ACTE III
Unepièce élégante dans la maison de Mademoiselle de Blumenblatt.Deux portes au milieu, et une porte sur le côté à droite et à gauche. C'est lesoir. Des lampes sont allumées sur la table.
Scène 1
Lisette, Sonders
Sonders: C'est donc un bongénie qui m'a soufflé de choisir comme confidente, sans m'en douter le moins dumonde, la femme de chambre de la vieille demoiselle. Prends d'abord cettebourse, plus tard il y en aura plus.
Lisette: Je vous suis trèsobligée. C'est de bon cœur de toute façon que j'aurais pris deux amoureux sousma protection. Car s'il y a des pères, des mères, des tantes, et même desamoureux dépourvus de cœur, je ne connais aucun exemple de femme de chambresans cœur.
Sonders: Si seulement tapatronne...
Lisette: Ne vous inquiétezpas, elle n'est pas du tout ce qu'on se représente d'habitude quand on parled'une vieille fille. Mais où est maintenant votre amie?
Sonders: Dans les griffesde son tuteur, qui me l'a arrachée d'une façon très déplaisante, et qui vapeut-être dès aujourd'hui l'amener ici;... mais non, il ne l'amènera sans doutepas lui-même; ce vieux fou est, je l'ai vu, engagé dans une méchante histoirede jalousie avec sa fiancée, il a juré de ne jamais plus la voir, et je pensedonc qu'il va seulement vous envoyer sa pupille sous bonne escorte.
Lisette: Advienne quepourra. Ne vous éloignez pas trop de la maison et réfléchissez à la façon devous présenter auprès de ma patronne quand votre amie Marie sera arrivéeici.
Sonders: Je vais tout desuite m'installer dans un hôtel du voisinage, et de là me procurer les informations nécessaires.
Lisette: (tendant l'oreille vers la porte de droite)Je crois... Oui, oui, ma patronne vient... Allez-vous-en!
Sonders: Au revoir pourbientôt, ô être serviable! (Il sort parla porte médiane de gauche)
Scène 2
Lisette,Mademoiselle de Blumenblatt
Mademoiselle de Blumenblatt (entrant par laporte du côté droit): Qui était donc là, Lisette?
Lisette: Personne, votreGrâce.
Mademoiselle de Blumenblatt (reniflant une odeurde tabac): Personne? Et moi, j'aurais juré qu'il y avait quelqu'un. Commenotre vie est pleine d'illusions! Ainsi, après la lettre d'hier de monbeau-frère, j'étais sûre que la jeune fille arriverait aujourd'hui, je meréjouissais de revoir cette chère enfant, après 10 ans... Illusion, rienqu'illusion. (Elle renifle)
Lisette: Enfin, il n'estpas encore bien tard, qui sait...
Mademoiselle de Blumenblatt: La pauvrette! Mon beau-frère Zanglerse trompe s'il croit que je vais la traiter avec sévérité; il lui arrive justela même chose qu'à moi, son cœur est faible, son amour est fort, l'espéranceest petite, les obstacles sont grands, juste ce qui m'est arrivé. (Ellerenifle)
Lisette: Dans votre cas,votre Grâce, c'était tout de même bien différent...
Mademoiselle de Blumenblatt: Pourquoi me l'envoie-t-on? Uniquement pour qu'ellelanguisse bien loin de l'objet de son inclination: n'est-ce pas exactement ce qui m'est arrivé? (Elle renifle)
Lisette: Mais dans votrecas, à ce que votre Grâce m'a raconté, l'objet de votre inclination vous avaitabandonné.
Mademoiselle de Blumenblatt: C'est juste, mais ça revenait bien au même, puisquenous étions séparés, et c'est pourquoi je veux traiter cette jeune fille avecdouceur et indulgence, même si, comme il est dit dans la lettre, son amoureuxla poursuit avec une passion obstinée; car cela me rappelle encore ce qui m'estarrivé. (Elle renifle)
Lisette: L'amoureux devotre Grâce, lui, il semble avoir poursuivi avec beaucoup de passion la direction opposée.
Mademoiselle de Blumenblatt: Quand même, c'était une poursuite... Comme je vous dis, c'est juste ce qui m'estarrivé. (Elle renifle)
Lisette: Votre Grâce, jecrois... j'entends du monde dans l'entrée... Enfin, on l'amène.
Mademoiselle de Blumenblatt: Va donc voir!
Lisettese dirige vers la porte médiane de gauche.
