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 le rayon documentaire


LERAYON DOCUMENTAIRE :une sélection de brochures et petits opusculesconservésà la bibliothèque municipale de Lisieux.

 


 

CONNEXIONS INTERNET ETINTERTEXTUELLES (11.VII.00) [En pause depuis le 31.12.2010] :Vous pouvez voir et examiner tousles contextes d'un mot, d'un nom delieu ou de personne, dans l'ensemble des textes en interrogeant lesbasesLexoTor(textes lexoviens indexés à Toronto).Pour vousdonner une idée de l'intérêt deLexoTor, vouspouvez regarder aussi deuxmodèles de pistes indicatives d'explorations individuelles :lemotlettresdans les Archives des Sélections mensuelles; accusateurpublicet maîtressedans LeRéquisitionnaire deBalzac.

 

Nouveauté Le Pêcheur des bords de Seine (1840) par M.-J. Brisset (1792-1856) : " MÉDISEde la pêche qui voudra ! Nomme qui voudra la ligne : Une perche ayantun animal d'un côté et un imbécile de l'autre, je m'inscris contre lesdétracteurs de cet innocent plaisir. Stultum me fateor,comme dit Horace. J'avoue que j'ai été quelquefois l'un de cesimbéciles, et qu'il m'est resté mille charmants souvenirs de ces heurespassées, le bras tendu, l'œil fixé sur le bouchon fuyant d'un airaffairé dans le courant qui l’emporte, ou stationnant, pour ainsi direendormi sur la surface d’une eau tranquille, comme le chat patelin dontl'œil, mi-fermé par un sommeil trompeur, ne regarde que de coin lespetits oiseaux qu'il guette. Et, dites-moi, quel passe-temps, quelplaisir eut jamais un cadre plus riant et plus gracieux ! Ce ne sontplus les arides guérets, les bords pierreux des luzernes ou leslisières des taillis hérissées de ronces, que le chasseur arpente etcôtoie sous le soleil d'automne. Au pécheur les frais gazons, les repossous la saulée, les harmonies fluviales, les contrastes de la lumièreglissant en rayons d'argent sur l'onde immobile, et se brisant,s'éparpillant plus loin en sautillements joyeux, à la suite des flotsqui moutonnent sur un fond de cailloux, ou ruissellent amoureusementsur un lit de sable fin..."

Nouveauté Le Cocher de coucou (1840) par Louis Couailhac (1810-1885) : " DEtous les véhicules de l'Epoque-Rococo, il ne reste que le coucou deParis et la vinaigrette de Lille ; le coucou, humble boîte àcompartiments que traîne un cheval poussif, la vinaigrette qui tient lejuste-milieu entre la chaise à porteur et la brouette. C'est lavieillesse qui a conservé la vinaigrette, c'est la jeunesse qui faitvivre le coucou ! C'est une si charmante voiture ! On y est si bienpressé, si bien serré, si bien étouffé ! Elle rappelle si bien l'époqueoù les Desgrieux des gardes françaises et de la basoche allaient mangerune matelotte à la Râpée avec les Manon Lescaut des piliers des halles! Comme tout ce bon attirail de cheval et de voiture unis ensemblerespire le parfum de la galanterie joyeuse, vive et folle du bon temps,du temps où les grisettes portaient les jupes courtes, faisaientgaiement claquer leurs galoches sur le pavé, se décolletaient comme desmarquises et se moquaient de tout avec Madelon Friquet ! Oh, lacharmante voiture ! comme le coude touche le coude, comme le genoupresse le genou, comme la taille des jeunes filles est abandonnée sansdéfense aux entreprises des audacieux !.. "

Nouveauté La Demoiselle de compagnie (1840)par Étienne Cordellier-Delanoue(1806-1854) : " EN parcourant de bas en haut la série des existencesdéplacées, depuis la portière incomprise « qui n'a pas toujours tiré lecordon, » jusqu'à la sous-maîtresse de pensionnat, qui aurait puépouser le fils d'un pair de France, on trouve la femme de charge, typegrave et majestueux qui ne rit pas ou qui ne rit guère, et auquel ilfaut nécessairement associer la gouvernante, autre physionomie queCollin d'Harleville a si parfaitement saisie et résumée dans lepersonnage de madame Evrard. Au-dessus de madame Evrard, mais bienau-dessus, dans un monde tout autre, dans des régions toutes nouvelles,loin du contact épais des grands cousins venus d'Auvergne et desplaintes asthmatiques de ce bon M. Dubriage, nous trouvons lademoiselle de compagnie, qui est à la femme de charge ce que celle-ciest à la simple bonne d'enfants, ce que l'intendant est au secrétaire,et le secrétaire au palefrenier ; la demoiselle de compagnie, objet deluxe, fantaisie de bon goût, réservée exclusivement aux gens riches, etque la moyenne propriété ne connaît que par ouï-dire ; à peu près commeles services complets en vieux Sèvres, les chevaux pur sang, les eauxde Bade, les migraines et les vapeurs. Une femme qui a des vapeurs nesaurait se passer d'une demoiselle de compagnie... "

Nouveauté La Jeunesse depuis cinquante ans (1840) par PierreFrançoisTissot (1768-1854) : " DANStous les temps de ma vie, la jeunesse a été pour moi un objet d'études; je l'observais déjà même alors que je figurais dans ses rangs, et queje me livrais, avec mes émules, aux distractions et aux plaisirs denotre âge. Je me rappellerai toujours ma surprise en voyant des pèresde famille envoyer chaque année leurs fils dans cette grande capitaleoù souvent ils se trouvaient abandonnés à eux-mêmes sans appui, sansconseil et sans guide : les fâcheuses conséquences de cet isolement dela jeunesse m'affligeaient à vingt ans ; depuis l'époque de cettepremière disposition de mon esprit et de mon cœur, la sympathie n'apoint cessé de s'accroître entre moi et les générations successives dela jeunesse de nos jours ; j'ai eu de fréquents rapports avec elle, denombreuses occasions de la connaître, je vais essayer de la peindretelle que je l'ai vue avant, depuis et après la révolution. Les enfantsdu peuple poussaient le défaut d'instruction jusqu'à ignorer souventles éléments de la lecture et de l’écriture ; ils conservaient lesidées religieuses qui leur avaient été inculquées par leurs mères dèsle berceau, ou par les frères de la doctrine chrétienne, chargés del'explication du catéchisme. Une partie de cette jeunesse, livrée àelle-même ou rebelle à l'autorité paternelle, tombait dans de gravesdésordres, conséquence inévitable de la paresse et de l'oisiveté, etallait peupler les prisons... "

L'Huissier de campagne (1841) par Eugène Nus (1816-1894) : "ENFANTdu canton qu'il exploite, le praticien en herbe, à peine arrivé à l'âgede raison, consacre les blondes années de sa jeunesse au culte desexpéditions et à l'adoration du code civil. Le rêve doré poursuivi parson âme ardente, l'ambition qui germe et mûrit dans son cœur, serésument dans l'espoir d'ajouter au nom que lui ont transmis ses aïeuxla qualification d'huissier patenté de troisième classe sous n'importequel numéro, et de voler glorieusement sur la trace de sesprédécesseurs. — Voler est employé ici dans le sens purement figuré. —Enfin, il parvient à ce but constant de ses désirs, et dans la carrièreque son patron ne poursuit plus, il va secouer la poussière desnombreux exploits de ses devanciers, tout en héritant de leur scienceet de leurs vertus sous forme d'un volume ayant pour titre le Parfait huissier.Une fois en possession de sa charge, le nouveau titulaire se choisitune femme, ce qui fait dire aux mauvais plaisants du lieu qu'il a prisà la fois une charge et un fardeau..."

Le Bénéficiaire de concert (1841) par Alfreddes Essarts (1811-1893) : "LORSQUEles bois n'ont plus de feuilles pour abriter leurs musiciens ailés,lorsque la voix seule du vent exhale ses gémissements lugubres dans lesparcs d'où ont fui les romantiques promeneuses, alors l'harmonieparisienne recommence son règne bruyant ; alors le mot de concerttapisse de nouveau tous les coins de rue, et se prélasse aux vitres deséditeurs de romances ; le chant se déchaîne avec une sorte de furie ;il se fait, sous prétexte d'harmonie, un vacarme qui effrayerait à coupsûr l'honnête Asmodée, s'il s'avisait de se poser sur un toit de lacapitale pendant une soirée d'hiver.— Un incroyable mélange d'ut depoitrine, de ronron de basse, de sons aigus de chanterelle, demiaulements de hautbois, et d'arpèges de piano, monterait jusqu'audémon boiteux, contraint de reprendre bien vite le chemin d'un mondemoins mélomane et plus silencieux.—A notre époque, la musique n'est pasune mode : c'est une fureur, une fatigue, et non un plaisir ; un fruitsans sève, une fleur sans parfum. Aimeriez-vous une rose que vingtpersonnes auraient sentie, une femme qui se produirait à tous lesregards ? De même, la musique, vierge céleste, qui seule a le privilègede récréer les extases de l'éternité, veut être goûtée sobrement,livrée à peu d’auditeurs ; elle n'accorde ses révélations qu'à un petitnombre d'élus, et renie cette armée d'exécutants qui lisent rapidementla note, et en sont encore à épeler les principes de l'art..."

Le Commissaire-priseur(1841) par Charles Friès (18..-18..) : C'EST du commissaire-priseur, ceprésident obligé de toutes les ventes à la criée, que l'on peut direavec raison : Dans ses heureuses mains, le cuivre devient or. Il n'estguère d'objets qui, touchés par ses doigts magiques, ne se transformentsoudain en choses précieuses. Grâce à lui, les moindres bagatelles sontsouvent vendues à des prix fous. C'est le dieu du négoce, le Mercure duXIXe siècle. — Il tient à la main, en guise de caducée, un marteaud’ivoire, à manche d'ébène, dont les coups retentissants sont autant deveto pour de nouvelles enchères. Le commissaire-priseur est remarquablepar la conscience qu'il apporte à ses ventes. .."

Les Réfractairespar Amédée Achard (1814-1875) : "VOILA un mot avec lequel on a faitbien des drames et bien des nouvelles ; soyez assurés, cependant, quel'avenir nous en réserve bien d'autres encore. Les coulisses duboulevard du crime et les revues du faubourg Saint-Germain nelaisseront pas longtemps chômer ce nom-là. Il en est des réfractairesde l'ère constitutionnelle comme des capitaines d'aventure du moyen âge: tous les semestres, à peu près, quelque journal ou quelque théâtreles met en action. Le casque a fait place au feutre troué, la cuirassereluisante, à la veste de bure, la longue rapière, au fusil rouillé parla pluie : c'est toujours une vie semée de craintes et d'espérances,une existence en pleine campagne, sous l'ombre humide des forêts, dansles clairières verdoyantes, sous le couvert des taillis. Mais cettefois le héros ne marche pas gaiement à la face du soleil ; hardi etjoyeux, il erre çà et là le long des sentiers solitaires, dans lesvallons obscurs, sur les plateaux déserts..."

Choses entendues(1921) par Lucien Guitry (1860-1925) : " A la terrasse du café, Henriachève de boire son mazagran, et, entre temps, pérore, pour —semble-t-il — un consommateur assis à deux tables de la sienne, mais enréalité pour tout un monde de spectateurs qui sont les clients, assis àtoutes les tables qui encombrent le trottoir. En face, de l'autre côtéde la rue, il y a un café-concert fort éclairé. Supposons que ça sepasse à Vichy. — Soixante berges, Messieurs, soixante berges ettoujours frais au turbin, et d'aplomb ; la santé, le moral, le petitbibi... tout ! Faudra que je te fasse enfin connaître ma femme... uncœur d'or, c'est autre chose que toutes vos poupées. La femme àGustave, tiens, entre autres, tu sais qui c'est ? C'est Fanoche, lafemme au guillotiné... "

L'Affaire Urbain Grandier(1940) par Armand Praviel (1875-1944) : " Le 23 juin 1634, la ville deLoudun, qui était alors une importante cité du Poitou, à la foisancienne place forte et capitale provinciale, fut le théâtre d'un desplus extraordinaires spectacles qui se puisse imaginer. Le romantisme avoulu, suivant sa coutume, en forcer les effets. Tentative bien vaine,puisqu'il suffit simplement de mettre en ordre et de reproduire desdocuments indiscutables. A travers une foule compacte, — la citécomptait alors 14.000 habitants, et ce chiffre était largement doublépar l'afflux des campagnes environnantes — une étonnante processiondéfilait à grand'peine. Dans les ruelles tortueuses, où les maisons àencorbellement semblaient vouloir se rejoindre par en haut, et oùfenêtres et balcons supportaient les curieux par grappes, des archers àbarbe pointue, armés de longues hallebardes, se frayaient trèsdifficilement un passage..."

Le Souffleur (1841) par Charles Friès : " S’ILest au monde une profession modeste, ignorée, et qui ne satisfassepoint l’amour-propre, c’est celle de souffleur dans un théâtre. Aussine compte-t-on guère de souffleurs par vocation : l’idée de s’ensevelirvivants dans un trou affriande fort peu de gens. C’est un état que l’onembrasse après avoir tâté de vingt autres, et en désespoir de cause.Assez souvent le souffleur est un comparse à qui l’on a reconnu del’intelligence, ou un comédien invalide, pauvre diable qui use sonreste de souffle à souffler ce qu’il ne pourrait plus crier. Parfoisc’est un acteur incompris, qui a passé les belles années de sa jeunesseà se faire siffler de côté et d’autre, et s’est estimé tout heureux detrouver, sous le capuchon de bois de sapin, un asile où il pût reposersa tête battue par l’orage, et tourner pour toujours le dos à ce publicstupide qui a méconnu son talent..."

Le Paysan marseillais (1841) par Taxile Delord

Le Bayonnais (1841) par Alfred Germond de Lavigne (1812-1891)

La Gouvernante du curé de village (1841) par François Coquille

La Sous-Maîtresse (1841) par Félix de Joncières (1811-1895)

Certains vieux célibataires (1841) par Camille Bernay

Le Sténographe rédacteur (1841) par Adolphe Jadin (1794-1867)

 Le véritable chevalierde Maison Rouge(1934) par Edouard Gachot (1862-1945) : "M. Barbuat était le compatriote du célèbre chevalier d’Eon. Homme rude,l’ancien capitaine au régiment de Champagne faisait enregistrer, en laville de Tonnerre, cette note : « Le 8 juillet 1767, est né un enfantmâle, fils de messire Jacques-François de Barbuat de Maison Rouge,chevalier, seigneur de Boisgérard, Monfée, etc., et de dameAnne-Victorine Genève, sa légitime épouse, et le même jour, parpermission de Monseigneur l’évêque, a été ondoyé, en présence du pèrequi a signé avec nous. » On donnait à ce garçon les prénoms :Marie-Anne. Sa mère, qui avait de la beauté et de l’esprit, ne voulutpas confier l’enfant maladif à des mains mercenaires. Il ne put parlerqu’au début de sa troisième année. Plus tard, souvent triste etboudeur, on le vit refuser la société de ses frères..."

Les Métiers littéraires,le Journal industriel (1841) par Francis Guichardet

Les Petits métierslittéraires,le Rédacteur industriel (1841) par Francis Guichardet

L'École primaire (1841) par ÉdouardOurliac (1813-1848)

L'Ami d'un homme célèbre (1841) par ÉdouardOurliac (1813-1848)

Les Conseils de révision (1841) par Amédée Achard (1814-1875)

Les Examinateurs(1841) [Anonyme] : "Un examinateur est un grand monsieur tout en noir,sauf la cravate blanche et le ruban rouge à sa boutonnière ;l’expression de son visage est sévère et dure ; jamais le sourire nevient effacer les plis de son sourcil éternellement froncé ; il parlelaconiquement avec une voix brève, avec un regard inquisiteur, et nerépond que par des hochement de tête affirmatifs aux discours prolixeset verbeux du directeur dont il est censé inspecter l’institution, oudu professeur dont il s’imagine interroger les élèves. Un superbedédain est stéréotypé sur son front ; toute la morgue pédantesque etl’orgueil pédagogiste se trahissent dans son allure empesée, dans sonimportance gourmée..."

L'Ermite du Vésuve (1832) par Alexandre Rabot (18..-18..)

Les Filles d’actrices (1841) par Jules Mayret (1810-1889)

Les Premières représentations (1841) par Francis Guichardet (18..-18..) : "SOUVENTle public qui remplit une salle le jour d’une première représentationest plus curieux à étudier que les acteurs de la scène et leschefs-d’œuvre qu’ils ont la prétention de jouer. Ce que Paris renfermede plus illustre et de plus élégant, disent les journaux (et lesjournalistes sont toujours en majorité), se donne tacitementrendez-vous pour ces grandes solennités. Le théâtre, les arts, lalittérature, et ce qu’on est convenu d’appeler le monde, y envoyentleurs représentants. C’est un panorama d’hommes de génie, unkaléidoscope de grands noms, une macédoine d’illustrations dont larenommée universelle ne dépasse pas les limites de la presse. Lacritique domine cette brillante réunion ; car depuis un tempsimmémorial, un certain nombre de loges et de stalles lui est réservé.Aussi méprise-t-elle les spectateurs ordinaires de toute la supérioritéque les directeurs lui accordent ; et si vous n’êtes pas rédacteur desDébats, attaché au Petit Poucet littéraire ou à la Revue fashionabledes apothicaires unis, vous ne devez aspirer qu’au simple rôle decomparse. Nous pouvons donc diviser les assistants en deux classesdistinctes : ceux qui y viennent par nécessité ou par désœuvrement, etles gens qui y sont attirés par l’espoir de s’y amuser, et le désir deconnaître les sommités de la première catégorie..."

Le Banquier (1841) par François Fertiault(1814-1915) : "L’ARGENTest une marchandise. Ceci est un principe reconnu déjà par bien desgens comme un axiome. Tous ceux qui exercent ou connaissent uneindustrie quelconque, se livrent à la moindre opération d’achat ou devente, de prêt ou d’emprunt ; tous ceux qui touchent au commerce,depuis les hauts et puissants seigneurs de la finance, qui remuent dansleurs coffres et leurs caisses l’or et l’argent à pelletées, jusqu’autimide et obscur brocanteur, qui attend de quelque échange, troc oumarché, longtemps et péniblement élaboré, le misérable gain qui doit lefaire vivre au jour le jour : tous ceux-là, dis-je, savent à quoi s’entenir sur la valeur de l’argent... Les uns le font trop souvente foisbien amèrement savoir aux autres !.."

L'Hôtel Carnavalet(1832) par François-Alphone Loève-Veimars (1799-1854) : "Au fond duMarais, à deux pas de la place Royale, est encore la maison qui futhabitée si long-temps par madame de Sévigné. On l’aperçoit à l’angle dela rue Culture-Sainte-Catherine, ou de la Couture-de-Sainte-Catherine,comme on disait autrefois. Cette culture ou terrain cultivé appartenaitaux religieux de Sainte-Catherine ; ce qui n’empêchait pas lescourtisanes d’y demeurer ; car à ce même coin de rue logeait, du tempsde Charles VI, la belle Juive, dont son frère, le duc d’Orléans, étaitsi épris, et à la porte de laquelle fut assassiné le connétable deClisson, meurtre fameux, si curieusement conté par nos historiens,qu’il semble qu’on y assiste. On le voit passer, par une nuit sombre,ce grand connétable, armé seulement d’un petit coutelas, et fongeant autrot de son bon cheval cette étroite rue déserte. On est caché avec lesassassins sous l’auvent du boulanger, où ils l’attendirent ; on entendle bruit de la lourde chute du cheval percé de trois grands coupsd’estramaçon, le bruit de la chute du connétable, dont la tête vafrapper contre une porte qu’elle fait ouvrir ; ses plaintes, sesgémissements, les pas des assassins qui s’enfuient, puis le silence.Puis les cris des bourgeois accourant..."

Les Appartements à louer (1832) par Emile Deschamps (1791-1871)

La Maison de malheur des flamands (1833) par Samuel-Henry Berthoud (1804-1891) : " Si vous voulez voir la Maison de malheur des Flamands, il vous fautsuivre la ligne du boulevart, traverser la solitude du passage Vendôme,entrer dans la rue Dupuis, vous risquer entre l'avenue des deuxrotondes de boutiques qui forment le Temple, et arriver jusqu'àl'extrémité de la rue de la Corderie, en face de la porte cochèresurmontée d'un n° 1 presque effacé. Là, autorisé par de nombreux écriteaux d'appartements à louer qui sebalancent aux ais disjoints de cette porte, vous monterez au troisièmeétage, par un escalier qui se trouve à gauche dans la cour : une foisau quatrième étage, vous ouvrirez une des fenêtres intérieures, et vousvous trouverez nez à nez avec la Maison de malheur des Flamands ;maison enfouie au milieu de culs-de-sacs, de ruelles étroites, et qui,basse et toute petite, ne s'aperçoit distinctement, au milieu de sesvoisines à quatre étages, que des fenêtres indiquées. Si la Maison de malheur des Flamands n'a qu'un étage, en revancheelle a deux toits... "

Au seuil de la vie secrète (1927) par Eugène Gascoin (18..-19..) : " C’est un businessman dont la plume d’or fait naître sur la page blanched’un carnet la floraison des chiffres, gage des moissons futures ; plushumblement, c’est une petite vieille portant au bras le cabas classiqued’où émerge la face lunaire d’un chou-fleur ; un sergent de ville auxbelles moustaches et qui, de son bâton, arrête ou laisse fluer la pâtepresque homogène des voitures. Encore, c’est une jeune femme que rienne distingue, pas même la qualité de son bavardage mondain ; enfin,sourire aux dents et perle au plastron, un élégant commis qui, pour uneAméricaine, emprisonne et fait jouer dans une gemme de 10 000 dollarstoute la féerie du soleil. A les voir ainsi – car ils sont tels et nousn’avons rien inventé, – figurants anonymes en la fresque grise del’existence, volontiers notre malveillance leur prêterait une vieintellectuelle réduite à la gazette quotidienne, des besoinssentimentaux que suffisent à combler les joies monocordes du ménage,l’illusion sans faste de la plus banale aventure, et pourtant, tout enachetant, vendant, écrivant comme nous, sans que rien ne les distinguedes autres, savourant l’amer orgueil des croyances solitaires, ilss’enivrent à longs traits du mystérieux et de l’invérifiable. Demain,dans une heure peut-être, vêtus des ornements que brodent le trianglesymbolique ou le pentagramme sacré, évêques, grands-maîtres, voiresimples fidèles, ils entraîneront leur extase par le jeu méthodique desformules et des gestes, jusqu’aux frontières indécises où commencentles jardins de l’hallucination et de la folie, riches en vénéneuxparfums..."

Le Luxembourg (1832) par Félix Joncières (1811-1895) : " Je me connais mal en architecture : aussi, au risque d’être appeléVandale, je dis franchement que j’aime peu le palais du Luxembourg.J’avoue que le travail en est savant et régulier ; mais tous cesbossages qui sillonnent l’édifice et le zèbrent horizontalement meparaissent un enjolivement mesquin, sans grâce comme sans candeur. Ilme semble voir une tête d’étude qu’une main inhabile a voulu ombrer, etqu’elle a chargée de hachures roides et tirées pour ainsi dire aucordeau. Enfin quel qu’il soit, de grands souvenirs le recommandent ànotre attention. Passant de maîtres en maîtres, et d’usages en usages ;tour à toursanctuaire de plaisirs et sanctuaire de douleurs ; poussant des crisd’allégresse ou des cris de terreur ; ayant à ses portes des geôliersou des gardes ; tribunal et prison en même temps ; se parant un jourpour une fête, se voilant le lendemain pour une mort ; espèce demonument factotum ; propre à tout, même à couvrir des têtes royales ;insignifiant par cela même qu’il est sous la main du premier venu hautplacé, et qu’il sert de pis-aller à tous venants ; maintenant changé enun prytanée politique où toutes les vieilles gloires et les vieillesréputations vont prendre leur retraite, en cassant ou en sanctionnantdes lois : voilà quelles ont été ses destinées !.. "

L'Église Saint-Eustache (1833) par Victor Lottin de Laval (1810-1903) : " Au centre de Paris, dans le quartier le plus fangeux, le plus triste,s'élève, sur une large base, l'église de Saint-Eustache, admirablesouvenir, comme architecture religieuse, du règne de François 1er. —Son origine est fort ancienne ; les bénédictins, de Launoy et Dulaure,nous disent qu'à cet endroit fut un temple consacré à Cybèle, dont ontrouva une tête colossale en bronze, au coin de la rue Coquillière, encreusant les fondements d'une maison. Cette tête est gravée dans Caylus ; l'original se trouve maintenant aucabinet des antiquités de la Bibliothèque. En 1200, un certain Jean Alais, à qui la conscience reprochait d'avoirmis une taxe de ung dénier seur chaque panié de poiçon, y fitconstruire, pour l'absolution de sa faute, une petite chapelle relevantdu chapitre de Saint-Germain-l'Auxerrois, et qui fut dédiée à sainteAgnès. Plus tard, le nom de Saint-Eustache prévalut sur celui de Sainte-Agnès; on ignore le motif de cette substitution de noms. Un vieil auteur,que nous avons consulté, suppose qu'il vient d'un prêtre ambitieux etplein de vanité, qui s'appelait Eustache, au reste, saint très-peuconnu... "

Mes débuts dansl’Université(1935) par Louis Bertrand (1866-1941) : "… C’était pendant la dernière semaine de septembre 1888. Autant que jeme rappelle, j’avais dû prendre à la gare de Lyon un express quipartait de Paris vers deux heures de l’après-midi pour arriver àMarseille le lendemain, vers six ou sept heures du matin. Je sortais deNormale. J’avais vingt-deux ans. Récemment nommé professeur de secondeau lycée d’Aix-en-Provence, j’allais rejoindre mon poste. Une vienouvelle commençait pour moi. Je n’étais plus un élève, j’étais monmaître, ou je pouvais en avoir l’illusion… Vingt-deux ans ! Un avenirqui n’avait rien de désespéré ! Et Marseille, la Provence, le soleilméditerranéen, la mer à l’horizon ! Le lendemain, à l’aube, jedescendrais de wagon devant des paysages tout neufs pour mes yeux, dansun pays dont j’avais longtemps rêvé, et qui ne pouvait être quemerveilleux ;... J’aurais dû être enchanté et, avec mon habitueltempérament, fou de joie ! Et pourtant j’étais triste, inquiet,mécontent de moi et des autres. Par la portière de mon compartiment detroisième classe, je regardais sans enthousiasme défiler les plainesmédiocres du Senonais, puis, à flancs de coteau, les petites villesbourguignonnes, qui s’échelonnent avant Dijon et dont certaines sontcharmantes : Joigny, Tonnerre, Montbard, les Laumes… "

La Descente dela Courtille (1833) par Auguste Luchet (1806-1872) : " On a peu écrit sur le carnaval, en France. Cette surprenante époque del'année n'a point d'historien chez nous. Il est raisonnable de penserque la majestueuse gravité de nos moralistes aura craint de secompromettre en y touchant ; et c'est, à mon avis, bien dommage. Car ily aurait de grands et curieux enseignements à prendre dans un livre quinous raconterait les carnavals de Paris, seulement depuis undemi-siècle depuis les joyeuses promenades aux Porcherons, sous le roiLouis XVI, nocturnes dévergondages, où des dames, comme la comtesse deGenlis, la princesse Potocka et de plus hautes encore, se vantaientd'avoir pris leur part de folie, déguisées en cuisinières ; d'avoir,ainsi défigurées, fait la débauche avec des ducs en laquais et deslaquais en ducs ; d'avoir mangé populairement des pigeons à lacrapaudine, du veau rôti et une salade de barbe de capucin ; enfin,d'avoir bu, en vraies cuisinières, et sans faire trop laide grimace,chacune un verre ou deux de sacréchien tout pur ! Certes, ce serait une plaisante occupation qued'étudier les préludes de la grande révolution dans ces visitesincognito du seigneur à l'ouvrier, dans ces pique-niques de confuse ettumultueuse égalité   "

Bicêtre (1833) par P. L. Jacob (1806-1884: " Bicêtre a été maison de plaisance épiscopale, château de prince et deroi, masure abandonnée et repaire de voleurs, hospice militaire ;Bicêtre est aujourd'hui hôpital et prison, jusqu'à ce que l'autocratieministérielle efface un de ces deux titres, épouvantés de se trouverensemble sur le même frontispice : Bicêtre ne veut plus être un lieu deréprobation et d'infamie. En 1204, Jean, évêque de Winchester en Angleterre, lequel résidait enFrance à la cour de Philippe-Auguste, acheta une ferme située sur unehauteur et dans un terrain argileux, à une lieue environ de l'enceintede Paris. Cette ferme, qui se nommait la Grange aux queux ou gueux, sans que les historiensaient éclairci l'une ou l'autre origine également plausible, fit placeà un château bâti et orné avec une magnificence prodigieuse pour letemps : les fenêtres étaient garnies de châssis de verre !... "

Le Siège deParis et la Commune(1928) par Gaston Jollivet (1842-1927) : "Par une de ces grandes pluiesqui n’abattent même pas grand vent, comme il y en a tant dans notrejoli mois de mai, je sortais du Cirque des Champs-Élysées et jem’essayais à ouvrir mon parapluie battu par la tempête, quand jem’entendis héler. Le brave prince romancier Lubomirski, ni lu ni beau,comme disait Scholl, et avec qui je devais souper, me cria de loin, enfaisant rouler ses r coutumiers : « Voulez-vous, cherr ami ;prrêtez-moi votrre parrapluie ? » Il pleut vraiment trop, je fais lasourde oreille ; mais, pendant que je suis tout à mon parapluie pourmoi-même, une dame s’est fourrée dessous, se courbe, se plie en deux,serrant ses jupes, et je n’ai plus qu’à la suivre. Elle risque un pas,puis deux, évite les flaques pour elle, me les laisse, et nous voilàenfin au bord du trottoir, devant un fiacre que Lubomirski est alléquérir, où  elle s’engouffre en me jetant, sans se retourner, un «grand merci » qui va se perdre dans les coussins où elle s’abat,probablement sans se soucier de savoir si Lubo, qui est sans parapluie,ne va pas attraper une bronchite..."

Un Procès de Faux et d’Envoûtement au Moyen Age(1925) par Henri d'Alméras (1861-1938) : "En 1249, vers le milieu dumois de mai, la flotte de Louis IX était partie de Chypre. Des dix-huitcents vaisseaux qui la composaient, ceux que n’avaient pas dispersés levent et la tempête cinglaient vers l’Égypte. Le 4 juin, un des pilotess’écria, d’une voix qui tremblait un peu : - Dieu nous aide ! Dieu nousaide ! voici Damiette. Au loin, derrière une ligne jaunâtre, frangéed’écume, on aperçut les minarets de la ville, dressés dans l’azur, etles étangs qui étincelaient sous le soleil. Tous ces chevaliers, tousces hommes d’armes, dont les regards se fixaient sur la côtesablonneuse et basse, éprouvaient, au moment de l’aborder, autant decrainte que d’impatience..."

La Femme à la mode et la femme élégante en 1833 (1833)Eugénie Foa (1796-1852) : "Je dis en 1833, car pensez bien que la femmeà la mode de 1833 n'est point celle qui l’était en 1832, et certes nesera pas non plus celle de 1834. Hélas ! un règne n'est quelquefois pasaussi long, qui sait ? J'en connais d'aucune à qui trois mois, un mois,voire même huit jours, avaient suffi, et qui, au bout de ce temps, setrouvait éclipsée par une rivale qui n'était ni plus belle, ni plusjeune, ni plus riche, mon Dieu non, mais à laquelle le caprice, unrien, quoi, moins que rien, la mode avait remis son sceptre. Etinsouciante, folle, légère, parée de gaze et de fleurs, de soie et defourrure, elle l'avait accepté, ce sceptre, sans en connaître toutesles chargées, sans en calculer les revers..."

Avec Eléonora Duse(1932) par Lugné-Poe(1869-1940) : « … Surnaturelle pour le bien comme pour le mal ! » Al’instant, et toute la journée, cette phrase hallucinante s’inscritdans mon esprit… Lorsque j’essaie de retracer une physionomie ou derevivre certains faits, et avant de jeter ces petites notes sur lepapier, j’ai pris l’habitude de rechercher quels furent mescollaborateurs au moment où les faits se déroulèrent, pareillementlorsque cette figure a traversé la vie de l’Œuvre, je tiens à connaîtreles impressions conservées par les uns et les autres. Très peu merépondent, mais qu’une seule réponse survienne et elle éclaire un passéd’un reflet souvent très effacé. M’étant adressé parmi tant d’autres àun ancien régisseur qui débuta, adolescent, à l’Œuvre et qui ensuiteabandonna le théâtre, il m’écrivit d’assez loin : ... »

Mademoiselle Roland(1932) par Armand Praviel (1875-1944) : " Sous le Second Empire vivaità Paris une vieille dame, fort pieuse, qui se nommait Mme Pierre-LéonChampagneux. C’était une personne dont la bouche un peu tombante et lesgrands yeux mélancoliques corrigeaient le nez légèrement retroussé qui,jadis, avait dû être mutin. Elle comptait parmi ses relations l’abbéCombalot, le père Lacordaire, et surtout M. Armand-Prosper Faugère,fondateur du Moniteur religieux et savant éditeur de nombreusespublications relatives à Pascal et au Jansénisme. On éprouvait quelquepeine à s’imaginer que cette personne austère, si appréciée dans lesplus hautes sphères catholiques, fût la fille unique de la fameuse MmeRoland, qui rédigeait des ultimatums à celui qu’elle appelait « leprince-évêque » de Rome, et qui monta sur l’échafaud en invoquantpaïennement la Liberté. Rien de plus exact cependant... "

L'Espion Rivoire et ses juges(1936) par Henry Le Marquand (1862-1943) : " On avait vu rôder dans lepays des cavaliers inconnus paraissant bien armés, évitant les grandesroutes, contournant les villages, empruntant les chemins creux et lessentes, chevauchant la nuit, disparaissant le jour dans les bois,s’arrêtant parfois à quelque ferme isolée, dont les tenanciers juraientaux passants curieux que ces étrangers n’étaient jamais entrés chezeux. Cela se chuchotait à Loudéac, et peu à peu l’itinéraire desmystérieux voyageurs se précisait. Ils étaient venus du sud du Morbihanproche, étaient montés au nord jusqu’à la côte vers Port-Brieuc. Onsupposait qu’ils étaient allés jusqu’à l’embouchure du Trieux, avecl’intention de s’embarquer pour l’Angleterre, mais l’occasion leuravait dû manquer, car ils étaient revenus dans l’intérieur des terres.Combien étaient-ils ? On n’en pouvait juger. Personne n’avait eu lahardiesse de s’approcher d’eux assez près pour les compter au juste.Ces bruits parvinrent le 30 nivôse de l’an IX (20 janvier 1801) auxoreilles des gendarmes... "

L’affaire Chambige (1930) et Le Massacre de Ramel (1927)par Armand Praviel (1875-1944) : " Le 25 janvier 1888, vers quatreheures de l’après-midi, trois hommes,qui paraissait fort inquiets, sortaient de Constantine et sedirigeaient vers le quartier de Sidi-Mabrouk, qui est séparé de laville par la gorge romantique du Rummel. Ils marchaient rapidement.Bientôt apparut à leurs yeux, au bord de la route, une villa entouréed’un petit jardin. Devant cette habitation, du plus hideux styleSadi-Carnot, stationnait un grotesque fiacre de vaudeville, comme il enfoisonnait en Algérie, et aussi en France, à cette époque. Un chevald’apocalypse penchait mélancoliquement ses naseaux vers la terre. Surle siège, le cocher ronflait. Le premier des trois promeneurs agités leréveilla. Ils se reconnurent. - Ah ! c’est vous, Luciani ! Hé ! quediable faites-vous là ? - Bonjour, monsieur Gérin-Roze. Vous le voyez,j’attends. - Et qui donc ? Ne serait-ce pas mon beau-frère ? - M. HenriChambige ? Tout juste. Il m’a pris à deux heures et demie(il consulta son oignon) et s’est fait conduire à la villa del’inspecteur des chemins de fer, M. Grille. Là, nous avons chargé lajeune dame de ce monsieur, et nous sommes venus ici..."

Le Paris de 1830 (1930) par Francis de Croisset (1877-1937) : "Vous est-il jamais arrivé de vous demander, lorsque vous contemplez unde ces jeunes portraits de grand’-mères qui font rêver leurspetits-fils, quelle était la vie quotidienne de ces jolies damesencadrées ? Je me posais cette question l’autre jour, lorsque après une répétitiondes Précieuses de Genève, je me promenais dans l’ExpositionCharpentier du Centenaire de la Revue des Deux Mondes.Je m’étais attardé. Il n’y avait plus personne qu’un agent. Le portraitd’une jeune femme m’immobilisa. Ses vingt ans portaient la mode de1830. Bien qu’en robe du soir, elle paraissait avoir un chapeau, – tantsa coiffure était haute et raide et tant ses coques de cheveuxsuperposées s’ornaient d’épis de diamants et de rubans jonquille. Sesépaules tombantes se terminaient par deux courtes manches à gigot,découvrant un coin de ses bras haut gantés. Deux fines chevillesémergeaient chastement de la robe et deux petits souliers de Japonaise.Je ne pouvais me lasser de la regarder. Elle était exquise : son teintétait pâle, ses yeux rêveurs et son aspect si enfantin que je l’eusseprise pour une jeune fille, n’eût été l’inscription : « Portrait de lacomtesse X… en 1830. » La comtesse X…"

Un Civil aux Armées (1932)par André Foucault (1880-1941) : " La grande guerre avait débuté le 2août 1914. Je n’apparus aux Armées – enfant tardif de la Défensenationale – que le 22 août 1915. La réception fut correcte, maisfraîche. Les officiers d’artillerie de campagne de l’armée active sedivisaient en postards et versaillais. M. le chef d’escadron Binbin,postard, commandait le groupe d’artillerie de campagne auquel je fusaffecté. C’était le deuxième groupe du régiment. M. le capitaineSaumure, postard, y commandait la quatrième batterie ; M. le capitaineFlytox, postard, la cinquième ; M. le capitaine Duroc, versaillais, lasixième. Mon affectation à la batterie de M. le capitaine Duroc dutreprésenter l’une de ces délicatesses hiérarchiques que les postardsrépètent volontiers à l’adresse des versaillais. Les premiers ont reçul’éducation des Pères, et sortent de Polytechnique ; les seconds, issusde familles démunies, sortent du rang... "

La tournée bienadministrée(1929)par Lugné-Poë (1869-1940) : " En langage simple, « administrer unetournée » veut dire en « flanquer une ». La question subsiste, « Qui lareçoit ? » – Le public, la vedette ou la troupe ? Il n’existe pasjusqu’ici de réponse enregistrée qui soit concluante. Alors ?... On estun bon « Administrateur » (de tournées) quand on rentre à Paris, sansgrand bobo, c’est-à-dire avec tous ses membres – ceux de la tournée –avec son étoile à peu près intacte (la formule est vague), qu’elle sedéclare « ravie de l’accueil enthousiaste », etc., sans créanciers auxtrousses, en un mot, les braies nettes ; pour cela s’entend, fautsavoir se débrouiller. – Ce n’est point aussi aisé qu’un vain populopeut le penser. Tout le monde a entendu parler des tournées. On lesprétend même « Artistiques »... "

Le Naufrage de “la Méduse”(1931) par André Lichtenberger (1870-1940) : " S’il est une catastrophedemeurée fameuse dans nos annales maritimes, c’est bien le naufrage dela frégate La Méduse, chargéede ramener au Sénégal, que par les traités de 1815 l’Angleterre nousrestituait, les éléments administratifs et militaires ayant à eneffectuer la réoccupation. Le 2 juillet 1816, la frégate mal dirigées’échoua sur le banc d’Arguin, sinistre inoubliable par ses suites, etnotamment par les scènes d’horreur qui se déroulèrent sur le fameuxradeau, parmi les infortunés dont le pinceau de Géricault a immortaliséles souffrances. Il faut ajouter que des circonstances politiquesvalurent à la catastrophe une publicité supplémentaire. Le commandantDuroy de Chaumareyx, dont l’impéritie semble en avoir été la cause,était un ancien émigré. Toute la presse de gauche partit en guerrecontre les responsabilités du gouvernement. Le procès du commandantdevant le conseil de guerre porta au summum les passions. L’article du Larousse ressemble à un réquisitoire... "

Souvenirs(1930) par Henri Duvernois (1875-1937) : " Il y a des points desensibilité par lesquels les enfants heureux finissent par ressembleraux enfants malheureux. Les uns souffrent de ce qu’ils voient et de cequ’ils entendent, les autres de ce qu’ils devinent. C’est une questionde nature : aux cœurs rudes, tout est joie et plaisirs ; aux cœurstendres, tout est peine et misère. J’ai connu un bohème qui offrait desjouets d’un sou aux bébés riches, alourdis de fourrure et de soie. « Jesuis le seul, déclarait-il, à les prendre en pitié. Ce sont de futurspauvres…. » Il leur parlait avec la déférence que les Fils du Cielmarquent aux tout petits, les amusait d’une grimace, les éblouissaitd’un cadeau et disparaissait après avoir doré d’un peu de féerie cesmornes aurores… Le fait est qu’ils le suivaient d’un regard étonné etreconnaissant. Un salut de la petite main gantée, le pauvre jouet serrésur le cœur, comme un trésor. « Rendez-moi cette horreur tout de suite.Vous êtes fou, glapissait la gouvernante. J’en rendrai compte à votrepapa… "

Un curé séducteur sous la Terreur(1931) par Henry Le Marquand (1862-1943) : " En quoi les relations duci-devant curé de Quinéville avec la ci-devant noble et toujours jolieMadeleine, nièce du ci-devant seigneur et patron du lieu,pouvaient-elles nuire à la sûreté générale et aux intérêts supérieursde la République une et indivisible ? Les juges ne trouveraient pointde réponse immédiate à cette question ironiquement posée par le curédémissionnaire Armand Fafin, le 2 mars 1794. Son dénonciateur éprouvaitplus de difficultés que l’accusé à s’expliquer sur les faits. Mais toutun village et la petite ville chef-lieu du district étaient en émoi etcommentaient des amours interdites par la religion du passé, lapolitique du présent et la morale de toujours... "

Le Boulevard(1912) par Gaston Deschamps (1861-1931) : " Le Boulevard sous le secondEmpire, l'esprit moqueur des boulevardiers de ce temps déjà lointain ;la crânerie, évidemment frivole, mais joliment fringante, de cesmousquetaires de lettres, qui se battaient à coups de plume, à coupsd'épigrammes, à coups d'épée ou de pistolet pour les beaux yeux dequelque divette des Bouffes, du Vaudeville, des Variétés ou du Gymnase; le perron de Tortoni, la terrasse du café Riche ; les cabinetsparticuliers de la Maison d'Or ; les romans de la Librairie nouvelle ;les caricatures de Gavarni et de Cham ; le Figaro de Villemessant ; leCharivari de Pierre Véron ; les refrains de la Vie parisienne ; de laBelle Hélène, et d'Orphée aux Enfers ; les flonflons d'Offenbach ; leschroniques de Jules Noriac, d'Albéric Second et de Villemot, lespointes et le monocle d'Aurélien Scholl ; les intonations de Dupuis ;les gandins, les cocodès, les petits crevés, ce sont là des choses,convenons-en, un peu fanées, ce sont là des gens — disons-le sansvouloir désobliger personne — un peu oubliés, et dont cependant lesvieux Parisiens ne peuvent évoquer le souvenir sans revoir, comme enrêve, une fête inoubliable, où Paris, capitale charmante du plaisir, dutalent, de la fantaisie, ouvrant à l'univers entier le caravansérail deses expositions universelles, s'attira, en somme, beaucoup dedéceptions et de déboires par la bonne grâce de son excessivehospitalité..."

Del'amélioration de la condition des femmes musulmanes en Algérie et enTunisie(1896) par Edmond Groult (1840-19..) : " En prenant la parole danscette enceinte, je tiens, tout d'abord à adresser un fraternel salut àmes amis musulmans. Ce serait une erreur de penser qu'ils sontréfractaires aux avantages de la science et aux bienfaits du progrès.Ils applaudissent tous aux belles paroles du Prophète, qu'il serait bond'inscrire, avec le texte arabe en regard, sur le frontispice de tousles monuments publics des contrées musulmanes soumises à notredomination. C'est sous le patronage de ces paroles que je crois àpropos de me placer... "

Notice sur les cultures maraîchères de Roscoff (1853)par Achille de Raigniac : "Le jardinage et surtout la culturemaraîchère ne sont pas d'une aussi petite importance qu'on pourrait lecroire au premier aperçu ; les produits alimentaires que cetteindustrie fournit aux nations civilisées s’élèvent à des valeursimmenses. Ils sont d'ailleurs devenus dans l'hygiène de ces nationsd'une nécessité indispensable ; leur production a fait naître etentretient dans une honorable aisance une population très nombreuse.D'un autre côté, les méthodes jardinières offrent à la grande culturedes modèles dont elle ne peut, il est vrai, que bien rarementapprocher, mais qui n’en doivent pas moins être pour elle le sujetd'une étude sérieuse et approfondie. La nature, en effet, toujourssemblable à elle-même, n'a pas deux procédés différents pour fairecroître les plantes dans les champs et dans les jardins. Duhamel, à quil'on demandait quelle était la meilleure culture, répondit que c’étaitcelle qui se rapprochait le plus de la culture d'un jardin. Olivier deSerres, dans son style figuré,..."

Dandysme littéraire : Barbey d'Aurevilly, Baudelaire, Balzac(1923) par Eugène Marsan (1882-1936) : "Nous pourrions parler de Mussetet de ses chapeaux cambrés, de Lamartine, si noble, de Mérimée, sichic, peut-être de Vigny qui, le jour de sa réception à l'Académie, atant  agacé Sainte-Beuve avec son porte-mine en or et ses pausesun peu trop attentives.Nous pourrions parler de Chateaubriand, sortanttous les jours au commencement de l'après-midi, une rose à laboutonnière de sa redingote, une badine à la main, et nul n’a jamais suce qu'il devenait jusqu'à cinq heures, entre les passantes de Paris.Nous pourrions même parler d'Eugène Sue, qui en vaudrait la Peine commedandy. Nous Pourrions surtout parler de Stendhal,..."

Une Visite à la prison Saint-Lazare (1913)par Claude Ferval (1856-1943) : "Connaissant le goût passionné que j'aipour les vieilles pierres, mon ami le docteur X... me proposa devisiter, avec lui, avant qu'on en jette bas les murs, la prison deSaint-Lazare. Nous prîmes jour, un jour très prochain, car, dès qu'unprojet agrée, on redoute les mille empêchements qui ne manqueraient pasde se mettre à la traverse si on leur en laissait le temps. La dateconvenue se trouva être un matin de novembre, un de ces matinsparisiens où le ciel chargé de nuées semble écraser les toitures. Unepopulation« nombreuse était dehors. Des ménagères, suivies pour laplupart d'un ou deux enfants, s'arrêtaient à des étalages débordés defruits, de légumes, ou devant ces bonneteries à bon marché qu'on vend àl'entrée de l'hiver. Au croisement du faubourg Saint-Denis et duboulevard Magenta, un édifice se dresse, sombre, puissant, fortifié dehautes murailles. Dès le portail, on reconnaît le bâtimentadministratif : de son fronton en triangle, pend la loque lamentablequ'est un vieux drapeau déteint. — C'est ici, murmura le docteur enfaisant arrêter la voiture...

[Discours] Au Congrès de la Presse, à Londres 22 septembre 1893 par Emile Zola (1840-1902).

A travers les bouges de Paris (1926)par Georges Bernard : "S’étant présenté pour la quatrième fois àl’asile, le vagabond a été éconduit, nul n’ayant le droit d’y passerplus de trois nuits consécutives. C’est un garçon de la provincepoursuivi par la justice ou venu à Paris pour y tenter fortune ; desmiséreux l’avaient averti qu’il ne serait pas reçu ce soir-là, maissans doute pour montrer à ces Parisiens qu’on peut obtenir ce que l’onveut en osant, car l’amour-propre de clocher est très vif chez lacanaille, il s’est présenté quand même à l’asile, avec des papiersnouveaux obligeamment prêtés par un copain, ou pris dans ses pochespendant le sommeil. Le voici, maintenant, obligé de connaître latopographie des asiles de Paris, s’il veut y coucher chaque nuit, enchangeant tous les trois jours de logis...."

Une affaire criminelle au XVIIe siècle(1930) par Frédéric Boutet (1874-1941) : "Les trois causes célèbres,les plus célèbres du règne de Louis XIV, eurent pour tristes héroïnesdes femmes : la Brinvilliers, la Voisin, la marquise de Ganges. Dansles trois causes, d’une façon ou d’une autre, interviennent, commemobiles du ou des crimes, l’amour et l’argent et, comme moyen de crime,le poison. Mais, alors que, dans les affaires Brinvilliers et Voisin,la femme est criminelle et empoisonne ou vend le poison, dans l’affairede la marquise de Ganges (antérieure en date d’ailleurs) la femme estvictime et on la met à mort par le poison, par le fer aussi du reste.Et tout concourt pour donner à ce crime un immense retentissement, pourexpliquer l’universelle émotion qu’il souleva ; ses motifs, brutalesamours changées en haine et conjointement basse cupidité ; sescirconstances, d’une atrocité jamais surpassée ; la personnalité enfindes assassins et surtout celle de leur célèbre, séduisante et touchantevictime..."

Une affaire scandaleuse au XVIIe siècle(1931) par Frédéric Boutet (1874-1941) : La mort déplorable de Mme lamarquise de Ganges, sauvagement assassinée, le 17 mai 1667, par sesdeux beaux-frères avec la complicité de son mari, souleva dans toute laFrance et même dans l’Europe entière une émotion et une horreurprofondes. Elle fut une des trois plus marquantes affaires criminellesdu règne de Louis XIV. J’en ai raconté icimême les détails effroyables. Mais ce ne fut pas seulement par cesombre drame que la noble maison de Ganges attira sur elle l’attentionpublique et défraya la chronique. Les deux enfants de la marquise, unfils et une fille, furent, eux aussi, les héros d’aventuresretentissantes..."

La Pêche à la Sardine par un Argonaute(1903) : " Parmi les poissons de mer dont la pêche intensive fournit aucommerce et à l'industrie maritimes le rendement matériel le plusimportant, la sardine, sans tenir le premier rang, comme la morue ou lehareng, joue cependant un rôle extrêmement important. Extrêmementimportant pour nous autres Français surtout, car la préparationspéciale de la sardine à l'huile — forme sous laquelle ce poisson estle plus généralement livré à la consommation — est au premier chef uneindustrie française. Il y a donc intérêt à connaître exactement lesconditions dans lesquelles se pêche et se prépare la sardine et enétudiant ici, cette question notre but est de faire connaître à nosauditeurs une des sources de notre prospérité maritime. Ceci estd'autant plus sérieux que la crise retentissante dont s'est naguèreavec juste raison si violemment ému le pays tout entier, étaitextrêmement grave pour nous. Secourir de pareilles infortunes, empêcherle retour de semblables calamités n'est pas faire œuvre suffisante. Ilfaut de plus développer dans la mesure du possible une industrie qui,si elle était maintenue sans cesse dans une prospérité ascendante,aurait les meilleurs résultats pour les vaillantes populations qui s'yadonnent, et qui constituent la pépinière des marins pour nos flottesde guerre et de commerce..."

Origine et psychologie du  Carnaval français (1919) par Gustave Fréjaville : "La plupart des fêtes de l'antiquité présentent avec notre carnaval desressemblances non douteuses. Aussi n'a-t-on pas manqué de voirl'origine du carnaval dans chacune d'elles. Les solennités religieusesde l'Egypte, les Sacea de Babylone, la procession du bœuf Apis, les dionysies et les démétriades de la Grèce, les bacchanales, les saturnales, les lupercales ou februales, les florales, les quirinales, les mégalésies de Rome païenne, les fêtes druidiques duGui et la procession du taureau de Bel dans la Gaule celtique, sonttout à tour citées par les auteurs comme ayant donné naissance auxtraditions populaires de notre mardi-gras. Sans entrer ici dans ledétail, on peut tenir pour démontré que le carnaval est de naissancetrès antique et que sa généalogie est fort compliquée. Il comprend ungrand nombre de coutumes et de traditions venues du fond des âges, àtravers mille bouleversements politiques, religieux et sociaux. Cescoutumes et ces traditions portaient donc en elles des causes de duréequ'il faut peut-être demander moins à l'histoire qu'à la psychologie,moins aux circonstances variables des civilisations et des sociétésqu'aux besoins permanents de l'espèce..."

