LaNormandie agricole, journald’agriculture pratique, d’économie rurale et d’horticulture. Tome III.-3e année.- 1845-1846.- Caen : Impr. de Félix Poisson, 18 rue froide,1845-1846. ; 22,5 cm. Numérisation : O. Bogros pour la collection électroniquede la Médiathèque André Malraux de Lisieux (27.X.2013). [Ce texte n'ayantpas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement desfautes non corrigées]. Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros]obogros@lintercom.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusionlibre et gratuite (freeware) Orthographeetgraphieconservées. Texteétabli sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : Normn.c.) du tome III, seul conservé, de la Normandie Agricole pour l'année 1845-1846. Ce journal a paru de juillet 1843 à juin1848. LaNormandie agricole, Journald’agriculture pratique, d’économie rurale et d’horticulture. [Sélection d'articles] ~*~Tome III.- 3e année. - 1re livraison. - juillet 1845
 | HÉBRUS, (fils de Don Quichotte) appartenant Mr Gve Marion. "Lecheval dont nous publions le dessin est né et a été élevé dans laNormandie. Il appartient à M. Marion fils, marchand de chevaux àBlainville près Caen. Ce cheval très fortement membré, d'une taille de1 mètre 639 mill. est fort beau trotteur. Il était depuis 6 semaines àl'entrainement l'orsqu'il a été dessiné." | UN MOT À NOS LECTEURS. Fondée au mois de juillet 1843, la Normandie Agricoleest arrivée à sa troisième année d'existence, et l'accueil qu'elle areçu dès son début a été pour les fondateurs un témoignage de l'utilitéde celle publication. En créant cet organe aux intérêts agricoles si importans, si variés denos départemens, nous avons, malgré notre désir de bien faire, beaucoupmoins compté sur nos propres forces que sur le concours des hommes qui,par leurs éludes spéciales ou par une longue et intelligente pratique,pouvaient nous aider à répandre d'utiles notions et de bonsenseignemens. Nous remercions ici, au nom du pays, ceux de nos concitoyens qui ontbien voulu nous seconder dans notre entreprise, et nous faisons encoreet toujours appel à la collaboration de toutes les personnes de savoiret d'expérience, en faveur d'une œuvre que nous avons placée sous lepatronage de tous les amis des progrès pacifiques. Car la Normandie Agricole est,ainsi que nous l'avons dit dès la première page de cette publication,un livre d'enseignement mutuel, où chacun peut venir déposer le fruitde ses observations. Bien décidés à marcher en dehors de toute idéesystématique, de tout esprit d'exclusion, nous avons accueilli et nousaccueillerons toujours avec empressement toutes les communications quinous seront adressées, en nous réservant seulement et en réservant àtous le droit de discussion et de critique , mais de cette critiquegrave et raisonnée qui n'a pour but que d'éclairer, sans froisser lesamours-propres, d'arriver à la vérité sans blesser les susceptibilitéspersonnelles. Appuyer de tous leurs efforts ce qui leur paraît bon et utile,combattre les erreurs ou les abus, sans passion, sans aigreur et en semaintenant sur le terrain nettement tracé à une mission spéciale, tellea été la pensée des premiers fondateurs et telle sera la pensée quiprésidera constamment à la publication du recueil. Au surplus, nous avons aujourd'hui à produire comme gage de nosintentions et comme indication du but que nous nous proposons, lestravaux des deux premières années, de ce tems que nous appelleronsd'épreuve, le plus difficile en toute entreprise. Nous n'avons point laprétention d'offrir ce produit de nos efforts comme une œuvre dont nousdevions nous glorifier : nous le présentons pour ce qu'il vaut, commeun simple spécimen de la publication que nous allons poursuivre, etdont l'utilité sera d'autant plus grande et le succès plus assuré, quel'on voudra bien nous prêter un concours plus actif. Ce n'est pas dans un intérêt personnel que nous travaillons, mais danscelui de notre pays, et à ce titre tous les hommes éclairés nousdoivent aide et assistance. La commission désignée par les premiers fondateurs de la Normandie Agricole se compose de : MM. Thierry, professeur de chimie à l'Académie royale de Caen, Decourdemanche, propriétaire ; G. David, négociant ; Person, directeur de l'École d'équitation ; Le Barillier, propriétaire-cultivateur ; Caillieux, médecin vétérinaire ; et Manoury, professeur d'horticulture. Directeur : A. SEMINEL. CONGRÈS CENTRAL D'AGRICULTURE. QUESTION CHEVALINE.— (Suite).
Durapport de la commission il résulte que, dans son sein, la question aété envisagée sous cinq points de vue principaux : population,production, amélioration, encouragemens, voies et moyens. 1°. POPULATION.
Suivantles uns, elle serait suffisante, quant au nombre ; seulement, elleserait impropre à satisfaire d'une manière complète certains besoins,notamment ceux du luxe et de la cavalerie. Suivant les autres, aucontraire, elle pécherait à la fois par le nombre et la qualité ; et lapreuve, c'est que les prix augmentent chaque jour, et que l'on estobligé d'avoir recours aux étrangers. Laquelle de ces deux opinions estla vraie ? C'est une question qui ne laisse pas que d'offrir unecertaine importance, et de réclamer un sérieux examen. Quenous importions chaque année dix-huit à vingt mille chevaux de commerce; que dans les moments de crise, comme 1830 et 1840 , nous ayons dûdemander à l'étranger de quoi suffire aux besoins extraordinaires denotre cavalerie, ce sont là des faits malheureusement hors de doute, etque, tout en les déplorant, il n'est permis à personne de méconnaître.Portant à vingt mille le nombre de chevaux que nous ne pouvons livrerau commerce ; supposant que de dix mille chevaux que réclament lesremontes de la cavalerie, nous ne lui en fournissions que la moiti, ilen résulte un déficit annuel de vingt-cinq mille, et conséquemment, sinous calculons à dix ans la durée des services du cheval, nous arrivonsà cette conclusion que la population indigène est de deuxcent-cinquante mille chevaux de luxe et de troupe, plus pauvrequ'elle ne devrait être. Ce calcul est évidemment exagéré ; mais, enpareil cas, mieux vaut dépasser le but que de ne pas l'atteindre :aussi, irai-je encore plus loin et porterai-je le déficit à trois centmille. Personne ne niera, j'espère , que si la France produisaitannuellement trente mille chevaux de luxe et de troupe de plus qu'ellene produit en ce moment, elle ne fût en état de satisfaire largementaux exigences de toutenature. Voilà donc une chose entendue : vainement chercherait-on dansla population indigène trois cent mille individus qui devraient s'ytrouver. En faut-il conclure que cette population ne soit passuffisamment nombreuse, qu'elle soit trop nombreuse même ? En aucunefaçon. Car si, au lieu de ces chevaux que nous n'avons pas et que nousdevrions avoir, nous en nourrissons deux ou trois fois davantage qui nesont propres à rien, ou du moins qu'à des services desquels nousaurions intérêt à nous passer, il est évident que c'est la qualitéseule qui manque et non la quantité. Avant d'aller plus loin ,qu'il me soit permis d'expliquer ici ce que j'entends par des servicesdont nous aurions intérêt à nous passer. Les travaux agricoles exigentl'emploi de moteurs dispendieux à élever et à nourrir. L'agriculturecependant est d'autant plus prospère que ses travaux lui coûtent moins.Elle doit donc donner la préférence au moteur qui lui offre le plus dechances de rentrer dans ses débours. Mais comment rentrer dans lesdébours occasionnés par un animal dispendieux à élever et à nourrir ?En trouvant, à une époque quelconque, un acquéreur qui, ayant à sontour besoin de lui, consente à le payer assez cher pour couvrir cettedépense. Pour le cheval, il existe trois grandes catégories d'acheteurs: le luxe et l'armée, les postes et les diligences, le roulage. Enconséquence, toutes les fois que l'agriculture l'emploie, elle doits'attacher à ce qu'il soit propre à l'un de ces trois services, et dansce cas son attente ne saurait être trompée , attendu que pour eux lecheval est un objet d'indispensable nécessité. Il faut conséquemmentdiviser l'existence de celui-ci en deux périodes : la première qui,commençant à sa naissance, se prolonge jusqu'au moment où, parvenu à lajouissance de la totalité de ses forces, il se trouve en état d'être livré au consommateur ; la seconde qui, datant de cetteépoque, ne finit qu'avec sa vie. La première période appartient dedroit à l'agriculture qui seule peut, sans inconvénient, exiger de luiles travaux que nul autre ne pourrait impunément lui demander. Laseconde période arrivée, au contraire, il faut qu'elle s'en défasse, sielle vent être indemnisée des dépenses qu'il lui a occasionnées. Maispour y réussir, il faut comme je le disais à l'instant qu'il réponde àquelqu'un des besoins à satisfaire, ou, en d'autres termes, qu'ilpuisse trouver un acheteur ; autrement elle se trouve dans la nécessitéde l'user , et conséquemment de supporter tous les frais d'élevage etd'entretien sans compensation, puisqu'il diminue journellement devaleur, et que dans un temps donné même, il cesse d'en avoir aucune.Or, si les services qu'il rend peuvent l'être également par un autreanimal pour lequel il existe toujours un débouché certain, et quiconséquemment ne peut manquer de restituer tout ou partie des dépensesqu'il a occasionnées, il en résulte évidemment que partout oul'agriculture emploie un cheval impropre à satisfaire quelqu'un desbesoins ci-dessus mentionnés, elle a le plus pressant intérêt à sepasser de ses services et à les remplacer par ceux du boeuf. Ily a donc pour elle, si elle persiste à faire usage du cheval, nécessitéabsolue de l'approprier aux besoins du consommateur, et conséquemmentde le mettre dans le cas de trouver un acheteur. Mais pour le trouvercet acheteur, il ne suffit pas que le cheval soit propre à son service, il faut encore qu'il en ait besoin. Ainsi, autant l'intérêt publicexige que la production se maintienne constamment au niveau de laconsommation, autant l'intérêt de l'agriculture exige à son tour que ceniveau ne soit jamais dépassé. Autrement l'agriculture, malgré laqualité de ses produits, retomberait dans le même embarras qu'elleaurait voulu éviter, avec cette différence toutefois que sa perteserait augmentée de tous ses frais d'amélioration, Pousser laproduction hors des limites de la consommation serait donc une fautedes plus graves. Des gens à courte-visée, je le sais, ne manqueront pas de le nier, et de proclamer comme une importantedécouverte, que plus les produits seront abondants, et moins les prixseront élevés. C'est que précisément il faut que les prix soientélevés. En effet, la qualité des produits exigeant pour premièrecondition des soins et des alimens qui occasionnent des dépensesconsidérables, ces dépenses doivent nécessairement être remboursées.Autrement si, par suite de surabondance, la vente se fait au-dessous duprix de revient, elle ruine le producteur qui se trouve ainsi condamnéà produire à meilleur compte, c'est-à-dire plus mal. Ici, d'ailleurs, l'intérêt du pays en général se trouveparfaitement d'accord avec celui de l'agriculture, et il ne lui importepas moins qu'à elle que la quantité de chevaux qu'elle élève ne dépassepas le nombre strictement nécessaire aux besoins de la population. Lecheval est essentiellement consommateur : traité comme il le doit être,il n'en est pas un qui n'absorbe la nourriture de plusieurs hommes, etpersonne ne doit oublier qu'à côté de ces nobles coursiers donts'énorgueillit l'Angleterre, et auxquels , dansdes mangeoirs de marbre et des rateliers d'acajou, elle prodigue lanourriture la plus recherchée et la plus abondante, et que, dans desappartements confortables, elle a journellement à constater la mort defamilles entières moissonnées par le froid, la misère et la faim. Cen'est pas à dire pour cela que nous ne devions pas produire lenombre de chevaux dont nous avons besoin ; mais, un de plus, nous nedevons pas le désirer, et dans toute localité où l'agriculture faitusage d'un cheval, qu'une cause quelconque rend impropre à satisfaireles besoins de la société, l'intérêt public demande qu'elle luisubstitue le bœuf qui, lui du moins, n'absorbe pas sans compensationles fruits de la terre, et restitue à l'alimentation les emprunts qu'illui avait faits. De ce qui précède, n'est-on pas autorisé àconclure que la population chevaline de la France est suffisante etplus que suffisante, numériquement parlant ? Ce n'est donc pasprécisément à l'augmenter que doivent tendre les efforts de l'industrieet de l'administration ; mais bien à faire en sorte qu'elle soit mieuxappropriée à certains services. A quel moyen recourir pour atteindre cerésultat de la manière la plus prompte, la plus complète et la plusdurable ? A ce sujet il s'est produit un singulier raisonnement qui,tout étrange qu'il puisse paraître au véritable homme de cheval, n'en apas moins trouvé, dans le congrès d'assez nombreux défenseurs, parmilesquels nous n'avons pas vu sans surprise quelques hommes d'un mériteincontestable : preuve nouvelle, s'il en était besoin, combien cettequestion des chevaux , si simple en apparence et que chacun se croitapte à résoudre, présente cependant de difficultés réelles. Mais ce que nous avons à dire sera mieux placé au titre, de la production. F. PERSON. (La suite à un prochain numéro).
LES PARASITES. — LE GUI DES POMMIERS. Le Gui, ce végétal dont l'existence est si singulière, qui vit et sedéveloppe aux dépens de l'arbre auquel il s'est attaché, comme certainsinsectes s'attachent aux animaux pour leur sucer le sang ; le Gui, quiautrefois était une plante sacrée et à ce titre en grand honneur, est,de nos jours, bien déchu de son ancienne splendeur. Ce n'est plus cettepanacée universelle qui préservait ou guérissait de tous les accidenset de tous les maux : c'est tout simplement une plante malfaisante quetout cultivateur, jaloux de la bonne conservation de ses arbres, doitextirper avec soin. Ce parasite se développe sur presque toute espèce d'arbres ; mais, dansnos départemens, c'est aux pommiers et à quelques variétés du peuplierqu'il s'incruste de préférence, et dont il ne tarde pas à appauvrir lavégétation, chez les premiers surtout, si on le laisse croître à sonaise. Le Gui s'implante dans le liber des arbres et vit de la sève qu'ilscharrient. On prétend même que quelquefois sa racine traverse labranche et va former une seconde touffe du côté opposé. Il est aisé decomprendre le tort que ce parasite fait aux arbres, puisqu'il absorbeles sucs destinés à les nourrir. Ce végétal est aux arbres ce que le chardon est à nos champs ;non-seulement il nuit au développement de l'arbre auquel il s'est fixé,mais il infecte de ses produits tous les arbres de la contrée. Sesbaies sont enduites d'une matière visqueuse, gluante, qui le colle surle végétal où elles se trouvent transportées par les oiseaux. Car ilest d'observation que les oiseaux qui se nourrissent du fruit du gui nele digèrent pas, en sorte qu'il est quelquefois, à des grandesdistances, déposé sur les branches des arbres avec la fiente quil'enveloppe. La plante doit avoir encore d'autres moyens de serépandre, car on la rencontre sur des arbres et dans des contrées queles oiseaux qui mangent le fruit du gui ne fréquentent jamais. C'est au mois de mai que le gui commun de nos localités (celui à baiesblanches) est en fleur, quelque tardive que soit la végétation del'arbre sur lequel il vit. Le fruit ne mûrit qu'en automne, et c'estpendant l'hiver qu'il devient la pâture des oiseaux. En général, dans nos départemens, on se préoccupe peu de la destructionde cette plante, qui fait cependant un tort considérable aux arbres etfinit par envahir tout un plant et souvent toute une contrée. Il en estautrement dans d'autres départemens, et, sur les bords de la Loirenotamment, les cultivateurs sont très-soigneux de purger leurs arbresde cet ennemi. Dans quelques parties de la Manche, où l'on donne unsoin tout particulier aux vergers, on voit peu de gui : son absence estle signe d'une culture bien entendue. Que nos cultivateurs sachent bien que le gui et la mousse sont deux desfléaux des pommiers. La mousse est très-difficile à combattre lorsqu'unplant est déjà âgé : quelques précautions que nous indiqueronsultérieurement, peuvent, sinon l'empêcher complètement d'envahir lesjeunes arbres, du moins les en préserver en partie. Mais, quant au gui,le cultivateur n'est pas excusable de ne pas le détruire, carl'opération n'est ni longue ni difficile. Pour en purger les pommiers ,il suffit d'un morceau de fer tranchant, tel qu'un bout de faucilleemmanché d'une gaule ou même une faux pour les parties basses del'arbre ; avec cet instrument on coupe la plante parasite le plus prèspossible de l'écorce. Si l'on n'a pas cette précaution, un verger toutentier est en quelques années infecté du gui. Et cette négligence n'est pas préjudiciable seulement ou cultivateur qui s'en rend coupable— c'est le mot — , elle l'est également à ses voisins qui, plussoigneux que lui, ont coupé le gui dans leurs arbres ; car les oiseaux,ainsi que nous l'avons dit, portent dans son champ les semences qu'ilsont mangées dans le champ voisin, comme les vents transportent sur lesterres du bon cultivateur la graine des chardons qu'un mauvais fermierlaisse prospérer sur son exploitation. Dans le Calvados, la vallée d'Auge est sur différens points infectée degui. Plusieurs fois déjà l'incurie, qui est cause de ce mal, a motivédes réclamations de la part des cultivateurs intelligens, et c'est uneréclamation de ce genre, adressée récemment à la Société d'agriculturede Caen, qui nous a amenés à parler de ce parasite. IRRIGATIONS Un propriétaire cultivateur du département de la Manche, qui a su tirerdes terrains qu'il exploite un parti assez avantageux pour que sesobservations, sur les améliorations à introduire dans notreagriculture, méritent d'être examinées et discutées, nous adresse lacommunication suivante : « Au moment où tant d'esprits sérieux se préoccupent vivement del'avenir agricole de la France, permettez-moi de vous soumettrequelques-unes de mes idées à ce sujet. J'ai à vous parler d'abord d'unmoyen de procurer l'irrigation à une grande quantité de terrainsimproductifs, ou d'un produit presque nul, parce qu'ils sont privés desarrosemens qui les féconderaient. « Sur beaucoup de points, dans les contrées accidentées comme le sontplusieurs parties du déparlement de la Manche, il existe un grandnombre de petits moulins qui sont devenus sans valeur depuis quel'industrie a fondé ses grandes minoteries, et qui ne peuvent reprendrela valeur perdue, aujourd'hui que des communications faciles sontétablies entre ces usines et la masse des consommateurs. « Pour ne parler que de l'arrondissement de Cherbourg, on citeraitvingt petits moulins vulgairement désignés par le nom caractérisque de Écoute-s'il pleut,parce qu'ils n'ont suffisamment d'eau pour marcher que quand lesruisseaux qui les alimentent sont grossis par la pluie. Ces moulinssont les uns en chômage perpétuel, les autres loués à un prix bieninférieur de celui qu'ils avaient il y a une quinzaine d'annéesseulement. Chacun de ces moulins fait perdre une quantité d'eau quipermettrait d'irriguer au moins dix hectares de terre en nature deprairie. « La valeur locative ou vénale d'un hectare de terre de cette natureest généralement double d'un hectare de terre en labour. Cettedifférence de valeur vient de ce que le premier rapporte plus que lesecond et à moins de frais, et que d'ailleurs les prairies sontindispensables pour nourrir les bestiaux, sans les quels pointd'engrais et point de bonnes récoltes. « Tous les cultivateurs savent d'expérience qu'un hectare de terre bienfumé produit plus que deux qui manquent d'engrais. Or, les fermes denotre arrondissement n'ont pas, la plupart, assez d'herbages ou deprairies pour nourrir le nombre de bestiaux qui donneraient àl'exploitation un engrais suffisant pour les terres en labour. Encoremoins en ont-elles pour améliorer leurs herbages. « S'il était besoin de preuves à l'appui de l'avantage des irrigations,je citerais, sur ma propre exploitation, une pièce de terre de lacontenance de 4 hect., qui ne produisait que des fougères, des bruyèreset des ajoncs, et que, par des irrigations, et sans engrais, j'aichangée en une bonne prairie. « Ces faits posés , cherchons le remède au mal que nous signalons : « La loi Dangeville sur les irrigations n'est véritablement qu'un desarticles de la législation réclamée de toutes parts sur cetteimportante matière. Pour la compléter, on a demandé la facultéd'appuyer, moyennant indemnité, un barrage sur la rive opposée ; uneloi portant règlement sur l'emploi et la police des eaux sembleégalement indispensable. « Dans l'économie de cette loi, ne serait-il pas convenable de laisserau gouvernement le droit de désigner une commission d'ingénieurs, soitmême de créer un corps spécial d'ingénieurs chargés spécialementd'étudier le meilleur emploi à faire des eaux ? Ces ingénieurs, aprèsavoir reconnu le parti que l'on pourrait tirer, dans l'intérêt général,des eaux absorbées ou du moins détournées de leur destination naturellepar des moulins sans valeur, indiqueraient ceux qui devraient êtreexpropropriés pour cause d'utilité publique. Les mêmes ingénieursproposeraient alors un règlement qui déterminerait d'une manièreprécise l'usage des eaux devenues du domaine public. Par ce moyen,toutes les eaux seraient utilisées, et le règlement qui attribuerait àchaque fond sa part de ce principe de fécondation préviendrait lesnombreux, souvent interminables et parfois ruineux procès qui, dansl'état de choses actuel, s'élèvent journellement entre lespropriétaires des fonds riverains. « On objectera sans doute que celte mesure entraînerail de grandes dépenses. « A cela on répond que les terres en labour devenues prairiesarrosables prendraient une valeur double de celle qu'elles ontaujourd'hui ; que des prairies médiocres deviendraient d'excellentequalité, et que le gouvernement, en donnant ainsi une plus-value ausol, rentrerait bientôt dans ses avances, par les droits de mutationplus élevés qu'il recevrait. « Résumons en chiffres : « 1,000 moulins dont la chute d'eaa serait en moyenne de 6,000 fr. l'un, coûteraient 6 millions. « En supposant que chacun de ces moulins s'oppose à l'irrigation de 10hectares de terre, cela fait 10,000 hectares. Supposons encore que,dans l'état actuel, dans une partie de la Normandie, l'hectare de terremédiocre en labour ait une valeur locative de 50 fr., convertie enprairie, il serait loué au moins 150 fr. : plus-value locative 1,000fr. par hectare, soit un million par an. « Il est bien entendu que l'on ne doit comprendre dans les moulins àexproprier que ceux qui ont perdu une valeur qu'ils ne peuventreprendre ; et qu'il faudrait exclure de la mesure d'expropriation ceuxdont les eaux ne pourraient recevoir un utile emploi, de même que ceuxqui, ayant une grande puissance d'eau, pourraient être transformés enun genre quelconque d'usine. « Il y a beaucoup, pour ne pas dire qu'il reste tout à faire en matièred'irrigation. Chacun doit le tribut de ses idées pour éclairer laquestion et aider à l'amélioration. C'est dans ce but que je vous aisoumis les miennes et que je me joins à vous pour appeler sur cetimportant sujet les réflexions de toutes les personnes dont il a pufixer l'attention. « Dans un prochain numéro , je vous adresserai quelques observations sur les moyens d'amélioration des chemins ruraux. « Agréez, etc. D*. Cultivateur à Tourlaville, arrond. de Cherbourg. » * * *
Tome III.- 3e année. - 2e livraison. - août 1845
CHEVAUX AU PIQUET DANS LES PRAIRIES NATURELLES. Depuis long-temps il est d’usage, dans la plupart des contrée denos départements, de tenir les vaches et les chevaux au piquetdans les prairies artificielles. Il est reconnu que ce procédé réunitle double avantage de laisser aux animaux une demi-liberté, en pleinair, chose utile à leur santé, et de tirer le meilleur parti desherbes, en empêchant le gaspillage. Nous avons indiqué ce que c'est que le piquet (v. tome 1er, page 155.)Nous pourrons revenir plus tard sur ce sujet. Ce que nous avons àsignaler aujourd'hui , c'est une innovation récemment introduite dansl'usage du piquet, par un des cultivateurs et éleveurs intelligens denotre pays, par M. Marion , père, à Caen. M. Marion qui avait, par une pratique longue et éclairée, constaté lesbons résultats de cette méthode, a pensé que le piquet pour les chevauxpouvait être employé aussi bien dans les prairies naturelles que dansles prairies artificielles. En 1843, pour la première fois, M. Marion fit l'essai de ce système,dans des herbages situés à Colombelles, près Caen, sur la rive gauchede l'Orne. Ces herbages, sans être de qualité supérieure, sont bonfond, plutôt froids que chauds, plutôt secs que mouillans, ce qui estla meilleure condition pour obtenir d’importans résultats que nousavons à mentionner. Depuis trois ans les expériences ont été continuées, et si nous n'enavons pas parlé plus tôt, c'est que nous voulions parler plus sûrement.Nous pouvons dire actuellement que le succès a été complet , et nousappelons l'attention des cultivateurs sur le mérite du procédé. M. Marion aménage le sol dont il peut disposer, de telle manière queles jeunes chevaux qu'il tient au piquet y restent depuis la mi-avrilenviron, époque où les herbes commencent à pousser, jusque vers lami-octobre. A cet effet, il divise en deux soit herbage. Les chevauxsont piqués dans la première partie, tandis que la seconde estdépouillée par des boeufs d'engrais ou par des moutons, jusqu'aumoment où il convient de retirer ces animaux, pour laisser reposer lesherbes et préparer aux chevaux une nourriture suffisante. Le piquet est changé de place, c'est-à-dire avancé vers la partie àdépouiller, une on deux fois en 24 heures, et la corde est lâchée uneou deux fois, ce qui équivaut à trois ou quatre changements de piquet. Le premier changement se fait le matin de 4 à 5 heures selon la saison; à 11 heures, au moment où l'on apporte à boire et dle l'avoine auxchevaux , — lorsqu'il entre dans les calculs de l'éleveur de leurdonner ce supplément de nourriture, — on lâche le noeud de la cordepour donner plus de longueur, et le soir pour la nourriture de la nuit,le piquet est changé de nouveau. Dans toute sa longueur la corde à 7 mètres, ce qui donne aux chevauxun espace suffisant pour prendre de l’exercice. - Dans la premièrepartie de la journée la corde reste raccourcie d'un tiers. Tous les jours le crottin est étendu avec soin. Les herbes sur lesquelles les chevaux ont été piqués sont maintenues àune hauteur égale, par un troupeau de moutons que l'on fait passersuccessivement sur tous les points où elles tendent, à s'emporter. Pendant une dizaine de jours après que les chevaux sont retirés, lesmoutons restent sur les parties de l'herbage qui ont été les premièresdépouillées. Après dix à douze jours de repos de l'herbage, les boeufs y sontintroduits, c'est-à-dire vingt jours après que les chevaux en sontsortis. Il convient d'ajouter que, par suite d'observations judicieuses dontnous allons parler, M. Marion laisse s'écouler une année avant demettre de nouveau des chevaux dans le méme herbage. Pourlui la raison en est, — et celle raison est fondée surl'expérience — que les herbages se comportent d'autant mieux, sontd'autant plus fertiles que l'on prend plus de soin de varier lesespèces d'animaux qui Ies dépouillent. Ainsi M. Marion fait passersuccessivement chevaux, moutons et bêtes à cornes sur le même herbages.Par ce moyen, il n’a jamais d’ herbe de refus, comme cela arrive quandon met continuellement sur les mêmes herbes la même espèce de bestiaux,- d’où résulte pour l'herbager une perte notable. Tout le monde sait que les chevaux en liberté font beaucoup de tort auxherbages : en galopant jour et nuit, ils défoncent le sol et détruisentune partie de l’herbe, ce qui fait dire communément que le chevalconsomme plus par le pied que par la dent. Aussi, dans tous les bauxexiste-t-il une clause qui défend de mettre les chevaux dans lesherbages, ou qui en limite strictement le nombre. Au moyen du piquet cet inconvénient disparaît. La longueur de lacorde donne au cheval l'espace nécessaire pour prendre l'exercice quiconvient à sa santé, mais pas assez pour qu'il prenne ses grands ébats.En second lieu, par les urines et le crottin qu'il est forcé de laissersur que lui limite sa corde, il dépose successivement de l’engrais surchaque partie de l’herbage. M. Marion estime que cette fumure équivautau moins un franc par are. Les faits sont là pour justifier cette assertion : l’amélioration dufond sur lequel les chevaux ont passé est telle que l’oeil le moinsexercé reconnaîtrait, à leur végétation, les parties des herbagesdépouillées par les chevaux au piquet et celles dépouillées de touteautre manière. Les propriétaires des herbages exploités par M. Marion ont d'ailleurssi bien reconnu les avantages du piquet, pour l'amélioration du fond,qu'ils lui ont laissé la pleine faculté de faire dépouillersuccessivement toutes les herbes par des chevaux. Voici un autre avantage du piquet : la reprise des herbes dix joursaprès que les moutons les ont quittées, soit vingt jours depuis que leschevaux ont été retirés, donne un fourrage d'une qualité biensupérieure aux regains ordinaires des prairies. Ces herbes ont ducorps, sont substantielles, et les bestiaux s'en trouvent très bien,tandis que souvent les herbes molles des regains relâchent le corps desbestiaux qui, au lieu de s'amender, s'y détériorent tout d'abord,quoiqu'ils soient en pleine herbe, jusqu'à ce qu'ils aient le corpsfait à celle nourriture. Résumons : avec le piquet, loin d'avoir à craindre que le fond ne soitdétérioré par le pied des chevaux, l'expérience a démontré qu'il estdevenu meilleur ; isolés les nus des autres, les chevaux ne peuvent seblesser mutuellement, et il leur suffit de quelques jours de piquetpour être bien accoutumés à la corde ; placés dans l'impossibilité dese donner un exercice exagéré, ils profitent mieux de la nourriturequ'ils prennent, peuvent par conséquent être nourris et entretenus enbon état, sur un espace de terrain bien moins étendu, et ne sont passujets aux affections que leur occasionnent fréquemment lesrefroidissemens, après les courses échauffantes auxquelles ils selivrent quand ils ont leur pleine liberté. Derrière eux , un troupeaude moutons, proportionné à l'étendue du terrain, peut vivre, et aprèseux les bêtes à corne trouvent une reprise d'herbes d'une qualitésupérieure aux regains. Pour bien préciser l’amélioration du sol, disons que M. Marion peutmettre, année moyenne, 25 boeufs dans des herbages où il n’en plaçaitprécédemment que 16 ou 18, et que ces 25 boeufs s'y amendent beaucoupmieux qu'auparavant les 16 ou 18 autres. Et de plus un troupeau demoutons a trouvé une partie notable de sa nourriture derrière le piquetdes chevaux. Les chevaux, gardés et soignés par un seul homme, seront restés du 15avril environ jusqu'a la fin de septembre. - Et 25 boeufs lesremplaceront dans les mêmes herbages, pour y séjourner jusqu'à Noël ;puis des boeufs dits trembleurs, y passeront l'hiver jusqu’à lami-mars, et y trouveront une partie de Ieur nourriture. Le troupeau entretenu par M. Marion est toujours de 150 têtes. Il avendu cette année, 60 brebis grasses et 80 agneaux. Tels sont les avantages qui résultent du procédé. Tout le monde peutconstater l'exactitude de ce que nous avons rapporté et en tirer cetteimmense conséquence qu’avec ce petit système on peut, sur le même fond,nourrir un tiers plus de bestiaux. Le succès, du reste, est si manifeste que déjà plusieurs cultivateursdu pays se sont empressés de suivre l’exemple de M. Marion. Nous savons en outre que des essais, dont le résultat peut d’avance êtreconsidérés comme certain, vont être faits pour l'engraissement desbêtes à cornes, par le même procédé. Nous ne pouvons qu’engager tousles hommes intelligens, qui ont une exploitation convenable, àinterrogés l'expérience : les trois années d'épreuves dont nous venonsde rendre compte leur sont une garantie du succès. A.S. DE LA NÉCESSITÉ D'ÉTABLIR DANS LE DÉPARTEMENT UNE FERME MODÈLE.
Ondit encore tous les jours que nos cultivateurs sont ennemis desinnovations ; des gens qui ne les connaissent pas les représententcomme des hommes livrés à l’esprit de routine et se cramponnantopiniâtrement aux anciens usages sans aucune autre raison que leurancienneté même. A les en croire, nos campagnes auraient conservé auXIXe siècle les moeurs et Ies préjugés du quinzième. Rien n'est plusfaux, et pour être répétés, ces reproches n'en sont pas moinssouverainement injustes. Aurait-on déjà oublié quel empressementaccueillit dans nos plaines la culture de la betterave, et quellesexpériences ont été tentées pour naturaliser, parmi nous, le madiasativa, le seigle multicole, le sésame, le chou caraïbe, ainsi qu'unefoule d'autres produits équivoques répandus à profusion avec plus dezèle que de discernement. Si depuis quelques années la foi de nosagriculteurs s’est un peu refroidie, la faute en doitêtre imputée à cesprétendus agronomes qui, malgré leurs bonnes intention, ont compromisparmi nous la cause du progrès, et qui l'auraient infailliblementperdue, si jamais elle pouvait l'être. Il faut être juste aussi; propriétaires ou fermiers , nous avons tous besoin de la totalité denos revenus ; l'amour du confortable et du bien-être, la diffusion duluxe qui n'est point d'ailleurs un aussi grand mal qu'on le dit ; lesnouveaux besoins qui surgissent de toutes parts, tout nous entraînedans des dépenses considérables et peut-être excessives. Nous nesommes plus au tems où nos pères gardaient ce qu'ils appelaient une poire pour la soif,c'est-à-dire une année entière de leurs revenus bien enfermée dans letiroir de leur vieux secrétaire. Maintenant chaque année, aucontraire, épuise jusqu'au dernier sous de ses produits, trop heureuxencore quand notre petit budget domestique, moins tiraillé que celuide l'état, peut se maintenir dans un exact équilibre et se solder sansdéficit. Dans cette situation toujours un peu précaire,fatalement entraînés par des nécessités renaissantes, nos cultivateursne doivent-ils pas craindre de s'adonne à des essais aventureux ?Nest-il pas naturel qu'il leur répugne de compromettre un présentassuré pour un avenir incertain, de jouer sur une carte leur bien-êtreet leur repos, surtout quand l'espoir du gain est encore amoindri parle souvenir des pertes et des déceptions de leurs devanciers ? Unepareille réserve n'est point ainsi qu'on affecte de le dire, uneopiniâtreté routinière : c'est au contraire de la prudence, du bonsens ; c'est une oeuvre d'homme sage et de bon père de famille. Ainsices expériences que les particuliers ne sauraient entreprendre,l'administration publique doit les exécuter. Aplanir aux populations lavoie du bien-être et du progrès, telle est la mission qu'elle a reçuedu pays, et, quand elle la néglige, elle manque à tous ses devoirs. Aupoint de vue du progrès agricole, le seul qui nous occupe ici, cesdevoirs sont faciles à remplir : il suffirait de créer au centre dudépartement un établissement spécial , et d'y faire exécuter par despraticiens habiles toutes les expériences qui peuvent intéresser notreagriculture. Si cette ferme modèle était habilement dirigée, on enobtiendrait bientôt d'importans résultats ; je me bornerai à enindiquer ici quelques-uns. Tous les hommes qui jettent leursregards sur l'avenir, se préoccupent dans ce moment de la nécessité deremplacer par un autre genre de travail la fabrication des dentelles desoie qui décroît de jour en jour, et n’offre déjà plus aux ouvrières denos campagnes que des ressources insuffisantes ; l’éducation des vers àsoie et le dévidage des cocons emploiraient un grand nombre de bras,précisément dans la saison de l'année où les travaux des champs ne sontpoint ouverts ; mais on est malheureusement persuadé que les vers àsoie ont besoin pour se développer d'une grande chaleur, et que cesinsectes originaires de la Chine, ne peuvent réussir que dans le midic'est un préjugé, et on en triomphera sans doute. Toutefois pour levaincre, il faut prouver par des faits qu'il n'a aucun fondement ; iln'y a rien au monde de plus convaincant qu'un fait, mais les argumensde ce genre ressemblent aux témoins de Chicaneau : ils sont fort chers et n'en a pas qui veut; nous tournons donc là dans un cercle vicieux, car nos cultivateurs neconsentiront à risquer leur argent que quand ils auront vu de leursyeux et touché de leurs mains les succés de l’industrie séricicole.Doit-on les blâmer de cette hésitation ? J'ai peine à le croire : lesplantations des mûriers, les magnaneries sont de ces premiersétablissmens qui exigent beaucoup de tems et de grands sacrifices :peut-on exiger d'eux qu'ils les entreprennent à l'aventure? Ledépartement de l'Eure a obtenu de beaux résultats sans doute , mais peude gens parmi nous en sont instruits ; et ceux même qui les connaissentignorent encore pour la plupart le secret des procédés à l'aidedesquels on y est arrivé. Comment donc imiterait-on ce qu'on ne connaîtpas ? Quand une ferme modèle aura mis sous nos yeux et les produits dela soie et les moyens de les faire naître ; quand nous auront vu unemagnanerie fonctionner et réussir à notre porte, dans les circonstancesmêmes au sein desquelles nous sommes placés, alors, n'en doutons pas,si opiniâtres qu'elles soient, les préventions s'évanouiront et lesincrédules eux-mêmes deviendront les plus fervents apôtres de cettenouvelle et bienfaisante industrie. Mais je ne me lasserai point de leredire : sans une ferme modèle qui démontre la possibilité du succès,elle court grand risque de s'arrêter encore un demi-siècle sur leslimites du département de l'Eure. Ces résultats tout importansqu'ils soient, ne sont pourtant pas les seuls que l'on doive attendrede cet établissement ; j'ai déjà fait remarquer l'année dernière qu'ilserait fort utile d'introduire dans nos exploitations rurales quelquesgrands quadrupèdes de l'Amérique. Ces importations sont d'une parttrop dispendieuses, et de l'autre leur succès est toujours tropincertain, pour qu'elles puissent être entreprises par desparticuliers ; mais ces obstacles n'arrêteraient point uneadministration entretenue aux frais du département ; les animauxexotiques seraient déposés dans la ferme modèle, dans une sorte demagasin où chacun viendrait en prendre suivant sa convenance et sesbesoins, et après que son expérience personnelle lui en auraitdémontré les avantages ; de cette manière, notre pays serait, mis enpossession d'une foule de jouissances et de ressources agricoles dontle reste de la France n'a pas même encore l'idée. Ce sont làjeux de prince, direz-vous ; soit plusieurs principautés del'Italie et de l'Allemagne ne valent pas un département tel que lenôtre ; mais si pourtant on était effrayé par le grandiose de cesessais, on pourrait les réduire à des proportions plus modestes. Denos jours, la mécanique s'est beaucoup occupée d'améliorer lesinstrumens d'agriculture ; ces perfectionnemens ne sont presque jamaisconnus que par les réclames des journaux dont le charlatanisme estdevenu proverbial. Il est donc tout naturel qu'on se tienne en gardecontre leurs éloges, et les meilleures découvertes demeurent ainsistériles, confondues qu'elles sont avec les chapeaux gibus ou la Pommade du lion.Ne serait-il pas du plus haut intérêt de réunir en un même lieu et àportée des cultivateurs, toutes les nouvelles inventions qui peuventleur être utiles, telles que les charrues, les semoirs, les machines àbattre, etc..., de les faire fonctionner sous leurs yeux, et de lesmettre en état d’en reconnaître par eux-mêmes les avantages et lesinconvéniens ? Il en est de même des espèces de blés récemmentintroduits des pays étrangers, et des nouvelles plantes, soitoléagineuses, soit fourragères ; des expériences soigneusementfaites permettraient de juger quelle est leur valeur intrinsèque ouleur mérite relatif, etmettraient enfin nos agriculteurs à l'abri degrossiers mécomptes qui, dans plusieurs circonstances, ont eu l’aird'une véritable mystification. On sait que nous ne possédonsencore aucune synonymie de nos pommiers à cidre ; tous les essais quiont été tentés jusqu'à ce ce Jour, ont avorté faute de direction etd'ensemble ; on pourrait planter dans un vaste terrain toutes lesespèces cultivées dans le département , les comparer ensuite et endresser le catalogue avec facilité (1). Cette mesure n'aurait passeulement une importance scientifique ; on arriverait à reconnaîtreainsi quelles sont les espèces qui conviennent aux différens sols,quelles sont celles qui sont le plus généralement fertiles, quicontiennent le plus d'alcool ou qui résistent le mieux, soit aux vents,soit à la sécheresse, soit aux pluies. Aujourd'hui nos propriétairesplantent absolument au hasard ; mais grâce à ces données, desrenseignemens précis viendraient enfin remplacer les vagues indicationsde l’ignorance et de l'esprit de routine. Je ne pousserai pasplus loin cette énumération , quoiqu'il nie fût très facile del'étendre. Si quelque membre du conseil général daigne y jeter lesyeux, elle suffira, j'espère, pour le porter à provoquer la création del'établissement que je sollicite. L'an dernier, le conseil s'estparticulièrement occupé des ports de mer, et sans qu'on recherchât detrop près s'ils avaient la robe nuptiale, tous les cantons du littoralse sont assis pèle-mêle au banquet. Je ne m'en plains pas ; aucontraire, cette égalité me plaît ; mais ne pourrait-on, cette année dumoins, réserver quelques miettes pour nos cultivateurs ? Il y auraitbien là aussi peut-être un peu de justice, car enfin quand vient lequart d'heure de Rabelais, c'est à eux qu'on a toujours soin deprésenter la carte. AL. DU MÉRIL.