Scène 3
Les mêmes, Weinberl, Christopherl, lecocher, le vigile
Christopherl a la pélerine de Madame Fischer et porte son chapeau sur la tête
Le vigile (de dehors): Allons, pas d'histoires, jesais bien ce que j'ai à faire. (Il ouvrela porte et fait entrer avant lui Weinberl et Christopherl)
Weinberl: Mais permettez...
Le vigile: Ici il n'y apersonne pour permettre.
Mademoiselle de Blumenblatt: Sauf moi-même! Aussi vous demanderai-je ce que vousvous permettez de venir faire ici.
Le vigile: Ces deux-là, ilfaut qu'ils restent ici.
Le cocher: Nous avons bienfailli ne pas trouver! Quels détours nous avons faits!
Mademoiselle de Blumenblatt: Avec un garde et accompagnée d'un homme,... ce n'estpas possible... Mon ami, vous vous êtes sûrement trompé de maison.
Weinberl: Et trompé depersonne aussi, je vous le dis.
Christopherl: Je ne voudrais pas offenser Monsieurle vigile, mais il doit s'agir d'un effet de l'ébriété.
Weinberl: Assurément, onnous prend pour un couple que nous ne sommes pas.
Le vigile (à Weinberl):C'est ce qu'on va voir, dans cette lettre il y a tout ce qu'il faut. (Il donne une lettre à Mademoiselle de Blumenblatt)
Mademoiselle de Blumenblatt: ...Une lettre... (regardant l'adresse) pour moi...? (Décachetantla lettre et regardant la signature) ...de mon beau-frère? (Lisanten silence)
Christopherl: Bon, maintenant tout va devenir clair.
Weinberl: On va nous laisserpartir librement.
Christopherl: Et pour finir on va nous donner un dédommagementpour que nous puissions rentrer à la maison.
Weinberl: La gloutonneriedes dames, l'énormité de l'addition, la proximité du patron, ça, c'était devrais dangers. Maintenant, c'est un enfantillage, comme je viens de le dire,une bêtise du vigile. (Au vigile) Monami, vous nous avez amenés ici sous bonne garde,... et vous avez fait unebourde de taille.
Le cocher (au vigile): Si ce n'est pas le bonendroit, qui va me donner mes 5 florins?
Mademoiselle de Blumenblatt (après avoir lu):Maintenant je suis au courant
Weinberl: Eh bien alors...
Le cocher (à Mademoiselle de Blumenblatt):Votre Grâce, il me faut mes 5 florins
Mademoiselle de Blumenblatt (à Lisette):Paye ce Monsieur
Le cocher (au vigile): Alors c'est bien le bonendroit (Il s'écarte avec Lisette)
Weinberl (à Mademoiselle de Blumenblatt):Il ne faut pas nous en vouloir.
Christopherl: Ce n'est pas notre faute. (Ils veulent tous deux s'en aller)
Le vigile (leur barrant la route): Halte!
Mademoiselle de Blumenblatt (à Weinberl et Christopherl): Restez ici, vous deux!
Weinberl (étonné): Quoi...!
Mademoiselle de Blumenblatt (à Weinberl): C'est vous le vrai coupable, Monsieur, maisla jeune fille (montrant Christopherl) n'est pas moins punissable!
Christopherl (abasourdi, à Weinberl):Je suis une jeune fille punissable!
Weinberl (abasourdi, à Christopherl):et moi un coupable Monsieur!
Mademoiselle de Blumenblatt (au vigile): Pourla jeune fille, c'est moi qui...
Le vigile: et pour leMonsieur, c'est moi qui monte la garde dehors, devant la porte d'entrée surl'escalier.
(à Weinberl, ensortant) Il ne fait pas si facilement des bourdes, le vigile! (Il sort par la porte médiane de gauche)
Scène 4
Mademoiselle de Blumenblatt, Weinberl, Christopherl
Christopherl: Votre Grâce...
Weinberl: ...Votre Grâce nevoudrait-elle pas avoir la bienveillance,...
Christopherl: ...de nous renseigner...
Weinberl: ...sur ce qu'il ya exactement dans cette lettre?
Mademoiselle de Blumenblatt: Vous pouvez bien vous imaginer ce qu'un oncle pense quandon enlève sa nièce.
Weinberl: Oui, pourquoi cethomme n'a-t-il pas fait plus attention, mais je ne vois pas pourquoi nous...
Christopherl: Un vieux casse-pieds comme ça, tout letemps désagréable, jusqu'au moment où la fille, elle en a marre...
Mademoiselle de Blumenblatt: Mamzelle,sur quel tonparlez-vous de votre oncle? Après avoir quitté sa maison de cette manière...
