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CELOS, Georges(1870-1939) : Le Pain brié en Vénétie.-Paris : Henri Jouve, 1912.- 119 p. : ill. ; 19 cm.. Saisie du texte : S. Pestel pour la collectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (08.I.2013) Relecture : A. Guézou Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros]obogros@lintercom.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusionlibre et gratuite (freeware) Orthographe etgraphieconservées. Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx: 7593). LE PAIN BRIÉ EN VÉNÉTIE PAR LE Dr GEORGES CELOS Ouvrage contenant 26 figures dessinées par l’auteur d’après les documents originaux ![]() ~*~ DÉDICACE ____ A MA FEMME, C’est à toi que revient, sans conteste, la dédicace de ce livre, un demes petits Vénitiens, puisque – sans parler de nos études dans lesmusées, où, associée à mon œuvre, je te suis redevable de la découvertede deux des monuments qui m’ont permis de faire la seconde partie de celivre – nous en avons observé, recueilli, et rapporté les élémentsensemble, pendant des voyages, trop rares encore, dont nous avons gardéde si tendres et de si nombreux souvenirs, dans la Belle d’Amour, quiest, plus que toute autre ville, une source inépuisable de travauxvariés. Pourvu qu’on ne dise pas, après avoir lu ce livre, que nous y avonspassé le temps à faire des petits pains... Je t’aime. G. ___________ PRÉFACE ___ L’utilité d’une Préface – Salsa del libro – est discutable, surtoutlorsqu’elle est destinée à un livre sur le Pain Brié, pain dans lequelon met peu ou point de sel, dans le Calvados, du moins. Il convient donc de la faire courte. Un homme, que j’ai intimement connu pendant trente ans, me reprochait,une fois, de ne pas conclure. C’était Lottin, de Laval, l’inventeur dela Lottinoplastie, procédé commode de reproduction, qu’on a laissétomber dans l’oubli, afin de permettre, un jour, à quelqu’un de sefaire un nom et une fortune, en le réinventant. Lottin, en mourant, oublia d’assurer son œuvre sur la vie et la laissase disperser pour toujours. Cet homme, qui voulait des conclusions,omit, justement, d’en donner une à sa longue existence. Dans sa magnifique thèse, Averroès et l’Averroïsme, M. Renan dit : «Qui sait si la finesse d’esprit ne consiste pas à s’abstenir deconclure ? » Comme on retrouve bien là celui qui, pour éviter de toucher à laquestion de la Résurrection de Christ, déclare, dans sa Vie de Jésus,que c’est là une chose qu’il examinera, plus tard, dans l’Histoire desApôtres et qui sort de son sujet actuel. Entre les deux opinions, il y a, peut-être, place pour un moyen terme. Évidemment, j’ai eu tort, dans ma thèse (1), de dire que l’on devaitopérer d’urgence, toutes les appendicites (idée que je tenais de M.Dieulafoy) puisque le même maître a déclaré, plus tard, que nombre degens avaient été ainsi opérés, sans nécessité de le faire. Mais, j’ai eu raison, dans le Pain Brié, de ne pas faire deconclusions, car j’en aurais avancé, à cette époque, sur la question duPain Brié en Italie, qui auraient été erronées. Il faut examiner des faits, les rapporter bien exactement, et puis,conclure un peu, en attendant de conclure mieux, le jour où l’on auraobservé davantage. C’est, entre autres choses, ce que le présent livre tend à démontrer. (1) 1902. ________ PREMIÈRE PARTIE ____ LE PAIN BRIÉ EN VÉNÉTIE _________________________________________ ADMONITION ____ Depuis l’indéfini, les hommes n’ont pas toujours eu les mêmescroyances. Mais combien de temps a pu durer leur confiance danscertaines traditions, qui ont fini par céder la place à d’autres, c’estce qu’on ignore, sauf pour les périodes dites historiques. La Bruyèredisait qu’il y avait plus de sept mille ans qu’il y a des hommes et quipensent. Aujourd’hui, on parle, devant un crâne préhistorique, de troiscent mille ans, une paille. Et rien ne prouve que s’il y avait deshommes, il y a trois mille siècles, ils ne pensaient pas. Que sont, à côté, les trois ou quatre mille ans de certaines religions,dites très anciennes ? Avant elles, il dut y en avoir d’autres. Ons’accorde généralement à reconnaître que les hommes attribuèrent leurspremières manifestations culturelles au Soleil ou Feu, d’un côté, et del’autre, aux Organes générateurs, spécialement au Sexe Masculin ;sources de ce qui est et de ce qui vit. Longtemps, les hommes durent observer ces cultes. Puis, dans la suitede l’Histoire, survinrent des personnages, qui apportèrent à la Terredes notions d’un ordre différent. Il en surgit toujours. « Tous lesChrists ont des précurseurs », comme l’a dit le professeur Delbet, danssa leçon inaugurale à l’hôpital Necker, en 1909 ; mais ils ont aussides disciples et ceux-ci ont, même, souvent altéré la doctrine duMaître. Or, on peut voir que, malgré le Temps, les hommes ont conservé lestraces de ces cultes anciens du Soleil et du Phallus. Ce dernierrégnait encore en Nouvelle-Zélande au XIXe siècle. Ces cultes-là sontvivaces, car, lorsqu’on en parle, il faut faire bien attention que,pour qu’une croyance existe chez les hommes, il n’est pas besoinqu’elle soit entourée d’un respect pour ainsi dire officiel. De toustemps, les hommes ont eu ainsi une religion d’État, avec un Chef. Acôté, ils pouvaient accorder leur admiration, ou leur crainte, àcertains objets naturels ou symboliques, à certaines légendes, petitesreligions qui n’avaient pas besoin, pour être religions, d’avoir destemples, des officiants, des marques extérieures de culte. Il suffisaitque les hommes se lèguent des objets, ayant une forme consacrée parl’usage, ou des symboles dessinés de façon toujours analogue, ou destraditions orales ou écrites, pour que le culte existât et fûtconservé, même s’il n’avait plus de but ouvertement avoué. Et puis, les siècles se succédant, le sens des formes primitives, dessymboles originaux, des traditions légendaires a été voilé peu à peupar d’autres croyances. Mais, si les objets de forme symbolique sontrestés en usage, aujourd’hui les hommes en ont oublié la significationet croient qu’on a toujours pensé comme à notre époque. Or, je tiens à exposer ceci : I° Le Culte du Soleil et celui des organes générateurs ne constituentpas deux cultes distincts ; ils n’en forment qu’un, c’est le même,celui du Principe Générateur. C’est une idée que j’ai exposée, dans lapremière partie de Venise, sans gondoles (1) et il est curieux devoir que l’hypothèse émise récemment par Swante Arrhenius, la Lumièreapportant la vie sur la Terre, vient, en somme, à l’appui de cettethéorie. 2° Les restes de ces Cultes, que d’autres ont supplantés, sont encorenombreux en Europe. On peut les y retrouver, sous formes de dessins,sculptures, légendes, poèmes, dont le sens apparaît, tout d’abord, trèsdifférent ; d’ustensiles, d’aliments, dont les hommes se serventconstamment. C’est à exposer ces vestiges que je consacre, en cemoment, un série de livres, travaillant avec peu, faute d’avoir vubeaucoup de la petite Terre, mais, en étudiant ce que les hommeslaissent, en passant auprès indifférents et inattentifs, pour laplupart. Ces livres sont, d’ailleurs, en partie, le fruit du grandtourisme automobile. J’ai été forcé, jadis, de vivre à côté de quelquesimbéciles, qui, ne comprenant pas que je faisais, il y a déjà quatorzeans de cela, du tourisme automobile et par des moyens très simples, medisaient : « Mais enfin, qu’est-ce que vous pouvez voir quand vous êteslà-dessus ? » Il était inutile de répondre à de telles questions. Ilsn’auraient pas compris, si j’avais dit, par exemple, qu’on peutacquérir la preuve de l’existence de Dieu, en écoutant, sur la route,l’hymne glorieux d’un train d’engrenages, bien conduit, tournant dansla bonne huile d’un carter étanche, par la lumière d’un lever de soleild’été. Entre ceux qui ont fait de la route et les autres, il y a quelque chose, que ne comprendront jamais ceux-ci, tant qu’ilsn’auront pas fait comme ceux-là. Je suis heureux aujourd’hui de pouvoirmontrer ce que j’ai vu, là-dessus, bien qu’il y ait encore d’autreslivres qui attendent leur tour depuis longtemps. Ce préambule était nécessaire ; certaines personnes ayant cru quej’écrivais des traités de Boulangerie, ou n’ayant pas paru comprendrele but que je poursuivais, sans m’inquiéter des conventions d’unesociété pudibonde, autant que dépravée. ________ LE PAIN BRIÉ EN VÉNÉTIE ____ Panem deCelos... Dans un ouvrage précédent, le Pain brié, publié en 1910, j’ai étudiécette sorte de pain, que l’on trouve en France, dans le Calvados, et,spécialement dans sa partie Est, où l’on mange le même pain qu’enEspagne et en Italie. Dans ce livre, où quelques lignes, seulement,étaient consacrées à la boulangerie, j’ai montré les raisons d’aprèslesquelles on doit écrire : pain brié et non brillé ou brillié.Puis, j’ai considéré surtout les formes données au pain brié et faitvoir que celles-ci étaient, pour les pains briés de la région Est duCalvados, des formes phalliques, ctéïnnes ou placentaires, des formessexuelles, par conséquent ; et il est facile de voir, de ce côté, unehabitude ancienne, restée parmi certains Normands. Il est, dans noscivilisations modernes, un ensemble de croyances, de traditions trèsanciennes qui se rapportent à des âges très éloignés de nous, et qui,voilées par des siècles de vie modificatrice, n’apparaissent quedifficilement aux hommes actuels, parce qu’elles sont cachées parl’habitude, par la perte de leur vrai sens, et par la pudibonderie. Leculte primitif des hommes pour le Principe générateur, masculin ouféminin, en fait partie, et la question du pain brié, qui touche à desproblèmes d’ethnologie ardus, et à l’histoire aussi des primitivesreligions peut-être, est intéressante, parce qu’elle peut montrer ainsides vestiges de croyances disparues. * * * Tout le monde sait que l’ancienne Italie faisait des gâteaux sexuels,qui servaient pour les repas, offrandes. J’ai montré que le Calvadosavait gardé, avec soin, cette coutume, qui a dû venir, justement,d’Italie, et qui est vivace dans le Midi de la France. Or, dans le Pain brié, j’avais dit un mot du pain brié en Italie et,spécialement, en Vénétie. Malheureusement, si j’avais très bien étudiéle pain brié normand, je n’avais pas su regarder, en 1907, celui deVenise comme je le fis en 1910, car, entre ces deux dates, il y eut unvoyage dans le Calvados qui m’orienta vers des recherches nouvelles. Mais ce fut un mal pour un bien ; car, ayant eu, depuis, l’occasion derevoir ma chère Venise, j’ai pu y étudier le pain brié, suivant lesidées que j’ai exposées plus haut. Mon intention est de faire, sur lepain brié, une étude plus vaste, plus générale ; mais, n’ayant pasencore tous les matériaux pour cela, je me bornerai ici à donner lecompte rendu de mes observations en Vénétie. On verra par là qu’il ya toujours, dans cette province, du moins, des pains de formesphalliques et, plus généralement, sexuelles. * * * Et tout d’abord, peut-on dire qu’il y a du pain brié en Italie ? Le fait est certain ; et, si l’on en trouve à Venise, ce n’est qu’uncas particulier. On mange en Italie un pain, peu levé, fait avec unepâte « ferme », pâte usitée dans tout le Sud de l’Europe, pain quiressemble, comme aspect, au pain appelé Brié en Normandie, au point defrapper les gens, même non prévenus. En voyant certains pains italiens,on s’écrie aussitôt : « C’est du pain brié. » Si donc le pain italien en est, il faudra donner ce nom, de touteévidence, au pain ancien qui se retrouve à Pompéi – au pain du Sud del’Europe – à celui qu’on mange en Espagne et qui est pain national – àcertain pain usité en Algérie, où il a été porté, probablement, par lesEspagnols, car on l’appelle, là-bas, pain espagnol. Tous ces pains sontdu pain brié. En Italie, à Venise, que j’ai ici spécialement à considérer, l’usagetrès répandu des pains viennois, parisiens, etc., des pains très levésen un mot, a beaucoup atténué celui du pain brié, qui est lourd etdéplaît aux nombreux étrangers qui passent dans les hôtels. Néanmoins,on en trouve facilement dans les boulangeries et même dans certainshôtels, surtout dans ceux qui sont de fondation ancienne. Très peu de temps après la publication de mon livre, André Maurel(Petites villes d’Italie, t. III) dit avoir vu, à Foggia, du pain «brillé » (sic). Cela confirme donc bien ce que je dis, que l’Italiese sert de pain brié partout. Mais M. Maurel voyait, dans la présencede ce pain à Foggia, une preuve, venant corroborer l’influence exercéepar les Normands en Italie, au moment de la conquête de Tancrède deHauteville et Robert Guiscard. En ce qui concerne le pain brié, jecrois qu’il n’en est rien. Il y a du pain brié en Espagne et ce n’estpas parce que les Normands en usent aussi qu’il faudrait penser qu’ilsl’y ont porté, pas plus que dans les autres endroits, où il y en a. Les sus-nommés seigneurs étaient d’un pays, appelé aujourd’hui Manche,où, sauf dans les villages limites du Calvados, on ne mange pas de painbrié. Depuis le temps il aurait pu, à la vérité, s’y perdre. Mais lepain même que l’on fait dans la région Ouest du Calvados, celle quiavoisine la Manche, n’a de brié que le nom. Le royaume desDeux-Siciles, fondé par le seigneur de Coutances et résultat de laconquête Normande, remonte à 1130 ; alors que le pain brié (2) et lecidre furent apportés d’Espagne en Normandie, au milieu du XIVe siècle,par Charles le Mauvais, roi de Navarre et comte d’Évreux. La présence générale du pain brié, dans le Sud de l’Europe, montre quec’est un pain ancien, qui ne se trouve en Normandie que par accident.Comme je l’ai dit, il n’y en a, nulle part, en France, que dans unepartie du Calvados. Ce pain a dû y venir de l’Italie, qui l’a donné àl’Espagne, au moment