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MAGNE, Jean-Henri(1804-1885) : Des connaissanceshippiques chez les Arabes (1853). Saisie dutexte : O. Bogros pour lacollectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (28.III.2015) [Ce texte n'ayant pas fait l'objet d'uneseconde lecture contient immanquablement des fautes non corrigées]. Adresse : Médiathèque André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros]obogros@lintercom.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Orthographe et graphie conservées. Texte établi sur un exemplaire(BM Lisieux : nc) des Annales de laColonistion algérienne, n°16 - Avril 1953. Desconnaissances hippiques chez les Arabes par Jean-Henri Magne ___________________ Éducationdu Cheval. L'Orient est une des contrées sur lesquelles on nous a raconté,relativement à la production et à l'entretien des chevaux, les chosesles plus extraordinaires et les moins en rapport avec ce que noussavons sur la fertilité de ce pays et sur les mœurs de ses habitants. Pendant des siècles, on a enseigné que tous les chevaux, en Arabie,sont élevés, soignés, ménagés comme les enfants de la tribu ; qu'on lesnourrit avec du lait de Chamelle ; qu'on ne les fait travailler qu'àl'âge où ils peuvent résister à toutes les fatigues ; que l'Arabe neles maltraite jamais. Depuis la conquête, à cette opinion en a succédé une autre. Les Arabes,répète-t-on souvent, abusent des forces de leurs chevaux ; ils lessoignent mal, les maltraitent et les nourrissent à peine pour les fairevivre. Ces deux opinions nous ont toujours paru beaucoup trop exclusives ;car, s'il n'est pas croyable qu'une population errante, barbare,habituée à toutes les privations, donne à ses animaux domestiques dessoins aussi minutieux ; il n'est pas admissible non plus que dans unpays justement célèbre pour la production chevaline, l'hygiène deschevaux soit complétement négligée. M. le général Daumas a publié un livre bien connu déjà et justementapprécié, les Chevaux du Sahara(1), qui, en donnant l'explication de ces assertions controuvées ouexagérées, permet aux, hommes qui aiment à approfondir les questionschevalines, de se faire une opinion arrêtée sur les pratiques usitéesdans cette terre classique des magnifiques chevaux. On sent qu'on sedébarrasse d'une incertitude pénible à mesure qu'on est initié auxpratiques souvent judicieuses, mais quelquefois barbares, parlesquelles l'Arabe communique à son cheval les qualités qui distinguentce noble quadrupède. Toutes les contradictions s'expliquent quand onlit le livre de M. le général Daumas. « A l'âge de vingt-quatre à vingt-sept mois, on commence, dit legénéral, à brider et à seller le poulain, mais ce n'est point encoresans de grandes précautions. Ainsi, on ne le sellera que lorsqu'il seradéjà habitué à la bride. Pendant plusieurs jours on lui met un morsentouré de laine brute, tant pour ne pas offenser ses barres que pourl'engager à le conserver dans sa bouche par ce goût salé qui lui plaît.Il est bien prêt d'y être fait quand on le voit mâcher. Cet exercicepréparatoire se fait matin et soir. Le jeune animal, bien ménagé,arrive ainsi à n'être monté qu'au commencement de l'automne, où il auramoins à souffrir des mouches et de la chaleur. Dans quelques tentes dedistinction, avant de faire monter le poulain par un homme fait, on lepromène doucement pendant une quinzaine de jours, chargé d'un bâtsurmonté de paniers que l'on remplit de sable. Il passe ainsiprogressivement du premier poids de l'enfant qu'il a porté à celui del'homme qui va bientôt le monter. « Le poulain est arrivé à trente mois ; sa colonne vertébrale a acquisde la force ; les entraves, la selle et la bride lui sont familières ;un cavalier le monte alors. L'animal est encore bien jeune, mais il nesera mené qu'au pas, et on lui choisira un mors très-léger. Il fautseulement l'habituer à la docilité : aussi le cavalier, sans éperons,tenant à la main une petite baguette