(1)MM. Girardin et Dut Breuil ont tenté à Rouen cette importanteclassification ; mais mal secondés dans leurs efforts, ils n'ont pufaire qu’un travail incomplet. HYGIÈNE ET MÉDECINE VÉTÉRINAIRES.
Déjà nous avons publié dans la Normandie Agricoleplusieurs articles concernant les maladies qui affectent le plusordinairement les jeunes chevaux et indiqué les premiers soins àdonner en l'absence du vétérinaire. L'accueil bienveillant accordé à cetravail nous engage à publier de nouvelles observations que nouscroyons susceptibles de présenter quelque intérêt. Parmi lesaccidens auxquels sont sujets les jeunes chevaux depuis la naissancejusqu'à l'époque où ils sont livrés au commerce ou aux remontes, ceuxqui surviennent aux extrémités sont malheureusement nombreux etlaissent presque toujours des traces fâcheuses. Au nombre de cesaccidens, il faut placer ceux qui accusent une usure prématurée, telsque la perte des aplombs et ceux qui résultent d'efforts plus on moinsviolents, qui ffont naître ces tumeurs molles on osseuses contrelesquelles échouent trop souvent les traitemens les plus énergiques. Nous désignerons sous le titre de faux aplombs,les conformations vicieuses qui rendent les chevaux arqués, panards,cagneux, clos, crochus et bouletés ; défectuosités graves, presquetoujours accidentelles, dont nous signalerons bientôt les causes, etque l'on préviendrait dans le plus grand nombre des cas, en adoptant unsystème d'éducation convenable. Répéterons-nous après tantd’autres dont les sages conseils sont trop peu écoutés, que le travailprématuré chez les poulains et une nourriture insuffisante sont lescauses principales de l'usure des jeunes chevaux. Ce sont là desvérités qu’il faut rappeler souvent, car les inconvéniens qui enrésultent, contribuent à déprécier le cheval normand, auquel onreproche d’avoir peu d'énergie et d'être souvent taré avant l'âge où ildevrait rendre des services. Si le cultivateur ne peut faireautrement que d'employer ses chevaux aux travaux agricoles, dès I'âgede 18 mois ou 2 ans qu'il tâche au moins de comprendre qu'il estindispensable de leur donner une nourriture abondante, substantielle etbien choisie. Comment supposer, en effet, que nourris de vertune partie de l'année, privés d'avoine pour la plupart, mangeantl'hiver des foins souvent avariés, ces jeunes animaux pourront résisterà des travaux plus ou moins pénibles, et que cette alimentationdébilitante n'influera pas sur leur tempérament ? Il est évident quel'animal faible, dont la fibre musculaire est dans un état derelâchement apparent, s'usera beaucoup plus tôt et plus vite que chezcelui qui a de la vigueur, de la force, et de l'énergie. Cette usurecommencera par la perle des aplombs, des membres et sera bientôt suiviedu développement de tumeurs qui apparaîtront dans le voisinage desarticulations et détermineront tôt ou tard des boiteries. Nousdevons encore signaler ici une habitude pernicieuse qui contribuepuissamment à la ruine des jeunes chevaux, en développant chez eux untempérament lymphatique : c'est l'abus des saignéesen tous tems, mais surtout pendant l'usage du vert. Comment necomprend-on pas que des évacuations sanguines doivent être plusnuisibles qu'utiles à des animaux nourris de plantes qui contiennentbeaucoup d'eau de végétation, tels que le trèfle, le sainfoin, laluzerne, etc..., et qui le plus souvent sont mangées couvertes de pluieou de rosée ? Si l'on conservait pour l'examiner, le sang des animauxsoumis à ce régime, on reconnaîtrait bientôt, par le petit volume ducaillot qu'il renferme, comparativement à la quantité de sérum oupartie aqueuse, dans lequel surnage la partie coagulée que cesévacuations doivent être proscrites. La saignée peut-être utile, maisseulement lorsque les plantes approchent de l'époque de la maturité. Nous pourrions encore dire un mot des sétonsque l'on considère comme un remède à tous les maux et que l'onapplique pour la plus légère indisposition. Toutefois, l'abus même decette médication présente moins d'inconvéniens que ceux que nous avonssignalés ; nous dirons cependant, qu'il est parfois dangereux de lessupprimer tout à coup et sans aucune précaution, comme cela arrivefréquemment, et qu'on est souvent forcé de les employer de nouveau pourprévenir le développement de maladies plus graves. Il est fort àcraindre alors qu'il ne produise plus le même résultat. Concluonsdonc de ce qui précède qu’il faut mieux nourrir les jeunes chevaux,exiger d'eux moins de travail et ne pas les soigner sans qu'il y aitnécessité de le faire. Entrons dans quelques détails maintenantsur les accidens que nous venons de signaler, et voyons quels moyens onpeut tenter pour en arrêter les progrès ou les faire disparaitre. FAUX APLOMBS.
Chevaux arqués. Lorsque le genou dépasse en avant la ligne perpendiculaire, le cheval est dit arqué, ployé ou creux dans ses genoux. Si cette défectuosité tient à une conformation naturelle, il est brassicourt.Dans le premier cas seulement et lorsque l'animal est jeune, onparvient quelquefois à redresser ses membres par l'usage d'une ferrureméthodique qui consiste à diminuer la hauteur des talons et à placersous le pied un fer dont les éponges sont amincies en biseau et lapince un peu relevée pour faciliter la marche de l'animal. Ce n'estqu'après plusieurs ferrures qu'on peut obtenir un bon résultat ; maisil faut éviter la première fois d'abattre tout d'un coup les talons, depeur d'opérer sur les tendons un tiraillement qui ne serait pas sansdanger (1). Chevaux droits sur les membres et bouletés.Dès qu'on s'aperçoit que les jeunes es chevaux ont une disposition àse bouleter, il faut y apporter remède sur-le-champ, car une fois quele boulet est porté en avant et que l'appui du sabot se fait sur lapince, il n'est plus possible de rétablir les aplombs. Pourarrêter les progrès de ces sortes d'accidens qui déprécient beaucoupl'animal, il faut encore faire usage d'une ferrure convenable.contrairement à l'avis du plus grand nombre des maréchaux , quiprétendent qu'en abaissant les talons on reporte le boulet en arrière,nous conseillons d’abattre la corne en pince, de conserver celle destalons et de donner de l'épaisseur aux éponges du fer. On empêche parce moyen Ie tiraillement des tendons fléchisseurs, ce qu'on ne peutéviter dans la ferrure à talons bas, et l'on voit insensiblement lemembre reprendre son aplomb naturel. Une expérience très simpleconvaincra les plus incrédules ; il suffit, de placer un chevalbouleté sur un terrain en pente, d'abord l'avant-main du côté le plusélevé, puis en sens contraire : dans la première position , la douleuroccasionnée par le tiraillement des tendons, contraindra l'animal àporter ses boulets en avant ; dans la seconde il prendra son appui avecconfiance, et le vice sera bien moins apparent. La ferrure que nousindiquons, produira ce résultat. Pour rétablir les aplombs chezles poulains arqués ou bouletés, il est indispensable , indépendammentde l'usage d'une ferrure de ne les soumettre qu'à un travail très légeret mieux encore à des promenades journalières, et de les nourrirconvenablement. MOLLETTES, VESSIGONS ET VARICES, autrement dits TUMEURS MOLLES.
Cesdiverses affections , que l'on sait être des épanchemens de synoviedans le voisinage des articulations, sont toujours fort gravesnon seulement parce qu'elles peuvent occasionner des claudications,mais à cause de la difficulté et souvent de l’impossibilité de lesguérir. Les mollettes viennent aux boulets, les vessigons aux jarrets,de même que les varices qui, Ie plus souvent, ne sont autre chose quedes vessigons qui apparaissent au pli du jarret, c'est-à-dire à lapartie antérieure, et que l'on confond avec la dilatation de la veine,bien que cet accident soit très rare. Toutes ces tumeurs sont lerésultat du relâchement des capsules synoviales et de la peau, etlorsqu'elles ne proviennent pas d'un effort, d'une chute, elles sontinhérentes à la constitution et se déclarent spontanément chez lesanimaux faibles et mal nourris ; ou bien elles paraissent dès qu'on lessoumet au plus léger travail. Dès l'apparition de ces tumeurs ilfaut promptement y porter remède, car c'est alors seulement qu'on peutespérer quelque succès d'un traitement sagement ordonné-. Les conseilsdu vétérinaire sont donc indispensables. Nous ne pouvons prescrire iciun traitement qui doit varier suivant le tempérament et l'âge du sujetet selon la cause et la gravité de la maladie ; nous dironsseulement que les applications vésicantessont encore ce qui réussit le mieux pour combattre ces tumeurs à leurdébut, et que lorsqu'on ne peut parvenir à les faire disparaître, ilfaut avoir recours à la cautérisation. Nous préférons le feu mis enraies parallèles et longitudinales à l'usage des pointes, qui neproduisent pas un aussi bon effet et qui laissent des traces sinon plusapparentes, du moins plus défectueuses à l'oeil. Mais, nous nesaurions trop le redire, des moyens préservatifs conviendraientbeaucoup mieux pour faire de bons chevaux. Et ces moyensconsisteraient dans une nourriture abondante, substantielle, tonique,qui donnerait de la vigueur, de l'énergie et des forces, et rendraitles jeunes animaux susceptibles de supporter saris inconvénient lestravaux auxquels on les soumet. Plusieurs fois nous avons vudisparaître des mollettes et des vessigons récents , dès que l'on envenait à nourrir les poulains avec des aliments secs et à leur donnersurtout une certaine quantité d'avoine chaque jour. TUMEURS OSSEUSES, désignés sous les noms de SUROS, EPARVINS, JARDONS, FORMES, etc..
Toutle monde connait la gravité de ces maladies des os d'où proviennentpresque toujours des boiteries qui empêchent la vente des animaux, etdesquelles, il faut le dire, la médecine triomphe rarement. Cesmaladies sont le résultat de l'épanchement des sucs osseux quiacquièrent bientôt la consistance de l'os et forment des tumeurs ouexostoses plus ou moins nuisibles au jeu des articulations : quelquesunes sont transmises par hérédité et par conséquent incurables ; laplupart des autres proviennent d'efforts occasionnés par des travauxau-dessus de la force des jeunes chevaux. Nous ne connaissonsd'autre traitement pour guérir ces maladies que l'application du feuqui malheureusement ne réussit pas toujours. Les pointes fines dont onse sert pour cette opération doivent traverser la peau ; lorsque lesanimaux sont jeunes, elles laissent rarement des traces apparentes. Cemoyen est donc le seul que nous puissions conseiller en pareillecirconstance. Nous dirons cependant encore ici, et l’expériencele prouve journellement, que ces sortes d'accidens arrivent beaucoupplus rarement chez les poulains dont on exige peu de travail et quisont nourris confortablement. Dans un prochain article nousparlerons de divers accidens ou maladies qui ne reconnaissent le plussouvent d'autres causes que celles que nous avons signalées, et dans unarticle spécial sur la ferrure, nous indiquerons les moyens de conserver au pied du cheval sa bonneconformation , et le mode de ferrage le plus convenable pour rétablirles aplombs chez les chevaux panards, cagneux, etc… CAILLIEUX, Secrétaire de la société vétérinaire du Calvados et de la Manche.
(1) On conseille, en outre, de donner à manger au cheval dans ratelier un haut placé. (Note du Réd.)
FOURRAGES. — LA CHICORÉE SAUVAGE. Un propriétaire cultivateur de l'arrondissement de Bayeux nous adresse la communication suivante : Monsieur le rédacteur, Dans le numéro de la Normandie agricole, du mois de juin dernier, vous avez parlé de la culture de la chicorée sauvage. J'ai cultivé cette plante en grand, et j'ai trouvé que, donnée en vert, elle était en effet un excellent fourrage. J'habite un pays où la plus grande partie des terres sont en herbages,où, par conséquent, le fourrage vert abonde ; aussi mon but, encultivant la chicorée sauvage, n'était-il pas de me procurer de lanourriture pour les bestiaux. Je voulais trouver une plante qui me fournît la plus grande quantitépossible d'engrais en vert, pour remédier à l'absence des pailles,toujours très-rares et qui coûtent fort cher, et à l'emploi de lachaux, dont trop souvent on fait abus. J'ai donc cherché à cultiver lesvégétaux qui, même inutiles, même nuisibles, tels que le chardon,l'ortie, etc., pouvaient donner une grande masse d'engrais, étantcoupés en vert. J'ai fait plusieurs essais, et celle des plantes quim'a donné le meilleur résultat, est la chicorée sauvage. J'en ai faitd'abord quelques mètres carrés, et j'ai été étonné de la quantité duproduit. L'année suivante j'en ai fait plus en grand, — un hectare au moins —dans une terre profonde, et après six labours, sans fumier, ni engraisd'aucune espèce. L'année précédente, cet hectare avait produit desbetteraves. La première année, la chicorée était peu abondante, maiselle a duré fort belle pendant cinq ans. Cette plante paraissait si appétissante que, malgré l'envie que j'avaisde la faire couper pour en faire uniquement du fumier, j'essayai d'enfaire donner d'abord aux cochons qui la dévoraient. Les moutons, lesvaches et les chevaux en sont également très-friands. Cette productionétait si abondante que, pendant l'été, lorsque l'herbe est presquenulle dans les herbages, j'en ai fait donner aux vaches qui, chaquejour, attendaient avec impatience le moment de la manger. J'ai faitenfermer une vache à l'étable pendant deux mois : elle a mangéuniquement de la chicorée et rien autre chose. Quand elle est sortie,elle était dans le même état que lorsqu'elle fut renfermée, quoiqu'elleeût dû être plus grasse, mangeant de la chicorée autant qu'elle envoulait ; mais cette vache avait l'habitude d'être toujours dehors etavec d'autres vaches, et l'absence d'exercice et l'ennui lui étaientnuisibles. Son lait, que j'ai fait mettre à part, n'a augmenté nidiminué ; le beurre était aussi bon que celui des autres vaches,seulement la pâte en était plus courte et parfois un peu grumeleuse,mais il avait fort bon goût. Cette vache ne mangeait que les feuilles,et laissait les bâtons un peu durs, qui, du reste, contribuèrentnotablement à augmenter le fumier. Les chevaux à l'écurie mangeaient la chicorée avec plaisir, et seportaient à merveille ; mais ils étaient un peu longtems à manger,lorsque la plante avançait en maturité, parce qu'ils leur fallait dutems pour éplucher les bâtons coriaces et les rejeter de dessous ladent. Cette gourmandise de tous mes animaux, dévorant toute ma chicorée,m'empêcha de faire cette montagne d'engrais vert que j'avais en vue,mais la chicorée retournait cependant en fumier sous une autre forme.Il restait d'ailleurs les tiges qui ont donné une assez grande massed'engrais. Ne pouvant couper souvent toute la chicorée à la fois, unepartie de la première coupe seulement grandissait promptement. J'en aifait ordinairement quatre coupes par an, quelquefois cinq, mais j'airemarqué que-si on la coupe trop peu avancée, elle fond et se réduitbeaucoup. Chaque année à la fin de l'hiver, je faisais répandre sur le champ de chicorée du plâtre en poudre. Ayant été absent pendant quelques mois, les domestiques de ferme,négligens comme ils le sont tous dans celle partie de la Normandie, s'épargnèrent la peine de couper chaque jour la chicorée. Aumois de juillet, à mon retour, je vis une véritable forêt d'arbustespanachés de milliers de fleurs du plus beau bleu. Ma chicorée était unbois touffu qu'on n'aurait pas pu pénétrer à cheval et haute de plus detrois mètres. J'ai cru qu'elle s'était fatiguée, mais l'année suivanteelle n'en était que plus belle. Cette année-là seulement je n'ai eu quedeux coupes, mais aussi j'ai obtenu une masse d'engrais, après l'avoirfait mettre sous les moutons. Elle fut bonne à employer comme le fumierde paille ; et, malgré la force des tiges, comme celles-ci étaientencore vertes, la fermentation fut active. Je ne pourrais pas dire aujuste la quantité de mètres cubes de fumier que mon hectare de chicoréem'a donnés, mais je me rappelle que la quantité fut très-satisfaisante. Dans ce pays où les terres labourables ne peuvent être occupées pendantplusieurs années, parce que l'on veut faire du blé tous les deux ans,la chicorée ne pourrait pas toujours se cultiver en grand, à moins dene la laisser que deux ans ou un an , comme pour faire du café, ou dusoit disant café ; mais la première année, la chicorée donne beaucoupmoins que les années suivantes. Je puis assurer qu'elle peut servircomme excellent fourrage vert, et qu'elle peut au besoin donner unegrande quantité de matière verte. Ce n'est certes pas un terrain perduque celui employé à la culture de cette plante dont la végétation estvraiment extraordinaire dans une terre profonde. Les racines pivotantesvont chercher leur nourriture à plus d'un mètre et n'épuisent pas laterre. Le seul inconvénient, c'est qu'il faut faire enlever ces racines avecgrand soin, autrement elles reparaîtraient après plusieurs labours.Elles peuvent servir à faire du fumier ; et la quantité vaut la peinede les faire ramasser. Du blé, fait sans engrais, après cinq ans de chicorée, et quatre bons labours, a été superbe. J'aurais pu garder la chicorée plus de cinq ans, mais elle commençait à s'épuiser un peu. Si vous croyez, monsieur le rédacteur, que cette petite notice, quipeut servir de complément à votre article du mois de juin, soitintéressante et digne de votre journal, disposez-en comme vous lejugerez à propos. D. Un de vos abonnés fondateurs.
AMÉLIORATION DE LA RACE CHEVALINE.
Unecommission spéciale vient d'être instituée par M. le Préfet du Calvadospour s'occuper des moyens d'améliorer la race chevaline dans cedépartement. Elle se compose de MM. de Turgot, pair de France ; Delacour, maire de St.-Gabriel ; Lemyre de Villers, officier de cavalerie en retraite ; Person, propriétaire à Graye ; Ad. Le Senécal, propriétaire à Bayeux ; Henry, maire de Hottot ; Marion, père, à Caen ; Basly , propriétaire à St.-Contest ; Caillieux, vétérinaire à Caen ; Le Barillier, propriétaire à Lebisey ; Tillard, maire de Blainville ; Londe, propriétaire à Evrecy ; L. Cocquard, propriétaire à Vire ; Champin, maire à St.-Sylvain ; Viel, propriétaire à Soliers ; Lecoq, maire de Cambes ; Desbleds, maire à St.-Manvieu ; Seminel, rédacteur de la Normandie agricole.
Cettecommission s'est réunie pour la première fois le 19 août sous laprésidence de M. le Préfet. L’empressement avec lequel la plupart desmembres ont répondu à l'appel du chef de l'administrationdépartementale, a témoigné de l’importance qu'ils attachent à lamission qui leur est confiée.
Après avoir indiqué à l'assembléele but qu'il s'est proposé en instituant cette commission , M. lePréfet a soumis à son examen les trois objets suivants, sur lesquels ilétait dans l'intention d'appeler la sollicitude du Conseil-général.
1° Primes aux jeunes chevaux castrés ; 2° Primes aux jumens poulinières ; 3° Réorganisation de l'École d'Équitation.
Surle premier point : Ie nombre des poulains castrés présentés pour laprime, augmentant d’année en année, M. le Préfet du Calvados a pensé,d'accord avec le jury du dernier concours, qu'il serait utiled'augmenter aussi la somme allouée pour encouragemnens, afin de faireentrer de plus en plus dans les habitudes des éleveurs l'usage decastrer de bonne heure leurs chevaux. M. le Préfet se proposantd'engager à cet effet le Conseil-général à porter à 3.000 fr.l'allocation de 2,000 accordée depuis 1835, ce magistrat a invité lacommission à exprimer son opinion sur le meilleur emploi à faire decette somme.
Après une longue discussion, il a été, unanimementdécidé, que le système actuel, d'après lequel les 20 poulains jugés lesmeilleurs reçoivent chacun une prime de 100 fr., ayant donné de bonsrésultats, il conviendrait de le continuer, dans le cas où l'allocationdu Conseil-général ne serait pas augmentée.
Si cette somme était portée à 3,000 fr., la grande majorité de la commission a été d'avis qu'elle devrait être ainsi répartie :
1°Une prime spéciale de 300 fr. à l'éleveur qui présenterait au jury leplus grand nombre de chevaux castrés, susceptibles d'être primés etdont un au moins aurait obtenu une prime.
2° Deux primes de 200fr. chaque aux poulains castrés offrant le plus de distinction, et deuxde 150 fr. aux deux poulains venant après.
3° 100 fr. à chacun des vingt poulains reconnus les meilleurs parmi tous les autres.
Enétablissant ainsi les primes, la commission a eu eu vue d'intéresser àla castration de jeune âge le plus grand nombre possible decultivateurs, et par les primes plus élevées de les amener à castrerdes chevaux de distinction, mais dont ils auraient le vain et tropordinaire espoir de faire des étalons. C'est la fâcheuse illusion quese font fréquemment les éleveurs sur le mérite de leurs jeunes chevaux,qui les engage à les conserver entiers, et enlève ainsi au commerce ungrand nombre d'animaux, qui nous permettraient de rivaliser avec leschevaux anglais et les allemands toujours castrés de bonne heure.
Surla deuxième question , relative aux jumens poulinières, la commission apensé que le moment était venu de convertir en annuelles les primesqui, aujourd'hui, sont triennales. Lorsque le Conseil-général décidaque les primes de 400 fr. et de 300 fr. seraient accordées pour troisans, il agit ainsi dans uie pensée intelligente : il importait deretenir dans le pays le peu de bonnes jumens poulinières qui yrestaient et que les étrangers nous enlevaient l'une après l'autre.
Aujourd'huique le prix élevé des poulains sortant de race distinguée est unepremière prime assurée à l'éleveur ; que beaucoup de propriétaires etcultivateurs ont compris l'avantage qu'ils ont à garder leurs bonnesjuments, il n'y a plus nécessité de faire les primes triennales.D'ailleurs , les bonnes jumens seront toujours primées, et grâce auxprimes annuelles les erreurs auront des conséquences moins fâcheuses.D'ailleurs encore, dans le nouveau système, il n'y aura que les jumenssuitées qui puissent concourir, ce qui assurera au département un plusgrand nombre de produits distingués, et grâce à l’élévation donnée auxprimes de première et de seconde classe les bonnes jumens, si elles nerestent pas stériles, donneront encore à leurs propriétaires plusd'avantages que par le passé.
En effet , les primes de lapremière classe étant portées à 600 fr. et celles de la seconde à 400 ,en trois années, !a jument qui ne pouvait obtenir que 1,200 fr. ou 900fr. comme maximum pourra à l'avenir avoir 1,800 et 1,200 fr. de primes.
Quantà la répartition, des primes entre les deux sections du département, lacommission prenant en considération les efforts que font aujourd'huidifférens cultivateurs de l'arrondissement de Bayeux, ainsi que lemérite des chevaux élevés dans le Bessin, a été unanime pour proposerde diviser comme il suit les primes :
Argences | 3 primes de 600 fr. 6 id. de 400 fr. 12 id. de 200 fr. --- 21 | 1.800 fr 2.400 fr. 2.400 fr. -------- 6.600 |
6.600 | Bayeux | 2 id. de 600 4 id. de 400 8 id. de 200 --- 14 | 1.200 1.600 1.600 ------- 4.400 |
4.400 | En tout 35 primes d'une valeur de | 11.000 |
Jusqu'àprésent, l'allocation n'était que de 9,900 fr., mais la commission aexprimé l'espoir qu'en vue du progrès qui doit résulter de cettenouvelle combinaison, le Conseil-général n'hésiterait pas à voter lasomme de 11,000 fr. qu'elle réclamait.
Les deux premières primesde la première catégorie à Argences et la première à Bayeux ,devraient, dans la pensée de la commission, être plus spécialementaffectées aux jumens saillies par des étalons de pur sang, à mériteégal avec celles saillies par d'autres étalons.
ÉCOLE D'ÉQUITATION.
M.le Préfet a communiqué à la Commission une lettre par laquelle M. leministre de l'agriculture et du commerce lui fait connaître l'intentionoù il est de concourir à la réorganisation de cette école et decontribuer à la dépense, si le Conseil-général et la ville de Caenconsentent également à y prendre part.
Il s'agirait de fonder unenseignement en faveur des sujets qui se destinent comme palfreniers ,piqueurs ou cochers, à soigner les chevaux. Le gouvernement ferait lesfrais de l'enseignement et fonderait six bourses, le Conseil-généralporterait à 2,500 fr. l'allocation de 1,500 fr., et aurait égalementsix bourses à sa disposition ; enfin , la ville remettrait les bàtimensen état et pourrait aussi envoyer à l'école des élèves qui seraientformés à soigner, atteler, dresser, monter et conduire les chevaux.
Ily a long-tems qu'un homme d'expérience de notre pays a dit qu'avant defaire des chevaux il fallait faire des hommes capables de s'en occuper.Le projet actuel a pour objet de répondre à ce besoin.
LaCommission, tout en exprimant quelques craintes sur le peud'empressement avec lequel cet utile enseignement pourra être suivi,n'a pas hésité à donner son entière adhésion au projet deréorganisation. Elle a considéré que dans un centre d’industriechevaline, il était nécessaire de fonder une bonne école d'équitation,afin de former des élèves qui, à leur tour, répandront les meilleuresméthodes de pansage et de dressage des chevaux. C'est moins la qualitéque l'éducation qui manque à nos élèves, et c'est en remédiant à ce malque nous nous mettrons en état de soutenir la concurrence avecl'étranger qui amène sur nos marchés des chevaux moins bons, mais mieuxdressés que les nôtres.
M. Person a été invité à préparer unprojet de règlement qui a été soumis au Conseil-général, à l’appui dela demande. Ce projet a dû comprendre tout ce qui concerne le moded'enseignement, la discipline, les conditions d’admission, etc…, demanière à ce que l'École prenne le caractère d'institution publique.
Avantde se séparer , la Commission a exprimé l'intention de former dans leCalvados une société hippique, de laquelle seraient appelés à fairepartie tous les hommes qui s'intéressent au progrès de l'industriechevaline, cette branche si importante de notre agriculture.
P. S. Le conseil général, dans sa séance du 30, a accueilli les trois proposilions dont nous venons de parler.D'autres observations ont été soumises au conseil, par M. G. LeCouteulx, au nom de la commission des patentes de santé, del'arrondissement de Bayeux. Nous ferons connaître, dans notre prochainn°, en rendant compte des travaux du conseil général, au point de vuede l’agriculture, la réclamation de cette commission.
SOCIÉTÉ VÉTÉRINAIRE DU CALVADOS ET DE LA MANCHE.
VICES RÉDHIBITOIRES.
Entre autres questions soumises à l'examen de la Société dans sa dernière séance, ledébat a roulé sur les vices rédhibitoires.Voici dans quels termes he procès-verbal que nous avons sous les yeuxrend compte de cette partie de la séance pages 12, 13, 14, 15 et 16.
«La Compagnie s'occupe des questions concernant les vices rédhibitoires.Le secrétaire communique la lettre de M. Loiset ; les observations quece vétérinaire adresse à la Société , fournissent de nouvelles preuvesde l’insuffisance et des difficultés que présente la loi du 20 mai 1838dans son application.
« M. Loiset regrette qu'on ait omis de placer dans la catégorie des vices rédhibitoires le typhusde l'espèce bovine, qui possède la fâcheuse propriété de se transmettreaussi promptement que la clavelée, et qui occasionne des mortalités etdes dommages bien plus considérables La même observation est, selonlui, plus ou moins applicable à la pleuro-pneumonie bovine, à la rageet à d'autres maladies épizootiques et contagieuses dont les invasions,quoique rares et imprévues, n'en constituent pas moins de redoutablesfléaux pour les cultivateurs, dont elles peuvent anéantir inopinémentles premières et les principales ressources. Les observations de M.Loiset ont fixé l'attention de la Société ; elle a décidé que soittravail serait renvoyé à l'examen de la commission chargée derecueillir tous les documents qui pourront éclairer le gouvernementsur la nécessité d'apporter quelques modifications à la loi sur lesvices rédhibitoires.
« L’annulation de plusieurs procès verbauxpar omission de la prestation du serment, a fait comprendre enfinà quelques-uns de MM. les juges de paix que cette formalité estnécessaire de la part des experts ; mais il arrive parfois quel'éloignement du domicile de ces magistrats, et la difficulté de lesrencontrer obligent les experts à des déplacements coûteux, quid'ailleurs exposent l'acheteur à voir le délai de la garantie périmé.On remédierait à ces inconvénients, dit M. Loiset, en assermentantauprès de chaque tribunal civil les vétérinaires diplomés domiciliésdans l'étendue de leurs juridictions respectives ; leurs noms, publiéspar ordre du ministre de l'agriculture et du commerce, seraient déposésdans chaque prétoire de justice de paix pour que le magistrat qui ledessert puisse choisir, parmi ceux qui ont capacité et qualité, les experts qu'il aurait à nommer conformément à la loi du 20 mai.
«La plupart des juges de paix inscrivent, au bas de la requêteprésentée, l'ordonnance de nomination des experts ; ceux-ci prêtentserment et apposent leurs signatures à côté de celle du magistrat.Cette manière d'agir est, à coup sûr, la plus expéditive ; mais on nefait pas toujours ainsi : quelques-uns de ces magistrats exigent queleurs greffiers conservent la minute des ordonnances, et, comme ilarrive fréquemment que ces Messieurs sont hors de chez eux , il fautque l'expert retourne plusieurs fois, souvent a une distancé fortéloignée, avant d'être en mesure de faire son opération. Cetteformalité entraîne non-seulement à des frais plus considérables, maiselle expose souvent l'acheteur à perdre son recours en garantie,lorsqu'il n'a pu soupçonner l'existence d'un vice rédhibitoire que ledernier jour que la loi lui accorde.
« Plusieurs questions serattachant aux vices rédhibitoires sont encore discutées avec intérêtpar la Compagnie. Quelques membres font connaître les décisions decertains tribunaux qui n'ont pas toujours jugé dans le sens de la loi,et dont les jugements étaient sans appel.
« Le ticn'est rédhibitoire qu'autant qu'il n'est pas apercevable à l'usure desdents ; mais lorsqu'il s'écoule un temps plus ou moins éloigné entre lapremière visite et la contre-expertise ordonnée par le tribunal, ilarrive parfois, et ce fait a été constaté, que les derniers expertstrouvent les dents usées. L'acheteur, dans ce cas, est condamné àgarder le cheval. La Société ne voit d'autre moyen pour éviter cetinconvénient que de rendre le tic rédhibitoire avec ou sans usure des dents.
« La Société décide de nouveau que le signe caractéristique de la pousseest le soubresaut , et qu'il n'est pas nécessaire que cheval soitaffecté d'une toux sèche, quinteus , etc. , pour prononcer l’existencede la maladie.
« Elle déclare encore qu'elle considère comme synonymes les expressions de cornage et sifflage,bien que ces deux affections ne soient pas parfaitement identiques, etque suivant l'opinion de plusieurs vétérinaires, l'une paraisse avoirquelque gravité de plus que l'autre.
« L'épilepsieou mal caduc est généralement une maladie très-rare en Normandie. Letrès-petit nombre de vétérinaires qui ont été appelés à la constater,avouent n'avoir jamais pu en rencontrer les symptômes. Chaque fois lesexperts ont dû questionner les personnes qui déclaraient avoir vu lamaladie, et bien rarement les renseignements obtenus suffisaient pourla caractériser ; quelquefois encore ces renseignements étaientproduits par l'acheteur, sa femme, ses enfants ou ses domestiques, etne pouvaient inspirer une confiance entière. Malgré ces difficultés,la Société reconnaît l'impossibilité de pouvoir caractériser autrementla maladie ; mais elle insiste sur la nécessité d'apporter la plusgrande circonspection dans les renseignements fournis par despersonnes souvent intéressées à la résiliation des marchés.
« La fluxion périodiquequi se déclare chez un cheval borgne, peut-elle entraîner larédhibition, lorsque la maladie apparaît sur l’oeil déjà privé de lavue ? La Société tout entière répond affirmativement à cette question.
« Pour constater l'existence d'un vice ou maladie rédhibitoire chez un animal mort dans les délais de la garantie, la Phthisie pulmonaireou vieille courbature, par exemple, MM. les juges de paix , pour éviterdes frais plus considérables occasionnés par les déplacements desexperts, désignent généralement un seul vétérinaire pour fairel'autopsie et rédiger procès-verbal ; mais il arrive fréquemment aussique le vendeur vient en opposition, dans l'espoir de faire annuler unprocès-verbal qu'il croit injuste, ou dans lequel il pense trouverquelque nullité. Pour prévenir de semblables procès, dontmalheureusement on connaît plus d'un exemple, et pour mettre aussi lesexperts à l'abri de soupçons injurieux, la Société est d'avis qu'enpareille occurrence les experts conservent les organes ou viscèressusceptibles de servir de pièces de conviction, et que ces parties,recueillies en présence du maire et de son adjoint, et de quelquestémoins soient marquées et cachetées du sceau municipal, pour êtrereprésentées au besoin.
« En agissant ainsi, le vendeur qui n'apu se trouver à l'autopsie du cadavre et qui se croit mal jugé, pourrase convaincre par lui-même, avec l'assistance d'un vétérinaire, del'exactitude des faits consignés au procès-verbal.
« Le renversement du vagin,maladie assez fréquente en Normandie, occasionne souvent des procès quiembarrassent quelquefois les tribunaux appelés à les juger. La loi ditpositivement que l'action rédhibitoire ne peut avoir lieu qu'autantque le part a eu lieu chez le vendeur, et cependant il peut arriver quela vache ayant été vendue plusieurs fois (et c'est ce qu'on observelorsqu'elle a été conduite d'une foire à une autre dans l'espace dequinze à vingt jours), la parturition n'ait réellement pas eu lieu chezle vendeur. Certains tribunaux ordonnent dans ce cas la résiliation dela vente ; d'autres ne l'admettent pas. La Société pense qu'onéviterait cet inconvénient, si l'on supprimait dans le texte de la loiles mots : chez le vendeur, et qu'on y substituât ceux-ci : après le part récent.
«La Compagnie décide qu'elle s'occupera dans la prochaine séance desautres maladies rédhibitoires, dont il n'a pas été parlé à cetteréunion ».
ENGRAIS.- LES URINES.- SULFATE DE FER.
Dansune des dernières séances de la société d’agriculture de Caen, àl'occasion d’échantillons de sulfate de fer (couperose verte), déposéssur le bureau, par un fabricant de produits chimiques, M. Thierry,professeur de chimie, président de la société, a présenté quelquesobservations sur l'utilité du sulfate dle fer pour la conservation desurines au profit de l'agriculture.
Il convient de faireremarquer, dit le savant professeur, les avantages nouveaux queprocurerait au pays, dans le double intérêt de l'agriculture et de lasalubrité publique, le mélange, avec de l'urine, d'une petite quantitéde couperose verte dont le prix est aujourd'hui si peu élevé. M.Schattemann, l'habile directeur des usines de Bouxvillers, en Alsace, adéjà mis sur la voie d'une pareille application, en signalant l'effetde ce sel, pour désinfecter les fosses d'aisance, et améliorerl'excellent engrais qu'on en retire. Ne serait-il pas à désirer qu'aulieu de perdre journellement les urines qui deviennent (surtout pendantles chaleurs de l'été) une cause incessante d'infection, et quiseraient si précieuses comme engrais, qu'au lieu de les laissers'écouler ou séjourner sans aucune précaution, dans l'intérieur mêmede nos habitations, au lieu de les disperser dans les rues, sur lesplaces publiques, autour de nos édifices et de nos plus beauxmonnumens, ne serait-il pas désirable, au contraire, qu'on lesrecueillit avec soin, en recourant à des moyens susceptibles deprévenir les résultats dégoûtans et insalubres de leur putréfaction,moyens qui tendraient, en même tems, à augmenter leur propriétéfertilisante.
Il suffirait, chez les particuliers, comme dansles grands établissemens, tels que casernes, collèges, hospices,etc..., de les réunir dans des baquets ou des fosses. Là, parl'addition de petites doses de sulfate de fer (quelques millièmes), onempêcherait ou retarderait leur altération putride, jusqu'au momentoù les cultivateurs bien avisés viendraient les chercher pour lesrépandre sur leurs fumiers où leur terre, ou dans des réservoirsappropriés à cet usage. Il y aurait, sans nul doute, dans cettepratique, grand profit pour l’agriculture (M. Tostain, notre collègue,en a déjà acquis la preuve frappante, dans son domaine d'Ecoville, oùil fait transporter, chaque semaine les urines de la caserne deVaucelles, qui lui ont été livrées par abonnement), et il y aurait enoutre grande amélioration sous le rapport de la propreté de la ville etconséquemment sous celui de la salubrité de l'air qu'on y respire.
«L'administration municipale, en ce qui concerne la voie publique, enfaveur de laquelle la décence aurait d'ailleurs quelques réclamationsà faire, pourrait efficacement intervenir par des mesures et desréglemens de police, que les habitans accepteraient avecreconnaissance et empressement. Il est à souhaiter qu'elle donnel'exemple, et l'impulsion qui viendra d'elle produira son effet dansl’intérieur de nos habitations et dans celui de nos grandsétablissemens. »
La Normandie agricolea délà appelé l'attention de ses lecteurs sur ce nouvel et utileemploi de sulfate de fer, ainsi que sur le préjudice qu’éprouve notreagriculture par suite de la perte de l'un des élémens les plus précieuxde fertilisation.
Nous avons, à cet égard, une conviction quenous voudrions faire passer dans l'esprit de tous les cultivateurs, etdans ce but nous reviendrons, chaque fois que l'occasion s'enprésentera, sur cet important objet.
De toutes parts ons'ingénie pour trouver de nouveaux engrais ou augmenter la masse deceux que l'on connaît ; on va chercher à grands frais, à des distancesimmenses, le guano ; on achète à un prix élevé, les rapures de corneset tous les débris animaux ; on dépense des sommes considérables pourse procurer les poudrettes et les engrais artificiels de toute espèce,et on laisse perdre dans nos villes les matières fécales et les urinesqui serviraient à fertiliser des milliers d'hectares de terre autour detous les grands centres de population !
Dans notre Normandie,citée pour l'intelligence et la sagacité de ses habitans, on est réduità citer le nom de quelques personnes qui savent tirer parti de cetteespèce d'engrais, quand tous les cultivateurs devraient chercher à enenrichir leur sol, quand tous les hommes éclairés devraient enrecommander l'emploi.
