée très fausse quede se la figurer perpétuellement raidie dans une tension héroïque –est-ce que nos héros sont ainsi tendus ? – je ne séparerai point la viedu poète ; j’essaierai au contraire de l’évoquer sans cesse autour despoèmes, en me gardant bien, pour la replacer dans son décor et à sadate, de demander à l’imagination sympathique aucune aide qui ne sepuisse appuyer elle-même sur les renseignements les plus certains.Ainsi, malgré les siècles, nous approcherons un peu du maître.N’espérons pas, ou plutôt ne craignons pas, de rencontrer en lui unsurhomme – on sait que pour les inventeurs de ce mot c’est parl’inhumanité que se définit la surhumanité – mais réjouissons-nousd’avoir à hanter un grand homme qui fut, avec beaucoup de génie, maisavec une simplicité non moindre, un homme, un honnête homme, un bravehomme. »

.. Un homme, un honnête homme, un brave homme, ah ! que celas’applique donc exactement à Auguste Dorchain pour qui connaît un peul’intimité de sa vie auprès d’une épouse idéale, la sincérité profondeet la pureté de son œuvre dédaigneuse des succès faciles et des effetstrop certains, la sobriété de sa prose plus robuste qu’éclatante et desa poésie plus cornélienne qu’hugolienne.

L’espace m’est, hélas ! étroitement mesuré. La photographie laisseradeviner en ce que je n’ai plus la possibilité d’écrire, car je veuxsignaler tout spécialement le passage du Pierre Corneille qui, à monsens, replace le mieux l’auteur de Polyeucte dans son cadre et, parmitant de pages de tant d’auteurs, met le mieux en valeur son œuvre,enfin lui rend le plus complètement justice.

« … En ce temps-là, écrit Auguste Dorchain, on s’instruit quand on peut; aussi n’est-il pas rare de trouver assis côte à côte, dans une mêmeclasse, des jeunes gens et des hommes faits qui, plus véritablement quele Dorante du Menteur, reviennent des guerres d’Allemagne. C’estpourquoi, si la discipline est sévère au-dedans du collège, si la peinedu fouet y est prévue, et si pour surprendre les fautes, les meilleursélèves, décurions et censeurs, sont particulièrement chargés del’espionnage et de la délation de leurs camarades – c’est la tareabominable et honteuse de cette éducation si remarquable à tantd’autres égards – les pères sont obligés de fermer les yeux, car il yaurait trop à dire, sur ce qui se passe au dehors, où les collégiens nese font pas faute de troubler le repos nocturne des bourgeois, demolester les passants, de causer du scandale à la foire du Pré, oùGauthier-Garguille nous a si plaisamment célébré les tracas, dehanter les combats de coqs et les jeux de paume mal famés de la Cigogneet du Château-Rouge, enfin d’assister aux exécutions capitales. Sur cedernier point, l’autorité rectorale dut intervenir et signifierd’expresses défenses avec une exception, toutefois, pour les exécutionsd’hérétiques, dont le spectacle resta permis, sinon recommandé, auxcollégiens.

« On pense bien que le jeune Corneille n’était pas de ceux quepouvaient toucher ni cette permission ni ces défenses ; mais en serendant de la rue de Pie à la rue du Grand-Maulévrier, il a pu malgrélui percevoir quelque chose de l’horreur de ces supplices et il acertainement, de sa chambre même, entendu les hurlements des suppliciés; car c’est sur la place du Vieux-Marché que se dressait alors, sansparler du pilori où l’on expose, l’échafaud où l’on décapite, où l’onécartèle, où l’on roue. En 1635, l’année d’avant le Cid, un camaradede Corneille au collège, le bon Hercule Griset, en son poème latin desFastes de Rouen, Fasti Rothomagenses, nous l’y montre construit enpierre, structum saxo, ainsi que les potences, cruces, et que lacuve de cuivre, olla œrea, où avant que le Parlement n’adoucit un peula peine pour ces sortes de crimes, il a vu cuire un faux monnayeur : «Dans mon enfance, je m’en souviens, elle rougit et bouillonna sousl’action des flammes ; à peine avais-je vu mon quatrième automne. Leciel se couvrit des vapeurs noirâtres de l’huile bouillante ; on yplongea, ligotté en boule, le corps vivant du condamné… » Si l’on nelisait que le noble livre de M. Guizot sur Corneille et son temps, onne saurait pas au juste ce que fut ce temps encore atroce. IL LE FAUTPOUR COMPRENDRE MIEUX DE QUELLE HAUTEUR D’HUMANITÉ UN CORNEILLE LEDOMINE. »

C’en est assez. On a lu suffisamment pour avoir le désir de tout lire.On a compris l’importance de l’étude, enfin complète, consacrée parDorchain au poète immortel qui fut notre premier et qui reste notremeilleur professeur de noblesse réelle et d’héroïsme raisonné.