dont il se garde bien d'abuser,ira au marché, visitera ses amis, ses troupeaux, ses pâturages, etvaquera à ses affaires, sans exiger autre chose que douceur etobéissance. Il l'obtiendra le plus souvent en ne lui parlant jamaisqu'à voix basse, sans emportement, et en évitant toute occasion derésistance, qui pourrait amener une lutte dont il ne sortiraitvainqueur qu'aux dépens de son cheval. » Si le passage que nous venons de rapporter confirme les assertionsapologiques des pratiques arabes, le suivant nous prouve que les règlesde l'hygiène ne sont pas toujours rigoureusement observées. » On voit des gens du peuple monter leurs poulains avant trente mois.Quand on leur fait des reproches, ils répondent : Vous avez raison,nous le savons bien ; mais que voulez-vous ? nous sommes pauvres, et,placés entre la nécessité de le faire ou d'aller à pied, nous préféronsle premier parti, malgré ses chances défavorables. Dans notre viepleine de périls, le moment présent est tout. » En voyant les Arabes abuser de leurs poulains, les monter à deux anspour en exiger des travaux considérables, des courses forcées, lesmettre même au bât sans avoir égard ni à leur âge, ni à leurs forces,beaucoup de personnes ont conclu que ce peuple n'avait aucuneconnaissance des vrais principes hippiques ; elles lui ont même refusétout amour du cheval. C'est qu'elles n'ont point voulu réfléchir que,tantôt pour sauver leurs familles, tantôt pour conserver leurs biens,et souvent pour obéir aux lois de la guerre sainte, ces mêmes Arabesont dû, que l'on me passe l'expression, faire flèche de tout bois : ilsétaient forcés de se servir de leurs chevaux en raison des besoinsqu'ils éprouvaient, des circonstances qui les dominaient; mais ilssavaient parfaitement qu'il eût été préférable de ne point agir ainsi. » Les Arabes exigent beaucoup de leurs chevaux. Durs pour eux-mêmes,comment ne le seraient-ils pas envers les animaux qui leur sont soumis?Ils ne comprennent pas la puissance si bienfaisante du bien-être sur lasanté et la vie des animaux. Pour eux comme pour beaucoup de nospaysans, les souffrances ne sont que des douleurs, elles ne font pasmourir. Chercher à les éviter, c'est donc du luxe. Les Arabes, écuyers habiles, hommes de cheval en tout, savent se servirdes instruments de punition. Leséperons, disent-ils, ajoutentun quart à l'équitation du cavalier et un tiers à la vigueur du cheval. On peut le croire quand on connaît l'usage de ces instruments. « Si, malgré tous les ménagements dont nous venons de parler, on vientà rencontrer un cheval qui se cabre par paresse ou par malice, rue,mord, ne veut pas quitter la tente ou les autres chevaux, s'effraie desmoindres objets extérieurs au point de ne vouloir passer, on emploiealors la puissance des éperons ; on les aiguise ; on recourbe leurpointe en forme de crochet légèrement arrondi, et on fait au cheval,sur le ventre et les flancs, de longues raies sanglantes qui finissentpar lui inspirer une terreur telle, qu'il n'est pas rare de le voiruriner, sous le cavalier, devenir doux comme un mouton, et, semblableau chien, suivre son maître à la piste. Les chevaux qui ont reçu cechâtiment retombent rarement dans leurs premiers écarts. Pour augmenterla puissance des éperons, on va jusqu'à mettre du sel ou de la poudresur les blessures qu'ils ont faites. Les Arabes sont tellementconvaincus de l'efficacité de ce châtiment, qu'ils ne croient un chevalréellement dressé pour la guerre que lorsqu'il a passé par ces rudesépreuves. » On conçoit, quand on a lu ce passage, que les Arabes regardent noséperons comme tout à fait insuffisants. « Quel effet, disent-ils, dansun cas où il s'agit de la vie, en obtiendrez-vous avec un chevaltrès-fatigué ? Ce n'est bon qu'à chatouiller les chevaux et à lesrendre rétifs. Avec nos chabirs,nous suçons le cheval ; tant que la vie est chez lui, nousallons l'y chercher ; ils ne sont impuissants que devant la mort. » C'est à l'emploi de ces