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DUBOSC, Georges (1854-1927) :  Le Journal de Rouen et ses transformationsde 1829 à 1870 (1925).
Saisie du texte : O. Bogros pour la collection électroniquede la Médiathèque André Malraux de Lisieux (6.IX.2016)
[Ce texte n'ayant pas fait l'objet d'uneseconde lecture contient immanquablement des fautes non corrigées].
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Orthographe etgraphie conservées.
Première parution dans le Journal de Rouen du dimanche 1ermars1925.Texte établi sur l'exemplaire de la médiathèque (Bm Lx : norm 959-VIII).


Par ci, par là

LE « JOURNAL DE ROUEN »
ET SES TRANSFORMATIONS

II

DE 1829 A 1870

par
Georges DUBOSC
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Dèsleur prise de possession, les deux nouveaux associés M. D. Brière, quiappartenait à la famille Brière de L'Isle à laquelle se rattacha de nosjours le général Brière de L'Isle qui fut un des conquérants du Sénégalet du Tonkin et M. F. Baudry, qui avait transféré son imprimerie ruedes Carmes, n° 20, dans 'l'immeuble de la Cour des Comptes, modifièrententièrement les traditions de l'ancien Journal de Rouen.Dévoué au culte de la liberté, M. D. Brière était l'ennemi de toutesles tyrannies d'où qu'elles vinssent et réclamait hardiment la libertépolitique, la liberté religieuse et même la liberté économique, qui, enson journal, trouveraient, disait-il, un énergique défenseur. Ildéclarait, en outre, que l'esprit de la France constitutionnelle seraitle sien et que « s'il fallait livrer, des combats pour en assurer letriomphe, on ne verrait pas le Journal de Rouen spectateur oisif de cette lutte ». L'événement devait le prouver.

A la tête de la rédaction du Journal de Rouen renouvelé, M. D. Brièreappela un avocat du barreau parisien, M. Théodore-Auguste Visinet, néen 1797, qui, en 1815, s'était engagé parmi les défenseurs de Parisassiégé. Caractère viril, nature ardente, préparé aux luttespolitiques, il s'était passionné également pour les questionséconomiques qui s'imposaient alors. Grâce à lui, la campagne entreprisecontre le gouvernement de la Restauration s'accentua et ne tarda pointà devenir très vive. Un premier procès intenté au Journal de Rouen en novembre 1829, fut la conséquence de la nouvelle attitude du grand organe libéral, mais il se termina par un acquittement.

La réaction, avec le ministère Polignac, prit une forme encore plusvive, soulevant l'opinion publique, en tentant de supprimer la libertéde la presse. Le Journal de Rouense sentit dès lors désigné et son rôle devait devenir mémorable. Lorsdes journées de juillet 1830, le préfet de Murat ayant voulu interdiresa publication, plusieurs commissaires de police se présentèrent pourforcer les portes de l'immeuble de la rue Saint-Lô, n° 7, où le journalvenait de s'installer. Théodore Visinet, rédacteur en chef, protestaénergiquement au nom de la légalité et interdit l'entrée de ses bureauxaux agents chargés d'exécuter les ordonnances. Un véritable siège futalors organisé contre l'imprimerie, pendant que le serrurier requisrefusait de briser la grille. La force armée, des gendarmes à pied et àcheval attendaient l'ordre de pénétrer. De tous côtés, dans la rueSaint-Lô, des barricades s'improvisaient pour défendre l'accès dujournal. Pendant ce temps, les employés de la maison, stimulés parleurs chefs, composaient et imprimaient à la hâte des éditionssupplémentaires, malgré les gendarmes qui assiégeaient les presses. Cespages brûlantes, signalaient au public, les nouvelles de Paris enrévolution. En effet, le 30 juillet 1830, M. Mainot, conducteur de ladiligence Laffite et Caillard, annonce le triomphe des « idéeslibérales ». Immédiatement, il paraissait au balcon de l'Hôtel deVille, accompagné de Visinet, qui apprenait au public la prise desTuileries par la garde nationale. Acclamé par la foule, le rédacteur enchef du Journal de Rouenétait alors reconduit par les rues de la Seille, Beauvoisine, desCarmes, etc. escorté par un bataillon de garde nationale, colonel entête et tambours battants.

