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DUBOSC, Georges (1854-1927) : Le Journal de Rouen et ses transformationsde 1870 à 1921 (1925). Saisie du texte : O. Bogros pour la collection électroniquede la Médiathèque André Malraux de Lisieux (6.IX.2016) [Ce texte n'ayant pas fait l'objet d'uneseconde lecture contient immanquablement des fautes non corrigées]. Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros]obogros@lintercom.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusionlibre et gratuite (freeware) Orthographe etgraphie conservées. Première parution dans le Journal de Rouen du dimanche 8mars1925.Texte établi sur l'exemplaire de la médiathèque (Bm Lx : norm 959-VIII). Par ci, par là LE « JOURNAL DE ROUEN » ET SES TRANSFORMATIONS III DE 1870 A 1921 par Georges DUBOSC _____ * * * Bientôt les événements se précipitaient, et, la Communeinsurrectionnelle de Paris, se dressait, le 18 mars 1871 contre legouvernement légal. Degouve-Denuncques, l'ardent et vaillantcollaborateur parisien du Journal de Rouen, avait été nommé parThiers, qui appréciait depuis longtemps sa valeur et son caractère,adjoint puis maire du Xe arrondissement de Paris. Les énergumènescommunistes vinrent lui signifier sa destitution. Degouve-Denuncquesreçut le papier qu'il parcourut et le déchira, en disant aux déléguésqu'il ne reconnaissait pas le droit d'un pouvoir insurrectionnel. Si onvoulait l'arrêter, il faudrait venir plus nombreux. Pour se venger, lesdélégués communistes arrêtèrent alors comme otages, sa femme et filleset ne les relâchèrent que le lendemain. Pendant quelques années encore,bien qu'il fût très souffrant, Degouve-Denuncques, continua à adressersa correspondance, qu'il rédigeait d'une écriture microscopique faisantle désespoir des typographes. Il combattait vigoureusement les hommesdu 16 mai comme il avait combattu les révolutionnaires du Comitécentral. Quand en août 1877, un procès fut intenté au Journal deRouen, devant le tribunal et la Cour de Rouen, il se présentafièrement et fut condamné à quinze jours d'emprisonnement. On peutdire, du reste, que Degouve-Denuncques fut alors accompagné à la prisonBonne-Nouvelle par les sympathies de tout ce qu'il y avait de libéralen France. Au sortir de sa prison, le ministre de la justice Dufaure,revenu au pouvoir, crut devoir récompenser par la Légion d'honneur lesservices de tous genres rendus par le journaliste à la cause de laRépublique. Degouve-Denuncques mourut le 4 mai 1878, à Compiègne, où ilavait été s'installer momentanément dans l'espoir de rétablir sa santé. Quelques années auparavant, un autre deuil avait frappé le Journal deRouen. Celui qui l'avait développé et qui, par l'activité intelligente de sonesprit, lui avait aminé son autorité, Desiles Brière, qui était né le 5février 1806, s'éteignait à Rouen, le 22 mai 1872, après avoir pris unepart active non seulement à la politique, mais aussi-aux grands travauxde vicinalité qu'il avait alors provoqués et auxquels il avaitparticipé. Sur sa tombe, Charles Beuzeville et Frédéric Deschamps. sisouvent mêlés avec lui aux luttes politiques de la monarchie de Juilletet de la Seconde République, évoquèrent sa mémoire. Son frère, EmileBrière, avait été un des plus grands imprimeurs-libraires parisiens. Depuis longtemps associé à l'œuvre de son père, Léon Brière, quiprenait la direction du Journal de Rouen en 1872, était déjà mêlé àla grande presse par son mariage avec Mlle Marguerite Lebey, fille dudirecteur de l'Agence Havas. Il continua, tout d'abord, l'œuvreentreprise, avec les anciens collaborateurs de son père, CharlesBeuzeville, P. Gravier comme correspondant parisien, et Léon Fabert,qui était rentré en 1878 comme secrétaire de la rédaction, et devintrédacteur en chef, lors du départ définitif de Charles Beuzeville, en1882. Pendant cette période, plusieurs écrivains de talent passèrentpar la rédaction du Journal de Rouen : MM. Guillemot, Labessade,Delpech, plus tard proviseur du lycée de Foix et qui devint ensuitesénateur de l'Ariège. Antérieurement à cette époque, d'autresrédacteurs occasionnels tinrent certaines rubriques dans le vieilorgane