Le Pierre Corneille du poète de Vers la Lumière est une œuvrecapitale, un livre de chevet. J’ose espérer qu’il sera, de plus, unlivre de propagande française.

Georges NORMANDY.

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(1) Garnier frères, éditeurs, 6, rue des Saints-Pères, Paris. 1 vol. de500 pages, 3 fr. 50.



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L’ÉCOLE DE FÉCAMP
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Conférence

Le 28 mai, en la salle des spectacles du collège de jeunes filles, M.Eugène Leroux donna sous ce titre : « La dépopulation rurale et leretour à la terre », une très solide conférence, suite et complémentattendus de la causerie : « La terre et le paysan », faite précédemmentpar M. G. Demongé, le maît’ Arsène des « Gars de Normandie. »

La dépopulation rurale et le retour à la terre : ce vaste plan d’actionoù nous avons glané quelques idées neuves et originales, clairementexposées en un style sobre et précis, émaillé çà et là de poèmes dus àl’inspiration de poètes du terroir : Brizeux, MM. Paul Harel, GeorgesNormandy, G. Demongé, etc., de fragments d’articles signés pard’éminents économistes : R. Béchaux, de l’Institut (le Correspondant), MM. Henri Blin et Vincent-Desbois (Normandie), futunanimement apprécié des auditeurs compétents.

Les chiffres officiels épars dans le texte, permirent de mesurer toutel’ampleur du péril (la dépopulation rurale), qui, si l’on n’y remédie àtemps et avec une très grande énergie, menace de devenir un véritabledésastre national.

Les remèdes nécessaires furent présentés en grand nombre par l’orateurqui préconisa entr’autres la création d’une « Œuvre des concerts ruraux» ayant pour but la lutte contre le cabaret. Ce fut, en même tempsqu’une belle œuvre oratoire, un acte d’un caractère généreux et noble,d’inspiration toute patriotique pour lequel nous ne saurions trop louerson auteur.

A l’issue de la soirée, Mme A. Constantin, avec un charme exquis et unrare talent, interpréta deux ravissantes mélodies de son mari, M.Adrien Constantin, qui détailla lui-même quelques très spirituelleschansonnettes humoristiques de sa veine, accompagné au piano par MlleAnnette Constantin.

Les poètes dirent des vers et Maît’ Arsène, à la satisfaction générale, joua quelques-unes de ses inimitables imitations du Paysan cauchois.

La quête, aimablement faite à l’entrée par Mme Dubosc-Duglé, produisitla somme de 320 francs qui fut remise au Comité des orphelins de guerre.

Ce fut une soirée charmante qui aura, nous l’espérons, des « sœurs dansl’art et dans la charité. »


Au Tombeau de Jean Lorrain

Parmi le funèbre, disparate et solennel chaos des monumentsorgueilleux, des marbres luisants, des granits simples, des humblespierres blanches, il est, dans le cimetière de Fécamp, une tombe, « unevaste dalle de granit poli, posée sur une dalle beaucoup plus vasteencore, grave comme la mort et solide comme la gloire (1) » où nul êtrene s’agenouille : c’est là, sous cette pierre que, mêlée à la clémenteterre natale, en ce coin du charmant pays si cher à son pauvre grandcœur nostalgique, gît la cendre de celui qui fut Jean Lorrain.

C’est sur cette tombe que, le 30 juin, les membres de l’Ecole deFécamp, en commémoration du douzième anniversaire de sa mort, vinrentrendre un touchant hommage au grand homme, à l’illustre écrivain, l’unedes gloires les plus curieuses et les plus originales de la Littératurecontemporaine.

Ce fut une cérémonie très intime, très simple, très belle, qui dût êtrebien douce aux mânes du maître, tacitement haï  et volontairementméconnu par tels de ses compatriotes.

Sur la tombe, au-dessous des quatre vers d’une si profonde mélancolie,où passa, un jour de spleen, la grande âme amère du jeune poète ardent,une lourde gerbe de fleurs – de ces fleurs qu’il aima et chanta sipassionnément – fut déposée, qui se fanera demain, mais demeureralongtemps, pauvre souvenir défloré d’un geste de pieuse vénération.

Et cet hommage rendu au maître par les « jeunes » de l’Ecole de Fécamp,s’il ne leur avait été inspiré par un sentiment sincère d’admiration,leur aurait paru, en ces heures tragiques, obligatoire, car ilsn’oublient pas que tous ceux des nôtres qui meurent chaque jour sur leschamps de bataille du monde, ne meurent que pour conserver intacte latotale grandeur de la patrie que ses ouvriers du verbe, ses soldats dela pensée, dont Jean Lorrain est un des plus remarquables parmi ceux duXIXe siècle, ont faite ce qu’elle est : la France impérissable,éternelle.

C. A.

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(1) La Légende et la Vie de Jean Lorrain. Essai biographique, parGeorges Normandy.