Pendant la sanglante émeute qui suivit la chute des Bourbons, le Journal de Rouenprovoqua l'envoi de volontaires rouennais chargés de secourir lapopulation parisienne. Donnant l'exemple, le directeur et lesrédacteurs partirent pour Paris, d'où Théodore Visinet revenait avec undrapeau tricolore qui fut hissé au faite de l'Hôtel de Ville, enprésence de M. Henry Barbet. L'attitude vaillante du Journal de Rouen pendant ces événements établit la réputation de la feuille libérale et valut à M. D. Brière la décoration de Juillet.

Sous le gouvernement de Louis-Philippe, il eut cependant à lutterencore bien souvent pour le triomphe des idées nouvelles qui, malgréles promesses, tardaient longtemps à être réalisées. Pendant plusieursannées encore, elles trouvèrent un ardent défenseur dans le fougueuxrédacteur en chef, Théodore Visinet, mais, en 1834, amené à créer et àfonder à Rouen la première société d'éclairage par le gaz et à dirigerla « Compagnie des Emmurées », il ne put plus fournir qu'unecollaboration intermittente. M. Théodore Visinet était le père del'excellent Mme Dupré-Visinet, aujourd'hui âgée de 86 ans, et dont toutle monde admire la verte vieillesse, la bonté et l'intelligence, legrand-père de Mme Joseph Lafond et l'arrière-grand-père des directeursactuels, MM. Jean et André Lafond. M. Théodore Visinet fut alorsremplacé par un nouveau venu, M. Cazavan, polémiste redoutable,écrivain habile, s'assimilant avec facilité les questions d'actualitéet d'économie politique, qu'il traitait dans ce qu'on appelleaujourd'hui le leader et qu'on appelait alors « l'article de fond », ou le « premier Rouen ». Plus tard, Cazavan a dirigé les importants Chantiers de la Méditerranée, au Havre, où il avait acquis une grande autorité.

En même temps que Cazavan était placé à la direction du Journal de Rouen,un écrivain, qui eut son heure de célébrité, Edouard-AlbertDegouve-Denuncques, prenait la plume du correspondant. Il était, àcette époque, fort jeune, étant né à Douai en 1810. Fils d'un magistrataux idées très libérales, qui fut député sous la Restauration, puisconseiller à la Cour de Paris en 1833, il commençait alors une longuecarrière, où il devait faire apprécier, dans ses Lettres de Paris,une vigueur et un savoir très brillants : « Il se montra, dit RaoulAubé, lutteur infatigable, toujours sur la brèche, payant souvent de saliberté, les ardeurs de sa plume ». L'avènement au pouvoir des hommesde la « Réforme », devait l'appeler, en 1848, aux fonctions publiques.Il fut successivement préfet du Pas-de-Calais en 1848, puis, en 1849,préfet des Deux-Sèvres, mais, à l'avènement du Prince-PrésidentNapoléon, il fut révoqué. Il reprit alors sa plume de journaliste et sasignature reparut souvent au bas de la Lettre de Paris, ainsi que dans Le Temps,où il collabora parfois. Il avait trouvé, au commencement de laTroisième République, une occupation industrielle dans la directiond'une des houillères du Nord. A un moment, quelque temps avant sa mort,il avait adressé au Sénat un projet de ré formes à apporter à laConstitution républicaine, projet qui fut repoussé.