C'est aux sociétés d'agriculture,composées de citoyens influens, soit parmi les cultivateurs, soit parmiles administrateurs des villes, à propager par tous les moyens defécondes notions sur les avantages que l'agriculture peut obtenir del'usage des matières fécales mêlées aux urines : c'est à ces matièresque la Flandre doit en grande partie une prospérité agricole dont tousceux qui ont visité ce pays ont conservé un durable souvenir.
Dansces contrées, chaque cultivateur a sur son exploitation une fosse ouciterne dans laquelle sont réunies les matières, les urines, lespurins de fumier. La fosse est maçonnée et couverte pour empêcher toutedéperdition, et elle est établie sur un point plus élevé que celui oupassent les voitures, de manière à ce qu'avec une pompe on puisseaisément remplir la citerne ou la vider dans les tonneaux qui portentsur les champs l'engrais liquide.
Chez nous, la plus grandepartie des matières fécales sont perdues ; toutes les urines sontentraînées dans les cours et dans les rues de nos villes qu'ellesinfectent ; dans les campagnes, les fumiers sont lavés par les pluies,et les purins, qui en sont l'essence, vont se perdre dans les chemins,au lieu de servir à féconder le sol.
Voilà ce qu'il faut dire etredire, dans l'intérêt de notre agriculture, jusqu'à ce qu'enfin lescultivateurs comprennent la nécessité d'employer les excellens engraisqu'ils peuvent se procurer à bas prix , au lieu d'aller payer très-cherdes engrais qui souvent sont falsifiés. Qu'ils sachent bien qu'unlitre d'urine contient autant et plus de parties fertilisantes qu'unpied cube du meilleur fumier et que l'une venant en aide à l'autre ilspeuvent doubler la valeur du sol.
Que nos administrateurssecondent dans cette oeuvre les hommes de progrès ; qu'ils prennent desmesures de sage police pour la conservation des urines, qui sontun principe délétère quand elles se perdent dans nos centres depopulation : les villes y gagneront en propreté et en salubrité et lescampagnes en fertilité.
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Tome III. - 3e année. - 3e livraison. - septembre 1845.
CONGRÈS CENTRAL D'AGRICULTURE. QUESTION CHEVALINE (Suite).
2°.PRODUCTION.
Quelleque soit la divergence d'opinions relativement à la populationchevaline, il est un point sur lequel l'accord est à peu près unanime ,c'est l'impossibilité où elle se trouve de suffire aux besoins du luxeet de l'armée ; besoins qu'il est cependant indispensable qu'elleparvienne à satisfaire, le luxe étant nécessairement la réserve del'armée.
Comment faut-il agir sur la production , pour mettre la population dans le cas d'atteindre ce résultat ?
Cettequestion simple en apparence, ne laisse pas en réalité que d'êtrecomplexe, et pour obtenir une solution satisfaisante, d'exiger celle deplusieurs autres questions accessoires. A cet effet l'on aura d'abord àse rendre compte de la nature des besoins à contenter et de l'espèce dechevaux qu'ils réclament ; à examiner si toutes les localités sontégalement propres à l'élève de ces chevaux ; à s'enquérir quelleinfluence exercent sur ceux-ci le sol, le climat, la qualité desaliments, le genre des travaux. Avant même d'aborder ces diversesquestions, il est une chose dont il faudra préalablement s'occuper,c'est l'examen des besoins généraux du pays, car il ne faut pas qu'unservice en fasse négliger d'autres.
Les besoins généraux du payspeuvent se diviser en deux grandes catégories : ceux du luxe et del'armée qui sont identiques ; ceux du roulage plus ou moins accéléré.
A ces besoins répondent deux grandes variétés de l'espèce, le cheval de luxe, le cheval de trait.
Avantd'aller plus loin, commencons par nous expliquer sur cette expressioncheval de luxe, dont nous faisons usage en l'absence d'un autre quiexplique mieux notre pensée. Beaucoup de gens, faute de la comprendre,s'en effarouchent, et ne manquent pas, chaque fois qu'elle frappe leursoreilles, de se signer, et comme cela est arrivé même au sein duCongrès central, de débiter les homélies les plus touchantes sur lesvanités mondaines et l'aveuglement de ces insensés qui préfèrentl'agréable à l'utile, les plaisirs du riche au service du pauvre. Cesont à coup sûr des idées très-chrétiennes, et qui font le plus grandhonneur à la vertu de ceux qui Ies professent. Malheureusement, sielles prouvent de leur part des sentiments honnêtes, elles prouventencore autre chose, c'est qu'ils ne se doutent guère de quoi il s'agit.
Ceque l'on nomme cheval de luxe , parce qu'il est généralement destinéau service personnel de celui qui l'emploie, c'est le cheval qui, danscertaines conditions de taille et de volume, possède au plus hautdegré possible, la conformation et les qualités de ce que nousregardons comme le type de la perfection. Ampleur, élégance, taille,légèreté, force, vitesse, il doit tout réunir. Encourager l'élève ducheval de luxe, c'est donc en d'autres termes, encourager le producteurà rendre l'espèce la meilleure possible, et c'est un résultat qui nedoit pas être moins avantageux pour le pauvre que pour le riche.
Lecheval de luxe devant posséder des qualités originelles du cheval toutce qui est compatible avec une taille et un volume en rapport avec nosbesoin, il est d'autant plus parfait, qu'il se rapproche davantage dutype primitif, dont il n'est pour ainsi dire que l’exagération. Mais làse trouve une immense difficulté. Cette taille et ce volume queréclament nos besoins, sont toujours en raison inverse des qualitésdésirées, et ne s'obtiennent qu'à leur détriment. De là lutteperpétuelle, d'où ressort la nécessité de combinaisons incessantes dela part de l'homme, pour maintenir l'équilibre entre deux principesennemis.
Chez le cheval de trait, air contraire, rien desemblable. Le service auquel il est destiné, réclame une conformation,et par suite des qualités entièrement différentes. Attache de tête ,forme d'encolure, position d'épaule, configuration de, croupe,caractère, allures, sont tout autres que leurs analogues, chez lecheval de luxe, et l'on pourrait presque dire que pour lui laperfection se trouve dans l'éloignement du type primitif.
Danscet état de choses, s'il est reconnu que le cheval de trait estparfaitement adapté à son service, qu'il le remplit à la satisfactiongénérale, et qu'il trouve d'ailleurs un débit assuré, n'est-il pasraisonnable d'en conclure que nous n'avons à égard rien autre chose àfaire que de le maintenir dans cette position. Procéder autrement etvouloir par des croisements irréfléchis, substituer à ses qualitésspéciales, tout ou partie de celles du cheval de luxe serait d’autantplus imprudent que l'on pourrait le dépouiller des unes, et ne pas luiprocurer les autres.
Comme d'un autre côté il est avéré, que laproduction du cheval de luxe est de beaucoup au-dessous des besoins,qu'elle occasionne des soins et des dépenses considérables qu'elleprésente une foule de chances défavorables à l'éleveur que cependantla puissance et le salut même de l'Élat sont intéressés à saprospérité, il en résulte pour le pays la nécessité de concentrer surelle tous ses encouragements et ses efforts.
Partant de ce qui précède , il nous devient facile d'apprécier les divers moyens proposés pour atteindre ce but.
Trois opinions principales se sont produites :
Ilexiste en France, ont dit les uns, une immense quantité de chevaux tropmassifs et trop lourds : rendons-les plus légers ; il suffit pourcela d'exiger l'emploi de véhicules plus légers, et d'améliorer lesvoies de communication.
Nous possédons, disent les autres, unemasse énorme de chevaux trop petits et trop minces, il faut, au moyende producteurs plus grands et plus étoffés, transformer ces races qui,en ce moment, ne sont pour ainsi dire propres à rien, et elles nousdonneront plus qu'à suffire à nos besoins.
Les races, disent lesderniers, ne sont pas seulement le produit de la souche dont ellessortent, elles sont encore l'expression des influences du sol, duclimat, de la nourriture, du travail. Il faut, pour exercer sur ellesdes modifications quelque peu importantes, un temps et des soinsexcessifs, et encore ne réussit-on jamais que d'une manière incomplète.Par ces motifs, prendre pour point de départ des races si éloignées dece que l'on tend à se procurer, n'est-ce pas se créer, comme à plaisir,des difficultés, pour ne pas dire des impossibilités ? Sans doute,s'il n'en existait pas d'autre, il faudrait bien en courir la chance :mais si dans certaines localités il s'en trouve qui répondentparfaitement aux besoins en souffrance, n'est-il pas cent fois plusrationnel de concentrer les efforts sur ces localités où le passérépond de l'avenir, et d'y développer la production jusqu'à degrénécessaire,
Examinons ces diverses opinions.
Qu'il soitpossible de rendre plus légers un grand nombre de chevaux, c'est cedont nous ne faisons aucun doute ; il ne faut pour cela que laisseragir la nature, qui tend constamment à les ramener au niveau commun :et il ne serait peut-être ni bien long, ni bien difficile de fairedescendre le Percheron le Boulonnais, l'Ardennais, sur la même ligneque le Breton. Serait-ce une amélioration ? C'est ce qui nous paraîtplus que douteux. Ainsi diminuées, ces races cesseraient de convenir àcertains services, sans en devenir plus propres aux autres. En effet,l'exiguité de la taille ne changerait rien à la conformation, et cetteconformation parfaitement adaptée à la traction de force, ne convienten aucune manière aux services qui réclament l'élégance, la légèreté,l'action, la vitesse, et particulièrement au transport d'un cavalier.Les prôneurs de la mesure diront que, non contents de les alléger, ilsagissent sur leur extérieur au moyen d'étalons d'autres races d'uneconformation plus en harmonie avec ces services. Jusqu'à un certainpoint sans doute, la chose n'est pas impossible. Mais quel sera lerésultat de cette métamorphose ? Produit des pays de plaine où ilsexécutent admirablement les travaux agricoles ces chevaux y deviendrontmoins propres à ce service. En leur rendant la tête plus légère,l'encolure plus longue, l'épaule moins charnue, le garot plus élevé,le, poitrail moins ouvert, la hanche moins saillante, on leur feraperdre évidemment une partie de leurs moyens de traction, et leroulage en souffrira ; est-ce à dire pour cela qu'ils deviendrontconvenables pour le luxe ? Nous ne le pensons pas : pendant desannées, pendant des siècles, les influences d'hérédité, de sol, declimat, de localité se feront sentir ; et tant d'efforts n'aurontabouti, comme nous le disions à l'instant, qu'à dénaturer une race sansen créer une autre, et des services importants auront été déshérités,sans que d'autres en profitent. En conséquence, dans l'état actuel deschoses, partout ou il existe en France des races de traitcaractérisées, chercher à les améliorer autrement que par elles-mêmesnous semble une imprudence ; vouloir les transformer, un non-sens. Ceschevaux que l'on appelle lourds, sont précisément ceux dont le besoinest le plus généralement senti, ce sont ceux que nous envient lesétrangers ; les enlever au pays serait lui rendre un bien mauvaisservice. La chose au demeurant ne serait pas aisée, si l'on en juge parcette foule de localités où des étalons de trait des plus communs sontpréférés à des chevaux beaucoup plus distingués ; et, par cellequantité de départements qui s’imposent des sacrifices pour se procurerdes étalons de même genre.
Quant aux races trop petites et troppeu étoffées du centre et du midi de la France, certes si l'on pouvaitleur donner à la fois et plus de taille et plus d'étoffe, on n'aurait àcraindre de nuire à aucun service, car dans leur état présent, je nesais trop à quoi elles sont propres. Mais est-ce chose possible que detransformer en cheval de luxe le Lorrain, le Bourguignon, leBerrichon, le Provençal ? Enl la supposant possible, serait-ilavantageux de la tenter ? On nous répond que l’avantage est évident ;que dans ces provinces le cheval n'a qu'une valeur minime, que sil'éleveur en trouvait le double ou le triple de ce qu'il le vend en cemoment, il y aurait bénéfice pour lui, et bénéfice au moins égal pourl'acheteur, auquel il coûterait encore beaucoup moins cher que dans leslocalités, qui pour l’instant, sont en possession de le fournir. Ceraisonnement est spécieux, et si le cheval se faisait à la hache ou auciseau, il serait fort juste. malheureusement il n'en est pas ainsi,et personne n'ignore que, pour obtenir des résultats durables, il nesuffit pas d'accoupler des animaux de la taille et du volume qu'ondésire propager, il faut encore que leurs produits se trouvent dans desconditions de sol, de climat et d’alimentation analogues à celles souslesquelles la race s'est développée. Or, ces conditions n'existent pasdans les contrées dont il s'agit. A cela on nous dit que l'on sèmerades trèfles, des sainfoins, des avoines, qu'on leur donnera unenourriture abondante, une éducation convenable, etc. Que conclure de là? Que du moment où ils cesseront d'être élevés dans des bruyères ou despâturages communaux, ils consommeront une nourriture égale en quantitéet en qualité à celle de leurs rivaux, ils reviendront à un prix aussiélevé, avec cette différence toutefois, qu'ils seront moins bons, enraison des influences ennemies dont rien ne saurait les affranchir.
F. PERSON.(La suite au prochain numéro).
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Tome III. - 3e année. - 4e livraison. - octobre 1845.  | DAIO, Fils de Fortuné, Mr Marion père. "Lecheval D[a]io dont le portrait est joint à la présente livraison, estun étalon né en 1827, à Cerisé près Alençon, chez M. Leroux. Il estissu d'une fille de Dio (cheval pur sang, des haras) et de Fortuné (3/4de sang). Cet étalon, approuvé par l'administration des haras,appartient M. Marion père. Depuis trois ans il fait la monte àl'académie (Ecole d'équitation) de Caen." | AMÉLIORATION DES RACES. NÉCESSITÉ DE FONDER DES HARAS DE TAUREAUX, BÉLIERS, ETC. Il n'est douteux pour personne qu'il y a beaucoup à faire, même dansles contrées les plus favorisées de la nature et dans lesquelles on adéjà fait quelque chose, pour l'amélioration des diverses racesd'animaux domestiques. Dans beaucoup d'autres contrées, tout reste àfaire. C'est chose vraiment déplorable, surtout dans les pays où la naturefait tant d'efforts pour seconder l'intelligence de l'homme laborieux,que la reproduction des bestiaux qui font la richesse de ces pays, soiten quelque sorte abandonnée au hasard. Devrait-on, par exemple, en êtreà dire que dans le Cotentin et le Bessin, qui doivent leur prospérité àl'élevage des vaches à lait, on ne trouverait peut-être pas trois racesde taureaux dont on puisse suivre la trace depuis 18 ou 20 années ? Cescontrées possèdent d'excellentes vaches laitières dont elles ont leplus grand intérêt à conserver et à améliorer, s'il se peut, la race,et souvent faute de taureaux d'origine bien connue, d'étalons bientracés, on est obligé, au moment de faire jaillir les vaches, deprendre le premier taureau venu. Il est impossible, sous peine de décadence ou au moins de perte del'ancien renom du pays, que cet état de chose continue. Quand nousvoyons d'autres localités, dont le sol ingrat laisse si peu deressources à ceux qui l'exploitent, travailler avec persévérance àaméliorer leurs races de bêtes à cornes, par des croisemens et desaccouplemens habilement. calculés, prendre d'année en année unemeilleure position sur les grands marchés et dans les concours, il fautbien que les contrées pour lesquelles la nature a tout fait, et l'hommeà peu près rien, viennent aussi en aide à la nature. Car, avec les chemins de fer, la distance va bientôt cesser d'être unobstacle pour l’industrie bovine de certains départemens qui, tropéloignés du grand centre de consommation pour pouvoir lutter avec laNormandie, ne faisaient rien pour améliorer. Et d'autre part, le moment approche où les animaux de boucheriepaieront au poids et non plus par tête le droit d'octroi. De tous lespoints et de haut on réclame cette modification, et ce nouveau mode deperception sera tout à l'avantage des contrées qui peuvent faireconcurrence à la nôtre, puisque les animaux les plus forts paientactuellement un droit proportionnellement moins élevé , souvent demoitié, que ceux de petite taille. Aujourd'hui donc que la concurrence se prépare de tous côtés, laNormandie doit comprendre qu'il est indispensable et qu'il est urgentd’améliorer. Le tems n'est plus où l'herbager pouvait ne prendred'autre soin que d'aller faire une promenade du côté de ses bestiaux,pour s'assurer si les herbes faisaient bien, et s'il n'y avait pasquelques animaux malades. Il faut tirer les mains de ses poches, et siles propriétaires et fermiers veulent continuer à vivre dans l'aisance,ils doivent faire autrement que l'on a fait jusqu'à présent. Nous n'entendons point conseiller à nos cultivateurs du Bessin, duCotentin et de la Vallée d'Auge, de se lancer dans des essaisaventureux. Nous leur conseillons tout simplement, tout bonnementd'apporter plus de soin, plus d'attention aux accouplemens, dans lebut de perfectionner par elles-mêmes leurs races de bêtes à cornes. La Normandie, dans les contrées que nous venons de nommer possède desraces qui, sous les principaux rapports, peuvent rivaliser avec ce quela Suisse, la Flandre et l'Angleterre peuvent présenter de plus beau.Dans ces races, il y a des sujets plus distingués les uns que lesautres ; eh bien ! par des accouplemens judicieux et surtout avec de lapersévérance, on peut dans ces pays privilégiés améliorer notablement,au lieu de laisser au hasard le travail de la reproduction. On nouscroira aisément — car tous les cultivateurs ont pu observer des faitsde ce genre — quand nous dirons que nous connaissons de très-bellesvaches, qui se sont admirablement reproduites avec certains taureaux etdétestablement avec d’autres : d'où cette conclusion, qu'il faut detoute nécessité travailler à avoir des races bien tracées de taureauxd'un mérite reconnu. Là est toute la question d'avenir de l'industrie bovine en Normandie ! Les bonnes vaches, nous le savons, n'y sont pas rares mais il y en abeaucoup aussi de mauvaises, et dans des contrées comme celles que nouscitons, il ne devrait pas y avoir une mauvaise vache, attendu qu'avecde bons taureaux une vache même médiocre donnera des produits meilleursqu'elle ; attendu, d'un autre côté, qu'il n'en coûte pas plus denourrir une bonne vache laitière qu'une mauvaise, et que l'homme quiconserve une mauvaise vache à lait dont il pourrait faire une bonanimal de boucherie, travaille contre ses intérêts. Par un choix intelligent de reproducteurs, dans un nombre d'annéesassez limité , on doit obtenir un mieux sensible, et dès que le premierpas sera fait dans cette voie, l'amélioration marchera rapidement etdeviendra générale. Mais quelqu'intérêt qu'ai les propriétaires du pays à créer une bonnerace de taureaux, comme il faut pour arriver à ce résultat et du temset des soins et des dépenses ; en outre, comme pour se récupérer, lespropriétaires des plus beaux étalons les épuiseraient souvent par dessaillies précoces et multipliées (1) ce n'est point de ce côté qu'ilfaut fonder de grandes espérances : c'est au gouvernement à créer desharas de taureaux dans les contrées où il est certain d'obtenirpromptement des améliorations. Pourquoi en effet le gouvernement ne ferait-il pas pour la race bovineou plutôt pour toutes les races d'animaux domestiques ce qu'il faitpour les chevaux ? L’amélioration de toutes les espèces de bestiauxqui servent à l’alimentation des masses est de sa compétence, de sondevoir et de son intérêt, puisqu'il est le tuteur né de la nation, etqu'à ce titre il doit employer et ses efforts et une part du budgetpour obtenir tout ce qui peut contribuer au bien-être général. Sans doute la question des chevaux est essentielle, mais elle ne doitpas absorber toute sa sollicitude. Il ne suffit pas de songer auxéventualités de la guerre, il faut aussi songer à satisfaire à desbesoins qui sont de tous les jours, en tems de guerre comme en tems depaix. Nous trouvons très-bien que le gouvernement encourage et secondela production chevaline ; nous lui demandons même beaucoup plus qu'iln'a fait jusqu'à présent, et surtout depuis que l'administration desharas est entrée dans un système plus en harmonie avec les besoins dupays ; les contrées de production, les conseils généraux demandentégalement que les haras étendent leur sphère d'action. Mais il ne fautpas se préoccuper des chevaux à l'exclusion des autres animauxdomestiques, qui sont aussi indispensables que les premiers. MM. les inspecteurs de l'agriculture ont pu s'assurer comme nousqu'aujourd'hui encore les bons étalons des diverses espèces desbestiaux manquent ; que nulle part, ou presque nulle part, on ne donneune attention assez grande à multiplier et à conserver les mâles quipeuvent améliorer les races ; que le hasard fait plus que le calculpour aider à l'œuvre de la nature. MM. les inspecteurs penseront donccomme nous aussi que le gouvernement doit intervenir d'une manièreactive dans la production bovine, ovine et porcine. Déjà quelques tentatives ont été faites en ce sens, mais à un point devue différent de celui dans lequel nous raisonnons : des étalons deraces étrangères améliorées, des femelles aussi ont été importées. Làon veut perfectionner par les croisemens ; ici nous demandons leperfectionnement par les bons accouplemens. Et que l'on veuille bien considérer que notre réclamation n'a riend'exclusif. Loin de blâmer, nous félicitons l'administration d'avoirintroduit en France de beaux types d'animaux qui, par des croisemensjudicieux — en appropriant convenablement ces croisemens à la race etaux ressources de la contrée — doivent produire d'utiles résultats.Mais les croisemens ne sont pas toujours et partout un moyend’amélioration, tandis que les accouplemens peuvent être pour notrepays ce moyen désiré. Ainsi la généralité, pour ne pas dire l'universalité des éleveurs duBessin et du Cotentin, où la grande question est la production dubeurre, repoussent énergiquement le croisement de leur race avec cellede Durham. « A l'une, disent-ils, la propriété laitière, à l’autre lafaculté d'engraissement. La nature a des règles invariables : la bonnevache à lait est toujours maigre, parce que chez elle tous les alimenstournent à la production du lait ; tandis que dans l’autre race ilsproduisent la graisse. A chaque race sa spécialité, à chaque pays sarace particulière. Que les contrées où nous allons acheter nos bêtes dengrais fassent des croisemens, s'ils les jugent profitables, d'accord! Mais que l'on ne touche pas à notre race cotentine qui nous donne dulait, du tavail et de la viande. » Tel est le cri de nos cultivateurs : nous rappelons leurs répugnances, sans vouloir rentrer dans la discussion. Mais en même teins que le pays se montre défiant quand il s'agit decroisemens, il devient traitable s'il n'est question que de bonsaccouplemens, d'amélioration par la race elle-même. Or, le gouvernement peut puissamment aider à ces améliorations par unsystème que préconisent la plupart des Sociétés d'Agriculture et tousles hommes éclairés. Qu'il établisse dans la Basse-Normandie un ou deuxharas, dans lesquels il réunira les animaux les plus parfaits choisisdans la race locale, s'il s'agit de l'espèce bovine ; les béliers etles verrats indigènes ou étrangers qu'il croira les plus propres àperfectionner les races ; que ces haras distribuent des étalons dansdes stations au centre des contrées où ils peuvent rendre le plus deservices, et, n'en doutons pas, bientôt, la nature aidant à l'art, nosdépartemens conserveront à l'égard des autres races, queIqu'améIioréesqu'elles soient par les croisemens avec des types étrangers, laposition relative qu'elle a toujours occupée. Ce système d'amélioration d'une race par elle-même n'est pas nouveau,et le conseil que nous donnons ici ne l'est pas davantage. On saiteffectivement que depuis quelques années les conseils généraux de nosdépartemens allouent, pour encourager ce système, des sommes assezconsidérables, et les jurys chargés de décerner les primesd'encouragement commencent à se féliciter des bons effets qu'ellesproduisent. Que les représentans des intérêts départementauxpersévèrent dans ce système, en même tems qu'avec ses haras spéciaux legouvernement concourra vers, le même but. M. le ministre de l’agriculture et du commerce est plein de bonnesintentions, et celles des chambres ne sont pas douteuses, en faveur detout ce qui peut faire progresser l'agriculture. Il a été proclamécette année, lors de la discussion du budget, que la part del'agriculture deviendrait beaucoup plus large aussitôt que le bonemploi des fonds de subvention serait démontré. Or , nous ne pensons pas que l'on puisse sérieusement contesterl'utilité du moyen d'amélioration que nous proposons. Que M. leMinistre de l'agriculture prépare un projet sur l'établissement deharas de taureaux, béliers et verrats ; qu'il consulte les conseilsgénéraux, les sociétés et comices agricoles, les sociétés vétérinaires,sur le mérite de celle institution, et fort d'un assentiment quid'avance ne nous paraît pas douteux, il sera certain d'obtenir deschambres la somme nécessaire pour doter le pays de modestes et utilesétablissements qui féconderont une des branches de la richessenationale. Nous sommes certains d'être l'organe des hommes de progrès de nos départemens en portant ce vœu au gouvernement. A. S. (1) Il n'est pas rare de voir des taureaux épuisés dèsl'âge de deux ans, tant on les fait servir bien avant qu'ils aientacquis tout leur développement. Un très jeune taureau petit bienféconder une vache, mais améliorer la race, c'est autre chose ! CÉRÉALES.- PRODUCTION. DU SOIN À APPORTER DANS LE CHOIX DES ESPÈCES. En voyant augmenter d'année en année la population de la France, biendes personnes se demandent comment, dans un tlems plus ou moins éloignéla terre pourra subvenir aux besoins croissans de la consommation. Pourpeu qu'on veuille y réfléchir on se préoccupera peu de l'avenir sous cerapport, car non seulement il reste encore à mettre eni valeur deuxmillions au moins d’hectares, et trente millions, mal cultivés,n'attendent que des améliorations pour doubler leurs produits, il y aaussi dans le choix des espèces de graines le mieux appropriées à lanature du sol et au climat, d'immenses résultats à obtenir. Nous avons déjà abordé cette question, en rendant compte dans un de nosderniers numéros, d'une publication récente, sur la production descéréales. (Voir 2e livraison, 3e année, page 71.) Que l'on se reporte 25 ans en arrière de notre époque ; que l'onconsidère les développemens que la plupart des cultures ont pris danscette courte période, et l’on comprendra, quoiqu'en disent ceux quiprétendent que l'on ne peut pas faire mieux que ce qui est, tout ce quel'agriculture a encore à faire pour atteindre son maximun deproduction. C'est en agriculture surtout que le progrès est infini,tant la science est loin d'avoir surpris tous les secrets de lanature, et dit son dernier mot. Ne nous inquiétons donc pas de l'accroissement de population :cultivons mieux, et le sol nourrira largement, quelque nombreux qu'ilssoient, ceux qui sauront le faire valoir. Dans la voie d'amélioration que nous indiquons, le point le départ estdans le soin, dans l'intelligence à apporter au choix des semences. On ne saurait méconnaître qu'il en est des plantes comme des arbres quenous cultivons : telle espèce, telle variété même réussira très-biendans une contrée, et ne donnera que de médiocres produits dans uneautre localité. Il convient donc avant tout de consulter le sol, leclimat, en faisant des essais qui permettent de comparer, et par suited'approprier les semences à la terre que l'on travaille. Il n'est pasun cultivateur qui ne sache fort bien, par exemple, que les blés blancsne réussissent pas dans une contrée où viennent magnifiques les blésrouges ; que les blés barbus donnent de bons produits dans un sol oùles blés sans barbes se reproduisent mal , etc. Nous ne saurions trop vivement appeler l'attention des cultivateurs etla sollicitude des sociétés d'agriculture sur cet important objet. Queces sociétés se procurent les variétés de blé réputées les meilleures,qu'elles les répandent autour d'elles, et que les cultivateurs lessecondent dans leurs efforts, avec la certitude que de ces essais,faits avec soin, il sortira quelque chose d'utile au pays. Pour que l'on comprenne l'importance de ce genre d’améliorations,rappelons que la France importe en moyenne pour une valeur de plus de17 millions de céréales par an. Cherchons les blés qui conviennent lemieux à notre sol, et au lieu de rester tributaires de l'étrangerpour une denrée de première nécessité nous arriverons bientôt àavoir à lui vendre un excédant de nos produits. A l'appui de ces observations voici un fait positif sur lequel nous prions nos cultivateurs de porter leurs méditations. Un cultivateur de la plaine de Caen, qui depuis quelque années s'estlivré à des essais sur de nouvelles variétés de céréales, a semé,l'année dernière, dans, le même sol, dans des conditions parfaitementidentiques de compost, de ramure et avec la même quantité de semence,quatre espèces de blé, savoir : Goutte-d'Or ; Saumon ; Victoria et Rouge-d'Ecosse. Sur un espace égal, mesuré exactement , les quatre variétés on donné :la première, 106 gerbes ; la 2e, 140 ; la 3e, 150 ; la 4e, 163. Ainsi,entre deux de ces espèces, voilà une différence de plus de moitié dansle rendement. Le rendement en grains a été dans la mène proportion que le rendementen gerbes. Il résulte de là, que le blé Rouge-d’Ecosse est évidemmentcelui qui doit être cultivé sur le sol où l'essai comparatif a été fait. Nous savons aussi que l'un des cultivateurs les plus éclairés dupays-de-Caux, a tous les ans à vendre un quart de blé de plus à lahalle de Fécamp, depuis que dans sa culture il a substitué, le bléRouge-d'Ecosse aux blés qu'il cultivait précédemment, c'est-à-dire quele sol qui lui donnait 200 sacs de blé, il y a 10 ans, lui en donneaujourd'hui au moins 250, et cela dans des conditions tout il faitsemblables. Chacun tirera avec nous la conclusion de ces faits dont nous garantissons l'exactitude. Que l'on ne suppose pas toutefois que ce que nous disons en l'honneurdu blé Rouge-d'Ecosse soit une recommandation spéciale en faveur decette variété. Nous n'avons voulu que fixer l'attention sur la bonneappropriation des semences au sol que l'on cultive, aux engrais dont onpeut disposer. Il se peut que dans beaucoup de contrées ce soit un bléautre que le Rouge-d'Ecossequi doive être préféré, mais dans les deux faits que nous venons derelater , c'est cette variété qui a donné le produit, à beaucoup près,le plus considérable. L. B. HYGIÈNE ET MÉDECINE VÉTÉRINAIRES. (Voir 3e livraison — août 1845 — p. 62.) CHEVAUX PANARDS, CAGNEUX, CLOS ET CROCHUS OU SERRÉS DU DERRIÈRE. Nous avons dit précédemment que pour éviter de fausser les aplombs etprévenir par conséquent l'usure des membres, il faut de temps à autre,tailler et raccourcir les pieds des poulains de manière à ce que leurappui se fasse toujours également sur le sol. Ces précautions doiventêtre également prises lorsque le cheval porte un fer sous le pied ;l’inégalité du sabot occasionne la déviation du membre en dehors ou endedans, et rend le cheval panard, cagneux, clos et crochu ou trop ouvert du derrière. Ces difformités qui, parfois, peuvent déterminer des claudications, etqui rendent presque toujours les allures défectueuses, sont souventoccasionnées par l'incurie de certains maréchaux qui, trouvant moins dedifficulté à couper la corne du quartier interne des pieds gauches, etcelle du quartier externe des pieds droits, font ainsi porter le piedinégalement. Le cheval est panard lorsquela pince ou partie antérieure du pied est un peu tournée en dehors soitau repos, soit pendant la marche ; l'appui se fait alors sur lequartier interne du sabot, et lorsque le cheval marche au pas ou autrot il relève les pieds en dedans. Il est cagneuxlorsqu'il présente une disposition contraire, c'est-à-dire que lapince est tournée en dedans ; l'appui a lieu sur le quartier externe,les coudes sont un peu écartés du corps et les mouvements des pieds sefont en dehors. L'une et l'autre de ces défectuosités exposent les chevaux à se couper. C'est surtout chez les jeunes poulains qu'il faut chercher à corrigerces vices qui, tôt ou tard, causent l'usure des membres ; à cet effetil suffit souvent, pour les pieds panards, d'abattre les quartiers dudehors et de conserver intacts ceux du dedans, et de faire le contrairepour ceux qui sont cagneux. Si le cheval est arrivé à l'âge où il doitêtre ferré, on appliquera des fers qui garniront légèrement en dedans,et seront justes en dehors pour les pieds panards, et qui seront justesen dedans et garniront en dehors pour les pieds cagneux. Quand lesquartiers qui doivent conserver le plus de hauteur sont naturellementbas il faut donner plus d'épaisseur aux branches du fer qui porterontdessus. (1) Lorsque ces ferrures sont faites par des maréchaux intelligents lesmembres reprennent bientôt une meilleure direction, et souvent on estsurpris de voir les aplombs rétablis, immédiatement après le premierferrage. Il n'est pas sans exemple non plus que des chevaux panards oucagneux, affectés de claudication aient cessé tout-à-coup de boiteraprès avoir été méthodiquement ferrés. Pour corriger les aplombs des chevaux clos du derrière ou de ceux qui sont trop ouverts,on doit avoir recours aux moyens que nous avons indiqués pour lesmembres antérieurs ; mais il faut convenir que les résultats serontmoins satisfaisants, surtout chez les poulains clos et crochus, car leplus souvent ces difformités tiennent à un vice de conformation del'arrière-main auquel il est difficile de remédier. Le cheval qui se coupe estcelui qui en marchant se blesse à la face interne des boulets,quelquefois sur le canon ou aui genou avec le fer du pied opposé. Cetaccident, que l'on observe plus fréquemment chez les jeunes chevaux quechez ceux d'un âge avancé, est ordinairement le résultat de lafaiblesse du jeune âge. Quelquefois aussi, il petit être occasionné parune mauvaise ferrure ou bien encore, comme nous l'avons dit, par unemauvaise conformation et des aplombs défectueux. Les blessures qui résultent de ce défaut peuvent occasionner uneclaudication qu'un repos de quelques jours fait ordinairementdisparaître ; mais lorsque les contusions sont répétées sur les partiesblessées, il survient peu à peu un engorgement qu'il n'est pas toujoursfacile de faire disparaître et qui tare plus ou moins l'animal. Lorsque ces accidents proviennent de la fausse direction des aplombs,on y remédie par les moyens que nous avons fait connaître en parlantdes chevaux panards ou cagneux. S'ils sont le résultat d'une mauvaiseferrure, on fera ferrer le cheval par un maréchal plus habile ; enfin,s'il faut les attribuer à la faiblesse de l'animal, on devra faireusage d'un fer dont la branche interne soit plus épaisse que l'externe,et moins large, et dont le bord soit arrondi. On désigne ce fer sous lenom de fer à la turque. Aprèsl'application de cette ferrure, il est convenable, lorsqu'on veut fairetravailler le cheval, de faire usage pendant quelque tems des guêtresen cuir, surtout si les plaies des boulets ne sont pas complètementcicatrisées. Nous observerons que les chevaux bien nourris, doués par conséquent deplus d'énergie, sont moins exposés à ces accidens, que ceux qui nereçoivent qu'une nourriture débilitante. Boiteries des articulations, désignées sous les noms d'efforts et entorses, et vulgairement sous ceux d’écarts, allonges allonges de boulets, etc. La difficulté de reconnaître le siège de ces diverses boiteries, àmoins d'avoir fait une étude spéciale de l'anatomie des articulations,ne nous permet pas de donner ici des explications qui, mal comprises,pourraient contribuer à aggraver des maux aux-quels il faut porter unprompt remède, pour éviter de les voir durer longtemps et trop souventaussi devenir incurables. Nous dirons cependant que toutes les foisqu'une boiterie de ce genre apparaîtra, il faut, quelle qu'en soit lacause, mettre l'animal au repos, le placer sur une bonne litière etfaire appeler sans retard le vétérinaire qui peut seul, par sesconseils, opérer une prompte guérison. L'insouciance que l'on met, tropgénéralement, à soigner l'animal, dans l'espoir qu'avec le tems laclaudication disparaîtra, est presque toujours la cause de la longuedurée de ces maladies, et fréquemment aussi de leur incurabilité. Nous n'admettons pas que le travail du labour ou l'exercice en libertédans un herbage, puissent guérir les efforts ou distensionsarticulaires, surtout à leur début et pendant la périodeinflammatoire, lorsque dans l'espèce humaine, et pour de pareilsaccidens, on prescrit un repos absolu. Lorsqu'au moyen de quelques signes extérieurs, l'engorgement et ladouleur, par exemple, on croit reconnaître le siège du mal, on peut, enattendant l'arrivée du vétérinaire, faire usage des lotions d'eautrès-froide sur les parties malades. Ce moyen simple est souvent suivid'un heureux succès, mais il faut le répéter très-fréquemment. Onaugmentera la propriété astringente et réfrigérante du liquide, en yajoutant de l'extrait de saturne (acétate de plomb) ou du vinaigre. Sil'effort ou entorse existe au boulet, on pourra faire usage des bainslocaux, en plongeant le pied jusqu'au milieu du canon dans un sceaud'eau froide, et en appliquant ensuite sur la partie lésée uncataplasme, de suie délayée avec du vinaigre, et maintenu avec un lingequi enveloppe le tout. On renouvelle et alterne les bains et lescataplasmes deux ou trois fois en 24 heures. Quant aux remèdes secrets employés par certains individus, auxquels onaccorde le pouvoir de guérir ces accidens par des attouchemens et desparoles mystiques, il suffit d'en signaler tout le ridicule pour enfaire justice. Boiteries dont le siège est au pâturon, à la couronne et au pied Les maladies qui surviennent au pâturon et à la couronne, et qui amènent des boiteries, sont les crevasses et les formes. Les crevasses sontoccasionnées le plus souvent par la malpropreté et les enchevêtruresou prises de longes ; elles peuvent aussi être inhérentes à laconstitution, et par cela même, plus difficiles à guérir. Dans lepremier cas quelques bains tièdes, des lotions émollientes, descataplasmes de farine de lin, suffisent ordinairement pour les fairedisparaître, surtout si l'on a l'attention d'envelopper le pâturon avecun linge pour empêcher la boue, le fumier ou les urines de porterdessus. Lorsqu'elles résistent à ce traitement, qu'elles répandent unemauvaise odeur et paraissent tenir à ce qu'on appelle un étathumorique, il faire usage d'un traitement plus sérieux : L'applicationd'un séton sous le ventre, est un moyen curatif, presque toujourscouronné de succès ; mais comme il faut souvent y joindre unemédication intérieure surtout si les crevasses ont une tendance às'aggraver et menacent de dégénérer en eaux aux jambes, il est indispensable alors d'appeler l'homme de l'art pour en triompher. Les formes, dont nous avonsdéjà dit un mot, en parlant des tumeurs osseuses, et qui surviennentordinairement sans causes connues, sont toujours des maladies fortgraves, à cause de leur incurabilité. Nous ne connaissons d'autre moyende les guérir, où plutôt d'en arrêter les progrès, que l'applicationfeu, mais il faut l'avouer, ce moyen ne peut offrir de succès qu'autantqu'il est employé dès la plus légère apparition des tumeurs, et surtoutchez les jeunes chevaux. Indépendamment des claudications qui peuvent résulter de laconformation défectueuse des sabots, et auxquelles on remédie ou à peuprès, par le moyen d'une ferrure méthodique (2), il en est d'autres quisont occasionnées par des chocs extérieurs, des pressions, desmeurtrissures : telles sont les atteintes, les bleimes, les javarts ; d'autres, par le desséchement et la sécheresse de la corne, telles que les seimes; d'autres enfin par des piques, enclouures, et des corps étrangers quis'implantent dans la sole pendant la marche, et qu'on désigne sous lenom de clous de rue, chicots, etc… Les atteintes sont produitesordinairement par le choc du fer des pieds du cheval qui frappe sur lestalons et occasionne des blessures qui font, boiter plus ou moinssuivant leur gravité. Cet accident est facile à guérir, lorsqu'on yporte remède sur le champ ; et pour cela il suffit de nettoyer laplaie, de placer dessus un tampon d'étoupes imbibé d'eau-de-vie etd'eau, et fixé avec du ruban formant plusieurs tours, pour mettre laplaie à l'abri des corps étrangers et de la malpropreté. Si, pourtant,la boiterie augmentait et que la suppuration vint à s'établir, ilfaudrait consulter le vétérinaire, car un javart pourrait se déclareret tenir le cheval longtemps sur la litière. Les bleimes. Lorsque le sièged'une claudication est difficile à trouver, bien que le sabot neprésente aucune chaleur, il est toujours prudent de faire déferrer lepied de l'extrémité boiteuse, de parer la sole et de chercher, enpinçant avec les tricoises, s'il existe quelque point douloureux. Assezfréquemment on rencontre une surface rougeâtre ou brunâtre qui n'estattire chose que du sang extravasé, résultant d'une meurtrissure faiteà la sole. C'est ce qu'on appelle une bleime. Le maréchal après avoir aminci la sole, sans aller au vif, appliqueraune ferrure convenable et enveloppera le pied d'un cataplasme defarine de lin. Lorsque la bleime est suppurée, c'est-à-dire que sous lasole on trouve du pus, une opération devient nécessaire et réclame lessoins du vétérinaire ; car souvent il faut enlever une grande partie dela sole et des chairs altérées. Dès que la sole a repris une certaineépaisseur et qu'il n'existe plus de plaie, on peut soumettre l'animal àun léger travail ; mais il faut encore garantir le dessous du pied, enplaçant sous le fer une plaque de tôle, et faire usage pendant quelquetemps du fer à planche. Le javart est toujours unemaladie grave, à laquelle il convient de porter remède le plus tôtpossible. Il existe des javarts tendineux, encornés et cartilagineux.Les uns et les autres ne peuvent être traités que par un homme del'art. CAILLIEUX, Secrétaire de la société vétérinaire du Calvados et de la Manche. (1) Nous indiquerons ultérieurement le mode de ferrage qu'il convient d'employer pour les pieds défectueux et mal conformés. (2) Les expressions que nous sommes obligé d'employer ici seront parfaitement comprises par tous les maréchaux. ARBRES A FRUIT. DÉGÉNÉRESCENCE. — HYBRIDATION. Tout vieillit, tout dégénère dans la nature, et s'il faut en croire leshommes les plus initiés aux secrets de la végétation, une partie desarbres à fruit qui ont fait le bonheur de tant de générations, ou dumoins plusieurs espèces anciennes seraient en décadence. Les fruits desuns n'auraient plus la même saveur, les autres seraient devenus pluschétifs, pierreux, et n'auraient plus que le nom de leurs ancêtres. Serait-ce que, comme certaines races d'animaux, certaines espècesd'arbres auraient fait leur tems ? Et la nature aurait-elle condamnéles générations qui nous suivent à ne pas connaître et la crassane etle beurré, et tant d'autres fruits dont le souvenir seul fait venirl'eau à la bouche, encore bien que nous ne les ayons pas connus danstoute leur succulence, au dire d'horticulteurs distingués dont lesassertions font foi dans l'évangile des jardiniers ? Quoiqu'il en soit, comme il n'y a qu'à gagner à croire ces maîtres surparole et à suivre leurs conseils, admettons leur assertion etdemandons leur ce qu'il faut faire pour que la nature ne prive ni nousni nos fils d'aucune des jouissances dont qu'elle avait gratifié nospères. C'est, disent-ils d'abord, de semer beaucoup, afin d'obtenir desvariétés nouvelles, des espèces jeunes et riches d'avenir. Quelqueshorticulteurs à la fois intelligens et persévérans l'ont fait et ontdéjà obtenu des succès. Malheureusement, pour réussir il faut beaucoupde soins, beaucoup de tems, et s'en rapporter pour une bonne part dusuccès au hasard qui est un des souverains de ce monde. Il faut enoutre se munir de patience, car le meilleur fruit, s'il est inconnu,sera bien moins recherché, aura bien moins de prix aux yeux de la massedes consommateurs, que le fruit en vieille réputation, quelque dégénéréqu'il soit. Le hasard, nous le disons, est pour beaucoup dans le succès, quand ils'agit d'expériences où les plus habiles travaillent en aveugles.Toutefois, la science a fait il y a déjà un siècle, et depuis quelquesannées, l'art a étudié avec attention une découverte qui, comme toutesles idées nouvelles, a été traitée d'abord de pure rêverie, et quicomme toute vérité a fini par trouver des croyans. Cette découverten'est déjà plus une chimère : il y a des résultats et de nombreux et depositifs. C'est avec son aide que l'avenir peut apparaître moinsincertain, et que tout n'est plus aujourd'hui le pur effet du hasard,dans la recherche des nouvelles variétés d'arbres, de fleurs et defruits. Nous voulons parler de l' hybridation. L'hybridation consiste dans le croisement, dans l'union des plantes dela même famille, dans une fécondation artificielle, opérée par cerapprochement intime, Cette opération toute naturelle, qu'elle ait lieupar l'effet du hasard ou par la main de l'homme, a enrichi la botaniqued'un grand nombre de végétaux, et ce nombre augmente de jour en jour, àmesure que l'art vient plus fréquemment seconder à la nature. C'est qu'il y a dans l'hybridation une source intarissable de richessesnaturelles et de jouissances pour l'humanité. C'est à elle que nousdevons les meilleures espèces actuelles de froment et de diversescéréales, les variétés précoces ; à elle que nous devons déjà quelquesjeunes variétés de fruits ; à elle que depuis quelques annéesl'horticulture est redevable de cette immense variété de fleurs qui ontdécuplé la richesse de nos serres et l'éclat de nos parterres. C'est àelle que nous devrons et des espèces nouvelles de fruits et de légumes,et des variétés les unes précoces, les autres hâtives, qui prolongerontpendant plusieurs mois un plaisir qui ne dure que quelques jours outout au plus quelques semaines. Aussi, en dégustant des fruits savoureux dont les espèces actuelles nenous donnent pas d'idée, peut-être nos arrière-petits-fils nousplaindront aussi sincèrement que celui de nous, qui mange ce que nousappelons une bonne poire, plaint ses aïeux qui, il y a quelquessiècles, se régalaient avec du gland d'Espagne ou d'autres fruitsaujourd'hui aussi dédaignés des palais les moins délicats. « La méthode sagement combinée de semis et de croisement — écrivait, il y a dix ans, un des auteurs du dictionnaire Pittoresque d'histoire naturelle— est une voie d'amélioration des plus importantes ; elle demande àcelui qui s'y livre des soins assidus, de la constance et une volontéferme, éclairée par l'habitude et la connaissance des lois de laphysiologie végétale. Marchand, en 1715 , Gmelin, en 1749, et depuiseux Koelreuter, Van-Mons et Knight oui ouvert cette carrière par dessuccès ; elle est nouvelle, à-peine entamée, elle mérite d'être courue,puisque tout annonce qu'elle fournira des résultats qui touchent auxplus grands, aux plus puissans intérêts de l'homme. En effet, leperfectionnement dans les variétés des fruits augmentera nos ressourceset nos jouissances, comme de nouvelles conquêtes en ce genre parmi lescéréales, parmi les plantes potagères, mettront sur tous les points lessubsistances dans un juste équilibre avec la population, et verserontde l'aisance et du bonheur dans toutes les classes. ...» Un expérimentateur estimable, auquel l'agriculture et l'horticulturedoivent un juste tribut de reconnaissance , M. Lecoq, de Clermont, apublié une sorte de traité ex-professosur l'hybridation. Ou a vainement cherché à contester la vertu descroisemens naturels recommandés par les botanistes : les faits sont làavec toute leur puissance, pour répondre à l'incrédulité ou à lamauvaise foi, et pendant que les hommes discutent, la nature opèreelle-même en silence son œuvre mystérieux d'hybridation, et transformeles végétaux pour répondre aux besoins toujours croissans de l'humanité. Dans un prochain numéro nous reviendrons sur cette question, etindiquerons, d'après les autorités en cette matière, les procédés àsuivre pour arriver le plus promptement aux résultats. * * * Tome III. - 3e année. - 5e livraison. - novembre 1845.  | MENTOR, Etalon carrossier, fils de Mahométan à Mr Morin, Fils. | CONGRÈS CENTRAL D'AGRICULTURE. QUESTION CHEVALINE. § 2.— PRODUCTION (Suite). Si l'on veut agir utilement en France sur la production du cheval deluxe, loin de généraliser les efforts, il faut donc au contraire lesconcentrer sur les localités qui s'y montrent les plus propices et oùelle existe déjà, et l'y développer suffisamment pour atteindre leniveau des besoins. Il y aura toute espèce d'avantage à procéder de lasorte. D'abord certitude de réussir, ce qui est un point de la plushaute importance, et que ne peut offrir aucune autre localité, enraison de l'énorme différence qui existe entre créer ou simplementaméliorer : ensuite assurance, toutes choses égales d'ailleurs,d'obtenir la plus haute perfection possible, vu que le moyen le plusefficace pour améliorer et conserver une race, c'est de l'isoler et dela préserver pure de mélanges hétérogènes ; ce qui ne se peut, toutesles fois qu'il en existe simultanément plusieurs sur les mêmes points.Et comme il n'y a pas au monde une race d'animaux qui soit soumise àcette règle d'une manière aussi absolue que le cheval de luxe, il enrésulte évidemment qu'il est de la dernière importance d'encirconscrire et développer en même temps la production dons un nombrede localités assez restreint pour qu'elle s'y trouve seule et garantiede tout contact impur. Dira-t-on que c'est un privilège que nous réclamons pour ces localités; une industrie dont nous demandons le monopole pour elles, et dontelles auront seules les bénéfices ? Quand il en serait ainsi, serait-ce donc un si grand malheur ? si c'estle moyen de procurer au pays de meilleurs chevaux, il n'y aurait pas àhésiter ; et nous ne voyous pas pourquoi telle province, si elle est enposition de les produire mieux, ne les fournirait pas aux autresprovinces, de même que celles-ci leur fournissent à leur tour lesproduits et les denrées qui leur sont propres. Autant demander que l'onplante des vignes et des oliviers sur toute la surface de la France,dans la crainte que la Bourgogne et la Provence n'accaparent lemonopole des vins et des huiles. De semblables raisonnements, quand ils'agit des diverses parties d'un même empire, ne méritent pas qu'on s'yarrête, et qu'on les discute sérieusement. Au demeurant, nous allons plus loin : nous soutenons, et il seraitfacile de le prouver, qu'il s'en faut de beaucoup que la fourniture ducheval de luxe, soit un avantage pour les lieux qui en sont enpossession. De toutes les productions agricoles, celle du cheval est lamoins lucrative ; de toutes les espèces de chevaux, celle du cheval deluxe, comme spéculation, est la pire. Loin d'être une source debénéfices, elle n'est le plus fréquemment qu'une occasion de dépenseset de pertes. Si nous la réclamons pour certaines localités, ce n'estnullement dans l'espoir de les enrichir aux dépens des autres, maisuniquement parce qu'elles nous y paraissent les mieux disposées ; etdans cette circonstance, nous ne sommes préoccupés que d'une chose,l'intérêt général. Nous sommes si loin du reste, en formulant ce vœu,de céder au désir de les favoriser, que dans notre opinion bienarrêtée, et reposant sur une longue expérience, il n'est pas de produitanalogue, bœuf, âne, mulet, cheval de trait, qui ne présente plus dechances avantageuses à l'éleveur. Une foule d'observateurssuperficiels, nous le savons, ne manqueront pas de se récrier, de citerles prix élevés reçus pour tel ou tel cheval ; mais ils ne diront pasce qu'il a fallu acheter de poulains, perdre de chevaux par mort ouaccident, éprouver de désappointemens de toute espèce, pour obtenir cesquelques individus. Que les provinces qui produisent le cheval de trait, se contentent doncde le produire, en lui procurant toutes les améliorations que comportesa spécialité ; mais qu'elles se gardent de ces autres prétenduesaméliorations qui consistent à mélanger sans discernement les races, etn'ont d'autre résultat que de détruire ce qui est, sans rien mettre àsa place. Système déplorable qu'il faut regarder comme une des grandescauses de l'infériorité dans laquelle nous sommes tombés. Que les provinces qui produisent le cheval sans taille, sans étoffe,sans distinction, en un mot incapable de répondre aux besoins del'époque, se gardent d'inutiles efforts pour en faire un cheval deluxe, et qu'elles le remplacent par le bœuf, l'une, le mulet, le chevalde trait léger, suivant les lieux. Que celles qui produisent le cheval distingué, mais manquant de tailleet d'étoffe, fassent naître; mais laissent élever par d’autres qui,douées d’un sol plus fertile et d'un climat plus favorable, puissentdonner à ces produits le développement dont nous ne pouvons nous passeraujourd'hui. Quand à ces dernières, qu'elles seules se chargent de fournir le chevalde luxe ; et comme il réclame de grands soins et de grands sacrificesainsi que nous venons de le dire, il ne paie qu’à grand’peine lesdépenses qu'il occasionne, c'est à le faire produire que doivent tendretous les efforts du gouvernement ; c’est aux localités qui leproduisent et l'élèvent que celui-ci doit appliquer toutes lesressources qui sont à sa disposition et qui agiront avec d’autant plusd'efficacité, qu'elles seront plus concentrées. Il est temps, si l'onveut obtenir des résultats, qu’on renonce à éparpiller, comme on l'afait jusqu'à ce jour, ce qu’on possède de moyens améliorateurs, qui, dela sorte, ne procurent que des résultats éphémères aussitôt détruitsqu'obtenus. Telle est, à nos yeux du moins, l'unique voie à suivre pour amener laFrance à produire ce que réclament les besoins du luxe et de l’armée,et pour lui épargner en même temps les dépenses que ne pourrait manquerde lui occasionner, la tentative imprudente de contrarier le vœu de lanature. Quant aux moyens de donner à la production du cheval de luxe, dans leslocalités qui lui sont propres, un développement suffisant pour qu’ellepuisse atteindre au niveau des besoins, la chose qui nous paraît desfaciles. Nous avons vu qu'il s'agissait d'à peine 25.000 chevaux. Maisce n’est pas à dire que le nombre des élèves doive être augmentéd’autant. Sans doute, il doit l'être, dans de certaines proportions, etle petit nombre que renferment en ce moment les écuries des éleveurs setrouvent exposé à un service trop pénible et qui devient pour eux unesource de détérioration. Mais d’un autre côté aussi, il n’estpas moinsconstant que, même dans les localités les plus avantageusement douéessous ce rapport, il existe une quantité considérable de chevaux d'uneautre nature, qui pourraient tout aussi bien être élevés ailleurs, etconséquemment faire place à des animaux plus distingués. D'où ilrésulte évidemment que l'augmentation des élèves dans ces diverseslocalités, ne serait pas à beaucoup près aussi considérable qu'ellepeut le paraître au premier coup d'œil. § 3. AMÉLIORATION. De ce que nous réclamons la production à peu près exclusive du chevalde luxe, par le petit nombre de provinces qui se sont montrées jusqu'àce jour capables de le produire, ce n'est certes pas une raison d'enaller conclure que nous soyons parfaitement satisfaits de ce qui s'ytrouve en ce moment, et que dans notre opinion, il n'y aurait autrechose à leur demander que d'augmenter le nombre de leurs produits telsqu'ils sont. Malheureusement il n'en est pas ainsi, et si la quantitén'est pas suffisante, la qualité ne l'est pas davantage. Comment il se fait que dans un pays aussi avantageusement situé que lenôtre, dont le sol et le climat se trouvent dans des circonstancesaussi favorables au développement de cette industrie, nous noustrouvions dans cette fâcheuse position ? c'est ce que nousn'examinerons pas ici. Une telle entreprise nous mènerait trop loin.Nous craindrions d'ailleurs que nos paroles ne devinssent le texted'attaques et de récriminations que nous avons d'autant plus à cœurd'éviter, que dans l'état de détresse où nous sommes tombés, nousn'avons pas trop des efforts de tous pour nous relever. Que des fautes,et des fautes nombreuses aient été commises, c'est ce que nous sommesloin de nier ; mais comme personne n'en a été exempt, ce qu'il y a demieux, et même la seule chose à faire, c'est d'oublier le passé, ouplutôt de n'en garder le souvenir qu'à titre de renseignement, et pouréviter de retomber dans les mêmes erreurs ; et de rechercher de bonnefoi et sans arrière-pensée, les moyens de remédier à l'état des choses,sans s'inquiéter en aucune façon des personnes. Telle est du moins, ettelle sera toujours notre manière de procéder : en nous efforçantd'indiquer ce qui nous manque, et les moyens de nous le procurer, nousne nous occuperons en quoique ce soit de ce qu'a fait celui-ci, de ceque n'a pas fait celui-là. Si nous sommes assez heureux pour émet-treune idée raisonnable, peu nous importera par qui elle sera adoptée etmise à exécution, pourvu qu'elle le soit. Car au-dessus des amourspropres et des intérêts privés, au-delà des amitiés et des haines, ilest un objet devant lequel tout doit s'incliner et se taire, c'estl'intérêt général. Si, comme nous aimons à le croire, il est le but quese proposent d'atteindre ceux qui s'occupent de cette question, nous nedoutons pas que notre appel soit entendu et notre exemple imité. Nous ne produisons pas une quantité suffisante de chevaux de luxe :ceux que nous produisons ne sont pas d'une qualité satisfaisante ; ilnous faut donc faire marcher de front, l'augmentation et l'amélioration. L'augmentation, c'est chose aisée. A cet effet, il suffit de procurer àl'éleveur des débouchés avantageux. Tant qu'ils ne lui manqueront pas,quels que soient les besoins, on peut être certain qu'il y suffira dureste. Les moyens de lui procurer ces débouchés, nous nous enoccuperons au paragraphe suivant, et nous espérons y démontrer d'unemanière irrécusable, la possibi-lité d'y parvenir sans peine, le jourqu'on le voudra sérieusement. Reste l'amélioration : c'est là le point culminant de la question, et celui qui va nous occuper ici d'une manière exclusive. Elle doit être envisagée sous deux faces différentes : Amélioration proprement dite, intrinsèque, absolue, primitive,n'importe comment on voudra l'appeler, qui consiste à procurer àl'animal la conformation et le germe des qualités le plus en harmonieavec les besoins à satisfaire. Amélioration secondaire, relative, résultat d'une éducation quipermette à cette conformation et à ces qualités d'atteindre tout ledéveloppement dont elles sont susceptibles, et de faire ainsi parvenirla race au plus haut degré possible de perfection. Cette dernière face de la question ne présente aucune difficultéréelle, et les avis sont à peu près unanimes à cet égard. Placer lesjeunes élèves dans les conditions de climat et d'alimentation les pluspropres à atteindre le but qu'on se propose ; ne leur imposer que destravaux proportionnés à leur force ; les soumettre à des soinshygiéniques bien entendus : tels sont les principaux préceptes quidoivent présider à une bonne éducation et sur lesquels on estgénéralement d'accord. Si l'on ne s'en éloigne que trop souvent, cen'est pas faute de les connaître, mais bien par d'autres causes dontnous allons nous occuper. F. PERSON. (La suite au prochain numéro.) JUMENS POULINIÈRES. — TRAVAIL. On a, avec raison, comparé le corps humain à une machine ; etpoursuivant la comparaison, on a dit que, pour être maintenue en bonétat, il faut qu'une machine fonctionne ; que c'est la laisser dépérirque la mettre en repos trop longtems, parce qu'elle se rouille etdevient rude dans ses mouvemens. Mais le travail doit être modéré,c'est-à-dire en proportion avec la force qu'elle peut produire, car sion lui demande un travail exagéré, elle s'use autant au moins que sielle restait à rien faire. Appliquée aux jeunes chevaux, cette comparaison nous a amené à dire queles soumettre à un travail forcé, c'est les ruiner avant l'âge où l'ondoit en attendre un bon service ; et appliquée aux étalons, que c'est àtort qu'on ne leur demande aucun travail, attendu que le travail est àla fois le principe de la santé et de la vigueur. Le travail modéréentretient le jeu des muscles et des tendons, il laisse du moelleux auxarticulations, en même tems qu'il donne à l'animal plus d'adresse et dedocilité. On a observé que l'étalon qui travaille est plus prolifique que celuiqui ne fait rien, et que ses produits sont généralement d'un caractèreplus doux. Il y a donc double avantage à faire travailler les étalons,puisque le travail est essentiellement hygiénique, et qu'en définitivetout travail est un produit qui ajoute à la valeur de la propriété. Ce qui a été dit pour les chevaux destinés à la production, s'appliqueégalement aux jumens poulinières : c'est une erreur, c'est une faute deles laisser oisives pendant toute l'année. Tel est cependant l'usage dans notre pays, quand il s'agit de jumensdont les produits sont d'une valeur au-dessus de la moyenne. L'abusexiste notamment dans la vallée d'Auge. Là, les jumens de prix restenten liberté dans un herbage d'un bout de l'année à l'autre bout, et celadans la crainte que le travail ne compromette le foetus sur lequel lepropriétaire de l'animal fonde son espoir. Dans quelques propriétés,les éleveurs inlelligens laissent un abri toujours ouvert où la jumentpeut se garantir de la pluie ou du froid, mais chez la plupart,l'animal reste exposé aux intempéries, et n'est rentré que lorsquel'hiver devient tout-à-fait rigoureux. Il est impossible qu'un semblable régime ne nuise pas au bon état del'animal : exposée à des refroidissemens, à l'influence des nuitshumides et glaciales, et de plus, n'étant soumise à aucun travail, unejument devient raide dans ses membres, froide dans ses épaules, etquoique l'on en puisse dire, elle transmet à ses produits ces fâcheusesdispositions, qui, comme certains autres vices, prennent le caractèrehéréditaire, si le même régime est continué pendant plusieursgénérations. Ainsi, de peur de compromettre l'animal par le travail, onle compromet bien plus sûrement par l'oisiveté. Telles sont les réflexions qui nous ont été inspirées, et que nousavons entendu exprimer par des hommes dans l'expérience desquels nousavons pleine confiance, lors du dernier concours d'Argences. Une partiedes belles jumens que l'on admirait à l'exhibition, ont paru les unesdéjà froides des épaules, les autres disposées à le devenir. Plusieursétaient boiteuses, et cet accident n'était pas seulement, comme onvoulait bien le dire, l'effet de la route depuis l'herbage jusqu'aulieu du concours, mais aussi et surtout le résultat de l'oisivetéprolongée dans les herbage. Pour justifier cette habitude de laisser les poulinières à rien fairependant toute l'année, on allègue ce que nous disions, que le travailpourrait compromettre la production, et d'autre part que dans lePays-d'Auge, on ne sait â. quel travail employer les jumens. Il est difficile d'admettre l'une ou l'autre raison, car, nous lerépétons, il est de règle physiologique qu'un travail en rapport avecla force de la machine, l'entretient en état ; et quelle que soit lanature de l'exploitation, il y a toujours moyen d'occuper un cheval.Chaque saison, comme chaque contrée a ses travaux particuliers : letransport des foins, celui des pommes, celui des engrais, puis leservice du cabriolet ou de la selle, pour aller aux marchés voisins,sont autant de travaux auxquels les poulinières de la vallée d'Augepeuvent être employées. Qu'on les laisse au repos dans les derniersmois de la gestation, cette précaution est rationnelle ; mais ce qui nel'est pas, c'est cet état de repos absolu, souvent aussi fâcheux qu'untravail en dehors de la mesure des forces de l'animal. Un des écrivains de l'antiquité a dit que « celui qui croit se procurerde la santé en vivant dans l'inaction, est aussi peu sensé que celuiqui se condamne au silence pour perfectionner sa voix. » Ce qui était vrai autrefois sous ce rapport l'est encore aujourd'hui,et doit s'appliquer aux animaux tout aussi bien qu'aux hommes. POMMES DE TERRE. Ce qui doit en ce moment préoccuper les cultivateurs dans les contréesoù la maladie de la pomme de terre a occasionné le plus de pertes,c'est de ménager les tubercules pour la semence de l'année prochaine. Au nombre des moyens proposés pour la conservation des tubercules, ilen est un que l'expérience recommande d'une manière particulière. Ilconsiste à exposer au grand air, en les retournant de tems en tems pour les faire verdir,les pommes de terre destinées à la reproduction. En cet état, lespommes de terre deviennent beaucoup plus rustiques et sont à peu prèscertainement garanties de la pourriture. Il y a en outre à l'emploi dece procédé cet avantage, que les tubercules qui ont verdi ne sont plusmangeables, ce qui forcera de les conserver pour leur destination. Onajoute enfin que les tubercules amenés à cet état ont une végétationplus vigoureuse que les autres et assurent une récolte plus abondante. On conseille aussi de semer les graines de pommes de terre qui ont puêtre recueillies sur les fanes. Ces graines semées au commencement duprintems donneront des tubercules qui pourront fournir, en septembre,une récolte dont une partie peut servira la consommation et une autrepartie à la reproduction (1). Enfin nous renouvelons le conseil que nous avons donné précédemment, demettre en ce moment dans une terre bien défoncée, à une profondeur de30 centimètres environ des tubercules qui pousseront de suite etproduiront au printems une récolte certaine. Le seul soin à prendre estde couvrir de paille, de feuillage ou de fumier à demi consommé, lesfanes qui sortiront de terre, afin de les préserver contre les gelées. Nous avons vu, ces deux dernières années, des pommes de terre ainsicultivées, et nous croyons pouvoir garantir le succès de cette culture,malgré les assertions contraires de quelques personnes qui ont parlésans doute sans avoir expérimenté. Un dernier conseil, c'est de bien préparer, de bien fumer la terredestinée à recevoir au printems la pomme de terre. C'est le moyend'obtenir une bonne récolte qui dédommagera amplement le cultivateur deses soins et de ses dépenses. Dix ares de terre en bon état et surlesquels le binage et le buttage se feront en temps convenable,produiront plus que quarante ares négligemment préparés et danslesquels on aura employé, pour la reproduction, trois fois plus detubercules que dans le premier cas. Nous terminons en faisant observer qu'il est très-regrettable que dansle premier moment beaucoup de tubercules pourris ou attaqués d'uncommencement de pourriture aient été jetés et perdus, car nous avons vudans une féculerie des produits provenant de pommes de terre gâtées ennotable partie, et ces produits ne le cédaient en rien en blancheur eten qualité à ceux provenant des tubercules les plus sains. En Angleterre, où la crainte d'une disette a fait sentir la nécessitéde tout utiliser, il n'y a pas eu un tubercule de perdu, et il s'estmême depuis deux mois fondé un assez grand nombre de féculeries quicontribuent chaque jour à rendre la perte moins considérable qu'on nele craignait au commencement de la saison. Ajoutons qu'après des dissertations plus ou moins savantes sur la causede la maladie, on s'est généralement accordé à reconnaître ce que lesimple bon sens avait indiqué tout d'abord, à savoir que le mal devaitêtre attribué uniquement à la température froide et humide de l'été. Quant au champignon dont on avait tant parlé, il n'en est plus question. (1) Nous n'entrons pas ici dans de plus amples détails àce sujet, car il est probable que l'on ne s'est guère occupé derécolter les baies de la pomme de terre. Il serait cependant biendésirable que l'on ne négligeât pas ce moyen de renouveler, de rajeunirles espèces et d'en obtenir de nouvelles. L'année prochaine, en temsopportun, nous publierons des instructions sur cette culture, et dès àprésent nous nous empresserons de communiquer les renseignements quenous nous sommes procurés sur ce sujet à ceux de nos lecteurs quiseraient à même de les mettre à profit au printems prochain. REMONTES. — ACHAT DE JUMENS. Une pétition couverte en quelques heures de près de mille signatures, aété adressée après la foire Toussaint, à Bayeux, à M. le ministre de laguerre, pour l'engager à révoquer l'ordre émané de son département, decesser les achats de jumens pour le service de la cavalerie. Nousl'avons dit, cette malencontreuse suspension dans les achats de cegenre a non seulement causé une grave atteinte aux transactions quidevaient se faire à la Toussaint, mais en outre a porté un coup fâcheuxà l'industrie chevaline de tout le pays. Beaucoup de cultivateurs qui avaient compté sur la vente de leursjuments pour acheter des élèves, ont dû s'en retourner découragés parcette irrégularité dans les achats de la guerre, et décidés la plupartà renoncer à une industrie si chanceuse, toujours subordonnée auxcaprices d'une administration qui agit suivant son bon plaisir. On avait espéré que le ministre ferait droit à la pétition des éleveurs; mais jusqu'à présent aucune réponse n'a été reçue, et lemécontentement du pays est grand. Le département de la guerre ne peutcependant compter sur le concours de nos cultivateurs, qu'autant queceux-ci pourront eux-mêmes compter sur le sien ; et c'est la régularitédans les achats qui, seule, peut les engager à élever des chevaux pourl'armée. Il y a quelques années, placés dans cette alternative d'élever pour laguerre ou pour le commerce, nos cultivateurs ont travaillé à peu prèsexclusivement pour la guerre. Il en est résulté que le commerce s'estretiré de jour en jour, en voyant qu'il ne pouvait plus faireconcurrence à l'administration des remontes, et nos foires sontdésertées par les marchands étrangers qui, jadis, y venaient faire desachats considérables. En suivant cette voie, nos éleveurs auraient-ils agi rationnellement etselon leur plus grand intérêt, dans la supposition que la guerre fûtbien décidée à ne remonter la cavalerie qu'en chevaux français, et queses achats s'opérassent régulièrement et sans intermittence ? C'est unequestion que nous n'avons pas à examiner, puisque c'est l'irrégularitédans les opérations des remontes qui motive les plaintes etréclamations du pays. MM. les acheteurs des remontes ont pu apprécier eux-mêmes le mauvaiseffet des intermittences dans les achats, et ils ne peuvent méconnaîtrela justesse des plaintes de nos éleveurs. Sans doute ils n'ont pas étésans exprimer à ce sujet leur pensée à l'administration dont ils sontles mandataires, et celte administration comprendrait bien mal sesintérêts, si elle ne donnait une sérieuse attention à leursreprésentations. Qu'elle prenne garde que la confiance en elle (confiance déjàébranlée), ne vienne à cesser, car nos éleveurs déçus dans leursespérances, tourneraient leurs efforts vers le commerce, et ne sepréoccuperaient guère du soin de ménager un acheteur duquel ilsn'auraient à attendre qu'un concours tout-à-fait secondaire, puisqu'ilserait toujours incertain. Dans l'intérêt général, il est nécessaire que cet état de choses, quecette incertitude également fâcheuse pour l'éleveur et pour l'acheteurait un terme. Le vœu de tous les conseils généraux est que désormaistous les achats de chevaux destinés au service de l'armée soient faitsen France. Que l'on donne par une déclaration formelle satisfaction surce point aux représentons des départemens ; ce point une fois réglé, ildevra être facile de s'entendre : au commencement de chaque année, laguerre fera connaître ses besoins ; elle indiquera dans quelleproportion les remontes devront prendre dans chaque contrée chevaux etjumens. On se préparera en conséquence, et personne n'aura de mécomptesà craindre, car la régularité dans les achats amènera dans l’élevage. Nous ne voulons pas soulever ici une foule de questions qui serattachent à l’état de choses actuel. Notre unique but a été designaler le grave inconvénient de l’irrégularité dans les achats faitspar les ordres et pour le compte de la guerre. * * * Tome III. - 3e année. - 6e livraison. - décembre 1845. CONGRÈS CENTRAL D'AGRICULTURE. QUESTION CHEVALINE. § 3. — AMÉLIORATION (Suite). Si un trop grand nombre d'éleveurs laissent leurs poulains exposés auxintempéries des saisons les plus rigoureuses ; si d'une mainparcimonieuse, et pour ainsi dire à regret, ils ne leur accordentqu'une nourriture insuffisante ; si dès l'âge de dix-huit mois, ils lessoumettent à de pénibles travaux ; s'ils exposent aux fatigues de lamaternité les pouliches de deux ans ; qu'on n'aille pas croire qu'ilsignorent les conséquences de ces fâcheuses habitudes. Ils en gémissentles premiers ; et ne demanderaient qu'à s'en exempter si la chose étaitpossible. Malheureusement elle ne l'est pas ; et ils sont contraints desubir la loi d'une nécessité qu'ils déplorent. Pour procurer aux jeunesanimaux un abri et une nourriture convenables ; pour n'exiger d'euxqu'un travail proportionné à leurs forces, et dans un âge où il seraitsans inconvénient ; pour ne rendre mères les femelles qu'à une époqueoù leur crue serait terminée, et leur tempérament formé, il n'encoûterait pas moins par tête que trois cents francs, et l'éleveur nesaurait où les trouver. Non pas que la différence qui en résulteraitdans la valeur réelle de l'animal ne fût de beaucoup plus considérable; mais dans l'état actuel des choses, la concurrence étrangère s'opposeà ce que le consommateur soit mis à même de l'apprécier, etconséquemment de la récompenser. La preuve cependant qu'aussitôt que, grâce à un prix suffisammentrémunérateur, l'éleveur pourra entrer dans une voie plus rationnelle,il s'empressera de le faire, c'est que depuis quelque temps l'éducationdu cheval d'arme a gagné chez nous d'une manière irrécusable. La causeen est facile à reconnaître ; il est le seul dont en ce moment, lavente soit assurée, bien qu'à des conditions trop peu avantageuses pourpermettre une amélioration complète. Il nous semble donc hors de doute que du jour où le cheval de luxeindigène trouvera un débouché certain, et à un prix, capable de couvrirles dépenses qu'il aura occasionnées, il sera facile d'obtenir del'éleveur toutes les améliorations qui procèdent d'une éducationconvenable, et dont le résultat est le développement complet desqualités innées de l'animal. Mais pour les développer en lui ces qualités, il faut qu'il en possèdele germe ; et c'est à le lui procurer de la manière la plus étendue,que consiste la seule difficulté réelle. Ici quatre systèmes principaux se trouvent en présence. Améliorationpar les accouplements, — amélioration par les croisements , —amélioration par le pur sang anglais , — amélioration par le sang arabe. Différant essentiellement sur une foule de points, ces divers systèmes,chose bizarre, reposent sur une base commune, l'influence de l'hérédité. L'amélioration par accouplement consiste à choisir dans la raceindigène, et à allier ensemble des individus, semblables de taille, deconformation, de qualités, et se rapprochant autant que possible de ceque l'on veut obtenir. Pour démontrer la supériorité de ce système, sespartisans disent qu'une race n'étant rien autre chose que l'expressiondes influences du sol et du climat sur l'espèce, il n'est pas possibled'exercer des modifications durables sur cette race, en dehorsd'elle-même, puisqu'il en résulterait une lutte continuelle entrel'homme et la nature, lutte dans laquelle le premier ne saurait manquerde succomber. Tandis qu'au contraire, en cherchant dans la raceelle-même, les éléments d'amélioration, et en accouplant constammentles individus les plus parfaits, comme on ne demanderait rien à lanature qu'elle n'eût déjà accordé d'elle-même, le succès ne sauraitfaire faute, en vertu des lois bien connues de l'hérédité qui tendentsans cesse à modeler les enfants, sinon toujours sur leurs pères, dumoins sur leurs ascendants. S'appuyant sur le même principe, l'influence de l'hérédité, lespartisans de l'amélioration par le croisement, arrivent à desconclusions entièrement opposées. Ils disent que le bon et le beau sontrépandus par parcelles sur la surface du globe, et que partout lesdéfauts tendent à absorber les qualités ; qu'en conséquence le systèmede l'accouplement doit à la longue donner le dessus au mal, et qu'on nepeut y remédier que par le croisement, c'est-à-dire l'accouplementd'animaux qui, produits de sols et de climats différents, possèdent uneorganisation différente, et conséquemment des qualités capables deneutraliser leurs défauts respectifs. Ces deux opinions sont combattues par une troisième qui soutientqu'aucune des races septentrionales ne sont capables de se conserver ,encore moins de s'améliorer par elles-mêmes ; que par suite desinfluences d'un sol et d'une température pour lesquels la naturen'avait pas destiné l'espèce, leur sang s'est appauvri, leurs fibres sesont relâchées, leur conformation s'est altérée ; qu'elles ont perdu,et qu'on ne peut leur faire recouvrer une partie de leurs qualités lesplus précieuses, qu'en versant dans leurs veines un sang plus riche etplus généreux ; que pour atteindre ce résultat, les accouplements etles croisements de races analogues, sont d'une égale impuissance, etqu'on ne peut y réussir qu'au moyen d'une race à part, possédant auplus haut degré la pureté du sang et la perfection d'organisation. Cette opinion est celle qu'ont généralement adoptée les hommes decheval les plus avancés. Mais d'accord sur le principe, il s'en fautqu'ils le soient sur son application. Pour les uns, le typeaméliorateur par excellence, c'est le pur sang anglais. Pour lesautres, c'est le cheval d'Orient, et particulièrement le cheval arabe. Les premiers disent que depuis cent cinquante ans, les Anglaistravaillent à perfectionner leur race ; qu'elle n'est autre chose quela race arabe modifiée dans le sens de nos besoins ; que par suite dessoins infinis dont elle a été l'objet, elle a, non-seulement conservétoutes ses qualités primitives, mais en a acquis de nouvelles, et s'esten même temps acclimatée et appropriée à nos services, sous lesrapports de taille et de conformation ; qu'en conséquence, en adoptantles producteurs des Anglais, c'est tirer parti de leurs travaux, etnous mettre immédiatement à leur niveau ; que vouloir, au contraire,prendre la race ab ovo, c'estrétrograder volontairement d'un siècle et demi, en admettant, ce quin'est pas démontré, que nous eussions la patience, l'intelligence etles moyens de faire aussi bien qu'eux. A cela, leurs adversaires répondent que rien ne leur prouve que la raceanglaise ait gagné depuis longues années, et qu'ils doutent fortqu'elle pût présenter aujourd'hui rien de supérieur ni même d'égal auxhérodes Ecclipse, Childers, et autres célébrités du siècle dernier ; —que du moment où la nécessité du pur sang est admise, on ne pourrajamais les persuader qu'une race indigène, de quelques soins qu'elleait été l'objet, le puisse conserver aussi pur que le type même dontelle est issue, et qu'elle n'ait pas plus ou moins subi les influencesdu sol et du climat : que quant à l'objection de la taille et de laconformation, personne n'ignore combien peu de générations sontnécessaires pour que l'arabe communique à sa descendance celles queréclament nos besoins et nos habitudes : — qu'au demeurant ils sontloin de repousser le pur sang indigène ; qu'autant que personne, ils enreconnaissent l'utilité, ne fût-ce qu'en raison de l'extrême difficultédont il sera toujours de se procurer des chevaux arabes convenables : —mais que le pur sang anglais, et généralement le pur sang européen, quien est dérivé, ne répondent en ce moment à nos besoins que d'unemanière plus qu'imparfaite, attendu que cette race n'a été créée qu'envue d'une spécialité en désaccord complet avec le genre de service quenous attendons de ses produits ; que quand les Anglais introduisirentchez eux les producteurs arabes, ce qu'ils leur demandèrent, ce furentdes coureurs ; la qualité qu'ils recherchèrent avant tout, ce fut lavitesse, toujours la vitesse ; qu'au cheval le plus vite , la plus vitejument : telle fut la règle constante qu'ils suivirent dans lesaccouplements ; que sans doute ils parvinrent ainsi à obtenir unegrande vélocité ; mais que cette qualité ne put s'acquérir qu'audétriment d'une foule d'autres, et devint le résultat d'uneconformation inconciliable avec nos différents services ; qu'enconséquence vouloir baser l'amélioration sur le pur sang tel qu'ilexiste en ce moment, c'est démolir d'une main en