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R..., V. de. : Bulletin des modes et de l'industrie.-La Mode, revue politique et littéraire, 20eme année, 25janvier 1849. Saisie du texte : S. Pestel pour la collectionélectronique de la Médiathèque AndréMalraux de Lisieux (15.VI.2004) Texte relu par : A. Guézou Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216,14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Mél : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros]obogros@ville-lisieux.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Orthographe et graphie conservées. Texte établi sur l'exemplaire de laMédiathèque André Malraux (BmLx : nc). Bulletin des modes et de l'industrie 25 janvier 1849 V. de R.... ~*~Enfin, nous avons vu lesItaliens d’autrefois, les Italiens avec dejolies femmes, d’élégantes toilettes, avec ce parfumd’aristocratie qui double la grâce et la beauté. Rienn’est plus splendide, comme coup d’oeil, que la coquette salle desItaliens, avec ses mille bougies diaphanes, reversant leurs jets delumière sur de blanches épaules et sur des parures debrillants rubis ; rien n’est plus frais que tous ces gros bouquets defleurs naturelles posés avec art sur l’appui des loges, etformant, dans un ensemble charmant, comme une corbeille decamélias et de roses. Aux premières loges surtout, lestoilettes étaient ravissantes. Beaucoup de robes de crêpeà double jupe, de robes en tulle et en gaze à flotsvaporeux et nuageux ; de robes de satin de nuance douce et tendre, avecdes volants de dentelle et de blonde. Madame la princesse de P… avaitune robe vert-Chambord semée de petits lys brodés enargent. Cette robe était d’une magnificence royale. Le corsage,très décolleté, s’ouvrait par devant en reversgarnis d’une double dentelle d’argent, sur une pièce de moired’argent. La jupe suivait cette même disposition ets’arrondissait avec grâce. La coiffure consistait en un toquetvert-Chambord, en velours plein, à petit fond rond, autourduquel s’enroulaient deux torsades en argent. D’un côtéscintillait un bouquet de fleurs en brillants, et de l’autreretombaient en cascades deux plumes d’autruche blanches. Une jolieétrangère, lady M…, avait une robe de velours noir avecdes manches à la Marie-Stuart, c’est-à-dire ouvertes encrevés doublés de satin blanc, et maintenus avec destorsades d’or. Sa coiffure à la Marie-Stuart consistait en unepointe de velours noir avançant excessivement sur le front ets’écartant des tempes, encadrée de perles fines et detorsades en or. La coiffure de la princesse de P… et celle de la blondelady, venaient de chez Drouat etMarx, boulevard des Italiens, 35.Elles avaient ce cachet exquis de bon goût que lescélèbres modistes apportent à toutes leurscréations, et la saison des Italiens sera une ample moisson decoquetteries charmantes pour Mesdames Drouat et Marx. On remarquait encore un turban caïd, porté par une femmetrès brune et au galbe un peu oriental. Ce turban, d’une formetoute petite, se composait d’une gaze d’argent avec une draperied’argent peu longue, tournant sur le côté et se terminantpar une frange mauresque. Les jeunes femmes qui aiment lasimplicité en même temps que l’élégance,avaient de petites coiffures en velours épinglé bleu-cielet rose ornées tout autour d’une blonde neige… Enfin descoiffures en fleurs se voyaient en profusion, car les fleurs ont unepoésie toute idéale, et rien ne sied mieux qu’unecouronne de roses du roi, avec des grappes d’ailes de mouches, ayantles reflets des pierres fines les plus variées, ou bien desgrappes de réséda des Cévennes,mêlées avec des roses blanches uniques. La guirlande defeuilles naturelles de camélias, avec des grappes de brillants,est la coiffure la plus aristocratique que nous sachions. La belle duchesse de L… avait aux Italiens une semblable guirlande,avec trois jupes de tulle blanc sur un dessous de satin blanc. Lecorsage avait des draperies retenues sur la poitrine avec un bouquet defeuilles de camélias et de diamants. La réouverture desItaliens a donc été brillante et pompeuse. Madame Alboni,MM. Lablache et Ronconi ont obtenu des applaudissements consciencieuxet mérités. Mais nous laissons à une plume plusexpérimentée que la nôtre le soin de décrirecette solennité musicale, voulant nous renfermer dans le petitmonde que nous crée la Mode…, c’est-à-dire dans unroyaume de dentelles et de fleurs… Un royaume pour la Mode !