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VEUCLIN, Victor-Ernest(1846-1914) :  Le Mariage d’unerosière à Bernay en 1807.- Bernay : impr. E.Veuclin, 1890.- 5 p. ; 22 cm.
Saisie du texte : S. Pestel pour la collectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (26.I.2006)
Texte relu par : A. Guézou
Adresse : Médiathèque André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex
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Texteétabli sur l'exemplaire de laMédiathèque (Bm Lx : norm brc 29).
 
LeMariage d’une rosière à Bernay en 1807
par
V.-E. VEUCLIN,

Correspondant du Comité desSociétés Beaux-Arts des Départements,etc.

~*~

Institués à Evreux dès 1792, auxAndelys en 1805, les mariages de rosières furentétablis à Bernay, en 1807.

Une délibération municipale, du 20 novembre de ladite année, contient ce passage instructif sur ce premiermariage de rosière à Bernay :

« L’objet le plus pressant qui va êtresoumis à votre délibération est celuirelatif à la célébration del’anniversaire du couronnement de S. M. l’Empereuret Roi… - Il reste disponible pour cette dépense457 fr. 13. Je pense qu’elle devra suffire au payement de ladot à accorder et aux frais de lacérémonie, lorsque vous aurez fixé lemontant de la dot, il vous restera à désigner lesujet que vous jugerez digne de la recevoir.

« L’assemblée, après avoirdélibéréséparément, s’est d’abordempressée de se conformer aux vues bienfaisantes dugouvernement, en faisant choix d’une des filles de cetteville qui, par leur bonne conduite et leur sagesse, ont le droit deprétendre à la dot cy-aprèsdéterminée ; tous, renseignementspréalablement pris, le conseil municipal aarrêté àl’unanimité : que Marie-Catherine Rose Helix seradotée le 6 du mois prochain, époque del’anniversaire du couronnement de S. M. l’Empereur& Roy : que ce dit jour, elle sera mariéeà un Brave de cette ville, Guillaume Pannier, qui a partyvolontairement pour la deffense de la patrie et a fait la guerrependant 15 ans consécutifs avec honneur et distinction. -Laquelle dot est fixée, eu égard à lasituation actuelle de la caisse municipale, dans laquelle elle seraprise, à la somme de quatre cents francs et les frais de lafête à soixante francs ; pourquoy M. le Maire estinvité à bien vouloir prendre à cettecérémonie toute la solennité et ladécence que les circonstances permettent. »

Procès verbal de la Fête du 6 Décembre1807, célébrée dans la ville deBernay…

Le Maire, d’après l’invitation qui luien avoit été faite par M. leSous-Préfet, a donné l’ordre aucapitaine de canonniers de faire annoncer, le 5, la fête del’anniversaire du couronnement de Sa Majestél’Empereur et Roi, par une salve d’artillerie ; decontinuer le lendemain, le matin, à midi et le soir.

A dix heures, les autorités constituées, lesfonctionnaires publics, les militaires tant en activité deservice que retirés, se sont rassemblésà la Sous-Préfecture, ainsi que MlleMarie-Catherine Rose Helix, fille qui a mérité lechoix du conseil municipal par sa sagesse et sapiété filiale, et le Brave Guillaume Pannier, quia servi quinze ans volontairement avec courage et [s’est]retiré avec un congé honorable. - Le Maire, avantde partir avec le cortège, leur a adressé laparole, les a exhortés à continuer de marcherdans le sentier de la vertu, leur a délivré unmandat pour toucher la dot généreuseaccordée par le conseil municipal.

Le cortège s’est mis en marche,précédé de la musique et des tambours,et escorté par la garde nationale, au milieu d’unefoule de spectateurs, pour se rendre àl’église paroissiale.

Arrivés au temple, ils se sont arrêtésdevant la chaire où M. le curé a fait un discourspathétique et digne du grand sujet qu’il avaità traiter. - Ensuite le cortège s’estporté dans le choeur où chaque corps apris la place qui lui étoit destinée par lemaître des cérémonies.

Aussitôt le Maire a donné la main à lavertueuse Helix et l’a conduite àl’autel, où le mariage a étécélébré par M. le curé,après un discours plein d’onction.

Une grande messe solennelle a étéchantée, et à différens intervallesles amateurs de musique ont exécuté plusieursmorceaux brillans avec beaucoup de précision.

Ensuite on a chanté le Te Deum et le Domine salvum facImperatorem.

La nouvelle mariée, au milieu du mêmecortège, a été reconduite àla Sous-Préfecture, par Mr De la Flèche, anciencapitaine de dragons, retiré, au son de la musique et destambours… (1).

Ce mariage, sans précédent à Bernay,eut lieu un dimanche, ce qui contribua grandement àl’éclat de cet événementdoublement intéressant. En effet, les épouxétaient originaires de la ville : le mari y étaitné le 5 mai 1759, il avait donc 48 ans ; ilexerçait la profession de cordonnier dans la rue de laFraternité ; la mariée, fille d’uncabaretier de la rue Grand-Bourg, était née le 6septembre 1771, c’était donc unerosière âgée de 36 ans ; ellen’avait pas de profession et habitait la même rue ;l’un et l’autre avaient perdu leur pèreet leur mère.

L’acte du mariage civil s’était fait lematin du même jour, 6 décembre 1807, enprésence de MM. André-Bazile Le Danois, membre ducorps législatif, Nicolas-Paulin Gattier,sous-préfet, Jacques-François Vattier,président du tribunal de première instance,Jacques-François Mutel, maire, Oursel, procureurimpérial et autres fonctionnaires publicsassemblés pour la fête de ce jour (2).


(1) A la suite de cette cérémonie matrimoniale sefit l’inauguration de la copie du portrait deNapoléon, faite par Descours. Au bas de ce portraitétait ce vers composé par M. Mutel :
A sa tête, à son bras, à sonâme, à son coeur,
Gloire, respect, amour,reconnaissance, honneur

Le soir - ajoute le procès-verbal - toute la ville aété illuminée, et la joie publique aéclaté pendant la durée de ce joursolennel. (N° 102 du Registre des décrets etarrêtés municipaux ; série B.)
(2) Dans sa charmante notice : Les Rosières de Bernay,publiée en 1885, M. Henry Turpin a omis de citer ce premieret remarquable mariage de rosière.