Moyens d'éviter les empoisonnements par les champignons(1913) par Henri Guillemin : "Tous les ans, à l'automne, les journaux annoncent de nombreux décèscausés par les champignons. L'année dernière entre autres, en France età l'étranger même, la Presse a signalé de multiples casd'empoisonnements. Et cependant des hommes dévoués cherchent àinstruire les populations : articles sur les journaux, dans lesBulletins et Revues scientifiques, tableaux de vulgarisation,conférences, excursions publiques, expositions. Rien n'y fait. Les genss'empoisonnent avec une insouciance déconcertante. Que n'a pas faitnotre Société des Sciences naturelles ? Que n'avons-nous pas écrit oudit, M. Bigeard, mon cher et vénérémaitre en mycologie, moi-même et tant d'autres mycologues qui sontlégion, pour mettre en garde les imprudents inconscients ? ..."

Vingt ans de Paris (1925) par Boni de Castellane (1867-1932) : "Mon divorce fut prononcé le 5 novembre 1906. Il était cinq heures de l’après-midi. Anxieux d’avoir des nouvelles etne tenant plus en place, je sortis pour faire les cent pas devant lademeure de mes parents. Il commençait à faire nuit, lorsque s’arrêta unfiacre. Un homme sans chapeau en descendit, qui, ne me voyant pas, seprécipita sur la sonnette et entra. Au bout de deux minutes, une seconde voiture vomit un gros monsieuressoufflé et tuméfié, qui portait un melon et une redingotedéboutonnée. Je reconnus un grand bijoutier de Paris. Puis arriva une jeune personne, simplement mais élégamment vêtue,tandis que je regardais avec anxiété du côté de la gare des Invalides,guettant la voiture de mon avoué. Soudain, j’aperçus un visage imberbe dont le nez proéminent appartenaità un antiquaire auquel je devais une assez forte somme d’argent pourdes tapisseries d’Audran que j’avais achetées peu de jours avant maséparation. Ces visites inattendues n’auguraient rien de bon..."

Ma folle Jeunesse (1926) par Gaston Jollivet (1842-1927) : "Il s’en ouvrait, comme maintenant, tous les jours. Quelquefoisc’étaient de simples mannezingues auxquels avait échu la bonne fortunede posséder un très bon cuisinier. Les gourmands affluant, le patronvendait le zinc de son comptoir sur le quai de la Ferraille, doublaitles gages de son chef et, en peu de temps, quintuplait sa fortune àlui. Ainsi se sont transformés Foyot, au quartier latin, et Maire, aucoin du boulevard de Strasbourg. J’ai connu aussi des vieillesréputations, Philippe, rue Montorgueil ; Brébant, rueNeuve-Saint-Eustache, aujourd’hui d’Aboukir ; et, toujours deboutcelui-là, Voisin. Au Palais-Royal, les noms de Véfour et des FrèresProvençaux restaient populaires en province et à l’étranger. Mais ledémodage déjà commencé au Palais-Royal leur préjudiciait grandement.Egalement la persistance des patrons dans de vieux errements, leurrefus d’accepter cette nouveauté, le menu, qui permet de fixer sonchoix très vite et de ne pas manquer le théâtre. Pour eux, l’essenced’un dîner était d’être commandé la veille et discuté plat par plat.Cela parut de la routine. Donc on les laissa à leurs chères habitudespour se porter vers les restaurants du boulevard des Italiens, le CaféAnglais, la Maison d’Or et le Bignon du coin de la Chaussée-d’Antin.Seul, ce dernier n’accepta pas le menu abondamment varié, depuis lepotage jusqu’au dessert..."

La Psychologie du sous-marin(1919) par Paul Rugière : "A ceux qui recherchent jusqu'où peutremonter leur vocation maritime, il ne peut échapper qu'elle puisa enpartie ses premières illusions dans l'élégance et la coquetterie del'ancienne marine ; enfants, ils s'extasiaient devant d'éclatantspompons, de grands cols bleus qui battaient de l'aile au souffle dumistral ; leur plus grande joie était de passer,dans l'ombre humide depoupes à galeries, et leurs rêves étaient traversés de blanchesembarcations venant égoutter l'eau de leurs avirons au long d'escaliersmonumentaux, aux lourdes boucles d'airain..."

Histoire d'un sourd-muet de naissance guéri de son infirmité à l'âge de neuf ans(1825) : "Au mois de mai 1824, M. Deleau, docteur en médecine, fitconnaître à l'Académie qu'il venait de donner l'ouïe à un enfant deneuf ans nommé Honoré Trézel, demeurant à Paris. Le succès avait étéaussi complet que possible ; l'enfant, qui avant l'opération étaitcomplètement sourd, avait été mis à même d'entendre toute sorte debruits, et même de reconnaître certaines intonations de la voix..."

Mémoire sur l'Art Fleuriste... (1900) par G. Debrie : "AUSSIloin que l'on remonte dans l'histoire du monde on constate que lesfleurs ont toujours été aimées et que toujours elles ont tenu une largeplace dans le goût et les habitudes des peuples. Les Égyptiens, lesGrecs, les Romains, les Gaulois, notamment, en firent un grand usage.Mais il est, sinon incontestable, du moins fort probable que l'emploides fleurs ne revêtit jamais, chez les Anciens et les Modernes, lecaractère artistique qu'il présente de nos jours. En effet, ce n'estguère que dans le cours des XVIe et XVIIe siècles que « l'Art fleuriste» commence à se manifester visiblement..."

Au temps du Chat Noir(1931) par PierreDufay (1864-1942) : "Avec Tortoni et le Divan de la rue Lepelletier,bureaux d'esprit, avec la Brasserie des Martyrs, le Rat mort et laNouvelle Athènes, rendez-vous de toutes les bohèmes, Paris, sansremonter aux cabarets du XVIIe siècle et au Procope, a toujours comptédes cafés où aimèrent à se retrouver artistes et gens de lettres.C'était là une tradition qui ne pouvait se perdre, à l'époque oùquelque Homais, candidat probable aux prochaines élections, promulguaitcet aphorisme semblant éclos dans l'âme d'un commis-voyageur « Lescafés sont les salons de la démocratie. » Aucun, parmi les clients qui,en décembre 1881, assistèrent, au 84 du boulevard Rochechouart, àl'ouverture du Chat Noir, « cabaret Louis XIII, fondé en 1114 par unfumiste » ne pouvait, cependant, présager les destinées de cet étrangeestaminet qui, à la vérité, tenait plus d'un atelier que d'un salon..."

Brillat-Savarin, mort àParis le 1er février 1826 (1926) par Marcel Rouff (1877-1936) : "Au moisde janvier 1826, le Président de la Cour de Cassation avertit leConseiller Brillat-Savarin qu'en haut lieu, on s'étonnait de ne jamaisle voir à la cérémonie expiatoire de la basilique de Saint-Denis, lejour anniversaire de la décollation de Louis XVI. Il n'y avait pourtant dans l'abstention du magistrat aucune penséepolitique. Il servait de son mieux, avec une hauteur de conscience, uneintégrité, et une humanité aussi, auxquelles ses collègues, sansexception, rendaient hommage, la monarchie restaurée, dans la chargequi lui avait été confiée, jadis, par le Premier Consul. Au surplus,issu de petite aristocratie provinciale, du seigneur de Pugieu,procureur du roi, il avait siégé à la Constituante comme député deBelley ; plus tard il avait dû fuir à pied jusqu'en Suisse sous lesrafales de la Terreur il avait alors connu l'amertume des joursd'émigration aux Etats-Unis, subsistant médiocrement d'un emploi depremier violon au théâtre de New-York et de leçons de français. Encoretout animé du drame révolutionnaire, ..."

Le Duc de Morny, créateur de Deauville(1925) par Marcel Boulenger (1873-1932) : "Les portraits du duc Mornysont en général un peu froids, un peu morts. Ils s'accordent entre eux,soit. Sur tous on voit la belle figure, grave et distinguée, avec lespetits yeux qui devaient si aisément sourire ; mais chacun d'eux esttoujours un portrait officiel. Son Excellence porte presqueinvariablement l'habit, les grands cordons, les plaques. Hormis un seultableau — en possession de la famille Morny - où notre homme d'État estreprésenté en vacances, vêtu de gros velours à côtes, et le fusil enmain, au milieu d'un décor sylvestre, on ne voit jamais qu'imagessolennelles, tout ce qu'il y a de plus « président du Corps législatif.» Et encore le tableau dont nous parlons est-il d'un art vraiment tropmodeste ; le personnage apparaît douceâtre et sans relief ; le veloursdu costume attriste les yeux par sa fadeur ; le fusil semble troppetit. C'est en tenue de vénerie, au moins, avec les hautes bottes, lesbas blancs et la tunique galonnée qu'il fallait peindre ce duc-là..."

La Madeleine bolchéviste (1930)par Jules Chancel (1867-1944) : "Vers la fin de l’hiver 1930, jeséjournai quelques jours à Varsovie, au retour d’une enquête faite pourle journal Candide, sur la frontière russo-polonaise. On se souvientqu’à cette époque, les persécutions du gouvernement soviétique contreles Koulaks, ou paysans, s’étaient déchaînées avec une violence touteparticulière, qui, jointes aux persécutions religieuses, avaientlittéralement affolé les malheureux citoyens du paradis bolcheviste.Les paysans en particulier étaient surpris et irrités de cette fameuseloi de la socialisation des terres qui leur apparaissait, non sansraison, comme une formidable injustice. La révolution russe s’étaitfaite en effet sur le principe du partage de la terre et, pendantquelques années, les paysans éloignés des villes avaient prisl’habitude de vivre tranquilles sur les quelques acres qui leur avaientété concédées par Lénine. Ils travaillaient avec courage leur terre,vendaient leurs produits ou les gardaient, et, peu au courant de ce quise passait ailleurs, étaient satisfaits de leur sort. Des genssatisfaits qui ne souffraient ni de la faim, ni de la terreur, c’étaitune anomalie en U. R. S. ; aussi arrivèrent un beau jour, dans cescampagnes reculées, des délégués du pouvoir central qui annoncèrentbrutalement aux paysans que l’ère de la socialisation des campagnescommençait et qu’ils devaient abandonner leurs champs, leurs maisons,leurs animaux pour aller dans des casernes travailler en coopérativeavec des machines..."

L’Impropriété des termes (1936) par AndréMoufflet(1883-1948) : "A plusieurs reprises, j'ai étudié dans La Grande Revuecertains aspects de la crise du français : barbarismes et néologismesdans les journaux et dans la conversation courante, fautes de syntaxeet pléonasmes chez les écrivains, exagérations de la presse sportive,euphémismes de la littérature financière, hyperboles de la publicité.Aujourd'hui, je voudrais insister sur la catégorie d'erreurs la plusabondante, la plus fertile en exemples quotidiens, donc la pluscontagieuse : les erreurs sur le sens des mots. Si la linguistiqueétait une science exacte, si elle portait sur des grandeurs et desfaits mesurables, personne ne s'aviserait de prendre un mot pour unautre, ni de faire dire à un mot autre chose que sa signification, pasplus qu'on ne confond 48 avec 67, triangle avec logarithme,parallélogramme avec azimut. A défaut d'une précision comparable à lacertitude mathématique, la connaissance d'une langue suppose cependantque l'accord est réalisé entre les usagers sur un certain nombre deconventions qu'enregistrent, pour une période donnée, des instrumentsde travail appelés dictionnaires et grammaires. On reconnaît les gens àqui ces instruments n'ont jamais été familiers, tout comme ceux quioncques ne surent très bien leur table de multiplication..."

Derrière les guichets : journal d'un employé de banque(1932) par Jean Cotton (18..-19..) : "Ce n’est plus la peine de le dire: vous le savez, votre concierge le sait ; personne ne l’ignore. Lesbanquiers, maîtres du monde moderne, créent une industrie, transformentune région, traitent avec un État aussi facilement que nous achèterionsune petite maison de rapport à Orléans, et si les prodigieusesorganisations qu’ils ont établies viennent à chanceler, le pays entiers’émeut, car il se sent menacé dans ses œuvres vives. Cette puissancetitanesque, n’importe quel manuel d’économie politique se fait un jeude l’exprimer techniquement, en quelques pages, dont l’aridité et lascience seraient difficiles à égaler. Quant aux faits et gestes desfinanciers, nous en sommes informés tantôt par le compte rendu de leurcollaboration au soutien des monnaies nationales, tantôt par lachronique judiciaire. Mais pourquoi n’est-il jamais question desemployés de banque ? N’est-ce pas là toute une classe sociale ? Commentleur existence s’écoule-t-elle derrière ces guichets, où nous lesentrevoyons, anonymes, en venant encaisser un chèque ?..."


Notice sur le moyen à employer pour maîtriser les taureaux(ca1833) par J.-A. Berger-Perrière : "Sans pouvoir préciser d'unemanière certaine l'époque de l'invention des instrumens propres àmaîtriser des animaux sauvages, dangereux, d'autres aussi soumis à ladomesticité , nous rappellerons que depuis plusieurs siècles l'hommefait usage d'un moyen qui force certains quadrupèdes à lui obéir, etqu'il est quelques uns de ces animaux qu'il y doit habituer dès leurspremières années pour en continuer ensuite l'emploi toute leur vie..."

Perfectionnements apportés au télégraphe morse par M. Sortais(1863) : "On sait que, dans les appareils télégraphiques, systèmeMorse, le papier sur lequel s'impriment les signaux se déroule parl'action d'un mouvement d'horlogerie. La marche du papier étant assezrapide, on amoindrit l'usure des rouages et on évite le remontage del'appareil, pendant l'insertion d'une dépêche, en maintenant au reposle ressort moteur, tant qu'un signal quelconque n'avertit pas l'employéqu'une dépêche va lui être expédiée. Alors il faut débrayer le volantrégulateur du mouvement, pour le ramener à l'état de repos, une fois ladépêche transmise...."

La Marseillaise de Rouget de L'Isle illustrée par Charlet (1840) [PDF]

L’origine du verbe « rater » etles anciennes armes à feu(1913) par Charles Buttin (1856-1931) : "L'histoire de l'armement n'aavec la philologie que de lointains rapports, et, lorsqu'elle entre encontact avec cette science, il semble que ce doive être plutôt pour luidemander l'origine de certains noms d'armes inexplicables que pour luifournir elle-même une étymologie. Le cas cependant peut se présenter(1), et le verbe Rater en est un exemple curieux. A la fois transitifet intransitif, ce verbe s'emploie dans les cas les plus divers.."

Vénerie(1925) par Marcel Boulenger (1873-1932) : "De temps à autre, quand onne sait que dire autour des coquetels (les ignorants écrivent cocktails)on parle de la chasse à courre. Il faut qu’on ait vraiment bien bu pouren venir à une conversation si grave. Le plus souvent, c’est une damequi déclenche l’offensive. Une âme sensible, vous comprenez, unepersonne aux frissons exquis. Elle en est à son troisième « rose », cequi ne fait que développer sa délicatesse : peu lui importerait derencontrer un lion sur sa route, mais elle s’évanouit à l’approched’une souris ; ou bien elle tuerait très bien de sa propre maincertains hommes, alors que le trépas du moindre animal la metpositivement à la torture. Elle sait qu’il y a là « un illogisme, unepuérilité » : mais c’est quelque chose de plus fort qu’elle, unehorreur involontaire, etc…"

Quand les contribuables se révoltaient: le siège de Guéret - 1848 (1938) par Armand Praviel (1875-1944) : "Cematin-là, qui était le lundi 12 juin 1848, le nouveau préfet de laCreuse, M. Bureau-Desétiveaux, trouva dans son courrier une lettre quine laissa pas de le troubler. Elle provenait d’un honorable tabellion,maître Léonard Joubert, investi des fonctions de maire dans la communed’Ajain, du canton tout voisin de Jarnages. La révolution de février,dans son désir ardent de tout rénover, n’avait eu rien de plus presséque de destituer les préfets du roi Louis-Philippe ; elle les avaitremplacés par des commissaires extraordinaires, au nombre de deux pardépartement ; à Guéret, ç’avaient été le docteur Silvain Guisard et uncertain Félix Leclerc. Mais la confiance des électeurs ayant envoyé lemédecin politicien à l’Assemblée Nationale, M. Bureau-Desétiveaux avaitété désigné pour le remplacer depuis plus de six semaines. LeGouvernement donc avait eu beau ne rétablir que depuis peu lesfonctions préfectorales et ne dater sa nomination officielle que du 8juin, il était déjà suffisamment au courant des affaires du départementet de l’état d’esprit des populations..."

Éloge de la Bêtise (1925) par Louis Latzarus (1878-1942)  : "J’ARRIVAIvers cinq heures, et trouvai seule près de son feu cette charmantefemme que tout Paris connaît, honore et sert. On se demande commentelle fait pour réunir dans son salon tant de gens disparates, quidevraient se haïr et se haïssent en effet. Mais je crois avoir pénétréson secret qui est simple, bien que difficile à pratiquer. Elle donne àchacun la persuasion qu’elle l’aime particulièrement et au-dessus detous les autres ; qu’elle seule au monde le comprend et ne le blâmerajamais, quoi qu’il se permette ; qu’ainsi il pourra tout lui dire sansrien risquer, et pas même l’indiscrétion. Elle veut tout savoir, sansque l’on sache si c’est par curiosité, ou parce qu’elle a remarqué queles hommes aiment à parler d’eux-mêmes. Mais, ce qu’on lui confie, ellele met avec ses propres affaires, dont nul n’a connu et ne connaîtrajamais aucune..."

LaPaix allemande dite "Paix de Bruxelles" (1919).

[PROSPECTUS] : IVeRépublique parti républicain de réorganisation nationale (1919).

Combattez et évitez la tuberculose (ca1919) : la plaquette, l'affiche [PDF].

Maisons de famille et de régime(1932) par M. L. Arsandaux : "Me regardant par-dessus son lorgnon, ledocteur conclut : - En somme, rien de grave du tout. Du surmenage, toutsimplement. Comme remède, du grand air, du repos, du sommeil. Qu’est-ceque vous comptez faire cet été ? Cet été ? Ma foi, je n’ai nulle enviede m’absenter. Donc, en juillet, je sortirai avec les amis qui nequitteront Paris qu’en août. Ils m’emmèneront dîner à Vieux-Moulin, àl’Isle-Adam ou à Barbizon. On boira du champagne ; on dira des motsinutiles ; on se couchera à deux heures du matin. J’aurai mal àl’estomac et la migraine. En août, je sortirai avec les amis absents enjuillet et rentrés le trente et un. A leur tour, ils m’emmèneront dînerà l’Isle-Adam, à Barbizon ou à Vieux-Moulin. On reboira du champagne ;on redira des mots inutiles ; on se recouchera à deux heures du matin,et j’aurai encore la migraine et mal à l’estomac. Voilà, mon cherdocteur, ce que je compte faire. Mais puis-je avouer pareil programme àun homme qui me parle repos ? Comme je me tais, il reprend :  - Cequ’il vous faut, c’est quitter Paris. Allez-vous-en. Couchez-vous à dixheures, levez-vous à huit. Dormez, dormez beaucoup ; on dort mal àParis. Nous sommes en mai, voici les beaux jours : partez et ne rentrezpas avant septembre...

La Prison deSaint-Lazare sous la Révolution(1935)par Léon Bizard (1872-1942) : "On était en juillet 1789. L’antique etcélèbre enclos de la léproserie de Saint-Ladre-lez-Paris – devenue auXVIIe siècle le chef-lieu des Prêtres de la Mission, centre oùconvergeaient toutes les belles œuvres charitables fondées par saintVincent de Paul – continuait la même existence claustrale de chaquejour où les mêmes heures rappelaient les mêmes devoirs, les mêmesobservances. Cette apparente tranquillité n’empêchait nullement lesbruits de la cour et de la ville de franchir les épaisses murailles ducouvent de Saint-Lazare et de venir troubler dans leurs exercices lesPères qui, retirés du monde, n’avaient voulu jusqu’ici rien connaîtrehors du service de Dieu. Ils ne pouvaient ignorer cependant l’intensebouillonnement des idées – conséquence inévitable de cette philosophiesi caractéristique du XVIIIe dont Fontenelle et Condillac avaient seméles germes à la fois abstractifs, sensoriels, métaphysiques, politiqueset philosophiques – qui allaient bouleverser un peuple et le monde...."

Aurélien Scholl et son temps(1936) par Marcel Marter (1891-1944) : " Débarqué à Paris au début de1851, Aurélien Scholl avait embrassé la carrière de journaliste aveccet esprit combatif qu’on rencontre chez la plupart des jeunes hommeset avec, en plus, une fougue extra-belliqueuse qui était le propre deson tempérament vigoureux. A vingt-quatre ans, Scholl était devenu sansconteste le polémiste le plus incisif, le chroniqueur le plusspirituel, le nouvelliste le plus redouté de Paris. Il avait pris pourdevise : « Dis ce que penses, advienne que pourra ! » Car, ce sceptiquerailleur et amer, ce viveur désabusé avait une âme de chevalier : sousle persiflage spirituel, on pouvait découvrir une colère latente. C’estqu’il avait la haine du vulgaire, le mépris du commun traditionnel, ledégoût des petites lâchetés, des servitudes de toutes sortes dont estfaite la vie...."

Les Meunières du Moulin Rouge(1925) par Marcel de Bare (18..-19..) : "La deuxième résurrection duMoulin Rouge ramène l’esprit du vieux Parisien au temps où Montmartreétait le centre de la fête mondiale. Pour les jeunes gens qui ne l’ontpas connu et pour ses contemporains qui l’ont tant aimé, évoquons doncle vieux Moulin qui vécut si joyeusement sans le secours des décors etdes vedettes, qui fut non pas une scène de grand spectacle commeaujourd’hui, mais un théâtre de la comédie humaine dont les acteursjouaient dans la salle les épisodes les plus pittoresques. Ils venaientdu boulevard des Italiens et de Buenos-Aires, de San-Francisco et deGrenelle, d’Avignon et de Yokohama, de Pétersbourg et de Bordeaux. Ilsvenaient de tout Paris, de toutes les provinces françaises, de tous lespays de l’univers : de même que le « canard marseillais » a donné,dit-on, l’idée du chemin de fer de ceinture, le Moulin Rouge doit avoirinspiré celle de la Société des Nations ! Quelle fraternisation despeuples dans la joie !.."

Notice sur la fondation de la Rosière à Château-Gontier (1879): " Au commencement du 6e siècle, le siège épiscopal de Noyon étaitoccupé par un Prélat d'une haute vertu et dont le nom brille auMartyrologe.  Nous voulons parler de SAINT-MÉDARD, onzième Evêquede Vermans, qui, après le sac de cette ville par une invasion debarbares, transféra sa résidence épiscopale à Noyon, près de sesdomaines de Salency, où il était né et dont il était seigneur. Parmitous les bienfaits qu'il répandit à profusion dans le pays soumis à sajuridiction, il est une institution qui domine toutes les autres etdont l'influence, malgré les siècles, est parvenue jusqu'à nous,entourée de tout un cortège de gracieuses images et de pieux souvenirs.C'est la Fête de la Rose, d'où est venu le nom de Rosière. Désirantencourager les jeunes gens à la pratique de la vertu et leur famille àune conduite toujours exemplaire,..."
 
Propos sur l'intelligence (1926) par Paul Valéry (1871-1945) : " Il arrive que l'on demande à quelqu'un s'il y a une crise del'intelligence, si le monde s'abêtit, s'il y a un dégoût de laculture, — si les professions libérales pâtissent, songent à la mort,sentent leurs forces décroître, leurs rangs s'éclaircir, leur prestigedevenir de plus en plus mince, leur existence de plus en plus ingrate,précaire, mesurée... Mais ces questions surprenant ce quelqu'un, qui s'en trouvait fortéloigné, il faut bien qu'il se reprenne, qu'il se retourne en soi-mêmevers elles, qu'il se réveille de ses autres pensées, et qu'il se frotteles yeux de l'esprit, qui sont les mots. — Crise ? se dit-il tout d'abord, qu'est-ce donc qu'une crise ?Décidons de ce terme ! — Une crise est le passage d'un certain régimede fonctionnement à quelque autre..."

Fragments historiques relatifs à la campagne de 1815 et àla bataille de Waterloo (1829) par Emmanuel deGrouchy (1766-1847) : " M. le Cte Gérard, dans une lettre écrite à mon fils, le 1 4 janvier1820, à l'occasion de ma Réfutation d'un ouvrage du général Gourgaud(1), s'exprime en ces termes : « Vous annoncez que M. le Cte de Grouchyà son arrivée en France doit faire paraître des mémoires plus détaillés: s'il persiste à y faire figurer les assertions erronées qu'il apubliées dans son premier ouvrage, sur le 4me corps et son chef, malgréle peu de goût que j'ai à entretenir le public de moi, je prendsl'engagement de les détruire sans réplique. » Avant que j'aie rien publié, sans savoir ce que je publierai, et si, enrepoussant des inculpations imméritées je me plaindrai du 4me corps etde son chef, M. le Cte Gérard prend l'initiative d'une discussion àlaquelle notre confraternité d'armes me fait éprouver un extrême regretde devoir me livrer..."

Le Pain brié à Venise (1914) par Georges Celos (1870-1939) : "Lorsqu’on écrit des livres du genre de mes Pains briés, on s’expose àun danger et on en fait courir un autre. On rencontre, dans le monde,des jeunes filles qui vous demandent de lire vos œuvres complètes surle pain, dont elles ont entendu les titres, qui leur ont paru bieninnocents. Comme leurs parents se taisaient à ce sujet, elles croientfaire plaisir en en parlant à l’auteur. Et celui-ci ne sait commentexpliquer à ces jeunes filles que, dans les boulangeries de certainspays, il y a des pains – comment dirais-je ? – qui paraissent avoir desvelléités de prendre Berg-op-Zoom (1), et que ce sont ces pains-là quiont fait l’objet de ses petits livres. Les Grecs et les Romainsanciens, n’eussent point été choqués, de ces travaux, car leurcivilisation avait compris qu’il n’existe rien de honteux dans lanature ; et les formes naturelles, celles justement qui sont parfaitesentre toutes, puisque d’elles seules dépend la pérennité de l’Être etla succession des existences, ces formes étaient entrées dans leursreligions, dans leurs coutumes. Mais quelques siècles – quelquesinstants infiniment petits dans l’indéfini du temps – suffisent pourchanger les croyances et les mœurs des hommes. Ce qui semblaitordinaire aux Athéniens de jadis, dont la morale avait des conceptionstoutes différentes de celles enseignées aujourd’hui, paraît maintenant,à certaines gens, comme abominable, monstrueux, et dansl’obligation  d’être caché, bien que très naturel. Je sais bienpourquoi..."

Ce que valent les serments d'Hitler (1940) [PDF]

Allocutionsradiodiffusées et discours prononcés par Jean Giraudoux, Raoul Dautry,Paul Raynaud et Jules Romains : décembre 1939-avril 1940.

Le Futur armistice : Allocution radiodiffusée prononcée le 11 novembre 1939 par Jean Giraudoux (1882-1944).

Alsace et Lorraine : Allocution radiodiffusée prononcée le 10 novembre 1939 par Jean Giraudoux (1882-1944).

Résumé de la questions des haras et des remontes,... (1844) par Colonel-comtePierre Josephde Turenne : "IL y a environ quinze mois que la Société royale deSt-Quentin, dont nous avons l'honneur d'être membre, nous chargea delui faire un rapport sur les haras et sur la polémique élevée au sujetde cette question. Nous avons dû prendre connaissance de tout ce quis'est écrit de saillant sur cet important sujet. Nous avons reconnubientôt, que notre travail, pour être complet, devait dépasser lesbornes d'un simple rapport ; et nous nous sommes déterminé à le livrerà l'impression. Nous entrons donc à notre tour dans la polémiquesoulevée par l'expérience inquiétante de 1840. Cette question est d'unenature complexe. Elle est à la fois politique, militaire et agricole.Il nous a paru qu'elle avait été, considérée jusqu'ici , tantôt sousune de ces faces, tantôt sous une autre, mais point encore dans sonensemble. Un militaire ne voit pas toujours en agriculteur. Unagriculteur, pas toujours en militaire. Certaines vues ne sont nimilitaires, ni agricoles..."

Voyage d’exploration dans la Hongrie inconnue(1922) par Jean de Bonnefon (1866-1928) : "Sous un ciel triste et beaucomme un grand désespoir, l’automobile va vite, sur la route, à pertede vue, à travers la plaine hongroise, dans un paysage d’estampe où lestaches errantes des paysans se mêlent à la tache noire des terreslabourées. Le Danube coule au fond du paysage, mais invisible comme unDieu couché. Un parfum de miel monte de partout dans le mouvant décordes prairies coutumières ourlées de collines. Les silhouettes épiquesdes châteaux dominant la pourpre rouillée des bois trempés de brume,alternent avec les clochers d’églises guillochés comme des sceptres derois. Les petits étangs, où les cerfs vont boire sans peur, sont sur laterre comme de grands miroirs brisés et oubliés, autour desquels destroupeaux de bœufs mal racés, ruminent lentement sous le passage desnuages ronds..."

Paroles d'un solitaire(1923) par Louis de Robert (1871-1937) : "La condition, le rang, lafortune, les événements d’une existence eux-mêmes n’ont pas aux yeux dusolitaire l’importance que leur accordent généralement les hommes. J’aicinquante ans. C’est l’époque de ma vie que je préfère. Quand ilm’arrive de considérer un instant de mon passé, je me prends en pitié,car il est rare que, depuis, je  n’aie pas appris quelque chose etl’instant que je considère me paraît toujours situé dans une régioninférieure et comme vue à l’étage au-dessous. J’ai désiré tous lesbiens de ce monde : la fortune, la puissance, la gloire. Je n’ai gardéque le goût du travail, une grande curiosité d’esprit et le mêmeenthousiasme pour tout ce qui est beau, grand ou juste. Le reste, jel’ai laissé derrière moi, sans regrets, sur ma route..."

La Chine en folie : Choses vues (1923) par Albert Londres (1884-1932) : "Rois, ministres, officiers, gens du peuple, à bas de vos chevaux. APékin, dans l’enceinte du Palais d’Hiver, face à la montagne de charbonaux cinq pics et cinq pagodons, sur une stèle millénaire, en cinqlangages : mongol, mandchou, chinois, turc et thibétain, ainsi, lavieille Chine, orgueilleusement, apostrophait le passant. A vous tousqui désirez me suivre par les trouées obscures du Céleste Empire endéliquescence, hommes de peu ou de bien, traîneurs de mélancoliquessavates ou abonnés de rubriques mondaines, moi, diable blanc et barbared’Occident, du haut du rickshaw (Pousse-pousse) qui me roule présentement sur lesol immonde et vénéré de la Chine, je crie..."

Keepsake à la Japonaise (1923)par André Tudesq (1883-1925) : "Vers cinq heures, flâner dans Ginza, seperdre dans le labyrinthe de boutiques, ruelles, canaux, impasses, quile flanquent, n’est pas qu’un passe-temps d’artiste : tel au pied deStamboul, le pont de Galata, ou le corso des villes italiennes, c’estd’un poste de guet idéal observer gens et mœurs. C’est déchiffrer àciel ouvert la chronique du Japon moderne. Dans le tumulte des tramsinverses, à travers les embardées d’autos, qui, menant train d’enfer,malgré le principe à l’anglaise de tenir la gauche, se doublent, sedépassent, traitent la rue en pays conquis, deux singularités vousfrappent : l’extraordinaire pullulement des bicyclettes dont l’excèsn’a d’égal que l’acrobatique virtuosité de ceux qui les montent, – etsurannés, pittoresques et charmants, les pousses et leur équipage..."

Souvenirs : pages inédites(1923) par Lucien Guitry (1860-1925) : "L’insomniaque est celui qui neveut pas dormir. Il y a le malade que sa souffrance empêche de prendredu repos, l’homme inquiet que ses préoccupations maintiennent éveillé,l’anxieux qui attend et le peureux qui s’épouvante, mais l’autre,l’insomniaque, préfère vivre, et vivre conscient. Tout lui estexcellent prétexte pour mal accueillir le sommeil, quitte à maugréercontre ce qui lui fait obstacle. J’ai connu cet état. J’ai vu seviolacer la fin des nuits blanches, puis bleuir le jour et rosir lesnuages sous les jeunes rayons du soleil renaissant. Je sais ce quec’est que redonner brusquement toute la lumière à une chambre plongéedans les ténèbres, parce que la cuiller du verre d’eau a touché lefond, après dissolution du morceau de sucre sur quoi elle reposait..."

Le roman comique de Scarron, peint par J.B. Pater et J. Dumont le Romain (1883) : "LESvers de Scarron, le créateur et l'Empereur du Burlesque, ne sont plusqu'une curiosité littéraire et historique. On lit encore un peu sagrossière, mais amusante comédie de Don Japhet d’Arménie, un peu moinsses Nouvelles à l'Espagnole, bien que l'une d'elles, la Précautioninutile, ne soit étrangère ni à l'École des maris de Molière, ni auBarbier de Séville de Beaumarchais, et que le Tartuffe doive aussiquelque chose à celle dont Montufar est le héros, mais on lit toujoursson roman inachevé. L’épopée provinciale de sa Troupe Comique ne vitpas par les histoires sentimentales qui la coupent à l'imitation de DonQuichotte et qui ont fait son succès auprès des belles dames de sontemps, mais par la gaieté communicative de ses peintures prises sur levif et par sa qualité contemporaine. C'est le meilleur roman bourgeoisdu XVIIe siècle, et il n'a pas peu contribué, mieux que par desattaques directes, à dégonfler les ballons des bergeries à la d'Urfé etdes préciosités à la Romaine..."

Espiègleries d'Armantine l'entretenue du petit bossu (ca1857) : " C'est par un de ces jeux qu'ARMANTINE FREMONTnaquit dans la loge d'unportier, et du Marais encore ! A peine ses petites mains purent-ellesservir à quelque chose, qu'elle tira le cordon, alluma le fourneau àl'entrée de la cour, reçut les lettres des facteurs, les clefs, leschandeliers et tous les messages des locataires. Sa mère étaitrempailleuse de chaise, et son père tourneur. La morveuse alla, dansson enfance, à l'école gratuite de l'arrondissement, et parvint ainsijusqu'à l'âge de douze ans, sans marquer autrement que par l'éclatd'une beauté qui promettait d'être sous tous les rapports, vraimentextraordinaire. Quant à son goût dominant, il consistait dans lalecture continuelle de comédies, de tragédies, de vaudevilles et demélodrames ; elle employait tout le produit de ses broderies à seprocurer de ces ouvrages : c'était une passion qui tenait de la démence; et sa mère avait beau la gronder, la menacer ; inutiles tentatives !Armantine revenait sans cesse à ces hochets favoris, en faisait sesdélices jour et nuit, et semeublait la mémoire d'une quantité de rôles qu'elle répétait avecinfiniment de goût et d'intelligence..."

Les Faux bruits et les légendes de la guerre (1918) par Albert Dauzat (1877-1955) : "Toutes lesépoques troublées, en provoquant la surexcitation des cerveauxfaibles, donnent naissance à un grand nombre de faux bruits qui,lorsqu'ils correspondent à l'état d'esprit du milieu, ont tôt fait des'accréditer dans l'âme simpliste des foules. Les guerres sontparticulièrement favorables à la production de ces phénomènespsychologiques. La conflagration actuelle, malgré l'état avancé denotre civilisation, ne pouvait échapper à la loi générale : àl'observateur curieux elle fournit une abondante et pittoresquerécolte, en permettant de saisir sur le vif la formation et l'évolutiondes légendes..."

De l'Utilité du faux bruit (1919) par Victor Cornetz : "Aux intéressantes pages consacrées dans cette revue par M. A. Dauzataux faux bruits et légendes de la guerre (1) je me permettrai d'ajouterquelques remarques en me plaçant à un point de vue spécial, celui del'utilité et de la nécessité biologique du faux bruit (2). Pourcertains lecteurs au courant des belles études philosophiques de Julesde Gaultier j'aurai probablement l’air d'enfoncer une porte ouverte,mais peut-être pas pour beaucoup d'autres..."

Propos sur le cinéma (1919) par Georgette Leblanc (1869-1941) : "Une question se pose souvent, à laquelle il ne noussemble point possible de répondre. Comment nos parents pouvaient-ils sepasser des commodités ou des distractions qui nous sont devenuesindispensables ? Comment remplissaient-ils les heures vides, ceux-làqui ne connaissaient ni les joies de la bicyclette, ni la rapidité del'automobile, ni les péripéties du bridge, ni les plaisirs du tango, dutennis, du fox-trott ou du golf ?.."

 

 

 

Polynésie (1929) par Jean Dorsenne (1892-1945) : "C’ESTen somme à Tahiti que j’ai le plus souvent senti l’odeur del’allégresse. Elle y est subtile au point qu’on ne la perçoit guèrequ’à la prime aurore, à l’heure où les parfums s’éveillent, s’exaltentet meurent en un instant, comme les elfes de la légende allemande ; ouencore, durant les fugitifs crépuscules, quand le soleil atténuel’ardeur des rayons sous lesquels, tout le jour, il a maintenu lacampagne asservie. Elle vous saisit à l’improviste et transformeincontinent le noir chagrin et l’humeur mauvaise en une jubilationmystérieuse, sans cause apparente, en une joie si secrète, si profondeque notre pauvre cœur déshabitué du bonheur ne peut la ressentir sansune vague souffrance, semblable à ces sourdes douleurs qui, dans lapoitrine, vous empêchent de respirer profondément de crainte que ne serompe quelque organe essentiel. Est-ce la tare de l’originel péché quilaisse traîner ainsi, au fond de nos transitoires délices, cetteconfuse alarme, cet arrière-goût d’indélébile amertume ?.."


Le Cheval(1930) par Lucie Delarue-Mardrus (1874-1945) : "Avant le reste :mes clartés personnelles sur un problème assez obscur. Tous ceux qui enont écrit semblent s'être entendus pour déclarer le cheval stupide.Mais ils se rejettent sur sa fabuleuse mémoire pour lui garder son rangdans l'estime humaine. Je crois qu'il y a erreur. L'explication vraiede la mentalité cheval, j'ai idée de l'avoir découverte au cours de monintimité fort longue avec cet incompris. Et d'abord, pourquoi luivouloir de l'intelligence ? Les animaux ont l'instinct, « intelligencede Dieu », comme disait un vieux docteur normand que j'ai connu,l'instinct, ligne droite d'un point à un autre, à côté des piteuxzigzags où nous égare notre prétendue lumière. L'intelligence, quellemesquinerie, quelle gênante machine à retardement ! Le cheval est autrechose qu'intelligent ou bête. Il a l'absence de sentiments d'unintermédiaire occulte, car c'est un animal médium. Il n'y a pas d'autresecret. Voici quelques preuves. Elles serviront à ceux qu'intéresseencore l'équitation, car ils pourront à leur tour, aiguillés sur cettenouvelle voie, constater après moi son exactitude..."

Essaisur l'emploi figuré des termes de guerre dans le langage contemporain (1919)par Georges Prévot (1890-1976) : "Les guerres ont toujours eu, au coursdes siècles, une réper­cussion très marquée sur le langagecontemporain. La néces­sité de désigner par des termes commodes desinventions ou des habitudes nouvelles, issues de l'état de guerre, lesrelations avec les peuples étrangers, alliés ou ennemis, et différentsde race ou de langue, la prédominance prise par l'élément militaire,et, dans les conflits récents, le mélange des diverses classessociales, introduisent dans le parler courant des mots jusqu'alorsinconnus, soit importés, soit créés de toutes pièces, ou bienressuscitent des mots anciens dont on avait cessé de se servir, ou bienencore répandent des expressions techniques, des mots d'argot, deslocutions de patois local..."

L'Argot de nos prisonniers en Allemagne(1919) par Albert Dauzat (1877-1955) : "L'argot de nos prisonniers enAllemagne diffère profondément de celui qui était parlé par nos soldatsau front ou à l'arrière (1). Isolés de leurs camarades et de la Francependant des mois et des années, réunis en groupes compacts et vivantsen commun en pays étranger, ils remplissaient les conditions les plusfavorables à la formation d'une langue spéciale, tout autre que celledes tranchées et des dépôts..."

Bécon-les-Bruyères (1927)  par Emmanuel Bove (1898-1945)  : "LE billet de chemin de fer que l'on prendpour aller à Bécon-les-Bruyères est semblable à celui que l'on prendpour se rendre dans n'importe quelle ville. Il est de ce format adoptéune fois pour toutes en France. Le retour est marqué de ce même « R »rouge que celui de Marseille. Les mêmes recommandations sont au verso.Il fait songer aux gouverneurs qui ont la puissance de donner à unpapier la valeur qu'ils désirent, simplement en faisant imprimer unchiffre, et par enchaînement, aux formalités administratives qui nediffèrent pas quand il s'agit de percevoir un franc ou un million..."

Les Parisiens comme ils sont (1830-1846) suivi du Traité de la vie élégante (1830) par Honoré de Balzac (1799-1850) : " SEMBLABLE à une jolie femme, le Cigare a aussi ses  adorateurs,ses favoris, ses victimes et ses détracteurs. Il séduit d'abord,enivre ensuite, et parfois entraîne à des excès nuisibles ceux qui s'ylivrent. On voit le Cigare, et l'on désire en essayer ; on hésite, maison en goûte ; on y retourne, et l'on s'y habitue. Bientôt aprèscommence le chapitre des inconvénients. Chaque jour, ils serenouvellent, et l'on s'en aperçoit. Toujours ils augmentent, et l'onsonge à s'en débarrasser. Mais alors, il n'est plus temps : l'usage ducigare, caprice passager, devenu une habitude, est une nécessité, et,comme une maîtresse absolue, il tyrannise quand il a cessé de charmer,jusqu'à ce qu'enfin il soit sacrifié à un commencement de passion plusviolente que celle qui s'éteint..."

 LaLittérature au café sous le Second Empire (1932) par Henri d'Alméras (1861-1938) : "Qu'auraient dit, qu'auraient pensé l'abbé Delille, Rivarol, le marquisde Sainte-Huruge, Camille Desmoulins, ou simplement ce bon M. de Jouy,qui exerçait la profession d'Ermite,s'ils avaient pu voir cequ'était devenu, vers le milieu du siècle dernier, le Palais-Royal,leur Palais-Royal ? Jadis centre de tous les plaisirs et de tous les vices, il mourait,lentement, d'un accès de vertu, dont il n'était pas responsable et qu'àtoute heure du jour et de la nuit, il déplorait. La suppression desmaisons de Jeu, le 1er janvier 1838, lui avait porté un coup terribledont il ne devait jamais se relever. De ce cadre magnifique, de cesjardins enchantés, où le cœur de Paris avait battu, où débuta laRévolution, que restait-il désormais ? Une sorte de Palais de la Belleau bois dormant. Sous les arcades, dans les allées qui avaient entendutant de rires et de chansons, et aussi tant de cris de mort, passaientsans doute, à la nuit tombante, les ombres mélancoliques desgastronomes repus et des nymphes vieillies. Les cafésabandonnés,  que remplissaient naguère demi-soldes et gardesdu corps, s'enveloppaient de silence et semblaient peuplés de fantômes..."

Le Parabolain (1894) de Léon Riotor (1865-1946) : " DANSle désir d'avancer coûte que coûte, de vous inquiéter de demain sanssonger à aujourd'hui, vous ne regardez pas autour de vous ; lespalissades, dites-vous, sont faites pour être renversées. Demain nousne serons plus là : vous pleurez sur le sort de ceux qui noussuccéderont, sans un regard sur ceux qui nous entourent. Cet amour del'avenir, tout autant que le culte du passé, est généralement utopiqueet demeure stérile. Pour frapper d'une manière efficace l'intelligencede masses ignorantes, les créateurs de religions leur parlaient desplaisirs promis... plus tard... Il n'existe plus guère que des massespassionnées, mobiles comme les vagues de la mer ; de véritablementignorantes, non. Laissez donc ce moyen de prosélytisme auxdemi-philosophes qui s'autorisent seulement de ce qu'ils peuvent faireaccroire aux autres..."

 De l'étude de l'Antiquité dans les collèges (1850)par Louis Brégan (1829-1870) : "Un parti qui a pour lui l'avenir et quele cours des événemens peut d'un jour à l'autre élever au pouvoir, doitmoins songer à ruiner l'ennemi qu'à mettre l'ordre dans son camp. Il nes'appliquera pas tant à précipiter sa victoire qu'à s'en rendre digne,et craindra moins de la voir reculée que de la voir inféconde. S'il estun parti qui doive se préparer sérieusement à gouverner la France et lemonde, c'est le parti démocratique. Et cependant, de profondsdissentimens le divisent sur des questions si importantes, qu'il seraitappelé à les résoudre dès le lendemain de son triomphe. Il importe dèsà présent de s'entendre. Les divisions qui font la faiblesse d'un partideviennent des malheurs publics, lorsque ce parti arrive au pouvoiravant de les avoir effacées..."

 Essai sur le parapluie (1900) et Psychologie du Bonneteau(1895) par Marcel Schwob (1867-1905) : "J'avais un parapluie, lamort me l'a ôté. Elle l’a emporté au début de sa carrière ; il étaitjeune encore, et sans doute un jour il eut ouvert son aile pours'envoler sur les grandes cîmes ; un coup de vent l'a brisé ; il n'estplus. Je me sens attiré par une certaine commisération vers lesparapluies ; je les ai beaucoup aimés, et j'ai encore pour eux unfaible que je crains. Celui-là m'avait séduit par son élégance, sataille gracieuse, sa mignonne tête d'ivoire ; ses os étaient menus,allongés, sa chair en poult de soie avait des reflets d'un charmeinfini, et, quand il s'épanouissait, il planait comme un vrai petit basbleu à hauteur des fenêtres d'un rez-de-chaussée. Il n'allait pasjusqu'aux nuages ; il fuyait les ruisseaux ; il avait une affectionperverse pour l'humidité, il se laissait suggérer tout ce qu'onvoulait, avec un coup de pouce ; ses huit baleines lui permettaient undéveloppement raisonnable...."

 
La Lettre à travers les âges (1897) de E. Marquant : "L’ÉCRITURE hiéroglyphique,dont le nom signifie gravuresacrée, formait le système graphique des anciensEgyptiens. Elle prenait plus spécialement le nom d’hiéroglyphiquequand elle était employée sur les monuments. Elle s’appelait hiératique (grec, hieros,sacré) quand elle était employée dans les manuscrits, les prêtresfaisant servir ce genre d’écriture à la propagation de leurs doctrinesreligieuses. Les hiéroglyphes nous sont parvenus par ceux quiont été trouvés sur les monuments, monolithes ou obélisques, – dontcelui de la place de la Concorde à Paris, offre un des plus beauxtypes, – et  surtout sur les colonnes hermétiquesqui étaient entièrement couvertes d’hiéroglyphes, et placées dansl’endroit le plus mystérieux des temples égyptiens..."

 Lettres d'Henry IV à Corysande (1585-1597) : "IL n’est rien de si vray qu’ils m’apprestent tout ce qu’ils peuvent.Ils pensoient que j’allasse de Grenade vous voir ; il y avoit au moulinde Montgaillart cinquante arquebusiers qui prirent mon laquais et leretinrent jusques à ce qu’ils eussent sceu que j’estois party deGrenade pour venir icy. Ne craignés rien, mon ame. Quand ceste arméequi est à Nogaro m’aura monstré son dessein, je vous iray voir etpasseray sur les ailes d’Amour, hors de la cognoissance de cesmiserables terriens, aprés avoir pourveu, avec l’aide de Dieu, à ce quece vieux renard n’execute son dessein..."

 Prosper Béroux roi des Loudonniaux, l'épopée des humbles du Mainede Roger Verdier (1899-1995) : " Mon gars Prospè, faut qu' tum'vendes ç'viau là!…" Assis face à face, les coudes sur la tablegraisseuse, les deux hommess'affrontent. Dans la cheminée, un grand feu enveloppe la marmite deses franges de flammes. Des lueurs s'accrochent aux reliefs dumobilier. Un méchant lit de noyer vêtu d'un couvre-pied surmonté d'unédredon dodu; un corps de buffet dit "basset" aux pieds cagneux, décoréde rosaces; une table desserte appuyée au mur sous un invraisemblablebric à brac d'ustensiles de cuisine. Une petite femme sèche, à la peaujaune, sans âge, s'agite autour de lapièce en faisant claquer ses sabots sur le pavé délabré..."

[BULLETIN DE CENSURE] Index français, ouvrages contraires à la religion et aux mœurs : [Sélection de critiques] (1844-1848).

[BULLETIN DE CENSURE] Almanachs(1844) : " L'Almanach est un livre auquel s'est attachée depuisquelques années une effrayante popularité ; effrayante est le mot, cartoutes les mauvaises passions, passions anarchiques, passionsirreligieuses, passions immorales, se sont emparées de cette formecirculante et de ce titre populaire, pour se glisser subrepticementdans les familles sans défiance, et y distiller leur dangereux poison.Autrefois nous n'avions que deux ou trois almanachs qui renfermaientdes notions utiles, simples et claires sur les choses de la vieusuelle, des conseils pratiques aux agriculteurs, aux éleveurs, auxhorticulteurs, etc., le tout mêlé à de sages maximes, à de noblesexemples de piété et de vertus ; ces almanachs formaient toute labibliothèque du peuple ; et franchement, en était-il plus mauvais ? "

Les Amours secrètes des grisettes(1828) par J.-B. Ambs-Dalès (1802-1857) : " Afin de procéderméthodiquement à la revue des grisettes des divers quartiers de Paris,nous commencerons par mettre à contribution les environs du Bazar del'industrie universelle, autrement dire du Palais Royal ; c'est dansles rues de Richelieu, Neuve des Petits-champs, Vivienne, Feydeau,etc., que nous prendrons d'abord nos modèles : ce quartier est celuiparticulièrement de nos fringantes modistes. Elles méritentparticulièrement l'honneur de tenir le premier rang dans ce recueil, etnous nous faisons un devoir de le leur assigner. Une démarche aiséequoiqu'un peu prétentieuse, une mise décente, un langage recherché dansla conversation : voilà ce qui distingue les modistes d'avec les autresgrisettes... "

Qu’est-ceque l’Ame slave ? (1925) par François Porché (1877-1944) : "NOUSavons tout perdu, disait un de ces Russes dispersés à travers le monde,comme il y en a tant aujourd'hui (1), nous avons perdu nos parents, nosterres, notre situation sociale, nous sommes sans domicile, sansprofession, sans argent, mais il nous reste le charme slave. Et,là-dessus, il riait, comme ils rient tous, un peu nerveusement. Maisquant à s'expliquer sur la chose même, sur ce charme qu'il considéraitcomme le privilège imprescriptible de sa race, cet exilé n'en avaitcure, tellement il s'agissait, dans son esprit, d'une vérité évidente.L'expression, de fait, est si courante, qu'elle a pris l'apparence d'unaxiome. On dit le « charme slave » comme on dit le « bon sens français»... "

Les Marchands d'ustensiles de ménage [et] Les Maraîchers(1842) par Joseph Mainzer (1801-1851) : "JE ne connais point, parmi lescrieurs des rues, à l’exception des maraîchers, de classe plusnombreuse ni plus variée que celle-ci, dont je n’entreprends, pourainsi dire, que l’énumération ; il faudrait des volumes pour décrired’une manière complète tous les individus qui la composent. Et pourtantle nombre n’en est pas encore aussi considérable qu’il pourrait l’êtresi chacun d’eux adoptait une spécialité pour son commerce ; mais on envoit plusieurs qui roulent sur des voitures longues, basses et légères,de véritables magasins où figure de la façon la plus séduisante, et àdes prix dont la modicité étonne, un assortiment presque complet desobjets que peut désirer une ménagère. Tels sont, par exemple, cespetits marchands à prix fixe, que l’on rencontre à toute heure de lajournée, principalement dans les faubourgs, et qu’on entend crierincessamment, avec une voix rauque semblable à celle de Vernet jouantun rôle de bossu...."