… Envérité, elle est mieux partagée que LouisBonaparte, qui n’a jusqu’ici qu’une présidence !... Il est vraique la mode a des ministres qui ne la contredisent jamais, qui suiventrigoureusement ses décrets, et qui n’oseraient pas enfreindreune de ses lois…, sans craindre le ridicule… Un homme de beaucoupd’esprit a dit que le ridicule tuait en France… Que de morts illustresdepuis février, si l’on avait enregistré tous lesdécès !... D’ailleurs, comment la mode n’aurait-elle pas un royaume ?...Voilà d’abord Fichel,2, boulevard Montmartre,Fichel qui luiapporte des cachemires splendides, comme on n’en trouve même pasdans l’Inde, des cachemires souples, comme le fil blanc et soyeux quivoltige dans l’air par une belle journée d’automne ; descachemires aux tons purs et chaleureux, aux nuances variées,s’harmonisant dans une teinte douce et délicate ; des cachemiressi beaux que toutes les femmes en achètent, et que pas unegrande dame ne possède au moins trois ou quatre cachemires deFichel. C’est donc une royauté incontestable et bienétablie que celle des cachemires. Puis viennent les mouchoirs de la Sublime-Porte,7, rue de la Paix,et ces mouchoirs aériens et diaphanes, à la broderiemerveilleuse, composent encore un des fleurons de la couronne royaleque la Mode pose sur sa tête toujours jeune et charmante. Si vousaimez la richesse orientale, les mosquées parfumées,voici le mouchoir Haydée, brodé de coton nacrémêlé de fil d’or. Si vous aimez les fleurs, et qui n’aimepas les fleurs ? voici le mouchoirsouvenir, brodé de lys etde roses. Puis, si vous voulez de ces petites fleurettes cueillies dansles champs, de ces campanules qu’un rayon de soleil fait éclore,vous aurez le mouchoir bergeronnette, coquet et léger comme cesbelles demoiselles aux ailes diaprées qui effleurent l’azur del’eau, en s’y mirant, les vaniteuses ! Enfin MM Chapron et Dubois ontune spécialité pour les mouchoirs de luxe,spécialité qui s’allie cependant avec le mouchoir simpleet uni, car ils savent en hommes intelligents quel’égalité n’est qu’une utopie républicaine, etqu’il faut des mouchoirs à la portée de toutes lesbourses et de toutes les classes de la société. Madame Dumoulin, 44, rue Basse-du-Rempart,n’apporte-t-elle pasencore à la Mode ses corsets sans goussets, pour lesquels elle aobtenu deux médailles d’or lors de la dernière expositionde l’industrie. Il faut que les corsets sans goussets soient deschefs-d’oeuvre de perfection et de coupe pour avoir obtenu unerécompense aussi honorable. Mais madame Dumoulinn’était-elle pas statuaire ? et sans doute qu’elle aapporté à ses corsets merveilleux cette étudeprofonde de la forme, qui devait éclore en statuettes gracieusessous son ciseau créateur. Les corsets sans goussets ont unegrâce adorable, et les dames russes et anglaises les ontaccueillis avec empressement, parce qu’ils donnent à la taillecette désinvolture coquette qui distingue la Parisienne et laproclame la reine de l’élégance. Quant à Deudon-Palmer,92, rue de Richelieu, sontributà la Mode consiste en des parfums, mais des parfums si vrais etsi odorants, qu’on dirait la senteur de la fleur naturelle. Son extraitde violette a une suavité si exquise, qu’une seule goutterépandue sur le mouchoir et dans un boudoir embaume l’air commele fait la simple fleurette, quand avril nous ramène leprintemps. Mais le véritable triomphe de Deudon-Palmer, c’est sacréation du laurier-camphrier rose, pour remplacer l’eau deCologne dans le monde aristocratique. L’extrait de laurier-camphrier ades qualités essentiellement sanitaires. Il rafraîchit leteint, le colore délicatement, et, tout en préservant levisage des rides, il efface celles que les chagrins et les maladies ontpu imprimer sur de jeunes fronts mélancoliques. La chaussure est