Christopherl: Ah bon, alors je suis la nièce qui afichu le camp?
Weinberl: Et moi, je suiscelui (désignant Christopherl) qui a dévoyécette bonne femme?
Mademoiselle de Blumenblatt: Voulez-vous vous moquer de moi en me demandant cela?
Weinberl: Je n'en avaisnullement l'intention, mais enfin nous sommes ici dans une sorte de prison, etdans un cas comme ça on voudrait bien savoir pourquoi. (Bas à Christopherl) Peut-être devrions-nous lui dire qui noussommes?
Christopherl (Bas à Weinberl): Ceserait risqué, si le diable s'en mêle le patron pourrait l'apprendre par unetierce personne. (À haute voix à Mademoiselle de Blumenblatt): Mon oncle ne va pas s'absenter longtemps?
Mademoiselle de Blumenblatt: Il doit arriver d'un instant à l'autre.
Weinberl (Bas àChristopherl): Nous pouvons attendre jusque là.
Christopherl (Bas à Weinberl): Etlà le malentendu s'éclaircira de lui-même
Weinberl (à Christopherl): Évidemment, quand l'oncle nous verra, cesera la fin de l'affaire.
Mademoiselle de Blumenblatt (qui a entendu les derniers mots): Ehbien moi, je vous dis: non! Elle ne doit pas avoir sa fin; je n'arrive pas à être cruelle lorsque je vois des amoureux,l'union de leurs cœurs ne doit pas être brisée... (Elle renifle)
Weinberl: Il n'y a en faitrien qui puisse être brisé, parce que...
Mademoiselle de Blumenblatt: Parce que je suis résolue, en dépit de vos dénégationsentêtées qui ne méritent pas ma bienveillance, à intercéder pour adoucir lacolère de mon beau-frère.
Weinberl: Vous avez donc unbeau-frère qui est coléreux?
Mademoiselle de Blumenblatt: Comment pouvez-vous poser cette question? Reprenezquand même vos esprits, jeune homme!
Weinberl: Si vouspermettez...
Mademoiselle de Blumenblatt: Ayez espoir, ma chère enfant!
Christopherl: Que dois-je espérer au juste?
Mademoisellede Blumenblatt: Tout! Vous êtes des fugitifs,votre destin me touche, car c'est bien tout à fait comme mon propredestin. (Elle renifle) Moi aussi, jadis, j'ai aimé.
Christopherl: Ça, je peux l'imaginer
Mademoiselle de Blumenblatt: Et l'homme qui m'aimait...
Weinberl (à part): Ça, je ne peux pas l'imaginer
Mademoiselle de Blumenblatt: ...avait aussi décidé de fuir, avec une seuledifférence: il s'est enfui tout seul. (Elle renifle)
Weinberl (à part): Ah, ça, maintenant je peuxl'imaginer
Mademoiselle de Blumenblatt: Ce qui est sûr, c'est qu'il y avait fuite. Et comme jel'ai dit, je ne veux pas avoir de repos (elleprend leurs mains) jusqu'à ce que je puisse ainsi devant votre oncle, aprèsvous avoir réconciliés avec lui, joindre vos mains (elle le fait) et bénir en vous un couple heureux. (Elle fait le geste de bénir).
Weinberl: Christopherl!
Mademoiselle de Blumenblatt (à Weinberl): Qu'est-ceque c'est que cette plaisanterie? Comment pouvez-vous, en un moment si sérieux,appeler votre fiancée Christopherl?
Christopherl: (éclate de rire)
Mademoiselle de Blumenblatt (à Christopherl trèssévèrement): Ne riez pas, Mamzelle!
Scène 5
Les mêmes, Lisette,Melchior
Lisette (entrant avec Melchior par la porte médianede gauche): Votre Grâce, celui-là, je n'arrive pas à m'en débarrasser. (À Melchior, montrant sa patronne)Mademoiselle est là. (Elle sort par la porte médiane de gauche)
Melchior: C'est donc unedemoiselle, ça? C'est de première classe!
Mademoiselle de Blumenblatt: Que voulez-vous?
Melchior: C'est mon maîtrequi m'envoie, il veut que je dise à Mademoiselle votre Grâce....
Weinberl (montrantMelchior): Christopherl, c'est bien...
Melchior (regardant Christopherl et Weinberl):C'est vous? Ah! C'est trop fort!
Mademoiselle de Blumenblatt (à Weinberl): Connaissez-vous cet homme, Monsieur de Sonders?