rouennais, tels : MM. Launay, rédacteur commercial ; Glin, quifut si longtemps chargé des informations des marchés industriels ;Henry Houssaye, qui fit ses premières armes dans la critique d'art ;Victor Giroux, qui signa la « Revue de la presse » avant de devenir ledirecteur de la Chronique de Rouen, dont les bureaux se trouvaientdans la rue de l'Hôpital, non loin de nos bureaux actuels ; unchroniqueur fort spirituel, Eugène Guinot, qui rédigeait de façoncharmante la « Revue parisienne ». En 1878, la correspondance de Paris, qu'avait dû abandonnerDegouve-Denuncques, était tenue par Charles Simon, l'un des fils duministre Jules Simon. Dans une grande fête donnée au Château-Baubet, le1er septembre 1878, pour célébrer le demi-centenaire de la directiondes Brière, Charles Simon s'exprimait ainsi : « Votre journal, Messieurs, a inventé l'opportunisme avant même que lenom ne fût trouvé. Vous, avez fait mieux que de l’inventer, vous l'avezpratiqué. Vous avez suivi une ligne de conduite arrêtée qui peut serésumer en deux mots : modération et fermeté. Tout le secret de lapolitique est là, et les partis qui savent montrer une grande fermetédans les principes, une grande modération dans leur application, sontassurés de triompher et surtout de voir leurs idées triompher. C'est cequ'on a appelé la politique des résultats. » Pouvait-on mieux définir la politique qu'a toujours suivie le journalqui représente l'esprit des populations normandes ? A cette vieille rédaction intermédiaire du Journal de Rouen,appartinrent encore : Gaston Lafaille se rattachant à la famille Lebey,qui, sous le nom de Maurice Gérard fut longtemps attaché comme critiqued'art à la rédaction du Nouvelliste ; Georges Tocqueville quiremplissait les fonctions de localier, de petite taille, mais toujoursen tenue impeccable, chapeau haut de forme et immuable cravate blanche.Il avait publié quelques poésies d'actualité sur les Mobiles àMoulineaux et sur les Pigeons de la République, souvent dites dansles concerts et sur les théâtres, et quelques chansonnettes normandeschantées par un excellent comique amateur, le chanteur Voise, quipatoisait si bien. A la rédaction ordinaire il faut joindre aussi : MM.Salomon, d'un caractère un peu sombre, et Maisonneuve, qui complétaitla revue de la presse. Pendant cette première période de la direction de M. Léon Brière, au Journal de Rouen, fut placé comme prote et metteur en pages, M.Morlot qui était originaire de la Martinique, auquel succéda, pendantde longues années, M. Potel, puis M. Edouard Delisle, physionomieoriginale de vieillard, ayant toujours sur son bureau, dans un petitverre, quelques fleurs qu'il aimait à porter à sa bouche. A ce postesuccéda M. Chardon, qui, depuis de très longues années, est attaché aujournal. Le service de l'imprimerie avait subi aussi des transformationsnombreuses. A la vieille presse dite « aux aveugles », dont l'énormevolant était mis en action par un aveugle, le père Farcy, qui, pendantla journée sollicitait la charité publique sur la route de Bonsecours,avait succédé une grande presse à retiration, à quatre margeurs,actionnée par une machine à vapeur. On appliqua ensuite à une machine àréaction le moteur à gaz à explosion, inventé par A.Delamarre-Deboutteville. A la tête de l'administration, se trouvait l'excellent Lespine, quiétait entré en 1851, administrateur dévoué, travailleur infatigable,qui trouvait encore le temps de diriger une de nos grandes sociétés desecours mutuels. Près de lui, comment ne pas se rappeler la figure deM. Martinais qui portait le titre de « caissier » et de M. Kromberg,d'origine alsacienne, qui a appartenu si longtemps à l'administrationdu Journal de Rouen ? Comment ne pas citer M. Laverdure qui succéda àM. Lespine et qui s'établit, par la suite, imprimeur à Alençon ? * * * En 1882, le rédacteur en chef Léon Fabert, ayant dirigé sa vie vers unbut nouveau, attiré par les mirages des expéditions coloniales, M.Joseph Lafond, dont le nom est resté attaché au Journal de Rouen ;fut appelé par M. Léon Brière, à diriger le grand organe de Normandie.On ne pouvait faire un meilleur choix. On a souvent conté l'arrivée de