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LE FORT, Victor (18..-19..) : Unhûchier d'à-présent : Georges-Paul Patou(1914).
Saisie du texte : O. Bogros pour la collectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (20.I.2015)
[Ce texte n'ayantpas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement desfautes non corrigées].
Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex
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Diffusionlibre et gratuite (freeware)
Orthographeetgraphieconservées.
Texteétabli sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : Norm31bis) de la Revue illustrée du Calvados,8ème ANNÉE / N°3 - MARS 1914. Ici en version.Pdf pour visualiser les illustrations.

Unhûchier d'à-présent
Georges-Paul Patou

par
V. Le Fort

Sculpture de Georges-Paul Patou.

~*~

PAYS de lapierre, au grainsouple et dur, incomparable élément d'où les Sohier, les Le Prestre etd'autres, firent jaillir tant de merveilleux monuments, Caen a pus'énorgueillir encore dans son architecture de quelques manifestationsde l'art patient des hûchiers.

Pourtant, les petites maisons de la rue Saint-Pierre, quelquesboiseries d'abbayes, d'églises et d'hôtels particuliers sont à peuprès tout ce que la sculpture sur bois a produit dans la capitale dela Basse-Normandie.

Encore n'est-il pas sûr que ce soit là l'oeuvre d'artisans locaux,

Lisieux, par contre, la ville gothique, le Nuremberg normand a élevé etnourri une riche pépinière de tailleurs de bois, dont lesmagnifiques productions s'épanouissent encore sur les façadesventrues des logis de la Rue aux Fèvres, aux stalles de Saint-Pierre etde Saint-Jacques et sur les portes des armoires, coffres et bahuts qui,dans le Lieuvin, se rencontrent fréquemment jusque dans les plushumbles demeures. Quelque jour, nous verrons bien comment lesbourgeois de la Renaissance s'entendaient à orner leur intérieur etavec quel amour les artistes imagiers, savaient fouiller et amenuiserles efflorescentes sculptures qui demeurent après des siècles notreétonnement.

Aujourd'hui nous voulons vous parler d'un de leurs des-endants, quicontinue à l'époque de la toupie, du bois comprimé et de lapyro-sculpture, la pratique du crayon et du ciseau telsque la comprirent Jehan de Viery qui fit les stalles de Saint-Claude,Alexandre Huet, Arthur Boullin, Antoine Avernier qui taillèrent lesboiseries prodigieuses du choeur d'Amiens.

Georges-Paul Patou est un élève du « père » Mesnier et il suivit àParis, les cours du professeur Maurice et du peintre Truffème, maisj'imagine qu'il a beaucoup plus appris à contempler longuement, dansleur ombre moisie, les bois inimitables et les poutres historiées de laSalamandre, de l'allée de l'Image ou de la rue de la Paix.

En tout cas, par la ligne, la légèreté et la saveur de ses productionsil s'apparente d'indiscutable façon aux maîtres disparus et fait prèsd'eux, au milieu de la mesquinerie et de la laideur ambiante, figuretle bon et fervent disciple.

S'agit-il de recouvrir d'une boiserie de style, les plâtres indigentset trop neufs d'une pièce, et le bâtisseur, homme de goût,répugne-t-il à l'emploi du staff et des linoléums repoussés, M. Patou,dessine des cartons, exécute des maquettes, combat les fantaisiesoutrancières, et préfère tailler dans d'honnête sapin une pureguirlande que commettre une hérésie dans le meilleur des chênes.

Sa parole courtoise, éclairée, persuasive, exempte de toute pédanterie,insinue aux esprits, l'amour des belles choses qui le tient toutentier.

Aussi bien, est-il depuis douze années professeur de sculpture auCollège et à l'Ecole primaire de Lisieux et a-t-il formé, dans cemilieu, comme dans son noyau personnel d'élèves, dessujets prometteurs.