Weinberl : C'est àdire... oui, je l'ai vu... (Bas à Christopherl) Monsieur de Sonders,m'a-t-elle dit, si je ne me trompe pas,... mais je ne le connais pas, celui-là.....
Christopherl (Bas à Weinberl): Moinon plus...
Weinberl (Bas à Christopherl): Ah, mais si, c'est comme ça ques'appelle celui...
Christopherl (Bas à Weinberl): ...quicourt après notre demoiselle, à la maison...
Melchior (à Weinberl): C'est une honte! Quel spectacle vous donnez!
Mademoiselle de Blumenblatt: Qu'est ce qui vous permet de faire la leçon à Monsieur?
Melchior: C'est que monmaître a dû régler l'addition de Monsieur.
Mademoiselle de Blumenblatt: Une addition?
Melchior: Oui, autrement legarçon il aurait fait saisir les dames.
Mademoiselle de Blumenblatt: Quelles dames?
Melchior: Enfin, pasvraiment des dames, mais c'est comme ça qu'on dit. Ce Monsieur... (À Weinberl) C'estune honte!... (à Mademoiselle de Blumenblatt ) était dans un jardin avec deux bonnes femmes, que j'ai d'abord prisespour des garces, mais qui se sont par lasuite avérées être des veuves. (À Weinberl) C'estune honte!...
Mademoiselle de Blumenblatt: Qui peut comprendre de pareils bavardages?
Melchior (à Weinberl avec mépris): Sortir avec des dames et ne paspayer! C'est une honte!
Mademoiselle de Blumenblatt: (à Melchior):Pourrai-je maintenant savoir?...
Melchior (à Weinberl comme plus haut): Sortir avec des dames et nepas payer, c'est de première classe!
Mademoiselle de Blumenblatt (à Melchior aveccolère): Je vous le demande maintenant pour la dernière fois....
Melchior (à Weinberl comme plus haut): C'est une honte!
Mademoiselle de Blumenblatt (comme plus haut):Qui est votre maître?
Melchior: Monsieur de Zangler.
Mademoiselle de Blumenblatt: Et viendra-t-il chez moi?
Melchior: Mademoiselle votreGrâce, il n'en a rien dit
Weinberl (à part): Dieu merci
Christopherl (bas à Weinberl): Maissi tout de même....
Mademoiselle de Blumenblatt: Quelle est votre mission au juste?
Melchior: Monsieur de Zangler vous fait dire qu'il vous a là envoyé deuxpersonnes....
Weinberl et Christopherl (inquiets): Le patron nous a...
Melchior: Il a en fait priscelui-ci (montrant Weinberl) pour un certainMonsieur de Sonders et celle-là (montrant Christopherl) pour sa pupille qui a pris la poudre d'escampette; mais ce ne sont pas eux,alors Mademoiselle votre Grâce peut les laisser partir.
Weinberl et Christopherl: Voilà qui est judicieux!
Mademoiselle de Blumenblatt: Quoi? C'est en contradiction avec ce que je lis dans lalettre que je viens de recevoir (à Christopherl et Weinberl) Je ne vous laisse pas partir.
Christopherl: Quoi?
Mademoiselle de Blumenblatt: Cette personne me semble cacher un plan subtil sous lemasque de la bêtise; il semble d'accord avec vous pour vous faire échapper.Mais ça ne marchera pas; je veux bien être négociatrice, mais....
Christopherl: Puisque c'est le vieux lui-même quifait dire...
Mademoiselle de Blumenblatt: Pour la dernière fois, Marie, taisez-vous!
Scène 6
Les mêmes, Lisette
Lisette (entrant par la porte du milieu): VotreGrâce, il y a là un Monsieur Weinberl.
Weinberl: Quoi, un Weinberl qui rapplique!
Mademoiselle de Blumenblatt: Et que veut-il, cet homme?
Lisette: L'homme vient dela part de Monsieur de Zangler.
Melchior: C'est moi qui viensde la part de Monsieur de Zangler. Il y a unecontradiction
Mademoiselle de Blumenblatt (à Lisette): Alors c'est mon beau-frère qui l'aenvoyé, cet homme?
Melchior (à Mademoiselle de Blumenblatt):Votre beau-frère m'a envoyé, moi, et elle, elle dit qu'il a envoyé un homme. Ily a vraiment une contradiction
Lisette: Votre Grâce estpriée de lui laisser accéder à votre maison, car il a pour mission desurveiller la conduite (montrant Christopherl)de Mademoiselle Zangler, et d'en faire rapport àMonsieur de Zangler.