Joseph Lafond à Rouen. Il débarqua unsoir d'un train de Paris à la vieille gare de l'Ouest où l'attendait lefidèle Lespine, et tous deux descendirent par la rue Jeanne-d‘Arc maléclairée, pour se rendre à la rédaction, rue Saint-Lô. L'aspect de laville nocturne était si peu engageant que Joseph Lafond demanda à soncompagnon « si on serait bientôt sorti des faubourgs » !! Originaire de Montbrison, où il était né le 22 janvier 1851, JosephLafond était le fils d'un libraire fort érudit. Elève du Lycée de Lyon,puis répétiteur au Lycée Saint-Louis, où il avait été le camaraded'universitaires distingués comme Ligeret, Lintilhac, et où il avaitégalement connu Arsène Alexandre, le critique d'art de Figaro, JosephLafond entra fort jeune dans le journalisme. Collaborateur au Parlement, il passa ensuite au Globe, dont il devint bientôt lerédacteur en chef. Appelé au Journal de Rouen, à peine arrivé, ildevait donner rapidement sa mesure. Il compta certainement, en effet parmi les plus éminents de tous lesrédacteurs politiques qui se succédèrent dans la vieille maison de larue Saint-Lô. Comme on l'a dit « il fut l'âme du journal, qui lui dutsa prospérité et sa grandeur ». Il avait toutes les qualités qui fontle grand journaliste : des connaissances variées dans tous les ordresde la pensée, une mémoire surprenante de précision, un souci dedocumentation qui lui faisait lire tous les ouvrages nouveaux, françaisou étrangers, toutes les revues, où il pensait devoir rencontrerquelques idées neuves ou originales, même contraires aux siennes. Acette curiosité naturelle, Joseph Lafond joignait l'art d'écouter ettout en jugeant rapidement la valeur des hommes, il savait qu'on peuttoujours tirer d'eux quelque renseignement, un jour utilisable. * * * Très rapidement, avec la souplesse de son esprit et son observationprofonde, Joseph Lafond s'adapta à l'esprit normand et à la sagessepolitique de sa province d'adoption. Il s'initia très heureusement à laconnaissance des hommes et des choses et s'instruisit des ressources etdes besoins de la contrée, se ralliant habilement aux doctrines de laprotection économique qui s'imposaient dans une région industrielle etagricole. A son arrivée à Rouen, le nouveau rédacteur en chef trouvaitd'excellents collaborateurs. A la rédaction, on comptait alors M. Artus Cabot (aujourd'huisecrétaire honoraire de notre rédaction), qui après de fortes étudesclassiques, était entré en 1879 au Journal de Rouen, commecorrecteur, puis était devenu un excellent rédacteur local, sachanttraiter avec une compétence approfondie toutes les questionsmunicipales octrois, questions financières, port de Rouen, organisationdes transports publics, et particulièrement toutes les questionsd'assistance et de mutualité auxquelles il s'était attaché. A cespréoccupations très sérieuses, il joignait le souci de donner, par lavariété des informations et par des « à cotés » pittoresques ouartistiques, un intérêt toujours plus vif à la « locale ». Plus tard,au secrétariat de la rédaction, il devait apporter les mêmes qualitésde prudence, d'observation, de travail infatigable, auxquelles il fautajouter le talent d’un polémiste, armé d'arguments solides, dont lescoups furent souvent redoutables et décisifs dans les luttes politiques. A ses côtés, s'assirent à la table de rédaction successivement : M.Durand, qui devait comme Léon Fabert suivre une carrière coloniale ; M.Vialle, qui après avoir été attaché au parquet et avoir été rédacteuren chef de la Vigie de Dieppe, rendit des services nombreux au Journal de Rouen, malgré de terribles souffrances que cet hommecharmant supporta avec courage, jusqu'au jour où la mort l'emportajeune encore ; Hugues Delorme, le poète délicat et amusant du Figaro; M. Maurice Conge, qui rédigeait non sans une verve spirituelle lachronique locale et qui est aujourd'hui rédacteur en chef du PetitHavre ; M. Landry, actuellement rédacteur parlementaire à la JournéeIndustrielle ; P. Duchemin, un ancien instituteur, auteur de trèsnombreuses notices historiques sur les communes de l'Eure et de laSeine-Inférieure, notamment des monographies du