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LE ROSSIGNOL, Édouard(1883-1954) : Comment conjurerla disparition du Patois : Chronique(1938). Numérisation du texte : O. Bogros pour la collectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (29.VI.2013) Relecture et notes additionnelles : Rémi Pézeril (01.I.2015). Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros]obogros@lintercom.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusionlibre et gratuite (freeware) Texteétabli sur l'exemplaire d'une coll. part. du numéro de mars 1938 delarevue Le Bouais-Jan, revue dupays du Cotentin éditée à Cherbourg par la Société régionalisteNormande A. Rossel. Commentconjurer la disparition du Patois Chronique par Edouard Le Rossignol ~*~Nous posions cette question dans le numéro de juin du Bouais-Jan. Ellea intéressé beaucoup de monde et voici le résultat des réponses tantverbales qu'écrites que nous avons reçues : Dans l'article envisagé, nous indiquions, parmi les causes de ladisparition lente mais sûre du « vûs prêchi de nos pères », « ledéveloppement des communications, le tourisme et la caserne » ainsique « la guerre de 1914-1918 qui maintint nos jeunes gens d'alorspendant de longs mois loin du pays et au milieu de camarades qui semoquaient d'un langage qu'ils ne comprenaient pas ». Il est une cause beaucoup plus profonde et plus grave que cette enquêtea révélée, mais contre laquelle il n'est peut-être pas impossible delutter. Il faut dire la vérité telle qu'elle est : Nos paysans ont honte de parler patois devant 'ries étrangers. Un aimable prêtre du Val de Saire, curé de trois paroisses, excellentpatoisant dont nous avons eu le plaisir de nous assurer lacollaboration, agrémente son bulletin paroissial de contes écrits dansle savoureux langage de Barfleur (1) : « Dès que le Bulletin est paru, nous a-t-il raconté en substance, lepremier soin de mes paroissiens est d'y chercher avant toutes chosesmon conte en patois. Par contre, si j'essaie de parler patois avec eux,ils me répondent en français. J'ai le plus grand mal à les décider àconverser avec moi dans notre vieux langage, bien qu'ils sachent fortbien que je suis un des leurs. Ils ont honte de le parler devant moialors qu'ils l'utilisent couramment entre eux. Est-ce parce qu'ils netrouvent pas assez respectueux de parler patois devant leur pasteur oubien parce qu'ayant reçu une instruction supérieure à la leur, ilscraignent que je ne me moque d'eux ? Je ne sais ». Même son de cloche chez un autre de nos collaborateurs, le jeune poètepatoisant A. Costi (2) dont nous donnons aujourd'hui une poésie en patoisde la Hague : « Vûles falaises de Gréville », et qui a déjà ici même,donné une poésie sur le patois. Fils de paysan qui a été « aux écoles», il se trouve parfois placé, quand il revient au pays, devant undilemme fort embarrassant. Voici ce qu'écrit A. Costi (2) dans une lettrequi serait à citer en entier si nous en avions la place : « Que l'un d'entre eux, (un enfant de la campagne), devienne un peu «instruit », comme ils disent, il se croit obligé de renier sa languematernelle. Et, comble de malheur, on en est venu à exiger de cet «instruit » de parler français. Je me rappelle qu'il y a quelquesannées, revenant du collège, quand j'allais faire une visite « èsanmins et vaisins », je devais me livrer à un véritable calculpsychologique et pas des plus aisés ici, me disais-je, je parleraifrançais, là patois. Tandis que je parlais, je voyais très bien lesréactions de mes auditeurs : si je parlais français, ils pensaient : «Il est byn fi acteu et n' peut pûs prêchi coum' tout l' munde »... Sije causais patois : « Ch' n'est pé la ponne d'avé ta si longtemps èsécoles pour né pé sèment approprier san prêchi un tant si p'tit… » (3). « Voilà pour quoi je voudrais lutter pour la FIERTÉ DU LANGAGE. « D'ailleurs, elle existe déjà un peu. Quand, par exemple on assiste àun banquet, à un mariage surtout, dans nos campagnes, il est facile devoir que les convives ne sont pleinement heureux qu'au moment où l'und'eux vient, revêtu des habits d'antan, chanter une de ces vieilleschansons qui font notre orgueil. Mais qu'il s'y trouve un étranger, onn'ose plus, on a peur... » La Fierté du Langage, voici ce qu'il serait nécessaire d'apprendre oude réapprendre