Mademoiselle de Blumenblatt (se souvenant): Weinberl...? Ah maintenant je me rappelle, c'est son vendeur, qu'il m'a souvent présentécomme un homme sûr, auquel il peut se fier comme à lui-même... Oh, entrez, vousêtes le bienvenu.
Lisettesort par la porte médiane de gauche
Weinberl (à Christopherl): On voit maintenant comme je suis dignede confiance; mais quant au Weinberl je suis avide desavoir...
Melchior: Ce ne sont vraiment que des contradictions
Mademoiselle de Blumenblatt (à Melchior très sévèrement): Plus un mot! (À Weinberl): Pourmes projets de négociations je préfère que ce soit Monsieur Weinberlqui vienne, plutôt que mon beau-frère en personne.
Weinberl: Ça, alors, çaaurait été le pire.
Scène 7
Les mêmes, Lisette, Sonders
Sonders (introduitpar Lisette, à Mademoiselle de Blumenblatt ): Gracieusedemoiselle....
Mademoiselle de Blumenblatt (à Sonders): Jesuis très heureuse de faire votre connaissance.... (Elle présente à Weinberl, qu'elle prend pour Sonders, celui-ci comme étant Monsieur Weinberl, et au véritable Sonders, qu'elleprend pour Weinberl, elle présente Weinberlcomme étant Monsieur Sonders) Voici Monsieur Weinberl, voici Monsieur de Sonders,...mais ces Messieurs se connaissent bien?
(Sonders et Weinberl se saluent mutuellement enétrangers)
Sonders : Je n'ai pasl'honneur de connaître ce Monsieur de Sonders-là.
Weinberl: ...et je n'ai pasl'honneur de connaître ce Monsieur de Weinberl-là.
Melchior (qui se tient à gauche en regardant Sonders, qui se tient à droite): Mais c'est lui que jedois... c'est bien ça...
Sonders (à part): En voilà un qui s'est faitpasser pour moi! Mais comment est-il parvenu à se faire le compagnon de ma Marie?(Regardant Christopherlencapuchonné) Elle ne me fait aucun signe...!
Mademoiselle de Blumenblatt (à Sonders): Monbeau-frère Zangler viendra-t-il me voir?
Sonders: Pas de si tôt, jecrois (à part) du moins, je l'espère.
Mademoiselle de Blumenblatt: (se tournant versWeinberl) Alors voyez-vous, Monsieur de Sonders ... (elle continue à parler à voix basseavec Weinberl)
Melchior: Ah, ce seraitculotté. (Il se glisse près de Weinberl)
Sonders (profitant du moment où Mademoiselle de Blumenblattparle avec Weinberl pour appeler à voix contenue Christopherlqu'il prend pour Marie et qui est dans le coin gauche de la scène) Marie!
(il fait des signes pour faire comprendre qu'il ne sait pas comment elleen est venue à être accompagnée de Weinberl )
Christopherl (à part, ayantremarqué le manège): Moi, je nebouge pas
Sonders (à part): Si au moins elle enlevait son capuchon, pour que je puisse liredans son regard!
Melchior (empoignant Sonders):C'est bien lui! Démasqué, l'imposteur, l'usurpateur!
Sonders (repoussant Melchior): Qu'est-ce que vous vous permettez là?
Mademoiselle de Blumenblatt (indignée parl'audace de Melchior): Qu'est-ceque c'est?
Melchior: Votre Grâce (montrant Sonders)cet homme est un usurpateur, il n'y a pas trace de Weinberlen lui.
Sonders: Que veut-il, cet homme? Qui êtes-vous?
Mademoiselle de Blumenblatt (à Sonders): Quoi,vous ne le connaissez pas? Et il a prétendu être un serviteur de Monsieur de Zangler? Il y a tromperie! Il y a tromperie! Lisette,envoyez-nous tout de suite le vigile!
(Lisette sort par la porte médiane de gauche)
Weinberl : (à Christopherl) Il y a du bastringue, profitons-en pourprendre l'air.
Melchior: (à Mademoiselle de Blumenblatt ) Vous envoyez chercher le vigile; j'espèretout de même que vous ne...
Mademoiselle de Blumenblatt (irritée): Votre audace va vous coûter cher.
Melchior: Qui a de l'audace?(Montrant Sonders ) C'est luiqui a de l'audace, car il n'y a pas trace de Weinberlen lui. (Montrant Weinberl) C'est lui qui a de l'audace, car il n'y a pastrace d'une addition réglée par lui, mais moi....
Scène 8
Les mêmes, levigile, puis Lisette
Le vigile (entrantpar la porte médiane de gauche): Qui est-ce que je dois mettre dehors?