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Pendant toute la période du règne de Louis-Philipe, se placent de viveset ardentes polémiques concernant les questions d'économie politique,les élections ou les administrations locales, où bataillèrentsuccessivement, le Neustrien de 1826 à 1830 ; La Gazette de Normandie, journal légitimiste et très aristocratique, que dirigeait le jeune vicomte Walsh ; L'Echo de Rouen,orléaniste, dirigé par H. Pia où écrivaient G. Olivier, Champein, H.Rivière, Victor Herbin, Edmond Texier, un littérateur de verve et detalent et surtout Louis Veuillot, tout jeune, à peine âgé de 17 ans,qui soutint des polémiques retentissantes à propos de politique et dethéâtre. N'a-t-on point dit qu'à la suite d'un charivari à la porte deM. Henry Barbet, maire de Rouen, il s'était battu en duel ? A l'Echo de Rouen succéda ensuite Le Mémorial de Rouenque dirigea un excellent journaliste Henri Rivoire, de 1843 à 1852, quiavait installé son imprimerie dans le vieil immeuble de la rueSaint-Etienne-des-Tonneliers. Henri Rivoire, avocat d'origine lyonnaiseet qui avait débuté dans la presse, sous les auspices du député Sauzet,alors président de la Chambre des députés, eut au cours de sa carrière,plusieurs rencontres avec Degouve-Denuncques et Visinet, si on s'enrapporte aux Mémoires de Gustave Claudin, qui fut un de ses plus spirituels rédacteurs. En 1852, Le Mémorial se fondit dans le Nouvelliste de Rouen, qui fut lui aussi l'adversaire courtois du Journal de Rouenjusqu'au mois d'octobre 1908. Là, sous la direction de Charles-FrançoisLapierre, qui était un maitre journaliste, passèrent successivementVergniaud, le petit-fils du conventionnel qui assurait lacorrespondance politique; Ernest Boysse, Gustave Grandin, FélixRibeyre, Gustave Audemard, Eugène Souchières, Oscar Havard, AmédéeFraigneau, Eugène Brieux, aujourd'hui de l'Académie française.

Autour des deux noms principaux du Journal de Rouen,Visinet et Cazavan, s'était groupée aussi toute une rédaction de grandevaleur. Nous citerons : MM. Vidal, Daoust, Roger, qui dans lespremières années de la direction D. Brière, signa souvent comme gérant; Gustave Ratiez, avocat et historien, qui avait alors une trentained'années et qui, depuis, fut rédacteur en chef du Courrier de Lyon. Il a écrit quelques ouvrages qui ont longtemps fait autorité, une Histoire de la Restauration en 1853, à laquelle fit suite une excellente Histoire du règne de Louis-Philippe, en 3 volumes, parus en 1858, et enfin une Histoire du Palais-de-Justice et du Parlement de Paris en 1860. L'un des jeunes rédacteurs occasionnels de ce temps fut Charles Beuzeville, fils d'un simple potier d'étainde la rue du Bac, poète et littérateur à ses heures, qui débuta, en1840, par de modestes comptes-rendus de théâtre. Il publia plus tardquelques pièces de théâtre en vers : Un quart d'heure de veuvage, en 1842 ; La famille Rifaine en 1843, et un Spartacus, tragédie en cinq actes. Ses poésies furent recueillies dans un volume. Les Fleurs du chemin, parues en, 1850.

Dans la lutte constante entreprise contre la monarchie de juillet,souvent les polémiques engagées se dénouèrent sur le terrain ou devantles tribunaux. Les condamnations, l'amende, la prison ne manquèrentpoint non plus aux écrivains du Journal de Rouen,malgré les chaleureuses plaidoiries de Sénard, qui fut président del'Assemblée nationale, et de Daviel, un des maîtres du barreau. Lesluttes politiques n'avaient point fait dédaigner toutefois au directeurD. Brière des collaborations artistiques de haute valeur. C'est ainsique le célèbre critique d'art Charles Blanc l'auteur de l'Histoire générale des peintres et de la Grammaire des Arts du dessin, rédigea, au Journal de Rouen, le Salon de 1840, avant d'aller diriger le Journal de l’Eure,appelé par Dupont de l'Eure et Garnier-Pagès. Son successeur commecritique d'art fut l'archéologue et diplomate français Louis Bâtissier,l'auteur de l'Archéologie nationale et de l'Histoire de l'Art monumental,qui rédigea à son tour le Salon de 1841 et publia aussi une suited'études sur Géricault, réunies ensuite en volume. A cette époque, peuà peu, les services alors réduits du Journal de Rouens'étaient installés dans l'immeuble de la rue Saint-Lô, qui avait étérestauré. Les décorations sculpturales du bâtiment nord, dans la courintérieure, disposées comme des « vignettes » d'imprimerie et formantcorniche, datent de cette époque. La première machine à imprimer,installée sons le local de la rédaction, était actionnée par desmécaniques à bras que tournaient de pauvres ouvriers aveugles ; plustard, la presse fut installé au rez-de-chaussée, dans un local devenule cabinet des directeurs. Les bureaux étaient divisés en petits locauxséparés les uns des autres qui n'ont été modifiés que de nos jours.

