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VEUCLIN, Ernest-Victor(1846-1914) : Les Mouleurs de Boisde la ville de Paris.-Bernay : impr. E.Veuclin, [1888].- 6 p. ; 21 cm.
Saisie du texte : S. Pestel pour la collectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (09.VII.2013)
Texte relu par : A. Guézou.
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Orthographe etgraphieconservées.
Texteétabli sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : Norm brC 94).

 
LES
MOULEURS DE BOIS
DE LA
VILLE DE PARIS
par
E.-V. VEUCLIN,

~*~


Un heureux hasard nous a mis aux mains un gros registre manuscritrenfermant tous les faits historiques, jusqu’en 1733, concernant lacommunauté des Mouleurs de Bois dela ville, fauxbourgs et bamlieue de Paris, corporation qui, onle sait, avait le droit exclusif d’assembler dans des membrures, pourle mesurer, tout le bois qui entrait dans la capitale.

Bien que très humble par la condition sociale de ses membres, cettecorporation jouissait d’une certaine importance et possédait desadministrateurs énergiques. Le registre en question est, en effet,presque rempli d’actes judiciaires constatant que les Mouleurs de boisne cessèrent de lutter contre les établissements et les personnages lesplus puissants qui prétendirent s’affranchir des privilèges octroyés àleur communauté.

Le premier document cité dans notre registre est daté du 15 novembre1393 ; c’est une « Sentence du Bureau de la Ville de Paris qui entérinecertaines Lettres royalles par les Mouleurs de Bois obtenuës du Roy,par lesquelles Sa Majesté ayant égard à la très humble remonstrance quiluy a esté faicte par lesd/ Mouleurs, auroit ordonné qu’à l’avenirlesd/ Mouleurs ne pourront estre que deux à mesurer et compter unquarteron de bûches, sçavoir un pour le vendeur et l’autre pourl’acheteur ; Item que lesd/ Mouleurs ne prendront que 8d duvendeur  et 8d de l’acheteur, pour tous droits du quarteron debûche ; Item que lesd/ ne pourront pour cent de bûche de prendre plushault prix que 6d,  sçavoir 3d de l’acheteur et 3d du vendeur ;Item pour Fagots, Ronces et Espines de hayes, 2d du cent Et oultre ilest ordonné que lesd/ Mouleurs et Compteurs feront le service dupublicq à peine d’estre deschus de leurs offices. »

La corporation des Mouleurs de bois intenta aussi de nombreux procès àdes corporations presque similaires, notamment à celle des Gagnedeniers des ports et placesde Paris (1).

En 1697, conformément à l’édit du mois de novembre 1695, des armoiriesfurent imposées à la « Communauté et compagnie des Jurés Mouleurs debois de la ville de Paris » ; ces armoiries étaient : d’argent à l’anneau de sable, au chef degueules fleurdelysé d’argent ; l’écu était entouré de deuxbranches de chêne. Le registre précité contient (fio 190 ro) lecertificat original et le dessin de ces armoiries pour lesquelles, le 4mai 1697, il fut payé la somme de 20 1  et 5 1 pour les 2 s pour livres, plus 30 s pour les frais du blason ; le même feuilletporte aussi plusieurs empreintes, à sec, du sceau armorié de lacorporation.

Citons également la mention d’un arrêt du Conseil d’Etat, du 19 mai1693, par le roy en son conseil, conformément à l’arrest du sr de laBarchère, commissaire député par Sa Majesté en la généralité de Rouen,du 8 avril 1693, auroit ordonné que le tarif par luy fait pour laperception des droits attribuez aux offices des cordeurs et mouleurs dela ville de Rouen, le 21 janvier 1693, sera exécuté selon sa forme etteneur, ce faisant que les dits droits seront perçus et levés sur tousles bois qui seront conduits et amenés tant par eau que par terre enlad/ ville de Rouen ; mesme sur ceux provenant des forêts de SaMajesté, suivant ledit tarif, desquels droits les vendeurs serontremboursés par les acheteurs. »

L’analyse des nombreux titres relatifs à la corporation des Mouleurs debois de Paris dépassant considérablement les bornes qui nous sontimposées, nous sommes heureux de faciliter aux chercheurs de lacapitale l’étude de cette association peu connue ; nous avons doncl’honneur de faire hommage à notre éminent président, pour laBibliothèque nationale, du registre précité, lequel est probablementunique.

Pour terminer cette courte lecture, il nous est agréable de citer unfait jusque-là ignoré ; c’est que la corporation des Mouleurs de boisde Paris a compté parmi ses membres les plus notables un normand, unenfant de Bernay, lequel, avant de mourir voulut perpétuer sonaffection pour sa ville natale : en 1673, les 5 et 14 juillet, lesnotaires du Châtelet reçurent, en effet, le testament de JacquesJulienne, marchand bourgeois de Paris « juré moulleur et contrôleur debois » en ladite ville, par lequel testament il léguait la somme de5,000 livres au profit de la fabrique de Sainte-Croix de Bernay, « pourla considération et vénération particulière qu’il avait eue pour laditeéglise de Sainte-Croix dudit Bernay, lieu de sa naissance » ; cettedonation était faite à charge de prières (2).

Ce fait tout local témoigne une fois de plus que ce n’est pas d’hierque les fils de la Normandie sont allés, à Paris et ailleurs, conquérirfortune et renommée. Est-il besoin de rappeler qu’à toutes les époquesnotre belle province a toujours fourni à la capitale, aussi bien dansle monde de la politique que dans celui des lettres, des sciences etles arts, les personnalités les plus brillantes dont la France doitêtre plus que jamais fière !


E. VEUCLIN.
NOTES :
(1) Les Gagne-deniersétaient ceux qui mesuraient le charbon.
(2) Tabellionnage de Bernay viconté d’Orbec.