Mademoiselle de Blumenblatt (montrant Melchior) Maîtrisez cetimposteur.
Melchior: Quoi?
Weinberl : (à Christopherl) C'est l'occasion de décamper.
Melchior: Vous me livrez auvigile, alors qu'ici ça pullule de scélérats, je suis peut-être le seulinnocent dans toute la pièce, et c'est moi que vous mettez au trou... Ah, c'estde première classe!
Le vigile: Allons, pasd'histoires.
Melchior: (pendant que le vigile l'emmène vers la porte médiane de gauche) Si mon maître voyait ça! vigile! mon cher vigile! (Weinberl et Christopherlse sont également rapprochés de la même porte pour s'échapper)
Lisette (entrant en courant par la porte médiane degauche): Monsieur de Zangler est là!
Weinberl, Christopherl, Sonders (apeurés, chacun à part): Zangler! (Tous troiss'élancent dehors en même temps, Sonders par la portemédiane de droite, Weinberl par la porte latérale de droite et Christopherl parla porte latérale de gauche
Melchior: Voilà qui arrive àpoint!
Lisette: Mais Mademoiselle!(Elle court après Christopherl )
Mademoiselle de Blumenblatt : Monbeau-frère... Ils détalent tous.... Monsieur Weinberlest parti...?
Scène 9
Lisette,Mademoiselle de Blumenblatt, Melchior, le vigile,puis Zangler, Madame Knorr,Madame Fischer, Marie (Madame Fischer esten bonnet avec un châle, sans chapeau ni manteau)
Zangler (entrant par leporte médiane de gauche en donnant le bras aux deux femmes): Ma belle-sœur,nous voilà... qu'est ce que c'est? Le vigile qui tient mon bon Melchior par lecollet...?
Mademoiselle de Blumenblatt (désignant Melchior): Serait-il donc...?
Melchior (à Zangler) Oh dites-lui qui je suis!
Zangler (à Mademoiselle de Blumenblatt):Mon imbécile de valet.
Melchior (à Mademoiselle de Blumenblatt): Voyez-vous,belle-sœur de mon maître? (À Zangler) Avez-vous un vendeur qui s'appelle Weinberl?
Zangler: Oui
Melchior: Et où est-il, ce Weinberl?
Zangler: Chez moi, à la boutique.
Melchior (à Mademoiselle de Blumenblatt): Voyez-vous, belle-sœurde mon maître?
Zangler (à Mademoiselle de Blumenblatt):Mais maintenant dis-moi...
Melchior (à Zangler qu'ilinterrompt) Du calme! N'était-cepas un couple illégitime que vous avez envoyé ici?
Zangler: Bien sûr!
Melchior (à Mademoiselle de Blumenblatt): Voyez-vous,belle-sœur de mon maître?
Mademoiselle de Blumenblatt: Bon, si c'est comme ça....
Zangler (à Mademoiselle de Blumenblatt):Mais maintenant je dois avant toute chose te présenter ma fiancée, que voici,et son amie, Madame de Fischer.
Mademoiselle de Blumenblatt: Ah, je suis charmée!
Madame Fischer et Madame Knorr:C'est pour nous une joie infinie d'avoir l'honneur...
Zangler: La noce est pour demain!
Mademoiselle de Blumenblatt: Tu sais que je ne vais jamais à une noce, car mon destin...!(Elle renifle) Mais comment, vousfaites ça si vite?
Zangler: Oui, je ne veux plus quitter ma bien-aimée!... Il y a desraisons...
Madame Knorr (bas à Zangler):Ne dites donc pas de mal de moi!
Zangler (à Melchior): Maintenant tu vas tout de suitechez moi et tu sonnes le branle-bas de façon qu'on se dépêche de préparer lanoce. (Aux deux femmes) Nous allons souper chez ma belle-sœur, ettout de suite après, on y va. (À Melchior) Nous arriverons au point du jour.
Melchior: Je m'occupe de tout,mais...
Mademoiselle de Blumenblatt (à Melchior): Mon ami, prenez ceci, parceque je vous ai fait du tort. (Elle luidonne de l'argent)
Melchior: Vous vous rendez compte que j'en ai assez. (Il prend l'argent; à Zangler): Mais dites-le lui encore...
Zangler: …que tu es un âne.
Melchior (veut dire quelque chose à Zangler, mais se retient): Votre belle-sœur serend compte que j'en ai assez! (Il sort par la porte médiane de gauche)
Scène 10
Les mêmes sauf Melchior
Mademoiselle de Blumenblatt: Maisqu'est-ce qui se passe? Tu ne m'as donc pas envoyé ta nièce?
