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VEUCLIN, Ernest-Victor(1846-1914) :  Manufacture dedentelle à Harcourt et Bernay : Extrait d'un Mémoire sur lePaupérisme lu au Congrès de la Sorbonne, en 1887 .- Bernay : impr. E.Veuclin, 1888.- 6 p. ; 21 cm.
Saisie du texte : S. Pestel pour la collectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (11.VII.2013)
Texte relu par : A. Guézou.
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Texteétabli sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : Norm brC 99).

 
Manufacture de dentelle à Harcourt et Bernay
(Anciennes industrie hospitalières)
par

E.-V. VEUCLIN,

~*~

Manufacture de dentelle à Harcourt et BernayA partir de 1662, en octroyant des Lettres patentes en faveur desanciens hôpitaux transformés et de ceux nouvellement fondés, Louis XIV,en vue de prévenir et de combattre le Paupérisme par le Travail,accorde à chacun de ces établissements les prérogatives suivantes :

« Permettons aux dits administrateurs de faire fabriquer dans le dithôpital toutes sortes de manufactures, et de les y faire vendre etdébiter en faisant garder les règlements faits sur icelle. Et, parcequ’il est important pour que les manufactures soient bien faites, queles administrateurs y appellent des artisans qui les montrent auxpauvres, et tout ce qui dépendra de leur art et mettier ; afin que ceuxqui auront esté choisis s’y portent avec plus d’affection, nousordonnons qu’après y avoir travaillé cinq ans, et qu’ils auront estéreconnus avoir bien instruit les pauvres en leur art et mettier, ilspuissent estre présentez par les dits administrateurs au vicomte, ouautre à qui la connoissance appartiendra, et au substitut de notreprocureur général, pour estre receus maistres es arts et mettiersausquels ils auront vaqué et instruit les pauvres, comme réputezsufisamment capables. »


I

En l’hôpital d’Harcourt, fondé en 1695 par la princesse d’Harcourt, estintroduite la manufacture de la dentelle, pour les jeunes fillespauvres auxquelles l’illustre fondatrice veut en outre procurerl’instruction intellectuelle au moyen d’écoles gratuites attachées àson hôpital.

Dans le contrat passé, le 29 avril 1696, entre les religieuses deGentilly et la princesse d’Harcourt, celle-ci leur impose entr’autresdevoirs celui d’apprendre aux pauvres enfants « à travailler à ladentelle afin de les mettre en état de gagner leur vie. »

Les registres de comptabilité de l’hôpital contiennent d’intéressantsdétails sur cette industrie jusque-là inconnue dans ce pays ; on y voitd’abord les dépenses nécessitées par l’achat de la matière première etdu matériel : fil, épingles, fuseaux, toiles pour les métiers, carteset patrons. Citons les chiffres suivants :

1696, – Payé pour des cartes, 3 l 12 s ; – 64 douzaines de fuseaux, 6l  8 s ;  – 2 milliers d’épingles, 18 sols. – 1700. Le fil sepaie, l’once, de 3 livres 12 sols à 5 livres 6 deniers.

Les recettes de l’argent des dentelles, en la première année (1696), semontent à 169 livres 11 sols ; l’année suivante, elles s’élèvent à 186livres 2 sols. L’aune de petite dentelle se vend de 18 sols 6 d. à 1livre 8 sols. La fondatrice en achète une certaine quantité.

Cette manufacture tombe et disparaît peu après la mort de la princessed’Harcourt, arrivée le 12 avril 1715.


II

En l’hôpital général de Bernay, fondé en 1697 par Madame de Ticheville,une manufacture y est aussi immédiatement établie à l’intention desnombreux enfants orphelins ou abandonnés reçus par cet établissement ;les garçons sont employés à la fabrication des frocs, brillanteindustrie locale ; les filles sont occupées à faire des travauxd’aiguille et de la dentelle.