édifiant de l'autre ;qu'enfin pour obtenir des résultats réels et durables, la premièrecondition dont on ait à se préoccuper, c'est la création d'une race depur sang en harmonie avec nos besoins ; que cette race ne peut dériverque de la race arabe, mais en suivant une marche tout-à-fait différentede celle qu'on suivie les Anglais, et en se proposant un tout autre but. Cette opinion, nous devons le confesser, a toutes nos sympathies : nousaussi nous pensons que le pur sang, sous l'enveloppe dont il est revêtuchez nous, ne peut rendre à l'amélioration que de bien minimesservices, et qu'il ne faut pas aller chercher ailleurs la cause del'inutilité des efforts et des sacrifices que l'on fait depuis silongtemps. Nous aussi nous pensons qu'il n'y aura chez nous devéritable et sérieuse amélioration, qu'alors que nous posséderons unerace de pur sang qui, n'ayant aucune prétention à l'extrême vitesse,sera amenée aux conditions de force, de carrure et d'ensemblequ'exigent les besoins du luxe et de l'armée. En effet, que demandons-nous ? D'une part, la pureté du sang et lesqualités qui en dérivent : d'autre part, certaines conditions detaille, d'ampleur, de conformation. D'un autre côté, il est une loiconstante de la nature, c'est de modeler presque toujours les enfantssur les parents, toujours sur l'une des deux ou trois générations quiles ont précédés. Or, si la race amélioratrice possédait à la fois lapureté du sang et la conformation voulue, il est clair comme le jourqu'à de très-rares exceptions près, son action produirait en tout etpartout des résultats assurés, et qu'il ne faudrait, pour opérer dansl'espèce, une révolution complète, qu'un nombre très limité d'années. Qu'arrive-t-il, au contraire, aujourd'hui ? La race amélioratrice, ousoi disant telle, possède, il est vrai, la pureté du sang, mais commeavant que de songer à la faire productrice, on a visé à la fairecoureuse, la conformation est en désaccord complet avec celle du chevalde service. La conséqnence, c'est que toutes fois que par son moyennous voulons améliorer le sang d'une de nos races, nous en altéronsaussitôt la forme ; que pour remédier à cet inconvénient, nous sommesimmédiatement forcés de recourir à la race locale, et de rechercher laforme au détriment du sang, c'est-à-dire de revenir précisément aupoint de départ, sauf à recommencer aussitôt. C'est précisément lemétier que nous faisons depuis nombre d'années, et auquel nous nepouvons échapper, tant que nous ne changerons pas de système, et quenous ne voudrons pas nous souvenir qu'entre la course et la production,il y a un abîme. On a dit : Le cheval de pur sang doit suffire à tout ; avec la jumentde son espèce, propager sa race ; avec la jument d'attelage, la jumentà deux fins, la jument d'escadron, la jument de selle, produire lecarrossier, le cheval à deux fins, le cheval de troupe, le cheval deselle ; oui, sans doute, quand il aura été créé dans la vue de laproduction, c'est-à-dire qu'il sera lui-même conformé d'une manièreanalogue au genre de service que l'on attend de ses produits ;autrement non ; et il a bien fallu finir par le reconnaître, quoiqu'unpeu tard peut être. Alors on a eu recours à une autre théorie : on adécouvert que le pur sang était un remède trop héroïque, qu'ildemandait à n'entrer dans l'amélioration que par degrés, et que pourêtre appliqué avec avantage, il fallait qu'il fût délayé. En d'autrestermes que le cheval de pur sang ne devait pas directement produire leschevaux de service, mais qu'accouplé à des juments du pays, on enobtiendrait des produits qui, par l'influence de leur mère plusrapprochée de nos besoins, pourraient, dans certains cas, sous le nomde demi-sang, produire directement les chevaux de commerce ; dansd'autres, produire d'autres producteurs qui, sous le nom de quart desang, entretiendraient l'espèce dans les conditions de taille et devolume nécessaires. C'était, comme on le voit, de l'homéopathie decheval. Il s'agissait de renouveler et de régénérer un sang appauvri,par les influences ennemies du sol et du climat ; au lieu d'en prendreà la source et de le verser à flots, on l'insinue goutte à goutte aprèsavoir eu grand soin de le noyer dans les veines de trois ou quatregénérations ! Voilà donc les derniers mots de la science hippique enFrance ; vous tous qui voulez améliorer vos élèves, approchez, la choseest des plus simples : ceci, c'est le cheval améliorateur ; employezle, mais prenez garde, ce n'est pas lui qui vous fera immédiatementvotre affaire ; il en engendrera un autre qui, peut-être... Non,celui-là est encore trop distingué ; laissez-le en procréer untroisième, qui, lui, enfin, pourra devenir votre messie. Par exemple,comme dans cette complication de générations, il n'est pas facile deprévoir d'où viendra l'influence héréditaire, Dieu sait quels produitsil en résultera : peut-être un carrossier, sinon un cheval de selle, oubien un troupier ; plus probablement encore un mélange de tous trois :mais qu'importe ? ce sera un cheval amélioré ! Tout cela paraît fort ridicule, et l'on croirait difficilement qu'ilfût possible d'aller plus loin. C'est pourtant ce qui est arrivé ; tantil est vrai qu'une fois engagé dans une voie mauvaise, il estimpossible de prévoir où elle pourra nous conduire. On s'est aperçuque, pour peu que les jumens eussent participé à l'amélioration, leschevaux dits de demi-sang, souvent même ceux de quart de sang, ne setrouvaient pas dans les conditions de carrure et de volume que l'ondésirait se procurer, et contrairement à toutes les lois de senscommun, on a dû au moment où l'on cherchait à améliorer l'espèce,repousser de la production toute femelle améliorée. Réduit à combattreles extrêmes par leurs opposés, à des étalons trop minces, on aaccouplé des jumens trop massives, dans l'espoir d'obtenir un produitdans de justes proportions, et le mérite des mères s'est mesuré, ouplutôt pesé à la livre. La distinction, l'élégance, le train, lavigueur, le fonds, n'ont plus été que des qualités secondaires etnullement indispensables. Du volume, de la taille, de grosses jambes,de gros ventres, de l'étoffe, et quelle étoffe, bon Dieu ! Telles ontété les premières et trop souvent les seules préoccupations del'éleveur. Tout ce que l'espèce possède de plus pataud et de plusignoble, on s'en est emparé ; et de ces étranges alliances, l'on aobtenu quelquefois des produits d'une conformation assez satisfaisanteà l'œil. Inutile d'ajouter qu'il ne fallait pas les sortir de l'écurie,et que sous les rapports du service ou de la production, l'influencematernelle mettait bon ordre à ce que leur mérite s'élevât au-dessus dezéro. Aussi se garde-t-on, et pour cause, toutefois que l'on fait choixd'un étalon, de le soumettre à aucune épreuve. Et cela pas plus pourles écuries de l'Etat, que pour celles des particuliers ; de quoi ilssont capables, personne ne l'ignore ; et à ceux qui s'en affligent etqui demandent comment il se fait que les fils d'étalons si célèbres etsi chèrement payés ne soient propres à rien, on ne sait que répondre,sinon que les chevaux de demi-sang sont des métis, et que les métissont frappés par la nature d'impuissance ou autant vaut. Oh ! de cettefois ils disent vrai, leur cheval de pur sang est bien un métis ; ilest issu d'un cheval et d'une vache. Mais que l'on s'occupe par unesuite d'accouplemens bien entendus et de soins intelligens, de formerdes chevaux de pur sang d'une conformation en harmonie avec le servicequ'on attend de leur descendance, et qu'on les accouple avec des jumensqui, sans être pures comme eux, possèdent une partie de leur tournureet de leurs qualités , et l'on verra si leurs produits sont des métisimpuissans. De ce qui précède, devons-nous en faire le sujet d'un blâme envers ceuxqui élèvent, ou ceux qui emploient de semblables producteurs ? Enaucune manière : il ne dépend pas d'eux d'en agir autrement. Il estcertaines conditions de taille et de volume dont nous ne pouvons nouspasser, et qu'il faut conserver à tout prix. Pureté de sang, qualités,rien ne peut en dispenser ; et tant que l'espèce amélioratrice ne serapas changée, il sera à peu près impossible de procéder d'une autrefaçon. Hâtons-nous donc de rechercher les moyens d'opérer cechangement, le cas presse. F. PERSON. (La suite au prochain numéro.) Nota. Voulantéviter les redites, nous avons dû traiter ici la question del'enveloppe actuelle du pur sang d'une manière très-concise, tropconcise même pour ceux qui ne sont pas au fait de la question, et nousengageons le lecteur qui voudrait plus de détails, à se reporter ànotre opuscule LES CHEVAUX FRANÇAIS EN 1840, pages 50 à 60. * * * Tome III. - 3e année. - 7e livraison. - janvier 1846.  | COQUETTE,Jument de larace noire du Cotentin, dessinée en 1829. "On parle souvent de larace noire cotentine qui s'est peu à peu éteinte et dontonretrouve à peine aujourd'hui quelques traces dans la Normandie.Pensant que l'on verrait avec intérêt un type exact decette espèce dechevaux, si vivement et si justement regrettée, nous donnons,dans ledessin actuel, le portrait de l'un des derniers individus d'une racedevenue historique. C'est celui d'une jument qui avaitété vendue par M.Signard d'Ouffières père à M. de Rochebrune, à Caen, en 1829." | REMONTE DES ÉCURIES DE LA MAISON DU ROI. Chaque année M. de Strada, premier écuyer du roi, vient dans notre paysacheter une partie des chevaux qui sont nécessaires pour remonter leservice des écuries royales. M. de Strada est arrivé cette année pourfaire ses achats au mois de décembre, et il a fait acquisition de 36chevaux, qui la plupart sont des carrossiers, castrés partie plus oumoins longtems avant l'achat, partie encore entiers quand ils ont étéachetés (1). Avant de constater le mérite de l'ensemble de cette remonte, nouscroyons utile de présenter quelques observations sur l'époque où cesachats se font et sur le mode d'après lequel ils sont faits. En venant en remonte à la fin de l'année, M. le marquis de Strada abeaucoup moins de chances de trouver le nombre et l'espèce de chevauxqui lui conviennent, que s'il visitait quelques mois plus tôt lesécuries de la plaine de Caen. En voici la raison: l'administration desremontes de la guerre, qui est en permanence dans le pays et quiconnaît la plupart des écuries, ne laisse échapper aucun des chevaux demérite dont le prix se trouve dans sa limite, et cette limite vaquelquefois jusqu'au prix que M. de Strada met en moyenne à sesacquisitions. Premier inconvénient, auquel du reste il est facile de remédier,puisqu'à cet effet il suffirait de procéder moins tardivement auxachats. Le deuxième inconvénient consiste dans le mode usité pour ces achats,et nous ne croyons pas qu'il soit plus mal aisé d'y parer. M. de Stradaparaît même l'avoir compris, car cette année il a déjà apporté quelquemodification au système qu'il suivait précédemment. M. de Strada avait l'habitude de faire amener dans la cour de l'hôteloù il descend à Caen, ou sur le bord des routes qu'il devait parcourir,ou dans la cour de l'une des fermes qu'il se proposait de visiter, leschevaux parmi lesquels son choix pouvait s'arrêter. Ce système estmauvais en tout point, et en parlant ainsi, nous ne sommes que l'échode l'opinion de tout le pays. Cette espèce de montre est contraire aux habitudes de la contrée etelle répugne essentiellement à nos cultivateurs. Aucun d'eux ne sesoucie, non seulement de soumettre ses chevaux à la critique du premiervenu et de tous ses concurrens intéressés à les blâmer, mais, ce quipis est, de compromettre ses produits dans leur santé, en les exposant,au sortir des écuries, au vent et à la pluie, dans une cour ou sur unegrande route. L'année dernière, un très beau cheval de timon, d'un prixélevé, est mort d'une fluxion de poitrine à la suite d'unrefroidissement causé par un stationnement prolongé sur une route où ilattendait le passage de M. de Strada. De ce mode d'inspection qui déplaît et répugne aux éleveurs, il résulteque M. l'Ecuyer du roi ne voit qu'une petite partie des ressourceschevalines du pays ; que son choix est borné dans la limite du nombrede chevaux que l'on veut bien lui amener, et que souvent les meilleurschevaux ne lui sont point connus. Et achetât-il tout ce qu'il y auraitde mieux dans ceux qui lui sont présentés, il n'acheterait pas lesmeilleurs possibles. D'une part donc sa remonte est moins bonne quellene pourrait être, et, d'un autre côté, les échantillons qu'il emmènesont loin de donner une véritable idée des richesses chevalines de laNormandie. Nous avons dernièrement visité une partie des écuries duroi, et, nous le disons avec autant de sincérité que de regret, nousavons vu dans les stalles, des chevaux normands que l'on aurait grand'peine à vendre dans nos foires. Avant de commencer ses achats,-que M. de Strada nous permette de luiparler avec franchise-il faudrait qu'il se décidât à visiter toutes lesécuries principales du pays : il n'y en a pas une qui ne lui fûtouverte avec empressement, même sans espoir de lui vendre des chevaux ,car notre Normandie voudrait être appréciée pour ce qu'elle vaut etpour ce qu'elle peut faire , et elle voit avec une peine qui n'est pasassez sentie par qui elle devrait l'être, que l'on aille acheter enAngleterre des produits que l'on pourrait trouver en France. Quand M.de Strada aurait tout vu ou du moins ce qui mériterait de l'être, quandil aurait relevé les prix et contrôlé le mérite des chevaux, l'un parl'autre, il ferait ses achats avec sûreté, en toute connaissance decause, et n'aurait pas à regretter à la fin d'une remonte les premiersachats opérés. Tout le monde aurait à se féliciter de ce mode d'opérations : M. deStrada d'abord, qui aurait fait pour sa propre satisfaction tout cequ'il lui aurait été possible de faire, et aurait obtenu de bonsrésultats ; ensuite les propriétaires des chevaux de mérite, quiauraient la certitude de lui vendre leurs produits, et enfin le pays engénéral, qui souvent déjà a protesté contre cette malheureuse tendanceà porter à l'étranger des sommes qui seraient siutiles chez nous pour soutenir et stimuler une industrie digne de toutintérêt, à laquelle il serait aussi juste, aussi sage qu'urgent dedonner des encouragemens. Cette année, nous aimons à le reconnaître, M. de Strada a visité unplus grand nombre d'écuries que dans ses tournées précédentes. Mais cen'est pas assez, et nous entendons dire et redire autour de nous que leseul moyen de bien opérer est de visiter toutes les écuries qui serecommandent à son examen, et qui peuvent lui être signalées par despersonnes de conscience et de confiance. Qu'il veuille ne s'enrapporter qu'à lui-même dans son inspection : ce sera pour lui un peuplus de soin, un peu plus de fatigue, quinze jours de plus à dépenser.Tant pis pour l'Angleterre ! ce tems ne sera pas perdu pour noséleveurs, le pays lui en sera reconnaissant et le service de la maisondu roi y trouvera son compte. Cela posé, voici dans quelles circonstances, fâcheuses pour notrecontrée, favorables au contraire à la mission que M. de Strada avait àremplir, s'est faite sa remonte de 1845. La guerre et le commerce,ainsi que nous l'avons dit, ayant pris pour leurs différens besoins latotalité ou la plus grande partie des chevaux qui eussent été achetéspar la liste civile, M. de Strada avait chance de réussir fort mal dansses opérations tardives, si l'administration des haras n'avait laissécette année, dans les écuries du pays, beaucoup de chevaux destinés àfaire des étalons. M. de Strada, malgré son désir intelligent de n'acheter que des chevauxcastrés de longtems (dût-il les payer plus cher), a été assez bieninspiré ou conseillé pour profiter de la circonstance, en complétant saremonte dans les chevaux laissés par les haras, et les éleveurs,embarrassés de produits qu'ils avaient espéré placer ailleurs et àd'autres conditions, ont abaissé leur prix assez pour que l'acheteur dela liste civile pût y atteindre. Aussi la remonte de 1845présentait-elle, à quelques chevaux près-les premiers achetés surtout-un ensemble satisfaisant et de beaucoup supérieur à celui des remontesprécédentes. Il nous coûte même d'avoir à constater que parmi leschevaux voués à la castration, il se trouvait au moins cinq à sixétalons de distinction, et que l'on s'accorde à considérer comme dignesd'entrer parmi les bons de la dernière remonte des haras. Il serait ausurplus facile à l'administration de comparer les uns et les autres. Ce résultat est regrettable, car le pays se trouve ainsi privé de typesdistingués de reproduction. Il est regrettable aussi que M. de Stradase soit vu dans la nécessité d'acheter des chevaux non castrés; etcependant cet inconvénient est moins grand que celui auquel il étaitexposé, de n'avoir à emmener que des chevaux médiocres ou au-dessous dumédiocre; moins grand surtout, grâce au système généralement suivi dansla maison du roi, où les chevaux sont soignés et dressés pendant un anou 18 mois, avant d'être attelés aux équipages. Avec de bons soins, eneffet, ce tems est suffisant pour que des chevaux de 3 ans et demi à 4ans soient bien remis de la castration et propres à faire un excellentservice. Ceci nous amène à une dernière observation qui n'est pas nouvelle, maisque nous devons reproduire en toute occasion, afin que chacun en fasseson profit. Depuis quelques années que l'administration des Haras a acheté dans laNormandie, pour le service des différens dépôts, un plus grand nombred'étalons, la production de cette espèce de chevaux a augmenté, en mêmetems que l'espèce s'est améliorée. Cette production a dépassé, sinonles besoins, du moins les ressources dont cette administration pouvaitdisposer, tout le monde voulant faire des étalons, et la plupart deséleveurs se faisant assez d'illusion pour voir un bon producteur dansun cheval propre tout au plus à faire pour le commerce un animal dedistinction. Delà un encombrement dans les écuries et des pertes déplorablesd'efforts et de sacrifices ; delà un mal qui ne pourra que grandir, siles éleveurs, mieux éclairés sur leurs véritables intérêts, ne font unretour en dehors de la voie où ils sont entrés. En supposant, en effet,que les chambres accordent aux Haras la somme nécessaire pour répondreaux voeux de tant de conseils généraux réclamant de nouvelles stations,et pour réformer tout ce qui est réformable dans les dépôts de cetteadministration , ses achats auront encore une limite, et si laproduction n'en a pas, les éleveurs auxquels leurs chevaux resteront nepourront s'en prendre qu'à eux-mêmes de leurs mécomptes et de leursembarras; car ils doivent comprendre que les Haras ne peuvent être leurseul acheteur, et que cette administration ne peut acheter toujours etindéfiniment. Sans doute il lui faudra plus de chevaux qu'elle n'enpossède et elle devra se les procurer : et pour cela le pays devra deson côté, afin que l'administration puisse exercer soir choix, éleverplus de chevaux qu'il n'en sera acheté. Mais encore une fois, il fautque la production ne soit pas indéfinie, car les mécomptes le seraientégalement. Ce qu'on peut raisonnablement demander aux Haras et ce qu'on doitconseiller aux éleveurs, c'est, aux premier, d'acheter de bons chevaux,mais rien que de bons chevaux, partout où ils seront et de quelque prixqu'il faille les payer, attendu qu'un bon étalon fait plus de bien dansun pays que dix médiocres ; le conseil à donner aux seconds , c'est dene conserver pour étalons que des chevaux vraîment convenables à cettedestination, et de castrer, sans balancer, pour les vendre au commerce,tous les chevaux d'un mérite ordinaire ou inférieur. Ce que nous venonsde dire sur les étalons remarquables que M. de Strada a achetés pourles livrer à la castration, et d'autre part la situation fâcheuse danslaquelle se trouvent un grand nombre d'éleveurs qui avaient compté surl'argent des Haras, nous autorise à insister vivement sur lesobservations qui précèdent. Que M. de Strada nous aide, en ce qui le concerne, à donner cettedirection à l'élevage ; qu'au lieu d'aller en Angleterre acheter àgrand prix des chevaux qu'il peut se procurer chez nous - et que laNormandie seule en France est à même de lui fournir - qu'il donneconfiance à nos éleveurs dans la continuation, dans la régularité deses achats : ils se mettront en mesure de le satisfaire. Ils castrerontde bonne heure et en destination des écuries du roi , des chevauxdesquels , faute d'un débouché assuré, ils tenteraient à grands et àvains frais, de faire des étalons. Que M. de Strada leur indique lemodèle, le type de chevaux qu'il faut pour les services spéciaux de lamaison du roi, et nous lui garantissons que l'intelligence deséleveurs, aidée des ressources naturelles du pays, ne lui fera pasdéfaut. Ainsi les chevaux de timon, les chevaux à la Daumont qui, pourla taille et les proportions, forment une espèce spéciale et la plusdifficile à trouver aujourd'hui, la Normandie les lui fabriquera, quandil voudra prendre l'engagement de les lui acheter à des prixconvenables. Elle possède pour cela des étalons et des jumens, et ellen'attend que les commandes régulières que l'Angleterre lui enlève, pourjeter au moule cette espèce de chevaux, En opérant exclusivement en Normandie les achats de chevaux que ce paysseul en France peut lui offrir, M. de Strada fera une oeuvre nationale,il encouragera une industrie en souffrance. Car il ne faut pas compterseulement les 40 ou 50 chevaux qu'il enlèvera chaque année. En mettanten relief et en honneur, par le bon service qu'ils feront dans lamaison du roi, les produits trop méconnus de la Normandie, il permettraaux riches consommateurs d'apprécier le mérite de nos chevaux; tout cequi entoure les princes, et de proche en proche les grandspropriétaires , voudront aussi se remonter en Normandie : les éleveursferont des efforts en ce sens , et le commerce reviendra visiter unpays qu'il a déserté par suite d'erreurs et de fautes que ces éleveursn'ont pas toutes à se reprocher , mais dont ils sont les victimes. Mais encore une fois, en finissant, nous engageons, nous prionsl'acheteur de la maison du roi de ne commencer sa remonte qu'aprèsavoir visité toutes les bonnes écuries du pays, et de tout voir parlui-même et rien que par lui-même; et pour être certain qu'aucun chevalde mérite n'échappera désormais à son inspection, qu'il proclame lesinite parvulos ad me venire, au lieu d'employer des agents dontl'intervention, toujours suspecte au pays, donne lieu à la critique desopérations même les mieux entendues. (1) Un de ces chevaux, demi sang, de l'espèce de chasse, est mort du tétanos quelques jours avant le départ du convoi. * * * Tome III. - 3e année. - 8e livraison. - février 1846.  | BŒUF GRAS de raceCOTENTINE, appartenant à M. Adeline, Maire de Blay, près Bayeux(Calvados). Cet animal, âgé de 5 ans, est né et a été élevé àSt-Ebremont-de-Bon-Fossé (Manche), chez M. Samson La Valesquerie,propriétaire, et vendu à M. Adeline, qui l'a engraissé dans sesherbages de Blay, près Bayeux. Il a été vendu dans l'état où le dessinle représente, aveccinq autres bœufs fort beaux, à M. Goupil,propriétaire à Pontfol. Plusieurs de ces animaux sont destinés àfigurer au concours de Poissy, le 8 avril prochain. Le bœufici dessiné à 1 mètre 60 cm. de hauteur, du garrot à terre, et 2 m. 70c. du front à l'extrémité de la croupes. La largeur d'une hanche àl'autre est de 80 cerntimètres. | ACHAT D'ÉTALONS. Depuis long-temps l'achat des étalons occasionne les plaintes les plusvives. Chaque année les réclamations des éleveurs redoublent deviolence. Cependant jamais à aucune autre époque cette industrien'avait été l'objet d'aussi grands sacrifices de la part del'administration, et depuis que celle-ci est aux mains qui la dirigenten ce moment, le nombre des achats a été doublé, la somme destinée àles payer, augmentée en proportion. Comment expliquer un résultat sidécourageant et si opposé à celui que l'on devait attendre ? Leséleveurs seraient-ils, comme quelques personnes le prétendent, des gensdéraisonnables, jamais contents, demandant toujours d'autant plus qu'onleur accorde davantage ; convaincus eux-mêmes de l'injustice de leursplaintes, mais persuadés en même temps qu'ils arracheront par leurimportunité, ce que leur bon droit ne saurait obtenir ?L'administration, au contraire, comme d'autres le disent, cédant àd'injustes préventions et à une partialité inexcusable, voudrait-ellesacrifier à quelques individus l'industrie qu'elle a mission deprotéger ? — Ces deux suppositions sont également insoutenables. Que les éleveurs désirent vendre le plus de chevaux possible, la choseest naturelle, et personne ne peut s'en étonner. Mais qu'ils ignorentle mécanisme de nos institutions ; qu'ils pensent qu'une administrationpuisse employer au-delà des fonds qui lui sont alloués ; qu'ils fassentun crime à cette administration d'acheter un bon cheval chez leurvoisin, et de leur en refuser un mauvais : voilà de ces inventions quine méritent pas même qu'on les discute ; il suffit de les exposer pouren faire justice. D'un autre côté, qu'une administration dirigée pardes hommes d'un esprit supérieur, — leurs ennemis même en conviennent,—cherche à écraser l'industrie qu'elle doit soutenir et développer ;qu'obéissant à des motifs inimaginables, elle ose à la face d'un paysse rendre coupable de la plus révoltante partialité, pour se suiciderainsi de gaîté de cœur : voilà ce que nul homme que n'aveugle point lapassion, ne pourra croire, et que nous ne prendrons pas une peineinutile à réfuter. A quoi donc attribuer ces plaintes et ces accusations réciproques ?Nous l'avons déjà dit, nous allons le dire encore, et nous ne cesseronsde le répéter jusqu'à ce qu'on nous ait entendu. Tout le mal vient dela manière dont on procède aux achats. Ce que nous avons à dire à cetégard nous semble une chose importante et que nous attachons grand prixà voir bien comprise du lecteur, dont nous solliciterons l'indulgencepour les négligences de style et les répétitions qui pourront nouséchapper dans notre désir de tout sacrifier à la clarté. Nous commencerons par exposer comment se font les achats ; nousexpliquerons ensuite en quoi cette méthode prête à des erreurs, parsuite à des mécontentements, et, qui pis est, à des suppositionsmalveillantes dont il est à peu près impossible d'apprécier le mérite.Nous dirons par quels moyens il nous semble possible d'échapper à cesinconvénients, et si nous parvenons à nous faire comprendre, nouscroirons avoir rendu service, — aux éleveurs en mettant un terme, sinonà toutes, du moins à la plus grande partie des erreurs dont ils sont ouse croient les victimes, — à l'administration, en rendant désormaisimpossibles des accusations souvent injustes, quant au fonds ettoujours, quant aux motifs qu'on lui attribue, — au pays en général, enrétablissant entre l'administration et l'industrie cet accord et cetteconfiance qui devraient toujours exister entre elles, et dont elles ontun égal besoin pour travailler de concert à l'amélioration chevaline,cette branche si importante de la prospérité nationale. Nous ne pensons pas qu'il existe au monde de matière plus difficile àconnaître que le cheval. Il n'en est pas sur laquelle même les plushabiles tombent plus fréquemment dans des erreurs inexplicables ; iln'en est pas sur laquelle les opinions soient plus divergentes ; iln'en est pas qui soit susceptible d'autant de variations ; il n'en estpas où il soit aussi difficile de discerner la bonne et la mauvaise foi; il n'en est pas enfin qui, dans les transactions, ait donné lieu àplus de plaintes plus ou moins fondées, à plus de défiances plus oumoins excusables. De là il est facile de conclure combien est délicat, et de quellesprécautions méticuleuses devrait être entouré le choix des étalons del'Etat, eux dont les qualités ou les défauts importent d'une tellesorte au pays tout entier ; eux dont le prix élevé prête plus aisémentqu'aucun autre aux suppositions de la malveillance ou de la prévention. Comment procède-t-on à cette opération difficile ? L'époque venue, un agent de l'administration se transporte chez unéleveur quelconque. On lui sort successivement au bout de la longe tousles chevaux que renferme l'écurie. Abondamment nourris, enfermés depuisdes semaines, ces animaux, excités de toutes les manières, font tousune montre également brillante. Par une étrange bizarrerie de lanature, ce sont même presque toujours les plus médiocres qui sont lesplus forts à ce jeu. Ebloui par cette lanterne magique dontl'exhibition dure plus ou moins longtems, l'acheteur rejette, achète ets'en va, pour recommencer chez un autre. Ce qu'il a fait, nous nesavons s'il en est bien sûr, mais nous gagerions volontiers que si onlui représentait les mêmes chevaux sans le prévenir, il n'enreconnaîtrait pas la moitié. Nous prions le lecteur de bien entendreque ce que nous disons là, ne s'applique pas en particulier plus à unindividu qu'à un autre, mais bien à toute personne, sans nous excepter,qui se trouverait obligée de procéder de la sorte. Avec toutes les précautions imaginables, l'erreur est parfoisinévitable ; en opérant ainsi, c'est bien pis encore, Le public, qui nese rend pas compte des difficultés, ne se préoccupe que du résultat, etcrie à l'ignorance. Mais si, parmi les éleveurs, il s'en trouve quelques uns qui, par plusd'habileté, plus de hardiesse, plus de capitaux disponibles, ou partoute autre cause, trouvent moyen de faire en sorte que la majorité deschoix tombe sur leurs écuries, aux yeux des autres l'erreur devientplus que de l'ignorance, c'est la partialité. Or, une des choses que pardonnent le moins les hommes, c'est l'injustice volontaire. De là ces récriminations, ces plaintes qui se renouvellent chaque année, à l'époque des achats. Mais qu'on se le persuade bien, tant que le mode d'achat ne sera paschangé, ce ne seront ni de plus nombreux achats, ni l'emploi de sommesplus considérables qui les feront cesser. La cause de l'irritation estdans la partialité supposée, nullement dans le plus ou moinsd'importance de la somme dépensée : aucun d'eux n'est assez sot pourfaire un crime à l'administration de ne pas employer aux achats plusqu'il ne lui est alloué à cet effet par les chambres. Que cette sommesoit insuffisante, ils en sont convaincus, et avec raison ; mais que cesoit la faute de l'administration si elle n'est pas plus considérable,ils savent bien le contraire. Ici cependant nous signalerons ce quinous semble un tort de la part de cette dernière, ou du moins dequelques-uns de ses agents. On a cru plus d'une fois d'une bonnediplomatie de ne pas annoncer de prime abord le montant exact de lasomme dont on pouvait disposer ; on a tenu en réserve quelque argentmignon comme une surprise agréable ménagée aux éleveurs. L'intentionétait bonne sans doute, mais la faute n'en était pas moins sérieuse.Dans une semblable occurrence, il est d'une haute importance de jouercartes sur table, et de bannir toute espèce de réticence. Qu'onaccoutume les éleveurs à croire à la sincérité de la déclaration quileur aura été faite, et à ne jamais voir augmenter d'une obole la sommequi leur aura été annoncée ; sitôt qu'elle aura été toute employée, ilsn'y penseront plus. Qu'on les habitue, au contraire, à en voir surgiraprès coup une seconde dont il n'avait pas été question, il n'y a pasde raison alors pour qu'ils ne croient pas à une mine inépuisable, etn'accablent pas de leurs importunités, pour y puiser, uneadministration dont les affirmations ayant une fois été reconnuesinexactes, aura perdu le droit qu'on la croie sur sa parole. Nous venons d'exposer comment les achats, tels qu'ils se pratiquent,donnent lieu à des plaintes quelquefois fondées, plus souvent encore àdes suppositions injustes. Les agents de l'administration possèdent-ilsdu moins quelques moyens de se justifier et d'éclairer l'opinion ?Qu'on en juge. Ils ont opéré seuls, entourés d'une sorte de mystère,personne n'a été à même d'apprécier le mérite de leur manière d'agir ;les chevaux achetés par eux vont, à une époque plus ou moins éloignée,se livrer dans un lieu écarté où il ne se trouve personne que lesaccusateurs et les accusés. Vingt voix s'élèvent contre eux, pas une neprend leur défense : et cependant quelquefois le bon droit est de leurcôté. Inutile de répéter ici ce que l'on a tant de fois dit au sujet dela médisance et de la calomnie. L'esprit humain est ainsi fait, qu'ilcroit toujours plus volontiers le mal que le bien, surtout quand ils'agit d'hommes en place. Il est donc facile de comprendre quel échotrouvent dans le pays des accusations dont personne n'est à même dejuger le fondement ou de démontrer l'injustice. A nos yeux, une telleposition n'est pas tenable, et nous plaignons sincèrement ceux qui s'ytrouvent. Pour obvier aux divers inconvénients que nous venons de signaler, nous avions demandé, et nous demandons de nouveau : Que les agents de l'administration séjournent plus long-temps dans lepays ; — qu'ils prennent une connaissance plus approfondie des écuriesdes éleveurs ; — que long-temps avant l'époque des achats ils sefassent présenter et qu'ils examinent sérieusement les jeunes chevaux ;— qu'ils éliminent dès-lors tous ceux qui leur semblent indignes d'êtrelivrés à la production ; — que les achats soient confiés à unecommission composée d'un inspecteur-général, de l'agent spécial et dudirecteur de haras ou dépôt dans la circonscription duquel ils ont lieu; — que les chevaux ne puissent être achetés avant d'avoir étépréalablement soumis à des épreuves sinon d'hippodrome, du moinssuffisantes pour s'assurer de leurs qualités ; — qu'enfin, loin deparaître agir dans l'ombre, et rechercher les lieux écartés, l'on donneau contraire aux réceptions une sorte d'apparat , et que l'on choisisseà cet effet les localités qui, par leur position, donneront le plus dechances d'y voir assister un public nombreux. Quelques objections ont été faites à nos demandes. La plus sérieuseétait relative à la composition des commissions. On a dit que lesinspecteurs généraux devant contrôler les achats ne devaient pas yparticiper ; que les directeurs de haras ou dépôts pourraient êtresuspectés de partialité en faveur des produits de certains chevaux audétriment des autres. Ces objections, nous devons le dire, ne nous ontque faiblement ébranlé. Nous ne discuterons même pas la dernière, qui,si elle était fondée, s'appliquerait au mode actuel, avec encore plusde force qu'à celui que nous demandons. Quant au contrôle desinspecteurs généraux, sur les achats, nous répondrons d'abord que,faits par une commission telle que nous venons de l'indiquer, cecontrôle deviendrait à peu près sans importance, surtout que lapublicité donnée aux réceptions, où l'opinion serait appelée à enexercer un bien autrement puissent. Ensuite dans l'état actuel deschoses, à quoi peut conduire ce contrôle ? Comment ces inspecteurspeuvent-ils juger du mérite des achats sans point de comparaison ? Onleur affirme qu'on a choisi ce qu'il y avait de mieux, commentpeuvent-ils s'assurer du contraire ? Leur contrôle dans un cas devientdonc illusoire ; dans l'autre il serait inutile. Nous le répétons, nous ne voyons aucun motif qui s'oppose àl'adoption du mode par nous proposé, et nous persistons à croire que detoutes les opérations de l'administration des haras la plus importante,sa vie, son essence, c'est le choix et l'achat des étalons ; qu'enconséquence, ce choix et cet achat ne sauraient être entourés de tropde précautions, ni confiés à des hommes trop haut placés. Cependant,comme personne moins que nous ne se croit infaillible, nous nous sommesdemandé, en supposant le système des commissions inexécutable (ce qui,nous le répétons, ne nous semble rien moins que démontré), ce que l'onpourrait mettre à leur place. Voici ce que nous proposerions : Nous supposons toujours, ce qui nous semble indispensable etinobjectionable, si l'on veut nous passer ce petit accès de néologisme,que l'agent a résidé une partie de l'année dans le pays, qu'il a prisune connaissance approfondie des chevaux qu'il renferme, qu'il aéliminé les plus médiocres, et qu'il a réduits à deux cents, parexemple, le nombre de ceux parmi lesquels il devra en choisir soixanteou quatre-vingt. Le moment des achats est arrivé. Pour y procéder d'unemanière satisfaisante, il lui faut - échapper aux erreurs dont ne sontpas exempts les plus habiles, — bien réellement acheter les meilleurschevaux, et les payer en proportion de leur mérite, — convaincre leséleveurs et le pays en général de la pureté de ses intentions et de sonimpartialité. Le moyen d'échapper aux erreurs, c'est de s'éclairer des lumières deceux qui en possèdent. Qu'il les appelle donc à lui ; que parl'entremise des sociétés d'agriculture, par exemple, il se fassedésigner deux ou trois personnes entourées de la confiance publique,qu'il s'en forme un conseil dont il prendra les avis, en se réservantd'ailleurs toute liberté d'agir d'après sa conviction. Pour être certain d'acheter les meilleurs chevaux et de les payer enproportion de leur mérite, il faut les pouvoir comparer, et la chose nese peut faire avec quelque chance de succès, qu'en les mettant enprésence. Il ne devrait donc jamais procéder aux achats définitifs etaux classements chez les éleveurs ; m'ais après avoir désigné chezchacun d'eux les chevaux qui lui auraient paru les plus convenables, illes devrait réunir tous dans un lieu où il lui fût possible d'apprécierleur mérite relatif. Quant à convaincre les éleveurs de son impartialité et de la bonté deses choix, l'adjonction-du conseil ci-dessus, la publicité desopérations en seraient de sûrs garants, et le dégageraient sous cerapport de toute espèce de responsabilité. Des erreurs, sans doute, neseraient pas encore matériellement impossibles, mais elles seraient peunombreuses, et bien évidemment involontaires, conséquemment sansimportance ; car, nous le répétons, la seule chose que l'homme n'excusepas, c'est la partialité, c'est l'injustice commise avec intention. Dira-t-on que l'on ne trouverait pas d'hommes de quelque valeur quiconsentissent ainsi à jouer un rôle secondaire, et à donner desconseils qui pourraient ne pas être suivis ? Ce serait une erreur, etc'est ce qui se pratique journellement, au contraire, sur tous lespoints du territoire, où nous voyons les représentants de l'industrie,du commerce, de l'agriculture, de la propriété, appelés à formuler leuravis sur les points qui leur sont soumis par l'autorité, qui n'en restepas moins libre d'agir comme elle le croit le plus avantageux pour lebien du pays. Aussi ne doutons-nous pas que, dans le cas dont ils'agit, il ne serait aucune des personnes désignées qui ne s'estimâtheureuse et honorée de remplir de semblables fonctions. Ainsi donc, suivant nous, un acheteur des haras devrait séjourner dansle pays pendant une notable partie de l'année ; prendre connaissancedes écuries des éleveurs, non pas en entrant par une porte et sortantimmédiatement par une autre, mais en examinant chaque cheval avecattention, en le faisant sortir de temps à autre ; en le voyant monter; enfin en usant de tous les moyens en son pouvoir, pour arriver à leconnaître à fonds. Il devrait, dans l'intérêt de tous, employer soninfluence pour faire castrer tout animal chez lequel il reconnaîtraitune inaptitude évidente à devenir étalon. En suivant cette marche, ilne tarderait pas à connaître, de manière à ne point s'y méprendre, cequi devrait être acheté, ce qui devrait être rejeté. Cependant, parsurcroît de précaution, et plus encore pour mettre à jour sa manièred'opérer, et s'épargner jusqu'à l'ombre du soupçon, il prendrait, lorsdes achats définitifs, l'avis d'une commission composée des hommes quilui auraient été désignés par l'opinion générale, comme les plushabiles. Ces achats définitifs seraient faits en présence de toutes lesparties intéressées, et de quiconque voudrait en être témoin. En procédant ainsi, plus de soupçons, plus de plaintes, libertéd'action complète. Que tous les chevaux soient pris dans la même mainou dans cinquante, peu importe ; tout se passe au grand jour ; lesmeilleurs sont choisis, tant mieux pour qui a su se les procurer !Vainement quelque voix isolée qu'excite un intérêt déçu veut-elle sefaire entendre, la voix publique s'élève aussitôt pour lui imposersilence. Nous soumettons nos idées à l'administration avec d'autant plus deconfiance que ses bonnes intentions nous sont connues, ainsi que sondésir de faire droit à toutes les demandes raisonnables. Mieux placéqu'elle pour juger certaines choses, nous