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Mémoireadressé par M. Pollin-De-Boislauransà Madame Marie-Marguerite-JulieDesnoyers, son épouse.- Lisieux : Imp. de P. Brée, [sd.].- 4 p. ; 21cm. Saisie du texte : S.Pestel pour la collectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (20.X.2006) Texte relu par : A. Guézou Adresse : Médiathèque André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros]obogros@ville-lisieux.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusionlibre et gratuite (freeware) Orthographe etgraphieconservées. Texteétabli sur l'exemplaire de lamédiathèque (Bm Lx : norm 1964). Mémoire adressé par M. Pollin-De-Boislaurans à Madame Marie-Marguerite-JulieDesnoyers, son épouse. ~*~Mafemme, tu veux une victime ; tu cherches à la trouver en moi.Serait-il vrai qu’une femme telle que toi, remplie des principes dereligion la plus pure, déviât au point de présenter requête au tribunalcivil de Lisieux pour faire prononcer l’interdiction de son mari, luiravir ses droits de citoyen, et ce sans nulle cause valable ?C’est une femme qui ose entreprendre chose semblable ! Cecipasse l’imagination. C’est cette femme que j’ai gratifiée de tout monpouvoir qui veut me mettre les fers aux pieds et aux mains !Tu ne peux réussir dans tes projets. Prends bien garde à tes actionsdans un cas aussi délicat ; crains de tomber dans le piége quetu me tends ; évites surtout l’inimitié d’un mari très-offensédont le coeur est ulcéré ; crains qu’il n’attire contre toil’inimitié et la vindicte publiques ; prends garde surtoutqu’il ne mette tes hauts faits au jour et tout-à-fait à découvert.Reçois ces derniers conseils d’un mari qui a encore pour toi, malgrétes grandes erreurs, de l’attachement. J’ai confié à mon épouse unbillet de 600 fr. fait à mon profit par le nommé Bellecour-Aufry,ouvrier tanneur. Je lui demande qu’elle me remette ce billet ;à défaut, je la prendrai à son serment. Il fautconvenir que j’ai bien du bonheur d’avoir fait un second mariage,d’avoir épousé une femme dont la soeur est divorcée, dont la nièce acessé de vivre avec son mari, et qui elle-même m’a quitté de la manièrela plus inhumaine. Ces événemens, par bonheur pourla société, sont rares. Il est très-extraordinaire que toute unefamille de femmes s’accordent à quitter leurs maris. POLLIN. ____ P.S. Voici tespropres paroles pleines de vérité ; je les tiens de sourcecertaine : « Je ne quitte point mon mari par l’effetde mauvais traitemens ; j’aime même à croire que, pendant lelaps de trente ans que j’ai vécu avec lui, il ne s’est abandonné àaucune inconduite qui pût m’être préjudiciable. Je le quitte, quoiquedans un état d’infirmité, parce que cet homme fait depuis quelque tempsdes dépenses désordonnées ; qu’il cesse ses dépenses, et jerentrerai où d’où pour mon honneur je n’aurais pas dû sortir. » C’estcette femme qui paraît par grâce vouloir revenir à son mari, pourvutoutefois qu’il se corrige. Il est à l’ordre du jour que les femmesfassent la loi à leurs maris. C’est le monde renversé. C’est cettefemme qui, très-mince sujet qu’elle est, n’ayant pour toute existenceque la gratification de son mari, qui, par un caprice tout particulier,quitte brusquement sa maison, en en emportant les objets les plusprécieux pour en user en celle d’un homme, sieur Blondel, son gendre, àqui je ferais beaucoup de peine si je voulais. C’est cette femme que jepourrais faire rentrer dans l’ordre, en portant mes justes plaintes àl’autorité compétente. Si je n’use de ce moyen véhément, c’est par unreste de condescendance et d’attachement pour une ingrate que j’aitendrement aimée. Qu’il me soit permis de mejustifier des grands griefs que ma femme m’impute mal à propos. A uneépoque impérieuse, j’ai fait sacrifice de mes goûts, même de mesbesoins, pour l’éducation de mes trois enfans. Il m’est survenu depuispeu de temps une succession de soixante et quelques mille francs. Monétat d’infirmité, d’âge avancé, m’ont mis dans la nécessité d’avoirdomestique, cheval et cabriolet. Etant dans le cas de pouvoir supportercette dépense, j’ai employé à peu près la somme de mille à douze centsfrancs. Voilà l’énorme dépense que mon épouse me reproche ;dépense qui me devient absolument utile, et dont le tout n’est pasperdu. Que dira-t-on d’un père qui se dépouille dela propriété de ses biens pour en vêtir ses enfans ? Quedira-t-on d’un père qui, ayant 22,500 fr. à toucher, en fait présent àses trois enfans ? Que dira-t-on d’un mari qui, par le mêmeacte notarié, règle, en cas de prédécès de sa part, une honnêteexistence à sa femme, et qui y ajoute la donation en propriété de toutson mobilier ? Eh bien ! ce mari n’en est pas mieuxvu de son épouse, de son gendre Blondel et de sa fille aînée madameBlondel. Que Dieu leur pardonne comme je le fais ! Je cesse unentretien qui me porte d’autant plus au coeur, qu’il rappelle à monsouvenir la plus noire des ingratitudes. POLLIN. ________________________ Lisieux,imprimerie de P. BRÉE. |