où celle-ci était province Romaine, et d’Espagne,il fut importé en Normandie. * * * Le pain brié s’appelle ainsi parce qu’il est fait avec un brion, outilà broyer la pâte, composé d’une table massive, sur laquelle est fixé unlevier en bois. Derrière la charnière de celui-ci, est une sellette, oùse tient un homme, qui réunit, ramasse, sans cesse, la pâte sous lelevier, qu’un autre ouvrier élève et abaisse, de manière à écraser lamasse. Or, le pain brié est un pain compact. Faut-il réserver, dès lors, le nom de brié au pain fait avec unbrion, d’après l’étymologie ? On serait tenté de le croire. Tout pain,qui n’aurait pas été fait au brion, ne serait donc pas du pain brié et,comme je n’ai pas vu cet instrument en Italie (ce qui ne veut pas direqu’il n’y en ait pas), on devrait en conclure qu’on ne trouve pas devrai pain brié, dans ce pays. Les Normands appliquent, sans distinctionde qualité, le nom de pain brié à tout pain dont la pâte a ététravaillée au brion, et ils regardent cela plutôt que la compacité dupain. Mais cela n’est qu’une affaire de mots. On s’accorde, en effet, àdire que le véritable pain brié, c’est celui, compact et de croûtelisse, qu’on fait à Honfleur et dans les environs. Ce qui rend le paincompact, et ce pain on l’appelle brié, ce n’est pas l’usage du brion,qui n’est qu’un instrument primitif, destiné à facilité le pétrissagede la pâte « ferme », qui est très difficile à travailler avec lesbras. C’est l’emploi d’une pâte ferme, que l’on fait dans tout le Sudde l’Europe ; pâte qui est levée au levain, et non à la levure, pendantpeu de temps, ce qui donne une pâte peu levée et permet d’avoir un paincompact, presque sans trous, à mie très serrée et à croûte lisse etdure. Le brion n’a rien à voir là-dedans. Que l’on s’en serve ou non,le pain aura le même aspect, si on le fait peu lever au levain. Il y ades pays, même, où le pain brié est fait sans brion. La pâte est pétrieavec les pieds chaussés de gros sabots. Il me paraît donc que l’on peut, logiquement et pour la commodité durécit, appeler « brié », le pain de l’Italie et de l’Espagne, àcondition d’appliquer ce nom au pain compact, qu’il soit fait ou nonavec le brion. Le brion a servi longtemps à pétrir la pâte à vermicelle. C’est ce quedit le Larousse, au mot Brie ; et, d’autre part, le Manuel duBoulanger, de Favrais, 1904, paraît attribuer à Giovanni Branca,l’invention du brion, chose peu conciliable avec ce fait qu’on s’enservait, en France, plus de cent ans avant la naissance de Branca. Maison pourrait penser, d’après cela, que l’Italie a conservé le brion. Jen’en ai pas vu. En Italie, on a remplacé les vieux instruments par unmatériel moderne, presque partout. Les pâtes se font avec des machineset on se sert de pétrins mécaniques. Mais il faudrait, pour bien faire,pénétrer dans les campagnes et voir, de près, les boulangeries ; à fondde boutique, comme j’ai pu le faire dans le Calvados. Ce sont là des choses qui ne vont pas sans danger. Raphaël eut del’agrément avec sa fornarina, mais elle lui abrégea la vie. En outre, ceux qui connaissent un peu Venise savent combien il estdifficile d’y avoir un renseignement exact, permettant de trouver autrechose que la Piazza S. Marco. Savoir ce qui peut être utile, à proposdu pain, est une tâche très ardue. La vie vénitienne des rues secompose, en effet, d’une multitude de petits larcins, de petitescarottes, que les gens se tirent mutuellement. Il en résulte qu’ils sont d’une défiance extrême ; ils pensent, si ons’adresse à eux pour autre chose que pour acheter, qu’on veut lesmettre dedans et, même, l’on se figure mal combien j’ai eu de peine àavoir certains de ces pains, que je décris ici. Ils furent, pour quelques-uns, achetés dans la via Vittorio Emanuele.L’un d’eux (fig. 4, 6, p. 39 et 41), faisant partie d’une fournée depains semblables, était au fond d’une vitrine. Je le demandai. Leboulanger m’en présenta quelques-uns d’une forme différente, quiétaient dessus. Je les refusai, disant que je voulais celui du fond.L’homme me répondit qu’ils étaient tous de même poids, et de même prix,et qu’il ne comprenait pas pourquoi j’en voulais un, plutôt qu’unautre. Mais, il y a bien longtemps que l’abbé G. Féret, à qui est dédié En route, du regretté Huysmans, m’a accusé de « Pertinacia ». Jeréclamai le pain. Le boulanger, entrant en colère, vida tous les painssur le comptoir, puis les remit en vitrine. Fort heureusement sa femme,qui avait, peut-être, compris que c’était à la Forme et non au Pain,que je tenais, sa femme intervint et j’eus le pain convoité. Ce petitexemple montre à quelles difficultés on se heurte parfois, pour deschoses qui paraissent si simples. * * * Le pain brié vénitien est fait avec une farine très belle, pétrie enpâte ferme. Dans sa composition, il entre de l’huile (comme dans lespains et gâteaux de l’Antiquité), aliment qui joue un si grand rôle enItalie. Les pains briés vénitiens sont tous de petits pains, de la dimension dela main environ, et du prix de deux ou trois sous. Ils portent, suivantleurs formes, les noms de Pane Piave, Bussolai, et autres noms,suivant les quartiers. Le pain brié a le nom générique de pane conolio (pain à l’huile.) La croûte de ces pains est dure, lisse, sans aspérités, partout égale.Sa couleur est claire, jaune de Naples, ou ocre jaune, dans les partiesplus cuites, avec quelques endroits Terre de Sienne, naturellement. Ces pains, lorsqu’ils sont frais, sont assez tendres, sauf la plusgrande partie de la croûte, qui les enferme comme la carapace quiprotège la délicate langouste. Leur mie est onctueuse et tache lepapier (3), ce qui tient à l’huile. Ils durcissent très vite et ne se laissent jamais parasiter, comme lesgros pains briés normands, dont les sillons sont souvent envahis par Penicillum Glaucum, ou des moisissures analogues, quand on lesconserve longtemps. Cela tient au petit volume des pains briés deVenise, qui ne conservent donc pas d’humidité dans leur mie. Plus tard,ils sont extrêmement légers, se cassent facilement et sont, au toucher,durs et sonores comme certaines terres cuites. Au point de vue « goût », tout est là-dedans affaire d’appréciation.Celui qui aime le pain brié normand aimera celui de Venise. Mais, toutle monde n’aime pas le pain brié. Je recommanderai surtout les pains briés que l’on trouve au « Pontedelle Spade » (à S. Matteo di Rialto), entre S. Cassiano et la RugaGiuffa S. Giovanni (Ponte di Rialto). Ceux qui ont servi pour cet ouvrage ont été tous achetés, à Venise, en1910, dans les quartiers suivants : Santa Fosca (Via Vittorio Emanuele,Santa Giustina, Rialto, Santa Maria Formosa, Frari, tout le cœur del’ancienne Venise. J’aurais désiré donner, comme gravures, des photographies des painsdécrits, comme pour le Pain brié du Calvados. Mais, pour des raisonsd’économie, j’ai dû renoncer à reproduire des photographies et mecontenter de dessins qui, exécutés en grand format, pour la réduction,m’ont constitué un travail long, à défaut d’un capital. Certains ontété loupés et on demandé à être refaits trois et quatre fois. Quelques-uns ont été faits, à Venise, d’après des pains, qui étaient endevanture, à la grande stupéfaction des boulangers, qui sortaient, dansla ruelle, pour regarder derrière mon dos, ce que je pouvais être àdessiner avec tant de soin, et ne comprenaient pas... Ce sont lesnos 9, 10, 19. Le n° 13 a été fait à l’hôtel Capello Nero, et le n° 14, à Vérone. Lesnos 3, 4, 5, 6, 8, 11, 12, 15, 16, 17, 18 ont été faits sur lesphotographies de pains, rapportés par nous et non d’après lesphotographies, ou les pains. Toutes les reproductions de photographies ou de dessins originaux depains, vases ou monuments, ont été faites par moi au pantographe. J’aiconscience de donner, par ces dessins, une idée aussi exacte des chosesque par la photographie, mais ces dessins n’ont d’autre prétention quede reproduire exactement les formes observées. Ces pains, ainsi que certains de ceux qui avaient servi pour le Painbrié, seront donnés au T. (4). Enfin, je ferai remarquer que les formes données, à Venise, à des painsbriés, ne sont jamais données à des pains non briés. Il en est de mêmepour quelques formes de pain brié du Calvados. Il y a donc des formes de pain brié qui lui sont absolument spéciales. Voyons, maintenant, si le pain brié a un passé, en Vénétie. _________ LE PASSÉ _____ Il consiste en un tableau, que j’ai déjà décrit, d’Andrea Vicentino(5), Pépin assiégeant le Rialto, et qui est dans le Palais des Doges,salle du Scrutin, à gauche du buste de Francesco Morosini, le glorieuxcasseur de marbre du Péloponèse. Ce tableau est ainsi disposé : au fond est le camp de Pépin, roi deLombardie ; les Vénitiens sont au premier plan, à gauche. Entre deux,on voit le Rialto. Je rappellerai que ce qu’on y entend sous ce nom estune rivière qui traverse la lagune (ce que John Ruskin a appelé leProfond Courant), et qui a formé le Grand Canal. Les Vénitiens, pour décourager les assiégeants, leur avaient lancé,avec des catapultes, des pains, qui devaient montrer qu’ils nesouffraient pas du siège. On voit, à gauche, apporter ces pains dans des corbeilles. D’autresgisent, épars. Plus loin, on voit les pains voler par-dessus le Rialto. Certains de ces pains sont ovalaires, allongés, en amande, et partagéspar une fente, comme on en fait toujours à Drucourt (limite duCalvados). D’autres sont de forme quadrangulaire, avec, dessus, desentailles en croix, produisant quatre coins pointus (panis quadratusdes Latins ; ce pain-là aurait fait le bonheur des Cubistes ; ousimplement quadra : Aliena vivere quadra (Juvénal) manger le pain desautres). On fait de ces pains encore à Lisieux et dans les environs.Beaucoup, enfin, ont une tête centrale, comme des brioches. Certainssont ainsi, avec de larges coins, disposés polygonalement en bordureautour de la partie centrale (fig. 2) comme certains pains briés deHonfleur. Ces trois formes de pain brié se retrouvent d’ailleurs à Orbec,Pont-l’Évêque, Honfleur, etc., dans toute la région Est du Calvados,comme je l’ai dit. ![]() Honfleur et Venise paraissent bien éloignées l’une de l’autre.Pourtant, quelque chose rattache le féerique Palais Ducal au petitHôtel de Ville, qui se reflète dans l’eau dormante du Vieux-Bassin : laforme de ces pains, que Vicentino a placés dans son œuvre, et que lavieille et pittoresque ville Normande reproduit fidèlement chaque jour,de même que le Calvados et la Vénétie ont conservé la coutume de fairedes pains sexuels. Et ce dut être la mer (à la suite de quellesaventures ?) qui dut ainsi relier la Belle d’Amour, reine del’Adriatique, au port normand, d’où partirent de hardis voyageurs etque la Seine envase aujourd’hui, tous les jours, un peu plus. Le Passé est plein de ces petits faits-là, qui sont souvent ignorés. Etce sont eux, bien plus que les grands événements de l’Histoire,officiellement enseignée, qui ont constitué le Présent. ![]() Il n’y a pas, dans le tableau, de petits pains, car ceux-ci n’auraientpas eu la masse nécessaire pour être lancés loin. Ce que Vicentino areprésenté, volant au-dessus du Profond Courant, ce sont des painsbriés assez gros. Il me paraît donc certain que, au XVIe siècle, on faisait, à Venise, dupain brié, comme celui qu’on fait encore dans le Calvados. Il en estencore de même comme on le verra. Il faut toutefois remarquer : Que les formes du tableau de Vicentino n’existent plus à Venise, saufla forme en amande (voir p. 49) ; qu’on n’y fait plus de gros pains,mais seulement des petits pains, dans le genre brié ; que les formesactuelles de ces pains briés sont absolument différentes de celles quisont dans le tableau de Vicentino. Cependant, on pouvait faire, à cette époque, des petits pains, desformes dont il est parlé plus loin ; le peintre ne les aurait pasreproduits, à cause de leur petitesse. Mais les miches, de forme rondeou carrée, se sont perdues, peut-être parce que les Italiens ne mangentpas beaucoup de pain et que les étrangers aiment surtout le painViennois ou de Paris, le pain « riche », qui n’est pas le pain brié. Dans le Repas chez Lévi, de Véronèse (Accademia) il y a, à droite deChrist, un pain en amande, comme ceux que l’on fait aujourd’hui àDrucourt. Il y a bien, dans un Titien du L. : Les Pèlerins d’Emmaüs, unpain qui ressemble à un pane piave, mais c’est peu certain. Enfin le Président de Brosses, dans ses lettres sur l’Italie galanteet familière, dit que le pain italien est la plus détestable chosedont un homme puisse goûter ; et cela, dans son chapitre sur Venise. Ilest probable qu’il parlait du pain de la Vénétie. Or, ce pain étaitfait, dit-il, avec de la farine blanche et très fine, et non pétri avecles bras, mais battu avec des bâtons. Ce sont là tous les caractèresd’un pain « brié » auquel le magistrat n’était pas accoutumé, et dontil se plaignait, comme les Parisiens, du pain brié du Calvados, qu’ilstrouvent lourd et sans sel. ____________ LE PRÉSENT _____ Ayant quitté les glacières du Tirolo, nous arrivons dans une Véroneestivale, plutôt chaude, en août 1910. Il y avait une dispute, près du portail latéral de la cathédrale. Une femme, une boulangère, expliquait, à un voisin, les motifs de sacolère, en termes véhéments, et avec volubilité. Employant un petitgarçon pour porter les pains le matin aux clients, celui-ci laissait decôté sa livraison, et préférait mendier, les voyageurs étant trèsnombreux, à la cathédrale. Alors les clients s’étaient plaints. Lafornarina, mise aux aguets, avait pincé le galopin en flagrant délit.Il ne faisait rien, disait-elle, et tutt’i giorni, tutt’i giorni,domanda la carita. Elle ne cessait de répéter cette phrase. Le voisinécoutait. Finalement, l’enfant, convenablement