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*    *

Les poètes Charles Argentin, Julien Jeanne, Deschamps, Henri Maugis,professeur au collège, le peintre Henry-E. Burel, les compositeurs Ad.Constantin et Callet, enfin l’excellent journaliste et critique E.Leroux, faisaient partie de la délégation qui se rendit sur la tombe deJean Lorrain. Les poètes G. Demongé (Maît’ Arsène) et André Maréchal,aux armées, s’étaient associés par lettre à cette pieuse démarche aucours de laquelle une gerbe de fleurs fut déposée sur le granit dumausolée par Mme E. Leroux.

A cette occasion le poète Julien Jeanne composa l’agréable sonnet quevoici :

    Pour l’Anniversaire de Jean Lorrain

Sur le granit où sont marqués, en lettres d’or,
Les vers qu’il écrivit en ses heures de rêve,
Nous avons au matin, lorsque chantait la grève,
Déposé quelques fleurs, qui font dans le décor

Du sévère tombeau, songer que de Lorrain
La gloire ne fut pas à jamais éphémère
Et que, même endormi dans l’ombre et le mystère,
Son pays le regrette et pleure l’écrivain !

A celui qui fut grand en sa magique prose
Notre fervent amour d’une gerbe de roses
Sut fleurir la demeure où le coucha le sort

Et, quand le soir viendra sur le grand cimetière,
Les fleurs en se mourant, paraîtront en prière,
Et leur parfum ira jusqu’aux cendres du mort !

            Julien JEANNE.


*
*    *

Nous rendrons compte, dans notre prochain numéro, du pèlerinage que lesmembres de l’Ecole de Fécamp feront au tombeau du romancier Carolusd’Harrans, le jour de la mort de cet écrivain regretté.

Ajoutons encore que l’Ecole de Fécamp – qui se réunit dans l’intimitéchaque quinzaine, en la Salle de l’Union, mise à sa disposition parle Foyer du Soldat Belge – donnera  sa troisième soirée publiquele 5 août. Au programme une conférence du bon poète rouennais PIERREPRÉTEUX, rédacteur en chef de La Revue Normande, sur Les TrouvèresNormands. Nous y reviendrons. Quand toutes nos cités françaises, si riches en personnalitésintéressantes, suivront-elles l’exemple donné par l’Ecole de Fécamp ?Le meilleur régionalisme est celui qui agit.

G. C.


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Campagnes
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I

LABOURAGE

Hiop ! hue ! avec lenteur ils parcourent le champ.
Appuyé des deux poings aux mancherons, le torse
Au vent, le laboureur hâte leur marche et force
Ses bêtes, car déjà le ciel flambe au couchant.

Et le zéphir allonge un peu l’agreste chant…
Hue ! hiop ! et le soc rompt du sol la lourde écorce
Et le groupe pensif chemine et, plein de force,
Cumule les sillons qu’il aligne en marchant.

Et parmi l’automnal et triste crépuscule,
Tandis qu’à l’occident vermeil l’astre recule,
L’équipage poursuit son auguste travail,

Car, grisé par l’odeur de la terre, qu’il hume,
L’homme, sur la charrue inclinant son poitrail,
Va, sans ouïr l’appel de son chaume qui fume…

II

SOIR

Des nuages de pourpre à l’occident serein
S’éparpillent au gré d’un lent zéphir qui muse.
Le jour décroit… Un son lointain de cornemuse
Exhale dans le soir un agreste refrain.

En l’espace, un parfum léger de romarin
Plane… Un trille parfois du cœur d’un buisson, fuse !
Seul, là-bas, l’océan qui s’enlève et refuse
Déferle incessamment au rivage marin.

Voici venir la nuit !... Vers son humble chaumière,
Ivre de chants d’oiseaux, d’odeurs et de lumière,
Le laboureur chemine à travers les sillons.

Cependant que, parmi la campagne céleste
L’Harmonieux semeur disperse d’un seul geste
Tout le poudroîment d’or des constellations.

III

MOISSON

Sous un large soleil de cuivre rutilant
Qui, du zénith en feu choît d’aplomb sur les plaines,
Les moissonneurs, humant la flamme, hors d’haleines,
Impriment à leurs faulx un rythme étincelant.

Partout, les blés rompus jonchent le sol brûlant,
Et sur les chariots où l’on rit à voix pleines,
Les épis mûrs, ployant sous la lourdeur des graines
S’écroulent, enlevés d’un sûr et brusque élan.

Tout à coup, des clameurs ! La campagne est en branle.
Un fouet claque, un char crie et pesamment s’ébranle
Sous le quadruple effort de ses lourds percherons ;

Et, vers l’agreste toit de chaume de la ferme,
Parmi les tourbillons du chanvre et les jurons
Le rustique attelage avance d’un pas ferme…

IV

RETOUR DES CHAMPS

Roulant à l’horizon sans bornes, le soleil
Qui, sans trêve, poursuit sa gigantesque ronde,
Parmi des flamboiements de pourpre et d’or, en l’onde
Enfonce avec lenteur son grand orbe vermeil.

