RÉSUMÉ [9,3 Mo]
VOLUME1 : Introduction. Table analytique des matières. Abréviations. Sourceset bibliographie. Chapitre préliminaire : Pays d'Auge et Lieuvin auXVIIIe siècle. Première partie : la Société religieuse - le Personnelecclésiastique ;la Condition matérielle ; le Fonctionnement des institutions. Deuxièmepartie : l'Esprit religieux - le Legs du XVIIs siècle ; Ferveur etFormalisme ; Insubordination et Libertinage. [25 Mo]
VOLUME 2 : Troisième partie : les Affaires du temps - le Jansénisme ;le Richérisme ; l'Esprit nouveau. Conclusion. Pièces justificatives.Appendices. [31 Mo]
VOLUME 3 : Planches. [295 Mo]
~*~
Résumé
Ecole Nationale des Chartes
Position des thèses soutenues par les élèves de la promotion 1954
pour obtenir
le dipôme d'archiviste-paléographe
Le diocèse de Lisieux de 1715 à 1783
par
Yves Nédélec
Paris
Ecole des Chartes
Rue de la Sorbonne, 19
1954
Tirage à part non mis en vente
[Bm Lx : Norm 2196]
LE DIOCÈSE DE LISIEUX DE 1715 A1783
PAR
YVES NÉDÉLEC
INTRODUCTION
PAYS D'AUGE ET LIEUVIN AU XVIIIe SIÈCLE.
Le Pays d'Auge accélère la conversion des terres de labour en herbages,commencée au siècle précédent, et vend ses produits agricoles à Paris,à Rouen, à Caen, dans des marchés régionaux ou locaux. Le Lieuvin resteune terre à céréales. L'industrie textile (lin, chanvre, laine),répandue dans la grande majorité des paroisses urbaines et rurales,importe une partie de ses matières premières et exporte, suivant laqualité, vers l'étranger ou les provinces. Un malaise généralsous-jacent et des crises aiguës, d'origines et de natures trèsdiverses, gênent, plus profondément que dans des régions de stricteéconomie fermée, une prospérité anarchique, de plus en plus à l'étroitdans le cadre d'institutions inadaptées. Chaque ville a son aspectéconomique et social particulier. Le cumul des occupations caractériseles classes rurales et permet à une bourgeoisie aisée de « marchands »et de « laboureurs » de partager la vie des fermiers, des tisserands etdes journaliers. La mendicité s'accroît considérablement à la fin dusiècle. Les habitants sont, au jugement de leurs contemporains,buveurs, paresseux, intéressés, de caractère très indépendant.
PREMIÈRE PARTIE
LA SOCIÉTÉ RELIGIEUSE
CHAPITRE PREMIER
LE PERSONNEL ECCLÉSIASTIQUE.
Les deux évêques qui occupent le siège de Lisieux de 1715 à 1783s'opposent par plusieurs traits : Henri-Ignace de Brancas, de santémédiocre, intelligent, caustique, nonchalant, pacifique, avare, peupleson chapitre de parents (la seule haute noblesse qu'on y trouve) et decompatriotes ; Jacques-Marie de Condorcet, intransigeant sur la doctrine et ladiscipline, dévoué à la Bulle et aux Jésuites, fastueux, charitable,manifeste une grande activité. Tous deux observent la résidence. Lechapitre et le clergé paroissial comprennent une forte proportiond'étrangers. Toutes les classes sociales y sont représentées : lapetite noblesse occupe une bonne partie des cures du Lieuvin, maisaussi quelques vicariats ; peu de fils d'artisans ou de fermiers. Legros contingent est fourni par les classes moyennes en pleineascension, des fonctionnaires, anoblis ou non, des négociants, deslaboureurs, ce qui donne au clergé une certaine unité. Le cumul, larésignation, le népotisme sont pratiqués de haut en bas de l'échelle.Une crise croissante des vocations est sensible dans la seconde moitiédu siècle.
CHAPITRE II
LA CONDITION MATÉRIELLE.
Plusieurs causes concourent à diminuer les revenus du clergé. Un arrêtdu Parlement de Rouen interdit en 1708 aux curés décimateurs depercevoir aucun casuel dans l'administration des sacrements. Labanqueroute de Law, ruinant toutes les fabriques urbaines et un grandnombre de rurales, réduit les honoraires des prêtres qui assurent lesfondations. Celles-ci, pour des raisons religieuses et juridiques, seraréfient entre 1730 et 1750, puis deviennent exceptionnelles. Lesdîmes du Pays d'Auge s'amenuisent à mesure que se propage la conversiondes terres : les plaintes de plus en plus pressantes des curés nepeuvent triompher de l'incohérence doctrinale et pratique des tribunauxau sujet des changements de culture. En 1770, pour cette raison, sur522 curés, 89, seuls décimateurs, ont un revenu inférieur à 500 l. Letiers, la moitié, à plus forte raison la totalité des dîmes permettentune aisance certaine à la plupart des curés du Lieuvin. La majorité desvicaires ont, en 1728, de 250 à 800 1. de revenu. La situation deshabitués devient tragique à la fin du siècle.
CHAPITRE III
LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS.