Le Trésor de la cuisine du bassin méditerranéen par 70 médecins de France(ca1937) : Brillat-Savarin place les médecins dans la catégorie des «gourmands par état » : « Vous êtes, leur dit-il, un jour où, sous laprésidence du docteur Corvisart, il assistait lui « neuvième », (ainsise qualifie l’auteur de la Physiologie du goût) à un repas de médecins,vous êtes les derniers restes d’une corporation qui, jadis, couvrittoute la France. Hélas ! les membres en sont anéantis ou dispersés…Plus de fermiers généraux, d’abbés, de chevaliers, de moines blancs :tout le corps dégustateur réside en vous. Soutenez avec fermeté un sigrand poids, dussiez-vous essuyer le sort des trois cents Spartiates aupas des Thermopyles… »

 Des connaissances hippiques chez les Arabes, Des races animales en Algérie(1853) par Jean-Henri Magne (1804-1885) : "L'Orient est une des contrées sur lesquelles on nous a raconté,relativement à la production et à l'entretien des chevaux, les chosesles plus extraordinaires et les moins en rapport avec ce que noussavons sur la fertilité de ce pays et sur les mœurs de ses habitants.Pendant des siècles, on a enseigné que tous les chevaux, en Arabie,sont élevés, soignés, ménagés comme les enfants de la tribu ; qu'on lesnourrit avec du lait de Chamelle ; qu'on ne les fait travailler qu'àl'âge où ils peuvent résister à toutes les fatigues ; que l'Arabe neles maltraite jamais. Depuis la conquête, à cette opinion en a succédéune autre. Les Arabes,répète-t-on souvent, abusent des forces de leurs chevaux ; ils lessoignent mal, les maltraitent et les nourrissent à peine pour les fairevivre. Ces deux opinions nous ont toujours paru beaucoup tropexclusives..."

 Études sur le prolétariat dans les campagnes – Jean-Louis le journalier (1850-1851) par Eugène Sue (1804-1857) : Ce récit est réel de touspoints, ainsi que l’indique le titre de ces études ; ce que je raconte,je l’ai vu ; un long séjour à la campagne, où m’appelaient un besoincroissant de retraite, de solitude et de travail, m’a mis à même deconnaître des misères, des douleurs, et parfois des vices, fatalementinhérens à la condition sociale du prolétaire des champs ; ce sont,pour ainsi dire, des chiffres moraux que je pose ; une sorte de bilande l’état physique et intellectuel d’une population que j’aiattentivement étudiée ; attiré vers elle, par l’attrait du malheurd’abord, puis par l’attrait des bonnes et vivaces qualités quen’étouffent jamais entièrement ces vices auxquels ces populations sontparfois forcément condamnées, oui, forcément condamnées ; pour qui aréfléchi, pour qui a sans passion, sans préjugés, observé en pratiquel’humanité, il est incontestable : « que l’homme par instinct, parnature, est bon, sensible, généreux, et selon la mesure de sonintelligence et de l’instruction qu’il a reçue, accessible à tous lessentiments délicats et élevés ; la mauvaise éducation, le milieu oùnous vivons, l’ignorance, et surtout la misère et l’abandon, seuls,nous dépravent, nous rendent criminels, mais jamais assez cependantpour que l’excellence originelle de notre nature soit complètementétouffée. »

Les Français peints par eux-mêmes : Encyclopédie morale du dix-neuvième siècle
(1840-1842) [suite] :
Le Marchand de nouveautés par Pierre Bernard ; Les Musiciens ambulants par Maria d'Anspach ; Les Saturnales par Frédéric Kessler ; La Confession d'un danseur par Gabriel Cournand ; La semaine sainte à Paris par Emile de La Bédollière ; Les Villas parisiennes par Francis de Valrine ; La Femme sans goût par L.P.O. ; Le Martyr de la Liberté [et] Le Correspondant des journaux par E. Ourliac ; La Marchande de poisson  [et] La Halle par Joseph Mainzer ; Le Pénitent par Eugène Avond ; L'Etudiant en vacances  [et] Un foyer de théâtre par L. Roux ; Les Anglais en Suisse [et] Les Femmes littéraires par Francis Guichardet ; L'Huissier de campagne par Eugène Nus ; Les Touristes en Italie par Francis Guichardet ; Le FaubourgSaint-Germain [et] Le Marais par P. Bernard et L. Couailhac ; Les Banquets d'anciens écoliers par Aloysier ; Paris pour les marins par G. de La Landelle.

Les Courses de chevaux en France et en Angleterre (1865) par Louis Énault (1824-1900) : " Je ne sais qui a dit que le cheval était le piédestal des princes : entout cas, c’était bien dit. Aujourd’hui beaucoup de gens, sans êtreprinces, aspirent à se donner au moins le piédestal. Ceux même quin’ont pas de chevaux à eux se passionnent pour les chevaux d’autrui. Ilsuffit, pour s’en convaincre, d’aller un jour de courses à la Marche, àLongchamps, à Vincennes ou à Chantilly. Nous savons la part qu’il fautfaire, ici comme en toutes choses, à l’engouement et à la mode ; maisnous savons aussi celle qui revient au bon sens, à la raison et à lavérité. Que les frivolités mondaines, ou les mœurs tapageuses dudemi-monde, aient vu là l’occasion, toujours si avidement recherchéepar elles, de s’affirmer au grand jour, c’est un simple détail, dont iln’y a point à se préoccuper. N’est-ce point aux sermons du carême queles belles dévotes essayent le premier effet de leurs toilettesprintanières ? On n’a jamais songé pour cela à supprimer les sermons.L’abus est partout à côté de l’usage. Il faut garder l’un et serésigner à l’autre..."

Les Ouvriers de Paris : Le Carrier (1851) par Pierre Vinçard (1820-1882) : "En se promenant aux environs de Paris, on aperçoit de grosses pierresbrutes, à côtés desquelles se trouve une grande roue en bois qui deloin ressemble à une immense toile d’araignée. Si l’on approche, onvoit au milieu des pierres un trou profond qui n’est autre qu’un puits. C’est l’aspect extérieur d’une carrière (1). Quoique l’impression produite par ces objets soit sévère et mêmetriste, elle est cependant moins terrible que celle qu’on éprouvelorsque, descendant dans l’intérieur du puits, on pénètre dans la carrière. Les ouvriers y descendent au moyen d’une échelle fixéecontre le mur, dont les échelons sont en fer et qui est semblable à une échelle de perroquet. Elle n’est attachée que du haut et remue aumoindre choc qu’on lui imprime. Les puits sont d’ordinaire extrêmementcreux. La carrière que nous avons visitée a un puits d’une profondeurde 23 mètres ; il y en a qui sont creusées jusqu’à 30 mètres au-dessousdu sol. A mesure qu’on descend, la lumière du jour disparaîtinsensiblement et on se trouve dans l’obscurité la plus complète..."

Colonies Françaises : Etat de la situation à l’Ile de la Réunion (1851) par Victor Schœlcher (1804-1893) : "Les rétrogrades opposent souvent aux imprudens promoteurs del’abolition de l’esclavage l’exemple de l’Ile de la Réunion, où cettegrande mesure, disent-ils, se serait accomplie avec tous les ménagemensnécessaires. On sait ce qu’ils entendent par là ; le National a faitconnaître en leur temps les arrêtés locaux à l’aide desquels on afaussé l’esprit du décret libérateur. Les ménagemens nécessaires dontil est question obligent des hommes et des femmes déclarés libres àsouscrire des engagemens, sous peine de l’atelier de discipline. Cesrèglemens, essentiellement illégaux, le ministre de la marine les ablâmés lui-même, il a déclaré (séance du 3 mai 1850) avoir donné desordres « pour qu’ils ne fussent pas mis à exécution ; » mais ils n’ensont pas moins appliqués tous les jours..."

Les Villes dépeuplant les campagnes (1903) par Jules Destrée (1863-1936) : " L'accroissement extrême des agglomérations urbaines est un desphénomènes sociaux les plus marquants du dix-neuvième siècle. Sansdoute, les âges antérieurs ont connu des capitales extraordinairementpeuplées, mais il n'est pas de temps dans l'histoire du monde oùl'augmentation de la population des villes ait subi une progressionplus rapide et plus constante. L'observation peut en être faite nonseulement pour des pays neufs, à prospérité exceptionnelle (parexemple, les Etats-Unis : New-York qui a aujourd'hui trois millions etdemi d'habitants, en avait, au début du siècle, soixante milleseulement ; Chicago, qui a aujourd'hui dix-sept cent mille habitantsn'existait pas ; et Philadelphie, qui dépasse aujourd'hui le million, enavait soixante-dix mille à peine) ; mais encore chez les vieillesnations d'Europe : Berlin, de 172.000 en 1800, est passé plus de deuxmillions, si l'on y comprend Charlottenburg, Schoeneberg et Rixdorf ;Paris, de 548.000, à près de quatre millions ; et Londres de 958.000, àsix millions et demi. Ce phénomène, si frappant pour ces grandscentres, s'atteste de la même manière pour toute une série de cités demoindre importance, et cela sur toute l'étendue du globe où règne lacivilisation moderne. Il semble que ce soit là un des traitscaractéristiques et nécessaires de la phase capitaliste de l'évolution sociale..."

La Justice dans l'Humanité(1903) par Jean Jaurès (1859-1914) : "Lorsque je parle de la justicedans l'humanité, je n'ai pas laprétention de résoudre, mais je voudrais poser devant vous une grandeet difficile question ; elle se pose à ceux qui veulent interpréter etessaient de comprendre l'histoire humaine, l'évolution des hommes.Est-ce que le progrès humain, qui a conduit notre race de la brutalitéet de la sauvagerie primitives à un commencement d'ordre, de liberté etd'équité, est l'effet du choc des forces aveugles et mécaniques, oubien a-t-il été déterminé pour une large part par la conception plus oumoins nette, par la volonté plus ou moins consciente d'un idéaltoujours plus haut, vers lequel les hommes marcheraient délibérément?En un mot, le progrès humain est-il l'effet de forces inconscientes, demouvements réflexes de passions et d'intérêts qui ont agité etentrechoqué les hommes, ou bien la conscience humaine, guidée parl'idée de justice, a-t-elle été une force décisive de mouvement etd'évolution ?..."

La Suppression des Communaux (1903) par Emile Vandervelde (1866-1938) : " Sans méconnaître les inconvénients que présentent, au point de vue del'exploitation rationnelle du sol, les « communaux », les droitsd'usage, de parcours, de vaine-pâture, dans les forêts, les bruyères,les terres incultes, il n'est pas douteux que ces survivancesmédiévales contribuent puissamment à la stabilité des populationsrurales. Aussi longtemps qu'ils se maintiennent, les pauvres gens des campagnesconservent des intérêts dans la communauté villageoise et neconnaissent pas le dénuement absolu. « Avant la Révolution — dit Macaulay dans son Histoire d'Angleterre —des milliers de milles carrés, maintenant enclos et cultivés, n'étaientque marais, forêts et bruyères. Une grande partie de ces terresincultes, était, de par la loi, terrain communal, et la partie qui nel'était pas avait si peu de valeur, que les propriétaires permettaientqu'elle le fût de fait. Le nombre des pauvres qui y butinaient et yglanaient pour y trouver leur subsistance semblerait incroyableaujourd'hui..."

[BULLETIN DE CENSURE]: Critique rétrospective des oeuvres complètes de Balzac (1845-1846) : "Comme nous avons donné assez au long dans la Lecture,numéros de mai, de juillet et d'août 1843, l'analyse littéraire desprincipaux ouvrages de M. de Balzac, indiqué leurs tendances et leurbut, et esquissé la biographie du célèbre romancier , nous ne pouvonsnous répéter ici : nous allons seulement, en quelques lignes, commerésumé et complément des appréciations précédentes, nous servir de cetravail analytique et biographique, en ajoutant, au besoin, nosdocuments propres à ceux déjà publiés..."

[BULLETIN DE CENSURE]: Du roman feuilleton (1844): "Autrefois le roman était un livre ; aujourd'hui il est un article dejournal. Quand le roman était un livre, on ne le lisait que peu oupoint ; le roman s'en est aperçu, et, pour se populariser, il s'estfait feuilleton. Beaucoup de personnes honnêtes le redoutaient, nel'auraient pas touché, quand il avait la forme d'un volume ; maintenantqu'il s'est glissé sur les journaux entre les faits diverset les annonces, on ne le craint plus, on le lit sans peur, sansméfiance, et, sans qu'on s'en aperçoive, il blesse peu à peu, il jetteinsensiblement sa lave dangereuse, qui consume avec d'autant plus desuccès, que ses feux sont plus couverts..."

Les Fonctionnaires et la Natalité(1924) par Séverin Canal (1885-19..) : "Les fonctionnaires des diversesadministrations de l'Etat suivent depuis plusieurs mois avec attentionles travaux de la Commission spéciale présidée par M. Hébrard deVilleneuve et, dont l'objet doit être la révision des traitements quine correspondent plus au coût actuel de la vie. Sur le principe même dece « réajustement », aucune contestation ne pouvait s'élever. Leschiffres actuels ont été fixés à la fin de 1919, dans un temps où lacourbe ascendante des prix était loin d'avoir atteint son maximum. Parsuite, les fonctionnaires publics ont été particulièrement mal traités,puisque leurs appointements se sont trouvés stabilisés, alors que lesautres travailleurs ont connu depuis des relèvements de salairesparfaitement justifiés..."

 Hégésippe Moreau (1903) par Daniel de Venancourt (1873-1950) : "Sil'on a raison de glorifier les écrivains sublimes, il est justed'honorer les écrivains charmants, et surtout ceux qui moururent enpleine formation, avant l'âge où leur talent aurait pu grandir jusqu'augénie. Ainsi pour Hégésippe Moreau. La fidélité avec laquelle lesgénérations successives ont conservé sa mémoire, cette tendre fidélitéparait aisément explicable. Même quand soixante, cinq années ont passé,la fin douloureuse d'un jeune poète continue d'exciter dans l'âme dulecteur, non seulement une tristesse profonde, mais encore un amerregret. Et, pour rétrospective qu'elle soit, la désolation est bienlégitime, lorsqu'on songe que l'oeuvre si vite interrompu avait eu unsi beau commencement..."

 Les Conseils d'un Gnome, fragment d'une féerie inédite (1875) par Gustave Flaubert(1821-1880).

 La Résistance alsacienne [et] L'Autonomie de l'Alsace-Lorraine (1910) par Henri Lichtenberger (1864-1941) : "L'Alsace traverse en ce moment une phase critique de son existence. Onsait qu'aujourd'hui encore, en fait comme en droit, l'Alsace-Lorrainesubit un régime d'exception. Elle est une province d'Empire régie aunom de l'Empire par des fonctionnaires d'Empire. Elle n'a pas dereprésentant au Conseil fédéral. Elle est soumise au contrôle et à lasurveillance de l'autorité impériale. Elle est gouvernée par un corpsadministratif où la plupart des postes supérieurs et la grande majoritédes fonctions subalternes sont confiés non à des indigènes, mais à desAllemands. Bref le Reichsland esttoujours encore traité à certains égards en « pays conquis » : il nejouit pas des mêmes droits que les autres Etats de l'Empire..."

L'Ouvrier de Paris (1842) par M.-J. Brisset (1792-1856) : "NOUSabordons un bien vaste sujet. Pour peindre convenablement l’ouvrier deParis, il faudrait faire de chaque métier la matière d’un chapitreséparé ; car chaque métier a son esprit, ses mœurs, son langage, sonallure. Il y a des métiers qui rapprochent ceux qui les exercent desarts, de la littérature, des sciences, et qui demandent plus de goût,de délicatesse, de connaissances, que de force physique. Les individusemployés et retenus dans cette sphère d’intelligence peuvent-ils êtrerangés parmi ceux qui, enchaînés pour ainsi dire à la matière, trouventdans la lutte incessante de l’esprit de l’homme contre son inertie,l’emploi et le tarif de leur vigueur musculaire ? L’ouvrier mécanicien,le peintre décorateur, le bijoutier, le typographe, par exemple, n’ontque bien peu de rapports avec le terrassier, le carrier, le maçon, letailleur de pierres. La différence du salaire creuse entre cestravailleurs une ligne de démarcation aussi profonde que celle quirésulte de la nature de leur travail journalier et du milieu où il lesfixe. Il y a donc sous ce titre générique, l’Ouvrier de Paris,des classes aussi distinctes entre elles que le sont, dans le mondemoral, l’ignorance et l’éducation, et dans le monde physique, l’aisanceet la misère..."

Le Jésuite (1842) par Edouard Lasséne : "POURsaisir aujourd’hui avec quelque exactitude les traits à demi effacés dujésuite, il faut pénétrer soigneusement dans les recoins les plusprofonds de notre vie sociale, et esquisser, comme à la dérobée, unmodèle qui s’évanouit avant qu’on ait pu le considérer. Ce n’est pasque les jésuites n’aient plus de place dans l’histoire de nos mœurs,car alors nous n’aurions pas à nous en occuper ici ; mais peu s’en estfallu que cette place, depuis douze ans circonscrite et obscurcie, nedisparût enfin tout à fait. Quelques établissements s’élèvent encore enFrance : au milieu de nous, à Paris, une maison professe, centre sanscirconférence, cherche à reformer des liens nouveaux ; mais cesétablissements rares, cachés avec soin, craignant par quelque bruitd’éveiller des lois qui les proscrivent, échappent aux regards d’uneopinion qu’ils redoutent, et qui s’est tant de fois déclarée contreeux, et attendent, dans le silence, des temps meilleurs, qui, sansdoute, ne viendront jamais relever leur prospérité perdue. Comme tantde puissances du passé, le jésuitisme est un débris : pour tous dignesujet d’étude, il n’est plus, même pour ses ennemis, un sérieux motifde crainte..."

La Marchande de friture (1841) par Joseph Mainzer (1801-1851) : " QUAND voustraversez la place de Grève, le quai des Tournelles, le pont au Changeou le pont Neuf, vous sentez venir à votre odorat un certain parfum derissolé qui vous enveloppe et vous poursuit d’une manière plus ou moinsagréable, suivant la disposition de votre estomac, l’état de votrebourse et la susceptibilité de vos organes. Si vous êtes de ceux pourqui le café Anglais et Véry agrandissent chaque jour, par de nouvellesconquêtes, le domaine de la science culinaire, je vous conseille depasser vite ; mais si votre mauvaise étoile a fait de vous un de cespauvres diables qui sortent le matin de leur gîte sans avoir lacertitude d’y pouvoir rentrer à la fin de la journée, et qui nesauraient appliquer le mot menu à leur repas autrement que dans sonacception qualificative, oh ! alors, arrêtez-vous, et que votre figures’épanouisse : vous vous trouvez devant la ressource du malheureuxaffamé, le restaurant des bourses prolétaires, devant la marchande defriture..."

Croquis de Lorraine : Liverdun (1901)par Anthony Valabrègue (1844-1900) : " Une rivière aux eaux basses,toute rougeâtre, coulant au pied des collines dans un lit semé decailloux, écumant çà et là entre les pierres avec un gai clapotis,telle est la Moselle, lorsqu'on la rencontre un peu au delà de Toul, entraversant en chemin de fer le pont de Fontenoy.Elle apparaît dans sanouveauté, bruissante, vibrante, courante. Des laveuses penchées sur lebord, se tenant sur de grosses pierres, font entendre un bruit saccadéde battoirs. « La gracieuse rivière ! » se dit-on. Elle n'est pointverte ; elle a une teinte foncée où semble se mêler un ton de rouille,comme si elle avait parcouru un terrain riche en minerai de fer. Lagracieuse rivière !..."

Explication du Tableau chronologique de l'Histoire générale des peuples et de leurs cultes (1832)par Arnault Robert : "Avant de développer le système de composition dece tableau, il est peut-être à propos de donner une explicationpréliminaire ; la voici : La science de l'histoire se considère de deuxmanières : ou l'étude qu'on en fait n'est que spéciale, suivant qu'onne s'occupe que de l'une de ses branches quelconque, en particulier,comme l'histoire de France, l'histoire d'Angleterre, etc., alors on neconnaît que des faits isolés, dont les rapports avec les faits générauxne peuvent être marqués ; ou cette étude est générale, suivant qu'elleembrasse à la fois toutes les parties diverses de l'histoire, ancienneet moderne, profane et sacrée, et l'on obtient alors cet avantage, queles faits, toujours comparés entre eux, soit dans les annales du mêmeâge, soit avec les temps qui ont précédé ou suivi, présentent partoutdes rapports qui instruisent, ou qui satisfont la curiosité..."

LE PRISME : Encyclopédie morale du dix-neuvième siècle [suite] :  Le Berger (1841) par Etienne de Neufville (1815-1869) ; Une éducation universitaire (1841) par Hubert de Romilly ; Le Gant-jaune napolitain (1841) par Alexandre Rabot ; Les Flotteurs (1841) par Edouard Seguin (1812-1880) ; Les Canotiers (1841) par Charles Friès ; Les Passagers (1841) par G. de La Landelle (1812-1886) : "LEpassager, homme fait colis, est pour les marins une marchandise devaleur essentiellement variable, qui tient le milieu entre un ballot desoieries et un boucaut de sucre, et qui mérite, en général, l’étiquette: FRAGILE. C’est un lest volant difficile à arrimer, beaucoup plusincommode qu’une cargaison de nègres, un peu moins peut-être qu’unchargement de mulets ; car, s’il a le droit de venir promener sesennuis sur le pont, comme il le veut et quand il le veut, s’il gêne etencombre à toute heure, il n’est pas nécessaire, par contre, de visiterses sangles, de lui porter la botte, de le panser, ni de l’étriller.Qu’il ait le mal de mer, qu’il dépérisse par suite des fatigues duvoyage, qu’il fasse une chute dangereuse, ses souffrances n’ont rien decommun avec les intérêts de l’expédition : il se traite lui-même tantbien que mal, et ses avaries sont toutes à sa charge..."

Histoire des chemins de fer(1843) par Pierre Bos-Darnis (1809-1869) : "Les chemins de fer sont laconquête la plus extraordinaire, la plus importante, la plus féconde dudix-neuvième siècle. Qui a inventé les chemins de fer ? Une telleinnovation ne pouvait sortir complète de la tête d'un seul inventeur ;il a fallu plusieurs perfectionnements successifs, le travail deplusieurs hommes de génie, pour l'amener à l'état où nous la voyonsaujourd'hui. L'idée de faciliter le tirage des voitures en plaçant sousle passage des roues un corps dur et uni était si simple et devait seprésenter si naturellement aux hommes les moins ingénieux, qu'il neserait même pas possible de lui assigner une date. Que l'on ait employésuccessivement à cet effet des dalles en pierre, des pièces de bois, etenfin des bandes de fer, ce sont autant de perfectionnements qu'a subisla construction des voies, mais dont l'usage ne se répandit pasd'abord. Ce n'était, au reste, qu'un premier pas vers l'invention dumode de transport dont nous obtenons aujourd'hui de si admirablesrésultats..."

La Barrière de la Villette(1841) par Louis Roux : "Al’extrémité des faubourgs Saint-Denis et Saint-Martin, entre la butteMontmartre et la butte Saint-Chaumont, plus rapprochées de celle-ci quede celle-là, sont placées deux barrières réunies par un demi-cintre, etséparées par une caserne, colysée municipal qui domine comme un colossela grande et la petite Villette..."

Le Nouveau Paris (1841) par Amédée Achard (1814-1875) : "LESquartiers neufs, qui s’élèvent à la voix des architectes comme despalais magiques sous la baguette d’un enchanteur, donnent aux rues queprotége sainte Marie de Lorette une physionomie étrange et pleined’originalité. Ces rues sont si pressées de vivre, que beaucoup ne sedonnent pas le temps de grandir avec mesure ; elles font comme unetroupe d’enfants éparpillés dans un jardin : elles empiètent les unessur les autres, et se volent quelques toises de terrain à la sourdine,aux dépens de la régularité. Quoique toutes jeunes encore, et à peinenées d’hier, plusieurs tortillent et rampent en serpentant comme leursvieilles grand’mères d’outre-Seine..."


La Misère (1841) par Andréas : "PAUVRE mère! Elle était avant comme beaucoup d’autres femmes, ni plus ni moinsmalheureuse. Un jour seulement elle s’effraya de la destinée quil’attendait. La misère s’était assise, pour n’en plus bouger, sur leseuil de sa porte, au cinquième étage. La misère a-t-elle uneexpression ? Si elle devient l’indigence même, on s’habituesur-le-champ à la confondre avec le néant. Madame Angel est mère dequatre enfants ; son mari mourut l’an dernier, pris dans l’engrenaged’une machine à vapeur, victime de l’industrie, dans l’atelier où iltravaillait pour vivre au jour le jour. L’atelier ne fut pas fermé ; ondit, entre voisins, qu’un ouvrier était mort et qu’il laissait unefemme et des enfants ; l’émotion s’arrêta là. La veuve recueillitl’héritage du travailleur : beaucoup de larmes, sans pain, elle luttecontre la misère ; elle est beaucoup plus morte que son mari..."

Le Garde champêtre (1841) par François Coquille : "Vousl’avez rencontré le long des haies, sur le bord des taillis, au milieudes prairies et des champs ; vous l’avez reconnu à son pas régulier, àson extérieur moitié civil et moitié militaire, à son air d’importanceet de simplicité, à son sabre, à sa plaque, et mieux encore à sontricorne surmonté d’une cocarde. Cet appareil presque menaçant, loin devous alarmer, vous a fait sourire, et vous avez échangé un salut amicalavec le défenseur de la propriété et de l’ordre public..."

Petits métiers littéraires (1841) par Francis Guichardet : "LE mendiant de lettres est une des plaies de la littérature, un des plus horribles ennuis de la gloire que nous espérons tous. Jevous suppose aussi inconnu que le dernier rapin littéraire, et, sousl’influence d’un cauchemar dramatique, vous vous abandonnez aux rêvesde vos prochains succès, encore endormi dans les bras de Morphée, comme le disait M. E. Dupaty, de l’Académie française. Lebruit de votre sonnette vous a jeté bien loin de vos illusionslittéraires. La figure grimaçante d’un créancier est venue se glisserdans le brouillard de votre réveil ; tous les bottiers aiment à voir lever l’aurore !.."


Le Club de petite ville (1841) par Francis Guichardet : " LORSQUEles gens du monde sont attroupés, ils se croient en société. – Ce motd’un des écrivains satiriques du siècle dernier peut assuréments’appliquer encore aujourd’hui à certaines réunions formées parl’habitude et soutenues par le désœuvrement. Une ville du départementdu Calvados se rendit autrefois célèbre par l’originalité de sesassemblées quotidiennes. L’industrie n’y avait pas encore introduit sesgigantesques inventions ; l’esprit de spéculation n’était pas venul’envahir ; le petit commerce lui-même, soumis à des idées destagnation, s’y trouvait depuis longtemps renfermé dans d’étroiteslimites, et cela parce que les paisibles habitants de ce fortuné paysavaient pris la sage résolution de jouir en paix des douceurs de la société..."

Les Restaurants du Quartier latin ; La Rue où l’on ne meurt pas(1841) par Louis Roux : " FAIRE l’histoiredes restaurants du quartier latin serait écrire celle de toute la viedes étudiants, qui, en général, ne connaissent pas d’autre régime,d’autre alimentation que celle du restaurant. Rienn’est plus renommé que les restaurants du quartier latin, ce qui neprouve pas qu’ils le soient par la bonne chère qu’on y fait. L’étudiantretranche volontiers quelque chose à ses dîners pour ajouter à sesplaisirs. Si, dans les restaurants du quartier latin, vivre peutsembler un paradoxe, en revanche, manger y est la plus substantielledes réalités. Un bon esprit et un bon estomac ne sauraient s’empêcherde reconnaître qu’on y vit mal, et qu’on y mange bien, c’est-à-direbeaucoup et à juste prix..."

Les Bals d'été ; Les Bals d'hiver (1841) par Amédée Achard (1814-1875) : " MALGRÉ l’autoritédidactique de M. de Saint-Lambert, poëte officiel des saisons, laTerpsychore parisienne n’en reconnaît que deux dans le cours de l’annéesolaire : elle a destitué l’automne et le printemps ; seuls l’été etl’hiver jouissent d’une existence légale devant la baguette de seschefs d’orchestre, qui sont ses grands ministres. L’étéchorégraphique commence le 1er mai ; il naît avec les fleurs ; lapremière contredanse est sœur des lilas de Romainville. Il meurt avecles feuilles jaunes ; comme le poëte de Malfilâtre, il attend la pâleautomne pour expirer, et la dernière grappe qui tombe marque sadernière valse..."

Le Grand Messager boiteux pour 1824 : Variétés instructives, morales ou plaisantes : "Lorsqu’unjeune homme de l'une de nos petites villes d’Alsace vient pour lapremière fois à Strasbourg, il est tout ébahi de voir cette populationnombreuse qui circule rapidement dans ses rues, ces maisons à 4 et 5étages serrées l'une contre l'autre : et cependant Strasbourg, sous cerapport, ne peut guères se comparer qu'à un faubourg de Paris. MaisParis même, cette grande et superbe ville, est pour l'étendue et lenombre de ses habitants encore bien au-dessous de Londres. Là oncomptoit, en 1811, 1.990.300 habitants qui y vivent tant bien que mal.Probablement les deux millions seront bientôt complets. Cette villecontient donc à elle seule le quart de toute la population du royaumed'Angleterre. On pourroit loger à Londres la masse entière des sujetsde certains royaumes..."

Le Grand Messager boiteux pour 1824 : Almanach de l'agronome,contenant les travaux que le cultivateur et le jardinier doivent fairependant chaque mois : "Mois de Janvier. - Commele froid ou le mauvais temps oblige de rester à la maison, on doitprofiter de cet intervalle pour raccommoder tous les instruments dulabourage, tels que charrettes, charrues, harnois, et apprêter leséchalas pour la vigne ; travailler aux chanvres et aux lins, saler lescochons. Quand le temps permet de sortir, on doit tailler la vigne,couper les saules et les peupliers, fumer les arbres qui languissent,enter ceux qui sont hâtifs ; labourer les terres légères, relever lesfossés, couper des bois pour les espaliers et les treilles, tailler lesarbres des jardins, piocher les framboisiers, couvrir les plantes desfleurs qui craignent le froid, mettre à l'abri des trop grandes pluiesles anémones et les jeunes plantes semées dans des pots ou caisses..."

 La Suprême hôtesse (1905) par Saint-Pol-Roux (1861-1940) : "Sous un soleil d'aïoli je flâne parmi ces palettes de Monticelli quesont, autour de la bitumeuse toile du Vieux Port, les quais deMarseille, et je vais du tas d'oranges au tas de mandarines, de lapyramide de maïs à la pyramide de blé, des couffins de figues auxcouffes de pistaches, du vieil or fondant des dattes aux trophées debananes, tous produits importés de pays suscepti-bles de figurer sur lamappemonde comme autant de tapis bizarres..."

 Berceuse marine (1905) par Mécislas Golberg (1869-1907) : "Levent froid souffle de la montagne. Il chasse des nuages qui,paresseux, pèsent sur les cimes ou se traînent indolents sur la plainedes eaux. Soudain, le rideau qui ferme l'horizon se déchire et dans lelointain,frémissante et lumineuse paraît la mer.  Elle va vers la Corsefleurie et la blanche Afrique, vers la Sicileparfumée, vers Nice vêtue de manteau d'arlequin et couronnée de roses.Elle revient à la rive et fouette les pierres qui sanglotent. Enléchant le sable, elle se couche à mes pieds. Puis une brise l'éloigné.Un appel des profondeurs marines la fait fuire. La mer va et vient. Sonmagnifique poitrail se lève et retombe encadence des vents et des forces mystérieuses..."

 Marcel Lami (1909) par Paul Margueritte (1860-1918) : "Celui qui portait, comme unmasque de verre, ce nom plein de douceur, avait eu le cœur et le visageravagés par le plus tragique destin. Ceux qui, en ces dernières années,ont rencontré Henri Chambige, avec son haut front réfugié vers lescimes du rêve, ses yeux douloureux, son sourire meurtri ; avec ce beaumasque pétri de souffrance et de fierté, ce masque aride où luisait unadmirable reflet de soleil d'âme ; ceux-là ne l'oublieront plus..."

 Les Fusillés de Vingré (1926) par M. Nadaud et M. Pelletier : "Pour peu expérimenté que l’on fût en 1914 en matière de guerre deposition, on en savait assez pour, en s’inspirant d’inattaquablesprincipes, ne laisser en toute première ligne, qu’un rideau deguetteurs. Aussi le sous-lieutenant Paulaud de la 19e [?] compagnie du298e R.I., à qui, le 27 novembre, était confiée la garde de la tranchéede la Maison détruite, enavant de Vingré, décida-t-il de ne laisser dans l’élément de droite dela tranchée qu’un petit poste de cinq sentinelles doubles, des 3e et 4eescouades ; à la gauche de cette ligne, deux autres escouades étaientaux créneaux, la 5e, caporal Floch, la 6e, caporal Venat..."

Petit guide de médecine élémentaire à l’usage de la famille [et] Dictionnaire vétérinaire pratique à l’usage de la ferme (1912) : Abcès.— C'est un amas de pus qui se forme dans une partie enflammée et dontla cause déterminante est généralement un coup, une foulure, un effort,etc... Traitement : cataplasme de farine de seigle et d'huile de colza,pour faire mûrir l'abcès ; à maturité, le faire ouvrir par un médecin,continuer les cataplasmes, et nombreux lavages antiseptiques. Nousrecommandons tout particulièrement le Papier Fayard quiest souverain pour le traitement et la guérison des abcès, panaris,furoncles, anthrax et tumeurs. Depuis quelques années, les Drs Brocq,Massié-Debouzy, etc., ont expérimenté la levure de bière dans letraitement des abcès, furoncles, etc. La Levure de Bière Strauss atoujours donné d'excellents résultats en raison de sa pureté. —Demander la notice, Pharmacie de la Croix de Genève, 142, boulevardSaint-Germain, Paris...

Le Boulevard des Italiens(1841) par Edmond Texier (1815-1887) : " CHAQUEboulevard de Paris a sa physionomie qui lui est propre, avec seshabitudes, ses mœurs et ses hôtes particuliers. Le boulevard Montmartretouche au boulevard des Italiens, et cependant un abîme les sépare. –Cet abîme de quinze pieds de large, qui est la rue Richelieu, sert defrontière à deux populations tout à fait différentes. – C’est leRubicon de deux empires limitrophes. – Il n’y a que Paris qui puisseoffrir aux regards de l’investigateur ces changements à vue depopulations. Nous ne nous occuperons pour aujourd’hui que du boulevarddes Italiens..."

Physionomies du jour de l’an, Les Visiteurs du salon : I& II(1841).(1841) par FrancisGuichardet (18..-18..) : "LES misanthropesde la presse, La Bruyères à trois sous la ligne, moralistes chagrins,se plaisent, depuis quelques années, à poursuivre de leurs sarcasmes cequ’ils appellent les ridicules du jour de l’an.On dirait que tous ces esprits mal faits se sont donné le mot pourfaire disparaître ce jour néfaste du calendrier. A les entendre, leursrelations variées et les convenances du monde les mettent dans lanécessité de se ruiner par de folles dépenses, de vivre de privationspour faire honneur à des exigences consacrées, d’emprunter même, s’ilsveulent se donner des allures de Noureddin ; et ce mécontentement, cesfolles dépenses, ces emprunts, ces privations, cette ruine complète, seréduisent à vingt francs qu’ils partagent somptueusement entre leportier, le facteur, les porteurs de journaux, et les garçons de leurscafés !.."

Paris nocturne (1841) par Louis Roux (18..-18..) : PARIS a des phénomènes de relation qui établissent desanalogies entre son existence et celle d’un corps anatomiquenaturellement organisé ; nous dirions encore que, jouissant d’unsystème sidéral bien supérieur à celui du firmament, Paris, sublimecomposé d’astres et de planètes, opère une révolution diurne etnocturne, si sa physionomie devait résulter de similitudesmicroscopiques ; mais Paris est plus à même de fournir des comparaisonsque d’en emprunter aux autres. Nous allons, sans être un Homère, procéder à la façon de l’Odyssée,et contempler Polyphème pendant son sommeil..."

Le Garde-côte (1841) par Charles Rouget : " POURbon nombre de Français, pour quantité de Parisiens, surtout, le typeque nous avons choisi est parfaitement inconnu. Ce ne sont plus là deces physionomies heureuses que chacun reconnaît et salue, devantlesquelles on s’arrête en souriant, qui ont droit de bourgeoisie parminous, droit consacré depuis longtemps et que nul ne leur conteste.L’Épicier, l’Étudiant, la Grisette, trois types s’il en fut, et quenous prendrons pour exemple entre mille, se sont merveilleusementpassés du secours de la définition. Ils se sont présentés, et toutd’abord on les a reconnus. Cordialement accueillis, fêtés, choyés detous, qui donc aurait osé élever le moindre doute sur leur identité ?Quant à nous, moins heureux, nous allons avoir à  justifierbientôt de nos prétentions ; déjà le lecteur nous guette, et, placé envedette sous la forme d’un point d’interrogation, il nous appréhende aupassage..."
« Qu’est-ce qu’un garde-côte ?


Le Mineur (1841) par F. Fertiault (1814-1915) : "IL estcertaines existences que d’immenses travaux, de vastes exploitationsaccaparent, absorbent tout entières ; qui semblent pour ainsi dire lesvictimes résignées et sans réplique de quelques impérieux besoins.Toutes sont exposées, à différents degrés, à des dangers plus ou moinsgrands, plus ou moins continuels : ainsi le soldat a le canon, le marinles tempêtes, dangers, certes ! dont on peut difficilement nierl’imminence et la gravité ; mais dangers intermittents, dangers semés àintervalles de vives jouissances ou de gais repos ; tandis quel’existence que je veux vous faire connaître, et qui réunit à elleseule les périls de toutes les autres, a, de plus que ces autres, queses périls sont incessants, et qu’il n’y a pas de minute où la crainte,si l’habitude ne diminuait la crainte, ne lui fasse voir, près decrouler sur elle et de l’envelopper, les accidents et les catastrophesde tous les genres… Cette existence est celle du mineur..."

Le Missionnaire (1841) par Taxile Delord (1815-1877) : "CE personnageappartient principalement à la France, et c’est pour elle un véritabletitre de gloire. Les autres nations sans doute se montrent encorejalouses d’étendre au loin l’influence du christianisme, mais nullepart les efforts tentés dans ce noble but ne sont plus continus, plusgénéraux, plus persévérants que dans le royaume de Clovis. C’estl’honneur de notre patrie d’avoir toujours été le centre universel, lepivot du catholicisme. Malgré nos révolutions, l’esprit catholiques’est toujours maintenu en France. Ce que la royauté faisait pour lesmissionnaires au temps des splendeurs monarchiques, ce sont lesindividus qui le font aujourd’hui. La religion du Christ n’a jamaismanqué d’appui parmi nous : du nord au midi, du couchant à l’aurore, depieux travailleurs sèment leur moisson. L’instinct des navigateurs abeau les pousser vers des régions inconnues, vers des mers inexplorées,vers des terres sauvages, d’autres navigateurs découvriront cesrégions, parcourront ces mers, habiteront ces terres en même tempsqu’eux : ces navigateurs guidés par le ciel sont les missionnaires. .."

Le Canut (1841) par Joanny Augier (1813-1855?) : "LE canutétait, il y a dix ans, presque inconnu en France et en Europe ; sarenommée ne s’étendait pas plus loin que les barrières de la ville deLyon, ou du moins ne franchissait pas les limites de quelques communesdu département du Rhône, résidences habituelles de cet ouvrier. Maisdepuis les événements qui ont suivi la révolution de 1830, c’est-à-diredepuis les mois de novembre 1831 et avril 1834, le canut s’est produitau grand jour par sa participation aux scènes désastreuses qui ontensanglanté la seconde cité du royaume. Jesuis loin de vouloir ici parler politique ou commerce… Je ne veux pasnon plus discuter les motifs justes ou injustes que les ouvrierslyonnais invoquèrent pour courir aux armes et pousser le cri de révolte; je ne veux envisager le canut que dans sa vie privée, dans cette viede persévérance et de labeur qui contribue pour une bonne part à laprospérité de la France. Je serais fort embarrassé de donner ici l’étymologie du mot canut,par lequel on désigne l’ouvrier de la fabrique lyonnaise, qu’iltravaille sur la soie, le velours ou les châles. Ce mot est-il dérivé decanette, bobine sur laquelle se roule la soie ? Grammatici certant, et adhuc sub judice lis est..."

Le Religieux (1841) par Georges d'Alcy : "AU milieude notre monde parisien, de ce beau royaume de France, si plein debruits et d’agitations, ce n’est point l’avenir qui nous préoccupe,c’est encore moins le passé. Nous vivons au jour le jour, je ne diraipas sans illusions, car l’homme subira toujours les illusions del’amour-propre ; mais sans croyances ; seulement pénétrés de nosmérites personnels et du petit rôle que nous prétendons remplir sur lascène du monde, les uns aux dépens des autres. Nous n’avons que del’indifférence pour tout ce qui vit et s’agite en dehors de notresphère, pour tout ce qui n’influe pas directement sur notre bien-êtrematériel, et les événements où nos passions sont engagées sont lesseuls qui nous intéressent. – L’égoïsme et l’indifférence, – voilà laplaie de l’époque, les signes précurseurs d’une transition ou d’unedécadence ; aussi, pouvons-nous à plus d’un titre appliquer à notregénération ces vers si énergiques qu’Horace adressait à la jeunesseromaine..."

Le Tailleur (1842) par Roger de Beauvoir (1809-1866) : QUEL  estce pauvre hère, aussi maigre que la batte d’Arlequin, jaune et maladifà faire trembler, dont la poitrine rentrée décrit un arceau, dont lesjambes grêles forment un X ? Un bouquet de barbe taillée en pointe à lafaçon de celle de Don Quichotte grisonne sur son menton, des lunettesde magicien ou d’alchimiste pincent son nez ? il laisse tomber de joieses ciseaux en vous voyant tourner le coin de sa rue et monter sesquatre étages. Vous sonnez à sa porte, et il vous reçoit avec lesfaçons les plus humbles, vous offrant la meilleure chaise de chez lui.Il n’a pas de valet, il n’a que sa femme, sorte de figure chinoise quiincline la tête à vos moindres ordres, et dont le sourire stéréotypécommence au premier de l’an pour finir à la Saint-Sylvestre. A vousvoir monter chez cet homme logé au plus haut palier de la maison,vivant dans une cage méphitique, entre un perroquet déplumé et unefemme qui sent la cuisine, un provincial croirait que vous lui portezquelque aumône ; vous sortez cependant, et il vous reconduit, sonbonnet de soie noire à la main, en descendant vingt ou trente marches.Serait-ce un usurier ? il est trop modeste ; un propriétaire ? ilserait bien mal logé ; un auteur ? cela pourrait être. Levez les yeuxet regardez cet écriteau, il vous dira son métier. C’est un tailleur..."

Le Sergent de Ville (1842) par Armand Durantin (1818-1891) "IL ya dans notre monde civilisé de ces plaies tellement vives, tellementhonteuses, que le cœur se soulève de dégoût rien qu’à les voir ; il estde ces cloaques dont l’impureté répugne assez pour que l’on tremble enmettant le pied sur le seuil de leur porte ; il existe quelques classesd’hommes dont le nom seul est une insulte, une ignominie, un fer rougequi se grave ineffaçable, comme jadis les terribles lettres T. F. surl’épaule du galérien. S’il a fallu du courage à Parent-Duchatelet pourvisiter les égouts ténébreux de la capitale, il lui fut nécessaire d’enavoir plus encore pour franchir la porte de ces repaires impurs, de ceségouts parés de guirlandes flétries où l’on voit trôner en souverainela prostitution dans la moderne Babylone. C’est dans les grandes villes comme Paris que toutes les misères de la société viennent se cacher..."

Les Ouvriers du fer (1841) par Emile de La Bédollière (1812-1883) : "UN autrevous a dit quels hommes sillonnaient le sein de la terre pour enextraire les richesses ; étudions maintenant la classe des travailleursqui, recevant le minerai à l’état brut, le fond, le plie, le façonne eninstruments à notre usage : classe de salamandres humaines quis’agitent au milieu des flammes ; cyclopes des temps modernes, noirsesclaves de l’industrie, ruisselant de sueurs intarissables au servicede la communauté sociale. LaFrance est féconde en mines de fer. On en trouve aux quatre pointscardinaux, dans les Ardennes comme en Corse  et sur les confins dela Savoie, dans la Charente comme près des côtes de la Manche.Choisissons, s’il vous plaît, nos modèles dans les départements ducentre, formés du morcellement du Berri, du Nivernais, du Bourbonnais,de la Bourgogne, du Forez, etc. Le fer y est abondant, d’excellentequalité, presque à fleur de terre,..."

Le Bohémien (1841) par Amédée Achard (1814-1875) : "NE vousétonnez pas trop de rencontrer l’enfant perdu de la Bohême dans cettegrande galerie où les Français seuls ont droit de bourgeoisie. Pourn’être point de la même famille, il a cependant des titres à notreattention. Si le Champenois ou le Normand heurte les Bohémiens dans saroute, c’est que les Bohémiens, comme ces aventureux bâtards qui,n’ayant aucune origine, prenaient hardiment le nom d’une race noble,ont posé le pied sur le sol de la France, et, s’y trouvant bien, y sontrestés. Allezdans le Midi, dans le Languedoc, en Provence, dans le Roussillon, etpartout, au fond de la vallée, sur le flanc de la montagne comme dansla plaine, vous trouverez le Bohémien, vagabond qui ne sait d’où ilvient, et ne sait pas davantage où il va..."

Le Lutteur (1841) par Henri Rolland : "IL estdes noblesses abâtardies, des royautés devenues mendiantes, des statuestombées du piédestal, des arts descendus au rang de métiers. Combien decolosses puissants qui étonnent nos yeux dans les temps passés parleurs proportions, se sont amoindris en traversant les époques, ainsique les bâtons flottants sur l’onde ; soit qu’à la façon de Procuste,nous les ayons écourtés à la mesure de nos tailles, soit que les âgesaient emporté leur physionomie peu à peu, de même que chaque instantdissipe les parfums d’une cassolette ! Qui reconnaît sous le toit del’échoppe aux contrevents verts, dans le vieillard courbé sur un bureauzébré d’encre et de coups de canif, le scribe, commensal des rois etdes seigneurs, qui guidait la plume dans les doigts ignorants de lachâtelaine, le poignard sur le parchemin dans la main rebelle duchevalier ? Et le barbier-chirurgien-étuviste, ce prototype de Figaro,jadis armé du rasoir et de la lancette, gazette babillarde du scandale,entremetteur d’intrigues, alègre et prospère, n’a-t-il pas vu sonmonopole envahi, morcelé, et maintenant n’en est-il pas réduit au platà barbe que piteux  et morne il tend comme la sébille du pauvre ?L’athlète et le gladiateur, que Phidias, Ctésilaos, et Agasias, ontreproduits en marbre comme un défi de perfection à notre humanitédégénérée, façonnés dans le moule antique, grec ou romain, peuvent-ilsavoir même une copie décolorée dans le LUTTEUR denos temps, court et trapu ; lourd et commun ; grossier d’allure, etqui, comme Quasimodo, fait mentir l’axiome que de l’harmonie naît laforce ? "

Le Braconnier (1841) par Joseph Lavallée (1801-1878) : "EN France,le gibier est devenu tellement rare, qu’il ne saurait offrir unesubsistance assurée même à l’homme le plus adroit. Si cependant unindividu entreprend de vivre uniquement du produit de sa chasse, s’ilne veut pas avoir recours à une autre industrie, il sera dansl’alternative, ou de mourir de faim, ou d’employer des moyens quirépugnent à un chasseur honnête. Il ira dévaster des terres surlesquelles il n’a aucun droit. Lorsque, par des soins assidus etchèrement payés, on sera parvenu à peupler une propriété d’animauxsauvages, il dérobera le fruit de tant de peines et de dépenses. Lebraconnier, c’est l’homme qui a l’habitude de chasser sans permissionsur le terrain d’autrui, pour tirer un profit de son gibier..."

Le Vicaire de province (1841) par Augustin Chevalier (1811-18..) : "SUR laplace de la Madeleine de la petite ville de B***, si par hasard unvoyage d’agrément ou des affaires vous y ont conduit, voyez-vouspasser, le soir, à l’heure de l’Angélus, ce jeune prêtre dont le rabatest si frais, le tricorne si bien brossé, dont la ceinture flotte siample et si soyeuse, et qui, à chacun de ses pas, comme une femme, faitentendre un frôlement coquet et gracieux ? De droite et de gauche, surla place, avec empressement, avec respect, on le salue. Il se détourne,il se découvre, d’un air moitié sérieux, moitié souriant ; voyez :chaque fois de ses cheveux frisés, poudrés jusqu’à la tonsure, tombe ets’éparpille en ondoyant un léger nuage embaumé dont le contact blanchitle collet de sa soutane..."

Le Contrebandier (1841) par Victor Gaillard : "SOUVENT ona cherché à diminuer la contrebande par de beaux raisonnements, maissur ce point, comme sur d’autres, la moralisation a échoué contrel’empire des instincts naturels. Impossible de déterminer l’immensemajorité des consommateurs à résister héroïquement aux séductions dubon marché, pas plus qu’à répudier bravement l’usage des marchandisesétrangères importées par la fraude. Que voulez-vous ! le monde estainsi fait et comprend si peu un tel effort de patriotisme, que, pour ysuppléer, l’état entretiendra longtemps encore une armée de trentemille douaniers, disposée par lignes parallèles aux frontières..."

L'Élu du clocher (1841) par J. Martin : " LA chambredes députés en compte au moins trois cents de cette trempe sur sesquatre cent cinquante-neuf membres. Trois cents Cincinnatus que lesuffrage rural a arrachés à leur charrue pour en faire des Démosthènes; trois cents aigles d’arrondissement qui ont fait leur chemin par undiscours de comice agricole, ou par une brochure sur les prairiesartificielles. C’est l’élément le plus nombreux de la majoritéparlementaire, celle qui préfère une invasion de Cosaques à uneinvasion de bestiaux, et qui salue en germe, dans la betterave,l’émancipation des nègres. D’ordinaire,l’élu du clocher est timide dans ses débuts, mais il lui faut peu detemps pour se procurer une éducation représentative digne de fairesuite à l’éducation d’Achille. Quand son épouse s’est dit : « Ça nepeut plus se passer comme ça, il faut que nous soyons député, « notrehéros se met à la besogne, et désormais, comme Guzmann, il ne connaîtraplus d’obstacles. Il sait les côtés faibles des herbagers, desnourrisseurs, des métayers, des laboureurs qui ornent sonarrondissement, et il se présente à eux comme un homme qui comprendleurs besoins. Sur quoi l’arrondissement se dit en masse : « Nommonsqui me comprend ; il est toujours agréable d’être compris. » Pour peuque l’élu du clocher sache en outre lever le coude à propos etdistribuer des poignées de main avec intelligence, il est sûr de sonaffaire, il sera député, il va l’être, il l’est... "

Le Directeur d'un théâtre de province (1841) par A.Perlet (1785-1850) : "C’EST engénéral un type d’homme assez plaisant ; mais l’espèce ou la familledont il fait partie offrant de nombreuses variétés, on se bornera àdécrire ici le directeur de troupe ambulante. – Nos principales villesde province, telles que Lyon, Bordeaux, Marseille, Rouen, Nantes, ontdes spectacles sédentaires à l’année ; les autres sont formées enarrondissements théâtrals numérotés comme les mairies de Paris. Leministre de l’intérieur les concède par privilége, ce dont l’heureuxtitulaire instruit orgueilleusement son public par cette invariableannonce imprimée en caractères splendides au front de son affiche : Ledirecteur breveté du dixième ou du trentième arrondissement théâtralaura l’honneur, etc. Ce n’est pas de ce mortel heureux, de ce fiersuzerain dont nous essayerons de vous tracer l’image, mais bien de sonhumble vassal, de son respectueux feudataire… en un mot, du directeurde la seconde troupe. Pour comprendre les tribulations sans nombre, laposition toujours précaire de ce dernier, il faut savoir que chaquearrondissement théâtral se compose d’ordinaire de la réunion de cinq àsix villes de troisième et de quatrième ordre... "

Dieppe (1927) par J.-E. Blanche 1861-1942) ; "UNmatin d’août, tandis que l’orchestre exécutait quelque valse d’Arban lecornettiste, Aubrey Beardsley, malade, grelottant, buvait un verre delait et de soda sur la terrasse du Casino. Il me montra la trouvaillequ’il venait de faire ; c’était un exemplaire des Mémoires pour servirà l’histoire de la Ville de Dieppe, par Denys Guibert. Beardsley etOscar Wilde, attablés ensemble, riaient aux éclats du rôle joué par les« guerriers anglois » pendant les guerres de religion. Ceux-ciattiraient dans leurs camps du pays de Caux les petits Polletais, pourleur apprendre l’usage du tub et les convertir à la religion «prétendue réformée ». Aubrey a su par cœur certaines pages du docteprêtre, descriptions où il se délectait de cortèges, de fêtes, demystères représentés dans l’église Saint-Jacques. « Étonnante ville !Quelle histoire, depuis Brennus jusqu’à Oscar ! s’écriait Aubrey. Il mesemble que je vois le Dieppe médiéval, celui de la Renaissance, celuides époques à perruque, aussi nettement que la rue Aguado au temps dela Dame aux camélias et de l’impératrice Eugénie. Nous devrionsorganiser des pageants, sans toutefois faire revivre Charlemagne et lareine Berthe, sa mère ; encore moins Brennus. Ne nous perdons pas dansla légende ! Nous commencerions aux guerres de religion. Je mechargerais de la mise en scène ! Les Français n’ont pasd’imagination... "

Toulouse (1927) par Tristan Derème (1889-1941) : "VOUS, qui n’ignorez rien de ce qui germe, fleurit, mûrit et meurt auxprairies, aux forêts comme aux antres du Parnasse, saviez-vous, tandisque j’écrivais ce petit ouvrage, que je me réjouissais à la penséequ’il vous serait dédié ? Déjà, je vous imagine tournant ces feuillets et j’entends votreaffectueuse critique. Qu’est-ce, murmurez-vous, qu’un TOULOUSE où setrouvent rapportées les aventures d’un canard et de plusieurs escargotsdans un jardin ensoleillé de Marmande, un TOULOUSE où l’on rencontre, àChantilly, M. Paul Bourget, tandis que le cinéma, sous les feuillages,moud les couleurs et les lignes pour en former des images futures ?..."