moyens violents que les Arabes doivent, enpartie, la réputation de leurs animaux : ils savent faire marcherencore longtemps un cheval que d'autres, moins sévères, auraientabandonné comme trop fatigué. Ils font dire à Dieu : J'ai soumis le cheval à l'homme pour qu'ille monte, comme s'ils comprenaient qu'ils ont besoin deraffermir leur conscience pour les cruautés qu'ils exercent envers cegénéreux animal. Ce que nous disons relativement au cheval peut s'appliquer au bœuf, auchameau, au mulet, au mouton même. Les indigènes sont infiniment plushabiles que les colons pour diriger, faire marcher, fixer, contenir,des animaux isolés ou en bandes : quelques paroles prononcées par unArabe produisent un effet extraordinaire sur les troupeaux de chameaux,de bœufs, de moutons. Longtemps en Europe on a cru que les habitants du Désert attribuaient àla jument plus d'influence qu'à l'étalon sur le produit de laconception. Cette opinion est cependant opposée à ce que nous observonsgénéralement, mais comment ne pas la croire vraie, quand tous lesvoyageurs la rapportent ? N'est-il pas possible que, sous l'influencede climats chauds, l'action des sexes ne s'exerce pas comme dans lesrégions tempérées ? Ici encore tout s'explique par une connaissance plus complète de ce quise passe en Afrique. Exigeants pour la jument, les Arabes se montrent très-difficiles sur lechoix de l'étalon. Il n'est pas rare de les entendre dire : Choisissez l'étalon et choisissez-leencore; car les produits ressemblent toujours plus à leur père qu'àleur mère. Souvenez-vous que la jument n'est qu'un sac : vous enretirerez de l'or si vous y avez mis de l'or, et vous n'en retirerezque du cuivre si vous n'y avez mis que du cuivre. « Choisissez l'étalon. Pensant que ce principe des Arabes trouverait denombreux contradicteurs, continue M. Daumas, j'ai voulu connaitre à cesujet l'opinion d'un homme qui passait pour l'un des plus habilescavaliers de son peuple, et je me suis adressé à l'émir Abd-el-Kaderlui-même. Voici ce qu'il m'a répondu : « La noblesse du père est la plus importante. Les Arabes préfèrentbeaucoup le produit d'un cheval de sang et d'une jument commune auproduit d'une jument de sang et d'un cheval commun. Ils considèrent lamère comme presque étrangère aux qualités des produits; c'est,disent-ils, un vase qui reçoit un dépôt et qui le rend sans en changerla nature. Toutefois, si la race se rencontre avec la race, sans nuldoute, c'est de l'or. » Mais comment nous a-t-on si souvent répété que les Arabes attribuentplus d'influence aux femelles qu'aux mâles ? parce qu'en raison decertaines circonstances, bien expliquées dans les Chevaux du Sahara, leshabitants du Désert préfèrent les juments POUR LE SERVICE. « Dans le Désert , dit M. le général Daumas , on préfère les jumentsaux chevaux, non parce qu'on leurattribue une plus grande part dans l'acte de la reproduction,mais tout simplement parce qu'elles sont plus sobres, qu'ellessupportent mieux la chaleur et la soif, qu'elles peuvent uriner sanss'arrêter dans les courses où la vie est en jeu, qu'elles ne dénoncentpas leurs cavaliers par des hennissements dans les entreprisesaventureuses, et enfin parce que leurs produits augmentent lesrichesses de leurs maîtres. » Choixdu cheval. Nous avons été frappé, en lisant l'ouvrage de M. Daumas, des règles quedonnent les Arabes pour le choix des chevaux, et nous avons cru qu'enattirant l'attention sur ce sujet, nous pouvions être utile à ceux quidésirent connaître l'art si difficile de choisir un cheval. Dans la description du cheval, les Arabes aiment à comparer les partiesqu'ils veulent faire connaître aux parties correspondantes d'un autreanimal dans lequel elles sont bien conformées. Par ce moyen, leursrègles peuvent être énoncées avec une excessive concision et sonttoujours d'une application facile. Le langage pittoresque qui lesexprime, sans en diminuer l'exactitude, contribue encore à les rendreintelligibles. Les