lui pouvons affirmer qu'iln'est rien de ce que nous réclamons qui ne soit d'exécution facile, etqui ne fût accueilli avec des transports de joie par tous les éleveurs,sans en excepter ceux-là même pour qui on lui suppose le plus departialité. Qu'elle se garde surtout de croire trouver remède au mal dans un simplechangement d'individus. Ce ne serait là qu'un palliatif impuissant. Lesystème lui-même doit être changé ; il en est temps ; il le faut. Sansdoute, dans plus d'une occurrence, les plaintes ont pu revêtir uncaractère personnel ; mais supposer que quiconque procédera comme onl'a fait jusqu'à ce jour ne sera pas exposé aux mêmes fautes et auxmêmes reproches, serait une erreur dangereuse. L'intérêt du pays, celuide l'administration, sa considération même exigent qu'un semblable étalde choses ait un terme, et nous aimons à croire que ce terme n'est paséloigné. F. PERSON. CONGRÈS CENTRAL D'AGRICULTURE. QUESTION CHEVALINE. § 3. — AMÉLIORATION (Suite). La conformation la plus favorable à l'extrême vitesse est en désaccordavec celle du cheval de service. Prendre le coureur pour typeaméliorateur de ce dernier, est donc, comme nous venons de le voir,agir contre les premiers rudimens de la logique. A cela on répond quele pur sang est indispensable à l'amélioration, et qu'il faut leprendre n'importe sous quelle forme il se présente. D'accord ! Si cetteforme est la seule qu'il lui soit possible de revêtir, mieux vautencore le prendre ainsi que de s'en passer. C'est notre opinion. Maissi nous supposons pour un moment que, mettant de côté les prévisions dela course, l'éleveur du cheval de pur sang ne se préoccupe que desbesoins de la production, quelle marche pense-t-on qu'il suivra ? Cellede tout homme qui veut obtenir un résultat ; celle qu'indique le senscommun. Pour obtenir un coureur, il aurait accouplé l'étalon et lapoulinière les plus vites ; pour obtenir un producteur de chevaux deservice, il accouplera le mâle et la femelle dont les qualités et laconformation seront le plus en harmonie avec celles du cheval deservice. En suivant, celle méthode pendant quelques générations, ilarrivera nécessairement avec l'aide d'un climat, d'un sol et d'unenourriture convenables, à se procurer un cheval d'une taille et d'uneconformation analogues à celles que réclament nos besoins : et comme cecheval possédera en même temps la pureté de sang, le problème serarésolu. Alors plus de tâtonnemens, plus d'accouplemens hétérogènes,plus de mécomptes. Chaque genre de service aura ses producteurs de pursang nettement caractérisés, et l'éleveur qui les emploiera, sera sûr àl'avance de ce qu'il en pourra attendre. Pour base de cette race, devrons-nous prendre le sang arabe ou le pursang européen ? Nous l'avons déjà dit, nous aurions plus de confianceau sang arabe. Comme pureté, il est plus près de la souche. Commeconformation il se rapproche également davantage de celle que nousdevons rechercher. Celle dernière assertion fera sourire plus d'unincrédule ; elle est cependant d'une exacte vérité. La symétrie desproportions, l'accord de toutes les parties chez lui sont tels, quepour réaliser à nos yeux le beau idéal de nos différents services, ilnous suffit de faire usage en le regardant, de verres plus ou moinsgrossissants. Il sera suivant le degré cheval de selle, cheval deguerre, cheval d'attelage. Qu'on emploie le même moyen à l'égard ducheval de course, sous quelque volume qu'il apparaisse, il nereprésentera jamais qu'un coureur. Cette admirable symétrie, nous dira-t-on peut-être, n'empêche pas lecheval arabe d'être une espèce de miniature, et combien de générationsne faudra-t-il pas, pour l'amener au volume requis ! — Combien degénérations ? Trois ou quatre ; cinq tout au plus. C'est une chosepresqu'incroyable que la rapidité avec laquelle la race arabetransportée dans nos climats, voit se développer ses formes et sataille. Phénomène cependant d'explication facile pour qui ne perd pasde vue la nature du sol de l'Arabie, sa température, le genre denourriture et de traitemens auxquels le cheval arabe est soumis dès sanaissance. Quelques brins d'herbe desséchée par un soleil dévorant, peuou point d'eau, à de rares intervalles une poignée d'orge, telles sontles influences sous lesquelles se développe la croissance du jeuneanimal : qu'il devienne sobre, agile, vigoureux, la chose se conçoit ;mais il est également clair qu'avec un pareil régime, il lui estimpossible de jamais acquérir des dimensions bien considérables,surtout si l'on prend en considération les mauvais traitemens auxquelsil est en butte dès l'âge le plus tendre. Car il faut le dire, quelquepénible qu'il soit de détruire de touchantes illusions ; l'amour del'Arabe pour son coursier, les caresses qu'il lui prodigue, le logementqu'il partage avec lui, les pleurs qu'il répand quand il le voit mourir, tout cela sans doute figure d'une admirable façon dans les ballades ;malheureusement c'est une de ces mille niaiseries dont il est temps quejustice se fasse. Humbug est un mot qui nous manque ; c'est dommage. L'Arabe aime son coursier. Oui sans doute ; c'est un objet d'uneimmense utilité pour son service. — Il le loge dans sa tente. La raisonen est simple, il n'a pas d'écurie où le mettre ; et il craint en lelaissant dehors, qu'il ne se sauve, ou qu'on ne le lui vole, ou qu'ilne soit mangé par les bêtes. — Il le regrette vivement quand ilmeurt. C'est encore assez naturel ; il forme une partie essentielle deson mobilier, et il est facile de comprendre qu'il n'ait guère envie derire en perdant un animal qui pouvait lui représenter une valeur deplusieurs milliers de francs : il n'est pas besoin d'être arabe pourcela , et c'est un genre de sensibilité qu'on pourrait trouver sansaller aussi loin. Quant à cette tendresse de cœur, à cet amourplatonique dont on nous a bercés, c'est une autre affaire. Nous venonsde voir comme il est nourri ; voici comme il est traité. Monté dèsl'âge de dix-huit mois à deux ans, de ce moment la selle ne lui quitteplus, pour ainsi dire, le dos. Les flancs déchirés par des étrierstranchans comme des lames de couteau, la bouche fendue par un mors dontles branches sont longues comme le bras, la pauvre bête parcourtjournellement sous son maître, des distances fabuleuses. Celui-cireste-t-il au camp, par hasard ; qu'on n'aille pas croire que le chevalse repose : malheur à lui au contraire. Ce jour-là, c'est jour de fantasia.De toute la horde, c'est à qui fera le plus d'extravagances. Lancés àfond de train, ils vont, ils viennent, ils tournent, ils retournent, etsemblent surtout se disputer à qui mettra le plus de brutalité dansl'emploi de la bride et des aides. Jamais de transition, jamais dedemi-temps ; veulent-ils arrêter, c'est à ce moment qu'ils appliquentle plus durement les éperons, et qu'au milieu du nouvel élan del'animal, ils le clouent sur place par une saccade abominable qui lejette sur les jarrets, et souvent l'estropie, si même elle ne lui romptles reins. Qu'on le suppose élevé dans nos gras pâturages, recevant une nourritureabondante, soigné, ménagé jusqu'à l'époque de son completaccroissement, il est facile de comprendre quel développement de formesil doit acquérir en peu de générations. Il y perd, la chose estinfaillible, de son agilité, de sa sobriété, de son aptitude àsupporter d'extrêmes fatigues ; mais nous n'avons ni voyageurs àdévaliser, ni déserts à traverser, ni fantasia à exécuter. Cependant si nous donnons la préférence au producteur arabe, ce neserait point à nos yeux un motif pour repousser surtout dans lescommencements, celui de pur sang européen. En le choisissant d'uneconformation satisfaisante, et en cessant de mesurer le mérite sur lavitesse, on ne tarderait pas à en obtenir des produits convenables.Mais il n'en faudrait pas moins former quelques familles de sangpurement arabe ; et nous sommes convaincus qu'elles ne tarderaient pasà donner des producteurs de beaucoup supérieurs à tous les autres. Nous ne nous dissimulons pas que plus d'une objection peut être faite ànotre système. Comme la recherche de la vérité est notre unique but,nous allons les présenter sans rien atténuer de leur force ni de leurimportance. Vous voulez, dira-t-on, prendre pour type le cheval arabe. Et lesAnglais qui l'avaient fait avant vous, trouvent la race qu'ils ontcréée tellement supérieure à lui, qu'aujourd'hui ils repoussent sanspitié toute coopération de sa part ! A cela nous répondons qu'à leurpoint de vue les Anglais ont raison ; mais que ce n'est pas un motifpour nous de les imiter. En effet, le cheval arabe étantincontestablement moins vite que le coureur anglais, pour qui rechercheavant tout l'extrême vitesse, c'est un défaut : mais comme ce défautest le résultat de l'ensemble, pour qui recherche avant tout la bonneconformation et l'accord de toutes les parties, il devient une qualité. Si nous demandons la vitesse chez le producteur, nous répondra-t-on,c'est moins pour elle-même qu'en raison des causes auxquelles elle estdue. Pour que le cheval soit le plus vite, il faut que ses organesessentiels aient acquis tant intérieurement qu'extérieurement le plushaut degré de perfection ; et c'est là ce dont il est indispensable des'assurer. Or, les courses chez les peuples civilisés, remplacent cesépreuves pénibles dont vous parliez à l'instant chez les Arabes ; ellesservent à classer le mérite relatif des individus ; elles débarrassentdes mauvais, et développent chez les bons, par suite des exercicesauxquels elles les obligent, leurs qualités innées. Sans nul doute l'emploi de la régénération des races doit être confiéaux individus les plus près de la perfection. C'est un principe quenous enseigne la nature elle-même ; et nous voyons les animaux les plusinoffensifs, quand vient la saison des amours, se livrer des combatsacharnés dont le résultat est de réserver la propagation de l'espèce àceux qui sont le plus vigoureusement constitués. Il y a donc nécessitéabsolue de nous assurer si les chevaux que nous destinons à laproduction, possèdent toutes les qualités que réclament nos services.Jusque-là nous sommes parfaitement d'accord avec nos adversaires. Maisvoici où nous différons. Ces qualités, dont nous avons besoin, sont deplusieurs espèces : légèreté, vitesse, action ; sensibilité,tempérament, vigueur, fonds ; force, carrure, volume, taille, ensemblesurtout. Cet exposé seul répond à l'objection. Si l'extrême vitesse estune garantie de quelques-unes de ces qualités, elle est évidemmentincompatible avec plusieurs autres, et ce sont précisément celles dontil nous est le moins possible de nous passer. Il nous est doncnécessaire de recourir à d'autres moyens d'apprécier le mérite de nosétalons, et ce que nous avons à constater, ce sont la qualité de leursallures bien plus que leur rapidité ; la solidité, le fonds, larégularité bien plus que la vitesse. Il ne sera point possible, nous objectera-t-on encore, d'appréciertoutes ces choses dans une course. Qui vous dit le contraire ? lescourses ! C'est un chapitre que nous n'aborderons pas ici ; il nousmènerait trop loin. Mais il est d'autres moyens plus rationnels et plussûrs de nous assurer de ce que nous voulons savoir. Tout étalon devraêtre livré au genre d'exercice auquel sont destinés ses produits, etsubir de cette manière toutes les épreuves désirables. Quoique l'onpuisse dire, nous aurions plus de confiance dans un producteur dechevaux d'attelage qui ferait douze lieues en trois heures, par exemplesur un tilbury, et recommencerait huit jours de suite, que dans celuiqui aurait parcouru un hippodrome en deux minutes et quelques secondes: et de même proportionnellement pour les autres services. Mais, dira-t-on encore, sans contester l'utilité de semblablesépreuves, quel est l'homme qui voudra élever des chevaux pour les ysoumettre, du moment qu'il n'y sera pas excité par l'appât de prix decourses, et l'entraînement de l'amour-propre ? Répondrons-nous sérieusement à une semblable objection ? A qui est-ilnécessaire de dire que ce système à peine adopté, le nombre deséleveurs de chevaux de pur sang serait immédiatement décuplé ; et quele seul obstacle qui s'y oppose dès aujourd'hui, est précisément lanécessité de les faire paraître sur un hippodrome, et de passer par lesmains des entraîneurs et des jockeys ? D'ailleurs, c'est dans une telle occurrence surtout qu'uneadministration des haras peut rendre d'immenses services. N'ayant às'inquiéter ni des frais ni de la dépense, sans autre préoccupation quede procurer au pays des types de reproduction convenables, ellemarcherait d'un pas ferme et sûr vers un but qu'elle ne saurait manquerd'atteindre en peu de temps. Pour résumer en peu de mots ce paragraphe beaucoup plus long que nous l'aurions voulu, disons : Que la population chevaline se divise en deux grandes familles ; leschevaux de trait dont le type est le cheval percheron ; les chevaux deluxe, dont le type est le cheval arabe, grandi et grossi parl'influence des accouplemens, du climat et de l'alimentation : Que l'amélioration des premiers ne réclame rien autre chose que lechoix parmi eux, et l'accouplement des individus les plus parfaits : Que l'amélioration des seconds exige le secours d'une race de pur sang, dont les individus soient appropriés aux différentes branches deservice de luxe et de l'armée : Que celte race de pur sang est encore à créer, et ne doit pas être confondue avec le cheval de course. F. PERSON. (La suite au prochain numéro). * * * Tome III. - 3e année. - 9e livraison. - mars 1846. CONGRÈS CENTRAL D'AGRICULTURE. QUESTION CHEVALINE. (Suite et fin.) § 4. — ENCOURAGEMENS Il n'existe à proprement parler, qu'un encouragement digne de ce nom,c'est un débouché avantageux et régulier. Cependant il en est d'autresqui, sans être à beaucoup près de la même importance, peuventcontribuer subsidiairement à l'accomplissement de l'œuvre. Telles sontles primes accordées aux producteurs des deux sexes, doués de lameilleure conformation, et les prix de course ou primes aux mêmesproducteurs doués des qualités les plus remarquables. Pour êtreréellement utiles, il faut que ces deux espèces d'encouragementsmarchent de front ; et quiconque voudra par elles exercer une influencesalutaire, ne devra jamais décerner de primes qui ne soientaccompagnées d'épreuves, de prix de course qui puissent être disputéspar d'autres que des animaux d'une conformation satisfaisante. Inutiled'ajouter que par courses, nous entendons quelque chose d'un peudifférent de ce qui se pratique aujourd'hui, et que pour nous ce motsignifie un système d'épreuves au trot ou au galop, en rapport avec laspécialité des concurrents. Au demeurant, nous le répétons, ce sont là des encouragementssecondaires ; nous pourrons nous en occuper, mais plus tard. Pour lemoment, ce qui doit absorber notre attention, ce qui forme la pierreangulaire de l'édifice, c'est le débouché. Existe-t-il ? s'il existe,quels sont les moyens de le rendre avantageux et assuré ? C'est ce quinous reste à examiner. § 5. - VOIES ET MOYENS. Le débouché existe : c'est un fait avéré. Nous avons évalué à trentemille chevaux la consommation annuelle du luxe et de l'armée. Que lafourniture en soit assurée à la production indigène à des conditionsavantageuses et elle ne tardera pas à atteindre ce chiffre quiest suffisant pour faire face aux éventualités. Pourquoi ce débouché nelui présente-t-il en ce moment ni la sécurité, ni le profit convenables? C'est qu'elle rencontre sur les marchés la concurrence de laproduction étrangère qui, par des causes inutiles à détailler ici, setrouve dans des circonstances plus favorables, et par suite lui enlèvela fourniture du luxe, c'est à dire des trois quarts de la consommation; et qu'enfin le surplus ne lui est pas suffisamment payé. Comment obvier à ces inconvénients ? — Le gouvernement seul le peut. Ilpeut exercer sur le débouché deux sortes d'influences : l'une directe,en achetant pour son propre compte ; l'autre, indirecte, en frappant laproduction étrangère d'un droit assez élevé pour forcer lesconsommateurs à s'approvisionner a l'intérieur. Exerce-t-il cette double influence d'une manière rationnelle et efficace ? Nous ne le pensons pas. Son intervention directe consiste à acheter par l'entremise des dépôtsde remonte, les chevaux dont il a besoin pour la remonte de l'armée, àdes prix fixés par lui, et de beaucoup au-dessous en général de cequ'ils devraient être pour devenir un encouragement. Son intervention indirecte se traduit en un droit de vingt cinq francs par tête d'animal importé ! Nul plus que nous ne rend hommage à la manière intelligente, éclairée,bienveillante, paternelle dont les dépôts de remonte sont dirigés, sinous en jugeons du moins par celui que nous avons sous les yeux. Nousn'en saurions pas moins nous dissimuler qu'il existe à ce mode d'opérerdes inconvénients que rien ne peut compenser. Ils ont été signalés àtant de reprises, que nous croyons inutile d'en rappeler la longuenomenclature, et nous ne nous occuperons que d'un seul, l'un des plusgraves, il est vrai : nous voulons dire l'éloignement du commerce. Or,le commerce éloigné, la remonte devient le seul débouché de laproduction, et comme celte dernière tend toujours à prendre le niveaude la consommation, et que d'un autre côté l'armée n'éprouve pastoujours les mêmes besoins, il en résulte nécessairement uneperturbation et des tiraillemens continuels ; tantôt impossibilité desatisfaire de pressantes exigences, tantôt encombrement ruineux. Qued'une part l'armée vienne à subir des réductions, ou fasse moins depertes, la production se trouve aussitôt sans débouché ; que d'autrepart, ce qui est bien autrement sérieux, l'éventualité d'une guerrenécessite dans un bref délai, de doubler, de tripler l'effectif, lepays ne présente aucune ressource. On propose, il est vrai, de faireacheter annuellement par l'armée , besoin ou non, la même quantité dechevaux ; ce serait une amélioration, sans doute, mais sans parler dela dépense qu'elle occasionnerait, il est évident qu'elle ne pourraitjamais s'appliquer qu'au pied de paix et opérer sur quelques centaines,quelque milliers de chevaux tout au plus ; tandis que pour subvenir auxnécessités d'une guerre, c'est par dixaines, par centaine de millequ'il faut procéder. Où les prendre ? Le commerce seul, en leur offrantun débouché régulier peut engager à les produire. Mais pour cela il luifaut ses coudées franches. Si dans l'intérêt général, on lui interditles achats à l'extérieur, il faut du moins qu'à l'intérieur le marchésoit libre pour lui, et qu'il n'y rencontre pas sur tous les points uneconcurrence contre laquelle il n'est pas pour lui de lutte possible. Ainsi donc dans l'intérêt même de l'armée, et pour lui assurer le moyende trouver dans le pays, à toutes les époques, à satisfaire ses besoinsen dehors des prévisions ordinaires, ce n'est pas assez qu'elle s'yrecrute d'une manière constante et régulière ; il faut encore que lecommerce puisse à côté d'elle offrir aux producteurs un débouché assuréd'une quantité double et même triple de ce qu'elle consomme ; quantitéqui dans des cas imprévus, deviendrait pour elle une ressourceprécieuse. Mais pour que le commerce puisse prendre un pareil essor, ilfaut la délivrer de toutes entraves ; il faut qu'acheteurs et vendeursse remontent sur le marché dans une position identique, et dans desconditions de liberté et d'égalité absolue. C'est ce qui ne peut êtreavec l'organisation actuelle de dépôts de remonte : et l'on ne rendrala vie au commerce qu'en le débarrassant du monopole actuel, et enréduisant l'armée au niveau des autres consommateurs. En conséquence, suppression des dépôts de remonte ; achat des chevauxde troupe par les corps, à des prix suffisamment rémunérateurs ; achatdes chevaux des officiers par ceux-ci moyennant contrôle : telle seraitdans notre opinion, le mode d'action directe, le plus avantageux de lapart du gouvernement. Il est bien entendu que nous ne parlons ici que dans la suppositiond'obstacles sérieux apportés à l'introduction étrangère ; car tant queles choses resteront sur le pied actuel, les dépôts de remonte, malgréleurs inconvéniens, sont pour quelque temps du moins notre ancre demiséricorde, et le dernier débouché certain qui reste à la productionindigène. Quant aux obstacles à l'importation étrangère, ils nous semblent lachose du monde la plus simple, et consisteraient dans l'élévationprogressive du droit d'entrée, jusqu'à ce qu'il eût atteint le tauxnécessaire pour être efficace. Cette élévation progressive aurait ledouble avantage de préparer par degrés la production à se mettre enétat de suffire aux besoins ; d'empêcher la consommation d'éprouver detrop vives secousses. A cette élévation de droit, deux objections se présentent ; l'une baséesur la répulsion qu'inspirent aujourd'hui les droits protecteurs et lesprohibitions, et sur le besoin éprouvé par les peuples d'abaisser lesbarrières qui les séparent encore ; l'autre sur la difficulté et mêmel'impossibilité d'empêcher la fraude, du moment où elle sera stimuléepar l'espoir d'échapper au paiement d'un droit élevé. A la première de ces objections, nous répondrons qu'en thèse générale,rien n'est plus désirable sans doute que de voir les peuples serapprocher et ne former pour ainsi dire qu'une grande famille ; ques'il est nécessaire pour atteindre ce philanthropique résultat, delever toutes les restrictions ou prohibitions qui frappent des objetsd'un intérêt secondaire, il n'y a pas à hésiter ; mais que l'expériencede tous les siècles nous démontre qu'il n'est pas de famille si bienunie qu'il n'y éclate des querelles de tems à autre ; et que lesnations sont journellement exposées à voir sous les plus futilesprétextes, leurs bonnes relations interrompues, et les horreurs de laguerre succéder aux douceurs de la paix. La prudence exige donc quecertains objets indispensables comme moyens d'attaque ou de défense,soient le sujet constant de la sollicitude des gouvernements, et qu'ilsprennent tous les moyens nécessaires pour que le pays les produise enquantité et en qualité telles qu'il puisse suffire à tous les besoinset à toutes les éventualités, et ne se trouve pas conséquemment à lamerci de voisins qui peuvent être précisément ceux-là même qu'il peutavoir à combattre. Au nombre de ces objets, et évidemment au premierrang se trouve le cheval ; et du moment où il est reconnu que laproduction indigène se trouve hors d'état de résister à la concurrenceétrangère, le devoir impérieux de tout gouvernement sensé est de luivenir en aide à tout prix, car ce n'est pas là une question de système, mais bien une question de vie ou de mort. Pour ce qui est delà prétendue impossibilité d'empêcher la fraude,c'est une fantasmagorie qui s'évanouit devant le plus léger examen.Sans doute, tant qu'il suffira qu'un cheval ait franchi la ligne idéalequ'on appelle frontière, pour qu'il soit considéré comme français, ilsera fort difficile, pour ne pas dire impossible, de s'opposer à lafraude ; mais il en serait de même pour toute autre marchandise frappéede prohibition ou de restriction ; aussi a-t-on grand soin dans ce casde la soumettre à un droit de suite. Qu'il en soit de même pour lecheval, à l'instant la fraude cesse d'être possible ; car de toutes lesmarchandises, c'est la plus difficile à cacher. A cet effet, il suffit que le marchand soit tenu à toute réquisition del'autorité compétente, de faire connaître les noms et adresses de ceuxqui lui ont vendu les chevaux que renferment ses écuries, ainsi quel’époque où ils y sont entrés. Que lorsqu'il expédie des chevaux dans une direction quelconque, ilsoit obligé d'en déclarer le nombre, la route qu'ils suivent, le lieuoù ils se rendent, le nom du destinataire. Que le conducteur de ces mêmes chevaux soit muni d'une feuille de routerelatant ces divers renseignemens, et qui devra être visée dans toutesles localités où se trouvent des bureaux d'octroi, et être exhibée surla réquisition des agens de l'autorité. Ces précautions fort simples et qui ne sont guère que la répétition dece qui se pratique pour les autres bestiaux, n'occasionneraient nifrais ni dérangement, et n'apporteraient aucune entrave au commerce.Elles suffiraient cependant pour rendre à peu près impossible la fraudecommerciale : quant à la fraude individuelle, elle ne pourrait jamaisavoir une grande importance. Une fois cet obstacle élevé à l'importation étrangère, la productionindigène ne tarderait pas à prendre un essor proportionné au débouchéqui lui serait ouvert. Alors le gouvernement, pour seconder cet essord'une manière complète, et donner à l'industrie tout le développementdont elle est susceptible, devrait agir à son égard, comme nous avonsdemandé qu'il le fît à l'égard du commerce ; c'est-à-dire cesser de luifaire concurrence avec ses dépôts d'étalons. Dans ce cas,l'administration des haras bornerait son action à procurer au pays,soit en les achetant, soit en les créant elle-même, les typesréellement améliorateurs, capables de donner des producteurs des deuxsexes, et qui par leur prix élevé sont au-dessus des moyens del'industrie privée. De plus, elle primerait entre les mains decelle-ci, les producteurs ordinaires ; mais d'une manière assezlibérale et assez éclairée, pour être réellement un encouragementsérieux à l'amélioration. Au demeurant, nous répétons à cet égard ceque nous avons dit au sujet des dépôts de remonte : c'est que l'on nepeut songer à la suppression des dépôts d'étalons, qu'autant qu'elledeviendra la conséquence d'un ensemble de mesures qui présentent àl'industrie, tant au point de vue de la production, qu'à celui ducommerce, un débouché sur et avantageux ; jusque-là leur suppressionserait une calamité de plus. En terminant, répétons, car on ne saurait trop le redire : Considérerla production chevaline seulement comme une branche plus ou moinsimportante des industries agricole et commerciale, serait plus qu'uneerreur et entraînerait les conséquences les plus désastreuses. Il n'estpas permis d'oublier un seul instant qu'elle est une des bases surlesquelles reposent la puissance et la sécurité du pays. Que la France reste hors d'état de suffire aux besoins de sa cavalerie,et à la première guerre, elle déchoit du haut rang qu'elle occupe parmiles nations. Aujourd'hui après trente ans de repos, elle produit à peine assez pour satisfaire les modestes exigences d'une paix profonde. Pour pouvoir répondre aux éventualités de la guerre, elle devrait produire annuellement trois fois davantage. Elle ne le peut qu'au moyen d’un débouché régulier et avantageux. La consommation particulière seule est capable de lui fournir ce débouché. En ce moment, la totalité de cette consommation s'alimente à l'étrangerdont la production se trouve dans des circonstances plus favorables quela production indigène. Tant que cette concurrence déplorable ne sera pas repoussée du marchéintérieur, par des droits suffisamment élevés, il n'y aura ni primes,ni courses, ni encouragemens, ni phrases sonores qui tiennent : laproduction indigène se nivellera sur la quantité que lui enlèverarégulièrement le pied de paix de l'armée, et au premier coup de canon,la France devient une puissance de troisième ordre. Est-ce là lerésultat qu'on veut obtenir ? Ainsi posée, la question devient des plussimples, et tout gouvernement qui, faute d'intelligence ou de bonnevolonté, refuse de la résoudre, mérite d'être mis au ban de la nation. F. PERSON. P. S. Nous apprenons quela commission permanente a décidé que le congrés central s’occuperaitdans la session de 1846 encouragemens et de la direction à donner à laproduction et à l'amélioration des espèces chevaline, bovine et ovine. Telle serait dans notre opinion la marche à suivre : Déclarer d'abord de la manière la plus formelle que la questionchevaline est complètement distincte de toutes les autres, et nesaurait, sans danger, être considérée comme une simple questionagricole ou commerciale, Qu'elle se rattache au contraire aux plus chers intérêts de la France, Qu'en ce moment la production du cheval propre au service de lacavalerie, ou cheval de luxe peut à peine satisfaire aux besoins del'armée sur le pied de paix, Que pour faire face aux nécessités du pied de guerre, il ne faudraitpas moins d'une production triple de ce qu'elle est aujourd'hui , Que cette production ne peut s'obtenir sans un débouché régulier et avantageux, Que la consommation privée peut seule fournir ce débouché, Qu'aujourd'hui celle consommation est entièrement alimentée par laproduction étrangère qui se trouve dans des conditions plus favorablesque la production indigène, Que celle-ci ne peut atteindre le développement nécessaire pour suffireà la consommation intérieure, qu'autant qu'elle aura été délivrée,pendant une assez longue période, de la concurrence étrangère, Que lorsqu'il s'agit du salut même de l'Etat, toute autre considération doit disparaître, Qu'en conséquence le congrès est d'avis, Qu'il y a danger dans la position actuelle de l'industrie chevaline en France, Qu'il y a urgence de la modifier, Que sans nul délai, l'on doit recourir aux moyens de la développer demanière à ce qu'elle puisse suffire non-seulement aux besoinsordinaires, mais encore aux besoins extraordinaires de la cavalerie, Que le principal de ces moyens, et même le seul réellement efficace,est de réserver à la production indigène, le marché intérieur en cemoment envahi par la production étrangère, Que ce résultat ne saurait être atteint qu’en frappant celle-ci d’undroit qui s’élèvera progressivement jusqu’à ce qu’il est atteint le butdésiré, Que ce premier pas une fois fait, c’est alors qu’il sera à propos des’occuper des encouragemens secondaire qui jusque là seraient sansobjet, Que la seule chose à faire en ce moment est donc de supplier legouvernement qu’il veuille bien frapper l’introduction des chevauxétrangers d’un droit progressif, et soumettre le commerce des chevauxaux précautions nécessaire pour mettre obstacle à la fraude. F.P. HORTICULTURE. — DE LA TAILLE DES ARBRES. Quelle que soit la forme des arbres, la taille est toujours la même.Pour atteindre un but unique, il n'y a pas deux méthodes : aussi tousles arbres sont-ils assujettis à la même taille, sauf de légèresmodifications qui s'appliquent aux formes plutôt qu'aux espèces. Ainsi la taille de la vigne — j'espère le démontrer — est la même quecelle du pêcher, celle-ci la même que celle du poirier, celle del'abricotier semblable aux deux premières, etc., et comme une méthodedevient plus facile en se simplifiant, du moment où j'aurai établiqu'il n'y a véritablement qu'une taille ayant un objet unique, j'auraiconsidérablement diminué les embarras naissant des théories quitraitent et de chaque arbre et de la taille de chaque arbre enparticulier. Ce que je désire surtout, c'est faire comprendre d'unemanière nette et précise la taille telle qu'elle doit être entendue etexécutée. Le Poirier. Il y a dans le poirier comme dans toutes les espèces d'arbres fruitiers deux sortes de branches : les branches à bois, formant ou destinées à former les branches charpentières, et les branches à fruit. Les branches charpentièressont, ainsi que leur nom l'indique, celles qui établissent lesprincipales ramifications de l'arbre. Ces sortes de branches seressemblent dans tous les arbres ou du moins ayant à y remplir lesmêmes fonctions, elles ne doivent et ne peuvent différer que dans leurforme, ou dans leur distance, ou dans leur position relative, ou dansleur force. Elles s'obtiennent de la même manière et sont, pourl'ordinaire, le produit d'œils choisis à des places et distancesraisonnées, pour former l'ensemble de l'arbre. Ainsi, on doit, avant decommencer la taille, se bien fixer sur la forme que l'on veut donneraux arbres à opérer. Arbres en pyramides. Lapyramide, ainsi que tous les arbres, se compose d'une partie primitiveou point de départ, appelée tige, qui commence à l'endroit où lesracines sont insérées. Cette tige forme l'axe principal de la pyramideet porte les branches charpentières existant tout autour, depuis labase jusqu'au sommet. Ces branches qui ont, à cause de leur positionsur les côtés, recule nom de branches latérales, portent les branches àfruit. Prise isolément, chaque branche latérale doit ressembler à unebranche charpentière d'espalier, c'est-à-dire être à peu près droite etse terminer par un rameau destiné à faire son prolongement. La tige doit être terminée également par un rameau vigoureux appelé flèche. La forme pyramidale est celle qui convient le mieux aux arbres plantésen plein vent ; elle l'emporte de beaucoup sur les quenouilles surtout,parce que, sur ces derniers, les branches de la partie supérieure ou aumoins de la partie moyenne étant aussi longues et souvent plus longuesque celles de la partie inférieure de l'arbre, celles-ci ne jouissentque peu ou point des influences bienfaisantes de l'atmosphère,puisqu'elles ne peuvent recevoir les pluies, les rosées, lesbrouillards et même les rayons solaires, interceptés par les branchessupérieures. Dans la forme pyramidale au contraire, les branchesinférieures étant plus longues que celles de la partie moyenne,celles-ci plus longues que celles de la partie supérieure, toutes parconséquent peuvent jouir à la fois de l'action favorable del'atmosphère. 1re taille. Si l'arbre dont onveut faire une pyramide est pris à l'état de rameau, c'est-à-dire aumoment où il n'a encore qu'un seul scion de l'année, il devra êtreraccourci près du point où l'on désire obtenir les premièresramifications (ce qui ne devra jamais être à moins de 0 m. 20 c. dusol). On doit s'assurer d'un œil bien apparent, bien sain, devantdonner un bon bourgeon qui remplacera la partie de rameau dont on faitla suppression, pour obtenir le développement des œils latéraux placéslà où l'on veut des branches charpentières latérales. Lors dudéveloppement de tous ces œils, qui peuvent se trouver plus ou moinsnombreux, on devra les surveiller, et si, comme il arrive souvent, ceuxqui sont voisins de l'œil destiné à faire le prolongement ou flèche,paraissaient prendre un développement tel qu'ils seraient aussi fortsou plus forts que cette flèche, on devrait casser avec le bout desdoigts ou couper avec les ongles leur extrémité seulement, pendantqu'elle est encore petite et herbacée ; c'est ce qui s'appelle faire lepincement. 2me taille. Si l'arbre, aulieu d'être pris à l'état de bourgeon ou rameau, a été bien choisi dansla pépinière, ainsi que nous l'avons dit (Tome 2, p. 125), on devracommencer par tailler le rameau terminal, qui est le résultat dudéveloppement de l'œil près duquel la première taille avait été opérée.On procède ainsi afin de forcer les œils latéraux à se développer enmême temps que cet œil qui doit faire la flèche. Cette flèche seratraitée tout-à-fait comme nous l'avons dit pour la 1re taille,c'est-à-dire coupée près d'un bon œil capable de bien continuer latige. Après s'être occupé de cette dernière ou de ce qui doit être sonprolongement, on passe aux bourgeons latéraux réservés pour faire lesbranches charpentières latérales. On les taille à leur tour sur un œilplacé en dehors du rameau et qui devra devenir rameau de prolongementde la branche à laquelle il est attaché ; toutes les branches devrontêtre opérées de la même manière ; mais surtout que l'on ne perde pas devue que, sur la flèche comme sur les branches, les rameaux, suite desœils, seront toujours portés à se lancer du côté où se trouvait l'œil.En conséquence, il convient, chaque année, de choisir sur la flèche unœil du côté opposé à celui qui avait été adopté l'année précédente,afin que si la flèche, une année, s'est jetée d'un côté, elle soitramenée vers son point de départ, l'année suivante, conditionnécessaire pour conserver à la lige sa ligne droite. Surveillance d'été. —Après avoir, comme la première année, taillé le rameau terminal, ilarrive fréquemment que les œils voisins de celui sur lequel on comptaitpour faire une flèche qui sera le prolongement de celle qui, par ledéveloppement des œils latéraux, est devenue axe ou tige, se montrentplus vigoureux que ces bourgeons d'extrémité : dans ce cas, ces œilsdevront être pincés de nouveau, comme nous l'avons dit. Enfin, à leur tour, les branches latérales, comme la tige, se chargenttout autour de branches qui doivent être petites et prendre lecaractère de branches à fruit. Pour les y forcer, il faut, après avoirtaillé les branches latérales sur des œils en dehors, surveiller ceuxqui partiront sur cette partie, ne laisser développer que ceux qui sontnécessaires pour faire la charpente de l'arbre , et pincer tous lesautres, sitôt qu'ils ont acquis une longueur de dix à douzecentimètres, à moins que ces bourgeons ne paraissent faibles et peususceptibles de former une branche vigoureuse. La taille des brancheslatérales sera d'une longueur telle que celles du bas soient toujoursplus longues que celles du haut, afin de conserver la forme pyramidale,en observant encore que les branches fortes doivent être taillées pluscourt que les plus faibles ne doivent pas même être taillées. Si la taille et le pincement ont été bien observés, à la 3année, nous aurons déjà un arbre dont la pyramide sera formée. 3e taille. A la 3e taille,comme aux première et 2e, on devra commencer par s'assurer d'une flèchebien droite et bien établie sur l'axe de la tige, puis la couperenviron au tiers de sa longueur, sur un œil placé de manière à ce quele bourgeon, qui en sortira soit bien sur cet axe. Si l'un des œils surlesquels on comptait pour faire une des branches latérales ne s'étaitpas développé ou eût été accidenté, on ferait au-dessus de cet œil uneincision transversale sur la branche, afin de partager les fibres decontinuité qui portent la sève de la base à l'extrémité, de telle sorteque l'œil se trouvant placé comme sur l'extrémité de ces fibres,reçoive une partie de cett sève qui était destinée aux partiessupérieures, et prenne ainsi son développement. A cette troisièmetaille, les branches latérales du haut, encore à l'état de rameaux, setailleront comme l'année précédente : celles qui déjà ont été tailléesun an auparavant le seront de nouveau ; le rameau terminal sera coupéenviron au tiers de sa longueur, sur un œil en dehors, afin que chacunedes branches aille toujours en s'écartant de la tige et qu'elles ne seconfondent pas les unes dans les autres. Il faut qu'il soit facile depasser le bras entre chacune des branches sans toucher les nourrices oubranches à fruits portées par elles. La tige devra, chaque année, ainsique les branches latérales, être taillée dans le but, indiqué plushaut, de former toute la charpente. A mesure que les branches latéraless'allongent, le rayon s'agrandit et leur extrémité se trouverespectivement de plus en plus distante ; on doit alors faire ramifiercelle-ci, et au lieu de choisir seulement un œil, en dehors pour yétablir sa coupe, on en choisira deux, placés de telle manière que lesbourgeons qui en seront le résultat soient de chaque côté de la brancheet se présentent horizontalement et jamais au-dessus les uns des autres; ce qui a pour but d'éviter la confusion avec les branchessupérieures, et d'empêcher qu'un des bourgeons ne soit plus vigoureuxque l'autre. B RANCHES A FRUITS. — Toutes les branches qui sedévelopperont sur les parties que nous venons de voir, devront fairedes branches à fruit et ne jamais prendre assez de force pour faire desrameaux vigoureux. Autrement il serait facile de les arrêter par lepincement. Les branches à fruit sont de trois sortes : 1° celles que lepincement a réduites à cet état, 2e les brindilles ou petits rameauxqui, faibles et grêles, n'ont été laissées que comme branches à fruit —leur longueur peut atteindre 20 à 25 centimètres : elles sont souventarquées et maigres dans presque toute leur longueur ; 3° les dards,petits rameaux très-courts, placés sur les branches tout-à-fait à angledroit : ils ont l'aspect d'un ergot de coq. Les dards ne devrontéprouver de taille que lorsque l'arbre déjà âgé sera chargé de fruits,et quand, ces dards eux-mêmes ayant déjà fructifié, il aura multipliéses extrémités. Alors seulement, afin de tenir la fleur et par suite lefruit rapproché de la branche, on ravalera toujours sur le petit rameaudard lui-même qui s'en trouvera le plus près. Les brindilles sont lesparties qui les premières se mettent à fruit ; mais il faut se garderd'opérer ni coupe ni cassement comme le conseillent certains auteurs.On ne devra les raccourcir que lorsque l'arbre sera à fruit dans toutesses parties. Dans ce cas, la taille consistera à raccourcir cesbranches près de l'œil ou petit dard, le plus près de la branchecharpentière. Les branches à fruit obtenues ou du moins réduites à cetétat par le pincement, ne devront, de même que les branches brindilles,être taillées qu'après que l'arbre sera arrivé à fruit, à moins que cesbranches très-vigoureuses n'aient donné plusieurs bourgeons à la placedu bourgeon pincé. Alors on devra couper les plus éloignés de labranche. MANOURY, professeur d'horticulture. (La suite au prochain numéro). * * * Tome III. - 3e année. - 10e livraison. - avril 1846.  | BŒUF GRAS (Cotentinpur), âgé de 36 mois, pesant 778 kilog., appartenant Mr Cornet, aobtenu au concours de Poissy une prime de 800 Frs et la médailled'argent (3e catégorie). Dessiné à l'abattoir du roule le 11 avril 1846, d'après nature. | ÉPIZOOTIE. — LA COCOTTE. La maladie épizootique, désignée sous le nom de Cocotte,qui, à diverses époques, et la dernière fois de 1840 à 1842, a régnédans toute la Normandie, s'est déclarée de nouveau dans le Calvados,depuis deux mois environ. Elle n'attaque pas les bêtes à cornesseulement ; les porcs sont aussi très-maltraités dans quelques contrées Dans ses précédentes invasions, la Cocotte,que l'on croit originaire de l'Allemagne, s'étendait de l'Est àl'Ouest, et ne nous arrivait souvent que long-tems après avoir affligéles départemens de l'Est ou du Nord-Est. De cette fois, elle nous estarrivée du Sud-Ouest, par les bestiaux achetés dans les foires de laSarthe, de Maine-et-Loire, etc. Hâtons-nous de dire aussi que cettemaladie ne se présente pas avec la gravité qu'elle avait lors de sespremières invasions : comme toutes les affections qui reparaissentpériodiquement ou du moins plusieurs fois dans une contrée, celle-ci aperdu de son intensité, à mesure qu'elle a pris un caractère endémiqueplus marqué. Telle qu'elle existe en ce moment, elle occasionne cependant des pertesréelles, car elle enraye les transactions ; elle force de laisser enroute une partie des animaux que l'on amenait dans les herbages, etretarde l'engraissement de ceux qui s'y trouvaient. Mais c'estprincipalement à l'égard des vaches laitières qu'elle a des résultatsfâcheux, car celles qui sont attaquées, surtout si l'affection se porteaux mamelles, donnent moins de lait, non-seulement pendant la maladie,mais même après qu'elles sont rétablies, et le rétablissement completest long quelquefois. La cocotte, du reste, n'est pas mortelle, et laguérison se fait généralement de dix à quinze jours après l'invasion. Lors de la dernière apparition de la Cocotte dans le pays, c'est-à-direde la première invasion qu'elle ait faite dans les herbages du Bessin,M. Vigney, vétérinaire à la Cambe, qui, dans sa clientèle nombreuse,eut occasion d'étudier l'épizootie sous toutes ses faces, rédigea, surcette maladie, un mémoire pour lequel la Société d'Encouragement pourl'industrie nationale lui décerna une médaille d'argent. De son côté,la Société d'Agriculture de Bayeux a fait imprimer et distribuer lemémoire de M. Vigney, afin de faire profiter le pays, si la maladievenait à y reparaître, des conseils de cet habile observateur. Le retour de cette épizootie à des périodes assez rapprochées, donne àce travail un caractère d'utilité que l'on ne peut méconnaître. Les causes de la maladie paraissent difficiles à apprécier, et il resteétabli pour M. Vigney que les influences atmosphériques ne sont pourrien dans son développement, pas plus que la qualité des fourrages, nimême les causes locales. Ainsi, l'année 1840 avait été froide et sèche,celle de 1841, froide et humide. Cependant la maladie s'est montréeindistinctement à toutes les époques de ces deux années ; et, dans tousles lieux, on l'a vue au même moment, sévissant avec une égaleintensité sur le bord de la mer, dans la plaine et dans les marais. Laneige, la pluie, la sécheresse, le calme et les vents, tout paraissaitpropice à son développement. Marchant tantôt régulièrement, d'autresfois inégalement, on pouvait, pour certains troupeaux, l'attribuer à lacontagion, pour d'autres à l'épizootie, mais le plus souvent sansaucune donnée certaine. Cette année la maladie se présente aussi d'une manière fort irrégulière: presque toujours elle débute par une affection aphteuse de la bouche,de la langue et de la gorge ; souvent les pieds se trouvent attaquésd'ulcères, de telle sorte que les animaux ne peuvent plus marcher : Voici au surplus, d'après M. Vigney, quels sont les symptômes et lamarche ordinaire de la maladie de la vache laitière à l'herbage. « Tristesse, nonchalance, et cela tout-à-coup. Ptyalisme (salivation)abondant et souvent fétide, difficulté extrême pour prendre lesalimens, même impossibilité lorsque la vache paît ; au lieu de prendrel'herbe de bas en haut avec les dents, c'est de haut en bas avec lesbourlets, ce qui a lieu également lorsqu'elle recommence à manger.Oscillation des mâchoires d'un côté à l'autre, la bouche se trouvantembarrassée par les viscosités, ainsi que par l'épaisseur de la salive.L'animal, autant qu'il le peut, la tient ouverte pour respirer, ou pourse soustraire à la douleur qu'il éprouve dans cette cavité, et faitentendre un bruit que les cultivateurs du Bessin ont désigné sous lenom de papper. « Les oreilles sont basses, le poil est terne et piqué, les yeux sontquelquefois larmoyants, le pouls peu différent de l'état normal ;cependant, chez quelques-unes il est plus activé. La rumination estlente, difficile et peu soutenue, les matières fécales, ainsi que lesurines, ne sont pas dérangées ; mais la sécrétion du lait diminuesensiblement. « Si la vache est en même temps atteinte par les pieds, ce qui arrivesouvent, ou si la maladie débute par les pieds, l'animal reste commes'il était cloué au sol, les jambes sont rapprochées du centre ; sil'on veut le faire marcher, il éprouve une très-grande difficulté,paraît souffrir beaucoup , il lève les jambes à pic, comme s'il avaitdes épingles ou des épines dans les pieds. Il y a tremblement desmuscles fessiers, ainsi que de ceux de l'épaule. L'épine dorsale est unpeu voûtée en contre-haut. Si l'on ouvre la bouche de l'animal, on aperçoit des points blanchâtres peu étendus, ou bien l’ epitheliumest soulevé sur la langue, sur les lèvres et même au bout du nez. Chezcertains sujets, ces symptômes sont tellement faibles qu'ils pourraientpasser inaperçus ; car alors les vaches ne cessent point encore demanger ni de marcher, seulement on remarque de la difficulté à prendreles alimens, à les mâcher, ainsi que dans l'action de humer lesliquides. « Le deuxième et le troisième jour, le mal augmente, la rumination sesuspend, le lait diminue beaucoup, les mamelles deviennent flasques, lamarche plus pénible, la salivation plus abondante. Les phlyctènes(pustules) de la bouche ont acquis chez quelques individus tout leurdéveloppement. « Ce cas est rare, mais il existe. La langue sort de la bouche, exhaleune odeur fétide, et laisse tomber une bave abondante, visqueuse,écumeuse, chargée des débris des phlyctènes de la membrane muqueuse.J'ai donné des soins à plusieurs vaches qui avaient de ces phlyctènesdans la gorge. Elles ne pouvaient plus avaler, ne respiraient quedifficilement, et laissaient couler par les narines un mucusjaunâtre. Le pouls alors est accéléré, le poil plus terne et plus piqué; l'amaigrissement marche si rapidement, que huit ou dix jourssuffisent pour causer le marasme le plus complet. Un fait digne deremarque, c'est que les vaches les plus malades de la bouche, sont engénéral celles qui le sont le moins des pieds et des mamelles. « Dans le plus grand nombre, c'est à la pointe de la langue et sur ledessus que se trouvent les phlyctènes ; elles sont à peu près de lacouleur ordinaire de l'épidémie, transparentes, plus ou moins élevées,déforme irrégulière. Il s'y en trouve toujours, ou presque toujours,une, que l'on aperçoit la première, entre le bourrelet cartilagineux dela peau de la lèvre supérieure. Les autres, qui se trouvent disséminéesdans la bouche, sur les gencives, sur les lèvres et sur le nez, varientdans leurs formes, leur grosseur et leur quantité. C'est le troisièmeou le quatrième jour que ces vésicules crèvent. Ils répandent unesérosité blanchâtre ; puis cette portion de l'épidémie tombe et laissevoir la membrane charnue rouge et sanguinolente. Si vous touchez lapointe de la langue, il reste à la main une peau épaisse, couverte depapilles nerveuses, tout à fait semblables à celles d'une langue debœuf cuite que l'on pelle. Il faut que cette manipulation fasseconsidérablement souffrir l'animal, puisque les plus doux s'endéfendent avec force. Ces phlyctènes ou vessies, comme le dit M.Mathieu, ressemblent à des brûlures occasionnées par de l'eaubouillante que l'on aurait jetée dans la bouche. « Lorsque les pieds sont malades en même temps que la bouche, c'estaussi du troisième au quatrième jour que l'on trouve disséminées, çà etlà, autour des onglons, dans leur intervalle, et en quantité plus oumoins considérable, des vésicules de forme et de grandeur différentes.Elles se prolongent quelquefois sous toute la sole, la détachent ainsique le pourtour de l'onglon. Il découle de ces phlyctènes une humeurd'un blanc jaunâtre, d'une âcreté telle, chez certaines vaches, que lecoussinet plantaire est détruit, et, dans la partie qui lui correspond,laisse l'os du pied à nu. « Ce serait une erreur de croire que les quatre pieds d'un animal sontattaqués ensemble, ou également malades. Il n'en est point ainsi : chezquelques sujets, il n'y a qu'un seul pied de malade, le plus souventdeux, et ordinairement ce sont ceux de derrière, quelquefois mêmetrois, mais toujours à des degrés différents. « Dans les cas ordinaires, et en exceptant celles dont nous avonsparlé, il est rare qu'au bout de huit jours les vaches ne recommencentpas à se nourrir : dès lors la lactation augmente, tous les symptômesde la maladie de la bouche et de celle des pieds semblent disparaître,lorsqu'à ces deux premières succède celle des mamelles, qui, ainsi queles trayons, sont couvertes de pustules plus ou moins épaisses,quelquefois confluentes. Dans presque tous les troupeaux de vaches duBessin, lorsque l'irruption mammaire a eu lieu, ou a été reconnue, il yavait déjà huit ou quinze jours, et même trois semaines, que la bouche,ainsi que les pieds, étaient guéris. « C'est un cas extrêmement rare de voir la maladie attaquer en mêmetemps les mamelles et les autres parties. Il y a même beaucoup detroupeaux, dont les mamelles n'ont point été atteintes, ou ne l'ont étéque faiblement. « Les vésicules sont blanchâtres, transparentes et cristallines à leurcentre, en s'éloignant de ce point, elles prennent une teinte jaunâtre,puis enfin deviennent presque rouges sur leurs bords. « Un fait qui s'est présenté assez fréquemment, pourrait peut-êtremettre sur la voie pour découvrir la nature de celle maladie : c'estqu'une certaine quantité de vaches, appartenant à différens troupeaux,ont transmis ces pustules aux personnes qui les trayaienthabituellement, et qui avaient des coupures ou des excoriations, soitaux mains, soit aux bras. Il faut bien méditer cette vérité, qu'il n'ya eu que les personnes non vaccinées , chez lesquelles ces boulons ouvésicules se soient développées, jusqu'au point quelquefois de devenirconfluentes, et en si grande quantité, que ces personnes étaientforcées de cesser de traire, ainsi que de s'occuper de tout autretravail. Chez les individus vaccinés, cet état était remplacé par depetites rougeurs et une légère démangeaison. « Ces vésicules parcourent les mêmes phases que celles qui sontproduites par le virus du vaccin, dont elles semblent ne différer enrien. Je pense que l'on peut les regarder comme étant de la même natureque le cow-pox... » La maladie, nous l'avons dit, était beaucoup plus grave lors de ladernière invasion qu'elle ne l'est cette année : il y eut mortalité dequelques animaux et dépréciation considérable de beaucoup d'autres quirestèrent estropiés et maladifs. Lorsque la maladie n'offre pas beaucoup de gravité, on abandonne à lanature le soin de la guérison ; mais quand l'affection aphteuse estplus prononcée, on emploie les gargarismes de miel et de vinaigre(oximel), plusieurs fois par jour, et si elle va jusqu'à faire baverles animaux, par l'effet des pustules qui envahissent toute la muqueusebuccale, on fait rentrer l'animal souffrant et on lui donne quelquessoins qui consistent principalement à nettoyer la bouche avec un lingeen guise de pinceau, que l'on charge de pernitrate de fer et que l'onfait mâcher à l'animal. Outre ce moyen, quand les pustules de la bouchesont percées, M. Vigney dit qu'il les fait nettoyer et sécher avec unlinge doux, puis au moyen d'un pinceau (avec du poil de la queue del'animal) il fait toucher les parties malades avec un mélange de cinqparties de nitrate d'argent, fondu et dissous dans 100 parties d'eaudistillée. « Dans le début de la maladie des pieds, continue M. Vigney je coupaistoutes les parties vives et cornées, jusqu'à faire saigner. Jenettoyais et séchais toutes les plaies, puis je les cautérisais, soitavec une dissolution de nitrate d'argent, soit avec le pernitratee defer, que j'ai employé plus souvent, et dont je me suis servi pourcautériser toutes celles de mes vaches qui ont été malades, sansqu'aucune complication ait eu lieu. « Si dans le commencement ou dans le cours de la maladie, defortes escarres, telles que la peau interdigilée, le ligamenttransversal, semblent vouloir se détacher, il faut se hâter de mettreles vaches à l'abri de l'humidité, du soleil et des insectes. Il fautdonc les rentrer, leur faire bonne litière, leur fournir une nourrituresaine et substantielle, afin de leur donner la force de supporter untraitement qui peut être long… « Aussitôt que l'escarre est tombée, je fais panser avec le digestifsimple, légèrement camphré, recouvert avec de l'étoupe hachée ; puis jefais placer par-dessus un sachet, rempli de son frais non mouillé. « Si la plaie est en voie de guérison, je remplace le digestif par ducérat saturné. Si, au contraire, elle s'agrandit et devient ulcéreuse,je fais un mélange de deux parties de charbon pulvérisé et d'une dequinquina rouge, dont je saupoudre la plaie, et je substitue au sachetde la poudre de gentiane. « Si les chairs s'élèvent et montent, le pansement se fait avec l'onguent égyptiac, et s'il se forme des cerises, je les touche avec du chlorure d'antimoine… » En général, M. Vigney a évité la saignée et la diète, quand ils'agissait de vaches laitières, parce qu'il a observé que ce mode detraitement, en faisant diminuer de beaucoup la lactation, ne procurepoint une guérison plus prompte. Cependant il ne donne point ce conseild'une manière absolue. « Lorsqu'il y a, dit-il, des pustules sur les mamelles, il faut, autantque possible, éviter de les faire saigner ; aussitôt que les vachessont traites, les laver avec de l'eau végéto-minérale, les sécher avecdu vieux linge, puis y mettre une légère couche de cérat saturné etopiacé. Si un bouton se place au bout du trayon, il faut tâcher detenir l'orifice ouvert avec un peu de cire, et surtout avoir le plusgrand soin de ne pas laisser de lait dans la glande. « Si une ou plusieurs glandes sont enflammées, il faut rentrer la vacheà l'étable, la saigner, la mettre à la diète, faire sur ces glandes deslotions émollientes, leur faire prendre des bains de vapeur ; engénéral, on traite les mamelles comme celles qui ont des maladiesdéterminées par toute autre cause. » M. Vigney termine sa notice en réfutant comme une erreur l'opinion despersonnes qui pensent que le lait des vaches malades est mauvais etmalfaisant. Il affirme que le lait ne perd rien de sa qualité, et qu'ilest même plus butyreux qu'avant la maladie. Il déclare aussi que, malgré l'assertion contraire de quelquespersonnes, il n'a jamais observé que l'animal ait été attaqué deux foisde la maladie. POMMES DE TERRE. — CULTURE HIVERNALE. Au mois d'octobre dernier, alors que l'on avait des craintes sérieuses,mais heureusement peu fondées, sinon de disette du moins d'insuffisancedans le produit des récoltes, on recommanda, comme devant donner destubercules dès le printems, la culture hivernale des pommes de terre.Au nombre des agronomes qui vantèrent cette méthode, se trouvait unprofesseur d'agriculture de Belgique, M. Morren, qui, à l'appui decette recommandation, citait un grand nombre de faits établissant lesbons résultats de la culture d'hiver. Nous avons reproduit (tome 3, p. 110 et suiv.), la notice publiée à cetégard, avec d'autant plus d'empressement que plusieurs personnes denotre pays nous affirmaient avoir bien réussi en plantant à l'automnedes pommes de terre qui avaient produit leur récolte au mois de marssuivant. Voulant d'ailleurs savoir positivement à quoi l'on doit s'entenir, nous engageâmes quelques agriculteurs et jardiniers à essayercelte culture. C'est avec regret que nous avons à constater, au moins dans les essaisque nous avons été à portée de vérifier, un insuccès complet. M. LeBarillier, dans sa propriété de Lébisey, M. Durand, dans les jardins del'Hôtel-Dieu, M. Manoury, au Jardin botanique, etc., ont semé, dans lesmeilleures conditions, des pommes de terre au mois d'octobre dernier ;au mois de novembre les tubercules avaient bien levé, et l'on prit soinde couvrir les fanes, les unes avec du fumier pour stimuler lavégétation et avec de la paille, les autres avec de la paille de fumierseulement, afin de préserver les pousses de la gelée. Quoique l'hiver n'ait pas été rigoureux, comme la pomme de terre esttrès-sensible au froid, les fanes ont péri aux premières gelées, pourpousser de nouveau dès la fin de l'hiver, et se développer avec quelquevigueur. Enfin, vérification faite, à la fin de mars, il ne s'est rien trouvé ;et ces jours derniers, c'est à peine si, au pied des plantes, onremarquait quelques tubercules moins gros que des noisettes. Une personne nous ayant affirmé que des pommes de terre oubliées enterre, à l'automne dernier, avaient produit en mars des tuberculesassez beaux, mais en moindre quantité que dans la culture ordinaire,nous avons, il y a peu de jours, fait arracher avec soin un assez grandnombre de pieds venus sur un champ planté en pommes de terre en 1845.Une partie de ces plantes étaient de l'espèce précoce. Sur ce pointencore, vérification faite avec attention, nous n'avons pas trouvé detubercules. Dans une autre vérification de même nature faite deux joursplus tard, dans une autre terre, nous avons rencontré des tuberculesgros comme des amandes. Il nous a donc paru certain que la personne, de fort bonne foid'ailleurs, qui nous avait assuré le fait ci-dessus, s'était trompée,en prenant des tubercules oubliés de la dernière récolte pour despommes de terre venues depuis l'automne. Après les vérifications dont nous venons de parler, nous avons faitdécouvrir plusieurs plantes de pommes de terre précoces, semées en mars, et nous avons trouvé les tubercules plus gros que ceux des plantesqui ont été semées avant l'hiver. Malgré ces faits dont nous garantissons l'exactitude, nous neprétendons pas conclure que la culture hivernale de la pomme de terresoit une déception, car nous en voyons les bons résultats certifiés pardes gens dignes de foi. Dernièrement encore, M. Payen, Secrétaire de laSociété royale et centrale d'agriculture, dans le compte rendu destravaux de l'année, citait deux agronomes chez lesquels cette cultureaurait bien réussi l'hiver dernier. Nous doutons cependant, et nousprions ceux de nos collaborateurs qui auraient essayé la culturehivernale ou seraient à portée de nous donner quelques faits pour oucontre, à vouloir bien nous communiquer tous les renseignements denature à éclairer la question. Après avoir exposé nos doutes, il nous reste à suivre le développementqu'auront pris les plantes semées avant l'hiver, et à en comparer leproduit avec celui des tubercules plantés aux époques ordinaires. Caralors, en supposant même que la culture hivernale ne soit pas possible,s'il est établi que les plantes mises en terre en automne, donnent lerendement le plus considérable, les essais tentés n'auront pas étéinutiles. Nous invitons, en conséquence, les personnes qui ont fait desessais à les continuer en ce sens, et à bien constater le produitqu'elles auront obtenu. Si le résultat est bon, ce ne sera plus alors une question de tems, mais de rendement. JUMENS — MORTALITÉ DES POULAINS. Au commencement de l'hiver dernier, en rendant compte de quelquesprédispositions maladives des chevaux, nous faisions observer que laqualité médiocre des fourrages, nourris d'eau pendant le printemshumide de 1845, devait faire craindre, à la suite, d'une alimentationdébilitante, des maladies pour le printems suivant. A cette occasion,nous donnions aux cultivateurs le conseil de mêler du sel aux alimentsde leurs bestiaux, afin de donner du tonique à la nourriture et ainside neutraliser autant que possible les effets des fourrages. Plus d'un cultivateur de la plaine de Caen regrettera sans doute den'avoir pas suivi ce conseil, car un grand nombre de juments ont avortépeu de tems avant de mettre bas, et beaucoup de poulains sont mortsquelques heures ou quelques jours après la naissance. On cite teléleveur qui a perdu douze à quatorze poulains. Il y a eu égalementgrande mortalité sur les produits de l'espèce ovine. Cette mortalité doit être attribuée à une cause générale ; or, la causela plus probable, puisqu'elle avait même été prévue et indiquéelongtems à l'avance, est celle que nous rappelons, la qualité peusubstantielle des fourrages de la récolte dernière. Cette circonstancenous engage à recommander de plus en plus l'usage du sel dansl'alimentation des bestiaux, en faisant observer que c'est une économiemal entendue que celle qui consiste à éviter une dépense dont le butest de prévenir des pertes semblables à celles que l'on a pu constaterdepuis deux mois. LES PARASITES. — LA MOUSSE DU POMMIER. Nous avons signalé, il y a quelques mois, aux cultivateurs le mal que le guyfait dans leurs vergers, et dénoncé à l'administration le peu de soinque l'on prend d'arrêter l'invasion de ce parasite. Mais les pommiersont un autre ennemi plus dangereux encore que le guy, car il estbeaucoup plus difficile à détruire : nous voulons parler de la mousse. Tous les cultivateurs savent combien un plant de pommiers est compromislorsque la mousse vient à l'envahir : les arbres durcissent et s'ilssont jeunes, ils s'arrêtent dans leur développement, deviennentrachitiques ; s'ils sont plus forts, une partie du branchage sedessèche et meurt, l'extrémité des branches conserve seule quelquevigueur et produit encore des fruits. Une partie des observations que nous avons présentées contre le guys'applique à plus forte raison à la mousse. Tout végétal, pour vivre etse développer, a besoin d'air, de lumière et de chaleur ; or, à mesureque la mousse s'étend dans un arbre et s'épaissit sur les branches,elle empêche l'air de circuler, intercepte les rayons du soleil ets'oppose à ce qu'ils arrivent jusqu'à l'écorce. L'arbre se trouve,ainsi privé des impressions favorables de l'atmosphère. Comme le guy,la mousse absorbe aussi pour vivre une partie de la vie de l'arbre, etl'épuise sans lui permettre de réparer les pertes qu'elle luioccasionne. En outre, la mousse donne abri et asile à une foule defamilles d'insectes qui, comme la plante où elles viennent pulluler,subsistent aux dépens de l'arbre. Par malheur, il est plus difficile de débarrasser un arbre de la mousseque du guy. Pour détruire ce dernier, il suffit d'en couper la tige auras de la branche, tandis que la mousse est collée sur une grandesurface, et exige, pour être enlevée, beaucoup plus de tems et deprécautions. Mais c'est quand l'arbre est jeune et dès que l'on s'aperçoit que leparasite le menace, qu'il faut s'attaquer à l'ennemi. Alors on faitarracher la mousse avec la main, ou bien enlever, en grattant lesbranches avec un morceau de bois en forme de couteau, avec un bout delatte, ou enfin en les frottant avec un petit balai très-dur, faisantl'office d'une brosse. C'est surtout après quelques jours de pluie, à l'arrière-saison,lorsque la mousse ramollie par l'humidité a moins d'adhérence àl'arbre, que l'opération peut se faire avec le plus de succès. Dans les arbres âgés et dont les branches ont disparu sous une mousseépaisse, l'opération est moins facile ; mais cependant avec du soin etde la patience, on peut encore obtenir de bons résultats. Nous n'avonspas besoin de dire qu'il faut procéder avec précaution, afin de ménagerl'écorce des branches et de peur de briser le jeune bois et les bouts àfruits. Mieux vaut y aller lentement et ne pas abimer l'arbre. C'est là bien du soin, bien du tems, bien de la dépense, parconséquent, diront les cultivateurs. C'est vrai ; mais les arbres quel'on conserve ou que l'on rend productifs n'ont-ils aucune valeur ?Comptons : Un jeune pommier de six à sept ans a une valeur réelle, tant parl'achat, le travail de plantation, les tuteurs dont on a entouré latige pour la préserver des atteintes des bestiaux, que par son âge. —car, quand il s'agit d'arbres, il faut avec soin compter le tems : avecde l'argent on peut avoir tout, excepté des arbres que l'on n'obtientqu'avec des années. — Evaluons donc à 6 fr. seulement un pommier de 7ans. Un journalier laborieux nettoiera de leur mousse bien des pommiersdans une semaine. A 1 fr. 50 par jour, c'est 9 fr. pour une semaine, etc'est le salut ou au moins le bon entretien de 100 jeunes arbres valantcomme minimum 600 fr. Assurément, il n'est pas un cultivateur intelligent qui ne consentît àdonner quelques francs par an pour la conservation d'un jeune plant,dans lequel repose souvent en grande partie l'espoir de sonexploitation. Or, nous venons d'indiquer comment ces quelques francspeuvent être utilement dépensés à cet effet. * * * Tome III. - 3e année. - 11e livraison. - mai 1846. CULTURE DES ARBRES A FRUIT. Dans un tems peu éloigné encore de nous, il n'y avait qu'un petitnombre de localités où l'on se donnât le soin de cultiver les arbres àfruit, et aujourd'hui même il est des contrées où l'on ne connaît quequelques fruits et des espèces les plus grossières. Il ne coûte pasplus cependant de cultiver un bon arbre qu'un mauvais, et de préparerainsi à sa famille une de ces petites jouissances qui contribuent aubien-être et souvent même entretiennent la santé. Aussi, d'année en année, voyons-nous se répandre et se perfectionner laculture des arbres fruitiers. Dans quelques contrées de notre pays, lespropriétaires aisés font planter autour de leur habitation à lacampagne ce que l'on appelle une Petite-Normandie,c'est-à-dire un verger contenant non seulement des pommiers à cidre,mais des arbres donnant pour la table des fruits de toute espèce,pruniers, cerisiers, noyers, poiriers, abricotiers, etc., ou bien ilsconstruisent des murs qui, en garantissant l'habitation des vents duNord, permettent d'établir des espaliers dont le produit, dépassantsouvent de beaucoup les besoins du ménage, se vend très-avantageusementaux marchés voisins. Dans la vallée d'Auge, la culture des cerisiersdonne, dans certaines exploitations, et presque sans soin pour lepropriétaire, un profit assez rond. Nous connaissons dans nos départemens quelques localités où despropriétaires doublent souvent leurs revenus avec le produit de leur Normandieet de leurs espaliers, indépendamment de l'agréable supplément denourriture qu'ils procurent à ce qui les entoure, en couvrant, pendantplus de la moitié de l'année, la table de fruits savoureux. Nous pourrions également citer des propriétés richement plantées ennoyers, dont les fruits sont d'un très-grand secours pendant l'hiver,pour la nourriture des gens de la ferme. Dans ces exploitations rurales, plusieurs fois chaque semaine, au repasdu soir, on sert après la soupe des noix qui sont toujours lesbienvenues. Pourquoi ne ferait-on pas partout, ce que les hommes intelligens etsoigneux font sur leurs propriétés ? Pourquoi le petit propriétaire, aulieu de laisser, sur le fossé de son champ, pousser un mauvais arbredestiné à donner au bout de 30 années un peu de combustible, neplante-t-il pas un bon poirier ou prunier qui, au bout de quelquesannées, lui fournira du fruit pour sa table ? Pourquoi, partout oùpousse la merise, ou la petite cerise sauvage, ne pas mettre une greffeou un écusson qui transformera en arbre précieux un méchant arbre.Pourquoi sur le chemin qui conduit à la maison, ne pas faire une avenued'arbres à fruit, au lieu d'y planter des peupliers ou autres arbres,parasites sans valeur, qui, par leur ombrage et leurs racines, nuisentessentiellement à la végétation des arbustes ou plantes du voisinage ?Pourquoi, dans la cour de la ferme, ne pas planter au nord desbâtimens, afin de les abriter contre les plus mauvais vents, ou sur lebord des fosses à engrais, afin de préserver les fumiers des ardeurs dusoleil, des noyers qui, dans notre climat et dans de bonnes conditionsde sol, prennent quelquefois un développement immense ? Ces arbres nonseulement donnent un abri ou un ombrage utile, ils deviennent aussi unornement de la propriété et produisent abondamment des fruits. Pourquoil'individu qui ne possède qu'une maisonnette, ne la garnit-il pas detous les côtés d'espaliers dont les fruits viendraient, aux jours defête, orner sa modeste table ? Ce que nous exprimons ici comme vœux s'est, nous le répétons, réalisédans quelques contrées de nos départemens. Mais malheureusement cetteamélioration est loin encore d'être générale, et c'est pour engagerquiconque possède un coin de terre, à enrichir son exploitation,étendue ou petite, du plus grand nombre possible d'arbres fruitiers, aulieu de laisser sans bois les parties susceptibles d'en recevoir, ou den'y planter que de mauvais arbres. Nous pouvons appliquer aussi aux communes ce que nous disons ici pourles particuliers. Il est, en effet, beaucoup de communes qui pourraientaugmenter leurs revenus, si elles faisaient planter sur des parties deterrain qui sont perdues, sur le bord des chemins, aux carrefours, surdes côteaux en pente, etc., de bons arbres à fruit. Pour engager lesparticuliers dans cette bonne voie, il suffit souvent d'un propriétaireinfluent prêchant ses voisins par ses conseils et son exemple. C'estainsi que Montreuil doit ses pêches, et Fontainebleau son chasselas, aucontact, au voisinage, et à l'imitation de l'homme qui, dans les deuxlocalités, avait introduit cette culture. D'ici quelques années, dans les départemens où, comme dans le Calvados,les élèves des écoles normales primaires reçoivent un bon enseignementhorticole, nous verrons s'étendre la culture des arbres fruitiers. Lesinstituteurs, par eux-mêmes et par les élèves qu'ils ne tarderont pas àformera leur tour, répandront, avec le goût de cette culture, lesbonnes méthodes qui peuvent la faire prospérer. A cet effet, il est à désirer que les communes administrées avecintelligence et que les conseils généraux secondent dans ses louablesefforts M. le recteur de l'Académie de Caen, qui a fait entrerl'horticulture dans les cours d'études que suivent les élèves-maîtres.Les communes le seconderont, en attachant à la maison de l'instituteurun jardin d'une étendue suffisante pour qu'il puisse recevoir unepetite pépinière et qu'il contienne assez d'arbres pour que la leçonpratique accompagne l'instruction théorique : les conseils générauxrépondront à la bonne pensée de M. l'abbé Daniel, en mettant à sadisposition tous les ans une subvention destinée à donner desencouragements aux instituteurs, qui auront montré le plus de zèle etd'habileté à répandre autour d'eux les méthodes les meilleures deculture des arbres à fruit. Nous reproduisons ci-après une notice qui nous a parutrès-intéressante, publiée par un desservant des euvirons de Metz, surles moyens employés par lui, avec cette persévérance qu'une convictionprofonde peut seule donner, pour doter sa commune de plantationsd'arbres à fruit. Nous supprimons seulement de ce récit, comme objetsans utilité pour nos départemens, tout ce qui est relatif à des semisde sapins, destinés à fournir les tuteurs nécessaires aux jeunes arbres. « Lorsque, en 1804, je fus nommé curé, dans la commune de R..., je ne trouvai sur tout le ban que 37 arbres fruitiers. « Dans la commune située au bord de la Moselle, que j'avais occupéeprécédemment, j'avais appris à connaître les grands avantages queprocurent les arbres fruitiers. Cette commune retirait de la vente desfruits une somme de 2,700 fr. Créer un tel revenu à la commune de R...fut ma première pensée et ma ferme volonté. Avec l'assistance de Dieu,je fus assez heureux pour ne pas me laisser décourager par lesobstacles que je rencontrai, et pour arriver enfin aux résultatssuivans : « La vente des fruits produit déjà 550 fr., et paie les frais d'entretien d'une école évalués à 750 fr. au moins. « Il n'y a certainement pas beaucoup de communes dans le canton quisoient moins favorisées sous le rapport du climat, de l'exposition etdu sol, que la commune de R... « Ce qui a été possible ici ne doit donc pas être plus difficile dansles autres communes de cette partie de l'Ardenne ; c'est pourquoi jeconsidère comme un saint devoir pour moi de communiquer la manière dontj'ai agi et celle dont agissent aujourd'hui avec tant d'efforts etd'intelligence le conseil municipal et le maire de R... « En 1805, je préparai dans le jardin curial un espace que je semai ennoyaux et pépins, en 1807 je transplantai dans une pépinière 500pommiers, 480 poiriers et 300 quetschiers (prunier à prune longue)qu'avait fournis le semis. « En 1808, je greffai les pommiers et les poiriers avec des variétéstardives ; pour les quetschiers, il n'est pas nécessaire de lesgreffer, et je transplantai chaque année leurs jets enracinés, demanière qu'en 1812 leur nombre s'élevait à 2,000. « En 1830, ma pépinière contenait 4,000 sujets greffés de différens âges, de quatre jusqu'à quinze ans. « Je croyais qu'il n'y avait qu'à produire des arbres pour en donner legoût aux habitants de la commune ; mais je m'étais bien trompé :personne ne voulut accepter gratuitement un arbre pour le planter, ettous mes arbres me restèrent. Que pouvais-je en faire ? Je ne possédaisde terrain qu'un revers pierreux de montagne et mon bois de sapins. « En 1815, je plantai 4,000 quetschiers sur le revers, puis je plantaisur les bords du chemin du cimetière, long de 1,000 mètres, sur 8mètres de largeur, et autour du cimetière, des pommiers et despoiriers, en ayant soin de mettre entre deux arbres à pépins un arbre ànoyaux ; en tout 600 arbres y trouvèrent place. « En 1822, je vendis la récolte de 1,000 quetschiers, à raison de 25cent, par arbre. En 1823, ils me rapportèrent 220 fr. ; en 1824, 360fr. ; et jusqu'à 1830, une moyenne de 400 francs. « Ce beau résultat ne fut pas encore suffisant pour vaincre les préjugés de la commune. « Le maître d'école, qui jusqu'alors avait dirigé sous mes ordres lesenfants dans la culture pratique des arbres, mourut en 1830. De sonécole étaient sortis à peu près 60 jeunes gens connaissant bien laculture des arbres -, les plus âgés avaient 24 ans, et étaient enpartie établis dans le village. « Le salaire du maître d'école ne montait alors qu'à 350 fr., et il n'yavait point de pépinière communale. L'administration fixa le traitementdu nouveau maître d'école à 560 fr., et imposa à la communel'obligation de créer une pépinière. « L'impôt pour l'école monta de 4 à 8 fr. par enfant, et devint ainsitrès lourd pour la classe peu aisée. A l'exception de deux membres,toute la commune appartenait à cette classe. « Pour les soulager de ce lourd fardeau et arriver à l'accomplissementde mes projets, je leur offris mes plantations et les revenus qu'ellespouvaient produire, aux conditions suivantes : « 1° Que la commune donnerait à l'école 1 hectare de terre inculte poury établir une pépinière ; que ce terrain serait tout d'abord labouré,fumé et entouré d'une clôture ; « 2° Que tous les chemins et tous les terrains incultes appartenant àla commune, et susceptibles de produire des arbres fruitiers, seraientplantés en arbres fruitiers, par le maître d'école ; que ce dernierdevrait en planter tous les ans 400, et recevoir pour chaque arbre 1fr. 10 c. ; qu'il serait tenu de les soigner jusqu'à ce qu'ilsportassent fruit, moyennant 6 c. par arbre, qui devraient être payéspar la caisse communale ; « 3° Que le maître d'école serait tenu de donner aux habitants duvillage, qui voudraient les planter sur leur propre terrain, les arbresgreffés, âgés de sept à neuf ans, pour 25 c. la pièce, qu'il nepourrait en vendre à des étrangers qu'avec l'autorisation du conseilmunicipal ; « 4° Afin que les tuteurs ne manquent pas par la suite et qu'il n'y aitpas disette de bois, la commune devra s'engager à semer tous les ans ensapins 5 hectares de ses 75 hectares de friches (ces friches étaient demauvais pâturages dont jouissaient seulement quelques habitants), et àdonner par la suite les tuteurs qui proviendraient de ces semis , aumaître d'école et aux habitants du village, pour 6 c. la pièce ; « 5° Que les fruits et autres produits des plantations seraient vendustous les ans au profit de la commune. Sur le produit de cette vente onprélèverait 300 fr., qui, ajoutés aux 450 fr. assurés au maître d'écolepour 400 arbres à 1 fr. 10 c. qu'il doit planter chaque année,compléteraient son salaire de 750 fr. « Le conseil municipal n'accepta pas ces offres, quoique toute lacommune le voulût et quoiqu'elle en témoignât hautement le désir. Envain le maire s'efforça de faire comprendre aux membres de ce conseilles avantages qui en résulteraient, de leur faire voir les beauxrésultats que j'obtenais tous les ans. Quelque séduisant que fût monbois de sapins, la perspective d'en avoir une étendue beaucoup plusconsidérable appartenant au village, et la fondation d'une écolegratuite, ce beau projet échoua contre la considération du troupeau debêtes à laine dont jouissaient seulement quelques riches habitants quiavaient le plus grand nombre de voix dans le conseil, et ne voulaientpas sacrifier leurs petits intérêts au bien-être de la majorité deshabitans. « D'après la loi, la moitié des membres du conseil municipal furentchangés en 1831. Celle circonstance rendit de l'espoir au maire. Lechangement eut lieu, les propriétaires de moutons ne furent pasrenommés. A leur place vinrent de jeunes hommes élevés par l'ancienmaître d'école, amis des arbres et du bien public ; le maire présentade nouveau mes propositions au nouveau conseil municipal, qui lesaccepta. « Dès 1831 on mit la main à l'œuvre, les 175 ares pour la pépinière furent préparés. « Heureux d'avoir atteint ce résultat, je fis cadeau de tout ce quecontenait ma pépinière au maître d'école. Il transplanta tout de suiteles semis, et en fil de nouveaux dans la pépinière communale. Il ytransplanta également les petits sujets, et ceux de dix à quinze ansfurent plantés le long des chemins communaux et sur des revers exposésau midi. « En 1835 il avait déjà transplanté 2,000 arbres sur les communaux,avec l'aide des enfans de l'école ; en 1837 la commune avait 3,000arbres qui portaient des fruits. A la vente des fruits, chaque arbredonna un revenu de 50 c, et en 1842 un produit moyen de plus de 1,300fr. « La commune se réjouissait ; car, outre les 750 fr. pour le maîtred'école, elle avait une école qui ne lui coûtait rien, et 375 fr. dereste. C’était de hauts intérêts pour les 1 fr. 12 c. payés pour chaquearbre planté. « Le maître d'école continua à planter tous les ans 400 arbres, jusqu'àce qu'il n'y eût plus de terrain vide. Les enfants de l'école, quiavaient aidé à faite ces plantations, furent chargés de les soigner etde les protéger, charge qu'ils conservèrent après être devenus deshommes établis dans le village : pour cela chaque élève reçoit tous lesans, gratis, de la pépinière,un arbre greffé. Les suites de cette mesure eurent l'avantage de donnerle goût de l'étude, l'amour des arbres et des plantations en général.Le territoire que j'avais trouvé nu en 1804 se transforma en unverger... « En résultat, la commune possède aujourd'hui 75 hectares d'arbresverts venus sur des terrains jusque-là improductifs ; 2,500 pommiersqui couvrent à l'exposition du midi 7 hectares 1/2 de revers demontagne. Elle a un bâtiment communal attenant à la maison d'école,dans lequel se trouve le pressoir pour faire le cidre. On faitactuellement