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POUZOLS, Pierre (18..-19..) : L’Ortie et son utilisation (1910). Saisie du texte : S. Pestel pour la collectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (19.VI.2013) Texte relu par A. Guézou. Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros]obogros@lintercom.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusionlibre et gratuite (freeware) Orthographeetgraphieconservées. Texteétabli sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : Norm31bis) de la Revue illustrée du Calvados, 4eannée n°8 - août 1910. L’Ortie et son utilisation par Pierre POUZOLS, Professeur d’Agriculture. ~*~S’il est une plante commune etvivace encombrant nos propriétés, c’est à coup sûr l’ortie, qu’il nefaut pas confondre avec un autre végétal de la famille des Labiées,qui, dans son ensemble, a les mêmes apparences à première vue : lelamier blanc, plus connu sous le nom d’ortie blanche. Ce sont, en effet, deux plantes absolument différentes, appartenant àdeux familles très éloignées dans la gradation végétale. Nous ne croyons pas utile, dans une simple causerie comme celle-ci, dedonner une description savante des caractères distinctifs de ces deuxvégétaux. Disons toutefois, qu’au moment de la floraison, l’ortieprésente des petites fleurs vertes globuleuses réunies en glomérules,et, le lamier, de grandes fleurs blanches en forme de gueule de lion. Outre cela, l’ortie dioïque jouit d’une propriété qui met à même lemoins connaisseur, le plus ignorant en science botanique, de faireaisément – et douloureusement ! – sa distinction à toute époque del’année. Si on la touche, les poils dont elle est revêtue font à lamain de petites piqûres qui déterminent une vive démangeaison, uneirritation particulière, connue sous le nom d’urtication. Le lamierblanc, au contraire, peut être froissé impunément par la main. On ignore généralement que l’ortie constitue une plante fourragère depremier ordre, ou bien encore on la dédaigne. C’est ainsi que, mêmedurant les disettes fourragères, on l’a presque laissée dans le coindes oubliettes. Et cependant, c’était bien l’heure ou jamais de tirerde ce végétal un profit qui fait, dans divers pays, en Suède notamment,l’objet d’une culture spéciale. Néanmoins, quelques cultivateurs secourant leurs coutumes routinières,en on fait l’emploi. M. P. Hariot affirme que les animaux l’ont debeaucoup préférée à la renouée de sacchalin, tant préconisée à cetteépoque critique ; sa valeur nutritive, ajoute-t-il, au moment de lafloraison, est supérieur à celle du sainfoin. Pourquoi cette plante très rustique, qui s’accommode fort bien de tousles terrains, est-elle dédaignée ? Le cultivateur semble avoir unecertaine répugnance à donner à son bétail une plante que l’on trouvepartout, le long des haies, au pied des murs, sur le bord des chemins,parmi les buissons et les décombres. Pourtant, il devrait constater queles animaux la broutent volontiers lorsqu’elle est jeune ; ils ne ladédaignent que plus tard, à l’état vert, quand les poils se sontdéveloppés. L’ortie est très volontiers acceptée par le bétail lorsqu’elle est àdemi fanée. Les vaches, en particulier, en paraissent très friandes ;on la leur donne en mélange avec le foin. Elle semble même augmenter à la fois la quantité et la qualité du lait,prédisposer le bétail à l’engraissement et lui servir pour ainsi direde panacée contre la plupart des épizooties. Cette propriétéserait-elle attribuable au suc de l’ortie, qui est astringent ? D’après Rodet et Baillet, dans certains pays, les graines de l’ortiesont données aux chevaux mélangées à l’avoine, dans le but d’en obtenirmomentanément plus d’énergie et de leur rendre le poil brillant. Il yaurait des expériences à faire pour voir jusqu’à quel point ce résultatpeut être atteint. Dans certaines régions de la Normandie, l’ortie est donnée auxvolailles, même à l’état fais, coupée et mêlée au son. L’hiver,lorsqu’on a eu soin d’en faire sécher, elle est préparée de la mêmefaçon, après l’avoir, toutefois trempée dans l’eau bouillante pour luipermettre de reprendre son élasticité. Les volailles en sont trèsavides. C’est au printemps principalement que l’ortie présente une grandeutilité pour l’accoutumance des animaux au passage du régime sec aurégime vert, ou lorsque l’approvisionnement de fourrages estinsuffisant pour attendre les premières coupes. Elle est, en effet,bonne à récolter un mois avant la luzerne et devance même le seigle,qui le fourrage vert le plus précoce de tous ceux le plus courammentcultivés. Ce n’est guère en été, alors qu’on est suffisamment pourvu d’herbefraîche, qu’il convient de nourrir les bestiaux et les volailles avecde l’ortie. Il importe même de ne pas attendre aussi longtemps pourrécolter ce fourrage ; il faut le couper au moment de la floraison, lefaner ensuite et au besoin l’ensiler tout comme du foin ordinaire. On distribue généralement l’ortie au bétail soit mélangée à d’autresfourrages, soit en barbotage, mêlée avec de la paille hachée et du son,ou telle quelle, après l’avoir préalablement fait macérer dans l’eau etlégèrement salée. Ainsi donc, l’ortie que nous foulons si dédaigneusement aux piedspossède de réelles qualités comme plante fourragère. Nous ne saurionsdonc trop recommander aux cultivateurs de songer à son utilisationtoutes les fois qu’ils en verront la possibilité et la nécessité. Signalons en terminant que cette plante fournit à l’industrie, par ladécortication, des fibres très douces et très souples, et que, danscertains pays, en Angleterre, en Irlande, en Suède, elle est utilisée,les jeunes pousses surtout, dans les préparations culinaires. Préparée comme l’épinard, elle constitue un aliment très agréable etfortifiant. Pierre POUZOLS, Professeur d’Agriculture. |