Le ciel crépusculaire, à quelque nef pareil
Allume ses flambeaux qui brillent à la ronde,
Et la lune s’accuse, énorme lampe ronde,
Qui doit du temple obscur éclairer le sommeil.

Voici l’heure sereine où, par les hautes herbes
Quittant les champs, en chœur, les glaneuses superbes
Vont, sous le chaume heureux, savourer le repos.

Et les rires joyeux qui tintent sur leurs lèvres
Se mêlent, dans le soir, au bêlement des chèvres
Que rentrent les bergers au sein de leurs troupeaux.

                   Charles ARGENTIN


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Un Honnête Homme

UN ACTE EN PROSE

(Suite)
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GERMAIN.

Bon. Mais, tout de même, il y a, dans la façon dont tu me parles, dansle ton que tu as… une espèce de… désapprobation. On dirait que tu…

RAYMOND.

Eh ! bien oui, puisque, pour une fois, tu es si perspicace… Oui, je tereproche quelque chose. Certes, tu as été ferme, mais tu n’as eu, àaucun moment, la belle violence que j’attendais, celle qui aurait faitcesser immédiatement les injures…

GERMAIN.

C’est ça !... Tu aurais voulu que je crie, que je m’emballe comme unécervelé… Ah ! parbleu !... je t’entends, toi, si tu avais été à maplace… Tu en aurais dit des grands mots, tu en aurais fait des gestes!.... et à quoi cela t’aurait-il avancé ?... Après tout, c’est mon père…

RAYMOND.

Et à quoi ta… correction t’a-t-elle avancé, toi ?

GERMAIN. (Embarrassé.)

Oui…, oui..., tu profites d’une circonstance… particulière. Enfin, ouiou non, ai-je accompli mon devoir, ai-je rempli mes engagements ?

RAYMOND. (Haussant les épaules.)

Tes « engagements » !... Mais oui, c’est entendu, archientendu, tu lesas remplis… Commerçant va !... (Répétant.) Tes « engagements » !....

GERMAIN. (Appuyant toujours.)

Ai-je fait mon devoir ? Ai-je été fidèle à ma qualité d’honnête homme ?

RAYMOND.

Oui, oui, oui et oui. C’est entendu, compris, définitif !... Il estentendu aussi que tu ne comprendras pas ce que je veux te dire ?...Précisons alors : Dans une circonstance pareille, alors que ta… pluschère affection était en jeu, tu aurais dû avoir, il me semble, un coupde cœur, un élan, un geste… quelque chose, enfin, de spontané,d’instinctif, de…

MARIE. (Entrant : elle apporte une lettre sur un plateau.)

C’est une lettre qu’un petit chasseur vient d’apporter pour Monsieur.Il n’y a pas de réponse mais il a dit que c’était très pressé.

GERMAIN.

Donnez. (Lisant sur l’enveloppe). « Monsieur Druard fils »(Stupéfait). Mais c’est l’écriture de mon père !

MARGUERITE.

L’écriture de… ?

GERMAIN. (Ayant ouvert l’enveloppe et lisant.)

« Monsieur Eusèbe Druard attend au Café de la Terrasse, son associé,Monsieur Germain Druard, afin de régler rapidement l’affaire pourlaquelle il était venu le trouver… commande de fils et câbles pour lesPostes et Télégraphes. Prière de venir de suite. Druard. » C’est biença lui !... Ah ! cette fois, c’est bien fini entre nous… !

RAYMOND.

Ça ne manque pas de saveur. En voilà un procédé !

GERMAIN.

Cela me navre, car je vois bien que, cette fois, la réconciliation nesera plus possible. C’est mon père pourtant…

MARGUERITE. (Plaintive.)

Germain…

GERMAIN. (Décidé.)

Enfin ! c’est ainsi. C’est bien.

RAYMOND.

Et… tu vas y aller ?

GERMAIN.

Bien entendu. J’y vais : les affaires !... Il y en a pour une heure àpeu près… Il ne faut pas que je le fasse trop attendre, d’autant plusque le Café de la Terrasse est à trois cents mètres d’ici…, au boutde la rue… (Appelant). Marie ! mon chapeau, ma canne !... (ARaymond). Je compte te retrouver ici tout à l’heure, hein ?

RAYMOND.

Mais…

GERMAIN.

J’en ai à peine pour une heure, je te le répète… Tu tiendras compagnieà Marguerite… qui me paraît en avoir bien besoin en ce moment.(S’approchant d’elle)… Voyons, du ressort que diable !... Tu ne vaspas te chagriner comme ça !... Nom d’un chien ! réagis…, maîtrise-toi…,montre que tu es un homme !... (Se reprenant vivement)… non… une…c’est-à-dire…

RAYMOND.

Ah ! elle est bien bonne !

MARGUERITE. (Riant, navrée.)