Philibert Lescale, esquisse de la vie d'un jeune homme riche à Paris (1845) par Stendhal (1783-1842) : "Jeconnaissais un peu ce grand M. Lescale qui avait six pieds de haut ;c'était un des plus riches négociants de Paris : il avait un comptoir àMarseille et plusieurs navires en mer. Il vient de mourir. Cet hommen'était point triste, mais, s'il lui arrivait de dire dix paroles en unjour, on pouvait crier au miracle. Cependant il aimait la gaieté etfaisait tout au monde pour se faire prier à des soupers que nous avionsétablis pour le samedi, et que nous tenions fort secrets. Il avait del'instinct commercial et je l'aurais consulté dans une affairedouteuse..."

Histoire et physiologie des boulevards de Paris et  Ce qui disparait de Paris (1845) par Honoré de Balzac (1799-1850) : "Toutecapitale a son poëme où elle s'exprime, où elle se résume, où elle estplus particulièrement elle-même. Les Boulevards sont aujourd'hui pourParis ce que fut le Grand Canal à Venise, ce qu'est la Corsia dei Servià Milan, le Corso à Rome, la Perspective à Pétersbourg (imitation desboulevards), Sous les Tilleuls à Berlin, le Bois de la Haye enHollande, Regent-Street à Londres, le Graben à Vienne, la porte duSoleil à Madrid. De tous ces cœurs de cités, nul n'est comparable auxboulevards de Paris. Le Graben, à peine long comme le plus petit de nosboulevards, ressemble à une bourgeoise endimanchée. Sous les Tilleulsest aussi morne que le boulevard du Pont-aux-Choux ; il a l'air d'unmail de province, et commence par des hôtels qui ressemblent à desprisons d'État. La Perspective ne ressemble à nos boulevards que commele strass ressemble au diamant, il y manque ce vivifiant soleil del'âme, la liberté... de se moquer de tout, qui distingue les flâneursparisiens. Les usages du pays empêchent d'y causer trois ou des'attrouper à la moindre cheminée qui fume trop. Enfin, le soir, sibeau, si agaçant à Paris, fait faillite à la Perspective ; mais lesédifices y sont étranges, et, si l'art ne doit pas se préoccuper de lamatière employée, un écrivain impartial avouera que la décorationarchitecturale peut, en certains endroits, disputer la palme auxboulevards..."

Le Médecin de village (1841) par J.-B. Écarnot (18..-18..) : "Vous prendrez, matin et soir, à jeun, deux pilules dans un pain enchanté,sans mâcher. Voici la boîte. Il y en a cinquante. C'est cinquante sous.Vous boirez de deux heures en deux heures, écoutez bien, de deux heuresen deux heures, une cuillerée à bouche de cette potion anodine,antispasmodique et laxative ; voici la fiole. Il y en a pour trentesous. Vous appliquerez tous les soirs, sur la partie douloureuse, uncataplasme de farine de graine de lin saupoudré de neuf gouttes, vous entendez, neuf gouttes de laudanum de Chidermann,ni plus ni moins, avec de la flanelle ou un bas de laine. Voilà lepaquet. Vingt sous. Au revoir. Soyez tranquille, tout ira bien ; jesuis là. Mangez peu, ne parlez pas, dormez jusqu'à mon retour, et sicela va plus mal, nous verrons. Je suis pressé..."

Le Griset du Midi (1841) par Eugène Dauriac (1815-1891) : "Cenom semble vous étonner, et vous me demandez déjà si je ne vais pasdépeindre le petit chardonneret qui n'a pas encore pris son rouge etson jaune vif, ou le singe maki, ou l'espèce d'arbousier qui portent cenom. Point du tout ! Cependant, à Paris, me direz-vous, nousconnaissons bien la sémillante grisette, si sincère dans sonattachement, si facile à séduire, et jamais nous n'avons entendu nommerle griset. D'accord, et le midi de la France ne le connaissait pas plusque vous avant le règne de Louis XV..."

La Bordelaise (1841) par André Delrieu (18..-18..) : "LORSQUE le maréchal de Richelieu, revenant de son gouvernement de Guienne, inventa levin de Bordeaux et en fit goûter pour la première fois à Louis XV, ons'étonna beaucoup, à la cour et à la ville, que cette liqueur charmantefût restée si longtemps dans les ténèbres de la province et sur latable du paysan. Mais le maréchal de Richelieu se garda bien de direqu'il avait découvert la Bordelaise, autre cru peu goûté de son siècle,que Garat mit à la mode sous le directoire, et qui est aujourd'huiclassée dans la mémoire des touristes avec autant de distinction que leSaint-Julien dans la cave des gourmets. Les femmes de qualitén'auraient point pardonné au maréchal de faire une réputation à laprovince, quand on était en droit de croire que Paris devait suffire àla sienne. Comme nous n'avons pas les mêmes raisons de nous taire, nousserons heureux de parler..."

Deauville (1927) par Pierre de Régnier (1898-1943) : " DEAUVILLE,comme son nom l’indique est une ville d'eaux. A la vérité, on n'y boitguère, pendant la saison, que du champagne ou du cidre ; en dehors dela saison, on n'y boit rien : il n'y a personne. D'ailleurs, nullesource n'y coule, excepté la Touques, qui la sépare de Trouville, sarivale vaincue. Comme eau, à Deauville, je n'en vois pas d'autre que lamer, qui, par pudeur, se retire chaque année au-delà de toute espérance; car la mer, à Deauville, je vous le demande, à quoi cela sert-il ?Et, de plus, les ouvrages de médecine déconseillent vivement aux genscivilisés de boire de l'eau de mer sans se servir d'un alambic. Donc,comme dans l'histoire sainte, la mer s'est retirée ; où ? Très loin ;si loin que cela ne nous regarde plus ; pas plus que nous la regardons,d'ailleurs. La mer s'est retirée, ce qui nous a valu une plage : laplage fleurie. La Plage Fleurie est, d'abord, un terme bien connu depublicité, et, ensuite, une plage qui, à l'état normal, n'est pasfleurie du tout ; on y apporte, le treize juillet exactement, desfleurs en caisses et en pots, .... "

Ce que les aveugles voient(1899) : "On considère ordinairement l’aveugle comme un être inférieur,borné, inutile à la société, fatalement voué à la mendicité s’il estpauvre, à l’oisiveté s’il est riche, dans les deux cas, à l’ignorance.C’est là une profonde erreur. Les aveugles ont une foule de jouissancesdues à la finesse de leur ouïe qui leur permet d’être excellentsmusiciens, et de perceptions délicates dues au toucher qui leur permetde lire, d’écrire et de se rendre compte de bien des chosesmystérieuses que nous ne soupçonnons pas. L’histoire de ces sensationsest pleine de merveilles inconnues des « clairvoyants » et comme laclef d’un nouveau monde. Depuis cent ans, grâce à Valentin Haüy, lefondateur de l’éducation des aveugles, grâce à Louis Braille,l’inventeur de l’écriture des aveugles, et spécialement, depuisquelques années, grâce à l’Association Valentin Haüy, des milliersd’aveugles sont instruits, pourvus d’une profession et gagnent leur viepar leur travail. Pour que cette œuvre remplisse complètement son but,qui est d’arracher tous les aveugles à la mendicité, il suffira quetous ceux qui ont des yeux pensent quelquefois à ceux qui n’en ontpas..."

Pêcheur d'Islande(1899) par Anatole Le Braz (1859-1926) : "Perdus, pendant les nuitssans fin de l’hiver polaire, dans les brumes glacées de l’OcéanArctique, les bateaux de pêche venus de France, secoués par la mertoujours dure, ont à lutter pendant sept mois contre le vent qui faitrage sans répit, contre la tempête qui menace sans cesse. Exposés atoutes les rigueurs d’un climat farouche, les pêcheurs accomplissent auprix des plus dures fatigues au milieu des plus grands dangers, leurtâche épuisante. Toutes ces misères affrontées sans murmure pour unsalaire toujours minime, souvent dérisoire, devaient être secourues. –Un navire-hôpital est envoyé chaque année par les Œuvres de Mer pourcroiser dans les eaux d’Islande et procurer aux malades les soinsmatériels les plus urgents pour soutenir et ranimer les couragesabattus. – Evoquer cette rude vie des Islandais, c’est montrer combienil reste encore à faire pour améliorer le sort de ces pêcheurs, lesplus vaillants parmi les vaillants enfants des côtes de notre France..."

Ce qu'entendent et ce que disent les sourds-muets (1900) : " SENTIR quenous sommes en communication avec nos semblables, mettre nos émotions àl’unisson des leurs, échanger avec eux des idées, recueillir leursimpressions, leur faire part des nôtres, c’est là pour nous un besoinaussi impérieux que de nous mouvoir et de respirer. Nous ne pouvonsvivre en dehors de l’humanité. La solitude morale, aussi bien que lasolitude matérielle, nous est intolérable. C’est ce qui fait que lasituation des malheureux que la nature a rendu sourds en naissant estsi pénible..."

L'Impôt sur le revenu : ruine des travailleurs(1899) : "L’impôt sur le revenu est plus que jamais la question dujour. Ses partisans le célèbrent comme une conception nouvelleadmirable, comme une réforme destinée à soulager la grande majorité descontribuables, à satisfaire également la justice idéale, les intérêtsdu Trésor, les progrès économiques de la France. Ce sont là de grandsmots. En réalité, cet impôt, loin d’être nouveau, n’est que le retour àpeine déguisé à l’un des impôts les plus décriés de l’ancien régime. Ilaurait pour conséquence immédiate de paralyser le commerce etl’industrie, d’appauvrir le pays. Mais surtout il retomberaitlourdement sur les travailleurs et sur les petites bourses qui enseraient les véritables victimes..."

Un cas extraordinaire d'aspiration rectale et d'anus musical(1892) par le Dr Marcel Baudouin : "Depuis quelque temps, au MoulinRouge, un jeune homme se livre chaque soir, en cabinet particulier, àune série d'exercices purement physiologiques, qui en raison de leurscaractères un peu spéciaux, excitent à un degré extrême la curiosité etl'étonnement du public fréquentant cet établissement. Les spectateurs,au début tout au moins, restent incrédules, n'ajoutent pas foi à cequ'ils entendent, ou plutôt soupçonnent tous l'existence d'un truc plusou moins ingénieux. Pourtant ces expériences de physiologie humainesont parfaitement authentiques et, en réalité, du plus haut intérêt aupoint de vue scientifique..."

Une journée à l'école de natation (1845) par Eugène Briffault (1799-1854) : "Pour celui qui, dans les habitudes et les affections d'une grande cité,ne cherche pas seulement le côté plaisant ou l’aspect ridicule, chaquesympathie, chaque inclination, même celles qui étonnent le plus, ontdes causes originelles et nécessaires. En remontant avec rapidité etavec franchise le cours des âges, on voit chaque coutume et chaquepenchant naître naturellement des faits, presque toujours avec sagesse.Le temps, qui altère tout ce qu'il n'améliore pas, met souvent, il estvrai, la folie, l'extravagance, la manie et la déraison à la place dece qui était d'abord régulier et sensé. Le Parisien aime la Seine commele Vénitien aime l'Adriatique. L'enfant de Paris, s'il le pouvait,ferait de son fleuve une mer. Que de fois il a sérieusement rêvé ceprodige! Aussi, comme il traite gravement toutes ses relations avec laSeine ! Il a ses ports, ses canaux, sa flotte et sa populationmaritime, sa navigation, un commerce immense, ses trains flottants etses pyroscaphes : voilà pour ses intérêts, pour son travail et pour sonbien-être. Sur ce chemin, qui marche en traversant Paris, comme eût ditPascal, la ville voit se presser, à l'entrée du fleuve, les denrées desplus riches provinces ; à sa sortie, affluent toutes les productions dumonde. On a parlé des eaux qui roulaient de l'or ; l'industrie a chargéd'or le sable de nos rivières..."

Le Jockey-Club (1845) par Charles de Boigne (18..-18..) : "Lesclubs sont une importation anglaise modifiée parla Révolution deJuillet. Jamais, en France, nous n’eussions inventé, pour notreplaisir, ces établissements antiféminins Il n'y a plus aujourd'hui desociété proprement dite. La politique aporté le premier coup aux relations de salon, les clubs les ont tuéestout à fait. Une partie de la jeunesse parisienne s'est constituée enétat indépendant et somptueux, et elle s'est si bien trouvée de cettevie de luxe et de liberté, qu'elle a déserté les devoirs et lesaffections de famille. L'autorité paternelle ne fût pas seule atteintepar cette brusque émancipation des enfants. Les amours de théâtrerevinrent à la mode. Les jeunes gens étaient décidés à ne plus se gênerpour personne, pas plus pour un sexe que pour l'autre. Dans les clubs,chacun parle quand il veut, se tait, boit, mange, dort et joue quand ilveut ; s'il est une vie plus utile, en est-il une plus commode ? LeJockey-Club est né rue du Helder, vers le commencement de l’année1834..."

Préface au Traité des Hermaphrodits de Jacques Duval (1880) par Alcide Bonneau (1836-1904) : "LE traité desHermaphrodits, du vieux médecin Rouennais Jacques Duval, est depuislongtemps classé parmi ces livres curieux et rares que les bibliophilesaiment à posséder et peut-être à lire. La singularité du sujet, quepersonne encore n'avait étudié si à fond et que l'auteur sut étendrebien au-delà de ses limites naturelles, lui valut au XVIIe siècle unerenommée assez grande ; la bizarrerie et la naïveté du style, lesétonnants développements donnés à certains détails physiologiques, lalui ont conservée jusqu'à nos jours. Un médecin qui aujourd'huireprendrait ce thème le traiterait sans doute autrement, sur des basesplus certaines et à l'aide d'observations mieux contrôlées ; il feraitun livre plus scientifique, mais à coup sûr moins divertissant..."
 
Préface au Dictionnaire érotique latin-français de Nicolas Blondeau (1885) par Alcide Bonneau (1836-1904) : "SI l’on examine d’un peu près la langue érotique, lestermes et locutions dont elle se compose, tant chez les Anciens quechez les Modernes, on s'aperçoit que les écrivains puisent les élémentsde leur vocabulaire à trois sources principales. Il y a d'abord le mot cru, le terme propre, qui peut maintenant nousparaître assez malsonnant, mais qui certainement à l'origine ne devaitpas être obscène. L'homme donna un nom à ses parties génitales, àcelles de la femme, à l'acte amoureux, aux sécrétions qui en résultent,comme à toutes les autres parties du corps, à toutes les autres actionset sécrétions, sans choquer en rien la pudeur..."

Les Cadenas et ceintures de chasteté, notice historique (1883) par Alcide Bonneau (1836-1904) : "ON verra si l'onveut l'origine des Cadenas de chasteté dans ce nœudspécial, appelé Herculéen, qui attachait la ceinture de laine desvierges Grecques, et que le mari seul devait dénouer, le soir de sesnoces. Solidifiez ce nœud, appliquez-le à une armature de métal, etvous avez à peu près le Cadenas ; mais les Grecs ne paraissent pasavoir connu cet appareil de sûreté. Ce n'est que dans le conte deVoltaire que l'on voit Proserpine défendue par une armure de ce genre ;Vulcain, l'habile ouvrier, ne réussit jamais qu'à forger le fameuxfilet qui lui permit de surprendre le flagrant délit, non de l'empêcher; et quand Ulysse fermait la porte de son royal logis au moyen d'unecheville passée dans des courroies, il eût sans doute été bien en peinede mettre une serrure à Pénélope..."

Le Pain brié en Vénétie (1912) par GeorgesCelos (1870-1939) : "Dans un ouvrage précédent, le Pain brié, publié en1910, j’ai étudié cette sorte de pain, que l’on trouve en France, dansle Calvados, et, spécialement dans sa partie Est, où l’on mange le mêmepain qu’en Espagne et en Italie. Dans ce livre, où quelques lignes,seulement, étaient consacrées à la boulangerie, j’ai montré les raisonsd’après lesquelles on doit écrire : pain brié et non brillé ou brillié.Puis, j’ai considéré surtout les formes données au pain brié et faitvoir que celles-ci étaient, pour les pains briés de la région Est duCalvados, des formes phalliques, ctéïnnes ou placentaires, des formessexuelles, par conséquent ; et il est facile de voir, de ce côté, unehabitude ancienne, restée parmi certains Normands. Il est, dans noscivilisations modernes, un ensemble de croyances, de traditions trèsanciennes qui se rapportent à des âges très éloignés de nous, et qui,voilées par des siècles de vie modificatrice, n’apparaissent quedifficilement aux hommes actuels, parce qu’elles sont cachées parl’habitude, par la perte de leur vrai sens, et par la pudibonderie. Leculte primitif des hommes pour le Principe générateur, masculin ouféminin, en fait partie, et la question du pain brié, qui touche à desproblèmes d’ethnologie ardus, et à l’histoire aussi des primitivesreligions peut-être, est intéressante, parce qu’elle peut montrer ainsides vestiges de croyances disparues..."

Les Mots nouveaux : origine et acclimatation(1908) par Albert Dauzat (1877-1955) : "Comme les espèces animales, lesmots d'une langue naissent, se développent, dépérissent et meurent ;ils se reproduisent aussi, en laissant derrière eux une descendancesouvent nombreuse de dérivés et de composés ; ils connaissent enfin etpratiquent supérieurement la lutte pour la vie. Tous les jours, nousvoyons de nouveaux termes faire irruption dans la langue, livrerbataille aux anciens mots, sans respect pour les positions acquises etla possession d'usage : plus jeunes, plus vigoureux, mieux armés sansdoute pour le combat linguistique, ils délogent leurs prédécesseursd'une situation enviée, et les relèguent peu à peu dans les oubliettesde l'archaïsme..."

Le petit café des « Bons Gros » (1923) par Raymond de Nys (18..-19..) : "C'est, à l'ombre du clocher deSaint-Ambroise, à l'endroit précis où la vieille rue de laFolie-Méricourt s'amorce au boulevard Voltaire, un petit café pareil àtant d'autres et qui ne se remarquerait point, n'était son enseigne. Engrosses lettres noires, sur le mur blanchi à la chaux, on lit : « AuxCent Kilos ». Et cette légende est reproduite en lettres d'or sur lesfausses boiseries de la porte, sur les simili-marbres qui décorent ladevanture et jusque sur les vitres même. Ce petit café dédaigne-t-illes petits clients ? Ne lui faut-il que des Falstaffs ou des Gargantuas? Non. Mais à certaines    heures, une fois par mois, aumoins, il est le rendez-vous attitré des « Gros Ventres » de Paris :c'est le Siège social du Club des Cent Kilos, - société amicale et...sportive..."

Les menus du Siège, 1870-1871 (1909) par Frank Schloesser (18..-19..).

Une Apologie du Cannibalisme (1909) par B. Beau (18..-19..).

L'Art des Détectives modernes (1908) par le Dr R. Romme (18..-19..).

Comment retarder la chute et la canitie des cheveux ? (1910) par le Dr Léon Guelpa (18..-19..).

Paris en huit jours : Choses vues (1922) par Charles Torquet (1864-1938) : "Exposé des motifs. – Il y a déjà longtemps que je suis à Paris, maisje ne l’ai jamais « visité ». C’est, dit-on, un plaisir assez douteuxque les Parisiens laissent d’ordinaire aux provinciaux et auxétrangers. Mais ceux-là s’en donnent. Individuellement ou par essaims,ils se jettent sans cesse dans la ville pour l’apprendre en deux jours,en cinq jours, en huit jours, selon le temps et l’argent dont ilsdisposent. Ils s’y agitent, incertains, se cognent en bourdonnant, auxvitres et aux becs de gaz, parcourent des circuits plus ou moinscompliqués et puis ressortent soudain, pareils à ces grosses mouchesaffolées qui se sentent intruses. Et ils regagnent leurs foyers oucontinuent leurs voyages, bien persuadés qu’ils la connaissent dansles coins. Qu’en voient-ils ? Je me suis mis dans la peau de l’un d’eux pourvisiter Paris comme n’importe quel provincial ou quel étrangerordinaire, sans lumières spéciales – c’est beaucoup plus facile que dese mettre dans la peau d’un homme de génie..."

La Première sortie du Pape (1929)par Marcel Boulenger (1873-1932) : "Un salon, à Rome. Ce qu'on appelle un salon, un vrai, un difficile.Paraît une dame éblouissante : — Donc, ma chère, lui dit-on, vous allez demain voir la première sortiedu pape hors de son Vatican ? Imaginez quelle foule, quelle splendeur!... Nous avons tous des yeux étincelants en songeant à cet événementextraordinaire, qui ne s'était plus produit depuis 59 ans. Cependant,la dame éblouissante est une Romaine, son grand-père lui a raconté lesdéfilés de Pie IX. Et puis, il fait si chaud... Enfin, elle ne sait pastrop si elle ira. Elle a loué une fenêtre sur la place, bien entendu,mais vraiment..."

Valentine de Milan, Christine de Suède (1923) par Ernest Renan (1823-1892) : "Il est possible qu'avant moi quelque biblio­graphe avisé ait signalédéjà cette première prose. Je dois, en tout cas, à la plaquette qui lacontient des émotions et des souvenirs qu'aucun, bibliographe n'auracertainement éprouvés. Disons tout de suite qu'il s'agit d'une Enigme historique, parue dansune revue destinée à des jeunes filles, dirigée par Mlle S. UlliacTré­madeure, amie d'Henriette Renan. Je n'en savais pas davantage à l'époque où je fus mis en possession dece précieux texte. Je savais aussi que ces pages représentaient lesdébuts de Renan dans le monde des lettres. C'est Mme Ernest Renan, àqui je dois tant, qui me fit ce cadeau. Le cadeau se composait dequatre feuillets détachés, format in-8, dont la pagination, des rectosaux versos, se suivait de la façon que je vais reproduire : 933-340(quel saut diabolique !), 361-362, 363-364, 365-366. J'ignorais le nom précis du périodique, et je laissai passer desannées, remettant, comme il arrive dans une existence bondée detravaux, la vérification au lendemain..."

L'Homme il y a deux cent mille ans (1885)par Paul Nicole : "Beaucoup de personnes ont certainement entenduparler des découvertes extraordinaires, intéressant l’histoireprimitive de l’homme, dont plusieurs localités en France et àl’étranger ont été le théâtre plus ou moins récent. Des instruments enpierre, en os, en ivoire travaillés par la main de nos ancêtres à uneépoque immémoriale, ont été mis au jour, ainsi que des ossementsappartenant à des espèces animales, dont plusieurs sont depuislongtemps éteintes, ou ont disparu de nos climats, et même à des racesd’hommes, dont les annales historiques des différents peuples ne fontaucune mention..."

L'imprimerie en Europe aux XVe et XVIe siècles (1892) par Léon Degeorge (1843-19..) : "... Le relevé chronologique des premières productions de la typographie enEurope et des noms des imprimeurs qui, les premiers, ont exercé l'artd'imprimer depuis Gutenberg (XVe siècle) jusqu'à la fin du XVIe siècle,nous semble devoir offrir quelqu'intérêt aux érudits et aux amateursbibliographes. Des monographies spéciales à certains pays ont été publiées etcontiennent des indications plus ou moins étendues sur les origines del'imprimerie dans telle ou telle partie de l'Europe, dans telle outelle ville. Mais nous ne pensons pas qu'un travail d'ensemble présentant les nomsdes premiers typographes en Europe et les titres des premiers ouvragesqui virent le jour du XVe au XVIe siècle ait été publié jusqu'ici..."

Guillaume ou le parfait écolier [suivi de] Le Cadet généreux [et de] La Composition (ca1850) : "L’an 1674, mourut, à la Flèche,le quinzième jour d’août, GuillaumeRuffin, après avoir beaucoup vécu en peu de temps, comme parlel’Ecriture, et ramassé en moins de dix-huit ans le mérite d’un grandnombre d’années. C’est un exemple que Dieu a voulu proposer dans nostemps à la jeunesse chrétienne, pour lui apprendre que la sainteté estde tout âge, et que dans un corps encore faible on peut avoir une vertuconsommée. Nous allons rapporter ce que nous avons pu savoir de plus édifiant surcet humble serviteur de Dieu, afin qu’il soit d’autant plus connu aprèssa mort qu’il a plus affecté de se cacher pendant sa vie. Guillaume Ruffin était natif de Laval, ville considérable dans laprovince du Maine..."

Cent façons d'accommoder le mouton (1931) par Mademoiselle Rose (18..-19..) : "Un gigot de mouton doit être tendre, rebondi, de chair foncée, ne paspeser plus de sept livres entier et cinq livres raccourci. Battez-leavec le couperet à plat ou le rouleau à pâtisserie, dégagez etraccourcissez le manche, faites une entaille au couteau pour introduireune gousse d’ail, une autre pour maintenir la queue si elle existe.Enfilez la broche du côté du manche ou pour rôtir au four, posez laviande sur une grille mise dans un plat, mettez de la graisse dessus ;faites cuire à feu très vif, arrosez plusieurs fois pendant la cuissonqui est suffisante lorsque la viande fume. Comptez environ un quartd’heure par livre..."

Essaisur l'histoire générale des sciences pendant la révolution française(1803) par Jean-Baptiste Biot (1774-1862) : "On se propose de tracer, dans cet écrit, l'Histoire générale desSciences, pendant la Révolution : on s'attachera moins à détaillerleurs découvertes, qu'à montrer la part qu'elles ont prise à cetévénement, et le sort qu'elles ont éprouvé : leur situation à cetteépoque est sans exemple. On les avait vues, jusqu'alors, fleurir sousles Gouvernemens éclairés et s'éteindre dans les dissentions civiles.Le despotisme révolutionnaire leur donna une existence politique, ils'en servit pour inspirer de la confiance au peuple, pour préparer desvictoires et gagner des batailles. Les secours qu'elles fournirentfurent si grands, que l’on voulut les perpétuer. C'est ce qui fit créerplusieurs établissemens d'instruction publique, et entr'autres l'écolePolytechnique et l'école Normale : précaution devenue trop nécessaire,car un grand nombre de savans avait déjà péri, d'autres étaient cachésou dans les fers ; le reste, organisé en ateliers, était employé àtravailler pour la Révolution, et contraint de racheter, par desprodiges continuels, la vie qui leur était conservée..."

Déformationdu crâne résultant de la méthode la plus générale de couvrir la têtedes enfans(1834) par Achille Foville (1799-1878) : "On ne sait pas assez combiende lésions pour nos organes, combien deprédispositions funestes résultent de la vicieuse application de nosvêtemens. Les conseils de l’hygiène à cet égard ne peuvent être troprépétés, trop répandus ; et peut-être ce sujet n’a-t-il pas encore ététraité avec un soin proportionné à son importance. La partie principalede ce mémoire est relative aux déformations ducrâne qui proviennent de l’usage pernicieux d’appliquer sur la tête desenfans un bandeau fortement serré. Tout ce qui tient à l’éducationphysique des enfans est de la plushaute importance, car la délicatesse de leurs organes peut tropaisément subir d’irréparables atteintes. Mais les adultes aussi sontexposés à de graves inconvéniens, par suite des gênes qu’imposent àleurs membres les exigences de la mode ou des routines mal entendues.Toutes les parties du corps ont payé ou paient encore un dur tribut auxrègles trop souvent arbitraires qui président à la toilette des deuxsexes..."

Essai sur l'art de faire le vin rouge, le vin blanc et le cidre.... (1767) par Maupin (17..-17..) : "L’ART de préparer les boissons naturelles, & surtout le vin, estencore si incertain, & cependant si important en tous pays à laconservation des hommes, qu'on ne peut mieux faire que de s'occuper dusoin d'en éclaircir & fixer les vrais principes. C'est le but queje me propose dans cet Essai. Pour y parvenir avec ordre, je commencerai par deux observationspréliminaires ; l'une sur les défauts du commun de nos vins, &l'autre sur les manières de les faire, les plus usitées ; ensuite dequoi, après avoir remarqué l'insuffisance & le préjudice de cesdernières, je proposerai en partie, d'après mes expériences, deuxMéthodes nouvelles, dont la seconde convient non-seulement au vinrouge, mais encore au vin blanc & au cidre. Tous ces objets, avecdes vuës sur l'introduction de la Vigne en Normandie & dansquelques autres de nos Provinces septentrionales, seront la matière desquatre Chapitres qui composent cet Ecrit..."

Jacques Bonhomme (1871) par Victor Édmond Vital Régnier (1822-1886) : "La guerre est à la politique ce qu'est à la médecine une opérationchirurgicale : un mal ayant pour motif la suppression d'un mal plusgrand. Autant on admire l'habile opérateur, pouvant en quelquessecondes de moins qu'un autre obtenir un résultat qui sauve la vie ouprolonge l'existence, autant l'on doit toute son admiration à l'habilegouvernant qui, par une guerre promptement et habilement dirigée, amènedes résultats heureux et décisifs dont le but sera de tirer une nationd'un marasme mortel ou de lui permettre de croître en pleine vigueur..."

 Catulle Mendès - Les Hommes d'Aujourd'hui n°203 (ca1898) : "Catulle Mendès est l'un desplus parfaits artistes de notre époque. Poète, il n'est inférieur à aucun des poëtes nouveaux. Si vous relisez Hesperus, les Soirs moroses, les Contes épiques, les Sérénades, le Soleil de minuit, et ses autreslivres de vers, et surtout son dernier poëme : les Imprécations d'Agar,qui sont un superbe et généreux chef-d’œuvre ; si vous savez apprécier,à leur juste mesure, cette inspiration si puissante et si diverse, cetalent si souple et si magistral, cette forme si pure et si claire,vous serez pris d'une admiration très vive, et vous ferez déjà àCatulle-Mendès entre les poëtes du dix-neuvième siècle la place que lapostérité lui réserve..."

Le fumier de ferme etles engrais chimiques (1891)par Louis Danguy : "La question de la fertilisation des terres arablesest certainement unede celles qui attirent le plus vivement l’attention de l’agriculteurdepuis quelques années. Aussi ne devez-vous pas être surpris de voir cesujet exposé dans la première séance d’un congrès où seront discutésles moyens de retirer du sol une plus grande quantité de produits. Aune époque encore peu éloignée de nous, la seule matière fertilisanteque possédait l’agriculture était le fumier de ferme. Le fumier deferme peut être considéré comme formé du résidu desrécoltes qui ont servi à l’alimentation et au couchage des animauxdomestiques. Tous les fumiers ne sont pas identiques. Il y a fumiers etfumiers..."

Le combat à pied de la cavalerie au moyen âge (1885) par Jules de La Chauvelays : "Il ne sera pas sans intérêt d’examiner sommairement quelle fut latactique des chevaliers français, anglais, écossais, etc., depuis leonzième jusqu’au quinzième siècle. On a considéré à tort, selon nous, chevalerie comme en tout tempssynonyme de cavalerie, et c’est une erreur de représenter les militesdu moyen âge montés toujours sur leurs destriers. A la vérité, lanoblesse de Charlemagne, abandonnant l’usage des milices qui conquirentla Gaule, tint à honneur de combattre à cheval. Le guerrier frankdevint cavalier ainsi que le noble gallo-romain. Les Allemands aucontraire en revinrent souvent au combat à pied ; cependant leurcavalerie fut célèbre de tout temps, les auxiliaires germains à chevalcontribuèrent au triomphe de César à Alésia, et enfoncèrent partout lescavaliers gaulois. Les chevaliers allemands et les reîtres maintinrentà cet égard la haute réputation de leurs ancêtres..."

Les plantes qui nourrissent - Les plantes qui guérissent - Les plantes qui tuent (1904) par Henri Coupin (1868-1937)

La Loi du Mâle, à propos de l'enfant du Barbare (1915) par Paul Rabier (18..-19..) : "Un auteur célèbre s’est heureusement attaché, voici quelques années, àmettre en relief, au point de vue sentimental et social, toutel’inexorabilité de la loi de l’homme, laquelle n’est que l’expressionhumaine de la loi animale, de la loi du Mâle. Les poignantes heures quenous traversons viennent d’en confirmer douloureusement, en même tempsque la violence, toute la fatalité. Alors qu’après neuf mois, nousentrevoyons dans un lointain encore flou une glorieuse issue à cettelutte titanesque qui ensanglante l’Europe ; en même temps que les moisqui viennent vont nous apporter avec les joies de l’Eté, une floraisonde lauriers, d’autres prémices hélas ! ignominieuses celles-là, noussont promises. A l’heure présente, en effet, des milliers de seins de femmesfrançaises recèlent d’indésirables fruits qui vivent malgré elles, àleurs dépens, du fait d’abominables souillures. Nombre de cesgestations touchent même à leur terme, pour lesquelles déjà certainesolution serait trop tardive. Celle-ci ne pouvant être appliquée qu’àcelles récentes, qu’à celles toujours possibles imposées par l’ennemiqui occupe encore notre sol..."

Observations sur la vente des forêts de l'Etat(1865) par Alexandre d'Arbois de Jubainville (1835-1916) : "Un projetd’aliénation des forêts domaniales a récemment ému l’opinionpublique. Nous nous sommes alors demandé si l’État avait raison deconserver ses forêts plutôt que de les vendre aux particuliers qui,stimulés par l’amour du gain et la crainte de la perte, sauraientpeut-être, au grand avantage de la prospérité publique, mieux lesadministrer, en leur faisant produire des bois meilleurs et plusabondants, afin d’obtenir un revenu plus élevé. A cet égard, voici lerésultat de nos recherches..."

Traité de l'origine des glaires... (1832) par Sébastien Guillié (1780-1865) : "FILS d’un père goutteux et d’une mère douéed’une constitution lymphatique, à peine sorti de l’enfance, je fusassailli par des maladies graves, qui mirent ma vie dans un imminentdanger. On attribua aux effets de la croissance, à la présence des versintestinaux, aux rachitis, un état qui n’était dû qu’à la surabondancedes glaires qui neutralisaient toutes mes fonctions, et dont il auraitsuffi de me délivrer pour me rendre les forces et la santé ; mais bienau contraire, ceux qui furent appelés pour me donner des soins,prétendirent que ma maladie était le résultat de ce qu’il leur a plud’appeler une fièvremuqueuse, dénom[i]nation vide de sens, qui, ne fournissant[r]ien à leur esprit, devait tout naturellement ne rien produire nonplus dans leur intelligence pour me guérir, puisque dans ces tems-là onavait tout dit lorsqu’on avait affirmé qu’un individu était affecté dela fièvremuqueuse, comme aujourd’hui lorsqu’on a conseillé lessangsues et l’eau gommée, tristes effets de la mode et du caprice quis’introduisent dans les têtes de ceux qui exercent le plus grave et leplus important de tous les ministères pour le bonheur des hommes..."

La Danse des morts de la Chaise-Dieu : fresque inédite du XVe siècle (1862)  par Achille Jubinal (1810-1875) : "On a beaucoup écrit en France, depuis quelques années, sur lesanciennes peintures à fresque tracées dans les cloîtres ou sur lesmurailles des églises, et connues sous le nom de danses des morts, danses macabrées, danses macabres.Malheureusement, tout en dissertant beaucoup sur l'origine de cesœuvres singulières, on a négligé de reproduire celles qui étaientrestées inédites. Nous ne venons pas, à notre tour, apporter uneopinion personnelle sur ce point encore obscur de notre archéologienationale, ni rechercher si la danse macabre était la même chose, commesemble le dire Dom Carpentier dans son dictionnaire, que la danse des Macchabées (Maccabeorum chorea), ou si son nom vient de Macabre, qui aurait été le poëte ou le peintrede cette danse, etc..."

Pour écrire de la main gauche : conseils pratiques (1917) par André Charleux (18..-19..) : "La guerre actuelle va laisser derrièreelle, outredes deuils et des ruines, des mutilés. Il est du devoir de tous decoopérer à l’œuvre de réeducation de ces braves. A cet effet des écolesont été fondées. Leurs enseignements leur procureront une professionhonorable. Cependant tous ne pourront pasexercer uneprofession manuelle. Les amputés d’un bras entre autres sont destinés àremplir des fonctions, soit de dessinateurs, soit d’employés de bureau.Or ceux qui ont subi l’ablation du bras droit sont obligés d’adapterleur bras gauche à un travail nouveau pour lui. A ceux-là nous avonspensé venir en aide en écrivant ce recueil de conseils. Ils sont lefruit de notre expérience personnelle. Nous les avons pratiqués et desrésultats obtenus nous n’avons qu’à nous féliciter. Qu’ils satisfassentpareillement ceux qui sont dans la pénible, mais non désespérante,obligation de s’en inspirer, c’est le seul succès que nous leursouhaitons..."

Almanach de la politesse - Nouveau guide pour se conduire dans lemonde(1853) par Louis Verardi (1789-1859) : " Duclos dit que la politesseest l’expression ou l’imitation des vertussociales. Labruyère prétend que l’esprit de politesse est une certaineattentionà faire que, par nos paroles et nos manières, les autres soientcontents de nous et d’eux-mêmes, et ceci est vrai. La politesse, selonnous, comprend : La morale, les bienséances,l’honnêteté, la civilité, et, en un mot, toutes les douces vertus quiforment les liens les plus puissants de la société civilisée ; c’est, àproprement parler, la morale en action. 1. La politesse estl’expression de la bonté de la morale et du cœur,abstraction faite de toute vanité mondaine et d’égoïsme. Il n’est pointde véritable politesse sans morale, sans bonté, sansbienveillance, et sans une certaine sensibilité. 2. Elle est uniquementfondée sur l’amour du prochain ou sur l’envie des’en faire aimer comme on l’aime soi-même. C’est l’envie de plaire. 3.Avec les gens que l’on n’aime pas, il est fort difficile d’être polisi l’usage du monde ne vient à votre secours. 4. L’usage du monde estle plus puissant auxiliaire de la politesse. 5. Si la politesse n’estqu’un masque, comme disent les mauvaisphilanthropes, mettez ce masque, car il vaut mieux, dans tous les cas,se faire aimer que se faire haïr : tout le monde y gagne.... "

Livret de propagande pour le travail volontaire en Allemagne (ca 1941) [.PDF]

Les Amuseurs de la rue (1875) par AugustinChallamel (1819-1894) : " - Allons, voyons, Augustin, ne fais donc pascomme cela le Bobèche ! Telle fut l’apostrophe que ma bonne mère melança, un jour que je mesignalais, devant elle, par toutes sortes d’extravagances, en gestes eten paroles. J’étais niais au suprême degré. J’avais alors onze ans,l’âge où l’on a déjà la prétention de secompter parmi les personnages. - Bobèche ! bobèche ! qu’est-ce que celaveut dire ? me demandai-je,après avoir obéi aux injonctions maternelles. Dès que je me trouvaiseul, j’eus cette curiosité de chercher l’originedes choses, si naturelle à votre âge ; je courus à la bibliothèque demon père, pour y prendre un dictionnaire français. C’était le Dictionnaire de l’Académie française, celui qui a lemonopole du langage, et qui fait loi dans les discussions grammaticales. Au mot Bobèche, je ne trouvai qu’un substantif féminin, signifiant «une petite pièce cylindrique et à rebord, qu’on adapte aux chandeliers,aux lustres, aux girandoles, etc., et dans laquelle on met la bougie oula chandelle. » - Évidemment, ce n’est pas de cette bobèche qu’il s’agit, me dis-jeaussitôt..."

Le Prisme, encyclopédie morale du dix-neuvième siècle (1841) - 3 : Les Maîtres chanteurs (Francis Guichardet) ; Le Colporteur (Amédée Achard) ; Les Incomplets (Andréas) ; Les Écoles de natation (Charles Friès) ; Le Porteur de Journaux (Louis Roux) : "C’EST quelque chose de fâcheux, en vérité, que de naîtreborgne, boiteux, acéphale, de clocher, de se faire remarquer par unfront proéminent, des yeux sensiblement chassieux, un nez turgescent etcouperosé, des mains taillées dans des semelles d’hippopotame, etl’apparence de toutes ces difformités physiques rendue plus sensiblepar une paire de lunettes d’un vert foncé. L’homme incomplet est celuique la nature a moulé sur ce patron disgracieux, sans préjudice desembellissements de l’art dont la plupart des incomplets au naturelparaissent encore susceptibles au figuré...

La légende du Parnasse contemporain (1875-1876) par Henry Laujol (i.e. Catulle Mendès) : " Par une belle matinée de juin, – car cette fantasque histoire peutcommencer comme un roman, – un être extraordinaire projetaitd’interminables jambes sur l’un des grands chemins qui aboutissent àParis. Si longue que fut la route, ces jambes, certes, en atteindraientle bout ! Maigre, plus maigre qu’en aucun temps il n’a été donné àaucun, homme de l’être, transparent même, si son étroite redingote,quoique amincie par l’usage, n’eut offert encore quelque apparenced’opacité, il allait, ses courts cheveux dressés par le vent quirebroussait sa course, sa narine de faune relevée comme si elle eutflairé quelque nymphe prochaine. Parfois, sans s’arrêter, il paraissaitécouter le bruit que fait sur les cailloux le clair ruisseau qui court,et souriait avec un air d’attendrissement délicieux. Aux petiteshirondelles qui volent, il faisait des signes de menace amicale, etcueillait, toujours courant, des touffes d’herbes fleuries. Aucunbagage, d’ailleurs. Quoi de plus gênant qu’un bagage ? Une poche de saredingotte, pourtant, – celle sous laquelle le coeur bat, – étaitrenflée comme par quelque paquet. Il marchait toujours, avec lesallures rectangulaires du Matamore dessiné par Théophile Gautier. «Qu’avez-vous à déclarer ? » lui demanda un employé de l’octroi ; levoyageur, fièrement, répondit : « Rien ! » Rien, en effet, voilà ce qu’avait Albert Glatigny..."

La Ménagère parisienne (1841) par Mathurin-Joseph Brisset (1792-1856) : "LES femmes de province ont pendant longtemps paru posséder des droitsexclusifs au titre glorieusement bourgeois de bonne ménagère. Et, eneffet, la régularité des habitudes intérieures, la rareté dedistractions extérieures, les traditions léguées de mère en fille, lebesoin d’une occupation, d’une activité journalière, la nécessitéd’entretenir et de consolider par les minutieux efforts de chaque jourune fortune à laquelle le temps ne semble devoir apporter aucunaccroissement soudain, par-dessus tout le désir ardent qu’elles ont desurpasser ou d’égaler, à force d’économies intérieures, le luxe desfemmes plus riches qu’elles, et de pouvoir soutenir sans crainte lasurveillance inquisitoriale qu’elles exercent sans cesse les unes surles autres, tout contribue à faire des femmes de province les ménagères par excellence, ménagères corps et âme, esprit et coeur,dans toutes les circonstances de la vie, et à toutes les heures de lanuit et du jour..."

La Modiste (1841) par Mademoiselle Maria d'Anspach (18..-18..) "IL est dixheures : Paris s’éveille, les magasins sont ouverts. Quelquespromeneurs longent le boulevard pour respirer l’air du matin et secouerl’engourdissement du sommeil ; des commis se rendent à leurs bureaux ;des femmes d’extérieur modeste, des jeunes gens en habit du matin vontau bain ou en reviennent ; de diligents célibataires entrent dans lescafés pour déjeuner et lire leurs journaux. Si, parmi tous cesindividus d’aspect différent, vous voyez passer une jeune fille à latournure dégagée et libre, qui marche vite, est mise avec plus decoquetterie que de bon goût, jette un coup d’oeil curieux sur tout cequi l’entoure, et prête, chemin faisant, l’oreille aux galants proposdes jeunes gens qui la suivent ou s’arrêtent sur son passage ; – c’estla modiste. Suivez-la vous-même un instant, et vous la verrez se rendreà un magasin où les demoiselles devente l’ont déjà devancée pour faire leur brillant étalage..."

La Portière (1841) par Henry Monnier (1799-1877) : "QUAND nousvenons au monde, nous autres modestes enfants de Paris, peu depersonnes assistent à notre arrivée : ce sont ordinairementl’accoucheur, la garde et la portière de la maison où nous avons reçule jour. La servante, si la dame du lieu ne fait pas elle-même sonménage, va, vient ; tourne et rattournede la cuisine à la chambre à coucher, de la chambre à coucher à lacuisine, et le mari n’est jamais là. Toutes les formalités usitées en pareil cas une fois terminées, le sexedu petit bonhomme bien et dûment constaté, on le purifie, onl’empaquette, on le ficelle, on le reficelle, on lui brise bras etjambes pour qu’il occupe le moins de place possible dans ses langes ;puis on le présente à la maman, qui le reçoit des mains de la garde. Ledocteur, dont les soins ne sont plus nécessaires, plie bagage, tire sarévérence, et la portière reprend le nouveau-né, l’inonde de caresses,l’humecte de baisers, et lui voue, à dater de ce jour, une affectiondes plus vives, un dévouement sans bornes..."

Le Garçon d'amphithéâtre (1841) par P. Bernard (18..-18..) : "NOUS l’aimions tous ; elle était si jolie, Cécile, laperle du quartier latin ! Lorsqu’elle passait sous nos fenêtres,fraîche et pimpante, nous avions coutume d’envoyer la fumée de noscigares, comme un encens vers le ciel : nous voulions le remercier deuxfois, car il faisait toujours beau, et c’était fête ! Nous ne connaissions jamais d’avance l’hôtel... l’hôtel garni bienentendu, où la jeune fille devait s’arrêter, ni le numéro exact de lachambre dont elle allait augmenter le désordre, avec son chapeau, sonchâle, son fichu, cette infinité de riens qui nuisent beaucoup plusqu’ils ne servent, dans un intérieur d’étudiant, et qu’on jette enentrant, çà et là, sur la table, sur les chaises, rarement sur le lit,un peu partout. Mais on n’est pas jaloux, à l’école, on n’y est guèreprude non plus ; il nous sera donc permis d’ajouter que le nom del’époux nous importait peu. Nous étions bien sûrs que les noces seferaient à la Grande-Chaumière, que nous y danserions au quadrille dela mariée, peut-être même avec elle !... Cette chance et vingt ans !figurez-vous donc quelle source il y avait là d’illusions et d’espoir..."

L'Enfant de fabrique (1841) par Arnould Frémy (1809-189.) : "IL est un édifice humble, honorable, qui se construitsous nos yeux, et dont nous ne nous glorifions pas assez, peut-êtreparce qu’il ne s’adresse qu’à notre reconnaissance, et non à notreorgueil. Cet édifice n’est autre que la collection des établissementsde bienfaisance et de charité, les salles d’asile, les caissesd’épargne, les conservatoires d’industrie, les sociétés de prévoyance,de patronage et de secours mutuels, les écoles primaires, les écolesnormales primaires, et tant d’autres fondations toutes consacrées àl’amélioration et au soulagement des classes pauvres..."

Le Pensionnat de filles en province (1841) en province par Écarnot (18..-18..) : "APRÈS la prose du maire et l’orchestre du spectacle, lachose du monde la plus bouffonne, c’est un pensionnat de filles. Noussupposons une ville de cinq à dix mille âmes, bâtie en long, pignonssur rue, hôtel du Grand-Cerf et cabinet de lecture ; avec soncommissaire de police aviné, ses gardes champêtres à bandoulières, sesréverbères borgnes, ses rues mi-parties de pavés et de boue, sontambour de ville et sa doublure de commères ; celles-ci pourvoyant àl’édification des parents, comme le pensionnat à celle des enfants ;déchirant les réputations avec l’histoire du jour, comme le pensionnat,les oreilles avec celle de Le Ragois ; brouillant les meilleurs amisavec leurs calomnies, comme le pensionnat les meilleures dispositionsavec son enseignement. – Dites-nous un peu la bataille de Tolbiac et enquelle année ? Voyons..."

Le Jardinier de cimetière (1841) par Edouard d'Anglemont (1798-1876) : "LA classe siintéressante des horticulteurs se subdivise en un grand nombre devariétés : les Christophe Colomb des fleurs, les multiplicateurs desvégétaux, les pères nourriciers de plantes exotiques, les créateurs depépinières, les Soulanges-Bodin, les Pyrolle, le Keteléer, les Bachoux,les Billard, les Martine, etc. Mais, de toutes ces variétés, la pluscurieuse et la moins connue est sans contredit le jardinier decimetière. D’abord, le jardinier de cimetière ne jardine jamais ; il y a plus,s’il jardinait, son métier, qui est prodigieusement lucratif, ne luirapporterait pas de quoi vivre comme un maçon ou un figurant del’Ambigu-Comique..."

La Femme adultère (1841) par Hippolyte Lucas (1807-1878) : "ON disait un jour devant une femme spirituelle que tromper son maricommençait à devenir bien vieux au théâtre, et que les auteursdevraient renoncer à ce moyen.« Que voulez-vous ? répondit-elle malicieusement, c’est une chose aussiancienne que le monde, et qui durera autant que lui. Le théâtre estl’expression de la société. » Beaucoup de femmes se persuadent, en effet, que l’adultère est uncorollaire du mariage ; elles se figurent n’avoir pas eu une existencecomplète si elles ne se sont, pour ainsi dire, élevées à leurs yeux durang d’épouses à celui de maîtresses, comme à un degré supérieur dansl’échelle des passions. L’adultère ! nous venons d’écrire là un mot qui se prononce rarement,même en ce temps, où la chose est si commune, et que l’on tient mêmepour un mot de mauvaise compagnie ; mais qu’il nous soit permis del’employer..."

Le Prisme, encyclopédie morale du dix-neuvième siècle (1841) - 2 : Les appartements à louer(Auguste de Lacroix) ; Le propriétaire campagnard (Joseph Bard) ; Le conducteur d'omnibus (Charles Friès) ; Le blasé (Auguste de Lacroix) ; Le décrotteur (Louis-Auguste Berthaud) ; La journée d'un médecin  (Louis Roux) :  "PARIS est la ville des déménagements et des appartements à louer.Quatre fois par an, c’est un déplacement de la population, unva-et-vient perpétuel de tapissières, des voitures d’administration,un remue-ménage général. Les fortunes s’élèvent et s’écroulent si vite,et les déplacements se font avec tant de facilité ! L’employé mis à laréforme, l’industriel, le spéculateur, changent de logement selon lesvariations de l’aveugle déesse ; ils descendent ou montent d’un étage,selon que leur position financière hausse ou baisse ; mais le mouvementse fait toujours en sens inverse. Les filles d’Opéra et toute la grandefamille des femmes qui spéculent sur l’amour ont mille et une raisonsqui les poussent à faire voyager incessamment leurs pénates. L’artistequi a deux jours de fortune se hâte de prendre un appartementconfortable. L’étoile d’or vient-elle à pâlir, l’artiste va planter satente sur les hauteurs inaccessibles de quelque masure ignorée. Enprovince, l’usage plus fréquent des baux met bon ordre à cette manied’émigration périodique : la Saint-Jean et Noël sont les seuls termesadoptés entre les locataires et les propriétaires départementaux..."