aux gens de nos campagnes. Il est à désirer si l'on veutconserver le patois, que non seulement ils n'aient plus honte de leurlangage, mais qu'ils soient fiers de le parler. On l'a tellement combattu, ce pauvre patois, même chez nous, qu'on enest venu à le considérer comme une langue vulgaire que seuls consententà parler les illettrés. Dans un établissement d'instruction du nord de la Manche, il y a unequarantaine d'années, on avait trouvé un moyen machiavélique pourempêcher les élèves de parler patois entre eux : pendant lesrécréations, on passait un vieux sou démonétisé appelé « signum » àceux qui étaient surpris à employer même un seul mot de patois, etcelui qui avait le fameux « signum » en fin de journée, recevait, commepunition, dix lignes de prose à apprendre par cœur. Comme pour passerledit vieux sou on ne pouvait guère s'approcher d'élèves que l'onfréquentait peu, car ils se seraient méfiés, on cherchait à surprendrechez ses meilleurs camarades le mot patois libérateur. Pour entretenirl'amitié et la confiance entre amis, reconnaissez que c'était trouvé !Mais les conséquences d'une telle répression ont été plus graves qu'onne le pense. Bien peu, en effet, de ces fils de riches cultivateurspoursuivaient leurs études. Au bout de deux ou trois ans de pension,ils retournaient à la maison ne parlant plus que le français,complètement libérés du patois, et se croyant d'une essence supérieurepour cela. Ce procédé d'espionnage et de traîtrise a beaucoup contribuéà donner cette honte du parler patois contre laquelle beaucoup de bonsesprits voudraient réagir aujourd'hui. Comment parvenir à ce but ? Voici le résultat des suggestions reçues et quelques réflexionspersonnelles : I. L'instituteur. Qu'il soit officiel ou qu'il appartienne àl'enseignement libre, qu'il soit de l'un ou l'autre sexe, il semblequ'il y ait peu à attendre de ce côté. On ne peut demander l'impossible : voici des hommes et des femmes qui,toute leur vie, s'emploient à apprendre le français à des enfantshabitués à parler patois à la maison. On conçoit qu'ils cherchent àexpurger les devoirs de leurs élèves des mots incorrects qui s'yglissent et, dans ce but, qu'ils leur défendent de parler patois. C'est humain et il n'y a rien à dire à cela. Et pourtant, il y a parmi les instituteurs et institutrices quantitéd'excellents patoisants, mais ils placent leur devoir professionnelavant leurs préférences personnelles. On ne saurait le leur reprocher. Cependant, tout en interdisant le patois en classe, ne peuvent-ils pasle permettre en récréation ? Ne peuvent-ils pas enseigner aux enfantsque, si le français est leur langue nationale dans laquelle sontrédigés tous les contrats, tous les journaux, toutes les affiches,etc.... s'il doit être la langue savante qu'ils doivent savoir parleret écrire correctement, ils auraient tort de rougir de la langue deleurs ancêtres qui n'est pas, comme beaucoup le croient à tort, dufrançais déformé et du mauvais français, mais un langage frère de lalangue française et plus original, au fond, puisqu'il n'a subi au coursdes siècles que peu d'apports étrangers. Le maître qui dira à sesélèves qu'ils doivent être fiers de parler patois aura beaucoupcontribué à sa conservation et on peut être sûr qu'il sera écouté. En fin de classe, quand il aura, par un travail plus difficile, fatiguél'attention de ses élèves, ne peut-il pas, pour les reposer et lesrécompenser de leur attention, leur faire une lecture d'un auteurpatoisant et leur en commenter les tournures originales et les motscurieux en les étudiant dans leurs rapports ou leurs différences avecle français ? Il ne semble pas que leurs chefs puissent les critiquerd'éveiller ainsi l'intelligence de leurs élèves. Enfin, de plus en plus, dans les campagnes, on donne, surtout en hiver,des séances récréatives avec le concours des élèves des écoles. Qu'unebonne place soit réservée aux chansons, monologues, saynettes, etpoésies en patois : enfants et parents en seront enchantés. II. - Les curés de campagne et les bulletins paroissiaux. Beaucoup deprêtres sont de fervents partisans de la conservation du patois. Ilspeuvent, eux aussi, jouer un rôle important dans la question qui nousoccupe. En conversant fréquemment en patois avec leurs fidèles, enintroduisant des contes