encore un de ces puissants auxiliaires dont la mode sesert pour faire valoir sa supériorité, et le talent de Dufossée, 22, rue de la Paix, lui vientmerveilleusement enaide. La saison des plaisirs amène chez l’habile cordonnier toutce que Paris contient de jeunes femmes. Avoir un joli petit pied estune préoccupation plus sérieuse qu’on ne le pense ; carun pied mignon et élégamment cambré est un signeincontestable de noblesse et de race. Aussi la princesse de P… a unpied d’enfant, un pied qui tiendrait dans la main, et dont unemandarine serait jalouse. Pour la princesse de P…, Dufossée faitdes souliers de satin blanc, à bouffettes Fontanges ; et pourgarantir ces coquets petits souliers, des mousquetaires en velours,garnis de pluche rose, posée en revers. Puis, pour la ville, cesont des souliers à la duchesse, souliers soit en cuir verni, enpeau anglaise, ou en satin, qui ont une coupe toute spéciale, etdont le secret appartient à Dufossée, ou bien desdemi-bottes en velours, garnies d’une haute dentelle de Chantilly. Les bas de Paris sont le complément indispensable de ceschaussures charmantes, et ce sont les bas splendides et riches qui ontamené la mode à diminuer la longueur des jupes pourlaisser entrevoir une jambe bien prise et un petit pied agaçant. Nos aïeules savaient tout ce qu’il y a de grâce et decoquetterie en découvrant innocemment les bas aériens ettransparents ; car à travers les réseaux à jour,des mailles de dentelles on voyait… honni soit qui mal y pense ! desveines délicates et bleuâtres, courirdélicieusement sur le satin nacré d’un pied blanc etrose. Mais c’est surtout pour les travestissements que les bas de Parisvont avoir une immense vogue, et dans tous les salons du faubourgSaint-Germain, où les plus beaux bals costumés sedonneront, les bas de nos manufactures françaises brilleront aupremier rang. Quand se promènera gravement une élégante duchesseà la coiffure poudrée, aux cheveux droits,crépés en neige, avec le chignon de rigueur, et le pouffPompadour, en rubans et en roses, mignardement posé sur lecôté de la tête ; quand vous verrez sa robe en damasgothique rose et argent, excessivement busquée, afin de mieuxfaire ressortir les paniers, garnissant les hanches, et s’ouvrant surune fausse jupe de satin blanc, garnie de deux étages dedentelles et de rubans, regardez bien vite la jambe charmante de lajolie femme, car sa robe sera écourtée, comme une robeà la Pompadour. Alors vous reconnaîtrez les bas de Paris,imitant le point d’Alençon à s’y méprendre, etbrodés d’étoiles d’argent. Puis, si une pimpante camargovient à passer, regardez ses bas de coton uni, brodés desoie, assortie à son caraco et à son cotillon depékin, enfin nos bas français se reconnaîtrontentre tous, à leur finesse, leur beauté et leur richesse,et les étrangères les apprécieront depréférence aux bas anglais, car elles ont engénéral le sentiment de la perfection et del’élégance. Une nouveauté que tout le grand monde accueille, ce sont lesbreloquets de Bollotte, rue Vivienne,33… Mais qu’est-ce qu’unbreloquet ?... Nos aïeux en portaient, nos aïeules enraffolaient !... Cependant, les breloquets de Bollotte ne ressemblenten rien à ce qui s’est fait jusqu’ici… Figurez-vous un ruban enor mat et plein, un ruban d’or : rien n’est plus simple. Ce ruban estplié en deux, et à l’endroit où il se tourne, il ya un noeud en or, ou bien deux anneaux en or qui s’entrelacent. Al’extrémité d’un des rubans, pend une petite montre,véritable chef-d’oeuvre de Bollotte ; de l’autrecôté, il y a la clé de la montre, le cachet et unecassolette. Ce breloquet se place dans la ceinture de la robe au moyend’une agrafe en or, cachée, soit par un noeud, par des anneaux,ou par une fleur d’or. Il y en a de fort élégant comme detrès-simples, mais tous ont ce cachet de bon goût quidistingue les créations de Bollotte. Il en est de même d’Audot,91, rue de Richelieu. Sonorféverie conserve toujours ce style grandiose, quirévèle le véritable artiste. D’ailleurs, saclientèle ne se compose que de gens riches etappréciateurs du beau, et tous les services