Le Prisme, encyclopédie morale du dix-neuvième siècle (1841) - 1 : Le Vigneron (François Fertiault) ; Les Lions de contrebande (Francis Guichardet) ; La Cacoletière (Germain Delavigne) ; La Rue des Lombards (Andréas) ; Les Hôtels du Quartier latin (Louis Roux) : " DE tous les hôtels de Paris, ceuxdu quartier latin ont assurément le caractère leplus excentrique ; ils n’ont rien de commun avec ceux desautres quartiers, et leur physionomie est toute spéciale. Il est admis en principe que partout oùl’étudiant dresse sa tente, il doit trouversécurité, bien-être, aisance et abandon: le confortable n’est pas de rigueur. Le premier soin de l’étudiant depremière année est de bien choisir sonhôtel, en consultant les affinités de temps, delieux et de propriétaire. Un étudiant de secondeannée a d’ordinaire jeté sondévolu sur un hôtel bien débraillé,bien régence,c’est-à-dire ouvert à toute heure de lanuit à un homme seul, oui suivi d’un masque. Ilest des hôtels où le dominon’est reçu qu’à la pointe dujour, et à la condition expresse de ne point passer la nuit,comme si le soleil devait être le complice obligéde toutes les franchesrepues qui ont lieu dans cet honnêteséjour..."

Célébrités contemporaines par Jules Claretie (1840-1913) : Alexandre Dumas fils (1882) ; Alphonse Daudet (1883) ; Jules Sandeau (1883) ; Jules Verne (1883) : "S’ILreste une gloire incontestable à notre pays, une suprématieévidente, c’est la gloire du théâtre. L’étranger ne la discute même pas; il la subit. Le théâtre français contemporain, partout traduit,adapté, pillé, applaudi, demeure une des forces vives de la nation. Onpeut comparer à nos peintres français des peintres étrangers, anglais,italiens, espagnols ou hongrois. On n’a pas d’auteur dramatiqueexotique à mettre en parallèle avec nos maîtres de la scène. L’hommequi a le plus fait pour donner à notre théâtre cette renomméeéclatante et cette puissance souveraine, c’est M. Alexandre Dumas fils- ou plutôt, car depuis onze ans il est seul à porter ce nom illustre -M. Alexandre Dumas. Le premier, dans la comédie, dans cet art exquis duthéâtre qui, avant lui, était par ceux de sa génération fidèles auxtraditions de la génération précédente, regardé comme un aimablepasse-temps, un plaisir digestif, un jouet, il apporta, il fit courirdans le drame cette chaleur de vie moderne, ce sentiment de vérité,cette haine de la convention qui n’ont fait que s’accentuer depuis etqui datent de lui..."

Le Propriétaire (1842) par Amédée Achard (1814-1875) : "INCLINEZ-VOUS devant les douze lettres de ce mot-là ;toutes lespuissances se résument en elles ; en elles sont le commencement et lafin, l’alpha et l’oméga de ce qui est. Qui n’est pas propriétaire veutle devenir, qui l’est veut l’être toujours. Le monde pivote autour dece substantif ; c’est l’arche sainte des royaumes constitutionnels, lefétiche de l’univers, la clef de voûte de la société ; tout passe, lepropriétaire seul ne passe pas ; les empires croulent, mais lespropriétaires restent. Ils sont plus forts que le temps et que lesrévolutions, deux choses qui usent les trônes et le granit...."

Le Flâneur (1841) par Auguste de Lacroix (1805-1891) : "CONNAISSEZ-VOUS un signe plus approprié à son idée, unmot plus exclusivement français pour exprimer une personnificationtoute française ? Le flâneur ! type gracieux, mot charmant éclos, unbeau jour de printemps, d’un joyeux rayon de soleil et d’une fraîchebrise, sur les lèvres d’un artiste, d’un écolier ou d’un gamin, – cestrois grandes puissances néologiques ! Le flâneur est, sans contredit, originaire et habitant d’une vastecité, de Paris assurément..."

L'Amateur de livres(1841) par Charles Nodier (1780-1844) : "Ce que La Fontaine a dit duloup, je le dirai volontiers du pédant.Savez-vous rien de plus lourd qu’un pédant qui veutêtre léger, de plusmaussade qu’un pédant qui veut être gracieux ? ets’il me prenait enviede faire de l’esprit en huit pages, moi qui ai juste cequ’il fautd’esprit pour distinguer le prétérit del’aoriste, ne merenverriez-vous pas à mes diphtongues ? J’aime mieux vousprévenir tout d’abord que cet article sera piquantcomme un colloque de Mathurin Cordier ou comme un chapitre deDespautère..."

Le Pharmacien (1841) par Émile de La Bédollierre (1812-1883) : "LEpharmacien est un enfant de la révolution. Elle a,dans ses transformations régénératrices,substitué au procureurl’avoué, au traitant le banquier, au perruquier lecoiffeur, au roi deFrance le roi des Français, à l’apothicaire lepharmacien. Beaucoup de fonctions sociales ont changé de nomsans êtreintrinséquement altérées : le préfetrappelle l’intendant ; le commisdes contributions n’est pas moins inquisiteur que lepréposé auxgabelles ; les volumineux dossiers de l’avoué ont beaucoupd’analogieavec les sacs du procureur. Mais entre l’apothicaire et lepharmacienil y a un abîme, un bouleversement social et médical..."

 

 

 
Le Joueur d'échecs (1840) par Joseph Méry (1797-1866) : "LE monde est la patrie du joueur d’échecs ; c’est une profession ou unamusement cosmopolite. L’échiquier est un alphabet universel à laportée de toutes les nations. Le bonze joue aux échecs dans la pagode de Jagrenat ; l’esclave,porteur de palanquins, médite un mat contre un roi de caillou, sur unéchiquier tracé dans la sable de la presqu’île du Gange ; l’évêqued’Islande charme le semestre nocturne de son hiver polaire avec lescombinaisons du gambit du roi, et le début du capitaine Évans ; soustoutes les zones, les soixante-quatre cases du noble jeu consolent lesennuis du genre humain..."

Le Phrénologiste (1841) par Eugène Bareste (1814-1861) : "LE type du phrénologiste ou du cranologiste, quoique assez communaujourd’hui, ne remonte pas à une très-haute antiquité. On peut mêmedire que le dix-neuvième siècle, le nôtre, lui donna naissance : voicicomment. A la fin du siècle dernier, siècle de protestations et de luttes, unesecte composée de quelques hommes jeunes, hardis, enthousiastes, seformait en Autriche et en Allemagne : c’était celle des élèves de Gall,des partisans du fameux cours professé à Vienne sur le déplissement descirconvolutions du cerveau. – Plus tard, ces sectaires prirent le titrede phrénologistes..."

Les Chiffonniers (1841) par  Louis-Auguste Berthaud (1810-1847) : "VOICI des types monstrueux, d’ignobles figures, d’abominables moeurs :la forme, le fond, le dessus, le dessous, tout est pourri chez leschiffonniers. Pour faire un mur, il faut du sable, de la chaux, despierres et un maçon ; on fait un chiffonnier avec une hotte, uncrochet, une lanterne et le premier gueux venu. Le gueux est appelé un homme, la lanterne un fallot, le crochet une canne à bec, lahotte un hotteriot. Avant de se voir légalement constituées enindividu, c’est-à-dire en chiffonnier, il faut encore que ces matièrespremières trouvent deux parrains, deux témoins qui répondent de leurmoralité ; il faut en outre qu’elles possèdent 40 sous. Ces conditionsremplies, la transfiguration est opérée ou à peu près."

Description detrente-une fleurs avec un conte familier à Mlle Émilie, sur le Jeu duPied-de-Boeuf (1770) : "LE plus savant des Auteurs & le plus croyable en fait de Fable,rapporte que Cloris étoit une Nymphe des Isles Fortunées, de laquelleZéphir, qui est le Dieu des Fleurs, devint tellement amoureux, qu’ill’enleva, en fit sa Maîtresse, changea son nom en celui de Flore, &l’épousa ; c’est pour cela qu’elle est appellée la Reine des Fleurs..."

Étrennes fourées,dédiées aux jeunes frileuses ou les Pelisses sympathiques (1770)par Antoine Fabio Sticotti (1708-1772) : "TOUT Ecrivain d’une certaine espece, ne peut plus sedispenser de donner son Portrait gravé au Lecteur, toujours habile àjuger des beautés & des défauts d’un Ouvrage sur la seuleinspection d’une physionomie inepte ou savante. Cet usage des têtes entaille-douce, consacré d’abord aux seuls Grands Hommes, s’est étendu denos jours indistinctement à tous les Artistes. Par cette industrie, lespetits paroissent grands, & les grands deviennent petits. Quoiqu’il en soit, le défunt ne s’est point fait peindre ; pour suppléer àcette perte irréparable, voici, du moins, les débris de son Oraisonfunèbre, qu’on a trouvée dans ses papiers..."

[AFFICHE] Nouvelles des Armées :Capitulation de Paris (1814).

[FORMULAIRE] Lettrespatentes de la très-véridique Cour de Cracovie (ca1780).

Croquis rustiques(1901-1902) par AntonyValabrègue (1844-1900) : "C'est une longue avenue, où se dressent,d'une façon assezuniforme, des tilleuls au sommet arrondi, taillés avec soin par lesjardiniers du bourg, qui n'ont eu souci que de se conformer à latradition. On retrouve ici je ne sais quel aspect ancien, qui nonseulement se révèle dans la coupe des arbres, mais se découvre encoredans la forme surannée de quelques maisons à perron et à porte cintrée.Et pourtant cette avenue s'étend, s'allonge en plein, au milieu desfins horizons de la campagne parisienne ; elle est bordée de villascoquettes, d'habitations élégantes, et là-bas, par une échappée entredes pelouses et des jardins, on voit la Seine briller au soleil...."

Croquis du Nord (1905) par Antony Valabrègue(1844-1900) : "Comme je me trouvais à Bailleul, petite ville dudépartement du Nord,je remarquai un samedi, tout au bout de la rue d’Ypres, un mouvementinusité. Des gens des environs, tout endimanchés, venus au moment oùfinissait le marché, se réunissaient au cabaret de la Cantine. Ilsavaient laissé çà et là leurs carrioles, comme si rien ne les pressait,et ils tenaient à la main des cages qu’ils introduisaient dans lecabaret..."

L'Éditeur (1841)par Élias Regnault (1801-1868) : "ÉDITEUR! Puissance redoutable qui sers au talent d’introducteur  et desoutien !  talisman magique qui ouvres les portes del’immortalité, chaîne aimantée qui sers de conducteur à la pensée et lafais jaillir au loin en étincelles brillantes, lien mystérieux du mondedes intelligences ; éditeur, d’où vient que je ne sais de quelleépithète te nommer ? Je t’ai vu invoqué avec humilité et attaqué avecfureur, poursuivi du glaive et salué de l’encensoir ; j’ai vu lesprinces de la littérature t’attendre à ton lever comme un monarquepuissant, et les plus obscurs écrivains te jeter la pierre comme à untyran de bas étage. Objet d’espoir et de colère, de respect et dehaine, comment te qualifier sans injustice et sans préoccupations ?.."

Le Sportsman parisien(1841) par Rodolphe d'Ornano (1817-1865) : "ONdisait autrefois : Le Français né malin créa le vaudeville ; je proposede réformer cet adage en disant : le Français né Français créal’anglomanie : si cette vérité notoire et ce fait patent pouvaient êtremis en discussion, le titre seul de cet article, en serait ladémonstration la plus convaincante ? Nous voudrions esquisser un type,l’analyser, le nuancer même ; il est destiné à une collection éminemment française, et sous quel titre le présentons-nous à nos lecteursfrançais ; sous un titre tellement anglais qu’il est composé d’unadjectif welsche et d’un substantif d’origine saxonne, sorte decontraction grammaticale..."

Le Garçon de bureau (1840) par J.-V. Billioux : "ONest destiné par son aptitude ou sa vocation à prendre place dans lasociété soit comme magistrat, prêtre, soldat, industriel ou artisan :mais je ne sache pas qu’un jeune homme ait jamais été élevé dans la vued’en faire un employé ou garçon de bureau, deux états sansapprentissage que l’on n’embrasse, d’ordinaire, qu’après avoir manquéou usé plusieurs carrières, et parce que pour vivre il faut bien qu’onfasse quelque chose..."

La Lionne (1840)par Eugène Guinot (1812-1861) : "MADEMOISELLEde Verneuil avait dix-huit ans, et son entrée dans le monde datait déjàde deux années, lorsqu’un beau jour son père lui dit : Ma chère Alix,il est temps que tu te maries ; je n’ai rien négligé pour ton éducation; tu as eu les meilleurs maîtres de Paris, et voilà deux ans que je temène dans le monde, où je n’étais guère allé depuis mon veuvage. J’airempli avec exactitude tous les devoirs d’un bon père, et je veuxcouronner l’oeuvre en t’établissant convenablement. Tu es jolie, tu asdes talents, je te donne cent mille écus de dot et je te laisserai ledouble, le plus tard possible, il est vrai, mais enfin tu es ma filleunique, et tu auras toute ma fortune. Avec cela tu peux choisir, et jene prétends gêner ni ton goût ni ton inclination. Dans quelques joursnous reprendrons cet entretien, et je te demanderai si tu as distinguéquelqu’un..."

Le Second mari (1841) par Frédéric Soulié(1800-1847) : "LAnature a ses types, la société a ses types, toute nation a ses types,et enfin chaque époque a ses types. L’avare, le vaniteux, le fanfaron,appartiennent à la nature, et elle les a semés partout où elle a jetédes hommes. Dès que la société a été organisée, elle a tout aussitôtcréé les siens. Ainsi le juge, soit qu’il applique la loi de Dracon oule Code pénal ; le commerçant, soit qu’il vende des nègres ou desrentes sur l’état ; le militaire, soit qu’il marche le pot en tête oule fusil à l’épaule ; le médecin, soit qu’il suive la doctrined’Hippocrate ou celle de Hannman, ont des traits caractéristiquesgénéraux qui se retrouvent toujours et partout. Au contraire de ceci,le climat, les productions du sol, la disposition géographique, ontfait à chaque peuple des types particuliers..."

La Fille d'auberge(1841) par FrançoisCoquille : "QUOIqu’on puisse dire, l’antiquité avait du bon ! Si, parmi tant d’autresinventions, les auberges étaient inconnues des anciens, c’est quechaque maison servait d’auberge. Certes, il était doux pour levoyageur, arrivant, épuisé de fatigue, dans une ville étrangère, de sevoir entouré d’une foule d’amis qu’il ne se savait pas, et quibriguaient l’honneur de l’avoir pour hôte ! On l’emmenait en triomphe ;de belles esclaves lui lavaient les pieds, et lui prodiguaient lesparfums les plus rares. La place d’honneur lui était réservée à table :on se fût gardé de lui demander son nom, comme d’une graveincivilité..."

L'Écolier (1841)par Henri Rolland : "L’ÉCOLIERn’estpas seulement un type, c’est un principe. L’école,c’est le creuset où s’élabore l’avenird’une génération, où fermententtoutes les imaginations que la science éclaire de sa flammevive, etdont elle fait ou un métal commun qu’on rejette, ou unjoyau précieuxqui éblouit. Par le mot ÉCOLIER nousentendons tout ce qui reçoit unenseignement, depuis le bambin déguenillé qui épèle l’alphabet sous ledoigt d’un frère ignorantin,jusqu’au dandy de philosophie, qui, surles gradins d’un cours public, écoute avec une complaisance nonchalanteles dissertations filandreuses du professeur sur Locke, Hobbes ouSpinosa..."

Le Garçon de café(1840) par Auguste Ricard(1799-1841) : "UN homme porte des chemises en toile deHollande, des bas de Paris ; ses souliers vernis ont été faits sur lesdessins d’un bottier de la rue Vivienne ; il n’emploie, pour sa barbe,que du savon onctueux, pour ses mains que de la pâte d’amandes douces ;ses dents sont entretenues par Desirabode, sa chevelure par Michalon ;il a appris l’art du sourire perpétuel dans la classe d’un vieux mimede l’Opéra ; il est patient, poli, aimable..... Vous croyez qu’il estquestion d’un grand-écuyer de prince, d’undiplomate, d’un chanteur de romances ? Du tout, il s’agit d’un garçonde café..."

La Revendeuse à latoilette (1840) par ArnouldFrémy (1809-189.) : "UNEfemme passe, puis derrière elle un jeune homme provincialement gaucheet timide ; cette femme est de celles qui méritent d’êtreaudacieusement escortées et suivies, mais suivies sans réflexiond’abord, puis d’instinct et comme on suit d’un oeil distrait les élanscapricieux de la demoiselle ou l’essor fantasque du papillon. Ellevoltige, se cadence en marchant plus qu’elle ne marche ; sa taillesouple et sinueuse tient à la fois de la guêpe et de la couleuvre ; sonpied est mignonnement relié dans un brodequin en maroquin cuivré. Sivous vous approchez d’elle, vous respirez le patchouli et le musc..."

La Femme de province(1841) par Honoré deBalzac (1799-1850) : "EN acceptant pour femmes celles-làseulementqui satisfont au programme arrêté dans la Physiologie du mariage,programme admis par les esprits les plus judicieux de ce temps, ilexiste à Paris plusieurs espèces de femmes, toutes dissemblables : il ya la duchesse et la femme du financier, l’ambassadrice et la femme duconsul, la femme du ministre qui est ministre et la femme de celui quine l’est plus ; il y a la femme comme il faut de la rive droite etcelle de la rive gauche de la Seine. Foi de physiologiste, auxTuileries, un observateur doit parfaitement reconnaître les nuances quidistinguent ces jolis oiseaux de la grande volière..."

Le Comédien deprovince (1841) par LouisCouailhac (1810-1885) : "JE veux peindre le comédien pursang, celuiqui descend en droite ligne du LaRancune de Scarron, celui qui est né, dans les coulisses,d’un premier rôle et d’une soubrette ; celui qui peut se dire avecorgueil enfant de laballe, et qui a passé ses premières années à parcourir laFrance entière à la suite des auteurs de ses jours, gaminant sur lesplaces publiques avec les gamins de toutes nos sous-préfectures, etjouant les anges, les amours et les petits démons, à la satisfaction dupublic de province..."

Le Rédacteur en chefd'un journal de province (1841) par Raymond Brucker (1800-1875) : "ON s’abusecomme à dessein, de nos jours,sur l’impulsion quel’imprimerie donne à la circulation des idées. Il faut queledix-neuvième siècle ait un intérêt sournois à l’exagération des choses.Les journalistes donnent en aveugles dans cette illusion, sous ceprétexte, si plausible pour eux, que leur mérite en vaut la peine.Hélas ! à quoi sert le mérite au milieu de la confusion ? Dans le champde la publicité, tout vient pêle-mêle, les épis et les ronces. Que deroses meurent dans les chardons !... J’avoue l’énorme consommationd’encre, de papier et de caractères ; au besoin, si je m’inscrivais enfaux, le canon de la statistique vomirait contre moi son éloquentemitraille de chiffres ; mais sous le feu de ce canon, je maintiens mondire. L’idéeest absolument en dehors de tout ceci : ne confondonspas le moyen avec le but, la presse avec le pensée ; ce serait décréterl’égalité de l’esprit et de la matière..."

La femme sans nom(1840) par Taxile Delord (1815-1877) : "QUEL nom, eneffet, lui donner, à ce type sifécond et si misérable, si poétique et si abject, si moral et sirepoussant ; énigme vivante que n’ont pu éclairer ni les recherches dela science, ni les dévouements de la charité, ni les efforts del’intelligence ? Pendant bien longtemps encore cette femme, danslaquelle viennent se résumer tous les dévouements et toutes lesbassesses, toutes les délicatesses de la passion et toutes lescorruptions de l’âme, se dérobera à la triple investigation de lascience, de la religion et de la morale ; elle demeurera toujours commeun des plus grands mystères du coeur humain et des nécessitéssociales..."

La grisette(1840) par Jules Janin (1804-1874) : "DE tous lesproduits parisiens, le produitle plus parisien sanscontredit, c’est la grisette. Voyagez tant que vous voudrez dans lespays lointains, vous rencontrerez des arcs de triomphe, des jardinsroyaux, des musées, des cathédrales, des églises plus ou moinsgothiques ; comme aussi, chemin faisant, partout où vous conduira votrehumeur vagabonde, vous coudoierez des bourgeois et des altesses, desprélats et des capitaines, des manants et des grands seigneurs ; maisnulle part, ni à Londres, ni à Saint-Pétersbourg, ni à Berlin, ni àPhiladelphie, vous ne rencontrerez ce quelque chose si jeune, si gai,si frais, si fluet, si fin, si leste, si content de peu, qu’on appellela grisette..."

L'aubergiste(1840) par Amédée Achard (1814-1875) : "IL n’y a pasd’aubergistes à Paris, il n’y aque des maîtres d’hôtel, qui sont des produits de la civilisation mûrisdans les serres chaudes des grandes villes. Le maître d’hôtel parisiense tiendrait pour gravement insulté si quelque provincial malavisés’oubliait jusqu’au point de l’appeler aubergiste ; nous ne savons mêmepas si, n’était la législation adoptée par les cours royales, il netraînerait pas l’impertinent sur le terrain belliqueux du bois deBoulogne, ce classique parc des duels innocents. Le maître d’hôtel estun grand seigneur qui ne connaît guère mieux son établissement que lesmarquis de la régence ne connaissaient leurs terres..."

Le Gamin de Paris(1841) par Jules Janin (1804-1874) : "IL est le frèrede la grisette : frère légitime ou illégitime qu’importe ? il estenfant de bonne race : car, à coup sûr, son grand-père était à la prisede la Bastille ; à la révolution de juillet, son père est entré lepremier aux Tuileries, et il s’est assis sur le trône du roi ; c’estune race de gentilshommes dont les titres se sont perdus. Maiscependant suivez le gamin de Paris dans la rue : cet oeil fier, cettedémarche hardie, ce sourire moqueur, ces petites mains, ces petitspieds, cette tête bouclée, ne retrouvez-vous pas tous les souvenirs decette nation à part dans la nation française, qui depuis lecommencement de la monarchie a joué le rôle principal dans tous lesmouvements qui ont changé la face du monde ; c’est surtout le gamin deParis, qui pourrait dire comme Figaro : Si le ciel l’eût voulu, je serais filsd’un prince. Mais le ciel ne l’a pas voulu ; notre héros estbien mieux que le fils d’un prince, il est le gamin de Paris..."

La Vieille fille(1841) par Marie d'Espilly : "SI nous avions mission de faire une histoirecomplète de la vieille fille, dans tous les temps et chez tous lespeuples, si nous devions la prendre à son premier berceau, la suivredans tous ses développements, sous toutes ses formes, il nous faudrait,le flambeau de l’analyse philosophique à la main, remonter la routeobscure du passé jusqu’à l’origine des antiques civilisations, secouerla poussière amoncelée sur leurs débris, évoquer leur esprit, ranimerl’Inde, l’Égypte, la Grèce et Rome, et redescendre par le christianismeà travers toutes les misères du moyen age. Un tel travail nousentraînerait sur un terrain immense, il toucherait à toutes les hautesquestions sociales, politiques et religieuses. Il nécessiterait uneanalyse rationnelle de la nature humaine ; il ajouterait à la longuelitanie des douleurs de l’humanité..."

Le Maquignon(1841) par Albert Dubuisson : "BIENque notre époque ait donné naissance à une effrayante quantitéde floueursdetoute espèce, et qu’elle ne paraisse pass’arrêter dans cette voieéminemment progressive, elle ne peut cependant usurper la gloired’avoir enfanté le maquignon. Le maquignon est nédepuis longtemps et aeu l’avantage très-mérité de servir demodèle aux plus fins exploiteursde la crédulité française et surtout parisienne.Mais quoiqu’il nesorte pas du grand moule des Roberts-Macaires du dix-neuvièmesiècle,ce n’est pas à dire pour cela qu’il prétendeleur être inférieur. Illes vaut tous ; il sourit de pitié en songeant aux roueriesà luiconnues qu’on donne pour invention récente, et vientmerveilleusementconfirmer cet adage, qu’il n’y a rien de nouveau sous lesoleil, et quela moitié de la société a été detout temps destinée à être dupée parl’autre. Le maquignon s’acquitte de cette dernièretâche avecinfiniment d’esprit et d’agrément...

Le Chicard (1841) par Taxile Delord(1815-1877) : "TOUTES les époques ont dansé : l’èrehébraïque, l’ère romaine, l’ère française ; David, Néron, Louis XIV.Après les rois, les peuples ; quel peuple, quel pôle civilisé n’a passa danse individuelle et caractéristique, sa bourrée, sa tarantelle, sagigue ou son fandango ? Paris seul, jusqu’à présent était sans type dedanse, sans chorégraphie inter-nationale, et prime-sautière. Paris nedansais pas, il bâillait ; témoin les raouts de l’hiver dernier, etprobablement ceux de l’hiver futur. – C’est au point que lesinvitations pour une contredanse se formulaient ainsi : « Madame mefera-t-elle l’honneur de marcher avec moi ? » Heureusement « un hommes’est rencontré, d’une profondeur de génie incroyable, » comme auraitpu dire Bossuet. Ce génie profond, ce pseudonyme incomparable, estaujourd’hui essentiellement populaire et trop haut monté dans l’opinionpublique et les bals masqués, pour que nous ne lui ouvrions pas à deuxbattants la case la plus exceptionnelle de notre musée. Chicard estFrançais de coeur, sinon de grammaire, et bien qu’il ne soit pas encoredu dictionnaire de l’Académie..."

Une dame patronesse(1833) par Léon Halévy (1802-1883) : " Une brillantesociété était réunie dans le salon du banquier Montfort, l’un desheureux millionnaires de la Chaussée-d’Antin. Sept heures venaient desonner, et un domestique à grande livrée venait de prononcer ces motssi doux à l’oreille d’un gastronome altéré : « Madame est servie. » Jene décrirai pas la salle à manger d’un millionnaire, ce sanctuaireoù s’élaborent tant de conceptions et de projets, tant de révolutionsfinancières et politiques. Je ne décrirai pas la royale somptuositéd’un festin qui aurait fait pâlir tous ceux de Lucullus. Qu’il voussuffise de savoir que Montfort traitait ce jour-là un diplomateétranger, dont il captait la protection pour la conclusion d’un emprunt; le secrétaire-général d’un ministère, qui était en position de luifaciliter l’adjudication d’une grande entreprise ; et trois députés ducentre, dont le vote pouvait doter la France d’un canal qui devaitverser l’abondance et la fertilité...."

La Bourse (1833)par Philippe Busoni (1804-1883) : "Je suppose que vous êtes étranger oude province, ce qui est la mêmechose pour ma supposition. Vous êtes venu à Paris, dans cette capitaledes arts et de la civilisation, et c’est la première fois. Artiste,vous courez au Louvre, à Saint-Germain-l’Auxerrois, s’il n’est pasdémoli, ou à l’hôtel de Cluny, rue des Mathurins ; industriel, vousvisitez les belles manufactures du faubourg Saint-Antoine et duGros-Caillou ; naturaliste, vous allez au Jardin des Plantes ; savant,à la Sorbonne et aux bibliothèques ; solliciteur, c’est aux ministèreset à la chambre que vous vous faites conduire ; curieux et désoeuvré,vous avez les spectacles, les cafés, le bois de Boulogne, lesNéothermes de la rue Chantereine, etc., etc..... Que si, par le hasardde votre condition, vous vous trouvez tout simplement rentier, ou mêmefinancier et quelque peu économiste, ou bien encore badaud au suprêmedegré, alors vous demandez la Bourse : « Où est la Bourse ? » ..."

Les cochers de Paris(1833) par Nicolas Brazier (1783-1838) :"Il est loin de nous ce tempsoù Henri IV écrivait à Sully : « Moncousin, je ne pourrai aller vous trouver ce soir à l’Arsenal, attenduque ma femme m’a pris ma coche. » Sous Henri III, le président Achillede Harlay se rendait à cheval deson hôtel au Palais-de-Justice. Le vieux président Brisson y allaitmonté sur une mule, ce qui ne l’a pas empêché « d’être pendu par soncou à une poutre de l’une des salles du Petit-Châtelet, le 15 novembre1591. » Que Dieu vous donne merci, vieux président Barnabé Brisson ! Sinos pères revenaient au monde, ils seraient fort surpris de voir desmilliers de voitures sillonner dans tous les sens les rues de lacapitale..."

Les jeunes personnessans fortune à Paris (1832) par Victorine Collin : "Dans le siècleoùnous vivons, surtout en France, une portion de la société est condamnéeau malheur en naissant ; classe de Parias, êtres délaissés, et pourtantintéressants et aimables, dignes d’un meilleur sort, si tout ce qui estbon trouvait sa récompense dans cette vie ; je veux parler des jeunespersonnes bien nées et sans fortune. Pauvres filles, quel âge mûr vousattend !... quel avenir vous est réservé !... à quoi vous servent votredouceur, vos vertus, vos talents ? que vous revient-il de posséder unecharmante figure, d’avoir un noble maintien, et « la grâce plustouchante encor que la beauté ? La plupart d’entre vous sont destinéesà végéter inutiles sur la terre, à ne jamais porter le titre d’épouse,à ne caresser que l’enfant de l’étrangère..."

La vie d'un député(1832) par Viennet : "C’est un beau jourque celui d’une élection populaire pour l’heureux mortel qui en estl’objet. L’empressement de ses amis, les félicitations de sesconcitoyens, la confusion même de ses adversaires, les acclamations dubon peuple qui se réjouit de cet avènement au petit pied, comme si lelendemain ne devait pas ramener le travail de la veille, l’invasion dela foule joyeuse dans les salons du nouvel élu, les protestations dedévouement, les roulements des tambours, les sons harmonieux de lasérénade ; tout cela fait un ensemble étourdissant qui ravit ettransporte, une suite rapide d’émotions vives, désordonnées, dont on nesaurait se rendre compte, et qui ne laisse place à aucune réflexion surla nature et la sincérité de ces bruyants hommages..."

Les vices à la mode(1832) par J. Lesguillon (1800-1873) : "J’avoue qu’encommençant ce chapitre, je suis embarrassé par le titremême. Qu’est-ce qu’un vice ? En physique, autant que je puis me lefigurer, c’est l’absence ou la défectuosité d’une partie qui altère ouparalyse le tout. Ma définition peut être inexacte, mais je la croissuffisante. Eh bien ! nous voyons des machines humaines qui, loind’être altérées ou paralysées par des vices, leur doivent leurposition, leur équilibre, leur usage : ma définition est donc mauvaise: en voici une autre : le vice est le complément de l’homme..."

Les tables d'hôteparisiennes  (1832) par L. D. Derville (1802-1868) : "Paris asesthéâtres, ses musées, ses académies, ses Chambres, ses émeutes et sesrevues, toutes choses fort curieuses à voir ; mais la province a sestables d’hôte ; et cela seul la place au même degré de civilisation. Jene serais même point étonné que de nombreuses gens préférassent lestables d’hôte ; mais ce serait là un de ces goûts exclusifs qui nedoivent pas nous influencer. Il est sûr, en effet, que les tablesd’hôte provinciales l’emportent debeaucoup sur la plupart de celles qu’offre Paris à l’appétit vagabondde ses ruinés, de ses célibataires et de ses étrangers. La tabled’hôte, à Paris, c’est l’omnibus de la fringale..."

Les Demoiselles àmarier (1832) par Régnier Destourbet (1804-1832) : "Quand on aélevé un jeune poulain, qu’il est en âge de courir avec soncavalier, on conduit la petite bête au marché, et l’on dit : « Qui enveut ? J’en demande tant : voyez, il a le jarret fin, le crin fourni,l’échine droite ; portant bien sa tête ; large du poitrail : pour lavivacité c’est une biche ; si vous voulez savoir son âge, regardez sesdents ; si vous doutez de la douceur de ses allures, essayez-le. » J’aisouvent entendu des hommes de bon sens, se plaindre qu’il n’en fût pasde même pour les demoiselles, et qu’on ne pût pas mettre un écriteausur sa porte : A marier, unejolie demoiselle alezan doré, prenantdix-sept ans à la Saint-Martin, bien dressée, pouvant aller à lacuisine et au salon. S’adresser au portier..."

Les musiciens(1831) par Castil-Blaze (1784-1857) : "Quel est ce fashionable auxcheveux frisés, dont on admire l’élégance ?son habit taillé par les plus habiles mains servira de modèle ; laforme, la couleur, en seront adoptées ; un habit si bien porté mériteles honneurs de l’impression, nous le verrons estampé sur le Journaldes Modes. Son gilet, largement échancré, laisse voir un plastron debatiste d’un éclat éblouissant, plissé, empesé avec un soin extrême. Lachaîne d’or où pend sa montre, le ruban du lorgnon, se croisent surcette cuirasse de lin où brillent des agrafes dont l’or enchâsse lesrubis, les saphirs. Sa cravate est un chef-d’oeuvre de l’art ; dix,quinze, peut-être vingt carrés de mousseline ont été froissés,torturés, et renvoyés à la blanchisseuse avant qu’il ait pu ajuster cenoeud dont les seuls connaisseurs peuvent apprécier l’artifice etdétailler les perfections. Un castor superfin, des bas de soie au tissutransparent, un escarpin juste et reluisant comme l’acier d’Angleterre,des gants plus blancs que la neige, une badine où l’or brille,complètent la toilette de ce beau fils. Son menton n’est rasé qu’àdemi,..."

Des soiréeslittéraires, ou les poètes entreeux (1831) par Sainte-Beuve (1804-1869) : "Les soiréeslittéraires, dans lesquelles les poètes se réunissent pour se lireleurs vers et se faire part mutuellement de leurs plus fraîchesprémices, ne sont pas du tout une singularité de notre temps. Celas’est déjà passé de la sorte aux autres époques de civilisationraffinée ; et du moment que la poésie cessant d’être la voix naïve desraces errantes, l’oracle de la jeunesse des peuples a formé un artingénieux et difficile, dont un goût particulier, un tour délicat etsenti, une inspiration mêlée d’étude ont fait quelque chosed’entièrement distinct, il a été bien naturel et presque inévitable queles hommes voués à ce rare et précieux métier se recherchassent,voulussent s’essayer entre eux et se dédommager d’avance d’unepopularité lointaine, désormais fort douteuse à obtenir, par uneappréciation réciproque, attentive et complaisante..."

Le cimetière duPère-Lachaise (1832) par Eugène Roch : "Vers la fin de l’été, je metrouvais en proie à un accès de cettemélancolie profonde, qui est comme l’instinct d’un ressentiment secretcontre les hommes, le souvenir amer d’un passé vague, et une lassitudedes choses du moment. Livré à cette disposition, l’on aime à sortir del’enceinte des villes, à laisser derrière soi les formes trop positivesde la vie sociale, à s’éloigner de ce qui est faux, artificiel, endésharmonie avec la nature, enfin à fuir ses semblables....  –Et si, encore plein de cette humeur sombre, mais d’une tristesse déjàplus douce, vous gravissez une colline dont le sommet vous fassedominer sur la grande cité populeuse, sur le vaste Paris, alors votrerêverie se laisse entraîner à cette direction philosophique qui menaVolney méditer sur les ruines ! Vous admirez la puissance du temps, del’industrie, de la civilisation, dans cet amas surprenant de maisons,qui, sous leurs bases, dérobent à vos yeux des plaines, les rives d’unfleuve et de nombreux coteaux, de ces maisons que seize siècles ontapportées une à une, et jour par jour, l’une à côté de l’autre ! Vouslisez l’histoire sur le fronton des bâtiments royaux et sur la togenoirâtre des monuments..."

Un café devaudevillistes en 1831 (1832)par Félix Pyat (1810-1889) : "La Sibérie et un atelier d’élèves enpeinture ne sont pas plusinhospitaliers qu’un café de vaudevillistes. Si vous n’avez commis niroman, ni mémoire, ni un couplet dans toutevotre vie ; si l’on n’écrit pas à l’adresse de votre nom au moins homme de lettres,... je ne vousconseille pas d’entrer dans ce café,où tout le monde se connaît comme à l’estaminet d’une ville de province: vous y serez observé, pressé par les regards de tous, mal à l’aiseautant qu’une jeune fille, le premier jour du corset..."

Les amitiéslittéraires en 1831 (1832)par Astolphe de Custine (1790-1857) : "J’étais seul,assis à ma table ; je taillais mes plumes, ce qui veut dire que jen’avais guère d’envie d’écrire, quoique le loisir ne me manquât pas!..... Mais bientôt les souvenirs ranimèrent ma pensée : je me reportaivers les lieux que j’ai parcourus il y a peu de temps, et les nomsfameux, et les sites extraordinaires de l’Andalousie, de l’Afrique, merendirent toutes les inspirations de la poésie !.."

L'apprentijournaliste par Alexandre Duval (1767-1842) : "Dans ces temps derévolution où les journaux ont tant d’influence surles esprits, je crois utile de raconter naïvement au public comment,épris de la littérature, je me fis auteur par circonstance et apprentijournaliste par nécessité. Les événements de ma vie n’ayant rien deromanesque, je n’ai pas besoin d’avertir mon lecteur que mon récit necontiendra que la plus exacte vérité. On me nomme Alfred de R***, et jedois la naissance à un juge de laville de B..."

Une maison de fouspar Jacques Arago (1790-1855) : "Deux belles choses, deux chosescurieuses à voir et à étudier dansnotre vieille Europe : un palais de rois, une maison de fous. De cesdeux demeures, laquelle préféreriez-vous habiter ? Les insensésqui vivent auprès des monarques sont trop méthodiques, trop monotones ;ceux qu’on relègue à Charenton ou chez le docteur Blanche, me semblentmoins à plaindre. On a pitié de leur état ; ils mangent, à leur gré,assis ou debout ; ils saluent sans se courber jusqu’à terre ; il leurest permis quelquefois d’avoir une volonté, de la manifester, de lasoutenir. Ils parlent haut ; ils contrôlent les actions du chef ; ilsrésistent aux menaces, ils ne cèdent qu’à la force... Ce sont presquedes hommes..."

L'ouvreuse des logespar Paul David : "Voici un sujet de théâtre, sur lequel il estimpossible de faire del’érudition. Les Romains et les Grecs, toujours cités en fait de chosesd’art, et toujours admirables quand il s’agit de l’art en lui-même,n’avaient pas l’idée d’une ouvreuse de loges. Comment auraient-ilscompris cette mesquine invention de nos siècles d’argent, eux dont lamagnificence large et éclairée ouvrait un cirque à vingt millespectateurs, et faisait applaudir Aristophane ou Térence à tout unpeuple, assis sans distinction sur les vastes dalles de leurs théâtresgéants !.."

La journée d'unjournaliste par Gustave Planche (1808-1857) : "Lejournalisme est une royauté nouvelle, la plus jeune à coup sûr detoutes celles qui couvrent aujourd’hui l’Europe ; plus vivace et plushardie, plus souple et plus alerte que toutes les cours et tous lescabinets qui se liguent sans pouvoir se soutenir, qui prodiguent lesserments et les parjures, les protestations de franchise et lesarrière-pensées sans réussir à se tromper ; elle est née le jour où lavieille royauté a reçu le premier coup, le coup mortel qui a blessé àmort, en 1789, sa légitimité de quatorze siècles..."

Le coureurd'héritages par Moléri (1802-1877) : "Il arrive un moment dans lavieoù l'homme, soit nécessité, soit ambition, soit ennui, se résout àfaire choix d'une profession. C'est alors qu'il consulte sa vocation etpeut devenir un génie, ou bien qu'il se soumet aux exigences descirconstances et des personnes qui le dominent; d'où il résulte que lemonde se trouve affligé d'une innombrable quantité d'avocats bavardsplutôt qu'éloquents, de médecins empiriques, de juges ineptes,d'architectes maladroits, en un mot, d'ignorants autorisés par lesbrevets de l'École ou par les patentes du ministère des finances..."

Leboulevart du Temple (1832) par Nicolas Brazier (1783-1838) :"Charles Nodier a dit, en parlant de la route du Simplon, que Napoléonfit creuser d’une manière si miraculeuse : Le malheureux !... il m’a gâtémes Alpes !.... Ce mot n’a rien d’exagéré. Or, il en estdes plus petites choses comme des plus grandes. Moi aussi, j’ai eu mesphrases d’indignation ; et, lorsque je me promène aujourd’hui del’emplacement où était Paphos au café Turc, et que je reviens de la rued’Angoulême à l’ancien hôtel Foulon, je m’écrire à mon tour : Les malheureux ! ils m’ont gâtémon boulevart du Temple !.."

La vie de café(1832) par Merville (1785-1853) : "Avant de dire au lecteur (que cetitre étonne peut-être un peu) ce quec’est que la vie de café,il convient de lui dire deux mots des caféseux-mêmes. Ces établissements succédèrent aux cabarets fréquentés, sousLouis XIV, par la jeunesse élégante de Paris. Le siècle était dévot,guerrier ; il aimait les arts ; la cour de France était la plusbrillante, la plus polie de l’Europe ; et, à Paris, les jeunes gens,les femmes s’enivraient ! Il y avait certainement dans ce phénomènemoral quelque chose qui tenait de la Fronde et qui menait à laRégence..."

Une agencedramatique (1832) par Léon Halévy (1802-1883) : "Tout marche ; toutsuit le progrès du siècle. Quand je donnai authéâtre mon premier ouvrage (c’était en 1826), l’agent dramatiqueauquel m’adressa l’aimable et spirituel Emmanuel Dupaty, demeurait autroisième, dans un étroit et sombre appartement. Depuis cette époque,il a descendu deux étages ; la modeste table de noyer, surchargée devieux cartons, s’est métamorphosée en riche et élégant bureau d’acajou; deux commis toujours occupés groupent les chiffres aussi bien que leferait M. Thiers ; et dans un arrière-petit cabinet résonne l’agréablebruit des écus : vous vous croiriez chez un agent de change ou chez unbanquier. Tout annonce enfin une notable amélioration. Malheureusementles recettes des auteurs n’ont pas suivi la même progression. Depuisque les agents dramatiques sont mieux logés, les théâtres font de moinsbrillantes affaires ; et depuis qu’on n’a plus à monter qu’un étage, onredescend l’escalier bien plus légèrement : il y a compensation..."

Les traducteurs(1833) par Edouard de La Grange (1796-1896) : "Parmi toutes les espècesd’industries qui font gémir la presse à Pariset qui se partagent les vastes champs de la littérature, il en est uneplus pénible que celle du manoeuvre qui broie le sable et la chaux ; ilen est une dont le salaire est quelquefois inférieur à celui du paveurou du tailleur de pierres ; je veux parler des traductions qui nousinondent de tous côtés comme un torrent débordé, et qui envahissent àla fois et les librairies les plus renommées et les étalages les plusmodestes des quais et des boulevarts ; tapisseries retournées qui nousmontrent les sujets à l’envers, le coloris effacé et les linéamentsraboteux qui composent la trame. Courbé sur la pensée d’autrui, etsemblable à une presse mécanique, le traducteur est forcé dereproduire, dans un temps donné et dans un français trop souventbarbare, les inspirations des auteurs exotiques ; labeur ingratd’ouvriers faméliques, sorte de grosse littéraire transcrite à tant lerôle ; et les hommes qui vivent de cet ignoble métier, on les comptepar milliers dans la capitale du monde civilisé ; essaim bourdonnant,troupe sans nom comme sans gloire, depuis celui qui traduit à la lignesous l’échoppe de l’écrivain public, jusqu’à celui qui travaille à lafeuille dans son galetas solitaire..."

L'étudianten médecine (1832) par Alfred Donné (1801-1878) : " Au sortir ducollège, la grande affaire pour un jeune homme est le choix d’un état.Tant que la doctrine du docteur Gall ne sera pas décidément adoptéecomme un moyen infaillible de reconnaître les dispositions, le génieparticulier des enfants, on se donnera bien du mal pour étudier leursgoûts et leurs instincts, avant de les lancer dans l’une des millecarrières qui s’ouvrent devant eux à leur début dans le monde..."

Deux ménagesparisiens (1832) par Victorine Collin (1797-18..) : " Il faut êtrebienhardi pour toucher aux bourgeois, le plus petit peu du monde, quand ona lu le spirituel et délicieux article de M. Bazin sur ce sujet. J’y airegardé à vingt fois ; j’hésite peut-être encore : une seule chose merend le courage ; c’est que le bourgeois de M. Bazin a, pour ainsidire, revêtu son habit des dimanches ; il est en visite, hors de chezlui, à la revue, aux émeutes, aux fêtes publiques ; il court la bourse,les affaires, se promène en fiacre ; enfin il est toujours occupé. Maisle bourgeois chez lui, le bourgeois au coin de son feu, jouant lepiquet avec sa femme, additionnant son livre de dépense, le bourgeoisen bonnet de coton, vous ne le connaissez pas encore bien, ni lui, nisa femme, ni ses enfants, ni sa bonne..."

Le portier deParis (1832) par Jacques Raphaël : " Ce serait avoir à peineentrevu l’une des opérations les plus vulgairesauxquelles l’être qu’on nomme portierde Parisdaigne s’abaisser, que de s’imaginer que c’est tout simplement, etsuivant la signification exacte qu’un esprit logique peut déduire de cemot, un homme dont les fonctions se bornent à ouvrir et à fermer laporte d’une maison à ceux qui entrent, ou qui sortent..."

Unereprésentation à bénéfice (1832) par Auguste Luchet (1806-1872) : "Une représentation à bénéfice ! Que c’est une douce chose, et combienla pensée en est gracieuse et riante pour ces êtres rares, pour cesartistes favoris qui, toute leur vie, ont possédé, ont enchaîné lepublic de leur théâtre ; gens à qui leur théâtre doit de n’être pasmort, de vivre riche et glorieux ! Heureux, cent fois heureux ceux-làqui mènent, et remuent, et gouvernent tout ; qui sont plus directeursque le directeur ; ceux-là pour qui jamais la caisse n’a fermé saporte, ni baissé son guichet ; pour qui les feux et les suppléments defeux... "

Du costume parisien,et de son avenir parCharles Lenormant (1802-1859) : "Je me suis souvent étonné que, dans leplan tout spécial du livre des Cent-et-un, personne n’ait encore abordéle sujet éminemment parisien de la Mode. Cette puissance, naguèreencore absolue, aurait-elle succombé comme tant d’autres puissances, etne resterait-il chez nous, à la mode, d’autre privilége que celui dedonner son nom à un journal de l’ancien régime ? Oh ! alors, qui ne segarderait de remuer cette cendre refroidie ? qui ne renoncerait à laprétention d’auteur original devant la crainte de passer pour unplagiaire de Mercier ou de Sainte-Foix ? Il n’en est rien pourtant. Lafrivolité, compagne obligée de la mode, n’a pas abdiqué son rôle desouveraine : nous continuons d’être frivoles en révolutions, endiscussions, en émeutes, comme en tout le reste : nous n’avons de plusqu’autrefois qu’un singulier avantage, celui de profaner un plus grandnombre d’idées sérieuses. Mais, quelle que soit la direction de notreesprit, le fond n’en change pas : le livre des Cent-et-un, qui peintsous des couleurs si diverses, et avec des contradictions si amusantes,nos passions, nos répugnances, toute notre vie actuelle, le livre desCent-et-un est un monument précieux dans lequel la postérité (sipostérité il y a) cherchera surtout quelles étaient, après larévolution de 1830, les modes de Paris, en politique, en croyances,comme on cherche ailleurs la façon des robes et des habits d’uneépoque..."

Une scène demagnétismepar Félix Bodin (1795-1837) : "Monsieur l’éditeur du livre desCent-et-Un veut bien me demander un nouvel article ; c’est fortobligeant, sans doute : mais il exige absolument que j’y parle dumagnétisme ; c’est fort embarrassant. D’abord, il n’est pas du toutagréable de passer dans le monde pour s’occuper de magnétisme. Beaucoupde vos meilleurs amis vous considèrent alors avec une sorted’inquiétude compatissante, comme celle que nous inspirent les gensdont la tête n’est pas bien rassise. Je trouve cela tout naturel ; il ya quelques années que j’en usais ainsi avec les autres, et aujourd’hui,par la même raison, je suis presque honteux d’être signalé comme unadepte de Mesmer, de Puységur, et du bon M. Deleuze..."

Les théâtres desociété par Edouard Mennechet (1794-1845) : "Parmitous les amusements que multipliait la prospérité dont nous jouissionsavant la révolution de 1830, la comédie de société occupait le premierrang. Les concerts et les bals pâlissaient devant une soiréedramatique, et les mots On ferade la musique, ou bien Ondansera, n’avaient pas, sur une invitation, l’attrait puissantde cette courte et modeste annonce : On jouera des proverbes.Il n’était pas de prières, pas de démarches, pas de ruses dont on ne seservît pour être invité. On se réconciliait avec un ennemi, on donnaitla main à un homme de police, on écoutait sans bâiller un député ducentre : aucun sacrifice ne coûtait si l’heureux billet devait en êtrele prix. C’était alors un billet de spectacle qui éveillait laconcurrence : c’est aujourd’hui un billet d’hôpital. Comme tout achangé !.."

Un jour de paiementde rentes au trésor public par Ernest Fouinet (1799-1845) : "Quand,après un long travail, vous allez vous promener aux Tuileries, sur laterrasse des Feuillants, par un beau jour d’automne, dans ce doux étatde nonchaloir, de presque absence de pensée, que l’on a comparé souventau mouvement plein d’indolence d’un canot abandonné au flottement d’unpetit lac, votre esprit fatigué qui veut du repos, comme l’oeil éblouiveut de l’ombre, en a assez pour l’occuper du tourbillon de feuillesmortes qu’emporte un coup de vent, du léger froissement des pas dansces feuilles desséchées, du frôlement de la robe d’une joliepromeneuse, ou d’un coup d’oeil vague jeté sur la longue façade duministère des finances..."

 La faction desennuyés(1832) par A[uguste] Jal (1795-1873) : "La plus terrible, la pluscruelle, la plus dangereuse, la plus violentedes factions qui s’agitent à la surface de la société parisienne ! Neriez point ; car il n’y a pas de quoi rire, je vous assure. Vous vousaccommoderez avec toutes les factions politiques, si vousrenoncez à l’ambition de gouverner le pays, si vous vous condamnez à nepas discuter les droits, la force, les intentions et le mérite despartis ; si vous payez bien vos contributions, quelque système qui lesréclame. Comme vous ne serez gênant pour personne, personne ne vousattaquera ; vous glisserez entre la république américaine, larépublique renouvelée de 1791, le napoléonisme, l’henriquinquisme,l’opposition, la doctrine, la royauté des Tuileries, le programme del’hôtel-de-ville ; vous passerez au milieu de tout cela sans coudoyerune opinion, sans heurter une idée, parce que vous vous serez faitprudemment bien mince, bien petit, bien souple, bien adroit..."

Un magasin de modes(1832) par A[ntoine] Fontaney (1803-1837) : "Oh ! c’était bien le plusjoli chapeau du monde, le plus élégant, leplus gracieux, le plus coquet. – C’était une capote de gaze lilas avecdes tresses de paille autour de la passe, et puis un bouquet decoquelicots, d’épis et de bluets, parmi des coques de ruban, un peupenché à droite de la forme, sur la passe. – C’était bien aussi l’amourle plus fragile, le moins profond qui se pûttrouver ! – C’était un sentiment léger de femme légère, un sentiment defantaisie, avec des faveurs capricieuses, et des tendressesartificielles. – Or, voici ce qu’il advint de cette capote de gaze, etde ce sentimentde fantaisie..."