et des poésies en patois dans leurs bulletinsmensuels, en donnant, dans leurs salles paroissiales, des séances où levieux parler ancestral sera à l'honneur, leur influence peut êtreconsidérable. Notre collaborateur du Val-de-Saire l'a fort bien compriset d'autres prêtres avec lui. III. - Les journaux et les revues régionalistes. Ces dernières,disons-le tout de suite, publient des œuvres généralement bien choisiesqu'on lit avec plaisir et qui entretiennent la pureté de notre patois.Mais, s'adressant à une élite, prêchant en quelque sorte des convertis,elles ne touchent guère les masses paysannes et leur influence estassez minime sur elles. Mais les journaux quotidiens et surtout hebdomadaires (car, aux champs,on n'a guère le temps de lire que le dimanche), ont un très grand rôleà remplir. Une campagne entreprise par ces journaux et poursuivie avecténacité rendrait au paysan la conscience de sa valeur et la fierté deson langage en lui répétant que l'homme de la campagne n'est pas unêtre diminué ; qu'il est tout aussi intelligent que l'ouvrier oul'artisan des villes ; que sa tâche est la plus noble et ta plus bellepuisque, sans elle, nul ne pourrait vivre ; que sa vie est plusheureuse et plus libre, qu'elle comporte moins d'aléas, pas de chômageni de grèves, moins de risques de contagion en cas d'épidémies et quec'est un véritable « bourrage de crâne » que de parler de laprétendue misère du paysan attaché à la glèbe ou autres « bobards » dumême goût ; que le patois et principalement le patois de nos régionsest une langue noble qui nous vient de nos ancêtres et non un langagedéfectueux. En faisant une telle campagne, les journaux contribueront àla fois à freiner l'exode vers la ville tentatrice et rendront aupaysan ce que M. Costi appelle si justement la fierté du langage. Onaccorde dans nos campagnes un crédit particulier à ce qui est imprimé :les journaux peuvent faire, dans l'intérêt de la conservation dupatois, du très bon travail. Ils peuvent aussi s'attacher à publier fréquemment des articles enpatois, et, en le faisant, ils feront, pour leur propre diffusion, uneexcellente propagande. IV. - Les écrivains patoisants. Ce sont eux surtout qu'il fautencourager, non seulement en accordant, dans les journaux et revues,une très large hospitalité à leurs travaux, en aidant la vente de leursouvrages et leur édition à des prix accessibles à tout le monde. Il estnécessaire aussi que les sociétés, revues littéraires, groupementsrégionalistes, comme le font déjà, dans notre département, la revueSaint-Loise « Scripta » et l'Académie poétique de la Manche (jeuxfloraux de Cherbourg), couronnent chaque année les meilleures œuvres enpatois. On verrait avec plaisir ces écrivains patoisants se tourner vers lethéâtre régionaliste en patois dont le répertoire est trop peu étendu,et trop peu varié. Ce sont eux enfin qui sont les mainteneurs du vieux parler de nospères, qui peuvent conserver ou faire revivre les mots rares, lesexpressions caractéristiques qui risquent de tomber en désuétude et lesidiotismes, c'est à dire les tournures de phrases vraiment originaleset absolument intraduisibles dans aucune autre langue. Les écrivainspatoisants peuvent beaucoup pour la conservation du patois et leurœuvre mérite d'être vivement encouragée. V. - L'influence des «gens en place ». Tout le monde de chez nouscomprendra cette expression : il s'agit des personnes du pays qui sont,par leur situation, par leurs mérites, par le choix de leursconcitoyens, arrivés à une profession libérale, à un emploi dansl'armée, la magistrature, à un poste élevé dans la classe desfonctionnaires, à une fonction élue dans l'administration communale,départementale ou parlementaire, Etc... Que ces « gens en place» acceptent, quand ils viennent au pays, deparler patois avec les paysans, et ils donneront un magnifique exemple« Si ces messieurs consentent à parler comme nous, se dira l'homme dela campagne qui est respectueux et observateur, c'est que notre parler,dont certains se moquent stupidement, est un beau largage qui vautqu'on l'emploie et dont il faut être fiers ». VI. - La radiodiffusion et le phonographe, Il serait à souhaiter queles nombreuses sociétés normandes s'emploient à obtenir des deux postesd'émission qui sont à notre portée, Radio-Normandie