houspillé et gourmandé,pleurnicha, comme font certains petits Italiens ; puis il alla chercherson panier, caché derrière un pilier et s’éloigna. C’est alors qu’ilpassait près de moi, que je vis, ce dont je fus assez surpris de primeabord, que sa charge consistait en petits pains briés de formesexuelle, phallique. Au mauvais hôtel où nous étions descendus, ou plutôt montés, sansascenseur, même, un garçon, avec une insigne duplicité, me présenta unde ces pains (6), en disant : « Pane piave, signore, oune spécialité deVérona, très bouone. » Ces pains-là, je les avais vus déjà à Venise, oùje les retrouvai le lendemain. Mais – et cela montrera combien les opinions peuvent différer suivantla manière dont on a observé les choses – je n’avais pas su, en 1907,voir leur véritable forme et, faute d’avoir à ce moment les idéesacquises, par l’examen des pains briés du Calvados, lors du circuitautomobile que nous fîmes en 1909, je les avais décrits, de mémoire,dans le Pain brié sans en avoir aucun spécimen, ou dessin, sous lesyeux. J’avais bien brié – pardon, prié – une personne, passant parVenise, de m’en rapporter un, mais elle me répondit qu’elle n’avait vuaucune boulangerie. Je les décrivis, donc, comme « allongés, avec desbosses irrégulières en dessus et différant totalement des pains duCalvados ». En réalité, ce sont des pains phalliques, comme ceux quel’on fait à Caen, dont ils sont les frères, les petits frères, même,petits jumeaux, puisque, on le verra, ces pains ont la forme, non d’un,mais de deux phallus accolés (p. 51). Il est, d’ailleurs, assez heureux que je n’aie pas vu, autrefois, lavraie forme de ces pains, puisque cela me permet, aujourd’hui, de faireun nouveau livre. Fouillant Venise, en 1910, dans un autre but,d’ailleurs, que celui d’étudier son pain, j’en ai profité pour regarderdans les boulangeries. Si je ne rapporte guère de renseignements sur lamanière dont on fait, à Venise, le pain brié, j’ai, du moins,collectionné un certain nombre de pains de formes très curieuses.L’étude de ces formes sera le but de ce qui va suivre. je regarderaid’abord les Formes, puis, dans des chapitres spéciaux, j’interpréterailes Figures observées et montrerai qu’il y a là des restes intéressantsde traditions anciennes et que ce n’est pas par l’effet du hasard oud’un caprice, que ces pains sont faits aussi curieusement, comme onpourrait le croire, tout d’abord. Ni les pains, ni les vases, ni les ustensiles, dont se serventcommunément les hommes, ne sont l’effet du caprice d’un ouvrier.Celui-ci n’est que l’interprète d’une règle, d’une coutume qu’il ignorequelquefois et dont il ne sait pas l’origine le plus souvent, mais quidirigent ses actes, par la force de l’habitude, mieux que s’il lisaitun livre. C’est là toute la force des traditions orales, et, à bien yregarder, c’est une forme de la suggestion parlée qui agit là. Il n’est pas aisé, dans Venise, de trouver les pains dont je vaisparler. Certains, croyant bien connaître Venise, se diront, s’ilslisent ce livre, qu’ils ne se rappellent pas y avoir vu ou mangé desemblables pains. Ils sont, en effet, difficiles à voir et se cachentcomme toutes les curiosités de la Belle d’Amour. Il faut les chercherau moment où ils viennent d’être cuits et où il y en a encore dans lesvitrines. Un ami, ayant visité Honfleur, n’y vit pas de pain brié ;cela tenait à ce qu’il était quatre heures du soir, et que, lesboulangers, ne faisant guère de ce pain que pour des clients assurés,tous les pains étaient partis. N’importe où, il faut voir lesboulangeries, le matin et de bonne heure, encore. Et il faut, en outre, non pas flâner dans Venise et plastronner dans laCalle Larga 22 Marzo, en disant des plaisanteries parisiennes, maisfouiller la Belle des Belles, sans relâche, sans gondole et sansfatigue, dans ses dédales les plus compliqués, A PIED. C’est le seul moyen d’y voir quelque chose. ___________ FORMES MONOPHALLIQUES ET TORTILLONS ____ ![]() Ce qui distingue cette forme, de celle donnée, ailleurs, à des petitspains, allongés en mandrin, c’est que ce pain est enroulé en partie surlui-même, dans le sens de la longueur. La masse de pâte employée est deforme cylindrique. Elle est tassée et arrondie aux bouts ; le reste,aplati en feuille, subit un mouvement de torsion, suivant la longueur,de manière à faire un tour complet, une spire allongée ; alors que,dans les pains de ce genre, on laisse, d’ordinaire, à la pâte, sa formecylindrique avec les bouts pointus. Vu en dessus, le pain ressemble à une poire, dont une grande feuilleentourerait le sommet. Mais, vu du côté Sole (7), le gros bout forme une sorte de pochebilobée, avec des plis curieusement radiés, qui est évidemment un sacscrotal. La partie enroulée cache le sillon spiroïde, qui n’apparaîtqu’à l’extrémité, prolongeant un corps arqué. Le tout est évidemment unbracquemart, de belle allure. Cet aspect est moins net, en dessus, où l’on voit, surtout, le sillon.Il est à remarquer d’ailleurs que la forme phallique ne devientévidente, souvent, pour les pains que j’ai observés à Venise, que parle côté Sole du pain, en le retournant. Celui qui vient d’être décrit est un phallus, mais contourné en formede tarière, du genre de celles que la locution Normande désigne pourservir, aux jeunes mariés, à faire leur voyage en Perse. Ces pains ont, en somme, leur pudeur ; lorsqu’ils sont en positiond’aliment, ils semblent bien innocents. * * * ![]() On voit aussi qu’à la réunion des trois branches, existe une fortesaillie, qui présente un enroulement en forme de corne d’Ammon ; et, sil’on regarde le pain, par ses extrémités, on voit que chacune decelles-ci est enroulée de façon semblable. Mais les deux parties, dontje parlais tout à l’heure, sont formées d’une seule lame de pâteenroulée d’un seul coup, ce qui prouve bien qu’elles vont ensemble etsignifient la même chose, et que la troisième branche représente autrechose. Ce pain, dont la confection demande un tour de main spécial, est forméd’une masse de pâte, enroulée dans les trois dimensions ; et, dequelque côté qu’on le regarde, en bout, il présente un enroulement encorne d’Ammon, un tortillon. Mais il est bien évident aussi que letortillon central est une formation distincte des tortillons quiterminent les parties transversales. ![]() Quant à l’autre branche, c’est évidemment un pénis, avec les plisterminaux de son fourreau. Pour le voir plus exactement, il suffit,comme pour les autres pains, de mettre celui-ci la face inférieure enl’air, de redresser le pain (fig. 6). Eh bien ! que vous en semble ? ![]() La gravure peut, seule, rendre l’aspect de ces pains, et encore elle lerend mal. Il reste à expliquer la saillie en tortillon, que l’ont voit, en D,au-dessous de la partie érigée. Dans cette position, elle est en avantde la partie qui représente le scrotum, et il n’y a aucune difficulté àvoir qu’elle représente aussi un pénis, mais, cette fois, d’allurecalme et modeste, auquel on a donné une forme en volute, assezgracieuse. Ainsi donc, voilà un pain, où le sexe mâle est représenté en entier,avec son sac scrotal, et deux verges, l’une en situation ordinaire,mais un peu défigurée comme forme, l’autre en érection. En réalité, lesformes de ce dernier genre sont très rares, et ce pain a encore ceci departiculier qu’il représente le même organe à deux périodescomplémentaires de son existence et non deux organes accolés, comme lespains biphalliques. Ce pain est d’une croûte moins lisse et moins ferme, plus dorée, àl’œuf, et de couleur plus foncée, que celle des pains briés, de Venise; la pâte doit en être différente et paraît se rapprocher de celle despains de gruau, avec laquelle sont faits, justement, certains painsphalliques de Caen. C’est un de ces pains, que l’on pourrait trouver réalistes, que j’avaiseu tant de mal à obtenir, chez un boulanger de la via VittorioEmanuele, qui m’en offrait d’autres, d’une forme différente. * * * ![]() Dans sa position d’aliment (fig. 7), il ressemble à certaines brioches,gâteaux phalliques, s’il en est. La gravure rend mal, d’ailleurs, l’aspect de ce pain. On voit, en leregardant par les deux parties renflées, qu’il est formé d’un cylindrede pâte briée, qui est enroulé en volute, en tortillon, des deux côtés,et dans deux plans perpendiculaires. Cela est surtout net du côté Sole. On dirait un grand S, très enrouléaux extrémités (fig. 8). On fait, à Paris, des gâteaux qui ont la forme d’un S renversé,reproduisant ce dessin à l’envers. De profil, on voit que les parties enroulées sont inégales. L’une estplus volumineuse, plus « conséquente ». L’autre lui fait suite,évidemment. Elle occupe la situation de la volute en saillie D, quel’on voit au pain (fig. 4 et 6), p. 39 et 41). La volute se présente demême, avec le même sens d’orientation. Elle a, dans les deux cas, lamême signification. ![]() Alors ? Il s’agit encore là d’un pain phallique, évidemment. La grosse voluteinférieure représente un scrotum, et la petite, une verge, modifiés,tous deux, par la fantaisie. Mais, il s’agit d’un pain phallique simple, complet, ici, et non d’unpain biphallique (p. 51). Ces pains sont excellents quand ils sont frais. Combien de fois, ma belle Venise, n’ai-je pas cherché les traces delegs du passé, dans le dédale de tes ruelles ; où je m’enfonçais, endédaignant la prison de la gondole, et en mangeant, comme un de tesfils, un pane con olio phallique, tout frais, avec une tranche de Zuca Baruca, ou quelque autre victuaille, que l’on vend sur tes campi, si pittoresques, où je n’ai jamais vu, sans émotion, lespetites guirlandes de papier accrochées aux églises en fête ; leschâles de tes popolane, belles comme devrait être la Madone ; et lefer de tes gondoles, qui oscille et disparaît à l’angle du palais. ![]() * * * ![]() On verra (fig. 9 et 10) que tel est bien le sens de ces pâtisseries,qui ont la dimension d’une assiette. Nombre de gâteaux sont d’ailleursenroulés en volute, à Venise et autre part. La figure 11 représente unesorte de gâteau nommé Escargot, fait à Paris, dans divers quartiers.Celui-ci ![]() * * * Les pains, vus jusqu’ici, sont phalliques. Il reste à examiner lesautres formes simples données au pain brié, en Vénétie. Il y a des pains ronds, aplatis, avec une ou deux languettes quipartent de la circonférence et se réfléchissent sur la face supérieure.On fait à Caen des pains semblables. Cette languette représente (commesur le pain brié espagnol, dont j’ai donné la figure dans le PainBrié, un pénis, aplati et réduit en lanière ; c’est un schéma depénis, sur un volumineux scrotum. Mais certaines graines présentent unembryon ainsi fait et disposé sur les cotylédons : telles sont cellesde Moutarde, d’Iberis, des Fèves surtout, des Haricots. Il s’agit doncencore là d’une forme de reproduction, germinative, et le fait estd’autant plus intéressant que Venise a attaché, pendant des siècles,une importance considérable aux Fèves, dont on faisait une grosseconsommation à la Toussaint, et dont les rues et les places portent lenom, dans le quartier situé en S. Lio et le Ponte dei Bareteri(Merceria). (Sur les Fèves à Venise, cf. Dr Tassini, CuriositàVeneziane. Delle Denominazioni Stradali, aux mots : Campo della Fava.) Mais, toutes les formes données au pain brié, que je viens d’exposer,sont des formes sexuelles masculines. Est-ce à dire qu’on ne fait pas,à Venise, de formes féminines ? Il y a des pains représentant une calotte sphérique, surmontée d’unetête ronde, au centre. Ces pains ont la forme de la coupe d’un sein,passant par le mamelon. En France, certaines brioches aplaties sontfaites ainsi. On voit des pains en amande. Mais, pour ceux-ci, il faut faire unedistinction. Les uns ne sont, en réalité, que les pains biphalliques dela figure 12 (p. 52) dont on a contracté les parties, en tassant lapâte dans le sens longitudinal ; de sorte, qu’au lieu d’avoir un panepiave allongé, on a un pain ellipsoïde, dont les bords représententles deux phallus aplatis et élargis. On arrive, ainsi, à une forme quirappelle l’amande. J’ai vu les formes de transition de cettetransformation dans différentes boulangeries, à Chioggia, notamment.Cependant, on fait des petits pains briés en amande, semblables à ceuxde Honfleur ou de Villerville, de forme ctéïnne. Dans la Toscane, surtout, on voit sécher, certains jours, dans lesvitrines des boulangeries, des plats de petites vulves, en pâte àmacaroni, que l’on mange dans les potages (9). Enfin, il y a, à Venise, à Chioggia, des petites couronnes, grossescomme le doigt. * * * On voit donc que l’on retrouve dans la Vénétie, le même pain et lesmêmes formes que dans le Calvados ; mais, tandis que dans cedépartement, la prédominance des formes féminines : Placentaire, enAnneau (Couronne), en Amande, est complète ; dans la Vénétie, aucontraire, les formes phalliques sont, pour ainsi dire, seules usitées.Les autres sont rares et la série des organes représentés incomplète. _____________ FORMES BIPHALLIQUES _____ ![]() Les pains, dont je vais parler, portent le nom de pane piave. Ilssont très curieux, mais ils ne représentent pas un phallus, à lamanière des pains de Caen, dont les figures sont dans le Pain Brié(fig. 5 et 16, p. 40 et 55). Ils sont comme le dieu Janus, qui avaitdeux têtes accolées ; ils représentent deux organes mâles, non pasplacés tête-bêche, mais réunis par leurs parties scrotales (fig. 12). ![]() Parfois les formes sont plus rebondies et des plus nettes, comme dansla figure 13 (Venise). ![]() Pour faire ces pains, le boulanger prend deux morceaux de pâte, dontl’un est un peu plus gros. Il leur forme les parties correspondant aupénis, puis, les étire en deux languettes, parties aplaties, qu’ilrecourbe, insère l’une dans l’autre, de manière à les faire s’épouser ;il tasse le pain de manière à lui donner sa forme dernière ; lesparties préputiales sont aplaties, puis le pain est placé, renversé,c’est-à-dire les pénis tournés en haut, sur des plateaux en fer. Nousavons vu ainsi, dans la Frezzaria (Venise), des plateaux chargés depetits pains biphalliques que l’on mettait au four. Dans lesrestaurants, le pain est, d’ailleurs, présenté dans cette position. Ilrappelle ainsi tout à fait la lettre grecque ω (fig. 12, p. 52). Pour voir nettement la forme biphallique, regardez la figure 12 àl’envers. La figure 14 représente un pane piave, de Vérone, ayant la mêmedisposition, bien qu’un peu différent comme aspect. * * * ![]() La portion scrotale est allongée, transversalement, de formecylindrique, et elle est reliée (fig. 15) à l’autre partie par un enroulement en forme de corne d’Ammon, rappelantle pain de Caen (fig. 16 (10). De l’autre côté, l’aspect est égalementle même. Le deuxième phallus est représenté simplement par une parspendula (fig. 15 A) à bout aplati, reliée au premier, au niveau d’unefossette, au haut du scrotum. Dans sa position d’aliment, le painrepose, comme celui de la figure 12, en sens inverse de la positionnaturelle des organes, et forme ainsi un ω, de profil. Vu en dessus, cepain présente pour un observateur superficiel, l’aspect d’un croissant,dans la concavité duquel serait posé un pain cylindrique et allongé, deforme d’ailleurs phallique (fig. 17). Mais cela ressemble aussi bien àun oiseau, animal dont le sens symbolique est justement le phallus,ainsi que je l’ai exposé autre part. ![]() ![]() * * * ![]() La figure 19 représente un autre de ces pains, très net comme forme, vupar la partie supérieure. Je l’ai dessiné en vitrine, aux Frari, Calledella Donna Onesta. Il fallait qu’elle le fût rudement, pour qu’on ait donné son nom à uneruelle de Venise (11). * * * ![]() On fait en Provence (Camargue) des gâteaux, qui sont nettementbiphalliques (T. Salle France. 