Bourgtheroulde, deSaint-Etienne-du-Rouvray, de Sotteville et du faubourg Saint-Sever, du Canton de Motteville sous la Révolution, du Département de l'Eureavant la Révolution, directeur de la revue La Normandie littéraire,qui, après avoir débuté comme correcteur, passa au service desinformations départementales. A ce service se rattachaient des correspondants devenus fort, nombreux,parmi lesquels il faut citer le vénérable doyen des correspondants,Henry Jallain, qui assura si longtemps le service deSaint-Etienne-du-Rouvray aujourd'hui retiré à Epouville ; GastonDonnette, le regretté correspondant du Petit-Quevilly, qui a rendu tantd'utiles services aux sociétés de la région et qui écrivait de siamusants comptes rendus de ses ascensions aérostatiques ! A cette époque, il n'y avait pas encore d'installation téléphonique(elle ne fut organisée qu'en 1885). Un porteur spécial attendaitjusqu'à une heure, à la Poste, les derniers télégrammes. A cette heure,on n'avait plus rien à attendre, et le porteur l'indiquait en criant àpleine voix, du bout de la rue Saint-Lô : « C'est mort !!! » Notons encore à cette époque, MM. Francis-Marcel Lamy, le spirituelrevuiste qui après la guerre fut secrétaire de la rédaction ; GastonDumont, écrivain de talent tombé glorieusement sur le front ; Besnard,l'actif et précis chroniqueur de la « locale » ; Pierre Villette,aujourd'hui notre brillant rédacteur parlementaire ; Lacoudre,rédacteur en chef du Havre-Eclair ; Julien Matte, ancien rédacteur del'Echo du Nord ; Charles-Pierre, l'économiste distingué, qui doubleavec talent Edmond Perrée. En dehors de la rédaction fixe, Joseph Lafond s'était assuré desconcours très brillants. La correspondance parisienne était passée àLabadie-Lagrave, qui a longtemps signé la revue de la presse au Figaro; la correspondance militaire au spécialiste connuArdouin-Dumazet ; la chronique parlementaire et la grande actualité àAlbert Pinard, qui fut consul à Madagascar et à Paul Bluysen du Journaldes Débats , devenu sénateur de l'Inde française; la chronique de lamode à Mme Marguerite Leblanc, qui donne aussi des articlesd'information académique, sous la signature d'Augusta Latouche. Lacritique théâtrale parisienne était assurée par M. Georges Visinet quireprésentait également l'Agence Havas, et qui, adorant le théâtre,savait en parler avec une verve spirituelle. Que d'autrescollaborateurs ne pourrait-on encore citer ? M. Samuel Frère, avocat etécrivain distingué, qui pendant longtemps assura brillamment lacritique musicale, où lui ont succédé M. P.-L. Robert, puis M. HenriHie, en même temps que la chronique judiciaire ; M. Octave Marais, quimaintes fois s'occupa de questions juridiques ; Jules Clouet, chimistequi, de 1879 à 1884 a traité de questions de science et d'électricité ;le savant professeur Abel Buguet, spécialisé dans la photographie ;Félix Laurent, aujourd'hui inspecteur général de l'agriculture, dontles chroniques agricoles étaient si suivies ; Marcel Nicolle, l'éminentexpert en tableaux, qui fut longtemps le critique artistique réputé du Journal de Rouen ; notre ami Raoul Aubé, qui, de sa plume alerte,traitait avec entrain les sujets d'actualité historique, en deschroniques qui sont restées très vivantes ; notre vieux camarade RobertPinchon, l'ami de Maupassant, de Céard, de Maurice Leloir, l'auteur dela Mort de Molière, homme de théâtre, dont la critique dramatique,toujours juste et pondérée, a fait depuis longtemps autorité. Encoreest-il qu'il faudrait joindre à tous ces écrivains : Edward Montier,qui amusa longtemps les lecteurs avec les mésaventures du Pé Claudel; Colette Yver, qui publia ces premiers croquis rouennais qu'elledevrait bien rééditer ; son frère F. Bergo qui a signé des nouvellesfort humoristique ; Jean Fid, qui donna des mœurs cauchoises des étudestrès observées ; le Dr Monin, dont les causeries médicales sontsi suivies par le public. Par son mariage, le 29 octobre 1887, M. Joseph Lafond devenait tout àfait normand. Il avait en effet épousé la petite-fille de Visinet etcette union reliait ainsi la rédaction d'autrefois à la rédactionprésente. Ce sont les termes dont se servait Léon Brière, lors