d’argenterie qu’ilexécute passeront de génération engénération, comme legs d’une valeur réelle. Ce quifait que le nom d’Audot s’étend jusqu’en Russie, c’est qu’ils’inspire des formes et des modèles des plus beauxchefs-d’oeuvrede l’antiquité, et qu’en y ajoutant ce que son imaginationpoétique peut rêver de plus coquet et de plus charmant, ilarrive à produire et à enfanter des objets d’art et deprix. En fait d’objets d’art et de prix, le nom de Lefaucheux, 10, rue de laBourse, arrive à point sous notre plume. Grâceàson habileté et au perfectionnement qu’il a apporté dansles armes à feu, Lefaucheux est devenu non-seulement l’armurierde la fashion, mais encore celui des grands seigneurs. Un de nos amisnous écrit de Constantinople qu’il vient d’admirer chez le GrandSultan un envoi que vient de lui faire notre célèbrearmurier. Cet envoi consistait en des pistolets de voyage à six coups,avec une seule détente, et un pistolet de salon, d’une richessevraiment orientale, à fleurs d’or et à incrustation depierres fines, nous fait un devoir de le citer, car peu d’industrielset d’artistes ont osé affranchir leur génie de la torpeurrépublicaine, qui règne depuis février, etLefaucheux a toujours travaillé, entrevoyant sans doute dansl’avenir un horizon meilleur qui, bientôt, viendraéclairer le monde. C’est cette même espérance qui a inspiré Gouache,cité Vindé, 13, boulevardde la Madeleine, en luidonnant l’idée de faire des bonbons ayant la pureté et laforme élégante de lys. Ce qui s’achète de cesbonbons ne peut se dire… D’abord ils sont exquis… et puis ils sontl’emblème de tout ce qui est beau, grand et noble. Les pralines Chambord et les pastilles Dieudonné ont aussi lamême vogue ; on les retrouve dans tous les boudoirs du faubourgSaint-Germain, abritées dans de belles coupes de malachite oud’agate… Il faut espérer que MM. les rouges n’iront pass’attrouper devant le magasin de Gouache, comme devant celui de Jeanne,au passage Choiseul, et qu’ils ne voudront pas faire les ogres pourtout de bon. Le monde élégant est décidément revenu. Lesréceptions, les soirées et les grands dînersd’étiquette commencent à réunir tout ce que Pariscontient d’aristocratie. Aussi les vins fins et exquis de B. Le Leu,92, rue de Richelieu,coulent-ils en flots de rubis dans les verres deBohême et de Baccarat. Chaque vin rappelle un souvenir.Tantôt c’est le bordeaux qui, réchauffant doucement lecoeur, porte l’imagination vers la terre d’exil. Tantôt c’est lechampagne gai et pétillant, qui fait jaillir l’esprit ensaillies et en étincelles ; tantôt c’est le vin du Rhin,qui rappelle de nobles conquêtes. Mais ce qui fait surtout que B.Leleu a une riche clientèle, c’est que nulle part on ne trouvela loyauté consciencieuse réunie, comme chez lui,à la saveur délicate des vins et des liqueurs. Nos grandes dames, au retour de la campagne, ont toutes adoptépour la ville la robe de drap. Les nuances les plus charmantes et lesplus coquettes ont fait de ces robes des toilettes exceptionnelles,qu’une femme jeune et élégante peut seule se permettre deporter. Il fallait bien que l’aristocratie eût quelque chose quila distinguât de ces Corinnes républicaines, telles quemesdames Niboyet et compagnie, qui avaient choisi pour Capitole la cavedu bazar Bonne-Nouvelle, et qui y prêchaient l’abolition du bongoût, et de cette modestie gracieuse qui est le plus bel apanagede la femme. Cette heureuse création est due au talent de Schwébisch, l’habiletailleur de la rue Vivienne, 23,qui asu donner aux robes une coupe tellement remarquable que ces robes, enrappelant celles que portait la belle duchesse de Chevreuse sous HenriIII, ont pris le nom de robes à a Chevreuse. Becker jeune, 4, rue Neuve-Saint-Augustin, aégalementapporté tous ses soins pour raviver le luxe dans les modesmasculines. Il a dans ses ateliers les plus riches dispositions, enfait de nouveautés, pour les grandes soieries qui sepréparent. Son habit de caprice et de fantaisie fait fureur dansles réunions d’étiquette du faubourg Saint-Germain, etnos véritables gentilshommes ne manqueront pas d’aller se