1er étage. Vitrine Provence verticale). Dans ces gâteaux, le scrotum est représenté par un œuf, symbole defécondité, colorié en rouge, violet ou jaune, comme on en vend àPâques, ce qui est un reste de culte Isiaque. Cet œuf est entouré pardes bandes de pâtisserie disposées en croix, qui le maintiennent inclusdans la pâte. Cela se retrouve également dans d’autres gâteaux (Id.,id.) en forme de couronne, dans une partie desquels est enfermé aussi un œuf, ce qui constitue un symbole defécondité éternelle (le cercle de l’Éternité) et représente, sous laforme d’un gâteau, le Serpent gnostique dont la tête renflée mord laqueue (l’Ουροξορς de Basilide ). Parfoismême, il y a deux œufs, diamétralement opposés. Sur le gâteau biphallique, il n’y a qu’un œuf, car, on verra que, dansles figures qui se rapportent à ces pains ou à ces gâteaux, on trouverarement un scrotum double. D’ordinaire, il n’y en a qu’un,probablement suivant l’idée que chaque glande correspondrait à unpénis. Une croyance populaire est, d’ailleurs, que chaque testicule ases fonctions spéciales, pour engendrer, l’un des mâles, l’autre desfemelles. ![]() (Le gâteau du T est suspendu à l’envers, l’œuf en haut). _______________ DEUXIÈME PARTIE ____ LA GENÈSE DES FIGURES ÉTUDES DE SYMBOLIQUE ____ INTERPRÉTATIONS ______ Naturalia nonsunt turpia. FÉLICIEN ROPS Il faut, maintenant, fournir quelques explications sur ce qui vientd’être dit. On fait, à Venise, des pains, qui ont une forme phallique indiscutableet qui n’a pas besoin d’être expliquée ou interprétée, autrement, dansce sens. Pourquoi fait-on des pains phalliques en Vénétie ? Il est bien entendu que toutes les Formes que l’homme a données à cequ’il fabrique ont été prises dans la Nature ; et, à propos du painbrié du Calvados, j’ai montré les origines naturelles et sexuelles desformes données à ce pain. Au sujet du pain brié de Venise, il fautfaire le même travail ; il sera, d’ailleurs, très abrégé par ce faitque la forme dominante, et, pour ainsi dire unique, de ce pain est laforme Phallique. Il y a donc là un reliquat manifeste d’un culte ancienen Italie, d’une sorte de coutume rituelle, qui donnait, dansl’Antiquité, aux gâteaux, des formes sexuelles. C’est une desmeilleures preuves de l’existence, toujours persistante, à Venise, duculte phallique, dont je parlerai, dans un autre livre. Venise a gardé,de l’Antiquité, un certain nombre d’usages, celui de faire des fêtessolaires, des pains briés phalliques, de manger des fèves et desgâteaux de fèves au moment de la fête des Morts, etc. Maintenant, j’ai décrit des pains enroulés en volutes et tortillonscomme étant des pains phalliques. Ici, le doute peut exister. Cela nefrappe pas l’œil, de prime abord. Il faut, donc, que je donne lespreuves que ces pains en tortillons sont bien des pains phalliques. Ensuite, il y a des pains, indiscutables comme forme, qui sont, nonseulement phalliques, mais biphalliques. Il faut chercher pourquoi lesVénitiens ont été amenés à faire ainsi un pain, formé de deux phallusaccolés, ce qui n’a pas pour but de faire un pain plus gros, car rienn’eut empêché les boulangers de faire un pain monophallique plusvolumineux, s’il en eût été besoin. Dans cette partie théorique, je vais examiner les questions suivantes : 1° Il y a une Figure (12), celle du Phallus, qu’il est inutile,n’est-ce-pas, d’étudier. Les hommes ont reproduit cette Figure, sousforme d’objets divers. Tels sont les pipes, les pistolets, les bourses(13), les cornues ; dans l’Allier, les enfants ont des hochets en osier(Grailleos) qui sont des phallus (T. 1er étage, Salle France.Vitrine Bourbonnais). La Corne Ducale Vénitienne a une forme phallique, même. Cela se voit,de profil, en plaçant l’ouverture verticalement et la partiepostérieure en haut. Des aliments ont reçu cette forme, des pains, dits Phalliques. Les pains en Tortillons, volutes, sont des variantes de ces formes,dont on verra la raison par l’étude de monuments, objets, etc. 2° Il y a une Figure, celle du Biphallus, dont je ferai une étudespéciale, parce qu’il n’en existe pas dessus. Les pains biphalliquesont été formés d’après elle, ainsi que certains objets. Je donnerai peu de preuves de ce que j’avance, en ce sens que, pourchaque partie de la démonstration, il n’y aura qu’une preuve donnée,mais décisive, suivant la méthode médicale qui dit qu’un seul faitprobant vaut mieux qu’un millier de faits, qui ne sont pas tout à faitprobants. LES TORTILLONS ____ On pourrait trouver, évidemment, que j’ai avancé, bien au hasard, queles enroulements, les Tortillons, observés dans les pains, représententune forme phallique (p. 41). Voilà des pains qui ont des formes en volute, en corne d’Ammon, ensomme. Mais, c’est une représentation bien singulière de ce qui se voitdans la nature et l’on pourrait douter de la valeur de cetteinterprétation. Il est un fait, la tendance à l’enroulement que l’on trouve sur cespains. Or, comme je l’ai déjà dit, la Volute, la Corne d’Ammon, est un symbolephallique. Le mot Ammon a la même racine que Adam, Aum, par quoi estdésigné le Principe générateur mâle. Ce mot est souvent, et encoreaujourd’hui, écrit OM dans les pays voisins de l’Inde, mot qui seretrouve dans la phrase : « Kanx Om Pax. » C’est le nom sacré de l’Atma. Ammon était un dieu solaire et cela montre bien l’identité, surlaquelle j’ai insisté, du culte du Soleil et de celui du Phallus. C’est pour cela que la ville du Soleil, l’ancienne Héliopolis (près duCaire) s’appelle aujourd’hui On ; cette explication n’a encore jamaisété donnée. * * * Dans leurs dessins populaires, les hommes n’affirment la Forme quelorsqu’il s’agit de représenter un Phallus créateur, agissant. Alors,ils copient, plus ou moins bien, la réalité. Dans l’autre cas, ils lavoilent, la déforment. Il ya là un curieux cas. Parfois, l’organeest remplacé par une grappe de raisin (S. Lorenzkirche, Nürnberg) oupar une feuille de vigne, qui est de rigueur, de nos jours, ensculpture et que l’on surajoute ridiculement à des organes naturels. Ondirait que l’homme a honte de montrer, à ses semblables, la formenaturelle du sexe au repos « parfait en sa norme, comme une panthèreendormie » (Alfred Jarry). Parfois même, par une sorte de pudeur, il ya une propension curieuse à enrouler l’organe, pour en dissimuler, enquelque sorte, la vraie forme et la rendre compréhensible, seulement, àdes sortes d’initiés. C’est la forme en tire-bouchon, en volute, enqueue de cochon. Cela apparaît, surtout, lorsqu’on a voulu représenterle phallus, d’une façon juxta-naturelle, chez des êtres qui n’étaientpas tout à fait des hommes ou des animaux. Sur quoi peut-on s’appuyer pour dire qu’un pain en tortillons, commecelui des figures 7 et 8, est un pain phallique ? Il faut montrer pourcela que les hommes ont représenté : 1°le pénis, 2° le scrotum, sousune forme enroulée, comme une volute. 1° L’un des monuments où l’on voit une ébauche de cette formeextra-naturelle, donnée à cet organe, est un heurtoir en fer (C. Salle28, 1er Étage, Pièce 5995). C’est un Satyre, sorte de Faune, dont lephallus, ascendant, présente une forme en S, allongé. Il y a là uncommencement d’enroulement. Les choses vont plus loin dans les bronzes, qui sont autour de lafontaine de l’Ammanato, sur la Signoria de Florence. La statue est dela médiocre sculpture, mais les personnages, en bronze, sont beaux. Or,ils étaient impudemment, au soleil, des sexes qui ont des formespara-naturelles ; et, justement, ils sont, dans la partie pénienne,enroulés ainsi en volute, en tortillon, dans le sens des pains deVenise. Il n’y a rien de plus réjouissant que de voir leurs formes contournées,dans le but, évident, de n’être pas trop « Nature », et même, leursextrémités préputiales se terminent en filaments extravagants, enbouquets de poils, dans le même but. Ainsi avait fait Mantegna, chez un petit Faune, à gauche, dans laSagesse victorieuse des vices, L, dont je n’indique pas la place, lestableaux étant souvent volés ; mais, du moins, celui-ci était encore enplace quand j’ai écrit ceci. Ces organes sont des sexes fantaisie, chezdes êtres mythologiques, sortes de Faunes. ![]() Près de là, dans la même salle, on verra une statue d’Esculape (n° 401)dont le serpent a la queue enroulée comme les pénis des SatyresAtlantes. Enfin, sur un Bois Espagnol du XVIe siècle (C. Salle vitrée,rez-de-chaussée. Pièce 13541), il y a un combat de Satyres ; l’unprésente, au milieu des poils, une volute complète, très belle, à laplace de pénis. La pièce est petite, mal éclairée, difficile à voir. Or, ce n’est pas précisément d’hier que l’on a fait des tortillons oudes volutes sexuels. L’Obélisque de Salmanasar III (860 av. J.-C.Musée Britannique et L. A. A, rez-de-chaussée, quatrième fenêtre)présente (rangée du milieu, côté droit) trois animaux fantastiques,surtout celui du milieu, sorte de taureau, avec une seule corne,plantée à la naissance du nez. Les bourses sont cachées entre les cuisses. Il a, en guise de verge,une volute très curieuse (15) faite comme celle des chapiteauxioniques, mais qui représente, ici, la partie pénienne, alors que (fig.9, 10, 11) la pars pendula est constituée, au contraire, parl’extrémité de la volute. On a voulu exprimer par là que les Bovidésont un très grand pénis (16). L’animal placé derrière a une ébauche decette forme. Ces animaux étaient couverts de poils, enroulés, abimés. La cause est donc jugée. On remarquera que chaque fois que le sexe estainsi enroulé, c’est sur un être fantastique, ou un satyre. Or, tousles monuments que je viens de citer sont anciens ou Renaissance. LeXVIIIe siècle affectionna les satyres, mais il se garda bien de lesorner d’une semblable volute ; car, à cette époque-là, les Artistesavaient complètement perdu le sens des traditions antiques etsymboliques. D’après les exemples précédents, on voit comment a pu être représentéle Phallus, lorsqu’il fallait faire de la décoration et non figurer laNature. Il a été enroulé, fait en Volute, en Tortillon. Je ne m’étendrai pas sur ce sujet, que je reprendrai, en détail, surdes bases beaucoup plus larges, dans la prochaine Étude deSymbolique, que je publierai. Il me suffira, ici, d’en rapporter une des conclusions. La VoluteIonique est une Figure représentant le sexe masculin, au repos. C’estune des formes allégoriques données à cet organe, en entier, ou àcertaines de ses parties. Il paraît évident, d’après cela, que les Tortillons sont bienreprésentatifs du Phallus, dans les pains de Venise, dont je viens deparler ; et qu’il n’y a pas là une simple fantaisie, ayant conduit àenrouler de la pâte sans but représentatif déterminé ; comme lecroiraient certains qui expliquent tout par le Hasard. ![]() On trouvera (p. 47 et fig. 11) l’indication des gâteaux phalliquesparisiens, dits Escargots, où le scrotum est représenté par unenroulement de la pâte, en volute. Ces escargots sont de l’espèce de ceux qu’une locution populaire accusede baver sur la salade. A gauche, en bas de l’escalier du T., on verra le moulage d’un monumentrelevé par la mission Charnay, la paroi d’une chambre sculptée du Jeude Paume de Chichen Itza (Yucatan). ![]() On remarquera l’analogie de ce Priape avec le pain (fig. 4 et 6) ayantdeux volutes aux bouts de la partie scrotale. De ceci, je conclus que, entre autres, le pain (fig. 7 et 8) en deuxvolutes est un pain phallique, où le scrotum et le pénis sontreprésentés, tous deux, par une volute dont l’orientation ne permet pasde confusion, la volute scrotale étant la plus grosse et l’inférieure,dans la position d’aliment du pain. On ne peut donc les prendre l’unepour l’autre et voir, dans ce pain, un pain biphallique du genre deceux dont il a été parlé page 51. Dans ces pains, on observe donc, non plus un, mais deux organesmasculins, accolés, et tournés inversement, opposés, en quelque sorte,dos à dos. Si la volute pouvait schématiquement représenter des pains phalliqueset leurs Tortillons, il faut chercher une Figure nouvelle, qui résultede l’aspect nouveau de ces pains accolés. C’est à cette Figure que jedonnerai le nom de Biphallus, qui sera étudié ensuite. ________ LE BIPHALLUS _____ Si l’on s’explique facilement les formes monophalliques des pains, oncomprend moins bien les cas où les pains ont la forme de deux Phallusaccolés. Or, cela est fréquent. Les pains (fig. 12, 13) sont ceux quel’on trouve le plus facilement à Venise. Les artistes les mettent dansleurs tableaux de genre. Les autres formes sont plus rares. On va voir que cette manière de faire des pains phalliques n’est que lecas particulier, appliqué au Pain, d’une Figure d’ordre beaucoup plusgénéral, le Biphallus. Le Biphallus est formé de deux phallus juxtaposés. C’est un phallusdouble. De même que pour les autres Figures, je montrerai : que le Biphallusexiste dans la Nature ; que, de là, les hommes l’ont transposé dans laLégende ; et, enfin, qu’ils en ont fait une Figure. A la base, il y a deux choses ; une réalité, dans la Nature, qui aservi de modèle ; et une conception erronée, qui est certainement causedu reste. La Réalité est naturelle ou monstrueuse. 