dubanquet offert à Joseph Lafond, le 21 janvier 1897, quand la croix dela Légion d'honneur vint récompenser les services qu'il avait rendus àla cause républicaine. Pendant toute cette période, le Journal deRouen avait, grâce aux efforts de Léon Brière et de Joseph Lafond,augmenté sa prospérité. En 1887, il avait pu abaisser son prix de venteà 10 centimes le numéro et en 1892 à 5 centimes : ce fut alors unepoussée énorme vers l'abonnement et, au mois d'octobre 1892, on fêtaitjoyeusement le 10 millième abonné. Depuis lors, la progression atoujours été en s'accentuant ; le chiffre de 25.000 pour les seulsabonnements est aujourd'hui largement dépassé. * * * Des transformations avaient alors été apportées à toute l'organisationintérieure, pour assurer cette rénovation du vieux Journal de Rouen.Deux presses rotatives à 4 pages avaient été montées en 1892,entraînant l'installation d'une clicherie que dirigeait le clicheurBouveyron, et plus tard l'installation d'un atelier de zincographie,sous la direction de De Baize, pour illustrer les « suppléments », quiavaient commencé vers 1892. A cette date on peut également rattacherquelques publications illustrées, éditées dans la vieille maison de larue Saint-Lô : Le Journal de Rouen dans la famille etl'Almanach du Journal de Rouen. Cela nous fait penser au vieil Annuaire général qui paraît depuis 129 ans. L'âme de cettepublication utile au commerce et de tous les « travaux de ville » étaitGustave Robert, entré tout jeune au journal, devenu par sonintelligence, son activité, ses connaissances, prote de l'Imprimerie,puis, par son dévouement bien compris aux intérêts corporatifs, l'undes hommes éminents de la typographie française. Elu pendant denombreuses années le premier sur la liste municipale, adjoint au mairede Rouen, puis conseiller général, dans toute sa vie publique, GustaveRobert, chevalier de la Légion d'honneur, rendit les plus grandsservices à la classe ouvrière, ainsi qu'à sa ville natale qu'il aimaitet qui ne l'a point oublié. Léon Brière n'avait qu'un but, disait-ilsouvent, maintenir l’œuvre de son père. Non seulement il la maintintmais la développa. Son autorité était très grande et sa situationconsidérable. Fondateur de l'Association républicaine départementale,il joignit à tous ses titres celui de philanthrope et de bienfaiteur desa ville en fondant la Crèche Elisabeth et Marguerite Brière, qu'ilavait organisée avec tant de zèle. En 1900, Léon Brière mourait brusquement, laissant le choix à JosephLafond entre un legs et la propriété du journal, moyennant certainesredevances. Notre rédacteur en chef était trop journaliste pourhésiter. Il se fia, pour surmonter tous les obstacles, à son travailacharné, à ses connaissances, à l'union de ses collaborateurs. Dèslors, avec une vue très juste et très étendue sur le rôle de la pressenouvelle, il développa tous ses services. En 1892, avaient étéinstallées les presses rotatives à 4 pages; en 1900, deux autres presses rotatives à 6 pages, transforméesensuite en presses à 8 pages, en 1904. En 1910 et en 1914, deux grandespresses pouvant tirer chacune 16 pages étaient montées dans l'atelierde la rue Saint-Lô. Aussi, le Journal de Rouen pût-il donner un largedéveloppement aussi bien aux rubriques nouvelles commeles sports, laPetite Poste agricole ou militaire, qu'aux renseignements de toutordre. Joseph Lafond avait placé à ce moment le Journal de Rouen aupremier rang de la presse départementale. Aussi siégeait-il avecautorité au Comité de l'Association de la Presse républicainedépartementale, et avait-il contribué à fonder l'Association desJournalistes professionnels de Normandie, dont il fut le présidenttoujours réélu. Pendant toute la durée de la guerre, Joseph Lafond se surpassalui-même, ne désespérant jamais du succès final de la France. Tous lesjours, avec une persistance fondée sur une documentation très solide,avec une confiance raisonnée, il maintint l'opinion publique, même auxheures les plus critiques de 1914 et de 1917. Aujourd'hui, il n'estplus, mais nous verrons, dans un prochain article, ce qu'est devenu le Journal de Rouen. (A suivre.) Georges DUBOSC. |