Son étroit atelier de la rue Saint-Dominique à Lisieux, toutencombré de pièces ébauchées. donne de suite l'impression du goûtaffiné de l'artiste. Aux murs, au plafond, sur les meubles, partout, cesont des moulages. des copies d'oeuvres ou de fragments d'oeuvresillustres, écoles de Bruges et de Bercy, détails pris à Notre-Dame,motifs de Jean Goujon, panneaux de Bouchardon, savoureux et naïfssujets empruntés à la décoration des beaux hôtels de la Régence.

Bien que professant pour le gothique et la renaissance un culteprofond, M. Patou a été amené à étudier non pas platoniquement, maisl'ébauchoir et le ciseau en main, l'élégance précieuse du XVIIIe siècle.

Cet art souverain l'a conquis, ces délicatesses qui ont fait du LouisXV et du Louis XVI des styles exclusivement français,l'ont séduit et ilest devenu dans leur interprétation d'une compréhension et d'unehabileté peu communes.

Habileté du reste n'est rien ; il y a des jeunes gens de 18 à 20 ansqui font montre d'un métier surprenant. Autre chose est de concevoir etde réaliser un ensemble, d'éviter cette bouillabaisse commerciale destyle indécis et où tous les éléments se confondent, de s'assimilerlés procédés des grands décorateurs de l'autre siècle tout en gardantune facture personnelle, de savoir ne pas donner dans le poncif et ledéjà-vu, et de jeter au contraire sur l'oeuvre accomplie cette lueur devérité et de vie qui résulte de l'affaissement voulu d'un feuillage oudu retroussis d'une feuille de rose.

Les architectes avisés et non des moindres, quand ce ne sont pas lespropriétaires eux-mêmes, font appel à M. Patou, pour la décoration desvillas et châteaux.

Nombre d'hôtels parisiens doivent leurs hauts lambris, leurs trumeauxet dessus de porte au ciseau de M. Patou.

De même, les villas Rothschild, Ruthemberg et diverses autres àDeauville, le château de la Cambe à M. le marquis de Cussy, le châteaude la Chapelle-Yvon, etc.

Chez le baron de Corcelles, à Bonfossé (Orne), l'ornementationgénérale du château est l'oeuvre du sculpteur lexovien. Il a réalisé làun ensemble des plus intéressants où tous les styles sont représentés :boiseries Louis XV, Louis XVI, Henri II etEmpire. La chapelle avec ses petites stalles est du plus pur Louis XIII.

A Lisieux, on ne compte plus les riches maisons bourgeoises qui sontredevables de leurs boiseries à M. Patou. Hier encore, il historiaitavec la plus jolie, diversité et un respectabsolu de la couleur locale, les poutres du logis Saint-Michel (maisonHuchon), dont une aile avait si malheureusement disparu dansl'incendie de 1911.

Ses délicats motifs, pierres et boiseries, de la façade du nouvelHôtel des Postes de Lisieux, font pardonner par leur fini et par leurgrâce, l'abondance exagérée de sujets décoratifs qu'a vouluel'architecte.

M. Patou est l'auteur de la belle porte du Collège, un modèle du genreavec ses panneaux traités comme ceux d'une armoire normande et aussi decelles du Théâtre municipal.

Les antiquaires et amateurs d'art assiègent son atelier pour qu'ilconsente à restaurer des sculptures endommagées ou incomplètes, et ilse rencontre là de pures merveilles, témoin ce panneau gothique dontnous avons formé une partie du frontispice, trouvé avec quelquesautres, face contre le mur et formant le fonds d'une armoire decampagne.

Témoin encore, un beau retable, propriété de M. le Dr Notta, ancienchirurgien en chef des Hôpitaux de Lisieux. représentant une descentede croix, et qui, fort détérioré, a été restitué par le sculpteur avecbeaucoup de talent dans sa forme primitive.

A. tous ces mérites, l'excellent M. Patou en ajoute un autre qui n'estpas fait pour diminuer la sympathie dont il jouit dans les milieuxartistiques normands ; il est le beau-père du bon Géo Lefèvre, lesculpteur animalier de Clinchamps, l'un des artistes les plus probes etles mieux doués de notre temps.

V. L. F.