La rue des Postes(1832) par Frédéric Gaillardet (1808-1882) : "L’habitant de la provinceou l’étranger, nouveau venu dans Paris,pourrait croire, en lisant ce chapitre, que je vais lui parler de larue où, chaque jour, des milliers de bras, s’allongeant et se croisantles uns à l’envi des autres, laissent tomber des milliers de lettresdans une ouverture large et profonde, espèce de gouffre qui revomitpériodiquement ce qu’on lui jette, et dont la bouche, hérissée de dentsde fer, ressemble à ces gueules béantes des gardiens du Ténare,toujours prêts à dévorer, toujours prêts à saisir. C’est le vastâvoragine gurges de Virgile, avec son inhians tria Cerberis ora..."

Lesex-libris français depuis leur origine jusqu'à nos jours(1875) par Auguste Poulet-Malassis (1825-1878) : "« C’estla collection à la mode, » nous disait, ces jours derniers, un librairedu quai, à qui nous demandions des ex-libris. « A la mode » estexagéré. Nous citerions bien, en vérité, les noms d'une vingtaine decollectionneurs, après lesquels il faudrait s'arrêter. Noyau excellentqui grossira et fructifiera, certes, mais fort disproportionné avec lenombre de tirage de ces notes, qui s'adressent ainsi beaucoup moins auxcurieux de l'heure présente qu'à ceux de demain, ou de l'an qui vient.Quoi qu'il en soit, nous avons essayé de résumer ici nos observationssur les marques intérieuresde bibliothèque, et sur leur usage en France depuis la fin du XVIesiècle, où elles commencent à se montrer, jusqu'à nos jours, où l'onpeut dire qu'elles sont en discrédit. Au siècle dernier, elles ont euleur grande vogue correspondant à un besoin général, en même temps queleur apogée artistique, suivi de l'inévitable retour que l'on sait..."

La Mort de Carême(1833) par Charles-Frédéric-Alfred Fayot (1797-1861) : "Carême est morten janvier dernier, à l’âge de cinquante ans. Il amérité sa grande réputation. Je crois même à la durée de sa gloire, etmes raisons pour cela sont exposées dans les piquants commentairesdont il a déjà été l’objet. Ceux qui les écrivirent sont des habiles.Je trouve à leur tête M. Grimod de la Reynière, mangeur si délicat,écrivain si spirituel, et d’une conversation si riche de souvenirs ;lady Morgan, très-digne d’apprécier Carême. C’est elle qui a écrit,dans un enthousiasme de connaisseur, « que la science, comme Carême l’apratiquée, est unenécessité, un signe de civilisation, et l’une des plusdouces conséquences de la richesse. » Carême et Laguipière, son maître,ont introduit dans l’art les changements délicieux. – Nous mangeonsdepuis eux des choses plus délicates, et nous buvons à petits coups etfrais. Pour le boire, c’est un retour aux préceptes d’Horace..."

Une journée deflaneur sur le boulevarts du Nord (1833) par Amaury Duval(1760-1838) : "Ce bon Mercier,dont il me semble encore voir la figure goguenarde sous un vieux etlarge chapeau triangulaire, Mercier n’a donné d’autre titre à l’un desplus grands chapitres de son Tableaude Paris(tableau qui, par parenthèse, ne ressemble presque plus à l’original),que ces mots si vulgaires : PROMENONS-NOUS.C’était un conseil qu’il donnait d’avance aux peintres futurs de lamoderne Babylone, à tous les auteurs du livre des Cent-et-Un..."

Le Buffle(1882) par Henri Dalivoy : "Je dois au lecteurun aveu pénible mais loyal : je n’ai jamais vu d’autres Buffles queceux du Jardin des plantes et du Jardin d’acclimatation. J’ajouterai,pour achever ma confession, que l’étude sur place de ces animaux asuffi largement à mon bonheur et ne m’a pas inspiré la moindre velléitéd’aller, un jour, faire avec eux plus ample connaissance en Roumanie,en Égypte, en Perse, aux Indes ou au Cap de Bonne-Espérance. Purequestion de goût. Ce n’est point ma faute si je n’ai pas l’humeurvagabonde et si je considère comme une calamité un simple déplacementde Paris à Carcassonne ou à Quimper-Corentin..."

Le Tigre(1882)par Fulbert Dumonteil (1830-1912) : "Il n’y a peut-être pas dans lacréation de plus bel animal que le Tigre. Le Tigre est un grandcalomnié. Autant sa renommée est terrible et sa légende odieuse, autantsa forceest extraordinaire et sa beauté admirable. Sa souplesse, son agilitétiennent du prodige. Rien n’égale la puissance et la grâce, le charmeterrifiant et superbede ce grand chat de neuf pieds ! Un classement puéril a fait du Tigrecomme un vice-roi des animaux,ayant pour sultan le Lion. Le Tigre ne relève que du Tigre et nepartage avec personne sa couronneensanglantée. C’est tout simplement le monarque de l’Asie, comme leLion est le roide l’Afrique. L’un règne en souverain sur les rives du Gange ; l’autrea pour trône l’Atlas !..."

L'Orang-outang(1882) par Maurice Dehers : "Jadis dans l’ordre des Primates, mot quiveut dire premiers ou primats des animaux, Linné, inventeur de cettedénomination, plaçait, avec l’homme, non seulement les Singes et lesMakis, dont l’organisation se rapproche plus ou moins de celle quidistingue notre espèce ; mais aussi les Chauves-souris et lesParesseux, qui ont dû en être séparés, lorsqu’il a été permisd’apprécier plus exactement les particularités organiques qui lesdistinguent..."
 
 Le Lion(1882) par Henri Demesse : "L’une des merveilles de la création parmiles animaux, c’est le Lion, dont la royauté est fort dûment établie,bien que nombre de naturalistes aient entrepris de la lui discuter. Cefauve a reçu en partage la force et la beauté. Rien de plus majestueuxque sa démarche, rien de plus absolument beau que sa forme, rien deplus terrible que son rugissement..... Les naturalistes ont classé leLion parmi les onguiculés, ordre des carnassiers, famille des félins..."

 Le Renne(1882) par Jules Gros (1829-1891) : "Si Buffon a été le plus éloquentdes naturalistes, il est loin d’en avoir été le plus juste. Quant il aaffirmé que le Cheval est la plus belle conquête de l’homme sur lesanimaux, il ne parlait sans doute que des pays tempérés qu’ilconnaissait, mais l’Éléphant, en Asie, le Chameau, en Afrique, le Rennechez les populations du Nord, ne sont pas pourtant des conquêtes qu’ilfaille dédaigner. Les services réunis que rendent chez nous le Cheval,l’Ane, le Mulet, le Boeuf, la Vache, la Chèvre et la Brebis, le Renneles rend aux malheureuses populations qui vivent en Laponie et danstout le nord de la Sibérie. Ajoutons que partout où il vit à l’étatsauvage, il constitue un gibier précieux et un aliment de haut goût..."

Les Singes(1882) par René Delorme: "Où finit l’Homme ?Où commence le Singe ? Voilà des questions terriblement embarrassantes! Il faut cependant les examiner avant de rien dire. Si, par hasard, ilétait démontré que le Singe est unarrière-petit-cousin de l’homme, quel regret n’éprouverions-nous pas eneffet d’avoir parlé avec irrévérence d’un de nos parents éloignés ! Si,au contraire, il était avéré que le singe n’est qu’un simpleanimal, alors nous aurions libre carrière et nous ne nous exposerions àaucun remords en risquant quelques critiques. Qu’est-ce donc que leSinge ? Herder répond : « Mon frère aîné. » Faut-il s’en tenir à cetteopinion d’un Allemand modeste ?.."

L'Éléphant(1882) par Louis Figuier(1819-1894) : "On a dit, avecraison, que l’homme est le maître de la nature. Il a soumis tous lesanimaux à son empire ; il a transformé suivant ses désirs la végétationqui couvre la terre ; il a percé des montagnes, comblé des vallons,creusé des voies dans l’épaisseur des collines, changé les isthmes envoie maritime, et noyé des continents. Il est, en un mot, à la tête dela création inanimée ou vivante. Mais on peut bien admettre un momentcette hypothèse que l’homme aurait pu ne point exister, ou bien encorequ’il aurait pu disparaître, par un des cataclysmes dont notre globe aété plusieurs fois le théâtre..."

L'Ours (1882)par Jules Vallès(1832-1885) : "Fait drôlement ! Museau pointu, épaules larges, train dederrière plus large encore ; pas de queue. Etabli sur son séant, lespattes de devant en l’air, il ressemble à une pyramide poilue plantéesur sa base. Il est en effet la pyramide de nos premiers grandssouvenirs de la nature. Nous le voyons près de nous dans le drame de lavie terrestre, à partir du jour où on a pu en ressusciter lespersonnages et en rebâtir les décors. Il est assis, grognon, devant leberceau de notre race. Il donne même son nom à l’époque primitive qu’onappelle l’époque du Grand Ours..."

Les Romantiques(1878) par Marc de Montifaud(1849-1912) : "Les puissants, les fortunés, les légistes obèses et les bourgeoistremblaient. Les cloches de la Notre-damed'Hugo, avaient sonné à toute volée l'appel aux armes. Chaque réuniondevenait une bataille. Des hiérarchies littéraires jusqu'aux corpsd'état, la ligue défensive s'organisait. La résistance au romantisme secomposait des mêmes adversaires que ceux qui préconisaient l'ordreétabli en politique : les chauves de toutes les catégories, lescuistres du professorat, avant tout, les hommes qui passaient del'exercice du prétoire à l'épicerie et auxquels est familière cettepose qui consiste à croiser ses mains sur l'abdomen et à tourner sespouces ; tous ces prud’hommes au ventre tendu comme des tambours et auxmembres cartilagineux et flasques, tous ces gluants de nuance indécise,au masque gras et rasé reposant leur menton sur un col triangulaire,trouvaient le secret de prolonger la bataille. Ils mettaient la mêmeemphase à porter la queue de la tragédie qu'on en met aujourd'hui àporter la queue des ordres moraliens ; alors comme à présent c'étaientbien les mêmes têtes qu'on aurait dû servir sur du papier découpé commeon sert la tête de l'animal aux longues soies qui les symbolise enpolitique et en littérature..."

L'écrivian public(1832) par Frédéric Soulié(1800-1847) : "Il faut bien lereconnaître, chaque jour notre vieux Paris s’en va, sonoriginalité s’efface, son caractère disparaît. Bientôt il ne resteraplus rien de cette cité si pittoresquement construite, plus rien de sesmoeurs si originalement tranchées. Voyez : ses rues s’alignent, sesboulevarts s’aplanissent, ses faubourgs s’éclairent. Voyez : seshabitants, pairs et commis, notaires et confiseurs, portent le mêmefrac, et parlent la même langue. Hommes et maisons, tout se nivelle.Autrefois, avec des nobles féodaux, des seigneurs suzerains, desmanants et des serfs, nous avions de hauts châteaux, de grands palais,des masures et des cloaques. Aujourd’hui les tours et les privilégesgisent à côté les uns des autres et les rues s’élargissent au profit dupeuple qui s’élève, et aux dépens des vastes hôtels qui n’ont plusd’habitants à leur taille..."

Les amours dediligence (1832) par Victor Schoelcher(1804-1893) : "C’était une femme comme on en trouve beaucoup à Paris,mais comme iln’y en a qu’à Paris : élégante, belle, jeune avec trente ans, et richeavec dix mille francs de rente. Ces femmes-là sont, pour l’ordinaire,réellement veuves, et gardent un fils de sept ou huit ans dans un desdeux grands colléges. Quelquefois leur mariage les a fait baronnes,mais elles n’en tirent nulle vanité ; elles comptent trop surelles-mêmes pour se parer d’un mot. Elles ont des cheveux blonds, unepeau de satin, des ongles blancs, un corps frèle, une physionomiedouce, des bas de fil d’Écosse, des robes faites par la bonne faiseuse,des mouchoirs de batiste, et des gants de Suède. Toute leur personneest d’une délicatesse exquise, et elles laissent après elles un parfumpresque insensible de mille odeurs délicieuses. Elles habitent unejolie maison dans la Chaussée-d’Antin, meublée avec recherche, toujoursornée de fleurs,..."

 LePalais-Royal (1831) par E. Roch: "Parcourez lesprincipales villes de l’Europe, vous y verrez des cathédralesgothiques, des jardins et des palais auxquels Paris et les autresvilles de France auront à opposer des monuments de même genre ;remontez aux temps anciens ; embarquez-vous sur le vaisseaud’Anacharsis, vous visiterez la Grèce dans sa splendeur, et lorsquevous aurez admiré les Propylées, le temple de Thésée et le Parthénon,la nouvelle Athènes pourra mettre en regard de ces édifices sonPanthéon, son Louvre, sa Bourse et son église de la Madelaine ; maisnulle part vous ne retrouverez un Palais-Royal, ni rien qui luiressemble..."

 Les Musées enplein vent(1831) par Amédée Pommier(1804-1877) : "On doit regardercomme un des plus notables agréments de Paris toute la jouissance qu’onpeut s’y procurer pour rien. C’est une des villes du monde où le pauvres’amuse le plus, et, parmi ces plaisirs qui s’offrent gratis à unchacun, les boutiques de gravures occupent incontestablement un rangfort distingué..."

Le Napoléon noir(1832) par Léon Gozlan(1803-1866) : "La génération présente doits’attendre à être encombrée de fils de Napoléon, concurremment avec lesfaux dauphins : chaque dynastie déchue nous léguant ses glorieuxbâtards et ses faussaires. Ce n’est pas que les branches nouvelless’alarment beaucoup de ces prétendants apocryphes ; il y a milleraisons pour cela : d’abord le nombre exclut la vraisemblance ; et,dans le contingent des héritiers présomptifs, les imbéciles nuisenttrop aux fripons. Mais les superstitions populaires s’alimentent àcette source équivoque ; et pour peu qu’on ait le nez ou la boucheoffrant quelque ressemblance avec le masque de l’ex-souverain, lechapeau fait le reste. La foi nationale est robuste. On a comptécinquante-huit faux Néron, trente-deux faux Charles-Quint ; on a perdule nombre des faux Louis XVII. Qu’on juge, après cela, si le vol defiliation souffre le moindre blâme, quand les pères sont dans uneproportion si effrayante..."

Une demoiselle deParis en 1832(1832) par Victor Ducange(1783-1833) : "Qu’elle est jolie !... Vous la connaissez, j’en suissûr. Plus d’une fois, sans doute, il vous est arrivé, par un beau jourdejuillet ou d’août, entre quatre et cinq heures, d’aller vous mêler à lafoule élégante que la mode appelle, et que la fraîcheur d’un belombrage retient dans les vastes allées de la royale demeure. Ou bienaussi, par une douce soirée, un beau ciel de nuit azuré, vospas appesantis par le poids du jour, heurtés, interrompus par un essaimde beautés, ont, trente fois dans une heure, mesuré la distance entrela rue Laffite et la rue Taitbout, au milieu d’un double rang de femmeséblouissantes, de lanternes où le gaz rayonne, et des bouffées de tabacde nos modernes élégants : enfin, sans métaphore, vous vous êtespromené le matin aux Tuileries, ou le soir à Coblentz..."

Jacques Bonhomme(1833) par Gibert : "JacquesBonhomme,M. Jacques Bonhomme est d’une famille ancienne.Depuis qu’il est devenu important, des flatteurs et des savants lui ontmême fait une belle généalogie ; ils lui donnent une origine celtique.A les croire, sa race s’en va se perdre dans la nuit des temps quiprécèdent les histoires écrites. Ils retrouvent en lui je ne saisquelle physionomie gauloise, un peu semblable aux descriptions deCésar. Ils disent qu’ensuite ces Jacques Bonshommes de la vieille Gaulefirent assez bonne société avec les Romains leurs conquérants : ils semêlèrent aux vainqueurs du monde par mariage ou autrement, finirent parparler la même langue et prirent ensemble des habitudes municipales ;tâchant de se tirer au moins mal du gouvernement du bas-empire, ou, cequi fut pire encore, de sa décrépitude expirante..."

 Une premièrereprésentation (1831) par Merville(1785-1853) : "Autrefois,c’est-à-dire avant le 26 juillet 1830, c’était quelque chosequ’une PremièreReprésentation. Les journaux l’annonçaient un moisd’avance ; ils citaient le nom de l’auteur en toutes lettres, et ce nomne devenait un mystère que le jour de l’événement. Mais alors, lesamis du coupablequi, de concert avec lui, s’étaient souvent évertués à le faireconnaître, à divulguer son secret, usaient de la plus discrète retenue.On les voyait sous le péristyle du théâtre, dans les couloirs, dans lesfoyers, s’aborder, se reconnaître à certains signes, à de furtifséchanges de coups d’oeil et de serrements de mains, comme des Carbonari ou desmembres du Tugendbund. Ils s’oubliaient eux-mêmes, pour ne s’occuper que dela grande affaire du jour, l’ouvrage nouveau. Ils n’étaient plus, à cemoment solennel, jésuites, libéraux, royalistes, tout ce qu’on étaitalors ; ils étaient amisde l’auteur, identifiés avec lui, participant à sesangoisses, à ses craintes, à ses espérances, et l’on citait telécrivain qui avait le bonheur de voir dans cette espèce de commanditeplus de la moitié des spectateurs, sans compter ceux qui faisaientmétier de l’applaudir..."

Les bibliothèquespubliques (1831) par P. L. Jacob(1806-1884) : "Je comprends bien que les bibliothèques publiques deParis puissentêtre utiles aux lettres ; mais, en vérité, telles que les a faitesl’impéritie ou la négligence de l’administration, je ne comprends pas àquoi elles servent, sinon à enfouir et à perdre à la fois le précieuxdépôt des connaissances écrites ; la Bibliothèque du roi, comme la plusimportante par le nombre et le choix des livres et des manuscrits, estaussi la plus riche en désordre, en routine, et en abus. Cependant lapolice matérielle de l’établissement fait honneur au concierge et auxfrotteurs de livrée ; ou dépose gratisles cannes et parapluies à laporte ; on est prié, parune inscription en langue vulgaire, d’essuyer ses pieds au paillasson,et des crachoirs moins rares queles encriers préservent de fréquents outrages le miroir du parquetciré. Là, Diogène n’eût pas été réduit à cracher au visage dequelqu’un..."

Un couplet de laMarseillaise et l'Abbé Pessonneaux (1900) par E.-J. Savigné (1806-1884) : "LA paternité du septième couplet de laMarseillaise, « Nousentrerons dans la carrière….. a été l’objet de nombreusesdiscussions. Quelques-uns l’ont attribuée à Marie-Joseph Chénier ;d’autres à M. Louis du Bois(1). Mais c’est M. L’abbé Pessonneaux qui, selon nous, en estl’incontestable auteur, et notre opinion, exposée dans deux brochures(2), a eu le mérite d’être agréée par M. Jules Lecomte. Nous necomptions plus revenir sur ce sujet, peut-être usé, quand M.Anatole France, de l’Académie Française, dont nous admirons, à leurjuste valeur, l’autorité et le talent, publia, il y a quelques annéesdéjà, dans Le Temps(3) et dernièrement dans les Annalespolitiques et littéraires (4), des articles destinés àraviver les prétentions de M. Louis du Bois...."

Monsieur de Paris(1832) par James Rousseau: Le prince del’Église et l’exécuteur des hautes-oeuvres ; l’homme duciel avec sa parole tout évangélique, et l’homme de la terre avec samission toute de douleur et de sang ; Celui qui prie pour l’âme, celuiqui détruit le corps ; L’un portant ses regards vers ce qu’il y a deplus haut, l’autre forcéde les tourner vers ce qu’il y a de plus bas ; Tous deux, par unétrange abus de mots, par un renversement de touteidée, de toute logique, tous deux appelés du même nom..."

MademoiselleMontansier, son salon et son théâtre (1832) par J. T. Merle : "Le vieux Parisdisparaît devant nous ; ses monuments font place à desrues longues, larges, froides et insignifiantes, comme celles de Berlinou de Saint-Pétersbourg ; la poésie de ses anciennes traditions, de sessuperstitions populaires, s’efface chaque jour ; bientôt il ne nousrestera plus de la bonne ville de Louis XII et d’Henri IV, qu’un Parismoderne, qui n’aura rien d’historique, et qui ressemblera à une villeprise d’assaut par les architectes et les maçons..."

La Conciergerie(1831) par Philarète Chasles :"J’avais seize ans,lorsque je vis pour la première fois la Conciergerie. Quelle prisonc’était alors ! une prison de l’ancien régime, belled’horreur, hideuse de poésie ! un amas de cachots ;un dédale de corridors sombres et de voûtes infernales ! Dufront vous touchiez la poutre qui écrasait le guichetd’entrée ; ployé en deux, vous aviez peine à le franchir. Unréverbère, à la clarté rouge, brûlait éternellement sous le porche. Là,il y avait encore des faces noires de geôliers, des paquets de clefsretentissantes, des barreaux de fer obstruant l’air et lalumière ; je m’en souviendrai toujours : de tellesimages ne périssent point dans la mémoire ; elles projettentleur ombre sur toute une vie..."

Parisfashionable en miniature (1833) par Alexandre Laya (1809-1883?) : "Sous quelleforme nouvelle animer ce que vous allez lire ? On a toutfait. Le nouveau n’est autre chose que du vieux remis à neuf ; et quandje demande à mes souvenirs ou à mes rêves ce qui a été ou ce quiarrivera, l’avenir ne me semble devoir être qu’une reproduction dupassé. L’humanité tourne dans le même cercle, c’est une ronde quifrappe toujours le même sol, sous le même rhythme, sous la mêmecadence..."

Le compositeurtypographe(1832). par Bert : "Neconfondez pas le typographe ou compositeur avecl’imprimeur ou pressier. Ces deux agents d’un art merveilleux sontséparés par un grand intervalle dans la hiérarchie des fonctions del’imprimerie. L’un préside à la première transformation que subit laparole visible, l’autre ne fait que diriger la machine qui doit larépéter aux yeux par des milliers d’échos. La mécanique est déjàparvenue à disputer à ce dernier son emploi ; déjà, sans lui, l’encresait se répandre sur les caractères assemblés et serrés dans un cadre ;la feuille blanche s’étendre sur la forme, se glisser sous la presse,et sortir de l’instrument muet empreinte de la pensée et de la voix dugénie. Ainsi le pressier voit son poste envahi par un ouvrier pluslaborieux que lui, et qui n’est pas, comme lui, sujet à la faim, à lafatigue, au sommeil..."

Les maisons de jeu(1832) par le Comte Armand d'Allonville: ''Que fais-tu, clairvoyantAsmodée, tandis qu’une foule d’écrivains spirituels, après t’avoirsolennellement évoqué, parcourent sans toi les différents quartiers decette vaste métropole, et explorent, eux seuls, cent lieux publics, ouréduits secrets, dans lesquels tu devais les introduire ou les guider ?Il en est cependant que ces vigilants observateurs n’ont point encorevisités ; ceux-là sont le domaine de certains esprits malfaisants,auxquels, malgré ta qualité de démon, ton génie satirique ne te fait,certes, pas ressembler ; mais tu les dois connaître, et je voudraispénétrer, sous tes auspices, dans ces antres où vont s’engloutir et lafortune et la moralité d’un trop grand nombre de misérables..."

Une visite àCharenton (1832) par Maurice Palluy: "Sur les bords dela Marne, à égale distance des jolis villages deSaint-Maur et de Saint-Mandé, au milieu de vastes jardins bornés aunord par le parc de Vincennes et qui dominent les plaines fertiles deMaisons et d’Ivry, s’élève une masse de bâtiments irrégulièrementgroupés, dont l’aspect rappelle le souvenir de ces grands édificesélevés autrefois à la religion par le génie de la solitude. Une longueavenue plantée d’arbres dont les branches convergent en arceaux, et quesuit le courant d’un des bras de la Marne, y conduit le promeneur quis’égare de ces côtés. Veut-il en explorer les entours ? un pont légerlui ouvre l’accès d’une île formée par la rivière, et dont les contoursgracieux offrent les perspectives les plus pittoresques..."

Paris illuminé(1833) par A. Baudin : "Qu’on ne prennepas l’épithète titulaire de cet article dans un sensfiguré. Qu’on ne s’imagine pas que je veuille peindre la grâce efficacedu saint-simonisme ou du néochristianisme agissant sur la grande cité,la touchant au coeur, et épurant cette moderne Ninive. Non, notrecapitale, trop dure à catéchiser, fera long-temps encore le désespoirdes utopistes religionnaires ; et, découragés de leurs effortsstériles, MM. Enfantin, Gustave Drouineau, et le réformiste Chatel,iront sans doute, sous d’autres climats, chercher des peuples moinsendurcis, plus malléables, plus ductiles, dont la foi toute neuvepuisse adopter des croyances nouvelles..."

 Eloge dusnobisme (1926) par Marcel Boulenger(1873-1932) : "C’ESTinouï !... On nous demande de traiter en quelques pages un grand unimportant chapitre d’histoire religieuse : et nous pouvons même dire unimmense chapitre, un chapitre capital de l’histoire religieusecontemporaine… En quelques pages !... En un tout petit volume, uneplaquette !... Mais comment veut-on que nous fassions ? Car enfin lesnobisme est une religion. Il faut bien que c’en soit une,puisque les snobs vivent manifestement en état de dévotion profondeenvers leurs divinités, telles que les titres, les millions, la langueanglaise, les votes d’admission dans les grands cercles, etc., etparfois même d’exaltation mystique. On ne sait en effet si certainsd’entre eux ne vont pas jusqu’à l’extase dans le secret de leursméditations solitaires..."

Les médecins de Paris (1833) par F. Trelloz : "Dans le siècle oùnous vivons, l’indépendance est un des premiersbesoins de la vie, et les révolutions qui se sont succédé ont laissétant d’hommes incertains sur leur avenir, surtout parmi ceux quioccupaient des emplois dans le gouvernement, que chacun a cherché àdonner à ses enfants un état qui le mît à l’abri des revirements defortune. Ajoutez à cela l’ambition qu’ont tous les parents de donner àleur fils un état qu’ils considèrent comme plus relevé que le leur, etvous vous expliquerez pourquoi nous voyons maintenant tant d’avocats ettant de médecins...."

 La place degrève (1833) par Eugène Labaume(1783-1849) : "Si le livre des Cent-et-Uneût été destiné à donner une descriptionpittoresque et animée de tous les lieux de la capitale témoinsd’événements tragiques susceptibles d’émouvoir la sensibilité deslecteurs, il n’en est aucun qui, sous ce rapport, pût offrir des scènesplus dramatiques et plus variées que la place de Grève. Mais à Dieu neplaise que, pour exciter des émotions, nous cherchions à rappeler cessupplices affreux qu’une législation barbare faisait endurer auxcriminels. Nous ne parlerons donc point du supplice de la roue infligéà..."

 Étrennesaux jeunes femmes qui veulent être heureuses dans leur ménage, etdonner à l'État des Enfans sains et robustes (1806) : "NOUS avons l’Ami desEnfans et le Magasin desAdolescentes, deuxouvrages également utiles aux deux âges de la jeunesse, qu’ils ont pourobjet. Pourquoi n’aurions-nous pas l’Ami des jeunes Femmes,cetteportion de l’humanité si précieuse à lasociété, et d’où dépendent sonbonheur et sa population ? En vain vous aurez appris à lajeunessecomment elle doit se comporter dans son bas âge, si nous necontinuonspas nos leçons jusqu’au moment où, placée aurang des mères de famille,notre jeune élève doit exercer le plus sérieux etle plus important desdevoirs, celui d’épouse et de mère. Aussi, ce planfut-il celui duvertueux Berquin, si la mort ne l’eût ravi au milieud’une carrièrequ’il ne parcourait que pour le bonheur du genre humain..."

 Éloge de laparesse (1926) par Eugène Marsan(1882-1936) : "IMAGINEZ un château. Un château vous plaira. Et non pasune vaste fabrique rétablie à grandfrais, comme un musée, mais une demeure. La grosse tour de l’ouest estdu XIIIe. La légende veut, commetoujours, que ses fondations remontent jusqu’aux Romains. La tour dulevant est du XVe, avec une porte si basse qu’il faut se baisser,curieux vestige d’un âge antérieur. Entre elles, tout le corps de logisest d’une Renaissance retouchée. La petite aile droite a double visage: Empire et Louis XVI..."

Croquis de Guerre etd’Après (1923) par Henri Marguy : "Oserai-je conseiller à nospessimistes, aux broyeurs de noir, à ceuxenfin qui, parce que la vie devient de plus en plus chère et que laguerre se prolonge sans amener encore la décision souhaitée, estimentque tout est perdu, de s’en aller, par une belle journée ensoleilléecomme celles dont nous venons d’être gratifiés, faire le tour desfortifications parisiennes ? Au lieu de s’enfermer dans un café chicoù, tout en dégustant un bock,voire même café-crême - (on boit encore beaucoup de café-crême dans cesétablissements, malgré la soi-disant rareté du lait) - ilss’hypnotisent à la lecture de multiples grands quotidiens, qu’ilsfassent la promenade au grand air que je leur propose..."

 Pays de Retz(1928) par Marc Elder(1884-1934) : "UNE route passe sur la crête, à cent mètresdu littoral, joignant d’un trait presque droit Pornic àBourgneuf-en-Retz. Soulignons-la de vert comme sur une carte Michelin.Son cours champêtre, varié par des échappées sur l’Océan, ne manque pasde pittoresque. On y voit les clochers du Clion, des Moustiers, finscomme pointe d’oignon monté en graine, la chapelle de Prigny àcroupeton sous son orme, un horizon divers qui propose des jeuxd’esprit sous la forme de mirages dont il faut deviner le sens. Pourmoi, j’y vois ma jeunesse. Elle est éparse dans le paysage ainsi que lalumière insaisissable.."

Basses Pyrenées :histoire naturelle et poétique (1926) par Francis Jammes (1868-1938) : "Je ne peux qu’admirer, tandis que les fauvettes chantent dans monjardin de Hasparren, et que tout à l’heure y glissait une musaraigneentre les feuilles, qu’à dix kilomètres d’ici, non loin de mon châteaude Belzuncia, à Isturitz, aient été mis à jour ces indiscutablesossements d’ours, d’hyènes, de cerfs, de rhinocéros, de mammouths, derennes, de bisons, de lagopèdes, de goélands, d’aigles, et cescoquillages ! Les squelettes d’ours, en particulier, s’enchevêtrent,s’entremêlent, s’agglomèrent, avec une telle abondance, qu’ils firentnaître la singulière idée, heureusement abandonnée, de les exploitercomme engrais chimique..."

Le10 août (1875) parGeorges de Cadoudal (1823-1885) : "Le 10 août 1792 un grand crime, un crime irrémissible fut accompli parl’infernal génie des révolutions. La Royauté, qui avait créé notrenationalité, qui avait élevé la France aux sommets de la puissance etde la gloire, succomba en quelques heures sous une coalition desophistes et de rhéteurs, de faubouriens et de repris de justice. Cettejournée livra la clé de nos destinées aux plus vils des hommes ; ellerendit possibles les crimes de Septembre et de Janvier ; elle fut lapréface sanglante de la Terreur..."

 Annecy(1930) par Albert Besnard(1849-1934) : "IL y a des voyages dramatiques ; il y en ade doux - qui pourraient être terribles : celui de la Haute-Savoie estde cette catégorie. C’est un pays de montagnes parfois assez hautesqui, pendant l’été se drapent des lambeaux du premier nuage qui passe ;mais se coiffent de neige à l’automne ce qui leur donne un aspectredoutable. Au-dessus d’elles le roi de la contrée, le fantôme éternel,le géant des Alpes, le mont Blanc, hiver comme été, avertit lesindiscrets qui prétendent à voir de près son visage, qu’au-dessus duplaisir de violer le silence des hautes solitudes planent toujours levertige et le froid, frères de la mort. Comme pour tempérer la sévéritédu paysage, tout en bas, s’étend un lac couleur d’espérance..."

 Napoléon auPanthéon del'Histoire : Résumé de tout ce grand homme a fait de Merveilleux (1830)par Pierre Colau (1763-183..): "Honneur à la liberté qui sur tous les théâtres de la capitale,ressuscite le grand homme dont l'ombre seule effrayait le gouvernementanti-national que la valeur des immortels enfans de Lutèce vient derenverser. Les destinées de Napoléon sont accomplies ; il n'est plus !Cependant,il est encore de ces hommes à qui la nature sembler n'avoir donné desyeux que pour`ne point voir, qui demandent ce que deviendra sa mémoire? C'est en résumant ce que le vainqueur des Rois de l'Europe a fait degrand, que nous répondons..."

Derniers efforts dujésuitisme expirant: ses infamies, ses crimes etses complots, définition de ce qu'on appelle la congrégation... (1830)par Pierre Colau (1763-183..).

Crimesde la superstition et du fanatisme, occasionnés par l’intolérancereligieuse... (1831) par Pierre Colau(1763-183..).

Paray-le-Monial(1926) par Henri de Régnier(1864-1936) : "PUISQUE j’ai parlé de Bouchu, il « fautquej’achève l’étrangesingularité qu’il donna en spectacle, autant qu’un homme de son état enpeut donner. C’était un homme qui avait une figure fort aimable et dontl’esprit, qui l’était encore plus, le demeura toujours. Il en avaitbeaucoup et facile au travail et fertile en expédients. Il avait étéintendant de l’armée de Dauphiné, de Savoie et d’Italie, toute l’autreguerre et celle-ci. Il s’y était enrichi ; homme d’ailleurs fort galantet de très bonne compagnie. Lui et sa femme, qui était Rouillé, soeurdela dernière duchesse de Richelieu et de la femme de Bullion, sepassaient très bien l’un de l’autre..."

La Touraine(1926) par René Boylesve(1867-1926) : "COMMERonsard, nous allons faire « le voyage de Tours ».Nous ne le ferons pas en vers. Je n’en ai point à ma disposition quivaillent ceux du poète vendômois : C’était au mois d’avril,Francine, il m’en souvient, | Quand tout arbre florit, quand laterre devient | De vieillesse en jouvence, et l’estrange arondelle| Fait contre un soliveau sa maison naturelle. | Nous risquerions,sur ces douze pieds, si alertes qu’ils soient, detrouver l’excursion un peu longue. Cependant, si j’ai prononcé le nomd’un poète, ce n’est pas sans dessein..."

Strasbourg(1929) par André Hallays(1859-1930) : ""JE n’avais fait que traverser l’Alsace au retour d’unvoyage enAllemagne et ne connaissais guère que la cathédrale de Strasbourg et lemusée de Colmar : je redoutais de me sentir un étranger sur une terreautrefois française. Au printemps de 1903, la Société industrielle deMulhouse m’invita à donner une conférence chez elle. Je me décidai àprofiter de cette occasion pour visiter le reste de l’Alsace..."

Cluny (1928) parAlbert Thibaudet (1874-1936) :"AU Français qui voyage en Allemagne, vous savez quelleest la première question que l’on pose : « Êtes-vous de Paris ? » Uneréponse négative vous fait considérer comme un Français de deuxièmezone, et même comme rien du tout. Ces Germains ignorent que, sauf desexceptions, en France on n’est pas de Paris. On va à Paris, ou on envient, ou on y passe, ou vos parents y sont venus, ou vous y êtes venu,mais enfin, dans le monde de l’esprit tout au moins, Paris est associéà des valeurs de mouvement, de conquête, de départ, d’arrivée, decirculation..."

Les musiciens lesphilosophes etles gaietés de la musique en chiffres : Réponse à MonsieurFrancisqueSarcey (1870) par Oscar Comettant(1819-1898) : "Vous n’êtes pas heureux quand vous parlez musique, monsieur ettrès-honoré confrère. Vous la comprenez mal. Il est vrai que vousl’avez apprise sur le tard, par la méthode Chevé..."

Les guérisseurs etles éclopés dansl’oeuvre de Quast (ca1922) ; Trois pharmacies de poche (1922) ; Une épidémie de hoquetà Tournai en 1413 (1922) par Jean-Joseph Tricot-Royer (1875-1951).

Un Bal d’Etudiants(Bullier): notice historique... par un ancien contrôleur du droit despauvres (1908) :  "Il y a quelques années, on pouvait lire à laquatrième page des journaux l’annonce de la mise en vente dans l’étudede Me Prudhomme, notaire à Paris, de BULLIER, le célèbre bal de lajeunesse des Ecoles, connu de nos pères sous le nom de CLOSERIEDES LILAS.Certes, cette grave nouvelle ne tarda pas à faire son tour de France,et nombre de compassés magistrats, solennels notaires ou sévèresmédecins, du fond de leur province, n’ont pu se défendre d’un soupir deregret en songeant que la vieille salle mauresque de l’avenue del’Observatoire, témoin de leurs ébats capiteux de la vingtième année,allait peut-être disparaître à jamais !.."

De la séricicultureen France (1865) par Georges Renaud: "La question séricicole n’est pas absolument nouvelle. Maintes foisdéjà, elle avait fixé l’attention des divers gouvernements qui se sontsuccédé en France, quand, à des intervalles très-éloignés, de violentesépidémies s’étaient abattues sur nos races de vers à soie. Cependant,jamais l’état de souffrance n’avait été aussi grave qu’il l’est de nosjours ; jamais on n’avait vu la récolte annuelle des cocons tomber de100 millions de francs (chiffre moyen d’une année) à 34..."

Passionset vanités (1926) par la ComtesseAnna de Noailles(1876-1933) : "LES femmes m’en voudront-elles de leur direque je ne m’habitue pas à leur grand mépris de la chevelure d’Yseult,voile d’or sur le vaisseau de Tristan ; à leur dédain de la fringantecoiffure de Diane, et même de cet étroit anneau bombé, délicat comme lachâtaigne, qui repose sur le col grec de la « Jeune fille aux osselets» ? Silencieuse par politesse devant tant de subits pages florentins etde japonais aux joues roses, je leur fais pourtant un grief de leurscheveux courts, de cette suppression de rêve, d’ingéniosité, deréussite autour du visage. Je leur reproche ce dépouillement de lanuque, lieu secret, amoureux de l’ombre, modelé pour supporter lecoquillage soyeux, rêche, sombre, doré, ou bien pour paraître effrontépar l’élancement, jusqu’au sommet de la tête, de la parure vivante quivient s’y abattre ou s’y épanouir..."

 Notice sur l'île d'Elbe,contenant la description de ses villes, ports, places fortes, villes,bourgs, villages, l’état de sa population, ... (1814) : "ELBE,nomméeen grec Æthalia, Ilva enlatin, Elba en italien,est une île situéedans la mer Méditerranée, sur les côtes de la Toscane, à 4 lieues de laterre ferme de l’Italie ; à 13 lieues de l’île de Corse, à 45 de Rome,à 85 de Naples, et à environ 230 de Paris. Elle était connue desanciens, puisqu’on rapporte qu’elle était déjà peuplée que Rome n’étaitpas encore bâtie. Cette île forme un trianglepresque équilatéral ; elle a vingt-six lieues de circonférence, àraison des enfoncements et des recoins qu’en présentent le côtes. En1778, sa population était à peine de 8,000 habitants, aujourd’hui elles’élève à 11,380. Le plus long jour y est de quinze heures, et le pôles’y élève à la hauteur de 41 degrés et demi. Outre les cartesparticulières où l’on trouve cette île, il en a paru une à Venise, quia pour éditeur Bertelli, et qui se distingue par son exactitude detoutes les autres cartes de la Toscane..."

Les grandes erreurs judiciaires par Marcel Nadaud & Maurice Pelletier : Les grandes erreursjudiciaires : Undrame paysan (Petitdemange) ; Il ne s’était pas rendu(Lieutenant Chapelant) ; Le pigeonnier du vieux flamand (Strimelle)(1926).

Les pauvres: physiologie de la misère (1841) par Louis Mathurin Moreau-Christophe (1799-1881) : "DANSla distribution des maux de cette terre, chaque peuple a eu son fléau,chaque époque sa plaie. Tantôt ç’a été la famine,tantôt la peste, tantôt la guerre, tantôt les inondations, tantôt lebouleversement des idées, des fortunes, des religions, des empires.Sousquelque forme que ces maux se soient produits, ils ont toujours eu poureffet un autre mal, - le seul qui toujours ait survécu à tous lesautres ; - mal chronique, enraciné, persistant ; mal qui prend chaquejour une extension terrible, fatale, immense… LA MISÈRE!..."

Les grandes erreurs judiciaires par Marcel Nadaud & Maurice Pelletier :  L’empoisonneuse deChoisy (Julie Jacquemin) ; Le couteau du boucher (Pacotte) ; Le calvaire d’uninstituteur(Pierre Vaux) ; Unepetite oie blanche (LaRoncière) ; L’incendiaireau village (Maximilien Flament)(1926).

 Imagesde Majorque (1925) par Louis Codet(1876-1914) : "Qu’ilest donc délicieux d’arriver, à l’aurore, dans un port inconnu ! c’estune des plus douces choses de la vie, et je ne crois pas qu’on puissese blaser sur cette surprise. Tandis que le vapeurglisse silencieusement sur les flots calmes de la rade, on contemplealentour ces rivages dentelés, ces monuments, ces maisons étrangères ;le demi-jour leur laisse un air d’apparition ; l’on goûte un étonnementd’une qualité rare ; ces montagnes et cette ville, sorties des eaux,c’est la nouveauté en sa fleur..."

 Le bas-bleu(1842) par Jules Janin(1804-1874) : "ONcherche encore l’origine de cette très-expressive et très-justedénomination : le Bas-bleu.D’où vient ce mot et que veut-il dire ? Dans un de ses magnifiquesaccès de mauvaise humeur, lord Byron s’en est servi pour désigner larace, toute moderne, des malheureuses créatures féminines qui,renonçant à la beauté, à la grâce, à la jeunesse, au bonheur dumariage, aux chastes prévoyances de la maternité, à tout ce qui est lefoyer domestique, la famille, le repos au dedans, la considération audehors, entreprennent de vivre à la force de leur esprit. On les aappelées bas-bleus pour deux ou trois motifs que Byron n’explique pas,mais qu’il est facile d’expliquer..."

Le maître dechausson(1842) par Théophile Gautier(1811-1872) : "VOUSavez sans doute vu, si le hasard ou toute autre raison vous a conduitaux barrières, aux Funambules, sur la place Maubert, dans la rueMouffetard, ou tout autre lieu fréquenté par cette intéressante partiedu peuple français que l’on désigne sous les dénominations de gamins,de titis et de voyous, deux champions en attitude, agitant les bras etles jambes avec des gestes bizarres, et prononçant la phrasesacramentelle : « Numérote tes os, que je te démolisse ! » et vous avezpassé en détournant la tête, car au bout de quelques secondes le sangjaillissait des nez réciproques, et de larges iris ne tardaient pas àcercler d’auréoles prismatiques les yeux des combattants..."

Labelle-mère(1842) par Anna Marie : " ILexiste ici-bas une pauvre créature assez généralement insupportable àceux qui l’entourent, et détestée par tradition de génération engénération, depuis que la terre en produit ; un être dont le nomdéplaît, dont la présence importune, qu’on veut fuir à cent lieues etmême à mille, et que pour toutes ces raisons peut-être, et pour biend’autres encore, nous plaignons pourtant de toute notre âme..."

L’homme sans nom(1842) par Taxile Delord(1815-1877) : " IL est une classe d’hommesque la société rejette de son sein, tribu maudite qui se perpétue dansle vice, caste anathématisée dont tout le monde évite le contact. Sousle péristyle des théâtres, chez le marchand de vin à double industrie,au milieu de tous les grands centres où la débauche s’étale sous lasurveillance de la police, on rencontre ces parias que l’on reconnaît àleurs traits flétris, à leur langage cynique, et même à leur costume.Leur existence est vagabonde ; ils passent d’une femme à l’autre pourun peu d’or ; ce sont les condottieri de l’amour ignoble, ils naissentde la prostitution comme ces insectes qui sortent de la boue ; ils enforment la partie la plus honteuse : c’est infamie de l’infamie, et lapourriture de la pourriture...."

La première amie(1842) par Charles Paul de Kock(1793-1871) : "NEvous méprenez pas à ce titre ; ne croyez pas qu’il s’agisse ici pour unhomme de sa première connaissance, de sa première maîtresse, de sespremières amours enfin. A ce compte, comme tous les hommes ont euplusieurs liaisons galantes, chacun d’eux aurait eu une première amie.Ce n’est pas ainsi que je l’entends : nos connaissances les plusintimes n’ont pas toutes été nos amies ; ce titre, si doux quand il estmérité, ne doit pas se prodiguer aussi facilement que les noms d’amantset de maîtresses..."

Bulletin des modes etde l'industrie, 25 février 1849 par V. de R....

Lesenfants à Paris(1841) par Mathurin-Joseph Brisset (1792-1856) : "PARIS,l’Eldorado des femmes opulentes, le lieu d’épreuves des maris,qu’est-il pour les enfants du riche ? Une serre chaude,  un deces fours qui, pour quelques poulets qu’ils font sortir de leurscoquilles avant le temps, étouffent les autres dans leur oeuf cuit à cesouffle de précocité, meurtrier, à force d’être actif..."

Le tyran d’estaminet(1841) par Charles Rouget : "ILn’y a plus en France de tyran couronné, mais une moitié de lapopulation est occupée à tyranniser l’autre. Quelle est à cette heure,je ne dis pas la nation, mais la famille qui ne soit, à des degrésdifférents, soumise au despotisme de l’un de ses membres ? Etd’ailleurs, que gagnerait le peuple aux révolutions, si chacunn’appliquait à son usage particulier la tyrannie précédemmentmonopolisée au profit d’un seul ?.."

La maîtresse demaison de santé(1841) par Frédéric Soulié(1800-1847) : "AVANTde faire le portrait de l’individu, essayons de donner une descriptionde l’endroit où on le trouve, du cadre où il pose, ou, si vous l’aimezmieux, de la contrée où il règne. La maison de santé est presquetoujours logée dans quelque vieil hôtel dont les vastes appartements durez-de-chaussée sont affectés au service commun, au grand et au petitsalon, à la salle à manger, au parloir, etc. Les étages supérieurs sontdivisés en une foule de petits appartements qui sont affectés auxmalades de première qualité. Ceux du second ordre sont casernés dansles chambres que l’on a pratiquées sous les combles..."

Le second mari(1841) par Frédéric Soulié(1800-1847) : "LAnature a ses types, la société a ses types, toute nation a ses types,et enfin chaque époque a ses types. L’avare, le vaniteux, le fanfaron,appartiennent à la nature, et elle les a semés partout où elle a jetédes hommes. Dès que la société a été organisée, elle a tout aussitôtcréé les siens. Ainsi le juge, soit qu’il applique la loi de Dracon oule Code pénal ; le commerçant, soit qu’il vende des nègres oudes rentes sur l’état ; le militaire, soit qu’il marche le poten tête ou le fusil à l’épaule ; le médecin, soit qu’il suivela doctrine d’Hippocrate ou celle de Hannman, ont des traitscaractéristiques généraux qui se retrouvent toujours et partout. Aucontraire de ceci, le climat, les productions du sol, la dispositiongéographique, ont fait à chaque peuple des typesparticuliers ; ainsi le mangeur d’opium, le buveur de bière..."

 Le gniaffe(1841) par Petrus Borel(1809-1859) : "LE gniaffe arrivé, le gniaffemaître, le gniaffe possédant un établissement est trop généralementrépandu, et trop à la portée de tout le monde, pour que nous nous yappesantissions beaucoup. Ce n’est pas de cet enfant du siècle, bonlecteur, que nous avons à t’entretenir ; tu le connais de reste cedébitant vulgaire qui parle à la troisième personne, qui dit : «Monsieur veut-il ses bottes plus carrées ? Que souhaite madame ?Offrirai-je un siége à monsieur ?... » Nature servile et bâtarde, poliepar son frottement aux honnêtes gens qu’elle chausse ; épine dorsaleflexible et docile ; bouche assouplie, faite au mensonge et professantle mot flatteur !... Non, non, ce n’est pas là l’objet de notre choix ;ce n’est pas là notre héros, ce n’est pas là notre Ulysse… Notre Priamà nous, c’est le gniaffe au coeur noble, à l’âme élevée et ombrageuse,qui, en dépit de toutes les sirènes de la corruption, s’est maintenudans l’indépendance la plus absolue et la plus primitive !.."

Le goguettier(1841) par Louis-Auguste Berthaud(1810-1847) : " LES électeurs parisiens à200 francs et au-dessus, les hommes d’ordre et de boutique ont entenduprononcer le nom du goguettier une ou deux fois au théâtre desVariétés, et ils savent, c’est-à-dire ils croient qu’il se nomme Loupeur ou Balochard. Pour eux, c’estl’ouvrier imprévoyant etviveur, hâbleur, conteur, gaudrioleur et mauvaise tête, allant boire àla barrière et dépenser en deux jours, le dimanche et le lundi, seséconomies de toute la semaine ; c’est encore celui qui, sans sortir deParis, use sa journée et les manches de sa chemise à rouler de cabareten cabaret, se frottant à tous les murs et se brûlant l’estomac avecles compositions lithargineuses du marchand de vin. Hors de là, lesParisiens ne voient plus de goguettiers, mais déjà des goipeurs, déjàdes vauriens, déjà des gens à tout faire, et devant lesquels il estprudent d’allonger le pas entre minuit et cinq heures du matin..."

LaDévote(1841) par Jules Janin(1804-1874) : " GRACEà Dieu, il n’est pas de révolution en ce monde qui, à le bien prendre,n’ait en soi quelque chose de bon. La révolution de juillet, parexemple, nous a délivrés à tout jamais d’un abominable fléau quimenaçait de reparaître dans nos moeurs, je veux dire l’hypocrisiereligieuse, la pire espèce de toutes les hypocrisies. Quand tous leshonnêtes gens qui croient encore en Dieu, et qui n’ont pas reléguél’Évangile avec les livres des philosophes, ont pu aller à l’églisetête levée sans être soupçonnés d’ambition ou de flatterie, l’églises’est remplie, à toutes les heures du jour, d’une noble foule. Leshonnêtes gens ne se sont plus cachés pour y venir. La religioncatholique, n’étant plus protégée par personne, rentrait dans le droitcommun, ou, pour mieux dire, dans le droit divin. A nous aussi, puisquemaintenant il est bien reconnu que la loi est athée, puisqu’il n’y apas de roi dévot, de cour dévote, plus de congrégations religieuses quinous espionnent et qui comptent sur nos signes de croix, il nous estbien permis de célébrer le type féminin le plus charmant qui se puisseprésenter à l’étude et à l’observation des moralistes contemporains..."

 Dîneurs etdînersd'autrefois(1910) par VictorDu Bled (1848-1927): "La sciencede gueule, qui n'est pas aussi dégénérée que l'affirmentcertainspessimistes, qui n'a pas de plus cruel ennemi que le féminisme, etdemeure la science sociale par excellence, fut consacrée par lesreligions de l'antiquité, et garda même dans les temps modernes uncaractère presque hiératique, par la gravité solennelle des rites et ducérémonial qui l'entourait notamment à la Cour. Faut-il voir unressouvenir de cette étiquette mystique dans ce trait de Du Guesclin,avant de marcher à un combat singulier, avalant trois pommes « enl'honneur des trois personnes de la très sainte trinité » ?... "

Les visites(1910) par VictorDu Bled (1848-1927): "Il en est un peu desvisites comme de la langue, de l'argent, du régime parlementaire, deschemins de fer, de la mode ; elles présentent beaucoup d'avantages etmaint inconvénient, elles prouvent souvent l'amitié et souvent aussi lafutilité, l'envie de se décharger sur les autres de son propre ennui ;elles suscitent d'admirables improvisations, des traits d'esprit tombésdu ciel ou venus en droite ligne de l'enfer, et en général ellesn'aboutissent qu'à un échange de lieux communs, de formules consacrées.Je sais des visites d'où ont jailli l'amour, le mariage de deux êtresqui une heure avant ne pensaient nullement l'un à l'autre..."

L'Élite et la foule(1910) par GustaveLe Bon (1841-1931) : "Le mondemoderne se trouve en présence d'un problème, lentement grandi à traversles siècles et qu'il faudra résoudre sous peine de voir certainspeuples sombrer dans la barbarie. Unedes caractéristiques les plus certaines, quoique fort méconnue de lacivilisation moderne, est la différenciation progressive desintelligences et par conséquent des situations sociales. Malgrétoutes les théories égalitaires et les vaines tentatives des codes,cette différenciation intellectuelle ne fait que s'accentuer, parcequ'elle résulte de nécessités naturelles que les lois ne sauraientchanger..."

