Un peu de Lisieux en cartes publicitaires
C’est en ouvrant une petite boîte grise conservée dans nos réserves que le trésor apparaît : une collection d’environ 100 cartes publicitaires, dites « chromos » ou « cartes-réclames ». Le principe est simple : au recto, une illustration, au verso une publicité. Toutes viennent de commerces lexoviens.
Elles pourraient être prises pour des cartes postales, si ce n'est l'absence d'espace pour inscrire un message ou une adresse au dos.
Ces supports papier illustrent l’enfance de la publicité. Au milieu du XIXe siècle, Aristide Boucicaut, propriétaire du grand magasin parisien « Au Bon Marché », cherche un moyen de promouvoir son activité. A une époque dépourvue de radio et de télévision, le papier est la seule forme de publicité possible. Ces modestes cartes cachent une stratégie habile en partant d’un constat simple : les grands magasins sont principalement fréquentés par les femmes. Pour les inciter à revenir chaque semaine, Boucicaut imprime et distribue à leurs enfants ces cartes illustrées. Il a compris que la fidélisation des mères passe par la séduction des enfants. Chaque jeudi, jour des écoliers, les jeunes implorent maman de les emmener au « Bon Marché » pour enrichir leur collection. Bientôt, d’autres magasins mais aussi des marques reprennent cette astucieuse idée marketing.
Donc, côté face, on découvre une illustration généralement enfantine. Imprimée selon le procédé de la chromolithographie, elle nous paraît aujourd’hui kitsch. L’image montre souvent des enfants en costume (le chasseur, la Normande, Polichinelle, Pierrot…) ou dans des scènes de la vie quotidienne. On y trouve quelques paysages ou des vues de pays étrangers. Les thèmes sont plus ludiques qu’éducatifs.
Une partie de la collection lexovienne comprend précisément des cartes-devinettes assez comparables à nos blagues carambars. « Quel est le point commun entre un peintre et un coiffeur ? ». La réponse se dévoile au dos : « ils peignent tous les deux ». Les jeux de mots ont la faveur des illustrateurs. « Quel est le moyen à prendre pour faire aboyer un chat ? En mettant devant lui une tasse de lait, on peut être sûr qu’il la boira (qu’il l’aboiera) ». Chacun appréciera l’humour...
Côté pile, les cartes affichent le texte publicitaire. Autant d’occasions de connaître les commerces d’avant-guerre à Lisieux. Qui se souvient de la quincaillerie Alphonse Langlois (rue des Mathurins), du Grand Café Eugène Dubois (rue Pont-Mortain), de Lamotte Porcelaines et cristaux (place Thiers, aujourd’hui place François-Mitterrand) ? La réclame vante des articles désuets à nos yeux : la Maison Martin-Vesque propose des « chaussures & galoches », des « bottes et brodequins de chasse », à l’angle de la Grande-Rue et de la rue des Boucheries. Le tailleur Ernest, établi Grande-Rue (rue Henry-Chéron), crée entre autres des « uniformes pour séminaires, collèges et livrées ». Toute une époque révolue resurgit.
La provenance de ce lot de cartes est inconnue, sa datation approximative. Quelques indices nous orientent entre 1870 et l’avant-guerre, l’âge d’or des chromos. Quoiqu’il en soit, ces cartes publicitaires sont sûrement à l’origine de cette maxime parentale : « Si tu es sage, tu auras une image ».