Arabes recherchent la force et l'haleine, qu'ils considèrent avecraison comme les deux qualités les plus précieuses du cheval. Commesigne de cette double qualité, ils placent en première ligne laconformation régulière du corps, ce que nous appelons les proportions. Est considérécomme incapable de résistance et d'ardeur, le cheval dont certainesparties sont disproportionnées, celui dontla forme du corps n'est pas réglée, et que nous appelons cheval décousu Les règles sur le choix des chevaux se rapportent ou aux formes, ou auxqualités des animaux. Les Arabes ont parfaitement apprécié le jeu des diverses parties ducorps ; et, pour les principales régions, ils recommandent laconformation qui indique l'aptitude de cette région à remplirconvenablement les usages qui lui sont dévolus. Voyez le nom qu'ilsdonnent à leur meilleur cheval, au cheval de race, à celui qui se faitle plus remarquer par sa force et sa vitesse : ils l'appellent le buveur d'air, c'est-à-direcheval à poitrine large, à poumons amples, à gorge dilatée. Ce cheval,disent-ils, a les naseaux larges comme la gueule du lion. Toutes les parties d'un animal se correspondent. Quand un appareil estbien développé, tous les organes qui le constituent sont forts. Desnaseaux larges supposent un chanfrein carré, des cavités nasalesspacieuses, une gorge bien développée, une trachée-artère grosse et despoumons spacieux. A quoi serviraient de larges naseaux pour unepoitrine resserrée ? La nature ne fait pas de ces contre-sens. Du reste, les Arabes développent leur idée. Ils ajoutent : le poitrailsera large, avancé, les reins ramassés, les côtes arrondies. Ilstiennent beaucoup à cette conformation, qui suppose des côtes rondes, convexes comme celles de la gazelle,des épaules écartées, une poitrine fortement développée dans le senslatéral. C'est la conformation de tous les excellents chevaux. Elleseule permet aux poumons et au cœur de fonctionner librement sans êtrepressés contre les côtes, dans les exercices violents. Une grandedimension, dans le sens de la longueur des côtes, ne compense jamais ledéfaut qui résulte de leur manque de convexité. Toutefois, les Arabes ne négligent pas la longueur. Ils veulent lescôtes de devant longues et celles de derrière courtes, ce qui supposeune poitrine profonde et un abdomen peu développé. La longueur des côtes antérieures n'est pas seulement un bon indice aupoint de vue de la poitrine, elle indique aussi la longueur del'épaule, l'aptitude des animaux aux services qui exigent des alluresrapides. Mais avant tout, ils veulent que les animaux soient appropriésà leur service. Les chevaux pour ladispute, les chameaux pour le désert, les bœufs pour la pauvreté,disent-ils. Spécialisant ensuite la destination des animaux, ils nerecherchent pas la même conformation dans la jument que dans l'étalon.Ils veulent la première d'une haute taille, plutôt plus grande que pluspetite, avec des formes gracieuses, mais cependant avec le ventre assezample et le bassin large. Si l'étalon est de bonne race et parfaitementconstitué, ils ne voient aucun inconvénient à ce qu'il soit plus petit de taille que la jument: sage précaution qu'on méconnaît encore trop souvent parmi nous. Comme l'a démontré Lavoisier, la poitrine peut être comparée aufourneau d'une machine à vapeur, qui, par la combustion des élémentsque fournit la nourriture, dégage le principe moteur, met les rouageseu mouvement. Une large poitrine est donc une condition première d'unbon cheval. Aussi les Arabes considèrent-ils une poitrine resserréecomme devant faire totalement refuser les chevaux. Avec un poitrail étroit et enfoncé,disent-ils, le cheval vous laisseraen peine. Les conditions de force ne sont pas moins essentielles ; les Arabes segardent de les négliger. Dans toute machine, la résistance doit êtreproportionnée à la force du ressort. Ils veulent dans le cheval lesreins ramassés, les hanches fortes, la queue très-grosse à lanaissance, et