1° Naturelle : Certains végétaux présentent des formes qui rappellentdes organes mâles multiples. Telles sont des Asperges sur une griffe,et, surtout, les champignons, comme Phallus Impudicus(Gastromycètes), dont chaque individu représente exactement un pénis enérection, et qui se produisent, si curieusement, dans certains bois, aucommencement de l’automne, avec des tailles de 20 à 30 centimètres delongueur. Les orchidées ont bien deux pseudo-bulbes, rappelant la disposition destesticules, d’où leur nom ; mais il en jaillit une seule tige et, àbien regarder, je ne crois pas que ce soit dans le règne végétal que setrouve l’origine de ce que je vais exposer ; pas plus que dans certainsanimaux, de forme phallique, vivant groupés, Crustacés bizarres, comme Pollicipes Cornucopia, ou Lepas Anatifera (Cirripèdes),qu’Aldrovande avait cru être le fruit d’un arbre produisant desMacreuses. Mais, il y a des animaux, les Marsupiaux, dont le pénis est bifide etpeut présenter l’aspect de deux pénis à un examen rapide. Les femelles, d’ailleurs, ont deux utérus, et deux vagins ; commecertaines femmes, du reste, auxquelles ont a fait, pour un prolapsus,un cloisonnement, produisant, comme disait le professeur Le Fort, deuxvagins, l’un pour l’amant, l’autre pour le mari. Chez certainsmonstres-femmes, il peut y avoir deux vagins. Mais il me paraît que la constitution des Marsupiaux est ignorée debien des hommes. 2° Monstrueuse : Chez l’homme, il peut exister plusieurs pénis. Cetteanomalie est signalée dans la prodigieuse Monstrorum historiamemorabilis, etc. à Joanne Schenckio, Francofurti, 1609, p. 43.C’est très rare. Dans le D. D. (t. XXII, 2e série, p. 643) ontrouvera quelques cas de pénis double. Le Musée Dupuytren (Paris) n’enprésente aucun exemple. En ce qui concerne les génitoires, les gens qui ont trois testiculessont très fiers de cette anomalie, rare d’ailleurs. Schenckius, déjànommé, en rapporte un cas. J’ai entendu un étudiant en médecine, dontles dires étaient d’ailleurs sujets à caution, rapporter qu’un de sesamis, de Bordeaux, avait trois testicules dont il était glorieux. Ilest probable que tous les cas de trois testicules sont des erreurs dediagnostic, car, étant l’interne du professeur Duplay, j’ai eul’occasion de voir un triorchide, qui fut opéré d’une hernie du côté oùparaissaient être deux testicules ; or, à l’opération, on croyait qu’ily avait bien une glande surnuméraire ; lorsque, celle-ci ayant étéincisée, on vit qu’il s’agissait d’une simple masse graisseuse,n’ayant rien de commun avec un testicule. Blasius, Blégny et Scharff ont rapporté, respectivement des cas de 3, 4et 5 testicules, de ce genre, probablement. Charpy dit, cependant,qu’il y a un cas authentique de trois testicules. En réalité, une pseudo-triorchidie n’est pas rare et, l’illusion aidant(un testicule postiche fait aussi bien qu’un naturel, si le porteurn’en sait rien), les hommes y voient, tout de même, une marqued’avantage. En ce qui concerne la pluralité des pénis, il s’agit là,bien entendu, d’une monstruosité qui implique l’infirmité du sujet(18). Mais, comme elle est très rare, la vox populi, n’ayant passouvent occasion de voir que les individus ainsi conformés sont desinfirmes, voit dans ce fait la preuve d’une grande virilité. On trouve des croyances populaires indéracinables, comme celles-ci : «Quand on a la rage, les médecins vous étouffent entre deux matelas. Ilne faut pas boire de cidre, parce que le pommier vous donne le cancer,etc... » De même, les hommes pensent, intimement, que plusieurs organesmâles correspondraient à un accroissement de pouvoir viril. C’est toutle contraire qui arrive ; mais là commence l’idée erronée, même parfoisdélirante, dont on va suivre le développement, dans le domaine de laLégende, d’abord, pour arriver, ensuite, à celui du Surnaturel. Il y a un monologue, bien connu dans les Salles de Garde, très curieux(19), venu, dit-on, de l’École Polytechnique, fait avec des motsempruntés à l’Antiquité, et intitulé Mythologie. On y relève le passage suivant, relatif à cette idée, où le conteur, sevantant de ses exploits, dit : « Que Cérès, si j’avais Proserpine :Ménélas, je n’en Neptune. » Là est l’erreur, et se retrouve l’idéeboiteuse populaire de tout à l’heure, qui consiste à croire, dans cesconditions, à une exaltation de la virilité. Mais, de la traditionvulgaire, elle a passé au rang d’un certain nombre d’idées généralesfausses que les hommes se lèguent comme de grands secrets pour laconquête d’aspirations inavouées et que beaucoup essaient, en vain, deréaliser, depuis des siècles. Parmi ces idées, dont quelques-unestouchent aux concepts mégaliques, se trouvent : le pouvoir de se rendreimmortel (Elixir de vie) ; ou de retrouver la jeunesse (20) (Histoirede Faust) ; de prolonger la vie, chose que cherche, en somme, de nosjours, M. Metchnikoff ; de se rendre invisible (sujet d’un roman deWells) ; de se changer en animaux (idée très répandue dans la magie descampagnes, et réalisée par le Tarnhelm de la Tétralogie de Wagner) ;de faire de l’or, chose essayée, il n’y a pas longtemps encore, par M.Tiffereau et quelques adeptes (Argentaurum) ; de remplacer lespneumatiques d’automobile, ce mal nécessaire, par des bandagesélastiques (ils sont trop à avoir essayé ça) ; de mesurer le nombre π,ce qui a fait, récemment, le sujet d’un ouvrage de M. Monteil, bien queLambert ait démontré, en 1761, l’inutilité de cette recherche, et quel’Académie des Sciences ait déclaré qu’elle n’examinerait plus aucuntravail sur ce sujet. Il y a un tas d’autres idées du même genre, qui se résument en ceci :posséder le pouvoir de faire ce que le commun des mortels ne peutréaliser. Or, l’idée d’être, au point de vue génital, supérieur aux autreshommes, est voisine de celles-ci. Et, conséquemment, les hommes ontattribué ce pouvoir à des êtres extrahumains ; non pas à des êtresangéliques ou divins, mais bien à des esprits inférieurs ; suivantcette croyance, répandue dans toutes les religions et légendes,croyance que j’ai exposée dans l’Anneau-l’Épée que la génération,l’œuvre de vie sont le fait d’un esprit de ténèbres, inférieur, malin,ce que le catholicisme appelle un diable. Entre autres choses, c’estpour cela que certains ont recours à des pratiques de magie noire, pouraugmenter ou retrouver leur virilité. Jamais les hommes ne s’adressentà Dieu ou aux Saints, dans ce but. Il y a même des sujets sur la vergedesquels est tatoué un diable (D. D., t. XVI, 3e série. Art. Tatouage, p. 157). Dans le temps où les démons faisaient, paraît-il, des pactes avec lessorciers, ils se servaient, comme signature, d’un phallus, absolumentsemblable à ceux que des individus désœuvrés, et souvent des soldats enpermission, s’amusent à dessiner sur les murs. On verra une de cessignatures phalliques dans le Rituel de la haute Magie, d’ÉliphasLévi (p. 250). Or, les diables ont passé pour être bien doués à tous les points devue. L’Église est formelle là-dessus. Demones naturali virtute essepotentissimos, dit Prierias (liv. I, chap. XIV) (p. 87). Leshommes ont donc cru qu’ils avaient un pouvoir génital extraordinaire,qui peut se manifester par la dualité des organes mâles. On trouve cette croyance exposée dans le roman Là-Bas (1891, p. 205)du grand écrivain J.-K. Huysmans. Mais lui, qui indiquait d’ordinaireses sources, a négligé de le faire pour cela, dont il n’est pasl’inventeur. C’est au genre particulier des démons Incubes que Huysmansattribue la possession d’un phallus bifide, tout à fait comparable,comme on le voit, à celui que les Marsupiaux ont réellement, mais dontils ne se servent pas de même. Quelques démonologues récents ont connuce détail, mais sans lui attribuer l’importance ethnographique ettraditionnelle qu’il a et que ce travail montre. De Guaïta a rapportéainsi un passage de Prierias, relatif au Biphallus diabolique, ensimple note dans le Temple de Satan (1891). Il n’est guère probableque ce soit là-dedans que Huysmans ait puisé cela, car Là-Bas parut,en feuilleton, dans l’Écho de Paris (1891), quatre mois avant lelivre de De Guaïta, et Huysmans n’était pas ami avec « ceux » del’ordre Kabbalistique de la Rose-Croix. Page 87 est le testimonial ancien du Biphallus diabolique. On reconnaît celui-ci dans une des prestigieuses gravures de FélicienRops, les Sataniques, une suite de 5, au vernis mou, difficile àtrouver maintenant. Sagot (21) en avait quand il était rue Guénégaud,il y a quelques ans de cela. Or, cette suite a été décrite, justement,par Huysmans, dans Certains (1889). Elle est donc antérieure (22) à Là-Bas, et dans la planche, le Sacrifice, Satan a été représentépar Rops, terminé « par une sorte de thyrse, une double vrille, quiplonge dans le bas-ventre de la femme (23)... » (Huysmans, Certains,p. 105). L’expression paraît donc semblable chez les deux artistes. Mais alors,il faut se demander d’où vient cette tradition, que Rops et Huysmansont renouée. Rops a, en effet, muni son diable d’un Biphallus, auquelil a donné, en outre, une forme enroulée. Cela correspond à cetteconfiguration ancienne qui a sauté par-dessus les siècles agnostiques(p. 72). C’est ainsi que l’œuvre de Rops se présente, à la critique,comme parfaite en tout et se relie aux œuvres des anciens maîtres,ainsi qu’on le verra plus loin. Or, ces détails, qui ont une importancede tradition, paraissent avoir échappé aux autres artistes, qui, de nosjours, ont représenté le diable. Parmi les hontes par quoi se distinguent nos musées nationaux, il y acelle de ne posséder aucune œuvre de Rops (Et pourtant, il y a laquantité avec la qualité, le catalogue Ramiro en fait foi). Le seultableau qui le rappelle est son portrait par Mathey, au Luxembourg, oùson nom ne figure même pas (il y a : portrait d’un graveur !) La villede Marseille possède la collection assez complète des œuvres de Rops,léguées par une parente. Et encore, c’est un travail terrible qued’arriver à pouvoir en prendre connaissance. Aujourd’hui, prononcer lenom du maître dans un milieu mondain, c’est s’exposer à entendre lesgens murmurer : « Rops, keksécsa ? » Maintenant, je vais remonter aux époques antérieures au XVIIe siècle,où le Biphallus paraît avoir pris son importance diabolique et saforme, correspondant à ce que Huysmans a dit. Je pensais que cette idéedevait avoir été émise dans les bouquins ténébreux de la sorcelleriemédiévale, que le maître connaissait bien, ainsi que Rops. J’aidonc recommencé à fouiller les démonologues, Bodin, Delancre, tout lefourbi usité en pareil cas. Il est triste, pour l’humanité, de penser que le pouvoir de livrer, àla souffrance et aux flammes, des créatures innocentes, a pu appartenirà de semblables malfaiteurs, qui ne faisaient qu’exploiter le besoinque les hommes ont de voir, sans en être responsables, souffrir leurssemblables, sous prétexte qu’on travaille pour le bien. Le plus souvent, ceux qui parlent de ces ouvrages ne les ont jamaislus. On évoque l’ignorance du Moyen Age « énorme et délicat » deVerlaine. En réalité, Bodin écrivait sous Henri III. Le gros ouvrage deDelrio, que je cite, est de 1616 ; c’était sous Louis XIII. Il meparaît, simplement, que les hommes ont changé leur manière de faire,mais qu’ils sont tous aussi cruels. On faisait périr, jadis, des hommessous prétexte de sorcellerie ; aujourd’hui on y met plus de formes,mais que ce soit pour la Guerre (24), pour la Chirurgie pratiquée parcertains opérateurs, ou même pour la Science, qui fait souffririnutilement des animaux pour arriver à ces conclusions qu’ils neréagissent pas comme l’homme, que celui-ci est, non un animal supérieuraux autres, mais un être différent des autres animaux supérieurs, etque l’étude de ceux-ci ne peut conduire jamais à la connaissance decelui-là ; pour ces diverses raisons, des victimes sont toujoursnombreuses. Il n’y a là que le besoin de tuer des êtres, qui est lefond des sacrifices humains, dont les bûchers des Magophonies n’ont étéqu’une forme religieuse déguisée, comme les exécutions de la Révolutionen ont été une forme politique. Donc, dans Là-Bas, l’astrologue Gévingey raconte que des Incubespeuvent avoir un phallus bifurqué, qui, au même moment, pénètre « dansles deux vases » (sic). Huysmans n’a pas cité le livre qui contient cette phrase, mais comme ilen a donné la