Oui, Germain… Ça ne sera rien… Je te montrerai, je pense, que je suis…(Sourire très pâle)… un homme…

GERMAIN.

La langue m’a fourché !... Tu le sais bien : je ne suis pas un beauparleur moi… mais…

MARIE.

Voilà le chapeau de Monsieur.

GERMAIN.

Enfin, à tout à l’heure… (Il serre la main de Marguerite comme ilserre celle de Raymond.) A tout à l’heure aussi, Favier. Ça va êtrevite réglé.

MARGUERITE.

A tout à l’heure.

RAYMOND. (Presque en même temps que Marguerite.)

C’est entendu.


    (Germain sort.)


(A suivre.)

Georges NORMANDY.

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ÉCHOS ET NOUVELLES

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On a procédé à Beauvais, par ordre du Ministre des Beaux-Arts, àl’enlèvement des vitraux de la cathédrale et des vitraux de l’égliseSaint-Etienne. C’est une excellente précaution, car il faut si peu dechose pour « souffler » dans le néant ces incomparables œuvres desgrandes époques de l’Art Français. Les Allemands ont assez détruitainsi, et s’ils essaient encore de détruire, il faut au moins limiterles méfaits de ces remarquables vandales. En ce qui concerne Beauvais,si proche de notre Normandie, aura-t-on mis à l’abri cette fameusesainte crucifiée, nommée Wilgeforte, ou encore Sainte Débarras ? Cettesainte, raconte-t-on, voulant repousser ses prétendants, supplia Dieude l’enlaidir, grâce qu’elle obtint, puisque une magnifique barbe ornases joues. Son père, furieux, la fit crucifier. Et depuis, elle estinvoquée par celles qui désirent se débarrasser de leur mari. Dans sonsavoureux volume, De Tout, Huysmans lui consacre un curieux article,où il mentionne que cette sainte est révérée également àWattetot-sur-Mer, village qui possède deux statues de SainteWilgeforte. En ce village, la fête de Sainte-Débarras est célébrée le20 juillet. La même sainte est implorée à Wittefleur, pour l’anémie etles maux d’estomac. A Wittefleur, on la nomme aussi Vierge forte, corruption de Wilgeforte. Efin, à Fauville, il existe d’elle unestatue du XVIIIe siècle. Elle est encore adulée dans le Pas-de-Calais,à Wissant ; dans les Hautes-Pyrénées, à Mazères (sous le nom de SainteLibérate), où ses reliques se trouveraient et aussi en Suisseallemande. C’est, en vérité, une sainte utile qu’il importe vraiment demettre à l’abri. Et puis l’art a ses droits ! Tant pis pour les damesqui, dans l’intervalle, auraient à se débarrasser d’un mari « adoré ».

*
*    *

Le 26 mai 1918, Edouard Dujardin (qui est de chez nous), l’auteur de L’initiation au Péché et à l’Amour, Les Lauriers sont coupés, faisaitau théâtre du Vieux-Colombier une intéressante causerie sur ce sujetassez complexe : De Stéphane Mallarmé au Prophète Ezéchiel. Cetteconférence eut lieu sous l’égide de la Ghilde des Forgerons. Le poètefut applaudi, et ses œuvres. Nous avons écouté des choses fortsavoureuses sur la vie littéraire au temps des Symbolistes, tempshéroïques. Toutefois, au sujet de J.-K. Huysmans, peut-être EdouardDujardin exagérait-il ? Il conte qu’un jour il emmena Mallarmé etHuysmans à une matinée de musique où l’on jouait l’ouverture deTannhauser. A la suite de quoi Huysmans écrivit la prose del’ouverture de Tannhauser, non d’après le morceau entendu de l’œuvrede Wagner, mais simplement d’après le compte rendu du programme. Nousavons repris notre exemplaire des Croquis Parisiens et relu. Nouscroyons cela difficilement. Nous croirons plus facilement par exempleque l’auteur d’ En Route n’ait pas souvent remis les pieds dans desréunions de musique : son caractère était plutôt indépendant, mais ilfaut avouer aussi que sa perspicacité en musurgie n’était pas grande.Ceci dit, pour montrer qu’Edouard Dujardin nous intéressa vivement,notons que cette causerie fut ornée de la présence de Mme Jane Hugard,artiste du talent le plus grand qui mima A quelqu’un du Paradis, chanta des Chansons couleur du temps (de Dujardin), récita despassages de la Bible (traduits par E. Dujardin) et dansa (avec MllesDargyl, Roselly, Sackhy et Simoni, de l’Opéra), les Danses de la Fillede Jephté et de la Mort, et Arabesques (musique de Debussy.)

Aperçu dans l’assistance, Ch.-Th. Féret, toujours jeune et vibrant,Fernand Fleuret, Marcel Lebarbier, directeur des Pionniers deNormandie, Louis de Gonzague-Frick, Wullens, des Humbles, le maîtreHan Ryner, etc.