Après la Révolution de 1848 trois des rédacteurs du Journal de Rouenfurent mis à la tête d'importantes fonctions publiques :Degouve-Denuncquee, comme nous l'avons dit, fut nommé préfet à Arras.Visinet, à Alençon, par Cavaignac, et Cazavan à Toulouse. M. D. Brière,aurait pu également obtenir un poste important, car on lui offrait ladirection de l'Imprimerie nationale.Il préféra demeurer à Rouen, pour administrer seul son entreprise; sonassocié F. Baudry ayant résigné la gérance dès 1835. En 1848,également, l'actif directeur du Journal de Rouenavait été frappé dans ses affections intimes. Son fils aîné. JulesBrière, quoique souffrant, voulut se joindre aux volontaires quiallaient à Paris, défendre le gouvernement de la République, pendantles émeutes de juin 1848. Malade, il succombait bientôt, laissant lesouvenir d'un jeune homme d'avenir trop tôt terrassé ; un autre fils etune fille devaient également succomber, jeune encore, ne laissant detoute cette famille que Mme. D. Brière, née Perrinon, d'origine créole,très bonne et très charitable, et son troisième fils, M. Léon Brière.

Quelques mois après, la Seconde République succombait. Lesadministrations républicaines disparaissaient et les anciens rédacteursdu Journal de Rouen revenaient au bercail. Le coup d'Etat de Napoléon III faillit faire supprimer le Journal de Rouen. Le général Gudin, commandant la ville, voulut en suspendre la publication.

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Sous peine de disparaître, il fallut donc se contenir, s'apaiser, semodérer et demeurer dans une prudente expectative. Charles Beuzevilleplacé à la rédaction en chef, d'une prudence toute normande,connaissant bien le public et ses traditions, était l'homme de cettesituation. Il sut maintenir une politique prudente qui lui permit, saufde rares exceptions, de vivre en paix avec le pouvoir. Reléguant un peula politique le Journal de Rouen donna une place de plus en plus large,à la littérature, aux arts, aux sciences, à l'archéologie et àl'histoire locale. Déjà, à la fin du règne précédent, il s'était assuréla collaboration d'un musicologue avisé Amédée Méreaux, qui descendaitde toute une famille de virtuoses du XVIIIe siècle, pianiste distingué,qui s'était fixé à Rouen dès 1835 où il exerçait une grande autoritécomme professeur. Collaborateur du Moniteur officiel, c'est pendant son long séjour à Rouen qu'il publia son bel ouvrage sur Les Clavecinistes, Les Biographies musicales, et Les Variétés dramatiques.

En 1857, ce fut le tour d'Alfred Darcel, le critique érudit,expérimenté, d'un véritable savoir technique, qui devait plus tarddiriger les « Gobelins » et le « Musée de Cluny ». En 1858, unlittérateur de savoir et de goût, Théodore Muret, l'auteur de l'Histoire par le théâtre,publiait chaque jour toute une série de feuilletons historiques etlittéraires fort goûtés. Il écrivit aussi une suite de causerieschampêtres, en 1859, intitulées Sous les Pommiers et datées de son ermitage du Mont-Saint-Aignan. A cette époque, vers 1861, entra enfin au Journal de Rouen, Eugène Noël qui, sous le titre des Causeries de Jean Labèche,créa un genre où, en une langue savoureuse, il traita pendant près detrente ans, des questions les plus diverses, d'enseignement populaire,d'horticulture, d'agriculture et particulièrement de pisciculture. Oncite encore d'Eugène Noël son Rabelais médecin ; La Campagne en 1866 ; Voltaire à Ferney en 1867 ; Rouen promenades et causeries en 1872 ;  Michelet et ses enfants et ses spirituels Mémoires d'un imbécile, écrits par lui-même, auxquels Littré donna une préface. Eugène Noël resta au Journal de Rouen jusqu'en 1870, date à laquelle il fut nommé conservateur de la Bibliothèque.