traduction littérale, il devait en connaître au moins leparagraphe. C’est dans un volume très rare, presque un incunable, sansnuméros de pagination. Le titre exact, souvent mal cité, est : Reveren. Patris Fratris Silvestri Prieritatis Or. Pre. ac TheologieProfessoris... de Strigimagarum Demonumque Mirandis Libri Tres. Rome,1521. La phrase : « Aliquid turpissimum (quod tamen scribam) astruuntvidelicet demonem incubum uti membro genitali bifurcato : ut simulutroque vase abutatur » est : Lib. II. Capit. Tertium, Punctumquintum, vers le milieu de la page qui suit celui-ci. En lisant ce bouquin enfumé, plein d’abréviations difficiles, avec desparagraphes séparés par des potences (un avant-goût pour les sorciers),plus lourd à digérer qu’une livre de pain brié, où sont discutées,point par point, des questions traitées de niaiseries, aujourd’hui, etque l’on retrouve dans une masse de vieux livres, écrits par des gensinstruits, sinon intelligents, qui leur ont consacré un temps énorme,on comprend que certains puissent se demander si, vraiment, à cesépoques, tout ce qu’on explique aujourd’hui par la suggestion, deshallucinations, des rêveries, en un mot, n’avait pas, au fond, un peude réalité. Rabelais ne paraît pas avoir connu l’opinion ecclésiastique ci-dessus ;mais, à mon avis, la question simul utroque vase reparaît, bien quemoins clairement exprimée, dans les Disquisitionum Magicarum LibriSex, du terrible Jésuite Martino Delrio, Venise, 1616 (25) (Liv. II p.151, Col. I D, et 2 A) qui constituent le plus solennel amas dedivagations sur ces sujets. Citer le passage de Delrio serait inutile, car ce latin magique estassez difficile. En voici donc, la traduction : Le Père se demande,gravement, si des démons peuvent pratiquer la sodomie avec desmagiciennes. Il cite, comme autorités, des bonshommes que l’onmettrait, aujourd’hui, dans une maison de santé, avec un certificatbien tassé. Puis il dit : « Les juges peuvent encore devoir s’enquérirde cela. Mais aucune raison ne prouve le contraire. En outre, que leconfesseur (c’est-à-dire, pour moi, le juge tortionnaire) sache qu’ilparaît y avoir un double crime mortel, un contre l’espèce(c’est-à-dire la procréation, car de l’avis de tous les démonologues,les Incubes ne pouvaient féconder par eux-mêmes), l’autre en dehors duvase naturel ; et, pour cela même, un péché plus grave que s’il y avaiteu union, avec un démon, à la manière humaine et naturelle. » Bougre ! * * * D’après ce qui précède, nous avions cherché, dans les sculptures etautres monuments, si cette croyance à la pluralité phallique des démonsavait été reproduite, autrefois. Nous avons vu un tas d’Enfers,sculptés sur les cathédrales ou peints, dans des musées et tous lesdiables de la Toscane. A la vérité, les hommes ont assez rarementreprésenté des démons polyphalliques. ![]() L’instant fut joyeux où j’appris cette découverte. Nous en dansionsdans le Musée et la Garde qui conserve les trésors allemands, bienmieux, hélas, que celle qui veille si mal aux barrières et, surtout,aux salles du Louvre, dut concevoir une singulière opinion de cesvoyageurs fantaisistes ; d’autant plus que nous nous étions signalés,en fouillant Nürnberg avec une curiosité opiniâtre. Mais, pour moi, lemorceau était précieux. On a donc, par la sculpture, représenté le Diable (ce qui est plusgénéral que les Incubes) orné du Biphallus. Celui-ci est donc un attribut donné à des personnages extrahumains ;pouvant, dès lors, être un sujet de respect ou de crainte, objet d’unCulte, pour les hommes. C’est donc une Figure, signe d’un pouvoirextranaturel. Les sorciers se servaient, dans les conjurations, d’une baguette denoisetier fourchue ; cette extrémité était ferrée et aimantée aux deuxbouts (Cf. St. de Guaïta, (p. 83), p. 382). Cet instrument, nommé VergeEnchantée, n’est autre chose qu’un outil de forme biphallique, ץ signep. 90 en bas à droite, appliqué à la Goétie, suivant la traditionci-dessus. Il est devenu pour le vulgaire, la Fourche, dont est armé lediable de la foire, et dont le sens a été dévié, pour les enfantset les hommes, ces grands enfants. Il ne faut pas confondre la VergeEnchantée avec la Baguette divinatoire, servant aux sourciers. C’est ainsi, lecteur – car, ici, je n’ose dire lectrice – qu’avec moicomme guide, vous pouvez partir d’un pain brié vénitien pour arriver,ce qui est au moins imprévu, dans le tréfonds de la plus noire magie. La croyance à des êtres surhumains polyphalliques se retrouve,paraît-il, en Orient. Il y a des statues de divinités, qui peuventavoir, non les deux auxquels l’Europe s’est tenue, mais plusieurspénis. Il en résulte une idole monstrueuse, du genre de celle décritepar Mirbeau, dans le Jardin des Supplices, sous le nom d’idole à septverges. Je n’ai jamais vu aucune image représentant un monument de cegenre et j’ignore à quelle catégorie de dieux peut se rapporter ceculte. Je n’ai pu examiner les dieux et poupées du T, si pudiquement culottésque mieux vaut ne pas essayer de les débérenger. * * * On peut, schématiquement, représenter le Biphallus, dans ses deuxconditions physiologiques, par les deux lettres grecques : ω (le pane piave de Venise) et ץ (le Biphallus de Nürnberg), initiale,d’ailleurs, de γενναω , engendrer ; deux parties accolées etdivergentes, supportées par un pied ; mais, que les parties phalliquessoient calmes, ou non, cela ne fait pas deux sortes de biphallus, maisbien, deux manières d’être d’une même Figure. J’examinerai, maintenant, un certain nombre de Figures doubles. Lesunes sont biphalliques, les autres se rattachent seulement au Biphalluspar leur conception. Toutes ces Figures sont employées dans le but demanifester une Suprématie. Elles sont, ou schématiques, représentativesd’animaux ; ou bien, ce sont des monuments formés d’animaux. C’est qu’en effet les Figures sont des schémas se rapportant auxPrincipes Générateurs ; mais, elles ont aussi leur réalisation dans laNature où des êtres végétaux ou animaux offrent leurs aspects ; et dansla civilisation, où les hommes, oubliant souvent leur sens cultuel, lesont employées sous forme d’ornements (la Volute), ou d’objets usuels(l’Anneau). En premier, vient le signe du Zodiaque, le Bélier, qui a la forme de lalettre grecque γ. C’est un symbole solaire et générateur parexcellence, qui s’applique à l’Equinoxe de Printemps (21 mars) où ilest resté d’ailleurs, en astronomie. Et il représente l’éveil de lanature animée. C’est sous ce signe que les Alchimistes commençaient àtravailler au Grand Œuvre. Les Égyptiens ont quelquefois utilisé le Serpent, animal phallique,d’ailleurs, en lui mettant deux cous et deux têtes, ce qui en fait unץ. Il y en a un, comme cela, dont les têtes sont au-dessus justement,de la Croix Ansée – un Lingam – sur le Sarcophage du prêtre Taho (L.A. E., en bas, côté près la fenêtre, à droite). Les Figures suivantes ont été utilisées en Art, Décoration, dedifférentes façons, mais, toujours appliquées à des Temples, Palais,résidences du Pouvoir ; ou dans des ouvrages, sur les hautes sciences. Le Chapiteau Ionique, portant deux volutes, n’est pas autre chosequ’une forme du Biphallus, composée de deux Cornes d’Ammon, réunies parleurs extrémités libres. Il y a des animaux (fossiles ou non) qui ontla forme de Corne d’Ammon. Mais, on a vu (p. 66) que celle-ci étaitaussi un symbole phallique. Je le démontrerai plus tard de façon plusample. Il s’agit là de deux phallus, unis par les parties libres aussi. Or, à Paris, on fait des gâteaux qui ont exactement cette forme. J’enai un qui provient de la rue Delambre. Il est formé d’une partietransversale qui s’enroule, des deux côtés, en volutes très belles. Ilsuffit, pour en avoir une idée, de regarder un Chapiteau Ionique. Cesgâteaux sont faits avec une pâte très bonne et portent le nom de lunettes. Ils en ont grossièrement la forme. Mais il suffit deregarder un peu, pour voir que ce sont deux escargots (p. 47) réunispar la partie pendante et qu’il s’agit d’un gâteau biphallique, enréalité. Les Taureaux Bicéphalés (L. A. A. Ier étage, mission Dieulafoy)formés de deux têtes, disposées, divergentes, en chapiteau, sur unecolonne, ne sont, au fond, qu’une figure de ce genre ; on voit encorececi : deux têtes de chameau, divergentes, sont reliées, par leurscous, à un pied qui les supporte. Elles figurent une fourche, au milieude laquelle est une sorte de triangle, surmonté d’une partie ronde,formant, avec les têtes, l’image du sehin ש hébraïque. Il y a aussi unesorte de fourche, formée par des flammes (L. A. A. Première salle, enbas, Bornes-Limites, aux noms des rois Nazi Maraddach, 1350, etMelichikhou, 1140 av. J.-C.) Ces bornes, oblongues, sont couvertes desymboles, avec des astres, des animaux, le roi, etc., représentant lasouveraineté. Chez les Romains, Janus, avec ses deux faces opposées, était analogue,bien qu’il se rapproche moins du Biphallus que les Taureaux Assyriens. Ensuite, vient l’Aigle à deux têtes, qui a, évidemment la même forme,avec, toujours, le sens représentatif d’un Pouvoir Supérieur. C’estpour cela qu’elle figure dans certaines armoiries impériales ; àVenise, il en a été fait usage ; notamment, on en verra une à la portedu palais Gambara (Accademia, 1056). Toutes ces Figures me paraissent représenter un Pouvoir Créateur,Générateur, plus grand que celui des hommes et considéré, par eux,comme devant être révéré, magnifié, par un Culte. Ainsi s’explique, de façon simple, le « pourquoi » d’un motifarchitectural composé des mêmes éléments, répétés deux fois ; et l’actedes hommes, faisant un animal, à deux têtes opposées, comme symbole dePuissance, que l’on comprend mal, autrement ; car toutes les Formes etFigures ont une raison d’être, qui a présidé à leur création ; et, s’ily a des monstres à deux têtes, ils ne peuvent frapper l’imagination,sans cette interprétation, que dans le sens d’une déchéance et non d’unPouvoir Supérieur, d’une suprématie. Les hommes savent que les animauxbicéphales sont destinés à une mort rapide. Ils ont pu songer à entirer de l’argent, ils n’en ont pas fait des dieux ou des objets deculte. Les êtres polycéphales révérés, l’Hydre, Cerbère, certainesdivinités orientales, des serpents employés souvent par les Égyptiens,ou dans les livres d’alchimie (Crede Mihi, de Northon (27)) ont plusde deux têtes et ne peuvent se rapporter aux lois ou aux explicationsnaturelles. Le Biphallus peut donc avoir été l’origine des Figures Bicéphales, quiont pris cette orientation dans un but architectural plus expressif, oudans un sens révélateur (28). Souvent les hommes désignent le Phallusavec des noms empruntés à des parties de la tête, ou même par la tête.Wronski avait ainsi décrit une partie de la Croix Ansée, figure duLingam, sous le nom de tête de l’homme. Une Figure Biphallique comporte donc deux motifs semblables, placéssymétriquement et, le plus souvent, opposés, en divergence. Parfois lesmotifs sont en convergence (Chapiteau Ionique ; les Oiseaux Vénitiens,p. 97). On voit, souvent, des oiseaux à deux têtes ; mais, pour dire qu’ilssont des Figures biphalliques, il faut que le corps soit de face, avecles têtes divergentes, comme les branches du Biphallus. Cependant, lestêtes peuvent converger, enfin, comme sur les Oiseaux Vénitiens. Ainsi, dans le portail de l’église de Vézelay (Yonne), il y a un oiseaubicéphale, mais il a les deux têtes superposées et tournées du mêmecôté, le corps est de profil. Il n’y a là aucun rapport avec l’AigleImpériale. Celle-ci était employée, par les alchimistes, sous le nom de TartariSigillus, comme signe de la matière originale du Grand Œuvre ; elleest ainsi peinte dans la Divina Operazione del Sauio (Savio) Mss.Italien (Coll. personnelle). Il y a, sur les murs de certaines églises de Venise, d’origine trèsancienne, des bas-reliefs byzantins curieux, d’une interprétationdifficile. Je me propose, autre part, de les examiner. Les figures, quiy sont représentées, sont très analogues à celles qui se trouvent dansl’art Arabe, au Xe siècle. On verra de ces motifs, principalement, surl’église San Vio (Accademia) où ils sont encastrés dans des murs plusrécents ; et sur un baldaquin latéral, à gauche de l’église Santa-Mariadel Carmine (près du Campo Santa-Margherita). Parmi d’autres groupes,on voit deux oiseaux, dont les corps sont tournés l’un vers l’autre.Les cous s’entrelacent, puis s’écartent pour se terminer par deuxtêtes, bec à bec. Les oiseaux constituent un symbole sexuel comme jel’ai déjà dit, et il n’est pas difficile de voir que les cous enlacéset les têtes opposées constituent un symbole analogue au Caducée,mais plus simple, sans partie centrale. Ce sont, à des époquesdifférentes, des expressions semblables du Biphallus. L’Égypte, l’Assyrie employaient une Figure appelée Globe ailé ou Grand Symbole, en Occultisme ; formée d’une queue d’oiseau,supportant des ailes déployées (ceci constitue déjà un T, tau, qui est,dans certains cas, un symbole phallique. On s’en convaincra enexaminant les sexes des Quatre Cynocéphales en adoration, un des plusbeaux monuments du L. (A. E. en bas, première salle) que l’on a misdans l’ombre) un Globe, un Cercle, ou une Rose, Figures féminines,occupent le centre du pantacle. Au-dessus, émergent deux serpents,disposés en ω, avec les têtes convergentes, comme ci-dessus, et dans leCaducée. Puis, il y a le Caducée d’Hermès – Anubis, dont la forme est bienconnue, deux serpents entrelacés autour d’une baguette centrale. Unevariante curieuse, en ce sens qu’elle se rapporte au sens sexuel desoiseaux, est celle qui en a été faite par Khunrath, dans la planche :la Rose-Croix Alchimique de l’Amphitheatrum Sapientiæ Æternæ. Labaguette est devenue une colombe, coiffée d’une tiare, et les serpents,les deux ailes déployées et enflammées (Cf. St. de Guaïta, Au Seuil dumystère, p. 109. 