L'évêque, le chapitre, les abbayes défendent âprement leurs droits etprivilèges, temporels et juridiques. Les religieuses de Saint-Désirs'obstinent à exiger la célébration, dans leur chapelle trop petite demoitié, des offices paroissiaux des grandes fêtes. Seuls des argumentsfinanciers permettent la réunion de portions de cure, source permanentede divisions dans les paroisses, et la substitution de chaises auxbancs qui encombrent les églises, devenues trop exiguës pour unepopulation plus nombreuse. La fabrique de Saint-Germain de Lisieux faitéchouer la réduction des habitudes qui aurait permis aux prêtresrégénérés de vivre moins médiocrement. A la cathédrale, l'oppositiondes chapelains et de quelques chanoines empêche par deux fois l'unionjuridique de charges mal rétribuées que cumulent depuis plusieursgénérations les officiers du bas-choeur. Pourtant, de 1780 à laRévolution, l'évêque se montre favorable à une réforme dans ladistribution des dîmes, et le chapitre n'est pas hostile à égaliser lesrevenus de ses membres.
DEUXIÈME PARTIE
L'ESPRIT RELIGIEUX
CHAPITRE PREMIER
LE LEGS DU XVIIe SIÈCLE.
Malgré le défaut de résidence presque permanent de la première moitiédu siècle, les évêques favorisent la renaissance religieuse par lafondation de couvents, la publication de livres liturgiques, l'appel àdes missionnaires. Le chapitre s'améliore lentement ; son recrutement nelui permet pas d'être parfait. La fondation du séminaire en 1653,l'institution des Conférences ecclésiastiques, animées par Dom Georges,abbé du Val-Richer, étendues à tout le diocèse en 1677, donnentrapidement des résultats appréciables dans le clergé paroissial, aidédans son apostolat par les missions de saint Jean Eudes et du P.Maunoir. Des fondations de confréries jalonnent tout le siècle. Si destraces de tiédeur sont encore, ou déjà, sensibles à la fin du règne deLouis XIV, la période qui s'étend de 1680 à 1715 est probablement, pourl'ensemble du diocèse, la plus fervente de l'histoire moderne.
CHAPITRE II
FERVEUR ET FORMALISME.
Le clergé, en particulier le chapitre, donne assez souvent prise à lamédisance jusque vers 1740. L'amélioration de sa moralité estincontestable dans la période suivante. Des curés sont très populairespour leur piété et leur charité; ils évitent souvent les occasions deprocès avec leurs paroissiens. La plupart sont très hostiles aux grosdécimateurs. Même en ville, le sans-gêne et la confusion règnent dansles rangs des fidèles pendant les offices. La fréquentation dessacrements semble réservée aux grandes fêtes, malgré le souhait d'unecommunion mensuelle exprimé dans le catéchisme. Des fondations deconfréries restent assez nombreuses jusque vers 1740; les disparitions,signalées dès la première moitié du siècle, se multiplient à l'approchede la Révolution.
CHAPITRE III
INSUBORDINATION ETLIBERTINAGE.
Avant même 1750, les habitués montrent beaucoup d'indépendance àl'égard de leur curé et scandalisent les fidèles par la manière dontils acquittent les fondations. Le clergé obtient ou souhaite lasuppression des Charités, intempérantes et frondeuses. En ville et à lacampagne, de nombreuses paroisses vivent dans l'anarchie sous le règnede Louis XVI. A la même époque, les cabaretiers, les mendiants, lesmaîtres d'école ont une influence néfaste sur la jeunesse au point devue religieux et moral.
TROISIÈME PARTIE
LES AFFAIRES DU TEMPS
CHAPITRE PREMIER
LE JANSÉNISME.
Inconnu dans le diocèse jusqu'aux dernières années du XVIIe siècle, lejansénisme se répand de 1700 à 1723 grâce aux Bénédictins, à despatrons de cures, à des ecclésiastiques venus d'ailleurs ou ayant faitleurs études à Paris. Brancas, modérément hostile, préfère ladiplomatie à la rigueur. Il élimine un à un les adeptes de Quesnel quifont du zèle, et réussit patiemment à décimer le parti de 1723 à 1746.Ensuite, les jeunes générations de prêtres, formés par les Eudistes,laissent s'éteindre un état-major de vieillards sans troupe. Lesbibliothèques ecclésiastiques de la seconde moitié du siècle nes'intéressent plus guère à la querelle.
CHAPITRE II
LE RICHÉRISME.
L'arrivée en 1761 de Condorcet, autoritaire et maladroit, éveille laméfiance du clergé, bientôt augmentée par une série de mesures plus oumoins opportunes. Les protestations des soixante-dix curés contrel'établissement des Conférences et des retraites en 1774 ne montrentpas seulement un manque de ferveur évident. Les arguments théologiquessur l'Institution divine des curés qu'ils opposent à l'évêque ne fontque traduire le mécontentement d'un second ordre, complètement écartéde la direction du diocèse depuis le règne de Louis XIV. Si aucunrésultat immédiat n'est visible sur le plan local, cette criserichériste amène Camus et Maultrot à préciser les doctrines quifavoriseront la naissance de la Constitution civile du clergé.
CHAPITRE III
L'ESPRIT NOUVEAU.
Les mêmes agents que pour le jansénisme favorisent la diffusion desidées philosophiques dans le clergé. Les prêtres cultivés s'intéressentaux sciences de la nature, fréquentent Bayle, Saint-Évremond etFontenelle, connaissent Montesquieu et Voltaire, n'ignorent pascomplètement Rousseau. Une partie de la bourgeoisie tend, plus ou moinsconsciemment, à ne retirer de la religion révélée qu'un moralisme debon ton et une «dévotion éclairée ».
CONCLUSION
Trois phases se partagent dans le diocèse de Lisieux le cours du XVIIIesiècle : 1715-1740 : ferveur ; 1740-1774 : formalisme ; 1774-1789nombreux cas d'anarchie paroissiale. La décadence s'explique par letempérament des habitants, l'étroitesse d'esprit d'un clergé attaché àdes institutions dépassées, l'influence des troubles moraux,économiques et sociaux qui accompagnent la fin de l'Ancien Régime.