Le Fatalisme moderneet la dissociation des fatalités(1910) par GustaveLe Bon (1841-1931) : "Onne peut pressentir les destinées d'une génération qu'en étudiant lesidées directrices qui orientent ses volontés et déterminent saconduite. Mais où les découvrir, ces idées ? Ce n'est certes pas dansles actes des multitudes. Elles possèdent des appétits et non despensées. Sera-ce chez les intellectuels qui font des livres etprononcent des discours ? Ils ne nous donnent le plus souvent que lereflet d'opinions adoptées pour séduire leurs auditeurs ou leurslecteurs. Malgré la difficultéde dégager nettement les idées d'une génération, on peut cependant enacquérir une notion approximative par l'enseignement des maîtres lesplus écoutés. De récents discoursacadémiques, ceux notamment de MM. Lavisse et Pierre Loti, trahissentclairement les préoccupations actuelles des guides de la jeunesse..."

Les Illusions desthéories politiques(1910) par GustaveLe Bon (1841-1931) : "Un épaisbrouillard entourait le pont jeté sur le fleuve quidivise l'antique cité de Huy, en Belgique, et sur lequel je m'étaisarrêté un instant. Derrière l'épais manteau de brume l'enveloppants'entrevoyaient des masses monumentales imposantes. C'était pour moil'inconnu et j'attendis qu'il se dévoilât. Soudain, un clair rayon desoleil dissipa les nuages et, dansune vision imprévue, surgirent, séparés par le fleuve, deux mondes,deux expressions de l'humanité dressées en face l'une de l'autre etqu'au premier coup d'oeil on devinait menaçantes, inconciliables etterribles..."

LesPremières armes du Symbolisme (1889) par Jean Moréas(1856-1910) : "…Tandisque le Naturalisme essaye vainement de casser les ailes à lafantaisieet de mettre l’imagination sous clef, la fantaisies’enfonce dans lepays des rêves d’un vol fou et l’imaginationvagabonde dans les plusétranges sentiers. Jamais on n’aura mieux vu combienl’esprit humainest incompressible, et combien il est chimérique deprétendrel’enfermer dans les règles étroites d’unsystème qu’à notre époque, oùà côté d’une brillante école deromanciers uniquement épris deréalités, s’est formée une école depoètes réfugiés, comme le savant deHawthorne en sa serre, dans un monde absolument artificiel. Pointd’antithèse plus tranchée..."

Paysageset sentiments(1905) par Jean Moréas(1856-1910) : "L'Automne va céder à l'Hiver, et, bientôt, lesderniers rayons de novembre s'éteindront avec mélancolie. Douce etféconde saison, ô déesse ! déjà les pampres de ta chevelure se délientet la belle grappe de raisin que lève ta dextre s'égrène à tes pieds.Les présents que tu offres aux mortels n'envahissent plus tescorbeilles et les cris joyeux de la vendange ont cessé de retentirautour de la cuve..."

Il Libro della miaMemoria(1905) par MarcelSchwob (1867-1905): "Lesouvenir de la première fois où on a lu un livre aimé se mêleétrangement au souvenir du lieu et au souvenir de l'heure et de lalumière. Aujourd'hui comme alors, la page m'apparaît à travers unebrume verdâtre de décembre, ou éclatante sous le soleil de juin, et,près d'elle, de chères figures d'objets et de meubles qui ne sont plus.Comme, après avoir longtemps regardé une fenêtre, on revoit, en fermantles yeux, son spectre transparent à croisières noires, ainsi la feuilletraversée de ses lignes s'éclaire, dans la mémoire, de son ancienneclarté..."

Jean de Tinan(1905) par HenryDelormel (18..-1930): "Ceciest un essai de Biographie passionnée et eut dû comporter commesous-titre « la Passion de Notre Ami Jean de Tinan » ou « Un Hérosselon le nouvel évangile », héros dans le sens qu'y attachait Carlyleet Evangile selon Nietzsche..."

Le Notaire(1840) par Honoré de Balzac (1799-1850): "VOUS voyez un homme gros et court, bien portant, vêtudenoir, sûr de lui, presque toujours empesé,doctoral, important surtout ! Son masque bouffi d’uneniaiserie papelarde qui d’abord jouée, a fini parrentrer sous l’épiderme, offrel’immobilité du diplomate, mais sans la finesse,et vous allez savoir pourquoi. Vous admirez surtout un certaincrâne couleur beurre frais qui accuse de longs travaux, del’ennui, des débats intérieurs, lesorages de la jeunesse et l’absence de toute passion. Vousdites : Ce monsieur ressemble extraordinairement à unnotaire..."

Le Modèle(1840) par Émile Gigault de LaBédollière (1812-1883) : " VOULEZ-VOUSun Spartacus, un César, un Cicéron, un saintÉtienne, un Clovis, un Molière, etc. ?Souhaitez-vous faire revivre sur la toile une notabilitéquelconque de l’antiquité ou des temps modernes ?Vous faut-il un baron féodal ou un serf, unEuropéen ou un sauvage, un martyr ou un Jupiter-Olympien, undiscobole ou un soldat de la république française? Allez-vous-en dans une de ces rues sales et tortueuses dont fourmillenotre belle capitale ; montez un escalier qui tient le milieu entre uneéchelle et un mât de cocagne, et là, aufond de quelque grenier, vous trouverez la notabilitédemandée, le saint, l’empereur, le roi, lepoëte, le guerrier, ad libitum,dans la personne dumodèle..."

L'Humanitaire(1840) par Raymond Brucker(1800-1875) : "L’HUMANITAIRE est le zélateur d’unesecterécente, née du dégoût denos troublespolitiques, et qui n’a de barbare que le nom ; mais les nomsinusités blessent le tympan du vulgaire et sontfrappésd’anathème, car l’inusitéfait peur auxenfants. Or, les peuples sont des enfants irascibles et depiètre tolérance, témoin Socrate, empoisonné légalement pour avoir eul’audace defaire planer un seul Dieu, l’éternelgéomètre, sur la cohue lascive etdéréglée des dieux del’Olympe ;témoins les adeptes du Christ livrés aux jeux duCirque..."

LeFacteur de la poste aux lettres(1840) par J. Hilpert (18..-18..): "VOUSavez passé la nuit au bal. - Il est midi. - Vous vous levez, l’oeilencore appesanti par le sommeil. On sonne à votre porte. « Qui est-cequi est là ? - Le Facteur qui demande à parler à monsieur. - Le diablet’emporte ! » Et tout en murmurant ces paroles d’un fatal augure pourle visiteur, vous ouvrez. « Monsieur, c’est votre Facteur qui prend laliberté de vous souhaiter la bonne année et de vous offrir unalmanach..."

Un mot sur lapolitiquefrançaise enAlgérie(1870) : "Si nous demandons aux colons algériens pourquoi leursituation est si précaire, ils nous répondront que la faute en est aurégime militaire. En apparence, les colons ont raison : L’espritmilitaire, qui est un esprit de subordination, exclut l’initiativeindividuelle qui crée la richesse sociale et fait la grandeur réelledes empires. La discipline militaire, qui produit l’unité essentielle àune forte armée, a pour inconvénient grave de neutraliser les forcesproductives du soldat et de le rendre très imprévoyant. On conçoitaisément que si une semblable disposition d’esprit prédomine dans lesinstitutions civiles d’un pays conquis, elle doit tout stériliser..."

La Fruitière(1840) par François Coquille :"QUANDon s’est promené dans Paris, et que l’ona passé en revue ces boutiques étincelantes dedorure, aux marbres précieux, aux glaces richementencadrées, véritables salons où lechaland confus n’ose pas entrer, et dont ils’éloigne avec son argent, ons’arrête avec plaisir devant le modeste étalagede la fruitière.Rien n’est plus frais, et ne repose plusagréablement les yeux et la pensée..."

La Loueuse de chaises(1840) par François Coquille :"A ne considérer une église que sous le point devue terrestre et temporel (notre profond respectnous commanded’écarter l’autre avec soin), onpourrait ladésigner ainsi : - un édifice ornéd’une loueuse de chaises.Aujourd’hui que la forme d’architecture ne dit plusrien,ce signe est fidèle et sûr. Voyez nos modernesbasiliques: elles veulent, les orgueilleuses, se passer de cloches et de clocher,cette enseigne longtemps proverbiale ; mais aucune neprétend sepasser de loueuse de chaises. C’estl’êtrenécessaire sans lequel une église ne seconçoitpas, qui la distingue des autres monuments, qui lui donne le mouvementet la vie, en un mot, qui la fait église..."

L'Employé (1840)par Paul Duval : "ILen est de l’employé comme de ceslépidoptères dont les naturalistes comptent desvariétés innombrables. Il existe mille nuancesd’employés, mais pour l’observateur quiles examine avec soin, la loupe à l’oeil, toutesont entre elles de nombreuses ressemblances, de frappantes analogies. Aquelque espèce de la grande famille administrativequ’ils appartiennent, on reconnaît toujours en euxl’influence d’un but unique, les mêmespréoccupations, une commune destinée..."

LeCroque-mort(1840) par Petrus Borel :(1809-1859) : "SI c’était au jardin des Plantes ou sous lesvoûtes de la Sorbonne que j’eusse àparler de notre héros, je le scinderais dans tous les sens,je le ramifierais à l’infini, j’enformerais mille combinaisons des plus ingénieuses ; mais icioù nous ne recevons point d’appointements royauxpour troubler la limpidité de notre sujet, je diraisimplement qu’il n’y a que trois espècesde croque-morts réellement distinctes, à savoir :le croque-mort de la mairie, le croque-mort suppléant et lecroque-mort de raccroc..."

A nos Amis (1848) par Alfred Nettement (1805-1869) : "Nous arrivons à une situation qui doit imposer auxpropriétaires des meilleurs crus lanécessité de vendre eux-mêmes leursproduits. La fraude et l'altération des vins, ces deuxfléaux qui nuisent, par suite de la solidaritécommerciale, même aux maisons les plus honnêtes,portent une atteinte fâcheuse à la confiance queles intermédiaires pourraient d'ailleurs inspirer. Ilconvient donc que des rapports directs s'établissent entrele producteur et le consommateur..."

La Nourrice sur place(1840) par Amédée Achard(1814-1875) : "SIj’avais l’honneur d’êtrepère de famille, je n’oserais pasécrire cet article, tant je craindrais d’exposerma race au ressentiment des nourrices futures ; il y a trop de petitsvices, trop de péchés mondains, trop dequalités négatives àdévoiler. La seule chose qui pourrait peut-êtreaccroître mon courage, c’est cettepensée consolante qu’engénéral les nourrices ne savent pas lire..."

Polichinelle(1831) par Charles Nodier(1780-1844) : "Polichinelle est un de ces personnages tout en dehors dela vieprivée, qu’on ne peut juger que par leurextérieur, et sur lesquels on se compose parconséquent des opinions plus ou moins hasardées,à défaut d’avoirpénétré dansl’intimité de leurs habitudes domestiques.C’est une fatalité attachéeà la haute destinée de Polichinelle. Iln’y a point de grandeur humaine qui n’ait sescompensations..."

L'Institutrice(1840) par Louise Colet(1808-1876) : "DANSl’institutrice nous ne comprendrons pas lamaîtresse de pension, type fort distinct de celui que nousallons analyser. La maîtresse de pension a presque toujoursde quarante à soixante ans : elle est plutôtl’administrateur que le professeur del’établissement qu’elle dirige. Elle ensoigne les revenus mieux que les études ; et il est plusutile et plus productif pour elle d’être une bonneménagère qu’une femme instruite. Pourla surveillance des leçons, elle s’en repose surles sous-maîtresses à ses gages..."

Un Voyage en omnibusde la Barrière du Trône à la Barrière de l'Étoile (1831)par Ernest Fouinet(1799-1845) : "Le 6août 1670, en présence de Colbert, Claude LePelletier, prévôt des marchands,assisté de ses échevins, posa, au nom de la villede Paris, la première pierre d’un grand arc detriomphe consacré par la cité reconnaissanteà Louis XIV, le roi victorieux : ce fut à labarrière du Trône. Le 15 août 1806, en présence du comte Montalivet,le comte Frochot, préfet de la Seine, assisté deses douze maires, posa, au nom de la ville de Paris, lapremière pierre d’un grand arc de triompheconsacré par la cité reconnaissante àNapoléon, l’empereur victorieux : ce futà la barrière de l’Étoile..."

Chroniques (1895) parJean-François Renkin(1872-1906), versions wallonne et française

Croquis (1894-1898) parJean-François Renkin(1872-1906), versions wallonne et française

La police littéraire(1859) par Charles Monselet(1825-1888)  : "Il vient de mourir un homme, bien connu de M. lebaron Taylor, qui laisse après lui des plans bizarres, des projets detoute sorte. Entre autres choses, cet homme avait rêvé une organisationnouvelle pour la Société des Gens de Lettres, organisation fondée surles habitudes et les moeurs de chacun de ses membres. Pour arriver à unensemble suffisant d’études, il n’avait pas reculé devantl’établissement d’une petite police particulière, chargée de lerenseigner jour par jour sur les illustrations et les quartsd’illustrations de notre temps. Nous avons obtenu communication dequelques-uns de ces rapports ; leur singularité, leur nouveauté nousengagent à les placer sous les yeux de nos lecteurs..."

Mon ennemi(1859) par Charles Monselet(1825-1888) : "Il y a longtemps de cela ; mettons cinq ans, mettonshuit ans même. Je faisais alors de la littérature singulière,c’est-à-dire, je ne m’occupais en aucune façon de mes confrères ; je nesongeais nullement à regarder par-dessus leurs épaules pour surprendreleurs procédés ; leurs habitudes et leurs manies m’étaient entièrementindifférentes. Comme un élève, le dernier venu dans un atelier depeinture, je m’étais modestement assis loin d’eux, me contentant decopier les portions les plus élémentaires du modèle qui posait pourtout le monde. Lorsque j’y pense, je devais paraître un être bizarre :j’avais l’admiration, la timidité, le silence..."

La rosière,ballet-d'action en deux actes (1783) par Maximilien Gardel (1741-1787) : "LEThéâtre représente la Place du Village, garnie d’Arbres et de Maisons.A droite est celle du Bailli, vis-à-vis est une Fontaine, et au fond unCôteau, sur lequel il y a plusieurs Chaumières. A gauche on voit unMur, une Grille et de grands Arbres qui annoncent le Parc du Château.Au milieu de la Place est une Statue de l’Innocence, couronnée defleurs, tenant une espèce de légende, sur laquelle on lit le verssuivant ..."


La bibliothèque(1859) par Charles Monselet(1825-1888) : "... (La grande sallede lecture de la Bibliothèque, rue Richelieu. On entend un bruit de portes. Lesgardiens sortent. Au dehors,on lit sur un écriteau : - LA BIBLIOTHÈQUE SERA FERMÉEDU 1er au 30 SEPTEMBRE.).
M. DE BACHAUMONTdescendant, le premier, de son rayon.- Ouf ! les voilà partis ! ont-ils assez, depuis un an, déchiré mesfeuilles et compromis mes dentelles ! Quelle rage de chroniques et denouvelles à la main les a donc saisis ? Il ne me reste plus à présentune seule anecdote, un seul quatrain ; ils m’ont tout dérobé ; je suisà sec..."

 


Le siège de la Revuedes Deux-Mondes (1859) par Charles Monselet(1825-1888) : "Le théâtre représente le cabinet de la rédaction dela Revue des Deux Mondes,au premier étage d’une sombre maison de la rue Saint-Benoît. Décorationd’une simplicité austère. Au lever du rideau, les principaux rédacteurssont groupés dans des positions différentes autour du secrétaire, lefidèle de Mars. Ils lui témoignent par leurs gestes un respectueuxempressement. Celui-ci les accueille avec bonté et leur apprend que lemaître va bientôt se rendre dans cette galerie : s’il est en retard,c’est que sans doute il aura veillé plus que de coutume en lisant untravail de Saint-René-Taillandier..."

Principes dusocialisme (1895) par Anatole Baju(1861-1903) : "Pour qu'un système social prétende à la perfection, ildoit embrasser dans ses cadres les homme de tous les pays, les conduireà leurs fins présentes et préparer leurs fins futures. Quelles sontdonc ces fins, c'est-à-dire quel doit être le but de nos efforts?Est-ce pour jouir oupour souffrir que nousvivons ? Les prêtres et les philosophes officiels affirment que noussommes nés pour les privations, pour les douleurs, et que nous devonsnous résigner à notre triste sort..."

Rapportsur les remontes de l'armée par Monsieur le Lieutenant généralmarquis d'Oudinot, rapporteurde la Commissionspéciale des remontes : 18 mars 1842 : "Pénétré de lanécessité d’assurer, en tout temps, debonnes remontes indigènes à nos corps de troupesà cheval, résolu de ne rien négligerpour affranchir le pays du tribut que nous payons si souventà nos voisins, par l’importation de chevauxétrangers en France, vous avez adopté, depuisquinze mois, des dispositions qui ont une grande importance : elles nepeuvent être trop connues. Pour en apprécier laportée et les conséquences, il faut les envisagerdans leur ensemble..."

A propos du NouveauManuel d’Équitation et de Dressage (1912)par Lieutenant-colonel Henri Blacque-Belair: "Le décret du 17 juillet 1876, portant règlementsur les exercices de la cavalerie, qui a servi de guide àcette arme depuis trente-cinq ans, posait en principe - comme sesdevanciers - que l’instruction militaire comprend deuxbranches principales : l’instruction équestre etl’instruction militaire proprement dite. Enrésumant en quelques pages succinctes les règlesdestinées à l’éducationéquestre des recrues et au dressage des jeunes chevaux, laCommission chargée d’élaborer leRèglement de 1876, dans sa hâte de mettre sur piedune œuvre indispensable à laréorganisation de la cavalerie, allait au pluspressé..."

 


Physiologiede la femme(1842) par Etienne de Neufville  (1815-1869)  :" A la voix du Créateur, le paradis terrestre étaitsorti tout paré de verdure et de fleurs du sein du chaos ;l’eau tombait en cascade des rochers ; la cime des arbres sebalançait voluptueusement sous les limpides rayons del’astre nouveau-né ; tout respirait le bonheur etl’ivresse ; le premier homme seul languissait dans sonisolement, et se demandait pourquoi les poissons dans les eaux, lesoiseaux dans les airs, et tous les animaux sous les ombrages desforêts, folâtraient deux à deux en seprodiguant mille caresses, car il n’avait rien comprisà ces paroles..."

 

LesLocutions nantaises(1884) par Paul Eudel(1837-1911) : "Ah ! quel monde de souvenirs vous venez de réveiller en moiavec votre petit dictionnaire ! Toute mon enfance y a passé; je me suis vu revivre dans la partie de ma vie qui m'est la pluschère, et j'ai vu réapparaître aussi maville natale, ma ville que j'aime tant et que je n'ai jamaisoubliée après tant d'autres citésparcourues. Une expression m'a rendu une sensation, un mot m'arappelé un quartier. On devrait faire pour chaque ville unvocabulaire intime ; le coeur en battrait plus fort àquelques-uns, comme il vient de me battre tout à l'heure, enlisant les épreuves du petit livre si curieux que vous avezbien voulu me communiquer..."

 


L'épicier (1840)par Honoré de Balzac(1799-1850) : "D’AUTRES,des ingrats passent insouciamment devant la sacro-sainte boutiqued’un épicier. Dieu vous en garde ! Quelquerebutant, crasseux, mal en casquette que soit le garçon,quelque frais et réjoui que soit le maître, je lesregarde avec sollicitude et leur parle avec ladéférence qu’a pour eux le Constitutionnel.Jelaisse aller un mort, un évêque, un roi, sans yfaire attention ; mais je ne vois jamais avec indifférenceun épicier. A mes yeux, l’épicier, dontl’omnipotence ne date que d’un siècle,est une des plus belles expressions de la sociétémoderne..."

La femme comme ilfaut (1840) par Honoré de Balzac(1799-1850) : "PARune jolie matinée, vous flânez dans Paris. Il estplus de deux heures, mais cinq heures ne sont pas sonnées.Vous voyez venir à vous une femme. Le premier coupd’oeil jeté sur elle est comme lapréface d’un beau livre, il vous fait pressentirun monde de choses élégantes et fines. Comme lebotaniste à travers monts et vaux de son herborisation,parmi les vulgarités parisiennes vous rencontrez enfin unefleur rare..."

Notice et documentshistoriquessur les chevaux orientaux (1862) par Émile Duhousset (1823-18..) : "Ayant été chargé de la directiongénérale des manoeuvres du camp de Sultanieh,où étaient réunies des troupes detoute la Perse (de la mer Caspienne au golfe Persique, et de lafrontière kurde à celle qui touche les Afghans etles Beloutches), la nature de mes fonctions m'a mis en rapport avec lesprincipaux chefs venus pour présenter leur hommage ausouverain, suivis d'un grand attirail de cadeaux, de serviteurs, et desplus beaux chevaux des régions qu'ils quittaient. C'est en dessinant etmesurant ces chevaux, que j'ai penséà publier cette courte Notice ; mon intention n'est pas demodifier l'histoire du cheval oriental, au point de vue scientifique,mais de présenter le résumé de mesrecherches, persuadé que toute observation, si minimequ'elle soit, mérite d'être prise enconsidération quand elle a été faiteconsciencieusement..."

Questionchevaline (1860). par le Comte Antoined'Aure : "Encore unecommission chargée d'élucider la questionchevaline ! Il semblerait que l'élevage du cheval en Francefût une chose toute nouvelle["En effet on n'a jamais bienélévé."]. Cependant, depuis longtempstout a été dit sur cette question ["Non"]. Ce qui doitaujourd'hui servir de guide, c'est le souvenir de ce que l'on a faitjadis, et de ce qui a amené les changements qui ont eu lieuen France depuis deux siècles..."

Rapport fait au nomde la premièreCommission des pétitions, par M. legénéral marquis de Grouchy, sur deuxpétitions présentant desconsidérations sur l'amélioration de la racechevaline (1860). : " MESSIEURSLES SÉNATEURS, Plusieurs pétitionnairesadressent au Sénat desréclamations et observations dansl'intérêt de l'espèce chevaline ; touséleveurs, habitants du Calvados et de l'Eure, se plaignentde l'abus du pursang, de l’exagération des courses etdes mauvais résultats obtenus par l'emploid'étalons achetés dans l'intérieur etayant couru trop jeunes sur les hippodromes. Ils signalent unanimementl'insuffisance numérique des étalons del'Administration des haras..."

Lettre à AlphonseKarr (1857) par Alphonse de Lamartine(1790-1869) : "Esprit de bonnehumeur et gaîté sans malice | Qui même en legrondant badine avec le vice, | Et qui, levant la main sans frapperjusqu'aux pleurs, | Ne fustige les sots qu'avec un fouet de fleurs ! |Nice t'a donc prêté le bord de ses corniches | Pour tefaire au soleil le nid d'algue où tu niches ; | C'est donclà que se mêle au bruit des flotsdormants | Le bruit rêveur et gai de tes gazouillements !..."

La sage-femme (1840) par Louis Roux : "SIvous avezrencontré, dans une des rues les plusfréquentéesde Paris, une jeune personne ornée d’un tartanvert,d’un bonnet de tulle à rubans orangés,etd’une imposante dignité de dix-huit printemps,vousl’avez suivie par instinct : la vie parisienne a de cesentraînements. Croyant toucher, sur ses traces, aux portes duConservatoire, vous vous êtes livré àmillerêves décevants : la jambe permetd’espérerune danseuse,  le visage n’exclut pointl’idéed’une cantatrice..."

Paris vu tel qu'il est (1781) : "JEm’ennuie en Province,dit un jour la Baronne de *** à son mari ;tout m’y paraît lourd, pesant, ridicule.J’ai entendu parler de Paris,je veux y aller. Point de replique ; vous ne m’avez pasépousé pour mefaire mourir….Partons. A ce début onconnaît le caractère de la Baronne ;vive, tranchante, décidée, de l’espritsans jugement : avec ces défautselle faisait cependant les délices de son mari ; ilétait hommecomplaisant, & elle étoit jolie femme..."

Petitesbéquilles spirituelles à l'usage quotidien duchrétien (papiers divers, XIXe-XXesiècles).

Undit d'aventures, pièce burlesque et satirique du XIIIesiècle, publiée pour la première foisd'après le manuscrit de la bibliothèque royale (1835) parGuillaume-Stanislas Trébutien(1800-1870) : [mode texte etmode image]

Histoire duthéâtre érotique de la rue de laSanté par l'illustre Brisacier (1864) [par Poulet-Malassis] : "Si l'hypocrisie n'était pas, par excellence, la vertuthéologale de notre triste époque, ceThéâtre, conçu d'aprèsl'idée simple de Molière, de réjouirles honnêtes gens, n'aurait aucunement besoind'introduction.On lèverait la toile, et le spectacle commencerait,après l'ouverture exécutée par lesviolons. Mais, hélas! l'esprit criminaliste de nos contemporains,tous magistrats stagiaires à la sixième chambre,voit matière à procès et àscandale dans les actions les plus ingénues, etréclame à grands cris des explications. Ce sont ces explications quenous allons ne pas leur fournir."

 

Les Enfants-Trouvés (1831) par André Delrieu : "Voici,à mon sens, le résumé desmoeurs actuelles. D’autres, mieux prodigues de leurplume, et surtout mes maîtres, diront en se jouant cet infinipanorama de la cité qui fait le monde à sonmoule, cette vie nombreuse où le Parisien se berce ainsiqu’au roulis d’un vaisseau. Moi, observateur jeune,j’ai cherché naïvement lerésultat ; j’ai brodé sur le fond. Celivre est une histoire, dont mon texte, étudiésavamment, pourrait clore le drame en dernier chapitre. Dieu veuilleque mon ébauche se pardonne ! Ailleurs sont les curieusesspécialités, les investigations mordantes, lecoloris chaud de la ruelle, la fine langue des salons ; ici, lavérité crue, le détail honteux et lechiffre sanglant couvriront la faiblesse du narrateur. Et cen’est pas ma faute si un sujet, pris au hasard dans le romande la grande ville, rattache à une idée seule lasource, le noeud et le progrès de lasociété contemporaine ; il y a même,dans le fait unique de l’existence de l’hospice desEnfants-Trouvés..."

 


L'amour des livres(1866) par Jules Janin (1804-1874) : "Georges, mon jeune confrère en bibliophilie, il faut toutd'abord que je vous félicite de ce grand amour qui vous apris, si jeune encore, pour les beaux livres. « Les livres ont toujoursété lapassion des honnêtes gens ! » disaitMénage. Une aimable passion dont le charme est toujoursnouveau ; variée, inépuisable,élégante, mais il est rare qu'elle soit lepartage de la jeunesse. Ordinairement elle arrive à l'hommeheureux, quand cet homme heureux touche aux premièreslimites de l'âge sévère, àl'heure où, revenu de toutes les passionsstériles,..."

Advertissement a laRoyne mere du Roy. Touchant les miseresdu Royaume au temps present, et de la conspiration des ennemis de saMajeste (1562) : "LES anciennes sectes des Philosophes, Grecs &Romains, Madame,& les historiens des siecles passez ont souvent deplore lacalamite de leur temps, comme l'on veoit par la memoire de leurslivres, afin de ramener chacun a soy, & a la consideration deschoses pour lors presentes que le vulgaire ne pouvoit veoir : &descouvrir aussi la maniere d'y remedier ou pour le moins remonstrer aleur posterite qu'ils avoient cogneu telles choses, & que lemal leur avoit despleu. Mais si jamais condition de Royaume ouprovince,de temps ou de regne fut estrange & calamiteuse, l'estat ou jevoy pour le jourd'huy vostre France est extremement dangereux &lamentable..."

Le Secret detriompher des femmes et de les fixer, suivi des signes qui annoncent lepenchant à l'amour (1825) par Louis de Saint-Ange : "L’OUVRAGE que j’offre aupublic est loin d’avoir le méritelittéraire de celui de Gentil Bernard, qui semble avoirété dicté par les Grâces ;mais son Artd’aimer est plus agréablequ’utile. Il manque d’ailleurs dans sonpoëme une multitude de préceptes etd’observations importantes, que la poésie nepouvait orner de ses riches couleurs. J’ai penséque le sujet était digne d’être plusapprofondi, et loin de me paraître frivole, je le croisd’une utilité presquegénérale, car les jeunes gens y trouveront lesecret de plaire et de triompher ; les maris, celui depréserver leurs épouses des dangers de laséduction..."

LaMaîtrise de soi-même par l'autosuggestion consciente (1926) parÉmile Coué(1857-1926) : "La suggestion ou plutôt l'autosuggestion est unsujet tout à fait nouveau, en même temps qu'il est aussivieux que le monde. Il est nouveau en ce sens que, jusqu'àprésent, il a été mal étudié et, parconséquent, mal connu; il est ancien parce qu'il date del'apparition de l'homme sur la terre. En effet, l'autosuggestion est uninstrument que nous possédons en naissant et cet instrument, oumieux cette force, est doué d'une puissance inouïe,incalculable, qui, suivant les circonstances, produit les meilleurs oules plus mauvais effets. La connaissance de cette force est utileà chacun de nous, mais elle est plus particulièrementindispensable aux médecins, aux magistrats, aux avocats, auxéducateurs de la jeunesse.

Coutumes singulières,chroniques, légendes documents curieux et inéditsconcernant la noblesse (18..) par Amédée de Caix de Saint-Amour (1843-1920) : "JEsuis persuadé qu’aucun des lecteurs de la Revue Nobiliaire ne soupçonne quele proverbe Ranger en rangd’oignons ait quelque rapport avec la Noblesse ? Rien n’est plusvrai, cependant ; et si la Noblesse n’eût pas existé, ce proverbebizarre n’aurait jamais pris naissance. Voici cette piquanteétymologie, qui non seulement est restée comme tradition dans le paysoù est situé le hameau qui y a donné lieu, mais qui encore estconsignée en substance dans un grave historien, l’abbé Carlier."

Les jeux devant leslois (18..) parEugène Lebrun : "Les jeux, tels qu’ils avaient étéimaginésà leur origine, consistaient en spectacles, courses, luttesetreprésentations théâtrales. Athènes, leberceau de la liberté, Rome, lacapitaleclassique des arts, les célébraient avec unesolennité merveilleuse. En Grèce, c’étaientles jeux olympiquesoùHérodote lut son immortelle histoire, les jeux Isthmiquesoù Flaminius proclama l’indépendance dela patriede Thémistocle, les jeux Pithyques institués parApollonlui-même, si on en croit la légende, et enfin lesjeuxNéméens, fondés par Hercule, enmémoire dela mort du lion de Némée qu’il avaittué..."

 Autourd'Elles, le lever- le coucher (1899) par Henri Boutet(1851-1919) : "Quand elle se fut bienétirée, quant elle eutfrotté ses yeux de ses petites mains aux jolies fossettes etaux griffes roses, elle fit ouvrir les rideaux. Un jour clair etdoré pénétra dans la chambre, filtrantau travers la mousseline légère, baignant lapièce coquette, semant de la gaîtépartout, accrochant sur les meubles et aux contours des draperies commedes noeuds de rubans et des traînées delumière. On était en novembre. Dehors, il devait fairetrès froid ; et quand, au lit, on a la sensationqu’il gèle dehors, on s’y trouve bienmieux. On y prolonge, à loisir, la délicieuseparesse des matins. Alors, à quoi bon se presser et quittervite l’endroit où l’on est si bien quandrien ne vous y oblige ! Où peut-on être mieux pourpenser à ce qu’on aime ? Pour caresser sesdésirs et faire passer devant ses yeux tout cequ’il y a de bon dans la vie ! Les souvenirs s’yimprègnent de quelque chose de très tendre et lesespoirs y naissent dorés par les rayons du soleil qui monte,derrière les maisons, et emplit la pièce de toutesa splendeur et de toute sa joie..."

Une parodie curieusedel’art poétique de Boileau tiréed’un almanachde poche du XVIIIe siècle réimpriméepour les Pantagruélistes (1879) :"La parodie, fortgoûtée de tout temps en France, n'a pas craint des'attaquer aux auteurs les plus illustres. Boileau, qui, dans sonChapelain décoiffé, s'était égayéaux dépens du grand Corneille, a été juste retour,Monsieur, des choses d'ici bas, parodié lui-même nombre defois, au XVIIIe siècle et dans le nôtre. Une desimitations les moins connues de son Art poétique estcertainement celle que nous réimprimons pour l'«esbattement » du petit nombre de pantagruélistes modernesqui ont conservé le goût de nos aïeux pour certainsracontars de « haulte graisse »..."

Monographiede lapolice correctionnelle (1881)par Jules Moineaux(1824-1895) : "Rien, en justice, n’estrisible ! disent certainsprésidents de police correctionnelle, enréprimant l’hilarité del’auditoire, qui prouve justement le contraire ; tant il estvrai que la façon de voir les choses est affaire detempérament. Je crois volontiers à la convictiond’undéfunt magistrat, répondantsévèrement à un voleur qui invoquaitle bénéfice du proverbe – la faim faitsortir le loup du bois : - Quand le loup a faim, il travaille ! ouencore à une vagabonde se disant sans domicile ni moyensd’existence : Quand on est jeune et forte comme vous, on sefait nourrice ! Mais je doute que ces réflexions aientété accueillies, par le public, aussi gravementqu’elles étaient faites..."

Bulletindesmodes et de l’industrie du 15 janvier 1849par V. de R...: "Nous voici réellementdans la saison des plaisirs. Lessalons s’illuminent de mille bougies éclatantes ;les réceptions commencent, et Paris reprend peu àpeu de cette animation qui le rendait naguère la ville laplus attrayante et la plus recherchée. Les Italiens vontégalement rouvrir leurs portes. Pauvres Italiens ! nousdésirons sincèrement du fond de notreâme que la présidence leur porte bonheur !Verront-ils revenir à eux ces belles et gracieuses jeunesfilles, aux blanches épaules, aux boucles soyeuses, ausourire doux et charmant ?... Il faut oserl’espérer, car les grandes dames ontabandonné leurs châteaux, et elles viendront biencertainement applaudir le talent grandiose de madame Alboni..."

Monologiedu mois d'Avril, poissons d'avril(1843) par Théodore de Jolimont(1787-18..) : " Ilfaut ici, comme certainssavants, grands explorateursd'étymologies nébuleuses, rechercher, d'abord, dequelidiome antique est dérivé le nomfrançaisdonné au mois que quelques poètes ontappelé leplus beau de l'année, sans doute, quand il n'en est pas leplustriste, le plus humide et le plus crotté. S'il faut, dansl'esprit de cette sentence classique etpasséeen proverbe, qui proclame heureux celui qui, en toutes choses, a puconnaître l’origine et les causespremières (felix quipotuit rerum cognoscere causas); s'il faut, je lerépète, faire ici de l'érudition avecl'érudition de nos devanciers, je dirai que dans leursprofondesinvestigations, et à l'aide de quelques complaisantessubstitutions et transformations de lettres, ils ontdécouvertque le mot AVRILétait parfaitement formédu mot latin april,aprilisou aperelis,qui lui-mêmeétaitné d'un autre mot latin, aperire, qui veut dire ouvrir ; desorte que le mot avrilseraità peu près synonyme deporte , entrée, ouverture..."

MadameEdmond Adam, Juliette Lamber(1882) par Adolphe Badin(1831-19..) : " Un des jeunes peintres les plusjustementcélèbres de ce temps-ci, à quil’on disait : « Vous devriez faire le portrait deMme Adam », répondit : « Mme Adam ?Jamais ! Mme Adam appartient à Bonnat ou àCarolus Duran . » Je serais volontiers tenté defairecomme le spirituelartiste, et de m’écrier à mon tour :« Pour esquisser cette physionomie originale et complexe,très fine et très puissante à la fois,très grande dame et en même temps trèsfemme, il faudrait la plume d’or d’unThéophile Gautier, ou d’un Paul de Saint-Victor,ou d’un Goncourt. » A défaut de ceséminentsdocteurs debeauté, voici un léger croquis assez prestementtroussé par le chroniqueur en titre d’un de nosgrands journaux parisiens.. "

Naissancede MonseigneurHenri-Charles-Ferdinand-Marie-Dieudonné, Duc de Bordeaux,Filsde France, né à Paris, le 29 Septembre 1820: "MADAMELA DUCHESSEDE BERRYs’était promenée la veille,selon sa coutume, sur la terrasse du bord de l’eau, au jardindesTuileries. Rentrée dans son appartement, elle sentitquelquesdouleurs légères ; mais, trompée parson courage,elle ne crut pas que le moment fut encore arrivé. Toutes lespersonnes attachées à son service secouchèrentcomme à l’ordinaire. Sur les deux heures de lanuit laPrincesseéprouva de nouvelles douleurs qui lui firentprésager saprochaine délivrance. S.A.R. ayant sonné sesfemmes,elles accoururent ; ce fut alors que le travail del’enfantements’annonça..."

Unnouvel épisode de l’affaire Libri ou Lettreà M.le directeur dujournal l'Athenaeum (1851)par AchilleJubinal(1810-1875) : "Voulez-vous permettre à un étranger qui se trouvemomentanément en votre pays, de vousrévéler, dansl’intérêt dela justice et de la vérité, un fait qui vient dese passer au BritishMuseum, enprésence de vingttémoins, et qui est relatif à la triste etmisérable accusation dirigée en France, par sesennemis politiques et scientifiques, contre un illustre savant ?"

Lesarmes et lesoutilspréhistoriques reconstitués(1872) par LudovicNapoléonLepic (1839-1890): "Lorsquel’on parcourt lessalles du musée de Saint-Germainet que l'on voit alignés dans les vitrines cetteénorme quantité de haches en pierres, cesmarteaux, ces pointes de lances, ces flèches, cespercuteurs, on se demande comment tout cela pouvait s'utiliser, età quoi pouvaient être bons de semblables outils oude pareilles armes..."

Lecholéra-morbus à Paris(1832) par Anaïs Bazin (1797-1850): "On nous l'avait cependantannoncé bien longtemps à l'avance ; on nous avaitfaitsuivre sur la carte sa marche rapide et menaçante. Lefléau voyageur n'était plusséparé de nousque par cette mer étroite qui nous ramène et nousremporte, avec la mobilité de ses flots, nos roisrétablis ou déchus. Et pourtant, ce voisinagenousinquiétait moins que ne l'avaient d'abord fait lesrécitsvenus des pays lointains, doublement terribles par la distance et parla nouveauté..."

Lagrandecolère duPère Duchesne,n°290 (1793) par Jacques-RenéHébert (1757-1794): "CONTREle palefrenier Houchard qui, comme sonmaître Custine, a tourné casaque à laSans-Culotterie. Sa grande joie de voir bientôt ce butormettrela tête à la fenêtre. Ses bons avis auxbravessoldats républicains pour qu’ils luidénoncent tousles jean-foutres qui regrettent l’ancien régime,et quipréfèrent de porter la livrée dutyran,plutôt que d’endosser l’habit des hommeslibres..."

Petitcarême del'abbé Maury: sermons 1 & 2 (1790) par Jacques-RenéHébert (1757-1794): "Les tentations que le démon osa susciter au fils de Dieu,doivent avertir les grands de la terre, que l’ange desténèbres ne s’occupequ’à lesenvironner d’illusions, & à leségarer dans lavoie du salut, c’est-à-dire, du pouvoir. Circuitquaerensquem devoret. Tantôt il les séduit par lesprestiges duplaisir, & il leur dit comme à J. C. changez cespierres enpain ; tantôt il les environne de flatteurs quis’insinuentdans leur esprit, & leur font goûter une moraled’autant plus dangereuse qu’elle est plus douce& pluscharmante ; puisque vous êtes le fils de Dieu, il enverra sesanges pour vous garder : tantôt enfin, leur faisant oubliercequ’ils sont, ce qu’ils peuvent, il leur promet unegloiretrompeuse & des biens chimériques. Je vous donnerailesroyaumes du monde & toute leur gloire..."

LeGloria in excelsisdu peuple, auquel on joint l’épître etl’évangile,avec la réflexion et la collecte(1789) par Jean-Baptiste Cordier(1770-1793) :  "GLoireau Roi, honneur à sesMinistres, & paix aux bons Citoyens ! Digne, Successeur deHenri,nous vous louons, nous vous bénissons, nous vous glorifions,nous vous rendons graces à la vue de la gloire dont vousjouissez déjà, & de celle dont vousêtes sur lepoint de vous couronner. Vous qui êtes assis à ladroitedu Trône, protégez-nous. Vous qui avezrefusé designer le fameux Mémoire, protégez-nous..."

Lecarnaval des auteurs ou les masques reconnus et punis(1773) parNicolas-Joseph-LaurentGilbert (1750-1780) : "DEPUISquinze jours moncorps se refusoit au sommeil : vainement j'avois lu le poëmedes Saisons,la nouvelle Iliade franco-gauloise,les odes duPindaregascon, les Mélangesdulittérateur-géomêtre ; jebâillois,bâillois..... mais je ne pouvois m'assoupir, lorsqu'onm'apportal'Élogede Racine,ouvrage de M. Anti-Chaleur. J'ouvre la brochure ; à peinemesveux se sont-ils reposés sur les premières pages,voilà déjà qu'ils se ferment ; je suisendormi. Ol'excellente chose que le sommeil ! En vérité, M.Anti-Chaleur, de tous les plaisirs que peuvent causer vosécrits, le sommeil est le plus ordinaire, mais le plus doux.Combien d'agréables songes vinrent flatter mon imagination,tandis que je m'abandonnois aux douceurs de ce repos si longtempsattendu..."

La librairieà Paris (1832) parFrédéricSoulié (1800-1847): " Pour les esprits curieux detoutes les faces d'une chose, Paris n'est pas seulement dans lesexistences qui s'agitent à sa surface, et qui lespremières, appellent la plume, le crayon et le pinceau del'artiste. Après ses théâtres moribondssoumis aurégime sur-excitant du moyen âge, oùlesmédecins astrologues mêlaient toujours un peu desang etde fiel à leurs noirs médicaments ;après sespalais dont les drapeaux changent aussi vite que les girouettes ;après ses prisons si vastes pour le despotisme , siétroites pour notre liberté ; aprèsses admirableshôpitaux où l'on guérit, ses tablesd'hôteoù l'on meurt de faim ; aprèsSainte-Périne etl'Académie ; après son Père Lachaisesiélégamment triste, et ses salons d'ambassade sitristement élégants..."

Flaubert et lapassion de la prose (1905) parEmile Blémont(1839-1927): " GustaveFlaubert naquit, en 1821, à Rouen, où sonpère était chirurgien en chef del'Hôtel-Dieu. Ilfit brillamment ses classes et commença l'étudede lamédecine. Mais ses goûts et ses aptitudes leportaientirrésistiblement vers la carrière des lettres. Leromantisme brillait de toute sa splendeur. Flaubert futéperdument romantique. Il se sentait une surabondance deforcesvives, qu'il brûlait d'épancher engénéreuxefforts. Il fit des vers. Il avait pour camarade Louis Bouilhet ; ettous deux, jeunes, passionnés, enthousiastes, insouciants etfiers, ils allaient à travers champs, traçant,dit-on, etmarquant de leur sang sur l'écorce des arbres le nom deVictorHugo..."

Le Gamin de Paris(1832) par Gustave d'Outrepont (1811-1842): " Naples a ses lazaroni,Venise ses condottieri,toutesles villes de France ont une classe de leur population qui sort ducadreordinaire; mais nous autres Parisiens, que pouvons-nous leur envier ?n'avons-nous pas notre gamin ? Fairel'histoire de Parissans d'abord parler dugamin ! . . . autant vaudrait commencer celle de RomeàBrutus, en passantsous silence les rois qui l'ont fondée ; autant vaudraitprendreun peuple toutformé, sans s'occuper de son origine..."

Le Repassage:Articleextrait de l' Almanach de laservante chrétienne(1935) : "La question du repassageestsouvent pour la bonne à toutfaire unequestion difficile. Nous vous donnerons donc, cette année,chères Servantes, quelques notions sur le repassage. Cetarticle, bien que nous ne prétendions pas tout dire, pourraaussi rendre service aux femmes dechambre. Nous divisons entrois parties nos petitesdonnées sur lerepassage : 1° Linge de cuisine. 2° Linge de table etdeménage. 3° Linge personnel desmaîtres.  Avant deparler du repassageproprement dit, disons un mot du matérielde la repasseuseet des conditionsgénéralesd’un bon repassage."

 

Chroniquede Modedu Conseillerdes Dames et desDemoiselles, journald'économie domestique et de travauxd'aiguille : Novembre1862. Décembre1862. Janvier1863. Février1863. Mars1863par Blanche de Sérigny: "Je ne sais par quel temps desoleil ou de pluie vous recevrezmon courrier, ma chère Isabelle; mais il est certain que jevousl'écris par une journée magnifique: un airtiède,un ciel pur, enfin une journée qui fait songer àlamousseline, au barége, et point, je vous assure, au drap, auvelours ou à la tartanelle  ; j'ai chaud rien qued'écrireces mots !..."

 

 

Bulletindes modes et de l'industrie -25 janvier1849 par V. de R...: "Enfin, nous avons vu lesItaliens d’autrefois, les Italiens avec dejolies femmes, d’élégantes toilettes,avec ceparfumd’aristocratie qui double la grâce et labeauté.Rienn’est plus splendide, comme coup d’oeil, que lacoquettesalle desItaliens, avec ses mille bougies diaphanes, reversant leurs jets delumière sur de blanches épaules et sur desparures debrillants rubis ; rien n’est plus frais que tous ces grosbouquets defleurs naturelles posés avec art sur l’appui desloges, etformant, dans un ensemble charmant, comme une corbeille decamélias et de roses. Aux premières logessurtout, lestoilettes étaient ravissantes."

 

 

Cigareset cigarettes(1926) par Georges Dubosc (1854-1927): " Savez-vous que les Cigares et cigarettes quele fisc vient d'augmenter dans des proportions si lourdes, ne sont pasen France d’une origine très ancienne ? Par contreenEspagne,cigares et cigarettes remontent à la découvertedel'Amérique, et c'est, alors que les Espagnolsempruntèrent aux indiens ce mode de fumerie..."

 

 

Considérationssur le principe malfaisant du tabac(1866) par M. Monsaint: "Jamais, à aucuneépoque, il ne fut plusnécessaire, peut-être, d'apporter une surveillanceactivesur tout ce qui est destiné à entrer dans lerégime alimentaire ; car il n'y a pas un aliment nouveau quin'ajoute ou ne retranche au caractère de l'individu qui enfaitusage. Il agit sur l'esprit, modifie la manière de penser,desentir ; il n'y a pas un aliment qui n'apporte avec soi quelque maladieou qui ne soit propre à la guérison dequelqu'autre.Mais, laissons de côté cesconsidérations pourpasserimmédiatement à l'étude d'unesubstance qui joue,depuis trop longtemps, un rôle important dansl'économieanimale : à l'étude du tabac, que tout le mondeprise,fume, mâche ; avec lequel une multitude d'individuss'empoisonnent et laissent leurs enfants s'empoisonner.

 

 

Recherchesrelativesà l’influence de la continence surl’économieanimale: thèse présentée et soutenueà laFaculté de Médecine de Paris le 29 août1817 parFrançois-Charles Quesnel: "SURle point de terminer leurs études,les élèves ont un dernier devoir àremplir, afind’exercer l’art auquel ils se destinent. Ils sontobligés dechoisir un point quelconque de médecine, de le travailler etdele discuter devant les illustres professeurs qui ont forméleuréducation. C’est un compte qu’ilsviennent leurrendre del’emploi qu’ils ont fait du tempsconsacré àleurinstruction ; c’est la dernière preuvequ’ilsdonnent deleur force ou de leur faiblesse. A peine imbu des principes de lascience, l’élève quiprésente sathèseà ses examinateurs ne peut leur offrir ni le fruit de sesréflexions, parce qu’il n’a point assezmédité, nile fruit de ses observations, parce qu’il n’a pasassezvu..."

 

Chroniqueélégantede laComtesse de Marly.- Revue deParis, Nouvelle série – Numéro 49 - 1erJuin 1868 :"Sil’on écrivait la chronique du temps, on auraitàdire : Beau, beau, toujours beau ! – Pourla mode, celasetraduit par : Mousseline, mousseline, toujoursmousseline !Elle est, en effet, blanche, unie, rayée, à pois,à fleurs ou autrement encore, mais elle est toujours jolieetaussi fraîche à l’oeil qu’auporter..."

Elogede la frivolité(1925) parAndré Beaunier(1869-1925) : "Balbine, je vousenseignerai la frivolité. Je me vante ? et vous yêtesmieux entendue que moi ? Sans doute ! Mais, si je vous approuve et jevous donne quelques motifs de refuser le blâme quel’onfait devous, peut-être m’en saurez-vous gré.Puis, toutefrivoleque vous êtes, plus que vous ne le croyez, moinsqu’on nele dit,je ne crois pas que vous soyez à un tel point defrivolité parfaite où peu nous chautd’avoirraison..."

Conventionentre legouvernementfrançais, et sa sainteté Pie VII,(1802).

Journalde ce qui s’est passéauCanada depuis le mois d’Octobre 1755 jusqu’aumois de Juin 1756: "PARune lettre duDétroit, en date du 18, tous les Sauvages de ce paysparaissentdisposés à frapper sur les Anglais. Les Miamis&Poutoüamis sont dans les mêmesdispositions ; cesderniers ont toujours eu des partis en campagne, ils avoienttué, ou pris, lors de la date de cette lettre,..."

Ordonnancedu Roy portantdéclaration de guerre contre le Roy d’Angleterre.Du 9Juin 1756: "TOUTEl’Europe sçait que le Roid’Angleterre a été en 1754l’agresseur despossessions duRoi dans l’Amérique septentrionale, &qu’au moisde Juin del’année dernière, la Marine angloise,aumépris dudroit des gens & de la foi des Traités, acommencéà exercer contre les Vaisseaux de Sa Majesté,&contre la navigation & le commerce de ses sujets, leshostilités les plus violentes."

Principesgénéraux du cavalier arabe(1861) par leGénéral Eugène Daumas(1803-1871) : "On nepeut nier la compétence, en matière chevaline, dupeuplechez qui le cheval est l'objet de l'affection la plus vive et de laplus constante préoccupation. Les maximes arabes que nousreproduisons ici, joignent à la justesse du fond, lepittoresquede la forme. Cette dernière qualité servirapuissammentà les graver dans les esprits auxquels elles s'adressent.L'originalité du langage a eu, de tout temps, pour lesimaginations populaires, un attrait dont il nous a sembléqu'onpourrait tirer un utile parti..."

LeBal au cinquièmeétage(1833) par Alphonse Karr(1808-1890) : "-Il est neuf heures et vous n'êtes pas habillé ? -Nousavons du temps encore devant nous. Ces souvenirs de jeunesse qu'unhasard nous a fait rappeler ; ces jours que nous dépensionssanscompter, à cet âge où on se croitd'annéeset de bonheur un trésor inépuisable, tiennent monespritsous un tel charme, que j'ai peine à le rompre. La vie separtage en deux moitiés : l'une pleined'espérances quine doivent pas se réaliser ; l'autre, livrée auxregretsde bonheurs dont nous n'avons pas joui ; car ce qui nous semblait sibeau dans l'avenir, ce qui, lorsque nous l'avons atteint, ne nous adonné que désappointement etdégoût, reprendsa magie dans le passé. L'espérance et lesouvenir ont lemême charme et le même prestige : c'estl'éloignement..."

Lesgrisettes àParis(1832) par Ernest Desprez: "Autrefois onappelait Grisette la simple casaque grise que portaient les femmes dupeuple. Bientôt la rhétorique s'en mêla.Les femmesfurent appelées comme leur habit. C'était lecontenantpour le contenu. Les grisettes ne se doutent guère que leurnomest une métonymie. Mais voyez un peu ce que deviennent lesétymologies et les grisettes ! La grisette n'est pasmêmevêtue de gris. Sa robe est rosel’été, bleuel'hiver. L'été, c'est de la perkaline ;l’hiver, dumérinos..."