Gabriel-Ursin LANGÉ.

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NOUVELLES VOIES DE COMMUNICATION EN NORMANDIE

Dans nos derniers numéros, nous signalions l’activité déployée en vued’arriver à une solution des divers projets concernant les voies decommunication en Normandie : Canal Paris-Dieppe et projet de Tunnelsous la Seine pour doubler les communications entre Paris et Le Havre.Dernièrement, MM. Louis Brindeau, sénateur, Jules Siegfried et GeorgesAncel, députés du Havre, ont été reçus par M. Claveille, ministre desTravaux publics et l’ont entretenu de la question des voies ferrées enprojet.

Afin d’arriver à une prompte amélioration des communications de larégion havraise avec Paris, la vallée de la Seine et le sud-ouest, ilsont demandé au Ministre de faire reprendre l’examen de la traversée dufleuve par ferry-boats.

Les honorables représentants du Havre ont rappelé au ministre lesprojets précédemment présentés et lui ont signalé les perfectionnementsapportés depuis cette époque à ce mode de transbordement, et lesheureux résultats obtenus ainsi à l’étranger, dans des conditionsd’exploitation souvent plus difficiles qu’en Basse-Seine. Cettesolution pourrait permettre d’attendre, sans laisser plus longtemps ensouffrance des intérêts considérables, l’époque où la construction d’untunnel deviendrait possible. La nouvelle étude serait communiquée à laCommission de la Chambre des députés saisie du dernier projet présentépar le Gouvernement et, en même temps aux corps délibérants de la villeet du département.

Ils ont fait remarquer à M. Claveille qu’une voie ferrée se dirigeantdu Havre vers la rive gauche de la Seine doit nécessairement emprunterla rive droite sur un certain parcours : l’établissement de cette voies’associerait donc très heureusement à la construction sur la rivedroite, vers Caudebec et Rouen, de la ligne dont le développementindustriel des bords de la Seine démontre dès à présent la nécessité.Tandis que cette ligne continuerait vers Caudebec et les au-delà, unembranchement s’infléchirait au sud jusqu’au rivage du fleuve, d’où ilserait relié par ferry-boats aux lignes du département de l’Eure. Unraccordement avec la ligne de Bréauté-Beuzeville à Lillebonne viendraits’ajouter à cette combinaison.

Enfin, nos représentants ont ajouté qu’étant donné le caractère de cesvoies, leur prompte exécution serait justifiée par des considérationspouvant permettre d’abréger les formalités administratives etd’utiliser une main-d’œuvre spéciale actuellement employée àl’établissement de voies d’extrême urgence intéressant la défensenationale.

M. le Ministre des Travaux publics a promis de faire mettreimmédiatement ces questions à l’étude par les services compétents.

De leur côté, les représentants des intérêts économiques de la régionrouennaise n’ont pas manqué de s’intéresser à cette question et aprèsune étude approfondie, ils ont donné leur adhésion au projet de laligne du Havre à Pont-Audemer avec traversée de la Seine par unferry-boat, en attendant que puisse être étudiée suffisamment, etexécutée si possible, la traversée en tunnel.

Quant à la deuxième ligne du Havre à Rouen, elle passerait, pourdesservir les vastes terrains industriels de la rive droite de lavallée de la Seine par Port-Jérôme, Caudebec, Duclair,Saint-Martin-de-Boscherville. Là, elle pénètrerait en tunnel sous lepromontoire de Canteleu, déboucherait dans la vallée de Déville ettraverserait le massif de Rouen également sous un tunnel indépendant decelui de la rue Verte. A cette ligne seraient raccordées les voies desquais de la rive droite et celles des prairies Saint-Gervais. Onéviterait ainsi le passage des trains sur les quais de Rouen, quientraîne tant de gêne pour la libre circulation dans cette partie de lacapitale normande.

A la sortie de Rouen, vers Saint-Hilaire, la ligne suivrait la rivedroite de la Seine et passerait par Saint-Adrien et Port-Saint-Ouenpour entrer ensuite en un tunnel qui déboucherait vers Pont-de-l’Arche.

C’est là que cette ligne, qui devrait être ultérieurement prolongéejusqu’à Paris, se raccorderait avec la ligne existante Rouen-Paris.

Cette solution à laquelle Le Havre, Rouen et Paris trouveraientd’immenses avantages, devrait être rapidement étudiée et sa mise àexécution immédiatement envisagée.


LA SOLIDARITE LATINE

Notre collaborateur, M. Georges Normandy, dont l’actionfranco-brésilienne est bien connue, vient d’être élu membrecorrespondant au Cercle des Beaux-Arts (Circulo de Bellas Artes) dePernambuco (l’Athènes du Brésil), présidé par S. E. Olyntho Victor,directeur de l’Instruction publique de l’Etat, et administré par MM.Rodolpho Lima, Eustorgio Wanderley, Bibiano Silva et Mamede da Costa.


