Corps
VASNIER, Louis-François.(1802-1861) : Petitdictionnaire du patois normand en usage dans l'arrondissement dePont-Audemer.- Rouen : A. Lebrument, 1862.- IV-72 p. ; 22,5cm. Reconnaissancede caractères et corrections : O. Bogros pour la collectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (23.XI.2007 - 13.II.2008). [Ce texte n'ayantpas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement desfautes non corrigées]. Adresse : Médiathèque André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros]obogros@ville-lisieux.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusionlibre et gratuite (freeware) Orthographe etgraphieconservées. Texte corrigé établi sur l'exemplairedisponible en mode image sur le site Google-Recherche de livresde la société Google, et augmenté des pages en déficit à partir del'exemplaire conservé par la Bibliothèque de Caen (FN Br 6189). [Lespages IV et 1 à 3 del'exemplaire en ligne sont manquantes (non numérisées ?) - 13.II.08]. PETIT DICTIONNAIRE DU PATOIS NORMAND EN USAGE DANS L'ARRONDISSEMENT DE PONT-AUDEMER. Par L.-F. VASNIER. PROVERBES Beaucoup de proverbes ont cours dans l'arrondissement dePont-Audemer. Nous ne citerons ici que ceux que nous n'avons pasentendus ailleurs. l. - PROVERBES EMPRUNTÉS A LA VIE DES CHAMPS. Quand il aura hersé ce que j'ai labouré. - C'est-à-dire: quand il aura travaillé autant que moi. Les petits sillons produisent plus que les grands. - Uneaffairemédiocre bien conduite rapporte souvent plus qu'une affaire importantemal dirigée. Etre échauffé comme un flés (un fléau) qui n'a battu de sixsemaines.-Etre froid et glacé. Etre sâs (saoul) comme une beine.- La bine est un réservoirenfortes tresses de paille, ayant la forme d'une barrique et qui servaitprincipalement autrefois pour conserver le blé. Il y a du déchet dans la filasse. - La chose n'est pas cequ'elle paraissait être d'abord. Avoir d'autres pois à lier. - Avoir quelque chose de pluspressé à faire que ce qui est proposé. N'entendre ni à dia ni à hue. - Etre entêté ou ne riencomprendre. C'est un sac à tout grain. - C'est un mangeur peu difficileou un homme qui prend de toute main. Le plant aime le hant. - La fréquentation du bétail favorisela végétation. Manger comme un batteur en grange.- Avoir grand appétit. Faut pas tantde beurre pour faire un quarteron.- Il ne faut faire d'embarras pour une chose de peu d'importance. Il sont camarades fauqueux, ils trempent dans le même buhot.-Ils ont la même maîtresse. Allusion au récipient en corne dans lequelles faucheurs humectent leur pierre à aiguiser. Faire une chose mais que (lorsque) les poules pisseront.- C'est-à-dire : jamais. Pain tendre, beurre frais, cidre doux et jeune femme, c'estle bonheur de la vie. Manger pain chaud, boire cidre doux, brûler bois vert,c'est mettre la maison au désert. Pour filer, faut mouiller.- Pour travailler fort, il faut boire. Retrousser la queue sans feurre. - Donner un coup de fouet,unecorrection. Allusion à l'usage de retrousser la queue des chevaux avecune tresse de paille, lorsqu'on les conduit à la foire. Bourgeon n'est pas fleur, fleur n'est pas pomme, pomme n'estpas beire (cidre). - Il ne faut pas se fier aux apparences. 2. - PROVERBES TIRÉS DU RÈGNE ANIMAL. Sérieux comme un âne qu'on étrille, - comme un âne quipéte, - comme un chat qui pisse dans du son. Tirer une chose comme des mésangles de dans un creux. - Lamésangefait son nid dans le creux d'un pommier et l'on a beaucoup de peine àdénicher ses petits. On applique le proverbe principalement auxpersonnes qui semblent tirer à regret leur argent de leur poche. D'un homme et d'un cheval ne faire que deux morceaux. - Fairebeaucoup de bruit pour rien.. Epouser la vaque et le viau.- Prendre une femme enceinte oudéjà mère. Faire un collier au viau avant qu'il soit né. - Faireprématurément une chose. Vendre chat en pouque. - Vendre une chose sans la montrer,ou en dissimulant ses défauts. Avoir une fièvre de renard. - Etre affamé. On dit souvent : il a une fièvre de renard, il mangerait bien une poule. Vendre du lait de boeuf. - Tromper. Se tenir comme des crottes de mouton. - Former une étroiteassociation, se tenir unis, se défendre envers et contre tous. Reprendre du poil de la bête. - Passer de l'état maladif à l'état desanté. C'est une allusion à cette croyance que la morsure faite par unchien enragé peut être guérie au moyen de l'application d'une partie dupoil de l'animal sur la plaie. Ne pas valoir les quatre fers d'un chien. - N'avoir aucunevaleur, aucune qualité. Aller débrider un chien. - Faire une démarche inutile. Noble comme les quatre quartiers d'un chien. Si on savait les trous, on prendrait les loups. - Si l'onconnaissait le côté faible d'une chose, on en viendrait aisément à bout. Etre plus embarrassé qu'une poule qui n'a qu'un poussin. - Sedonner pour une affaire plus d'embarras qu'elle ne comporte. Faute de poisson, on mange des moules.