et Rennes-Bretagne,de fréquentes auditions en patois. Pour les disques reproduisant deschansons, monologues et saynettes dans la langue du Cotentin, ils neseront jamais trop nombreux. Mais si l'on veut que les auditions radiodiffusées en patois aient dusuccès et que les disques se vendent, il faut que celui dont la voixest portée par les oncles ou enregistrée soit un vrai patoisant et nonpas un monsieur qui a une belle voix mais ne patoise que pour cetteseule émission ou ce seul enregistrement. Nous connaissons des disquesde chansons de Rossel qui sont absolument massacrés et que les usagersdu patois ainsi que les vrais patoisants ne peuvent écouter sanshausser les épaules. Voici un grave écueil à éviter ! VII. - Une Académie de patois ? Le mot paraîtra peut-être pompeuxpour une langue qui n'a ni grammaire ni dictionnaire bien définis (4). Maislaissons le mot, qui peut, au surplus être changé pour nous en tenir àl'idée et nous répondrons : « Pourquoi pas ? » Elle a été émise, cetteidée, par M. Leclerc, ancien président actif, et actuellement présidenthonoraire de la Société Alfred-Rossel « dans le but de faireconnaître, de conserver, de développer le langage si savoureux de nosancêtres dans leurs chants, dans leurs contes et dans leurs poésies. » « Elle a également pour but, (cette académie de patois normandinstituée au sein de la Société régionaliste normande Alfred Rossel), de rechercher parmi les artistes et amateurs interprétant déjà lepatois ou désirant l'interpréter, une élite de qualité et de choix.Cette élite recevra chaque année, à la suite d'un concours public, letitre, certifié par un diplôme spécial de « Lauréat de l'Académie depatois normand de la Société Alfred Rossel ». Suivent les conditions d'admissions à ce concours auquel pourrontparticiper : les artistes, les amateurs, et les débutants. Les uns etles autres devront faire obligatoirement partie de la Société AlfredRossel. Sous cette réserve que les débutants qui n'ont pas parlé et entenduparler patois à la maison paternelle, nous semblent ne pouvoir faireque des patoisants de second ordre car, s'ils parviennent à s'assimilernos mots et nos expressions, ils n'acquerront jamais l'esprit de lalangue, sous cette réserve, dis-je, l'idée est à étudier. Mais si la Société Alfred Rossel, de même que les autres sociétésrégionalistes qui entreraient dans les mêmes vues, veulent faire du bontravail et contribuer réellement à la conservation du patois, ilfaudrait ouvrir la compétition au diplôme de bon patoisant, nonseulement aux membres de la Société, mais à toute personne désirantconcourir. Autrement on aura découvert des artistes pouvant interpréterle patois dans les représentations et autres manifestations de 1asociété mais on n'aura rien fait pour la conservation de notre patois. VIII. - Les écueils à éviter. Sans doute, le Normand n'a pas letempérament mélancolique du Breton : il est gai, aime le rire et laplaisanterie mais, pondéré par nature il accorde sa place à toute choseet il sait être, quand il le faut, sérieux et réfléchi. Pourquoi la plupart des écrivains patoisants de chez nous ont-ils écritleurs contes, chansons et monologues presque uniquement dans le genrecomique, parfois grotesque et souvent audacieux ? Du comique, certes,il en faut mais ce n'est pas en ne chantant ou en ne récitant que dit «rigolot » ou du bouffon qu'on inculquera aux braves gens de chez nousle respect du vieux langage ancestral. Qu'on imite plutôt les plusgrands poètes et chansonniers, Alfred Rossel et Louis Beuve qui n'ontpas hésité à chanter des sujets nobles, graves et remplis d'émotion. Cesont ces sujets, plus due les bouffonneries, qui sont susceptibles dedonner à ceux qui le parlent, la fierté du langage. Qu'on y fasseattention. La même remarque s'applique à ceux qui se costument pour réciter ouchanter en patois. Outre qu'il leur faut éviter tout costume defantaisie, ils doivent repousser le grotesque dans leur accoutrement.La Fédération des Groupes Folkloriques des Provinces Françaises, auCongrès National de Vichy, a fait à tous les groupes costumés, quelleque soit la région à laquelle ils appartiennent, la recommandationsuivante : « Le costume de nos aïeux n'est pas un déguisement, et le respect quilui est du doit être manifesté par la