Les registres de comptabilité donnent également d’intéressants détailssur cette dernière manufacture dirigée, vraisemblablement par unereligieuse hospitalière de Vimoutiers. Dans les dépenses de 1697 et1698 figurent celles relatives aux cartes, fil, fuseaux et épinglespour la dentelle : 8 milliers d’épingles coûtent 1 livre 18 sols ; 2douzaines de cartes blanches, 12 sols ; un demi cent de cartes jaunes,2 livres 5 sols.

A partir du 7 juin 1697, est fait « Mémoire de l’argent reçu du travailet manufacture de cet hôpital » ; pour les filles, il est écrit : « aumois de novembre, nous avons vendu des dentelles pour la somme de 54 l; – le 30 de mars 1698, reçu de la vente des dentelles, 44 l ; – aumois d’août, nous avons vendu des dentelles pour 106 l 4 s 6 d , – aumois de novembre, nous avons vendu des dentelles pour 90 l 10 s . – Lesenfants capables de faire de la dentelle y sont employez. »

Bien que soutenue par la prodigieuse activité de la fondatrice, lamanufacture de l’hôpital ne tarde pas à décroître, ainsi que leconstatent les notes suivantes, transcrites sur les dits registres :

« 1703. – Une partie de nos filles file pour faire de la toile et lesautres sont petites. » – (La vente des dentelles, jusqu’au 12 février1704, ne s’élève qu’à 105 l 6 d.)

« 1706. – Au mois de décembre, il n’y a que peu d’enfans qui font de ladentelle. Les grandes filent et les autres sont trop petites pourtravailler. »

Aussi, à la mort de Mme de Ticheville (2 décembre 1747), lamanufacture, tant de dentelle que de frocs, est-elle tombée depuislongtemps et n’est point relevée depuis.

La direction de l’hôpital d’Harcourt et de celui de Bernay ayantd’abord été donnée aux religieuses hospitalières de Vimoutiers, nouspensons que la dentelle manufacturée dans ces deux établissements étaitle point d’Argentan, dontla renommée et le débit étaient si grands dans les premières années dela seconde moitié du XVIIe siècle (1).



(1) Voir à ce sujet le remarquable travail de M. L. Duval, archivistede l’Orne : Documents pour servir àl’histoire du Point d’Alençon : 1883. En 1666, dit M. Duval,l’Intendant d’Alençon avait proposé à Colbert de faire apprendre auxpetites orphelines recueillies dans les hôpitaux à travailler auveslin, c’est-à-dire à faire de la dentelle.

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Notes sur la Manufacture

de

L’HOPITAL D’ORBEC
______


Réorganisé en 1690, l’hôpital d’Orbec reçoit une manufacture de bas etune de frocs ; la première pour les filles ; la seconde pour lesgarçons.

La manufacture de bas semble avoir eu à son début, une certaine vogue :un titre de 1707 indique que l’on en expédiait les produits et que lahaute noblesse ainsi que la bourgeoisie du pays se fournissaient àcette manufacture.

De même que pour la dentelle, cette manufacture féminine ne peut semaintenir ; en 1711, son produit ne s’élève qu’à 194 l. 9 s. 3 d.

Le 23 février 1719, Marin Petit, bourgeois d’Orbec, donne à l’hôpital140 l. 12 s. 11 d. de rente par an, à la charge, par lesadministrateurs de faire apprendre un métier à un pauvre qui aurademeuré et travaillé dans le dit hôpital l’espace de six années ; ets’il se trouvait quelqu’un des parents du donateur qui s’y rencontre,dans ce cas il sera préféré à tout autre pauvre, quand bien même il n’yaurait pas demeuré le dit temps de six années.

En 1758, il est fait mention de la manufacture de frocs et de coton établie dans l’hôpital ;nous pensons que le filage du coton par les filles, en remplacement dela fabrication disparue des bas. En la dite année, le revenu de cettemanufacture de frocs et de coton se monte à 673 livres.

En 1789, le revenu annuel de la manufacture de l’hôpital d’Orbec estévalué à la somme de mille livres (1).

(1) Ces notes, et beaucoup d’autres, on été tirées desarchives de l’hôpital d’Orbec par M. Ch. Després, qui nous les acourtoisement communiquées pour notre Mémoire lu à la Sorbonne, en 1887.