-Quand on n'a pas cequ'on désire, il faut se contenter de ce qu'on a. Etre comme quien et cat.- Etre en état d'hostilité. A l'épine fleurie, adieu alose, mu mie. - La présence del'alosedans les eaux de la Seine cesse lors de la floraison de l'aubépine. Il est capé comme le c-l d'un singe. - Equivalent de lalocution moderne : « Il est pané ». Etre adroit de sa main, comme un cochon de sa queue. - N'avoir aucune dextérité. 3.- PROVERBES SE RAPPORTANT AUX SAISONS, AUX MOIS, AUX JOURS. A la saint Vincent, Tout gèle et tout fend. A la Chandeleur, les grandes douleurs ; Les jours sont rallongés d'uneheure. Février remplit la fossés, mars les vide. L'hiver n'est jamais bâtard ; S'il ne vient tôt, il viendra tard. Sil pleut le jour saint Marc, Il ne faut ni pouque ni sac. Quand il pleut en avril, Appréte ton baril. Jamais le mois d'avril Ne s'en va sans épi, Et le mois de mai Sans épide blé. A l'Ascension, mâque de la chai tout tan saoul, Pour étre plus fort aumois d'août. S'il pleut le jour de saint Médard, Il pleut quarante jours plus tard. A la Madeleine, Les noix seront pleines ; A la Saint-Laurent, Regarde dedans. A la fête de sainte Luce, Le jour croit du saut d'une puce. Aujourd'hui jour de saint Thomas, Cuis ton pain et lave tes draps ; Danshuit jours Noël tu auras. Il n'y a point de samedi, Où le soleil ne luit. 4. - PROYBRBES DIVERS. La centaine est mêlée. - Les affaires s'embrouillent. Lacentaine est un petit faisceau de fil qui fait partie d'un écheveau etsert à l'attacher. Brailler comme une brouette mal graissée. - Pousser degrands cri. Il est comme mon bonnet ; il a plus de goule que d'effet. - Ilparle plus qu'il n'agit. Liard à liard la coutume se ramasse. - Avec de l'économie,petit à petit, on acquiert de l'aisance. N'être jamais du premier bateau. - Se trouver toujours enretard. Allusion aux divers départs des bateaux de la Bouille à Rouen. N'y voir que du brouillard. - Ne rien comprendre à uneaffaire. Mettre le grapin sur quelqu'un. - Le tenir sous sadépendance. Etre comme le c-l et la chemise. - Se suivre comme m...en chemise. - Etre inséparables. Ils sont comme St Roch et son chien ; qui voit l'un voitl'autre. Il beirait la mé et les peissons. - Pour exprimer un grandbuveur, ou un homme très-altéré. Il vaut mieux le charger que le saouler. Pour qualifier ungrand mangeur. Etre à pain et à pot avec quelqu'un. - Vivre en grandefamiliarité avec lui. Vivre à hache et à mache (masse) avec quelqu'un. - Etretoujours en querelle avec lui. Peter plus haut qu'on n'a le c-l. - S'élever plus haut que sa condition, dépenser plus que ses moyens ne le permettent. Avoir les yeux plus grands que le ventre. - Vouloir plus denourriture qu'on n'en peut manger. Une épingle, c'est la journée d'une femme. Allusion àl'insuffisance du salaire des femmes, principalement dans le passé. Ne pas se laisser mâquer le c-l par les mouques (mouches) faute d'un coup de queue. - Se dit de certaines femmes, par allusion àl'habitude des animaux de basse-cour de s'émoucher avec leur queue. Elle tirerait mieux sans qu'minze (chemise) que notre jumentsans collier. - Jeu de mots proverbial que l'on applique aux femmessuspectes. Elle est couverte en ardoises, les crapauds ne montent pas dessus. - C'est la contre-partie des deux proverbes précédente. C'estla famille à Riquiqui, tant plus il y en a, tant moins ils valent. C'est un compliment de matelot, il est court et sot. - Uneinjure, une brutalité en peu de paroles. Ses rentes sont hypothéquées sur les brouillards de laSeine. - Il ne possède rien. Brûler sa chandelle par les deux bouts. - Faire desdépenses exagérées. Les conseilleurs ne sont pas les payeurs. - Réponseproverbiale à des conseils dont les avantages sont douteux. De voleur à voleur, le diable s'en rit. - Qu'importe qu'unfripon dupe un autre fripon ! Foure de quien (chien) qui s'alause ne vaut pas grand'chose. -Un homme sans valeur qui fait son éloge n'en est pas moins un hommesans valeur. Il est comme Barrabas et la Passion, on le trouve partout.