tenue générale de la personne quile porte. EN PRENANT LE COSTUME ON DOIT EN PRENDRE L'AME ». Or nous estimons que faire le pitre alors que l'on porte le costume denos ancêtres, c'est faire tout le contraire ! Ce n'est pas, en toutcas, inculquer à nos gens des campagnes le respect des habitsd'autrefois qui faisaient de notre province une région différente desautres, non plus que la fierté de leur langage. On n'insistera jamaisassez sur ce point. IX. - Tous les sujets peuvent-ils et doivent-ils dans le but que nouspoursuivons, être traités en patois ? Les avis à ce sujet sont très partagés. Ce n'est pas l'opinion de M. Costi, dans la lettre citée ci-dessus : « Et de grâce, de grâce, s'écrie-t-il, ne patoisons pas des sujets quirationnellement ne supportent pas le patois ; par exemple, tant que lecinéma ne présentera pas de films en patois (ce que je ne souhaitecertainement pas), tant qu'il restera dans les villes, parlons-en enfrançais ; ce sera peut-être du bon français… » Notre aimable correspondant nous permettra de ne pas partager samanière de voir. Peut-être a-t-il été influencé par un cas particulier,mais si l'on veut conserver dans les campagnes et aussi dans nosvilles, où beaucoup le parlent encore, le langage patois, ce patoisdoit s'adapter aux circonstances et au progrès qui pénètre partout etnul ne se plaindra de lire dans son journal la relation d’un match deballon, l'analyse d'un film ou d'une pièce de théâtre, au tout autresujet moderne, en patois s'il est écrit en patois de qualité. X. - Conclusion. Le patois disparaît lentement mais sûrement. Cette enquête a démontré qu'une des causes de sa disparition est lahonte que nos paysans ont de le parler devant les étrangers. Elle aprouvé aussi que le cas n'est pas désespéré et qu'il existe plus d'unmoyen de lutter. Nous en avons examiné quelques uns.Il en existe trèsvraisemblablement d'autres qu'une étude plus large et plus approfondiedévoilerait. Que tous les Normands et particulièrement les Cotentinaisà qui s'adresse plus spécialement cette revue, entreprennent, chacundans sa sphère, la lutte pour la fierté du patois. Que les sociétésrégionalistes, elles aussi, entrent dans la lice et utilisent leurspuissants moyens de propagande et d'influence pour restituer ait patoisde chez nous la place qui lui appartient. Nous terminerons par un vœu : cette année aura lieu à Coutances lesouper bisannuel des Vikings qui réunit l'élite des patoisants. Pourquoi, avant cette manifestation de la fraternité et dutraditionalisme cotentinais, le grand mainteneur de l'idée normandechez nous, j'ai nommé le Maître Louis Beuve, n'instituerait-il pas uneréunion où tous les avis sur cette importante question seraient étudiéset discutés. C'est très respectueusement que je me permets de luidonner cette suggestion. Edouard LE ROSSIGNOL. NOTES DE RÉMI PÉZERIL : (1) Charles Lepeley, curé de Valcanville, Le Vicel et Sainte-Geneviève,écrivit de 1928 à 1938 dans son bulletin « L’Hirondelle » 54 récits degrande qualité lexicale réunis par René Lepelley en 2003, avectraduction en français page droite, Ed. Corlet, 22,50 €. (2) A. Costi : Albert Lohier, né en 1915, publia 5 recueils de poèmesen normand entre 1939 et 1985. Le premier fut signé A. Costi et aprèsguerre les 4 autres « Côtis-Capel » (d’après les côtis du HamméCapel à Urville dans La Hague). L’association Magène a mis plusieurspoèmes de ce grand poète en musique (www.magene.com). (3) Graphie de Côtis-Capel après 1950 : « Il est byin fi achteu et nepeut pus prêchi coume tout le mounde »... Si je causais patois : «Ch'est paé la ponne d'avei taé si loungtemps és écoles pour né paésèment approprier sen prêchi eun taunt si petit… » ; traduction : « Ilest bien fier maintenant et ne peut plus parler comme tout le monde ».Si je parlais normand : « Ce n’est pas la peine d’avoir été silongtemps aux écoles pour ne pas seulement améliorer son langage untant soit peu… ». (4) Il existe de nombreux glossaires locaux et dictionnairesd’ensembles plus vastes ainsi que plusieurs grammaires ; les plusélaborées couvrent le Pays de Caux, le Cotentin, Jersey, Guernesey. Lesvariations d’un bout à l’autre de la Normandie n’empêchent nullement deparler d’une langue, tout comme l’on parle de la langue corse, dupicard, de l’alsacien Etc. |