Zangler (désignant Marie):Non, la voici, cette dévergondée que je t'amène, et place sous ta protection.
Marie: Mes respects, maTante…! (Elle lui baise la main)
Mademoiselle de Blumenblatt (à Zangler): Quiétaient donc ces gens-là?
Zangler: …Je ne sais pas.
Mademoiselle de Blumenblatt: Ils sontencore ici.
Zangler: Ah bon? Je leur dois des excuses.
Mademoiselle de Blumenblatt: Quand ilsont entendu que tu arrives, ils ont détalé chacun par une porte différente.
Zangler: C'est bizarre!
Scène 11
Les mêmes, Lisette
Lisette (un voile à la main, venant de la portelatérale de gauche): Mademoiselle Zangler estpartie en courant dans le cabinet jaune et s'y est enfermée. Elle ne veutouvrir à aucun prix; le voile de son chapeau est resté accroché à la poignée dela porte.
Mademoiselle de Blumenblatt (à Zangler): Quedis-tu de ça?
Zangler: Hum! Hum!
Madame Fischer (examinant le voile): C'est le voile demon chapeau!
Madame Knorr (considérant le voile elle aussi): Biensûr, la tache de rouille est là!
Madame Fischer: Cette personne n'aurait-elle pasaussi un manteau exactement comme celui (désignantMarie) de cette jeune fille?
Mademoiselle de Blumenblatt: Oui, brun, àcarreaux, juste comme ça.
Madame Knorr: Ils viennent tous les deux de mon magasin.
Madame Fischer (àMademoiselle de Blumenblatt): Il faut que vous lesachiez, on m'a abominablement dévalisée.
Zangler: Il nous faut éclaircir… (à Lisette) Mademoiselle, dépêchez-vous defermer la porte à clé, là où il y a cette personne.
Lisette: tout de suite. (Elle sort en courant par la porte latéralede gauche.)
Zangler: Et ensuite… eh, vigile!
Le vigile: A vos ordres!
Zangler: Allez chercher du renfort et fermez àclé la porte de la maison, par l'extérieur.
Le vigile: Très bien. (Il sort par la porte médiane de gauche.)
Mademoiselle de Blumenblatt: Je tremble.
Zangler: Venez, Mesdames, il y a là des coquinsqui exagèrent. (Il sort par la porte latérale de droite, accompagné de toutes lesfemmes.)
Changementde décor
Un jardin dans lamaison de Mademoiselle de Blumenblatt, le mur dujardin s'étend à l'arrière-plan sur toute la largeur de la scène. A droite unepartie avancée de la maison, en dur, d'un étage de hauteur, avec des fenêtresvitrées à l'avant comme sur le côté. On aperçoit par la fenêtre le cabinetjaune dont il a été question, qui n'est toutefois pas éclairé; la scène esttoute sombre.
Scène 12
Weinberl, puis Christopherlà la fenêtre
Weinberl (seul, venant des coulisses par la gauche) Rien à faire pour trouver l'endroit où lecharpentier a fait le trou. Maudit soit le serrurier qui a fait ce portail,trois fois maudit le maçon qui a enclos ce jardin, et cent cinquante foismaudits les cent cinquante kilos que je pèse et qui m'empêchent de faire par làdessus un saut périlleux porté par les ailes de la peur. Dans toute ombre jevois un Zangler, dans tout bruit j'entends un Zangler, toute la Nature se réduit pour moi à une frayeur,et cette frayeur s'appelle Zangler! Cette murailledoit être une réplique à grande échelle de celle de Chine… Je dois quand mêmearriver à (il essaie de grimper au mur)…il est trop haut, je n'y arrive pas.
Christopherl (portant le même manteau et le même chapeau de femme qu'avant,ouvrant la fenêtre et regardant dehors) C'est trop haut, je ne peux pas sauter.
Weinberl: Christopherl,c'est vous?
Christopherl: Oui, c'est moi.Monsieur Weinberl, est-ce vous?
Weinberl: Oui, c'est moi.
Christopherl: Aidez-moi, jerisque à tout moment qu'on enfonce la porte et qu'on me traîne devant lePatron.
Weinberl: Je risque la mêmechose.
Christopherl: Alors dans ce cas,nous sommes perdus.
Weinberl: S'il ne nous tombepas une échelle du ciel, si quelque miracle ne crée pas des marches dansl'éther, nous sommes perdus sans recours.