3e édition. 1895. La planche est à l’envers). Ici,l’on arrive dans la Magie Hermétique. Je m’étais demandé, même, si lafigure mystérieuse Rebis (un corps portant deux têtes, d’homme et defemme) employée par les alchimistes, n’était pas une variante duCaducée, mais il n’en est rien. Le Pschent, formé d’un vase renversé, soutenu par deux montants, dontles sommets sont enroulés, présente un aspect analogue. Cependant, le Caducée peut se montrer sous la forme chrétienne du Vase, entouré ou soutenu par deux oiseaux (Saint-Étienne de Caen),qui parfois boivent dedans, ainsi qu’on le voit justement sur certainsdes bas-reliefs byzantins de Venise (voir p. 97). C’est, qu’en effet,le Caducée a introduit, dans la figure du Biphallus, un troisièmeélément central, qui pourrait être le Vase, ainsi qu’on vient de levoir. La baguette centrale se termine, en effet, par des ailesdéployées, ou parfois par une fleur de lis ou de lotus, comme dans leMss. ci-dessus ; ou même par une rose épanouie comme sur le piédestal àgauche du monument d’Anne de Montmorency, par B. Prieur (L. Salle deJean Goujon, pièce 268). Tout cela en fait un symbole féminin. Dans la Rose-Croix, de Khunrath, elle est représentée par le corps dela Colombe, Figure essentiellement féminine, que j’ai étudiée,spécialement, dans le Pain Brié (p. 56 et suivantes). Ainsi donc, leCaducée représente le Principe Générateur Féminin, unique, entouré, detoutes parts, du Principe Générateur Masculin, multiple, sous la formedu Biphallus. Je pense être le premier à donner cette explicationnette, qui montre que le Caducée d’Hermès est un symbole complet de laGénération, attribué, non sans raison, à Mercure qui joue souvent,hélas ! un rôle dans cette opération, ou plutôt dans ses suites. On fait, dans le Midi et, notamment, à Cannes, à la Faïencerie duMont-Chevalier, des vases à fleurs qui me paraissent procéder d’uneidée analogue. Il y a, au centre, un grand vase, unique et large, qui est entouré d’uncercle de petites bouteilles, pressées les unes contre les autres. Onmet, au milieu, un pot de fleurs et, autour, des fleurs coupées. Iln’est pas difficile de voir là une analogie avec le Principe Fémininunique assiégé par la multiplicité du Principe Masculin, et cettetraduction céramique d’une loi sexuelle est assez amusante. Elle est,d’ailleurs, éclose, comme toujours, au soleil du Midi. Ainsi, dans la Nature, dont les symboles hermétiques ne sont quel’exacte traduction, dans les règnes végétaux et animaux, ont voit unnombre considérable d’étamines pour un pistil, beaucoup de mâles pourune femelle, et une quantité innombrable de spermatozoïdes pour unovule. Un des derniers usages du Caducée a été fait en symbolique par ÉliphasLévi (1855), dans cette figure du Baphomet, qui est en tête du Rituelde la Haute Magie et qui a été affichée dans toute la France, en 1885,à la publication d’un livre de Léo Taxil. Mais Éliphas Lévi paraîtavoir vu, dans le Caducée, soit un emblème uniquement polyphallique,soit un symbole androgyne ; la partie masculine étant au centre et lesserpents figurant « les deux vases » par leur disposition en 8. Cettereprésentation symbolique correspond, d’ailleurs, à la réalitéanatomique de l’entrecroisement des fibres d’origine du bulbo-caverneuxavec le sphincter externe de l’anus. C’est, encore, une preuve de plusde l’origine réelle et scientifique des symboles hermétiques. Toutefois, cela représente l’inverse de ce que je viens d’exposer et onpourrait croire, d’après l’étude ci-dessus, que le père de l’occultismecontemporain a commis là une erreur d’interprétation. Mais, à vraidire, suivant les époques, les parties du Caducée me paraissent avoirreçu, de la part de ceux qui s’en sont servis, des significations,tantôt masculines, tantôt féminines, suivant les idées préconçues,particulières à chacun. * * * ![]() Mais les hommes ont donné la forme des Figures aux objets usuels, auxustensiles, aliments. Or, parmi ceux-ci, il y en a deux qui ont servi,de temps immémorial, pour l’exercice des différents cultes. Suivant lescroyances, les hommes ont pu leur donner des formes différentes, leurusage n’a guère varié : et si, aujourd’hui, beaucoup ont oublié le sensdes traditions anciennes, deux témoins sont encore là pour lesrappeler. Ce sont le Vase et le Pain. Ceux-ci devraient donc pouvoir présenter la forme du Biphallus. Eneffet : 1° Le Vase. – On verra deux spécimens de vases Biphalliques (fig. 25et 26, Collection personnelle). Ces vases sont toujours en verre. Ils sont formés de deux récipients contigus, ovoïdes (29), supportéspar un pied et munis, chacun, d’un goulot allongé, dirigé en sensinverse de l’autre ; ou, d’une panse piriforme sessile, divisée en deuxpar une cloison verticale, ayant un versoir pour chaque côté. On y metl’huile et le vinaigre, condiments de la salade, mais usités autrefoisdans les sacrifices, sous forme d’huile et de vin, d’où dérive levinaigre. Pour s’en servir, on verse, d’un côté ou de l’autre, lesliquides contenus dans les récipients. Mais, pour ne pas en répandre,il faut qu’il y ait suffisamment de liquide des deux côtés. ![]() Ils sont d’origine ancienne. On en verra trois, analogues à la figure26, à C., (1er étage, Salle des Tapisseries de la Licorne). Ce sontdes verreries Vénitiennes du XVIe siècle, nos 4829 et 4830. On remarquera l’analogie des vases (fig. 25 et 26) d’origine Italienne,avec le Biphallus de Nuremberg. En Espagne, on se sert, pour les mêmes usages, d’un vase semblable àcelui de la figure 25. La forme est la même ; seulement, il n’y a pasde pied, les récipients sont piriformes, très allongés. Ils reposentsur la table avec des galets de calage. Leurs cols sont plus longs quesur le vase italien. On vent à Paris de ces « huiliers espagnols » dontles goulots ont un bouchon à l’émeri, attestant la microphobie desParisiens, inconnue aux gens du Midi. Ces verreries doivent être trèsemployées, car les magasins du Printemps en avaient toute unecollection, en janvier 1912. On peut rapprocher de ces vases les poteries formées d’une panserebondie, présentant à la partie supérieure, deux goulots divergents,en V, parfois réunis par une anse et représentant souvent les cousd’animaux (oiseaux, quadrupèdes) terminés par une tête, dont la bouchesert d’orifice. On peut verser ainsi à droite ou à gauche, en inclinantle vase (T. 1er étage, Nouveau Mexique, Vitrine 28 bis ; Bas-Pérou,Vitrine 10 ; et L, vases grecs, style Leucanien). Il y a, même, des lampes antiques, dont certaines sont chrétiennes, quisont formées d’une panse unique avec deux becs allongés et divergentsen V, d’une forme analogue (L., Salle 38, Antiquités Chrétiennes). Dans la Liturgie Catholique, on retrouve l’idée d’un Vase double, quisert au Sacrifice. Il faut faire bien attention, ici, que je dis : unVase, et non le Vase, qui y a toujours le sens du Vase Sacré,récepteur, en l’espèce, le Calice. En outre, je ne dis pas deux Vases,mais un Vase double, servant à verser et non à recevoir. Ce Vase estconstitué par deux fioles (les Burettes) à panse sphérique et à goulotallongé, contenant le Vin, la Liqueur Fermentée, le Sôma ; et l’Eau,Élément primordial, destinés à être consacrés. Le servant, toujours du sexe masculin, prend les burettes, une danschaque main (parfois, l’officiant les prend lui-même). De la droite, ilverse le Vin dans le Calice ; puis, de la gauche, il y met un peud’Eau. Les deux substances doivent, en effet, être mélangées dans leCalice et non en dehors, comme on pourrait le faire, en mettant del’eau dans le vin de la burette. Il est vrai que, parfois, l’enfant dechœur qui sert la messe aurait pu prendre déjà ce soin ; mais cela necompte pas. Il y a donc bien là l’idée et l’application, au culte deDieu, d’un vase émetteur double, et cela, avec le sens de Substancesqualitativement supérieures, destinées à être consacrées, transforméesen une substance divine. Mais il ne s’agit pas d’une Figure ou d’un Vase biphalliques, carceux-ci ont un sens éminemment créateur, par acte sexuel et non parActe Verbal, celui-ci étant employé, dans la religion catholique, parDieu, à l’Origine ; par Christ, pendant la Cène ; et par le Prêtre,pendant la Consécration. Et la différence, entre ces deux sortesd’Actes Créateurs, constitue, justement, celle qui sépare la créationdu monde par Ælohim, dans la Genèse de Moïse et la transformationsexuelle qui fut faite de ce monde, à la suite de la tentation de laFemme par le Serpent Nahasch ; et les Figures biphalliques nesauraient, en aucune façon, s’appliquer à Dieu, suivant l’idée répanduedans nombre de religions, que toute œuvre de création sexuelle procèded’un Esprit inférieur. Le catholicisme, faisant une erreur énorme, provenant de l’ignorance,confond son Satan, éclos au Moyen Age, avec le Nahasch de Moïse. Or, etc’est là un fait très remarquable, dont je n’ai eu connaissance qu’aumoment où ceci allait être imprimé, on verra un vase biphallique,exactement semblable à celui de la figure 25 (p. 103) posé, sur unetable, où Satan festoie avec ses fidèles, dans une des si curieusesgravures (p. 5.) de Henry de Malvost, qui illustrent le Satanisme etla Magie, de J. Bois (1895). Ces dessins ont un sens ésotérique, quimanqua parfois à Félicien Rops dans ses compositions diaboliques. Ilest possible qu’ici, de Malvost ait eu, en plaçant ce Vase, uneintention qui se rapproche de ce que je viens de dire à propos du senssexuel de création par un Esprit inférieur, pour le vase Biphallique,destiné à celui-ci. Mais peut-être l’artiste a-t-il eu, simplement, lebut décoratif et pittoresque de mettre un huilier-vinaigrier sur latable Satanique. J’aurais pu m’en informer, mais je déteste importunerles gens avec mes questions. Les alchimistes employaient, mais sans rapport probable, un schéma duvase, figure 25, deux petits cercles, surmontés de deux lignes croiséesen X, pour représenter le Réalgar, sulfure natif d’arsenic, As²S². Il est probable que je reprendrai, plus tard, la question de lafiliation historique du Biphallus. On remarquera que les Figures analogues au Biphallus et d’origineancienne dont j’ai parlé, page 93, n’ont pas le sens sexuel inférieur,précis, du Biphallus, apparu pendant l’époque chrétienne, avec laconception du diable, qui est encore en vigueur. C’est aux environs duXVIe siècle que la véritable figure du Biphallus semble s’êtreconstituée et avoir été spécialement appliquée au diable, alorsqu’avant, elle avait un sens général de Pouvoir Supérieur. En effet, leSchenckius, le Delrio, le Prierias, le Jugement de Nürnberg, les vasesbiphalliques (p. 104), tout cela est à peu près contemporain. C’estqu’alors la chrétienté était croyante et paillarde. Maintenant, un petit coup d’Égyptologie pour retrouver le Vase doubleet le Vase Biphallique, émetteur, ou son frère. A. – Il y a une peinture funéraire curieuse où trois femmesparaissent. La première tient, de la main droite, une écuelle, et, dela gauche, les deux Burettes, les mêmes que celles de la Messeactuelle, qui ont dû servir pour une libation (L. A. E.,rez-de-chaussée, première salle, dans la septième ouverture. Fragmentde tombeau, Pièce D, 60.) B. – Au milieu de la salle, est un grand bas-relief peint, du tombeaude Seti Ier, où ce personnage présente, de la main droite, un objetdouble, bizarre, à la déesse Hathor, qui a la main gauche passée entreles deux moitiés (30). Celles-ci, horizontales ou très inclinées, sontallongées, coniques et incurvées, tournées l’une vers l’autre, parleurs concavités, couvertes de quadrillages verts, sauf à leurs petitesextrémités, lisses et coniques, dirigées vers la déesse. La grosseextrémité est arrondie. On peut s’en faire une idée, par deux gros cornichons, se regardant, ouune lorgnette de théâtre placée de champ. La main de la déesse peut cacher quelque chose qui unirait les deuxparties, sans quoi l’inférieure tomberait. En outre, la position de lamain, passée entre deux, indique que les objets devraient, dans laréalité, se croiser dans deux plans différents, comme sur le vase,figure 25. Des lignes, partant de l’extrémité lisse supérieure,indiquent un liquide qui s’écoule, vers Hathor, comme cela arrive avecles gourdes dont on se sert dans les pays méridionaux, pour boire à larégalade. Que peut bien être cet objet ? Il semble être formée de deux gourdes,en effet, qui seraient protégées, et une interprétation très simple estcelle-ci : Séti, qui paraît au mieux avec la déesse, lui fait une sortede libation, avec un vase biphallique ; en quoi, on ne peut dire qu’ilHathor. La forme incurvée et les extrémités lisses montrent qu’il ne s’agit pasde fruits, analogues à ceux que tiennent des personnages Assyriens(fruits de l’arbre de vie, ressemblant à des ananas ou à des pommes depin ; la pomme de pin, imputrescible, était, dans l’Antiquité, unsymbole de l’Éternité). Mais il n’y a, en outre, jamais qu’un fruitdans les monuments où la pomme de pin est représentée (L. A. A.Sargoun, Génies). 