Des travaux de tous genres étaient, du reste, publiés dans les colonnes hospitalières du Journal de Rouen : les Biographies rouennaises,de Théodore Lebreton de 1853 à 1860 ; les études littéraires de MmeAmélie Bosquet; les notes archéologiques de J. M. Thaurin qui suivaittoutes les fouilles rouennaises ; les voyages artistiques en Allemagne,en Espagne, en Italie, à Malte d'Alfred Darcel, qui signait aussi dupseudonyme de P. de Brescy, la critique dramatique des théâtresparisiens ; les Ephémérides normandesd'Aillaud, commencées dès 1840 ; les, chroniques parisiennes de Cecil,pseudonyme d'une femme d'esprit ; enfin des articles archéologiques ethistoriques d'Alfred Canel, d'André Durand, d'Eustache de la Querière,d'Alexandre Fromentin. La chronique judiciaire avait un titulaire, L.Lamory, dont la verve et l'humour égalèrent l'esprit de Jules Moineaux.Rappelons aussi dans la chronique théâtrale, en dehors d'AmédéeMéreaux, deux rédacteurs qu'on ne peut oublier, M. Léon Brière qui,sorti à peine du Lycée de Rouen, fit ses premières armes sous lepseudonyme de Ludovic, et Victor Cochinat, un rédacteur nègre, né à Saint-Pierre de la Martinique, qui, après le coup d'Etat de 1851, était entré au Journal de Rouen.Plein de verve, d'entrain exubérant, Victor Cochinat, était un brinindépendant et fantaisiste et bien souvent il eut à supporter lesreproches de son directeur, qui finissait toujours par pardonner sesfautes à son compatriote. C'est Victor Cochinat qui, en l'an 1854, serendant compte de plusieurs écarts dans son travail, demanda audience àM. D. Brière pour lui réclamer... une diminution sur ses appointements.Du Journal de Rouen, il passa au Mousquetaire, d'Alexandre Dumas, puis au Diogène, à la Gazette de Paris, au Siècle, et fut un des premiers rédacteurs du Petit Journal, quand il fut fondé par Alphonse Milhaud.

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Malgré cette extension artistique, peu à peu, le Journal de Rouen,lorsque quelques libertés furent rendues à la presse, retrouva son rôlepolitique. L'infatigable Auguste Visinet reprit la plume pour traiterla fameuse question du libre-échange, dont il était partisan et qui futchaudement disputée dans la presse rouennaise de 1851 à 1860. Jusqu'enses derniers jours, alors qu'un mal implacable l'avait privé de la vue,il dictait à sa femme et à ses enfants, des articles pleins de vigueuret de savoir. A côté de lui, de Degouve-Denuncques, de CharlesBeuzeville, avaient pris place de nouvelles recrues : H. Grignan, A.Chambon, qui fut nommé sous-préfet de Dieppe, lors de la chute del'Empire en 1870, Albert Azam, qui venait de passer par, les petitsjournaux, le Tam-Tam et le Tambour,où il avait exercé sa verve, Léon Fabert, qui devait devenir plus tard,rédacteur en chef de la vieille feuille de la rue Saint-Lô, et le braveDessolins qui est mort il y a quelques années. Celte rédaction, en unesérie d'articles très énergiques, avait entraîné, avec un autre organede l'opposition, le Progrès de Rouen,que dirigeait Napoléon Gallois, plusieurs échecs pour le régimeimpérial l'échec du plébiscite à Rouen même, où il se trouva unemajorité de non et letriomphe de M. Desseaux, en mai 1869, candidat républicain élu contrePouyer-Quertier. Mais la guerre franco-allemande que l'actif Dessolins,chargé du reportage des opérations militaires, devait décrire dans unopuscule bien connu Les Prussiens en Normandie allait éclater et bientôt les Allemands étaient sur la limite du département.

(A suivre.)

Georges DUBOSC.