Bulletindes modes du 15janvier 1846par A. Le Clerc: "Là oùl’on danse, les robes de bals ont les manches trèscourtesettrès garnies. Les volans et les berthes en font toujours lesprincipaux ornemens. Les corsages drapés sont devenus plusrares. Les robes de satin se sont ouvertes à quelquessoirées d’apparat sur des jupes de drapd’argentgarnies deréseaux de Venise, également en argent. Une femmeaussidistinguée par son nom que par sa grâce, portaitune robede satin vert brodée d’argent, ayant de chaquecôtédeux grandes écharpes avec chefs et frangesd’argent..."

Bulletindes modes du 6juillet 1847par A. Le Clerc: "L'influence pluvieusede saint Médard semble passée, cependant le cieln'a pasrepris sa robe bleue et le gris y domine encore. Ces nuages nuisentgrandement au développement complet des toilettesd'été. Aussi les mantelets de mousselinebrodéequi avaient réjoui notre vue pendant les quelques vraisjoursd'été que nous avons eu, ont disparu pendant quele ventdu nord a régné ; en revanche, les mantelets detaffetasde toutes les couleurs sont en pleine vogue..."

Lecocher de cabriolet(1831) par Alexandre Dumas(1802-1870) : "Je ne sais si, parmiles personnes qui liront ces quelques lignes, il en est qui se soientjamais avisées de remarquer la différence quiexisteentre le cocher de cabriolet et le cocher de fiacre. Ce dernier grave,immobile et froid, supportant les intempéries de l'air avecl'impassibilité d'un stoïcien ; isolésur sonsiège ; au milieu de la société, sanscontact avecelle ; se permettant, pour toute distraction, un coup de fouetàson camarade qui passe ; sans amour pour les deux maigres rosses qu'ilconduit ; sans aménité pour lesinfortunés qu'ilbrouette, et ne daignant échanger avec eux un souriregrimaçant..."

Charlatans,jongleurs,phénomènes vivants, etc.(1831) parAmédée Pommier(1804-18..) : "O vous,élégants dandys, riches fashionables de laChaussée-d'Antin et du faubourg Saint-Honoré,femmes decour, femmes du bon ton, qui ne sortez jamais qu'enéquipage, etqui, du fond de vos carrosses dorés, apercevez àpeine eten courant ce peuple innombrable qui bourdonne à vos pieds ;élus du sort, enfants gâtés de lafortune, qui nehantez que les palais, et à qui la vie ne s'est jamaismontrée qu'en toilette ; venez ! je veux vous introduireaujourd'hui dans un monde que vous ne connaissez point, monde grossier,trivial, monde des carrefours et des ruisseaux, monde en sabots et enguenilles,..."

Bulletindes modes duMardi 15 février 1848par A. Le Clerc: "Lesvelours de soie, le cachemire moelleux, le satin plein la main,voilà les étoffes que l'on voit le plus en cemoment. Lesriches fourrures s'allient souvent à ces tissus qui nepeuventpas tomber dans le domaine de la petitepropriété. Aussi,si vous allez aux Champs-Elysées, vous verrez les grandesdames,dont les voitures stationnent dans l'avenue du milieu, se promener surl'asphalte des contre-allées, ayant pour sedéfendre dufroid, des pardessus et des redingotes que leurs couturièresonttaillés dans les belles étoffes que nous venonsdesignaler,..."

LaMorgue(1831)par Léon Gozlan(1803-1866) : "On doit à l'espritphilosophique, plus encore qu'à lapiétéreligieuse, la consécration de ce monument. C'est dire quela Morgue(bâtiment dont l'appellation est sans étymologieprécise) date d'une époque peuéloignée. Iln'y a guère plus de vingt ans qu'elle existe telle qu'elleestaujourd'hui. Auparavant les corps des personnes, mortes de mortviolente, ailleurs que chez elles, étaientdéposésau petit Châtelet,..."

Lebourgeois de Paris(1831) par Anaïs Bazin(1797-1850) : "Au milieu de cettepopulation immense qui fourmille dans nos rues, qui se heurte sur nostrottoirs, qui s'entasse dans les cellules habilementdistribuées de nos maisons nouvelles, il devient difficilederetrouver la race primitive, de reconnaître les traits de lafamille indigène..."

Unemaison du Marais(1831) par Henry Monnier(1799-1877) : "Dans toutes les maisonsde second et de troisième ordre, la personne la plusinfluenteest sans contredit la portière. Elle a sa cour, sesaffections,ses antipathies. Elle tient sous sa domination immédiate lesétages supérieurs, donne de son propre mouvementlescongés aux gens qui n'ont pas le bonheur de lui plaire, etdontles opinions politiques ne peuvent sympathiser avec les siennes. Puisviennent après elle les commères..."

Dela blague parisienne(1833) par le comte J. A. de Maussion: "Qui ne sait en Francece que l'on entend par le mot blague ? Et cependant le dictionnaire del'académie ne l'a pas encore adopté ; il esttoujours unpeu arriéré le bon dictionnaire. Comment sepasser d'unmot qui exprime tant, et qui explique tout en France, principalementà Paris ? Beaumarchais a dit que le goddam étaitle fondde la langue anglaise, et il a dit là une bêtise,ce quine lui arrivait pas souvent ; mais enfin, c'en était une. Lemotblague est d'une bien autre importance..."

Lemarchand de Chiens(1832) par Jules Janin(1804-1874) : "Vous avez lu sans douteles Mémoires de lord Byron : une des choses qui m'aétonné le plus dans ces étonnantsMémoires,c'est la facilité avec laquelle le noble lord renouvelle sesboule-dogues et ses lévriers àvolonté.-Envoyez-moi, dit-il, un boule-dogue d'Écosse ; lesboule-doguesde Venise n'ont pas les dents assez dures. Envoyez-moi un beau chien deTerre-Neuve pour le faire nager dans les lagunes. Il écrit,ildonne des ordres à son intendant, comme un autreécriraità Paris : Envoyez-moi de l'eau de fleur d'oranger ou desgants..."

LaManie des albums(1832) par Henry Monnier(1799-1877) : "L'origine des albumsremonte à une époque fort reculée, lespremiersfurent composés en Allemagne. Sur le point d'entreprendre unvoyage de longue durée, il était d'usaged'envoyer unlivre à ses amis, qui devaient recevoir des dessins, desvers,ou de la musique ; on y ajoutait encore des lettres de famille. Loin dupays, ce livre devenait un compagnon de voyage, un ami. Dans cesmoments de tristesse où l'âme a tant besoin des'épancher, où vous rêviez uneâme qui auraitpu vous comprendre, vous ouvriez votre album, et vous retrouviez vosamis, les conseils d'une mère, la tendre sollicitude d'unesoeurchérie, et les lettres de la première femme quevousaviez aimée..."

Codelittéraire(1840) par Honoré de Balzac(1799-1850)

Pourquoinous ne sommespas socialistes(1895) par Anatole Leroy-Beaulieu(1842-1912) : "Si je n'avais consulté que mes forces et monétat de santé, je ne me serais pasrisqué àprendre la parole, ce soir, devant vous. Mais je n'ai pas voulu medérober à l'honneur de présider cettepremière réunion, - ne fût-ce que pourne pointparaître reculer devant les appréhensions, nonjustifiées, j'espère, des plus timides de nosamis..."

L'Anepar Edouard Drumont(1844-1917) : "Ane, je te salue, éternel porteur debât,Ane utile, Ane patient, Ane toujours raillé, Aneàl'échine meurtrie, Ane aux longues oreilles, Ane, je tesalue..."

LaChèvrepar Fulbert Dumonteil(1830-1912) : "Commençons d'abordpar son seigneur et maître, le Bouc : Mauvaiscaractère,mauvaise odeur et mauvaise réputation ; impudent etimpudique,emblême de luxure et de brutalité ; l'air hautain,dédaigneux ; marchant d'un pied d'airain à latêtede son sérail, le front large,..."

LeCochonparBernard Prost(1849-1915) : "Méprisé de sonvivant, apprécié seulement après samort, -à l'inverse de beaucoup de prétendus grandshommes, - leCochon est un des nombreux exemples de l'ingratitude humaine..."

LeChatparThéodore de Banville(1823-1891) : "Tout animal estsupérieur à l'homme par ce qu'il y a en lui dedivin,c'est-à-dire par l'instinct. Or, de tous les animaux, leChatest celui chez lequel l'instinct est le plus persistant, le plusimpossible à tuer. Sauvage ou domestique, il restelui-même, obstinément, avec unesérénité absolue, et aussi rien nepeut lui faireperdre sa beauté et sa grâce suprême..."

LeChienparGaspard de Pekow marquis de Cherville(1821-1898) : "Le Chienfournira dans cent ans comme aujourd'hui, matière auxdiatribesaussi bien qu'aux panégyriques. Comme l'amour, comme lafemme,il représente un thème inépuisable, ilaurait ledroit d'être fier du rapprochement..."

Dissertationsur lesidées morales des grecs et sur le danger de lire Platonpar M. Audé,bibliophile (pseud. d'Octave-JosephDelepierre, 1804-1875) : "UNEétrangeanomalie que présentent les mœurs de laGrèce,d'autantplus étrange qu'elle était pour ainsi direparvenueà être une sorte d'institution nationale, aattirél'attention des plus célèbresécrivains del'antiquité. Assez de passages nous restent dans lesécrits des philosophes et des poëtes, pour nousprouver quel'amour était compris chez les Grecs d'une tout autremanière que chez nous, tant parmi les hommes que parmi lesfemmes..."

Elogesd'écrivains,discours prononcés aux obsèques deGonzalès,Cladel, Maupassant, Houssaye, Goncourt, Daudet, Alexis(1891-1901) par Emile Zola(1840-1902) : "Au nom de laSociété des Gens de Lettres, je viens apporter unsuprême hommage à Emmanuel Gonzalèsqui,après avoir été un des fondateurs decetteSociété, consacra à saprospérité età sa grandeur vingt-quatre ans de sa vie. Je ne veux pointéluder un devoir que je suis heureux de remplir commeprésident actuel du Comité, en passant rapidementsurl’œuvre littéraire d’EmmanuelGonzalès.Certes, le champdu roman s’est élargi, de nouvelles formules sontvenues,lapostérité a remis chacun à son rang.Mais, cequ’il faut louer toujours, ce qui reste quand mêmehonorable,c’est l’effort, c’est le travail,c’est laproduction, lorsqu’elle estsaine et digne..."

Del'usage de saluer etd'adresser des souhaits à ceux qui éternuentparThéodore de Jolimont(1787-18..) : "COMBIENde pratiques et d'usages transmis de siècle ensièclejusqu'à nous, dont le motif et l'origine sontrestésà peu près inconnus pour presque tout le monde,et n'ontexcité un certain sentiment de curiosité, fortnaturel dureste et fort louable, que chez le peu de personnes qui aimentàse rendre compte de tout, même des choses en apparence lesplusfrivoles et les plus insignifiantes..."

Histoiredes oeufs. Oeufsde Pâques, etcpar Théodore de Jolimont(1787-18..) : "LAfête des oeufs, communeà presque toutes les nations, principalement d'Asie etd'Europe,remonte aux temps les plus reculés de l'antiquité: elletient à tout ce que les religions et la philosophie dessociétés naissantes a de plus respectable et deplussacré, à la théologie primitive desÉgyptiens, des Hébreux, des Chinois, des Perses,desGrecs, des Celtes, et des Latins..."

L'ânepar VictorHugo, conférence faite à Courbevoie, le 7novembre 1880au profit de la bibliothèque populairepar Louis Ulbach(1822-1889) : "Je devrais commencer par m'excuser d'avoir pris unetâche et revendiqué un honneur,assignésordinairement à de plus dignes d'êtreécoutés. Mais le poème dont je veuxvous donnerl'analyse renferme en lui-même mon excuse. Victor Hugo faittropbien parler un âne, pour ne pas m'enhardir àparler, etnous sommes dans un temps d'âneriesépidémiques,qui me donne l'irrésistible tentation d'applaudir celui quilesdénonce, qui les châtie, au risque d'en commettreuneà mon tour..."

Autourde l'Ecoledécadente,trois articles de Jules Tellier(1863-1889) : "Donc, les décadents se sont imaginer dedresserleur vocabulaire ; et ils en ont formé un petit livred’unecentaine de pages. Sûrement, l’idéeétaitprétentieuse et puérile. Mêmeàconsidérer la quantité seule, et non laqualité,ce que les décadents ont ajouté de motsà lalangue française est bien peu de chose. Si Hugoeût vouludresser le lexique des mots qu’il avait mis ou remis enhonneur,destermes techniques et rares qu’il avait employés,il seraitarrivé à un tout autre total..."

Levéritable auteurdu théâtre des boulevards(1881) par Georges d'Heylli: "Nous sommes ici en pleine farce, cette farce grasse etsaléequi plaisait tant à nos pères, cette farce de larue quiémerveillait le bas peuple, à qui on la servaitgratis etqui constituait ce genre spécial qu'on a appelélesparades. C'est sur les tréteaux de la baraquemême,à l'intérieur de laquelle devait êtredonnéle spectacle plus sérieux, et pour y attirer le public, quesedébitaient ces plaisanteries au gros sel,populacières,grossières, ordurières souvent, plus souventencoregraveleuses..."

Essaisur le goût(1757) par Charles-Louis de Secondat, baron de La Brède etde Montesquieu(1689-1755) : "Dans notre manière d'être actuelle,notreâme goûte trois sortes de plaisirs ; il y en aqu'elle tiredu fond de son existence même ; d'autres quirésultent deson union avec le corps ; d'autres enfin qui sont fondés surlesplis et les préjugés que de certainesinstitutions, decertains usages, de certaines habitudes, lui ont fait prendre..."

Talmaet Lekain(1826) par Jules Janin(1804-1874) : "TALMAn'est plus. En répétant cette péniblenouvelle,chacun semble chercher un démenti. Cetteincrédulité publique est un hommage rendu augénie. On a peine à concevoir qu'un feucélestepuisse s'éteindre..."

FrédérickLemaître aux Folies-Dramatiques(1835) par Jules Janin(1804-1874) : "C'ESTtoujours le mêmecomédien, il n'a fait que changer dethéâtre ;c'est toujours le même acteur incisif, jovial,inspiré,procédant par sauts et par bonds, maître de sonpublic ;c'est toujours le comédien du peuple, l'ami du peuple,adopté et créé par le peuple. Tant pispour cequ'on appelle les grands théâtres, s'ils ontrefuséd'ouvrir leurs portes à Frédérick..."

MlleMars et Mme Dorval(1835) par Jules Janin(1804-1874) : "SOYEZdonc de grandes comédiennes pour servir deprétexteà une parade de M. Dumersan, à une parade dignedestréteaux de la foire !.."

L'Homoeopathedes familleset des médecins(1875) par Adrien Peladan: "Lebut de l'Homoeopathe desfamilles est de mettre entre lesmainsdes gens du monde un journal destiné à leurindiquer lesmoyens de traiter eux-mêmes les maladies les plus communes,et deguérir des cas graves, quand l'impossibilité derecourirà l'homme de l'art leur donnera le droit d'agir avecconfianced'après des indications sûres. Mise de la sorteàla portée de tous, l'homoeopathie rend des servicesinappréciables, en faisant disparaître promptementetdoucement bon nombre d'affections fort douloureuses, et en permettantde neutraliser à leur début, souvent sans s'endouter,les maladies les plus redoutables..."

Manifestede la jeunelittérature : Réponse à M. NisardparJules Janin(1804-1874) : "Permettez-moi, mon cher Nisard, derépondre comme il convient à votreéloquente etchaleureuse philippique contre la littératurefacile.Vous m'en avez fait le représentant, à mesrisques etpérils ; c'est un honneur que j'accepte avec toutes sesconséquences. Me voilà donc tout prêtàjouter avec vous, le rude jouteur ; me voici, moi, vêtuàla légère, contre vous, armé de pieden cap ; mevoici, pauvre vélite de l'arméelittéraire, contrevous, qui êtes placé dans la réserve ;moi,déjà tout hâlé par le soleilde la presse,tout froissé dans la mêlée, haletant etblessé, et tout saignant, contre vous, jeune homme, vous,hommefort, homme de sang-froid, qui vous hasardez rarement àcombattre, qui vous contentez de faire une brutale sortie de tempsà autre, et qui rentrez ensuite prudemment dans vos murs.Mais,quoi qu'il en soit, le gant est jeté de part et d'autre..."

Recherchessur le jeu deséchecspar Louis Dubois(1773-1855) : "Le Jeudes échecs, dit Jaucourt dans le dictionnaireencyclopédique, le jeu des échecs que tout lemondeconnaît et que peu de personnes jouent bien, est le plussavantet celui dans lequel l'étendue et la force de l'esprit dujeupeut se faire le plus aisément remarquer. Ce jeu, qu'unetradition plus fabuleuse encore que celles qui nous ont transmis lesdétails du siège de Troie, attribuéàPalamède l'un des assiégeans de cettecité, futinventé dans l'Inde..."

Lecomédien par unjournalistepar Octave Mirbeau; [suivi de] Lescomédiens par un comédienpar Constant Coquelin(1882) : "Le procès Mayer-Coquelinest revenu hier devant le tribunal de commerce. Il faut s'attendreà un débordement de comptes rendus, discussions,gloseset commentaires, comme s'il s'agissait d'un acte diplomatiqued'où dépend le sort d'un peuple. Les journauxserontremplis d'anecdotes à ce sujet. Chacun prendra parti pour oucontre. Il y aura des gros mots, des disputes dans lescafés,des brouilles dans les familles, peut être des duels. Et lecomédien, une fois de plus, aura bouleversé lemonde..."

Discoursde M. Guizot,ministre des affaires étrangères, dans ladiscussiongénérale du projet de loi relatif auxfortifications deParis(Séance du 25 janvier 1841) : "La discussion seprolonge, et cependant, si je ne m'abuse, la perplexité delachambre continue. Avant-hier, un honorable membre, M. deRémusat, attribuait cette perplexité àde bienpetites causes, à des méfiances de personnes,àdes misères parlementaires. Je crois qu'il se trompe, et queladisposition de beaucoup de bons esprits dans la chambre a des causesplus sérieuses. La chambre croit àl'utilité,à la nécessité de la mesure qu'ellediscute. Ellea des doutes, des inquiétudes sur ses résultats ;ellen'en prévoit pas clairement la portée et leseffets ;elle craint que cette mesure ne devienne l'instrument d'une politiqueautre que celle qu'elle approuve et veut soutenir. Elle craintd'être entraînée dans une politiqueturbulente,belliqueuse, contraire à cette politique de paix, decivilisation tranquille et régulière qu'elle aproclamée et appuyée. Voilà la vraiecause de laperplexité et des inquiétudes de la chambre..."

Manueldu nageur ou de lapratique de l'art de nager, suivi d'un Traité sur les Eauxthermales ; terminé par des Observationsintéressantessur l'Art du Plongeur(1821) : "On s'est occupéutilement des moyens de rendre la vie à ceux que desaccidens ouleur imprudence avaient mis en danger de la perdre dans les eaux, neserait-il pas aussi bon de prévenir le mal que d'y chercherunremède. Le bain est de nécessité pourl'homme : lapropreté est un des salubres avantages qui enrésultent ;mais le plus grand, est la santéréparée ouconservée..."

L'artd'épurer leshuiles pour veilleuses et quinquets par des moyenssimplifiés etd'une pratique facile pour l'épicier comme pour les grandesmanufactures(ca1820) par Ch. Lefebvre: "CETOuvrage a pour but de propager les connaissancespratiques nécessairesà l'Epuration des Huilesvégétales, et à les transformer enhuilesconvenables à la préparation des peaux chez lestanneurs.Nous n'ignorons pas que les procédés que nousallonsdécrire seront, pour quelques épurateurs, larépétition des moyens pratiqués dansleursétablissemens ; le soin que chaque manufacturier apportedans larecherche des bonnes méthodes de travail, ne lui laisse paslong-temps ignorer les procédés qui, par leurperfection,peuvent contribuer à l'amélioration del'industrie qu'ilexploite..."

Petitebiographiedramatique, faite avec adresse par un moucheur de chandelle(1826) : ADÈLE(Mlle), Porte-Saint-Martin,rue du Temple, n. 101. Sa danse voluptueuse promet plaisir, et l'onassure que Mlle Adèle tient tout ce que sa danse promet. ADÈLE BAZIRE,Ambigu,rue de Saintonge, n. 38 : « Jadis on voyait sur ses hanches |« Un simple jupon de tricot, | « Et pour parure desdimanches | « Un juste-au-corps en calicot ». Queles tempssont changés !"

Biographiedesjournalistes, avec la nomenclature de tous les journaux, et les motsd'argot de ces messieurs par une sociétéd'écrivains qui ont fait tous les métiers, et quise sontpliés à toutes les circonstances(1826) : "Dansle moment où les petites Biographies sont à lamode, onne sera pas fâché, sans doute, d'avoir en unlégervolume de cinquante centimes, de courtes notices sur Messieurs lesJournalistes, ces organes de l'opinion publique, dont tout le monde seplaint, et à qui tout le monde cependant fait politesse. Cesindications pourront être utiles aux actrices qui ont besoindemousser, aux auteurs qui cherchent des annonces, aux confiseurs quisouhaitent qu'on vante leurs douceurs, et aux jeunes fillesàmarier..."

Mémoiresurl'oblitération des artères ombilicales et surl'artérite ombilicale(1855) par Alphonse Henri Notta(1824-1914) : "Dans les recherches que j'ai faites sur la cicatrisationdes artères à la suite de leur ligature,l'étudedes faits m'a amené à conclure que le caillot etlaportion d'artère comprise entre la ligature et lapremière collatérale ne se transformaient pas encordonfibreux, mais subissaient seulement une atrophie qui permettaitnéanmoins d'en reconnaître toujours les diverséléments. Je crois aussi avoirdémontréà quoi était due la présence de cecordon fibreuxqui, unissant les deux bouts d'une artère liéedans sacontinuité ou la surface de la cicatrice àl'extrémité du vaisseau, dans les amputations,avait puen imposer pour une transformation de l'artère..."

Untournoi au XIXesiècle(1872) par Ernest Legouvé(1807-1903) : "UNtournoi à Paris ! en1872 ! Oui, vraiment. Jugez-en. Vous vous rappelez lecérémonial des tournois : un hérautd'armesproclamait, à son de trompe, à dix lieuesà laronde, que tel jour, à telle heure, en tel lieu, cinq ou sixchevaliers se tiendraient, tout en armes, depuis le lever du jourjusqu'à la nuit, prêts à combattre toutadversairequi se présenterait dans le champ clos. Eh bien, c'est cequeviennent de faire dix ou douze jeunes gens qui comptent dans le mondede Paris parmi les plus distingués et les plusélégants. Il ne s'agit pourtant ici ni de joutesàla lance ou à la rapière, ni de brillantes passesà cheval ; on combattra à pied,..."

BiographiedesArchevêques de France par un ancien Donneur d'eaubénite(1826) : "Lorsque l'on lit l'Étoileet le Courrierfrançais, la Quotidienneet le Constitutionnel,on est fort embarrassé pour se former une idéeclaire etjuste du caractère politique de nos princes del'église ;surtout lorsque l'on voit chaque jour, dans ces mêmesjournaux,les apologies des uns et les satires des autres. Possédantdepuis long-temps un recueil de pièces aussi rares quecurieuses, concernant les archevêques du royaume, nous lesavonsréunies en leur donnant le titre et la forme d'unebiographiequi, nous osons l'espérer, pourra éclairer lelecteurresté, jusqu'à ce jour, indécis..."

EmileZola(1883)par Guy de Maupassant(1840-1902) : "Il est des noms quisemblent destinés à lacélébrité,qui sonnent et qui restent dans les mémoires. Peut-onoublierBalzac, Musset, Hugo, quand une fois on a entendu retentir ces motscourts et chantants ? Mais, de tous les noms littéraires, iln'en est point peut-être qui saute plus brusquement aux yeuxets'attache plus fortement au souvenir que celui de Zola. Iléclate comme deux notes de clairon, violent, tapageur, entredans l'oreille, l'emplit de sa brusque et sonore gaieté.Zola !quel appel au public ! quel cri d'éveil ! et quelle fortunepourun écrivain de talent de naître ainsidoté parl'état civil..."

Rabelaiset seséditeurs(1868) par H. E. Chevalier: "Rabelais,le savant le plus complet, le penseur le plus profond,l'écrivain le plus habile du seizièmesiècle,Rabelais fut un homme heureux. Protégé par lesrois etles grands, estimé des savants et des lettrés,aimé de tous, il se sentit assez fort pour attaquer les abuslesplus imposants, les plus profondément enracinés,ceuxmêmes que le bras séculier entourait d'uneprotectionactive, et il leur porta des coups dont ils ne se sont pasrelevés. Ce contempteur de la Sorbonne, ce ferrailleurimpitoyable qui, de son arme à deux tranchants, frappaità droite et à gauche, ici sur les«moines moinantde moinerie,» là sur les «demoniaclesCalvinsimposteurs de Genève», ce philosophecomplétementémancipé s'éteignit dans son lit,tranquille etconsidéré, tandis que ses amis, de simpleshérétiques, mouraient dans l'exil, comme Marot,ou sur lebûcher, comme Dolet. A peine au cercueil, il devient unpersonnage légendaire : son nom est dans toutes les bouches,sonlivre est entre les mains de tous. Pendant trois siècles, onleréimprime coup sur coup. En ce moment même, CINQÉDITIONSdifférentes sont en coursd'exécution..."

Procèsintenté à M. Gustave Flaubert devant le tribunalcorrectionnel de Paris (6e Chambre) sous la présidence de M.Dubarle, audiences des 31 janvier et 7 février 1857 :réquisitoire et jugement.: "Messieurs, en abordant cedébat, le ministère public est enprésence d'unedifficulté qu'il ne peut pas se dissimuler. Elle n'est pasdansla nature même de la prévention : offensesà lamorale publique et à la religion, ce sont là sansdoutedes expressions un peu vagues, un peu élastiques, qu'il estnécessaire de préciser. Mais, enfin, quand onparleà des esprits droits et pratiques. Il est facile des'entendreà cet égard, de distinguer si telle page d'unlivre porteatteinte à la religion ou à la morale. Ladifficulté n'est pas dans notre prévention, elleestplutôt, elle est davantage dans l'étendue del'oeuvre quevous avez à juger. Il s'agit d'un roman tout entier..."

Considérationssurl'art dramatiqueavec le dénombrementdes théâtres de Paris en 1791, 1811 et 1822suivies d'un Précishistorique etlittéraire sur la tragédie(1822) par PierreMarie Michel Lepeintre(1750-18..) :"Si l'on ne voulait jugerle théâtre en général qued'après lesidées religieuses, on le trouverait certainement dangereuxetcondamnable. Un moraliste austère pourrait facilementprouverque c'est un plaisir corrupteur, à ne leconsidérermême que sous un point de vue purement philosophique..."

Lamesse de Gnide(1793) par Griffet de La Baume(1750-1805) :"Ce petit ouvrage,composé longtemps avant la Révolution, aété trouvé dans les papiers de C.NOBODY,jeune poète heureusement né ; mais àqui lafuneste habitude de l'opium fit perdre en moins de deux ans lasanté, l'imagination, la mémoire et legoût dutravail, et qui finit par se tuer lui-même, d'un coup depistolet, le 11 Juin 1787. Il était né dans lesenvironsde Beauvais, en 1766, et demeurait à Paris depuis 1775. Il alaissé beaucoup d'autres manuscrits qui annoncent del'inventionet de la facilité ; mais ce sont pour la plupart desébauches ou des commencements d'ouvrages que leurétatd'imperfection ne permet pas de publier. Cette bagatelleérotique est la seule de ses productions àlaquelle notreauteur ait mis la dernière main, dans le peu d'intervalleslucides que lui laissait le dépérissementsuccessif deses organes..."

Figurinesparisiennes(1854) par Charles Monselet(1825-1888) :"Il en est de Pariscomme de l'Océan : les poëtes et les peintres enferont lesujet éternel de leurs toiles et de leurs pages, de leurscroûtes et de leurs chefs-d'oeuvre. Paris est unmodèlequi pose pour tout le monde. Les uns le peignent en pied, les autres enbuste ; ceux-là en font une académie, ceux-ci uneminiature ; il en est qui le montrent de face, de profil, de troisquarts ; j'en ai rencontré qui se contentaient d'un oeil oud'unpied, de moins encore. On me demande d'être vrai. Je le serai; -à cela près cependant que je neréponds pas desdistractions de mon modèle. Si mon modèlebâille oufait la grimace, s'il a les yeux rouges ce jour-là, s'il nesesouvient plus aujourd'hui de la pose d'hier, la faute n'en serajetée que sur lui. - Peut-être adviendra-t-il, parsuite,que le Paris de tel chapitre sera tout opposé au Paris detelautre. Pour cela, que l'on ne crie pas à la contradiction,oupire encore, au paradoxe. D'ailleurs, Paris m'a tout l'airlui-même d'un paradoxe effréné."

RemonstranceauxFrançois pour les induire à vivre en paixàl'advenir(1576) : "Jusques à quand, François,jusques à quand voulez-vous demeurer armez les uns contrelesautres ? Jusques à quand voulez-vous prolonger vos guerresciviles ? Jusques à quand voulez-vous nourrir entre voustant dedivisions et partialitez ? N'estes-vous ennuyez de vous poursuyvre ?N'estes-vous las de combattre ? N'estes-vous contens des cendres de vosmaisons ? N'avez-vous horreur de voir vos mainsensanglantées devostre propre sang ? N'avez-vous regret à la perte de vosvieset de vos biens ? N'avez pitié de vous mesmes ? Quelleoccasionvous anime tellement les uns contre les autres ? Quelle fureur vousarme ? Quelle rage vous pousse ? A quoy pensez-vous ? Que faictes-vous? Quel est le but de vos desseings ? La longueur du temps, qui adoucittoutes choses, ne vous peut-elle retirer de vos animositez ? La pertede vos biens, qui vous doit estre facheuse, ne vous peut-elledestourner de vos entreprises ? La ruine de vostre païs, quivousdoit estre insuportable, ne vous peut-elle esmouvoir ?..."

L'Assommoir,Pot-Bouille,Germinal: préfaces et articles d'Émile Zola(1840-1902)à propos de l'adaptation théâtrale deplusieurs deses romans par William Busnach: "Je suis bien à l'aisepour parler de L'Assommoir,le drame que MM. Busnach etGastineau ont tiré de mon roman ; car je ne les aiautorisés à faire cette adaptationqu'à lacondition absolue de n'avoir à m'occuper en rien de lapièce. Elle m'est donc étrangère, jepuis la jugeravec une entière libertéd'appréciation.Personnellement, je regardais la mise à la scènedu romancomme une tentative grave et dangereuse. Jamais je n'auraisrisqué cette tentative moi-même. Fatalement,lorsqu'ontransporte un roman au théâtre, on ne peut obtenirqu'uneœuvre moins complète, inférieure enintensité ; enun mot, on gâte le livre, et c'est toujours là unebesognemauvaise quand elle est faite par l'auteur lui-même..."

GustaveFlaubert chez laprincesse Mathilde, souvenir d'un soirée à SaintGratien; Lecentenaire de Gustave Flaubert:autour de Gustave Flaubert(1821-1880), deux portraits parJoseph Napoléon Primoli(1851-1927) et la princesseMathilde Bonaparte(1820-1904) et un article de Paul Souday(1869-1929) : "Flaubert a étéextrêmementméconnu ; peut-être l'est-il toujours. Sans douteil eutl'air d'entrer du premier coup dans la gloire, avec l'immensesuccès de MadameBovary, parue en 1856 dans la Revuede Paris de Laurent-Pichat etMaxime du Camp, l'annéesuivante en librairie, chez Michel Lévy. Mais il ne faut passedissimuler que ce fut surtout un succès de scandale. Lavaleurlittéraire de l'ouvrage n'y était pour rien, oupresquerien. Tout le mérite de ce lancement revient au parquet, quiintenta des poursuites pour outrage à la religion et auxbonnesmoeurs. Il est vrai que Flaubert fut acquitté, et leprocureurgénéral d'aujourd'hui, M. Lescouvé, adésavoué le réquisitoire d'ErnestPinard en sefaisant inscrire au comité du monument Flaubert. Mais lecoupavait porté et assura une vente considérableà MadameBovary qui, sans cette bonnefortune, serait peut-êtrerestée chez l'éditeur. D'ailleurs, Flaubert nesut aucungré à la justice de cette réclameinespérée, qui n'aurait pas dépluàd'autres. Et il fut justement outré des jugements de lapresse..."

Julesde Rességuier(1898) par Eugène Asse(1830-1901) : "LEROMANTISME eut comme sonbataillon sacré dans lespoètes qui, dès la première heure, segroupèrent pour fonder le Conservateurlittéraire(décembre 1819), puis la MuseFrançaise, les Annalesromantiques, ou y collaborer :ce furent Soumet, Guiraud,Saint-Valry, Emile et Antony Deschamps, Jules Lefèvre, aussiRességuier, dont nous allons parler. Bernard-Marie-Jules,comtede Rességuier, naquit à Toulouse, le 28 janvier1788,..."

[texteretiré].

[texteretiré].

Discourssur les passionsde l'amour(1652-1653) attribué à Blaise Pascal(1623-1662) : "L'HOMMEest né pour penser; aussi n'est-il pas un moment sans le faire ; mais lespenséespures, qui le rendroient heureux s'il pouvoit toujours les soutenir, lefatiguent et l'abattent. C'est une vie unie à laquelle il nepeut s'accommoder ; il lui faut du remuement et de l'action,c'est-à-dire qu'il est nécessaire qu'il soitquelquefoisagité des passions, dont il sent dans son coeur des sourcessivives et si profondes..."

Discoursderéception à la porte de l'Académiefrançaise(1865) par Jules Janin(1804-1874) : "Il était minuit ;par un ciel rayonnant d'étoiles, dans le grand silence, auxbruits du fleuve emporté vers l'Océan, entre lesdeuxlions de granit dont la gueule ouverte jette avec tant d'effort unmince filet d'eau, image parlante de la poésie aux abois, ilmesembla que soudain les portes de l'Institut étaientouvertes, etque des voix confuses m'appelaient sous les voûtessolennelles del'Académie française, au milieu d'uneassembléeindulgente et sympathique. Alors, prenant mon courage à deuxmains, j'improvisai mon discours de réception,mêléparfois d'un murmure approbateur :"

Lettre aux membres duComité central(avril 1848) de George Sand(1804-1876) : "Je ne viens pas vous remercier d'avoir admis mon nom surune quarantaine de listes au Comité central. La connaissancequej'ai de moi-même ne me permet pas de croire que vous avezvoulum'encourager à présenter une candidatureimpossible,chose à laquelle je n'ai jamais songé. Vous avezvouluconsacrer un principe qu'apparemment vous avez adopté.Permettez-moi donc de vous présenter sur ce principemêmequelques considérations que le moment estpeut-être venude discuter et de peser sérieusement..."

Panacéeuniverselle :Méthode que l'on pratique à l'hostel desInvalides, pourguérir les Soldats de la Verole(1718) par [Jean de Labrune]: "PRENEZ la quantité qu'il vous plaira de vermillon ou decinabre, broyez-le dans un mortier de marbre avec un pilon de verre,& le mêlez avec son poids égal de limaillede fer biennette, mettez ce mélange dans une cornue, exactementlutée, en sorte qu'il la remplisse jusqu'à unpouceprés du haut ; mettez la cornue dans un petit fourneau dereverbere, & adaptez à son col un recipient qui soitpresqueplein d'eau, lutez-les, & allumez le feu au fourneau pardegrez,afin d'échauffer la retorte peu à peu ; &tout votrecinabre passera en mercure coulant : délutez la cornue,jettezl'eau, & séchez le mercure en le passant souventdans unlinge blanc & sec, puis le passez deux ou trois fois par lechamois, & mettez-le dans un matras de verre avec du sel bienpurifié, & du vinaigre distilé ; il fautle bienbattre, & l'agiter pendant une heure, &aprés versertoute liqueur par inclination, remettre de nouveau du sel & duvinaigre, l'agiter comme auparavant, & réiterer celajusqu'à trois fois..."

Confessiongénérale d'Audinot(1774) : "Si tout ce quiconcerne les grands hommes a droit d'intéresser lasociété, quel cours ne doit pas avoir dans lepublic lepremier acte de catholicité du fameux AUDINOT ?... A Dieu neplaise qu'en le mettant au nombre des grands hommes, jeprétendefaire ici un jeu de mots trivial, et insulter à la tailledégingandée de cet histrion ; je la lui passeavec autantde bonhomie que sa figure plate et son regard insolent..."

Lelivre du Bibliophile(1874) par [Alphonse Lemerre]: "Ce travail a pour objetd'exposer les points principaux de l'art auquel nous nous sommesadonné tout entier, et de déterminer lesconditions quedoit, à notre avis, nécessairement remplir uneédition pour être digne d'êtreappréciée et estimée desvéritablesconnaisseurs. Nous ne parlerons guère que de laréimpression des vieux écrivains, non que lapublicationdes oeuvres contemporaines nous paraisse d'un moindre prix, mais parceque les textes anciens présentent àl'éditeur desdifficultés particulières et qu'une nouvellepublicationde ces textes universellement connus est vaine quand elle n'est pasà peu près définitive. Nousexaminerons en peu demots les soins qu'exige le Livre depuis l'élaboration dumanuscrit ou, pour parler le langage technique, de lacopie quidoit être livrée à l'imprimeur,jusqu'au momentoù le volume parachevé entre, vêtu desa reliure,dans la vitrine du bibliophile...."

LesRelais ou la mèrede famille et le fileur : fiction d'une tristeréalité(1841) par [Daniel Legrand]: "Dans une valléeisolée d'un de nos départements manufacturiersvivait, aucommencement de l'année dernière, une pauvrefamille qui,sous un toit de chaume, avait su trouver la paix et le bonheurdomestique. Le père, habile bûcheron et bonjournalier,nourrissait les siens du produit de ses travaux manuels. Sa famille secomposait de trois fils et de deux filles ; les deuxaînésavaient dépassé leur neuvième etdixièmeannée, le cadet était dans sadeuxième, et unepetite fille occupait le berceau. Sa soeur, âgéede huitans, la soignait, la berçait, et ses tendres caresses et sondoux sourire faisaient tressaillir de joie le nourrisson. Lamère, femme pieuse et laborieuse, prenait soin de sesenfants etdu ménage avec une fidélité exemplaire; ellecultivait en même temps son jardin et quelques petitespièces de terre que son mari avait louées..."

L'heuredu spectacle(1878) par Victorien Sardou(1831-1908) : "MON CHER NOEL, Lejour où vous m'avez fait l'honneur de me demander cettepréface, pour l'excellente publication que vous avezentreprisede concert avec votre ami M. Stoullig, nous venionsd'échangerquelques réflexions sur la coïncidence actuelle desheuresdu dîner et du spectacle, et je vous répondis :«Voilà ma préface toutetrouvée ; rien nesaurait s'adapter mieux au cadre de vos Annalesdramatiques..."

Lettre inédite dePhilothée O'Neddy(1811-1875), auteur de Feu et Flamme,sur le groupe littéraire romantique dit des Bousingos :Théophile Gautier, Gérard de Nerval, PetrusBorel,Bouchardy, Alphonse Brot, etc...(1875) : "Monsieur, Le vieilO'Neddy qui, en sa qualité de burgrave, passe une bonne partdeson temps àrêver dans l'ombre et dans la nuit,n'a eu connaissance que tout dernièrement de la notice dontvousavez honoré ses juvenilia,et qui a étéinsérée dans leBoulevard il y adéjà plus d'un mois. C'est ce qui fait qu'ilvient sitard vous en remercier cordialement. Il succombe en mêmetempsà la tentation de vous présenter ici quelquesrenseignements et quelques observations à son endroit età celui de ses anciens frères, se flattant quevous nedédaignerez pas d'en user un peu, au cas où votresiége (je veux dire votre volume sur les romantiques) neseraitpas encore fait..."

Lemeilleur de Monsieur deBenserade(1612-1691) : "Bouche vermeille au douxsourire, |Bouche au parler délicieux. |Bouche qu'on ne sçauroit décrire, |Bouche d'un tour si gracieux..."

Stanceset autres oeuvresdu sieur Tristan(1601-1655) : "Venir à laclarté sans force & sans adresse, |Et n'ayant fait long temps que dormir & manger, |Souffrir mille rigueurs d'vn secours estranger |Pour quitter l'ignorance en quittant la foiblesse :..."

Stances,madrigaux, lettrede Monsieur de Montreuil(1620-1691) "De toutes lesfaçons vous avez droit de plaire, |Mais surtout vous savez nous charmer en ce jour, |Voyant vos yeux bandez on vous prend pour l'amour, |Les voyant découverts on vous prend pour samère..."

Quelquesvers de Monsieurde Voiture(1597-1648) : "Voicy mon amour sur la touche: |Iugez s'il marque nettement, |Et si sa pointe se rebouche, |Dans la peine et dans le tourment.|Mais en l'estat où ie me treuue, |Qu'est-il besoin de cette preuue, |Pour vous montrer que ma langueur |Et que ma constance est extréme? |Ne le sçauez-vous pas vous-mesme |Si vous m'auez touché le coeur? ..."

Moncher Casanova :lettres d'amour de Manon Balletti(1740-1776): "Ah !que M. mon frère m'ennuie ! Il est excédant etl'on nepeut pas être plus gauche qu'il ne l'est, à sagarde ;mais ne parlons pas de lui, car il m'a cosimis de mauvaisehumeur, que je ne veux point du tout l'être avec vous. Jevaisrépondre exactement à votre dernièrelettre. Vouscommencez par m'exagérer beaucoup votre amour, je le croissincère, il me flatte, et je ne désire autrechose que dele voir durer toujours. Durera-t-il ? Je sais bien que vous allez vousrévolter contre mon doute ; mais enfin, mon cher ami,dépend-il de vous de cesser de m'aimer ? ou de m'aimertoujours?.."

Lettresde Napoléonà Joséphine: "Je ne conçois pas ce qui apu donner lieu à votre lettre. Je vous prie de me faire leplaisir de croire que personne ne désire autant votreamitié que moi, et n'est plus prêt que moià fairequelque chose qui puisse le prouver. Si mes occupations me l'avaientpermis, je serais venu moi-même porter ma lettre..."

Lescaprices de la Gina,(1842) par Honoré de Balzac(1799-1850) : "La Gina estune Gênoise mariée à un Milanais, etqui demeureà Milan. Si quelqu'un de vous la reconnaîtàquelque détail de cette aventure, je le prie de ne pas lanommeret de lui garder le secret, sans quoi je ne continuerai point monrécit. Le mari de la Gina... je ne puis, pardiscrétion,donner ni le nom, ni la qualité, ni la demeure, ni le titre,niindiquer la fortune de cet homme fortuné, à causedevotre perspicacité ; mais je vous engage ma foi qu'ildemeureentre porta Orientale et porta Romana, qu'il est entre chambellan etgarde-noble, entre comte et marquis, que son nom est entre O et I,qu'il est entre le célibat et le mariage, comme tout grandseigneur doit être après sept ans de mariage, etqu'il suesang et eau à ne rien faire. Si ses traitscaractéristiques vont à trop de Milanais, lafaute en està l'Italie et non à moi..."

Traitédesexcitants modernes,(1838) par Honoré de Balzac(1799-1850) : "L'absorption de cinq substances, découvertesdepuis environ deux siècles et introduites dansl'économie humaine, a pris depuis quelques annéesdesdéveloppements si excessifs, que lessociétésmodernes peuvent s'en trouver modifiées d'unemanièreinappréciable.Ces cinq substances sont : 1° L'eau-de-vie ou alcool, base detoutes les liqueurs, dont l'apparition date des dernièresannées du règne de Louis XIV, et qui furentinventées pour réchauffer les glaces de savieillesse.2° Le sucre. Cette substance n'a envahi l'alimentationpopulaireque récemment, alors que l'industrie française asu lafabriquer en grandes quantités et la remettre àsonancien prix, lequel diminuera certes encore, malgré le fisc,quila guette pour l'imposer. 3° Le thé, connu depuisunecinquantaine d'années. 4° Le café.Quoiqueanciennement découvert par les Arabes, l'Europe ne fit ungrandusage de cet excitant que vers le milieu du dix-huitièmesiècle. 5° Le tabac, dont l'usage par la combustionn'estdevenu général et excessif que depuis la paix enFrance.Examinons d'abord la question, en nous plaçant au point devuele plus élevé..."

Quelquesmoyens faciles derestaurer les vieux livres,(1862) par Antony Meray:"Les livres deviennent rares ! Cela s'est toujours dit, surtout dansles périodes de calme, pendant lesquellesl'élégante passion du bibliophile peut sedévelopper en toute liberté. Lesétalages en pleinair se dégarnissent alors de volumesintéressants,complets et bien conservés. Nous sommes maintenant dans unedeces époques où les quais sontsurveillés etdépouillés avec acharnement. II faut l'avouerpourtant,les rencontres précieuses n'ont jamaisététrès-communes, surtout pour les amateurs qui suivent la modeets'attachent exclusivement aux ouvrages dont le caprice des ventes faithausser le prix..."

Lesdiverses façonsd'aimer les livres,(1861) par Antony Meray: "Le petittravail bibliographique, où nous allons essayer d'expliquercertains goûts particuliers, certainespréférences,certaines délicatesses de l'esprit, certainesvariétés de l'amour des livres, n'a nullementpour but dejustifier la passion d'élite qui nous pousse àrechercherces précieux témoins des accroissements del'âmehumaine à travers les générations.L'amour deslivres, dont les alléchements variés àl'infini serattachent à toutes les glorieuses activités delapensée n'a nul besoin d'être justifié,c'estglorifié qu'il faut dire, quand onréfléchitqu'aucun art, aucune science, aucune forme de protestation railleuse ougrave, réaliste ou mystique, battant en brèchel'ignorance et la sottise, n'échappe aux rayons de nosbibliothèques..."

LeBoulevard du crimepar Mario Proth(1872) : "Parmi les crimes sans nombre de cettebande sinistre dont l'invasion vulgairement connue sous le nom deSecond Empire demeurera pour la France une si terrible et salutaireleçon, un des plus irréparables est ladéfiguration de Paris par ce maçon endélire, M.Haussmann. Que voulez-vous ? Ces gens-là s'imaginaienteffacerl'histoire. Démolissant le passé, ils croyaientélever leur grotesque présent à lahauteur d'unavenir.Parmi les démolitions où ilss'acharnèrent, unedes plus bêtes et des plus irritantes fut celle du boulevardduTemple..."

UnSouper chezMademoiselle Rachelpar Alfred de Musset(1839) :"Merci d'abord, madame et chère marraine, pour la lettre quevous me communiquez de l'aimable Paolita.Cette lettre est bienremarquable et bien gentille ; mais que dirai-je de vous, qui nemanquez jamais une occasion d'envoyer un peu de joie à ceuxquivous aiment ? Vous êtes la seule créature humaineque jeconnaisse faite ainsi.Un bienfait n'est jamais perdu : enréponse à votre lettre de Desdémone,je veux vousservir un souper chezmademoiselle Rachel, qui vousamusera sinous sommes toujours du même avis et si vous partagez encoremonadmiration pour cette sublime fille..."

L'Alsaceest-elle allemandeou française : réponse à M. MommsenparNuma Denis Fustel de Coulanges(1870) : "Vous avezadressé dernièrement trois lettres au peupleitalien. Ceslettres, qui ont paru d'abord dans les journaux de Milan et qui ontété ensuite réunies en brochure sontunvéritable manifeste contre notre nation. Vous avezquittévos études historiques pour attaquer la France ; je quittelesmiennes pour vous répondre..."

Descriptionde la colonnede la Grande Armée, élevéeà la gloire desArmées Françaises, l'an 1810, par les ordres deSaMajesté Impériale et Royale NapoléonLe Grand.Terminée par la description de la Statue pédestredugénéral Dessaix, élevée surla Place desVictoires(Paris, ca1810) : "La Colonne de la GrandeArmée est faite à l'imitation de la colonneTrajane. Ellea 133 pieds de hauteur, y compris son piédestal et la statuedel'Empereur dont elle est couronnée..."

Explicationsoffertes auxhommes impartiaux au sujet de la commission militaireinstituéeen l'an XII pour juger le duc d'Enghienpar le Comte PierreAugustin Hulin(1823) : "La malheureuse affaire du DUCD'ENGHIEN m'a déjà causéprès de vingt ansde profonds regrets !Vieux aujourd'hui, frappé de cécité,retirédu monde, n'ayant pour consolation que les soins de la famille quim'entoure, mes douleurs se sont accrues lorsque j'ai vu rappeler avecéclat des scènes qui, sans doute, n'avaient pus'effacerde tous les souvenirs, mais qui du moins n'étaient l'objetd'aucune discussion publique..."

Décretde laConvention Nationale du 23 février 1793 qui autorise lescommunes à convertir leur cloches en canon.

Décretde laConvention Nationale du 4.e jour de Ventôse, an second de larépublique française, une et indivisible, Relatifau Modede paiement des Inftituteurs des petites Ecoles, & àl'organifation des Ecoles primaires.

Élogeburlesque dela seringue, son origine, son histoire, ses transformations avec unprojet nouveau pour la perfectionner(Nancy, 1757) : "Si celuiqui le premier donna des noms aux choses, et leur assigna desqualités, avoit attaché l'importance, la noblesseet laconsidération à ce qui est utile ; je n'auroispointà venger aujourd'hui un instrument merveilleux del'ignorance denos jugements et de l'injustice de nos mépris, qui l'ontfaitreléguer honteusement dans l'obscurité de nosgarde-robes, parmi tous ces meubles ignobles que labienséanceordonne de cacher, et que la délicatesse défenddenommer..."

LaDescouverture du styleimpudique des courtisannes de Normandie à celles de Paris,envoyée pour estrennes de l'invention d'une courtisanneangloise(Paris, chez Nic. Alexandre, 1618) : "Amy lecteur, l'une des copies dece difcours m'eftant tombée entre les mains, j'ayeftiméque je ferois très ingrat fi je ne le faifois voir au jour,pourfervir d'avertiffement à ceux qui font tellement abandonnezà leurs appetits charnels, & quy le plus fouvent felaiffentaller aux charmes & feintifes de ces bêtesenvenimées,quy ne s'eftudient, comme il paroift par ces falles &impudiquesdifcours, que pour attraper ceux quy par trop aiment leurs falles&deshonnetes plaifirs, & quy le plus fouvent, par le moyen decescanailles, perdent le corps & l'ame..."

Leçonsde moralepratique, à l'usage des classes industriellespar Abel Dufresne(Paris, 1826) : "Etre bon pourêtre heureux,voilàtoute la morale, disait un père à son fils. -Mais monpère, si c'est là toute la morale, pourquoi fairede groslivres et de longs discours ?..."

L'Artde donner des soinsaux nouveau-nésédité par Académied'hygiène contre les maladies du premier âge et lamortalité des nourrissons,(Paris, 1883) : "Depuis que laPréfecture de la Seine a organisé un bureau destatistique médicale, chaque semaine, les journaux de toutesnuances ne manquent pas de signaler la mortalité effrayantedansnotre capitale. Le chiffre n'est pas sans varier entre 1,000 et1,300..."

Sermonprononcé parle Révérend Père Esprit de Tinchebray,capucin...Dans l'Eglise des Dames Religieuses de Haute Bruyère, le 22Juillet 1694.-[sl, ca 1820] : "Tant et tant de fois vous m'avezdemandé, c'est-à-dire, suppliéillustres Amazones,que je vinsse dans votre benin Couvent, flanqué de bastionsetguérité de toutes parts, comme une Citadelleinexpugnablepour alimenter vos ames virginales du pain doucereux de la paroleangélique ; qu'enfin ruminant à part moi lavalidité de votre Requête, comme un Avocatrébarbaratif que les Clients persécutent, jesuisvenu, j'ai vu, j'ai vaincu..."

Etrennesàmessieurs les riboteurs; les supplémensauxecosseuses, ou Margot-la-mal-peignée en belle humeur, et sesqualités.-[Caen :Chalopin], 1801 : "J'profitions du biau etnouveau temps pour avouir l'honneur de vous flanquier par la philosomieun plat de not' mequier, qui n'est pas chien, et dont j'nous flattonsque vot' çarvelle, qui est subtile comme une botted'allumettes,sera satisfaite : ce sont les spiritueux rebus de mamselleMargot lamal-peignée, reine dela halle, qui demeure aurez-de-chaussée d'un septième étage,à unemaison qui n'a ni devant ni darrière..."


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