dans les bonnes années jusqu'à 1,800 hectolitres de cidreet 4 à 500 hectolitres de vinaigre. Si l'on ne compte en moyenne que 4fr. par hectolitre, et que 800 hectolitres par an, on trouve que lacommune a un revenu d'environ 3,000 fr., avec lesquels elle peut payertous les impôts et charges communales. « Les quetschiers portent tous les deux ans ; les fruits sontemployés dans les ménages en partie frais, en partie secs, et le resteest converti en eau-de-vie. Les habitans de la commune possèdent 8,000quetschiers, dont 6,000 sont en rapport et produisent un revenu enargent comptant de 3,800 fr. par an. Comme les arbres sont trèséloignés les uns des autres, ils nuisent peu aux récoltes. Les plantations d'arbres ont aussi fait prospérer le métier detonnelier. La commune compte dix maîtres tonneliers et 30 apprentis. » * * * Tome III. - 3e année. - 12e livraison. - juin 1846. DIRECTION GÉNÉRALE DE L'AGRICULTURE ET DES HARAS. Lorsque dernièrement une mort déplorable atteignait M. Dittmer, aumilieu d'une carrière honorablement parcourue, et à laquelle de longsjours semblaient encore réservés, tous ceux qui en France s'intéressentà l'industrie chevaline, en furent vivement affectés. C'est que poureux , il ne s'agissait pas seulement de la perte d'un bon citoyen, d'unhomme de cœur, d'un administrateur éclairé ; ce qui, dans un intérêtgénéral, préoccupait tous les esprits, était de savoir comment ilserait remplacé, et de fâcheux exemples faisaient craindre quel'intrigue et la faveur, jouant en cette circonstance leur rôleordinaire, n'amenassent l'avènement d'une nullité privilégiée dontl'incapacité viendrait ouvrir une plus large porte à des abus déjà tropnombreux. On ne saurait en effet se le dissimuler, il a existé, il existe encoredes abus dans celte administration ; et pour elle-même comme pour lepays, il faut qu'il y soit mis un terme. Qu'on se garde cependant deprendre ce que nous disons comme une attaque contre la mémoire de celuiqui en était l'âme et pour ainsi dire la personnification. Nous ledisons hautement, et ses ennemis, ou plutôt ses adversaires, car unpareil homme ne doit pas avoir d'ennemis, ses adversaires eux-mêmes enconviennent, M. Dittmer était un homme supérieur. Malheureusement,comme pour donner une nouvelle preuve que rien ici-bas ne peut êtreparfait, il lui manquait une chose, une seule, mais sans laquelle iln'est pas d'homme de cheval complet : il n'avait pas été élevé aumilieu des chevaux, et n'avait pas eu l'occasion d'acquérir de jeuneâge les connaissances pratiques que réclamait sa position. Autant qu'ilétait humainement possible de le faire, il y avait suppléé par letravail et l'étude, et tout ce que peut, enseigner la théorie, il lepossédait. Personne mieux que lui d'ailleurs ne savait écouter etmettre à profit les idées qui lui étaient soumises. Cependant il existedes bornes qu'il n'est donné à personne de franchir : il avait dûs'arrêter, et malgré sa capacité, son intelligence et son zèle, il estde certaines nuances, de certaines subtilités, si je peux m'exprimer dela sorte, qu'il n'avait, qu'il n'aurait jamais pu ni saisir nicomprendre. La conséquence en est facile à déduire, et expliquecomment, avec d'excellentes intentions, il a pu commettre plus d'uneerreur, et faire même quelquefois le contraire de ce qu'il avait voulu,de ce qu'il avait cru faire. De là des plaintes et des accusations qui,pour n'être pas toujours sans fondement, n'en étaient pas moins à sesyeux d'une haute injustice ; de là conséquemment de vives contrariétéset d'amères déceptions qui n'ont peut-être pas été étrangères aufuneste événement que nous déplorons autant que personne, et danslequel nous ne savons qui regretter le plus, de l'homme public ou del'homme privé. Il faut donc le reconnaître, jamais directeur général d'uneadministration des haras auquel manqueront les connaissances pratiques,ne pourra, quel que soit son mérite sous tout autre rapport, remplirses fonctions d'une manière complètement satisfaisante. Or cesconnaissances se rencontrent si rarement dans les hautes classes de laSociété, on en a d'ailleurs si peu tenu compte dans la distribution desemplois, depuis qu'il existe des haras en France, que les inquiétudesde l'industrie, à l'annonce delà mort de M. Dittmer, sont faciles àconcevoir. Sa place serait-elle donnée à un homme influent mais sansspécialité, conséquemment incapable de rien juger par lui-même ; leserait-elle au contraire, toute autre considération cessant, à un hommedont le principal titre de recommandation serait une spécialité qui luipermît de tout voir, de tout apprécier sans le secours d'unintermédiaire ? Telle était la question qu'avait à résoudre M. leMinistre de l'agriculture, et dont la solution était attendue avec uneanxiété d'autant plus vive, que, par le temps qui court, certainescombinaisons que nous n'avons pas à qualifier ici, accordent de bienautres chances aux hommes à qui les places conviennent, qu'à ceux quiconviennent aux places. Dans cette circonstance cependant, M. leministre de l'agriculture, nous sommes heureux d'avoir cette justice àlui rendre, n'a pas hésité à suivre la marche que lui traçaient lesvéritables intérêts du pays, et à ne laisser déterminer son choix pard'autres considérations que celles de l'aptitude et de la capacité. Ila bien à la vérité pris, pour y arriver, une voie quelque peu détournée; mais comme en définitive le résultat est le même, et que c'est unechose presque inouïe que les faveurs du pouvoir tombant sur despersonnes qui n'y ont point d'autre litre que leur spécialité, ilserait de mauvais goût de joindre une critique même légère à des élogessi bien mérités. Voici donc comment a procédé M. le Ministre. Il a réuni la directiongénérale de l'agriculture et des haras au secrétariat-général duministère. Il a de plus créé une place de sous-directeur del'agriculture et des haras. Or quiconque sait ce que sont les fonctionsde secrétaire général, quelque bien connue que lui soit la hautecapacité de celui qui les remplit en ce moment, comprendra qu'y enajouter d'autres auxquelles suffisait à peine un homme de l'étoffe deM. Dittmer, serait demander de l'humanité plus qu'il n'est permis d'enattendre. Aussi est-il évident que tout le travail roulera sur lesous-directeur. Cette combinaison, nous le répétons, pourrait prêter àla critique, mais les causes qui l'ont fait éclore sont faciles àapercevoir, et l'on doit tenir compte de certaines difficultés deposition. La direction sera donc en réalité aux mains dusous-directeur, et c'est du choix de celui-ci que nous avons à nousoccuper pour apprécier ce que doit attendre l'industrie chevaline de lamarche adoptée par M. le Ministre de l'agriculture. M. Gayot n'est pas de ces hommes que le hazard ou la protection jettentd'emblée dans des emplois pour lesquels rien ne les avait préparés.Fils de ses œuvres, il est de ceux au contraire qui ont commencé par lecommencement. Dès sa jeunesse des études consciencieuses le disposèrentpour la carrière qu'il devait parcourir. Ce ne fut qu'après avoir passépar les grades inférieurs, et les établissemens secondaires, qu'il estarrivé enfin à diriger successivement les deux grands haras du royaume.Travailleur infatigable, écrivain distingué, il n'a cessé de fairemarcher de front la pratique et la théorie et de se livrer surtout dansles dernières années à des essais de toute espèce. Ayant résidé plus oumoins longtemps dans les diverses provinces de production, il est plusque personne en position d'apprécier les ressources qu'elles possèdent,et les moyens de les féconder, sans être forcé de recourir auxrenseignemens trop souvent trompeurs de tiers ignorans ou intéressés.Longtemps confondu dans la foule, il a pu voir de près certaineschoses, connaître certains abus, en souffrir peut être le premier, êtreinitié en un mot à une foule de détails qui échappent nécessairement àceux qui de plein saut arrivent au faîte de l'échelle. Nul plus que luin'est donc à même de donner à l'administration une impulsionsatisfaisante, et démettre un terme à des plaintes, nous devons enconvenir, trop souvent justes et fondées. Il lui faut pour cela ducourage, nous ne le lui dissimulons pas ; mais il faut aussi qu'il sedise que si le ministre en le choisissant, n'a pas craint de dérogeraux habitudes, et de s'attirer peut-être de vives inimitiés, il a ledroit d'attendre de lui autre chose que de se traîner dans l'antiqueornière , comme le pourrait le premier venu. A cet effet il est un point sur lequel dès aujourd'hui nous appelleronsson attention, parce qu'à nos yeux ce point est capital, et que c'estpour l'avoir négligé, ou du moins pour avoir paru le faire, quel'administration s'est vue attaquée de la manière la plus vive : nousvoulons dire l'encouragement de l'industrie privée. Non pas qu'il entredans notre pensée de soulever ici la grande question de savoir si cettedernière pourrait, dès à présent, avec des encouragemens convenables,suffire aux besoins de la production. Quelle que soit à cet égard notreopinion personnelle, nous admettrons même sans discussion, si l'onveut, la nécessité de la coopération directe de l'État. (Nous neparlons ici, bien entendu, que de la production ordinaire ; quant àcelle des types, l'indispensable nécessité de cette coopération ne nousa jamais paru pouvoir être l'objet d'un doute.) Mais nous dirons qu'ensupposant reconnu que les dépôts d'étalons doivent être conservés,augmentés même, il est une chose dont l'administration doit sepréoccuper avant tout, aussi bien dans son intérêt particulier que dansl'intérêt général, c'est de se montrer plus large et plus intelligentequ'elle ne l'a été jusqu'à ce jour, dans ses encouragemens àl'industrie privée : et par là nous n'entendons pas seulementl'application de primes plus élevées, mais encore un ensemble demesures réellement capables d'activer le développement de cetteindustrie. Ce n'est point ici le moment d'entrer dans des détails, trop importantspour être traités à la légère, et nous leurs consacrerons incessammentun article spécial où nous espérons pouvoir indiquer à l'administrationune marche infiniment préférable à celle qu'elle a suivie jusqu'à cejour, et qui pourra concilier lotis les intérêts. Contentons-nous quant à présent de lui dire que si, plus d'une fois ,dans l'intérêt du pays, nous avons cru devoir lui signaler ce qui noussemblait des erreurs, nous n'en avons pas moins été mus uniquement àson égard par des sentimens de bienveillance ; que nul n'est plusdisposé à reconnaître le bien qu'elle pourra faire ; qu'enfin,convaincus des services qu'elle est capable de rendre, nul ne forme desvœux plus sincères pour sa conservation et sa consolidation. Telle estla cause qui nous fait chaudement applaudir au choix qui nous occupe ence moment, persuadés que nous sommes de l'heureuse influence qu'il estde nature à exercer. Que celui qui en est l'objet cependant ne s'étonnepas de nous trouver parfois quelque peu exigeans : c'est qu'il nesaurait nous donner l'inexpérience pour excuse. F. PERSON. HYGIÈNE PUBLIQUE. — ANIMAUX DE BOUCHERIE. L'Académie de médecine de Caen s'est préoccupée, comme on se préoccupeactuellement en Allemagne et en Prusse, d'une question qui intéressehautement la salubrité publique : c'est-à-dire des mesures à prendrepour que les animaux destinés à la Boucherie soient amenés sur lesmarchés ou conduits aux Abattoirs, sans éprouver de ces tortures quinuisent essentiellement à la qualité de la viande. Ce qui paraît avoir fixé plus particulièrement l'attention du corpssavant, c'est l'état dans lequel les veaux sont traités dans letransport et sur la place du marché. Ces malheureux animaux, lesquatres pattes liées ensemble et souvent tellement serrées que lescordes pénètrent dans les chairs, tuméfiées et presque gangrenées, sontjetés pêle-mêle dans une charrette, la tête pendante et heurtée àchaque secousse contre les montants de la voiture ; arrivés sur lemarché, ils sont étendus tantôt sur un sol glacé, sous une pluiebattante, où l'on petit les voir grelotter, ou bien sous un soleilbrûlant qui les asphyxie à demi. Il est aisé de comprendre que des animaux qui, avant d'être tués, ontéprouvé de telles souffrances, ne peuvent fournir une nourriture aussibonne que s'ils arrivaient à l'abattoir sains et bien portants. Il y a,pour la plupart des consommateurs, répugnance bien naturelle à mangerde la chair d'animaux morts accidentellement ou d'une maladiequelconque ; or, presque tous les veaux qui sont mis en vente sur lesmarchés sont gravement malades quand on les met à mort, etvraisemblablement un grand nombre périraient de diverses maladies, sion les retirait du marché avec intention de les conserver. Nous félicitons notre académie de médecine de ses bonnes intentions,tout en regrettant qu'elles ne se réalisent pas plus tôt. Il est del'intérêt général que l'avis de ce corps compétent vienne éclairerl'administration sur ce qu'il convient de faire pour la santé publique; il est de l'intérêt même du corps qui a pris cette honorableinitiative, de ne pas se laisser devancer et, à cet effet, de publiersans retard le rapport de sa commission. Voici au surplus, pour aider cette commission dans l'accomplissement de sa tâche, les documents que nous trouvons dans l’ Union Agricolesur ce qui, par ordonnances royales et par arrêtés administratifs, sepratique en Bavière, en Saxe et autres Etats de l'Allemagne, dans ledouble but d'hygiène publique et de souffrances inutiles épargnées auxanimaux. Provisoirement il est prescrit : « 1° De ne plus lier les veaux au moyen de cordes trop tranchantes, etde se servir de préférence de paille tordue, afin d'éviter de lesblesser, « 2° De ne plus lier ensemble que deux pieds, d'une part, ceux dedevant, de l'autre, ceux de derrière, au lieu de les réunir tous quatredans un même lien, « 3° Le cou et la bouche du veau doivent rester libres de toute entrave, « 4° Le conducteur est tenu de veiller à ce que les veaux soientcouchés à l'aise sur une quantité de paille suffisante, et de manièreque leur tête se trouve un peu plus élevée que le reste du corps, ou dumoins qu'elle ne pende pas au dehors de la charrette. » Cette ordonnance, qui est du 28 avril 1843, a reçu le 15 avril dernier,un article additionnel qui défend la transport des animaux destinés auxabattoirs durant la saison chaude, si ce n'est le matin, le soir et lanuit. En Prusse, depuis longtemps déjà, les marchands de bestiauxtransportent les veaux en liberté dans des voitures construites exprès.L'association de Berlin leur a adressé des félicitations à ce sujet. Enfin, la même société vient de publier un écrit qui porte la signaturede 27 des médecins les plus distingués de Berlin, sur les dangers qu'ily a pour la santé de l'homme de manger de la viande d'animaux surmenésou garottés. OBSERVATIONS SUR DEUX ARTICLES DU RECUEIL DE MÉDECINE VÉTÉRINAIRE PRATIQUE. Nous nous sommes souvent demandé si ce n'était pas abuser de lapatience du lecteur, que de revenir sans cesse sur le même sujet, et dene laisser échapper aucune occasion de lui parler chevaux, questionchevaline, hippologie. Plus d'une fois même une sorte de honte nous afait tomber la plume des mains. Cependant ces questions sont si peucomprises même des hommes qui sembleraient devoir être le pluscompétens, que, mal qu'on en ait, pour qui sent leur importance, ilfaut bien y revenir encore et toujours, dût-on s'exposer à s'entendretraiter de rabâcheur. Ces réflexions nous sont suggérées par la lecture de deux articles d'unrecueil d'hippiatrique que publient plusieurs de nos plus célèbresprofesseurs dans l'art vétérinaire. Ces articles portant le titred'analyses et consacrés à la Normandie agricole,sont rédigés, nous nous empressons de le reconnaître, avec toute laconvenance et l'urbanité que l'on peut attendre d'un homme de bonnecompagnie, ce qui redouble nos regrets d'avoir à le combattre. Nous ne parlerons pas de certaines contradictions qu'il a cru découvrirdans divers articles de notre journal. Nous lui rappellerons seulement,ce que nous avons dit et répété cent fois, que la Normandie agricoleest une tribune que nous avons entendu ouvrir à toutes les opinionsconsciencieuses ; que loin de la vouloir monopoliser au profit dequelques individus, nous faisons appel au contraire à tous les hommesdévoués ; qu'enfin ne nous proposant d'autre but que la recherche de lavérité, nulle théorie, fût-elle en opposition directe avec les nôtres,ne serait repoussée par nous, sauf à chacun le droit de la discuter. Ilrésulte de là, que plusieurs personnes ayant traité les mêmes sujets,n'ont pu manquer surtout dans la question si complexe des chevaux,d'émettre des idées différentes, et dont il n'est pas difficile àcoup-sûr de faire sortir des contradictions Pour qui veut exercer unecritique sérieuse et utile, ce n'est pas ainsi, ce nous semble, quel'on doit procéder. Que l'on prenne une série d'articles du mêmeauteur, qu'on les soumette à l’analyse, qu'on les discute, qu'on lescombatte, rien de mieux ; mais mettre en regard les idées de deux outrois écrivains différens, qui souvent même ont envisagé les questionsd'un point de vue opposé, c'est se préparer un triomphe par tropfacile, et qui ne nous paraît pas digne d'un aussi habile jouteur. Ceci soit dit en passant, car si les observations de M. M*** n'eussenteu pour résultat que de froisser quelques amours-propres, le nôtreinclus, nous nous serions bien gardé de desserrer les dents. Mais nousavons remarqué dans son travail une erreur grave, qui touche aux pluschers intérêts de la France, et nous croyons devoir la relever, quelque soit d'ailleurs notre éloignement pour toute espèce de polémique.Voici le fait : Dans une suite d'articles publiés sous le titre de Question chevaline au Congrès central d'agriculture,nous avions dit que l'insuffisance de la production du cheval de luxeen France étant constatée, et la nécessité de l'intervention dugouvernement étant reconnue, nous pensions que pour être fructueuse,celle-ci, nécessairement toujours limitée, devait être concentrée surles localités qui se montraient les plus propres à ce genre deproduction. Nous ajoutions que l'on aurait tort d'en conclure que nousentendissions par-là réclamer un privilège en faveur de ces localités,attendu que cette espèce de produits était loin d'être lucrative ; maisqu'en fût-il autrement, nous ne voyions pas pourquoi telle provincesusceptible de produire de meilleurs chevaux, ne les fournirait pas auxautres provinces, de même que celles-ci lui fournissent à leur tour lesdenrées qui leur sont propres, etc. A cela qu'objecte M. M*** ? Sous prétexte, dit-il, que la Normandie estplus propre que les autres provinces à la production des chevaux deluxe, les éleveurs du Calvados réclament des privilèges toutparticuliers... (Suit la citation de ce qui précède). Il ajoute : «Est-ce que la Bourgogne, le Médoc ou le Languedoc demandent des primesd'encouragement pour leurs produits, réclament l'interdiction del'entrée des produits similaires ? Est-ce que les droits de douane, lesdroits réunis, les octrois ne portent pas atteinte à leur industrie ?Est-ce que pour les chevaux, il est rien de semblable ? Est-ce qu'ungrand nombre de poulinières ne reçoivent pas annuellement des primesélevées ? Est-ce que l'administration ne fait pas de grands sacrificespour mettre à la disposition des éleveurs les meilleurs étalons ? etc.,etc. ? Sans doute : mais qu'est-ce que cela prouve ? Rien ; sinon que M. M***est complètement à côté de la question, et se donne une peine bieninutile à s'escrimer contre des moulins à vent. Il a pris pour le coup Le nom d'un port pour un nom d'homme ! Mais procédons par ordre ; et d'abord, pourquoi les éleveurs duCalvados, s'il vous plaît ? Est-ce que nous avons rien demandé pour euxen particulier ? Certes le Calvados est une des localités qui de toustemps se sont montrées le plus propres à la production chevaline ; maiselle n'est pas la seule, et nous n'avons jamais prétendu dans cettecirconstance, le séparer des autres parties de la Basse-Normandie, nide l'Anjou, ni du Limousin, ni de la Navarre, ni de toute autrecontrée, s'il en est, qui aient fait preuve de cette aptitude, de cettedisposition spéciale, dans des proportions convenables. Maintenant que signifie, nous vous le demandons, votre parallèle entreles chevaux et le vin ? Oh ! si la question chevaline était une affaireuniquement industrielle, agricole ou commerciale, nous concevrionsvotre raisonnement quoiqu'il ne fût guère difficile d'y répondre. Maissoyez parfaitement tranquille, si la Normandie ne la considérait qu'àce point de vue, elle ne demanderait ni privilèges, ni subventions, niprimes, ni faveurs de l'administration, ni même d'administrationd'aucune espèce (chevalinement parlant, bien entendu). Elle planteraitlà MM. les chevaux de luxe, et les remplacerait par des bœufs et deschevaux de trait, qu'elle sait faire assez passablement quand elle veuts'en donner la peine. Les uns et les autres exécuteraient beaucoupmieux ses travaux agricoles, et obtiendraient en tout temps et partoutun débouché avantageux ; car pour ceux-là elle ne craint pas plus laconcurrence, que la Bourgogne, le Médoc et le Languedoc pour leursvins. Ainsi qu'on se rassure, quand les Normands n'envisageront laquestion chevaline qu'au point de vue de leur intérêt privé, ils nedemanderont rien à personne, et laisseront le gouvernement parfaitementlibre d'en agir à sa fantaisie. Mais la question qui les préoccupe ence moment et dans laquelle ils réclament l'intervention dugouvernement, est d'une nature tout-à-fait différente. Il s'agit defaire produire à la France des chevaux propres au service de lacavalerie, en quantité suffisante pour satisfaire aux besoinsordinaires et extraordinaires. C'est là, s'il en fut jamais, un intérêtgénéral et commun à toutes les provinces. La France ne peut pas plus sepasser de cavalerie que de places fortes, de matériel de guerre, devaisseaux. Or, la production du cheval de luxe et celle du cheval deguerre qui sont inséparables, est essentiellement dispendieuse,présente beaucoup plus d'inconvéniens que d'avantages, et ne saurait —les avis sont unanimes à cet égard — se passer des secours dugouvernement. Maintenant existe-t-il des provinces plus propres qued'autres à la production de cette espèce de chevaux ? S'il en existe,lequel vaut le mieux dans l'intérêt commun, que le gouvernementconcentre ses efforts sur elles, pour y développer la production auniveau des besoins, ou qu'il continue, comme il l'a fait jusqu'à cejour, à les éparpiller sur tous les points du territoire ? En d'autrestermes, est-il préférable, avec une somme égale d'efforts et dedépenses, d'obtenir d'excellens produits ou des produits médiocres ?Voilà toute la question ; libre à chacun de la résoudre à sa guise. Seulement, de ce que nous réclamons la solution qu'indique le bon sens,qu'on ne vienne pas nous accuser de solliciter un privilège en faveurde telle ou telle localité. Il ne s'agit pas on effet de savoir sil'Etat doit ou non donner des encouragemens ; on est d'accord à cetégard : mais bien où il doit les placer. Or, en les appliquant auxlocalités qui produisent le mieux un objet indispensable pour toutes,ce ne serait nullement dans un intérêt privé qu'il agirait, mais biendans un intérêt général. En effet, pourquoi est-il forcé de donner desencouragemens ? C'est que la production n'est pas au niveau des besoins: c'est que de toutes elle est la plus dispendieuse, la plus chanceuse,la plus ingrate ; c'est qu'aujourd'hui, malgré ces prétendues faveursdont nous accable, dit-on, le gouvernement, la moitié au moins de nosécuries sont pleines de chevaux de trait, et que chaque jour en voitaugmenter le nombre, Un privilège ! Eh ! ce n'est pas même unecompensation ; et si nous réclamons pour nos localités la totalité desefforts de l'administration, ce n'est ni comme Normands, ni commeAngevins, ni comme Limousins, ni comme Béarnais, mais uniquement commeFrançais. Si nous n'écoutions que la voix de notre intérêt privé, noustiendrions un tout autre langage. Plût au ciel que d'autres provincespossédassent au même degré la faculté qu'on nous envie ! Ellesverraient avec quel empressement nous leur concéderions ce qu'ellesappellent nos privilèges. Mais sait-on ce qu'ils réclament ceux quinous les reprochent si amèrement ? Dans le Poitou, dans le Midi, desétalons mulassiers. En Bretagne, dans le Nord, dans l'Est, dans leCentre, partout, des étalons de trait. Des chevaux de luxe, des chevauxde cavalerie, nulle part ! Personne n'en veut, et pour cause. Telle estl'exacte vérité. Ont-ils tort ? Non sans doute, chacun veut produire cequ'il produit le mieux et lui rapporte davantage ; c'est tout simple. Nous ne pousserons pas plus loin l'examen des analyses de M, M***. Lesautres points qu'il a traités sont d'une moindre importance, et nousn'avons en général que des éloges à donner à la rectitude de sesjugements et de ses aperçus. D'ailleurs, nous le répétons, nul plus quenous n'est ennemi de toute espèce de discussion. Mais nous nous sommescrus d'autant plus obligés d'entrer avec quelques détails dans laquestion des encouragemens, qu'il y a longtems que nous sommes fatiguésde ces accusations banales qui nous deviennent doublement pénibles,lorsqu'elles nous sont adressées par des hommes au mérite desquelspersonne plus que nous n'est disposé à rendre justice. Disons donc, puisque l'occasion se présente, disons hautement et que tout le monde l'entende, s'il est possible : Que la Normandie est la province de France la plus capable, à peu dechose près, la seule capable de produire en abondance le carrossier, lecheval à deux fins, le cheval de réserve, le cheval de ligne ; Qu'elle ne demande pas mieux que de se livrer à cette production dans la proportion des besoins du pays ; Mais qu'elle ne veut ni n'entend faire la guerre à ses dépens ; Que celte espèce d'industrie étant tout autre chose qu'avantageuse,c'est à ceux qui ont intérêt à son développement, d'y employer desencouragemens convenables ; Qu'autrement d'ici à peu d'années, ils la verront anéantie ; Que loin de favoriser la Normandie, d'une manière toute particulière ,comme le répètent journellement des gens qui ne voient que la surfacedes choses, l'administration au contraire lui rend le plus mauvais desservices, en l'entraînant dans un genre de production ruineux, et quesi le gouvernement ne peut faire davantage, il sera parfaitement bienvenu de ne rien faire du tout, parce qu'alors l'industrie se lanceradans des voies plus avantageuses, et où elle n'aura besoin du secoursde personne. F. PERSON.
LES MELONS, RAPPORT FAIT A LA SOCIÉTÉ D’HORTICULTURE DE CAEN, PAR M. MANOURY, SUR UN NOUVEAU PROCÉDÉ EMPLOYÉ PAR M. J. LENVOISÉ, JARDINIER EN CHEF DE L'HÔTEL-DIEU DE CAEN, POUR LA TAILLE DES MELONS (1). Les Melons, on ne le sait que trop, sont exposés à une maladie appeléechancre, qui fait souvent périr les parties qui en sont affectées. Elleest, dit-on, le résultat de la taille ou de la piqûre d'un insecte ;mais, quoiqu'il en soit, elle est toujours occasionnée par uneagglomération de sève qui peut aussi bien s'attaquer aux melons nontaillés, c'est-à-dire aux plantes sur lesquelles aucune coupe n'a étéfaite, et qui sont ce qu'on appelle, à tout laisser aller.En effet, ces dernières plantes, ordinairement plus vigoureuses quecelles qui ont été assujetties à une taille réglée, ont souventplusieurs branches très-fortes qui, partant du même point, forment versleur base un empatement dans lequel la sève s'agglomère en si grandequantité qu'elle déchire les organes qui devraient la contenir et ydétermine des épanchements mortels. Le remède à celle maladie n'est pasencore bien trouvé ; cependant il est certain qu'en faisant disparaîtreles causes connues, on en diminuera du moins les ravages. Lorsqu'unegraine de melon lève, elle sort de terre avec deux feuilles séminales,productions charnues qui servent à la nourriture de la plante pendantson jeune âge ; il sort du centre de ces feuilles séminales, appeléesencore cotylédons, un bourgeon qui a d'abord une direction droite etqui émet des feuilles. Les deux premières sont très-près des cotylédonset sont elles-mêmes rapprochées l'une de l'autre ; elles ont dans leursaisselles, ainsi que les cotylédons, des yeux ou bourgeons capables deproduire des branches vigoureuses. Ordinairement, lorsque la troisième feuille au-dessus des cotylédonsest formée, on commence la taille qui consiste dans la suppression dubourgeon terminal et de la feuille qui l'accompagne. Cette premièreopération est appelée castration; elle est nécessaire pour faire développer promptement les yeux quiexistent dans les aisselles des deux premières feuilles, dont lesbourgeons, poussant horizontalement, s'appliqueront sur la terre dechaque côté de la plante et en commenceront la charpente. Non-seulementceux-ci se développent par ce moyen, mais ceux que renferment lesaisselles des cotylédons se développeraient en même temps, si on ne lessupprimait avec la pointe d'un greffoir. En les conservant, on auraitquatre branches partant presque toutes du même point de la tige, et parconséquent un empatement considérable qui ne manquerait pas de donnernaissance à la maladie dont nous avons parlé. On diminue la cause dumal en supprimant les deux yeux qui sont dans les feuilles séminales,et en ne formant la charpente qu'avec les deux bourgeons sortis desvraies feuilles ; mais on a beau supprimer ces yeux avec tout le soinpossible pour ne pas attaquer la tige, il reste toujours une ouplusieurs petites plaies qui, très-voisines les unes des autres et fortrapprochées de la base des grosses branches, forment bientôt unbourrelet qui occasionne un chancre. M. Julien Lenvoisé, jardinier en chef de l'Hôtel-Dieu de Caen, s'étantaperçu que, par le procédé qui lui était commun avec la plupart desjardiniers, ses melons étaient souvent attaqués par le chancreavant la maturité des fruits, M. Lenvoisé, disons-nous, avec l'adresseet l'intelligence qui lui sont propres, a essayé plusieurs moyens pourprévenir le développement de celle funeste maladie : 1° Il a, dans ce but, taillé une certaine quantité de ses plantes àdeux feuilles au-dessus des cotylédons et il a laissé se développertous les rameaux dont les feuilles séminales et les feuilles conservéescontenaient le germe. Il y a eu bourrelet, puis chancre, comme cela a lieu ordinairement. 2° Il a taillé d'autres plantes de la même manière, mais en supprimantavec précaution les rameaux produits par les cotylédons : pour cela ila choisi le moment où le soleil était le plus ardent ; il a enlevé cespetits rameaux avec la pointe d'un greffoir et a mis sur la plaie unepincée de verre pilé, cette plaie s'est desséchée presqueinstantanément sans aucune perte de sève ; mais il s'y est de mêmeformé un bourrelet et le pied s'est chancré comme dans l'autre méthode. 3° Sur d'autres plantes il a laissé une feuille de plus ; il a enlevéle bourgeon qui se serait développé dans son aisselle et a suivi pourle reste le procédé de taille n° 2. Le bourrelet s'est formé et le chancre a paru un peu plus tard, mais encore assez tôt pour tuer la plante avant la complète maturité des fruits. 4° Enfin, il a voulu isoler les branches, de sorte que leur base ne setrouvât pas au même point, et pour y parvenir il a supprimé nonseulement les deux petits rameaux des cotylédons, mais encore ceux desdeux premières feuilles, de cette manière il s'est établi sur lestroisième et quatrième feuilles qui, pour l'ordinaire, sont assezdistantes l'une de l'autre. Il a ensuite chaussé sa plante. Le succès le plus complet a couronné son attente ; c'est-à-dire qu'aucun pied n'a présenté de chancre,que les fruits sont devenus plus beaux et qu'ils sont arrivés à leurmaturité complète sans qu'aucune maladie vint les altérer. Une pareille expérience ne souffre aucune réplique. On doit donc,aussitôt que les plantes de melons se développent, enlever les petitsbourgeons qui se trouvent dans les cotylédons et dans les deuxpremières feuilles, afin d'exciter le développement des autres partiesdu végétal ; supprimer la cinquième feuille ainsi que le bourgeonterminal, chausser ensuite laplante et traiter les yeux des troisième et quatrième feuilles suivantles procédés connus. De cette manière le point où se forme d'ordinairele bourrelet se trouvant caché sous la terre, aucun chancrene se forme ; loin de là, il se développe sur ce point des racines quivivifient la plante ; d'un autre côté, les branches qu'on peut paranalogie appeler charpentières, se trouvant distancées l'une del’autre, la sève peut circuler plus facilement. On obtient donc parcette méthode des plantes parfaitement saines, et par suite des fruitsplus nombreux et dont la maturité est plus assurée. Nous saisissons avec empressement celle occasion de faire connaître aupublic un perfectionnement aussi important, apporté par M. Lenvoisédans la taille des melons, et de rendre à cette intelligent etlaborieux Horticulteur la justice qui lui est due. (1) Extrait du Bulletin de mai de la Société ENGRAIS. — CONSERVATION DES URINES. Dans un de nos derniers n os nous avons publié un rapportfait par M. Durand, professeur de pharmacie, sur les procédés dedésinfection des urines et madères fécales, employés par la compagnieBaronnet. Ce rapport, reproduit par plusieurs journaux de la localité,ayant été l'objet d'observations en ce sens qu'il doit y avoirexagération dans les évaluations d'azote que l'on pourrait conserver auprofit de l'agriculture, M. Durand, pour justifier ses assertions, arépondu par une lettre que nous reproduisons à notre tour, bien moinsdans l'intention de prendre une part quelconque à la discussionengagée, que pour fixer de plus en plus l'attention générale sur lanécessité de conserver l'un des plus abondans et des plus précieuxengrais (1). Voici la lettre de M. Durand au Pilote du Calvados : « …. Pour donner une idée de l'importance qu'on doit attacher à larécolte des urines et des matières fécales, considérées comme engrais,j'ai admis, d'après M. Liebig, que les excréments liquides et solidesd'un homme sont, pour une année, de 283 kilo, et qu'ils renferment 3p.% d'azote ; j'ai ajouté que, par suite de ce calcul, on pouvait direque la quantité d'azote ainsi éliminée pendant une année, par unepopulation comme celle de Caen, est susceptible de produire 16 millionsde kilogr. de froment. « Un de vos abonnés a crudevoir avancer que cette proportion d'azote (3 pour cent), ne peut setrouver dans le mélange des urines et des matières fécales,conséquemment qu'il y a exagération dans le résultat que j'ai indiqué.Il va jusqu'à supposer des fautes d'impression dans le paragraphe d'unouvrage de M. Liebig ( Chimie appliquée à la physiologie végétale et à l'agriculture,t. 1, p. 269), où cette question est traitée. Une pareille suppositionne peut être soutenue, puisque, à la page 159 de sa chimie organique(introduction) le même auteur admet encore 3 pour cent d'azote dans lesmatières excrémentielles. « Mais, si d'un côté, l'analyse ne constate que rarement trois pourcent d'azote dans le mélange des urines et des matières fécales qui n'apas encore perdu d'eau, d'un autre côté, il est évident que M. Liebig,qui ne porte qu'à 3/4 de kilogr. par jour les excréments liquides etsolides d'un homme, est bien au-dessous de la quantité réelle. « Il est inutile de s'arrêter ici plus long-temps, la question àlaquelle j'ai sérieusement affaire, est celle-ci : la population deCaen élimine-t-elle chaque année, par les urines et les excréments unequantité d'azote capable de produire 16 millions de kilogr. de froment? Pour y répondre de la manière la plus décisive, il fallait apprécierla quantité et la qualité des matières alimentaires dépensées pendantun an et déterminer ensuite le chiffre de l'azote qu'elles renferment.C'est ce que j'ai fait. Voici le résultat de mes recherches : laquantité de pain, de viande de boucherie et de charcuterie, devolailles, de poisson, en y comprenant le hareng et la morue, defromage, de lait, d'œufs, de chocolat, de thé, de lentilles, de pois,de pommes de terre, dépensée pendant une année à Caen comme matièrealimentaire, renferme assez d'azote pour produire au moins 19 millionsde kilogrammes de froment. « Mais par quelles voies est évacué l’azote de nos aliments ? Par lesreins, la bile et les excréments, et par les divers mucus qui n'enrejettent qu'une faible quantité. Nous devons donc retrouver à peu prèstout l'azote de nos aliments dans les urines et les excréments (2),moins celui que nous emportons avec nous dans la tombe, mais qui n'estpas en quantité considérable, car M. Liebig ne l'estime, pour chaqueindividu , qu'à 1 kil.1/2. « Avant d'exposer les conséquences de ce calcul, j'en fais un autre. M. Liebig dit, dans son traité de Chimie organique(édition de 1840), introduction, page 161, qu'avec un kilogrammed'urine on peut reproduire un kilogramme de froment ; ce que M. Dumasrépète dans le 8e volume de sa Chimie, page 717. « Et maintenant quelle est la quantité d'urine qu'une personne rend en24 heures ? Voici ce qu'on lit dans le volume de M. Dumas que je viensde citer, page 545 : « La moyenne de 48 expériences donne 1,268 grammesd'urine ; mais chez les uns la quantité d'urine sécrétée n'atteint pasce chiffre ; chez d'autres elle le dépasse toujours. » Quoiqu'il ensoit, il n'y a certainement point d'exagération à admettre que chaquejour la ville de Caen peut rendre 40 mille kilogrammes d'urine humaine.Or, 40 mille kilogrammes d'urine représentent 40 mille kilogrammes defroment, et ce chiffre multiplié par le nombre de jours de l'année,c'est à dire par 365, donne 14 millions de kilogrammes de froment. Ilreste à évaluer les excréments qui représentent bien, et au-delà, lehuitième en azote de la valeur de l'urine dans la production dufroment, d'autant plus qu'ils proviennent d'une population qui dépensebeaucoup de substances azotées. « Ainsi, par l'un ou l'autre de ces calculs, j'arrive à justifieramplement ce que j'ai avancé dans mon rapport. Mais qu'on le remarquebien, si je dis qu'il y a d'éliminé chaque année dans notre ville unequantité d'azote susceptible de produire 16 millions de kilogrammes defroment, je suis loin de prétendre que ce sera précisément cettequantité qu'on obtiendra ; il faut s'attendre à une perte plus ou moinsconsidérable ; on approchera d'autant plus près de ce chiffre que lesmatières excrémentielles seront recueillies et désinfectées avec plusde soin. « Du reste, quand on supposerait, dans cette appréciation que j'avaisdonnée, quelque exagération (et j'ai démontré que mon chiffre étaitexact), je ne vois pas en quoi on compromettrait par-là les intérêts des agriculteurs praticiens.Ce qui leur importe après tout, n'est-ce pas de se procurer en quantitésuffisante et à bon marché, un engrais inodore, pulvérulent, renfermant3 pour cent d'azote, et riche en phosphates alcalins ou terreux ? Etn'est-ce pas précisément ce que leur offre la maison Baronnet ? « Demanderai je maintenant pardon aux lecteurs de les avoir entretenus,à plusieurs reprises, d'une question de cettle nature ; ils ne laconsidéreront comme moi, que par le côté qui la rattache à l'une desplus hautes questions de l'économie sociale. Le jour, en effet, où larécolte des excréments humains se fera sans perte de leurs principesfertilisants, la richesse végétale du sol, comme le dit M. Dumas, seracomplètement régénérée » — En reproduisant cette lettre, notre but, nous le répétons, n'a pointété d'intervenir en aucune façon dans le débat entre M. Durand et soncontradicteur ; nous n'avons voulu que faire bien comprendre à toutesles personnes qu'intéresse la conservation des engrais, combien il estutile pour le bien de l'agriculture que ceux fournis par les déjectionsliquides ou solides puissent être utilisés dans la plus forteproportion possible. Aussi, c'est avec intérêt que nous avons appris que l'enquête ouvertesur le projet d'établissement à fonder à Caen n'a présenté qu'unefaible opposition et que l'administration municipale en renvoyant àl'administration supérieure le procès-verbal de cette enquête, a donnéun avis motivé en faveur de l'établissement. (1) Nous aurons prochainement, etc. (voir la copie). (2) Nous aurons prochainement à parler d'une machine que M. Thierry,professeur de chimie, a fait confectionner pour la désinfectioncontinuelle des urines, de manière à ce que, sans inconvénient, ellespuissent être conservées dans toutes les maisons. |