Christopherl: Il y a quelqu'unqui vient…
Weinberl (terrifié) Zangler!… (Il se cache derrière un buisson sur lagauche)
Scène 13
Les mêmes, Sonders, puis Zangler, le vigile etplusieurs personnes
Sonders (venant des coulisses par la droite avec uneéchelle): Une trouvaille qui vient à point, cette échelle. Je vais facilement grimper sur le mur, et je pourrai denouveau attendre avec patience un moment favorable pour me rapprocher de Marie.Patience… maudit soit ce mot!… On ne le trouve pas dans le dictionnaire desamoureux. (Il commence à s'approcher dumur)
Weinberl (à part): Devrais-je l'aborder?
Christopherl: Pst! Pst!
Sonders: Est-ce à moi qu'on s'adresse?… (Regardant la fenêtre) Une femme!… Est-ce l'obscurité qui me trompe?…Mais non, Marie, c'est toi, ma chère Marie!
Christopherl (d'une voixétouffée et contrefaite): Oui, c'est moi!
Weinberl (à part) D'après ses manières, ce ne peut être que Monsieur de Sonders.
Sonders Oh, descend, cetteéchelle va t'amener dans mes bras, et ensuite nous mener tous deux à laliberté.
Christopherl (de même):Allons-y!
Sonders (appuyant l'échelle sur la maison): Tun'as qu'à sortir bravement par la fenêtre!
(Christopherl descend)
Sonders: N'aie pas peur, je vais tenirl'échelle. Et n'est-ce pas, Marie chérie, le paquet de documents qu'il nousfaut pour nous marier, tu l'as?
Christopherl: Non. (Il vient juste d'atteindre le dernieréchelon)
Sonders (consterné): Où l'as tu laissé?
Christopherl (désignant lafenêtre en haut): Là-haut…
Sonders: Tu l'as oublié là-haut?… Il faut que j'aille le chercher. (Il grimpe à l'échelle et entre par la fenêtre)
Christopherl: Sur la table àdroite. (Après que Sonderssoit entré par la fenêtre) Vite, Weinberl, on l'a, notre échelle!
Weinberl (reparaissant): L'amour du prochaincommence par soi-même.
Christopherl (portant l'échellejusqu'au mur du jardin avec l'aide de Weinberl): Par ma faute, l'amoureux de notreMademoiselle Marie est dans le pétrin, c'est une réparation qu'elle me doit,elle qui me traite toujours de maladroit garçon. (Il vient de finir d'appuyer l'échelle au mur du jardin avec Weinberl)
Weinberl: Je monte lepremier.
Christopherl: Oui, mais vite!
Weinberl (grimpant très vite à l'échelle d'où ils'élance sur le mur où il reste assis à califourchon): Grimpez, Christopherl!
(A ce moment la lune sort des nuages etéclaire la scène)
Christopherl: (grimpant lui aussi à l'échelle à la hâte):Me voilà (arrivé au sommet de l'échelle,il enlève le manteau de femme et lechapeau et en fait un ballot).
Weinberl: Que faites-vousdonc?
Christopherl: Allons, maintenantil ne peut plus rien nous arriver
Sonders (apparaissant à la fenêtre en haut): Marie!Je ne trouve pas le paquet!
Christopherl (avec sa vraie voix):Vous ne le trouvez pas? Eh bien tant qu'à faire, prenez celui-ci. (Il lance le manteau et le chapeau à travers la fenêtre et passe de l'échelle surle mur sur lequel il s'assied.)
Sonders: Que vois-je, un homme? On m'aoutrageusement mystifié!
Weinberl: Et maintenant onremonte l'échelle et on la passe de l'autre côté. (Ainsi fait-il avec l'aide deChristopherl.)
Sonders: L'échelle, où est l'échelle? (Il sepenche par la fenêtre et s'aperçoit qu'on a emporté l'échelle.) Damnation!
(Onentend dans la maison des voix qui se mêlent.)
Sonders: On vient!
(On entend enfoncer la porte dans la chambredu haut, et Zangler, le vigile et quelquesautres apparaissent dans la cabinet avec des lumières.)
Zangler: Mais c'est un homme…!
Le vigile: Et on l'a coincé!
Zangler: Monsieur Sonders!Par le diable, c'est trop fort, à la fin!
Le vigile: Coincé! Vous êtes coincé!
Christopherl: Ils l'ont attrapé!On rigole bien!
(L'orchestre joue une musique appropriée. Weinberl et Christopherl déguerpissent du mur pendantque le tumulte fait rage dans le cabinet.)
RIDEAU
Présentation - Acte I - Acte II - Acte III - Acte IV - Note.
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