2° Le Pain. – On a vu, dans ce livre, les différents aspects desPains biphalliques de Venise. Ils représentent une des manières d’être du Biphallus, le mode calme,comme le Chapiteau Ionique. Il faut y voir, certainement, une raison decommodité, le pain est plus ramassé, ainsi, et ne présente pas deprolongements, qui seraient fragiles si l’on faisait des painsanalogues aux Vases (fig. 25 et 26, p. 103 et 105), et d’aspect érigé. Ces pains biphalliques, comme les Vases, sont des expressionssymboliques de création sexuelle, d’ordre inférieur. Ainsi donc, le Vase, et le Pain sont un peu là pour témoigner dessurvivances du culte du Biphallus. Celui-ci n’est qu’une formehyperdulique (je regrette d’employer cette expression, mais il n’y en apas d’autre pour traduire cela) du culte du Phallus. C’est ce culte aucarré, exprimant le besoin que les hommes ont toujours eu de croire àun Pouvoir Générateur extraordinaire, qu’ils pourraient acquérir unjour. Dans la pratique, on se rappellera que les Rois, les Empereursont toujours passé, dans l’histoire, pour avoir cette sorte dePuissance. Les potentats d’Orient avaient, disait-on, des enfants parcentaines, et mettaient à mal des multitudes de femmes. Que certainsaient eu dans leurs harems, des femmes en quantité, cela est reconnu ;mais qu’elles aient souvent servi à autre chose qu’au plaisir des yeuxdu seigneur, c’est différent. Mais, actuellement encore, les hommes croient, sans contrôler si celaest exact, à ce privilège de la puissance génitale chez les souverains,et les journaux parlent de sultans auxquels il faut quatre vierges tousles soirs ; le Minotaure est toujours debout, quoi ! Mais si le culte du Phallus a eu cette forme exaltée du Biphallus, rareen vérité, et assez difficile à retrouver, le même phénomène ne s’estpas produit dans les pays où le culte du Principe Féminin a laissé destraces. Il n’y a pas de Bictéïs, pas plus que de binitrates. Peut-être,parce que, de ce côté, il y a moins d’Apparence ; mais, plutôt, parceque le Principe Générateur Féminin est apparu aux hommes, qui en ontfait l’objet d’un culte, avec une telle somme de pouvoir primordial,qu’il ne saurait être susceptible d’être augmenté en aucune façon,ainsi que je l’ai dit dans l’Anneau-l’Épée. Dans quelque monde que cesoit, il agit avec la même puissance. * * * Les traditions, qui ont amené la formation de Vases et de Painsphalliques ou Biphalliques, se retrouvent dans les pays du Nord, où leculte du Principe Féminin semble avoir la prédominance sur l’autre.Prenons par exemple, le Calvados. Étant enfant, j’ai joué avec des vases faits, pour des ménages depoupée, dans les environs de Bayeux et vendus à Honfleur. J’ai pu, il y a quelques années, retrouver ces vases chez un marchandde faïences et poteries. (On en vend toujours dans les bazars, etc.) Ilest inutile de les reproduire ici. J’ai un vase qui, vu parl’ouverture, a exactement la forme d’une vulve, dont les petites lèvresseraient écartées, et il présente l’aspect de la figure, publiée dans le Traité d’anatomie humaine, de Testut. Ces vases sont assez commodes pour mettre des allumettes des deuxcôtés. Je rappellerai que les bénitiers de la cathédrale de Sienne etde Santa-Maria Novella de Florence sont ainsi faits. Quant aux pains de forme ctéïnne, j’en ai assez longuement parlé dans le Pain Brié. Ainsi donc, on a pu suivre par ce travail, où j’ai exposé des idéeshardies, comment s’est faite, depuis des animaux jusqu’à des êtresextra-naturels – en passant par la Légende plaisante, le Roman, l’Artet la Religion – la filiation du Biphallus, qui se trouve encorereprésenté, de nos jours, par le Vase et par le Pain et fait partie desrestes du culte primitif des hommes pour les Principes Générateurs, et,notamment, le Masculin. Telle est la genèse de cette Figure, qui n’a encore jamais été étudiée. Le Biphallus est, du reste, une conception tristement pratique ; car,tous ceux qui font du tourisme automobile savent, qu’en matière demonocylindre, mieux vaut n’avoir qu’un seul moteur, et qui soit bon,que d’en avoir deux, qui ne s’entendent jamais. ____________ ÉPODE ____ La question du pain brié peut donc se résumer en ces termes : Il y a des pays qui usent d’un pain d’origine antique. Ce pain est fait avec une pâte très ferme. Il est compact. La pâte en est peu levée, et au levain, suivant le mode antique, ce quilaisse au pain sa compacité. La pain, ainsi fait, est ce qu’on nomme le Pain Brié. Dans certains pays, pour pétrir plus facilement cette pâte, on se sertd’un levier ; c’est le brion, la brie. On donne à ce pain des formes qui sont en rapport avec les organesgénérateurs ; formes masculines ou féminines, avec prédominance,suivant les pays, de l’une ou de l’autre ; mais, on trouve les deuxsortes. Il y a des formes (géométriques, polygonales, phalliques, biphalliques)qui semblent réservées au pain brié. Les formes de ce pain se présentent ainsi : monophallus et biphallusd’une part ; ctéïs, de l’autre. Ce sont des restes de religions païennes, probablement très vieilles. Ainsi, dans les pays Méridionaux, où des religions ont été fondées surla prédominance du principe masculin, le pain brié aura une formephallique, de façon presque exclusive. Il s’agit là d’un culte du Pouvoir Générateur. La forme biphalliqueprocède de l’idée d’un Pouvoir semblable, mais supérieur, exalté. Le Biphallus semble être donc un legs assez vivace du passé, puisque laplupart des exemples qui en sont rapportés ici, sont postérieurs auPaganisme. Venise et la Vénétie usent depuis longtemps de pain brié. Ce painprésente, dans Venise surtout, des formes assez nombreuses, qui peuventse résumer ainsi : 1° Des types masculins monophalliques ; 2° Des types masculins biphalliques ; 3° Des types féminins de forme ctéïnne. Ces derniers sont beaucoup plus rares et on y fait usage, plusfréquemment, des deux premiers. Au contraire, au Nord, dans le Calvados, par exemple, on ne trouveguère que des formes féminines et le véritable pain brié de la régiond’Honfleur n’a pas la forme phallique. On peut voir là un lointainsouvenir de la prédilection des peuples du Nord pour le PrincipeFéminin, dont la supériorité forme le fond de la Tétralogie, l’Anneaudu Nibelung, de Richard Wagner. Et, il n’y a pas à dire, la Tétralogie et les Symphonies de Beethoven,ça vous donne un fameux coup d’alésoir à un bonhomme. * * * En résumé, toutes les formes données au pain brié vénitien sontsexuelles ; ce qui est la confirmation des idées que j’ai avancées, en1909, pour le pain brié du Calvados. Quelqu’un, ayant beaucoup voyagé, me disait, un jour : « Dans l’Inde,vous verriez le culte du Lingam. » Il est inutile, comme on le voit,d’aller si loin. Il faut laisser aux Savants le soin d’épiler uneinscription du temps des Antonins et de discuter si Horace avait, ounon, une maison de campagne. Ce qui caractérise certains travaux ditsoriginaux, de notre temps, c’est qu’ils sont, à l’analyse, faits enprenant le contrepied de tout ce qui a été cru, ou dit, jusqu’alors,sur certains personnages, et en donnant, à ceux qui avaient mauvaiseréputation, les qualités reconnues aux autres jusqu’ici. C’est ainsique Christ, adoré pendant deux milliers d’années, fut prétendu avoirété un aliéné, après avoir passé pour un mythe solaire ; que, parcontre, Socrate et Sapho, des Invertis célèbres, ont été découvertscomme les plus irréprochables des Grecs ; que Phryné a été proclaméeune femme de vertu, ayant fait partie de la Ligue contre la Licence desGrues ; et que, Gilles de Rais n’aurait été qu’une innocente victime duclergé de Bretagne, hou ! hou ! qui voulait s’emparer de ses biens, aulieu d’avoir été le fou sadique connu de tous. Cela est bon pour lesséances des Académies. Mais il faut considérer les choses, au point devue des causes générales, qui ont dirigé les hommes dans leurs actions,depuis leur origine. Le culte du Lingam a été un de ces filsconducteurs, dont on semble, aujourd’hui, vouloir ignorer l’existence.Or, ce culte-là, je le retrouve, dans notre vieille Europe, au milieude notre vie courante. Lorsque je parlai d’étudier le Pain Brié, en1909, l’un me dit : « Qu’est-ce qu’on peut bien dire sur cette question? » Et l’autre écrivit : « Comprend-on qu’un médecin puisses’intéresser à des sujets pareils ? » Pourtant, c’est moinsdangereux que la chirurgie, bien que laborieux. On s’en rendra compte,par ce fait que, d’ordinaire, on a été précédé par quelques chercheurs.Ici, les travaux des autres, utiles pour établir celui-ci, seréduisaient à rien, à Paris comme ailleurs. Mais, bien que scabreux àexposer avec cette hardiesse d’idées, j’ai trouvé déjà, dans ce sujet,matière à plusieurs ouvrages pour l’effarouchement de quelques-uns, enregardant, simplement, des Formes près desquelles les hommes passent,d’ordinaire, sans même jeter les yeux dessus. Ces choses sont délicates à faire. Les anciens Romains mettaient unPriape dans toutes les propriétés, pour se protéger des voleurs et dessorciers. Et personne ne s’en alarmait. De nos jours, les hommes fontusage de pains sexuels. Les Normands jouent aux boules sur une piste enbois ayant la forme d’un grand phallus (31). Mais leur dire cela, ests’exposer à se faire regarder de façon malveillante, surtout si on estseul. Il ne faut pas, en ce monde choquer les sens ou les conventions,si on veut être bien vu. On pensera que vous avez voulu faire une saleblague, que suivra une rancune aussi agressive que cette odeur, si vousmettez sous le nez d’un ami, un flacon de brome, alors que vous aurezeu, par là, l’intention louable de le faire se souvenir, désormais, quecelui-ci fut découvert par Balard. Venezia, août 1910 et Paris, 8janvier 1912. NOTES : (1) Encore dans l’inédit, hélas ! (2) De Saint-Amand, Lettres d’un voyageur à l’embouchure de la Seine.Paris, 1828, p. 227. (3) Avis aux aquarellistes. (4) Voir les abréviations, p. 121. (5) Andre de Michieli, dit Vicentino, 1539-1614. (6) Fig. 14, p. 54. (7) Par côté Sole, j’entends celui qui a reposé sur la sole du four, àla cuisson. Sur la table, le pain repose, d’ordinaire, sur le côtéSole. C’est cette position que je nomme : position d’aliment. (8) De la trad. Lisieux, 1882. (9) On mange à Paris, surtout vers le 1er janvier, des bonbons, faitsavec une masse sucrée de forme ovalaire, au milieu de laquelle est uneamande, dont un côté sort, par une fente longitudinale du bonbon. Letout ressemble exactement à une vulve. (10) Cette figure est renversée ici, pour montrer l’analogie. (11) Peut-être même cette Donna Onesta ne l’était-elle pas du tout. –Cf. Dr Tassini, Curiosità Veneziane, ovvero Origini delleDenominazioni Stradali di Venezia, p. 236. (12) J’ai appelé de ce nom une représentation symbolique d’une formenaturelle qui est devenue pour les hommes l’objet de manifestations decrainte, d’admiration, de respect, de culte (L’Anneau-l’Épée, p. 6.) (13) Comme exemple, examiner la bourse phallique portée par le Mercure,dit à la Bourse (c’est, peut-être, pour cela qu’il était le dieu desvoleurs) L. Antiques, Salle X. Pièce n° 178. On comparera le sexe dudieu et la bourse qu’il tient à la main. (14) J’ai vu, à München, des petits pains qui ont cette forme, dérivéecertainement du croissant, dont la languette médiane est exagérée. J’aidit, dans le Pain Brié, que cette languette est l’équivalent d’unpénis.On se représentera ces pains en dessinant un croissant, dans laconcavité duquel on mettra un triangle à large base, dont le sommetsera sur la ligne qui joint les pointes du croissant. Or, la Figure ainsi dessinée a été employée en magie, par exemple, aumilieu d’un pentagone renversé, dans le Sorcier, gravure, p. 119, du Temple de Satan, de St. de Guaïta. C’est le même symbole que la Mainde Gloire, chandelle placée au milieu d’un croissant, dontl’Enchiridion Leonis papae, 1667, p. 124, et Le Rituel de la hautemagie, par Eliphas Lévi, p. 225, présentent des reproductions.Tous ces symboles sont les mêmes et se réduisent comme sens, à unphallus, dont le scrotum est représenté par le croissant. La lettrehébraïque Schin, [grec p. 70], a la même significationhiéroglyphique. D’Olivet (La Langue hébraïque restituée, premièrepartie, Racines, p. 225) dit qu’elle représente « la partie de l’arcd’où la flèche s’élance en sifflant ». Le Sepher Jesirah dit quec’est elle qui règne sur le Feu. Il est intéressant de retrouver ces Figures représentées, aujourd’huiencore, par des pains. Ainsi que je l’ai déjà montré dans le PainBrié, p. 49, certaines formes données aux pains, ne sont autres chosesque des formes sexuelles, qui ont été usitées en magie, sous l’aspectPantaculaire. (15) J’en donnerai la reproduction dans un autre ouvrage. (16) On fait, avec, les Nerfs de bœuf, en mettant dedans une lame defleuret, forgée au rond. (17) Les rouleaux de papier (expression populaire). (18) Cependant un sujet, cité par le D. D. se servait de ses deuxorganes, ce qui, d’ailleurs, ne veut pas dire qu’il était vaillantcomme deux. (19) Il y a ainsi toute une littérature graveleuse, en quelque sorteocculte, car elle n’est imprimée nulle part (le Rictus a faitdernièrement la première tentative pour en réunir quelques chansons).Les hommes s’en lèguent oralement les différentes pièces, dans lesagglomérations, comme, jadis, les prêtres orientaux se transmettaientles secrets d’initiation. Il s’agit ici d’une véritable tradition oralesexuelle. (20) On trouvera, dans le Journal, du 21 décembre 1911, le compterendu d’une affaire, qui montre qu’il y a des hommes pour cherchertoujours ce secret et pour faire croire, à des femmes surtout, qu’ilsl’ont trouvé. (21) Actuellement 39, rue de Châteaudun. (22) Le Cabinet des estampes de la Bibliothèque Nationale n’en possèdeaucune pièce. (23) Voir p. 87. (24) Par exemple, les soldats italiens torturés à Tripoli. – Cf. leJournal, 30 novembre 1911. (25) Il y a des éditions antérieures à celle-là. (26) Sans date, ni lieu d’origine ; il me paraît être du XVIe siècleenviron, mais je ne saurais dire dans quel pays il a pu être fait.C’est, probablement, un ouvrage allemand. (27) D’après Albert Poisson. (28) Révéler, voiler à nouveau. (29) Ceux de la figure 25 ont été faits, par erreur, un peu tropsphériques. (30) Le monument ne porte aucune explication sur l’acte des personnages. (31) Je tiens ce renseignement de M. Gabriel Célos, mon frère. |