PRIX ACADÉMIQUES

Dans sa séance du 19 juin, l’Académie Française a décidé d’accorder unepart de 500 fr. sur le prix Archon-Despérouses, à M. Eléonor Daubrée,instituteur à Lessay (Manche), pour son ouvrage : A tous nos morts sublimes. Nous applaudissons de tout cœur à cette récompense décernéeà notre aimable compatriote.

Sur le prix Lefebvre-Deumier, dans sa séance du 27 juin, l’Académiefrançaise a accordé également une part de 500 francs, à un autre poètenormand, Auguste Bunoust, dont la figure a été tracée ici même parnotre collaborateur Gaston Le Révérend. C’est son ouvrage, Les Nonnesau jardin, que le délicat écrivain, surnommé M. l’abbé Bunoust, parCampion, a vu ainsi couronner. Tous les lettrés de chez nousapplaudiront à cette juste récompense.

A l’occasion du centenaire de Gounod, le célèbre auteur de Faust, néà Paris, le 17 juin 1818, notre excellent confrère, Gaston Dubosc,rappelle, dans le Journal de Rouen, les origines normandes du célèbremusicien. Par sa mère, Victoire Lemachois, née à Rouen, le 4 juin 1780, dit-il,Gounod appartenait à une des familles rouennaises les plus honorables.Son grand-père, Georges-Alexandre Lemachois, avocat au Parlement deNormandie depuis 1776, occupait une haute situation et habitait unhôtel place Saint-Ouen. Sa grand’mère, née Heuzey, femme de hautevaleur, poète, musicienne, harpiste, était reçue dans les famillesd’Houdetot, de Mortemart, d’Herbouville. Dans son enfance, Gounod vintsouvent à Rouen et à Sahurs dans sa famille maternelle. Il y revint,lors de la première de Faust, le 12 avril 1860, et lors del’exécution de Mors et Vita, dans la cathédrale, le 15 décembre 1887.

Nous apprenons que le sculpteur Delteil vient d’exécuter sur l’ordre denotre éminent compatriote, Mgr Le Nordez, ancien évêque de Dijon, unfort beau médaillon de Vicq d’Azir, le célèbre médecin deMarie-Antoinette, dont l’ancien évêque de Dijon s’occupe de retracer lavie, et sur lequel il doit, paraît-il, donner prochainement uneconférence à Valognes et à Cherbourg.

Mgr Le Nordez qui, depuis quelques années, s’était complètement retiréà Huberville, semble vouloir rompre le silence qu’il s’était imposédepuis sa retraite. Au mois de février dernier, à Valognes, il a faitune conférence sur la guerre qui a eu un grand retentissement etdernièrement il a officié pontificalement à l’antique fêteSaint-Jouvin, de Brix.

Tous les régionalistes se réjouiront de voir cet érudit et avisénormand, reprendre une place qu’on l’avait vu abandonner avec peine.


UNE HÉRÉSIE RÉGIONALISTE

Le département de la Manche, peuplé, il nous semble, debonne racenormande et sur le sol duquel nos pères ont construit ces magnifiqueséglises aussi normandes de style que celles de Caen et de Rouen, estrattaché au Comité des Arts appliqués de Rennes en Bretagne. Or, ilexiste autant de différence entre l’art normand et l’art bretonqu’il peut s’en trouver entre la cathédrale de Coutances et celle deRennes et ce n’est pas peu dire. Et le Conseil général a eu, sansformuler la moindre observation, labonté de voter une subvention à ce comité des Arts si bien appliqués !!!


POUR LE CAFÉ

Dernièrement, a eu lieu à la Bourse du Havre une réunion à laquelle ontpris part cent trente négociants ou courtiers du Havre et des grandesvilles françaises dans le but de constituer une Association Nationaledu commerce des cafés. Cette association qui a élu comme président M.Ancel, député, a l’intention de lutter contre tous les projets tendantà l’établissement du monopole. Elle se propose de faire appel à tousceux qui s’intéressent au commerce des cafés, même aux plus petitsépiciers de la France entière.

ECOLE MANUFACTURIÈRE D’ELBEUF

Depuis le 1er juin, fonctionne à l’école manufacturière d’Elbeuf, unesection de chimie-teinture. Cette création s’imposait, car depuis la guerre, les industrieschimiques ont pris une telle extension qu’il était nécessaire de formerdes chimistes pouvant être utilisés directement dans un laboratoire,pour faire, soit des analyses de produits industriels, soit des essaisde teinture, soit des recherches intéressant l’industrie textile. Lesélèves peuvent aussi, à leur sortie de l’Ecole manufacturière, entrerdans une école supérieure de chimie (Rouen, par exemple), et obtenir lediplôme d’ingénieur-chimiste. Les personnes que cette question intéresserait peuvent s’adresser auDirecteur de l’école, 34, rue de Caudebec.