- Ou. bien : il est comme gloria patri, il est fourré partout. PARABOLE DE L' ENFANT PRODIGUE. Un père avait deux effants ; l'cadet li dit ment cha : - Manpère, baillez mai ce qui deit m'erveni d'vot'bien. Et le bonhomme déguenassit s'n'ergent et leux sépartagit san de quoi. Après que le pus jeune eut hallé à san père le pus qu'ilput, ils'ensauvit dans un endreit oyoù qu'il mâquit tout ce qu'il avait, dansdes dépotayers et des much'-tan-pot, avec un tas de braudées, dequaimands, et autres genées. Drès qu'il eut tout envalé ment un saffre, etqu'il en futhâqué au point de rebouquer dessus, il arrivit eune grande fameine ; etcomme i n'avait point eune crôte à se fourrer dans la goule, il eutquasiment la faimvalle. I dévala devers la ville, et trouvit à se plachercheux unmoussieu, qui l'envéyit ava lés camps pour garder lés pourcias et léstreues. Il eût bien voulu, ilau, pûcher à même lesclaffréesd'écales, de peires blèques et de pluquettes que les cochonsbaffraient, pour remplir sa falle ; mais pièches ne li en baillaient. Etpis sa pannée était en loques, il était nu-gambes ; il avait bein freid. Il s'dit en tout par li : J'sieux un blot, un vrai atot ; yadans la maison de nos gens des garchons de querrue et des batteux engrange qui mangent des pies et des flambées quand no cuit, tandis quemai, ichit j'nai tant seulement pas un miet de d'qui à me mettre dans legavion. Faut que j'prenne m'n'équeurce, et que j'men voige cheux nosgens. J'dirai à man père : - J'sieux un sotas, un piant ; j'ai toutmâqué ; j'en ai ben deu, allez, et je n'sis pus deigne d'être appelévot' fils. Traitez mai ment le drenier des journaliers qu'os avezl'endreit. I se levit et s'n'allit après san père, mais quandstichitte le vit si pitiable et si loquetu, il en crétit, et courant àli, i se j ettit à sen cô et l'embrachit. L'éffant, qu'était pas mal coinche, li dit : - Manpère,j'ai bigrement mal agi envers vous ; j'en bisque assez, marchez ; maisannuit j'sieux bien duit. Le bonhomme li réponnit : - Pisque te v'là,n'causons pusde cha. Et i dit à ses gens : - Baillez li une plaude toute risantneuve et un capet ; mettez li des cauches aux gambes et des galoches èspieds ; fourrez li le deit dans un annet. Allez étout quérir un viau gras ; tuez le ; mêlez yle saléqu'est dans la tinette ; tirez de la meilleure bêchon et du pré ; fautque j'fachions eune fière boustifaille. Pa'ce que man garchon, que v'la, avait mouru et ilestersuscité ; il était adiré et il est artrouvé. Et on c'menchit àbouffer le fricot d'eune rude fachon. Pendant cha, l'ainné fils qu'était ava la campagneàréquer des pommes à beire, ervint cheux ses gens. Quand il approchit,il fut bein surprins de veir de la mâquaille comme si c'était dans lesgras-jours. Et il app'lit un des gens pour saveir qui que c'était quetout cha, et pour qui tout su feton là . Stichitt li réponnit : - C'est vot' besotqu'avait fichéle camp et qu'est arvenu dans la débine ; et vot' père, au lieur dequêcher, l'a débraudé et requinqué , et pis il a c'mandé de tuer leviau gras . Ah ! c'est ment cha ! qu'i dit ; i faut se dejuquer de laturneet mâquer san de quoi pour qu'on vous fasse des repas de Lisieux !c'est de la gabegie; j'veux pas être témoin d'ces giries là. Mais san père l' aperchut et li dit : - Vi t'en aveu nous,fieu. Et stichitte li réponnit : - Man ch'pére, v'latoutplein des années que j'vos sers sans rebouquer sus ce que vous m'avezc' mandé ; malégré cha, vous ne m'avez jamais baillé ni chai, nibéchon, ni ergent, pour me régaler aveu d's amis ; Mais vot' aut' effant s'ensauve ; i va mâquer tout san dequoiavec d'autres manjurias et des gouines ; il revient tout décaduit, etvous vous baillez n'sai cobein d'détourbier à s'n égard ! Le père li dit : - V'la ben du bagout, et su potinlàc'menche à m'éluger. N'sais tu pas bein qu'tout ce que j'ai est à taiet qu' tu seras aussi bein étoré qu' là été tan frère ? Mais quand le mauvais gas qu'était adiré estertrouvé ;quand stila qu'avait mouru est ersuscité, fallait pas l'effoucher nil'erbuter ; au contraire, fallait choquer pour fêter san retour. FIN. |