fairehabiller chez cet habile tailleur, quand ils sauront que la courd’Espagne a choisi Becker pour tailleur de prédilection. De même que Becker, Darnet exerce dans la haute fashion un empireabsolu. A la grande réception du savant ministre M. de Falloux,les jeunes hommes les plus aristocratiques, qui oublient un peu lapolitique et la diplomatie pour s’occuper de la mode, et songerà plaire, vantaient la merveilleuse distinction des chemises deDarnet, et le cachet élégant qu’il donnait àtoutes ses créations. – Sa réputation, disait l’un deux,s’est étendue jusqu’au Brésil, et la cour lui faitsouvent de somptueuses commandes. – Quand vous irez chez Darnet, ajoutale comte de J…, souvenez-vous que son numéro est changé,et qu’à la place du 93 il a le 83… La rue Richelieu est enpleine réforme. Et Leroy ?… Il demeuretoujours rue Richelieu, au 112 : c’est lebottier par excellence, et il fait les souliers de soirée avecune perfection si gracieuse, que le pied se trouve maintenu comme unebotte. Quant à Luet, 8, passage des Petites Écuries,saréputation devient grandiose, et ses fauteuils à renversmobiles sont désormais les amis consolateurs de toutes lesjeunes femmes malades et délicates. Ils se prêtent sidélicieusement à toutes leurs volontés et àtous leurs caprices, en suivant tous les mouvements de leur corps,qu’elles s’y étendent toujours quand la souffrance vientassombrir leur front pur et charmant. Et puis, ces fauteuils sontcoquets, et si une femme s’y trouve enfouie et cachée, elle apour auréole une couronne de fleurs en ébène et enpalissandre, qui semble ressortir du fauteuil ; tout le bois estsculpté et ciselé avec légèreté etbon goût. Si, dans nos bulletins de modes, nous abandonnons parfois les fleurs etles dentelles, pour nous occuper d’objets d’art, c’est que nous pensonsque l’industrie est la base principale de la mode et de la fantaisie.Un meuble subit, comme une coiffure, l’influence de lanouveauté, et telle forme qui était recherchée ily a dix ans, ne l’est plus aujourd’hui. C’est cette raison qui nousengage à recommander spécialement à nos amis lamaison Krieger et Compe,84, faubourg Saint-Antoine.Là, ilstrouveront à leur choix de ces magnifiques ameublements commeKrieger seul sait en établir, et le tout marqué enchiffres connus, ce qui indique immédiatement que cette maison aune suprématie de loyauté sur toutes les autres de cegenre. Dans les vastes galeries de Krieger, tout ce qui peut flatter legoût par la forme, le mécanisme, le fini des incrustationset de la sculpture, se trouve réuni. Pour ne citer qu’un objet,qui vienne à l’appui de ce que nous avançons ici, nousparlerons d’un meuble complet de salon et chambre à coucher,destiné à une princesse royale ; ces deux ameublementssont au-dessus de toute comparaison avec ce qui a étéfait jusqu’à ce jour. Le génie imprime toujours un cachet remarquable à cequ’il touche. C’est ce qui fait que M. Dupont, lecélèbre fabricant de lits de fer, 3 et 5, rueNeuve-Saint-Augustin, a des lits réellement princiers,bienqu’ils soient tout simplement en fer. Mais le fer n’est, pour ainsidire, plus du fer : il s’anime, il prend une autre forme, il se colore,il se fait Protée. Ce magnifique modèle renaissanceest-il vraiment en fer ? se demande-t-on quand on visitera les vastesmagasins de M. Dupont. Ces coquets petits oiseaux, qui semblentgazouiller et se perdre dans les fleurs de la galerie et des flasquesdu lit, ne peuvent pas être en fer, car ils sont troplégers et leurs ailes trop diaphanes ! Et ce modèlesculpture Louis XVI, avec ornementation de fleurs en guirlandes, nedirait-on pas qu’on vient de les cueillir à Trianon pour enparfumer la couche royale ? L’esprit s’étonne de tant demerveilles, car M. Dupont, en artiste, ravive toutes lesépoques, tous les siècles. Son modèle, stylegothique à jour, rappelle ces dentelles aériennes quigrimpent et festonnent sur cette belle Notre-Dame antique, le plus beaumorceau d’architecture que nous possédions. Quant à sonlit jeune-fille, c’est un enroulement de feuilles, supportant unecorbeille de fleurs. V. de R.... |