DANS L’INDUSTRIE DU PEIGNE

Un Centre de rééducation dans l’industrie du peigne vient d’être créédans la vallée de l’Eure. C’est sous les auspices de la section del’Union nationale des mutilés et réformés d’Ivry-la-Bataille, qu’a lieucette installation dont les premières bases ont été posées dans uneréunion préparatoire qui a eu lieu à Ezy le 23 juin, sous la présidencede M. Abel Lefèvre, député de l’Eure. Les blessés qui s’orienteraient dans cette profession y trouveraient untravail rémunérateur et les industriels un heureux complément à lamain-d’œuvre.


VISITE MINISTÉRIELLE A CAEN

Le 23 juin, M. Loucheur, ministre de l’armement, s’est rendu à Caenafin de se rendre compte des progrès accomplis dans l’organisationindustrielle de la région. Il a visite dans tous leurs détails, les hauts fourneaux et leschantiers navals. A la Société normande de métallurgie, dont le secondhaut fourneau fonctionne depuis trois mois, il a pu constater qu’onétait arrivé à doubler la production journalière de fonte ; et qu’unsecond four Martin allumé dans les premiers jours de juin livrait dès àprésent de l’acier. La Société des Chantiers navals a acquis tous les terrains disponiblessur le territoire de Blainville, afin d’y établir un immense bassin ;les travaux de creusement sont commencés et se poursuivent rapidement.


CHAMBRE DE COMMERCE DE CAEN

Cette chambre de Commerce vient de s’installer à l’hôtel Nicolas LeValois d’Escoville. C’est un des plus beaux monuments historiques de laville, qui date de 1538. La Chambre de commerce de Caen a été autorisée à contracter un empruntde cinq millions pour les travaux du canal de Caen à la mer, dont ladépense est évaluée à 10.000.000. La part contributive de l’Etat est de4.250.000 fr.


MINES DE LARCHAMP

Cette société au capital de trois millions, a décidé de porter soncapital à quatre millions de francs par l’émission au pair de 2.000actions de 500 francs.


CANAL DE TANCARVILLE

Les travaux d’agrandissement du canal de Tancarville sur 2.600 mètresde longueur entre les ponts n° 5 et 8 se poursuivent régulièrement.125.000 mètres cubes sur 190.000 sont déjà dragués, et on active laconstruction de deux grues flottantes de huit tonnes.


NOUVEAUX REMORQUEURS

Le ministère des Travaux publics avait commandé une série de douzeremorqueurs d’un nouveau type, mus par une machine à vapeur d’une forcede 500 chevaux ; l’un de ces navires a déjà été lancé ; ils sontdestinés au remorquage en Seine de façon à alléger le trafic des voiesferrées.


LES ROSATI DU CALAISIS

Le Glaneur, l’organe de cette Société littéraire et artistique,annonce le grand concours national de poésie, de prose et d’art, de la« Rose du Calaisis » pour 1918. Ce concours d’œuvres inédites est dotéd’un grand nombre de prix. Les compositions devront être adressées à M. le Président des Rosati duCalaisis, 45 bis, boulevard Jacquard, à Calais, avant le premiernovembre 1918, dernier délai. L’enveloppe portera au coin gauche lamention : « Concours 1918 ». Pour tous renseignements complémentaires, s’adresser ausecrétaire-général des Rosati, 45 bis, boulevard Jacquard, Calais.


PUBLICATIONS NORMANDES

La Revue Normande, organe mensuel du Foyer artistique et littéraire,place de la Haute-Vieille-tour, Rouen (abonnement, 10 fr. par an.) La Mouette, revue normande de renaissance littéraire, 20, rue duPerrey, Le Havre. (Abonnement, 6 fr. par an.) La Normandie pharmaceutique, 38, rue Armand-Carrel, à Rouen.(Abonnement, 5 fr. par an.)

La revue La Race, prépare un numéro spécial pour le 14 juillet. Voirla nouvelle couverture le nouveau format, un sommaire impeccable, et denombreuses primes, cartes de cinéma, etc., remboursant avantageusementle prix du numéro. En vente partout au prix de un franc. Envoi àdomicile contre 1 fr. 10. Retenez dès à présent ce numéro exceptionnel,vu la crise du papier, le tirage devant être limité.

PETIT ANNUAIRE DES ECRIVAINS

Sous ce titre La Revue Littéraire et Artistique vient de publier unlivre contenant plus de 6.000 noms et adresses d’écrivains,journalistes, critiques littéraires, etc… Nous ne saurions trop engagernos amis à se le procurer, parce qu’il sera pour tous d’une très grandeutilité. Adresser les commandes à l’Administrateur de la Revue Littéraire ; àPamiers (Ariège), ou au dépôt général : Maison Française d’Art etd’Edition, 16, rue de l’Odéon à Paris. – Prix : 3 francs.

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Le Gérant : MIOLLAIS.
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IMPRIMERIE HERPIN, Alençon. Vve A. LAVERDURE, Successeur.