courte, pointue commecelle de la vipère. Les membres postérieurs sont, dans les chevaux de selle, comme dansceux de trait, les principaux agents de la locomotion ; c'est par leurflexion et leur extension alternatives que le corps est poussé enavant. Le rôle du train antérieur dans la progression est relativementsecondaire. Il suffit presque que la poitrine, le dos, soient bien unisà la croupe, pour qu'ils reçoivent franchement l'impulsion communiquéepar la détente des jarrets. Or, cette condition n'est remplie quelorsque les hanches sont fortes, surtout lorsque les reins sontramassés, c'est-à-dire courts et larges ; des flancs courts et unepoitrine longue sont toujours la conséquence de cette conformation. Mais les Arabes s'attachent surtout à des signes faciles à saisir. Toutdémontre en eux une grande puissance d'observation. Que le cheval ait la queue courte etpointue comme celle de la vipère, disent-ils. Rappelons-nous encore que toutes les parties d'un animal, surtoutcelles d'un appareil, sont en rapport de développement, et ces mots : queue courte et pointue,signifieront : vertèbres courtes et grosses ; lombes larges, et colonnedorsale forte, résistante. La signification d'une queue très-grosse à la naissance, déliée à sonextrémité, n'est pas moins facile à expliquer. Ce qui constitue levolume de la base de la queue, ce sont les muscles coccygiens ; parconséquent, la conformation recherchée par les Arabes signifie : osminces, muscles épais, parties osseuses fines, déliées ; partiescharnues, grosses, potelées. Même dans l'espèce humaine, cette organisation est un signe de beautésoigneusement observé par les artistes de tous les siècles. Un piedpetit, une main déliée relativement à la grosseur du mollet, à larondeur du bras, indiquent aussi bien la force qu'ils constituent labeauté. Des allures rapides et longtemps soutenues seront toujours laconséquence d'une bonne poitrine et d'un corps résistant. Mais lesArabes ont soin de recommander encore explicitement, dans le choix ducheval, les conditions de vitesse. Lesrayons supérieurs des membres, disent-ils, longs comme ceux de l'autruche, et garnisde muscles comme ceux du chameau. Nous avons vu qu'ilsrecherchent des côtes antérieures longues, conformation qui suppose desépaules longues et presque toujours obliques. Avec une épaule longue et oblique, avec une hanche ayant la mêmequalité, avec une jambe et un avant-bras longs, les chevaux, quelle quesoit leur allure, font beaucoup de chemin sans paraître se presser. Lesbons trotteurs, comme ceux qui gagnent les prix sur l'hippodrome, sontainsi conformés ; ceux surtout qui ont le trot rapide présentent cetteconformation au plus haut degré. Mais à mesure que les rayons osseuxs'allongent, la puissance des muscles doit augmenter : la force motricea besoin de plus d'intensité pour mettre en mouvement des masses plusconsidérables. Voilà pourquoi les Arabes ajoutent : et garnis de muscles comme dans le chameau,dont la force et la vitesse sont si prodigieuses. Nous n'avons pas besoin de faire ressortir l'avantage que présententdes rayons supérieurs, des épaules, des bras, des avant-bras, descuisses et des jambes entourés de masses musculaires puissantes. Dansquelques animaux africains, ces qualités se montrent à un degréexcessivement remarquable. Des chevaux de taille ordinaire ou même depetits chevaux à la peau fine, aux tendons secs, au ventre peudéveloppé, présentent des cuisses qui, par l'épaisseur, ressemblent àcelles de nos gros chevaux boulonnais. Ce sont ces animaux qui sont siremarquables par leur force et par leur vitesse, si du reste ils sontbien conformés. Avec des rayons supérieurs grêles, des épaules et des cuissesdécharnées, les animaux ne peuvent pas être forts, surtout quand lesrayons inférieurs des membres, les parties où les os dominent sontépaisses, volumineuses, lourdes. Les Arabes savent parfaitement distinguer le rôle des différentesrégions des membres. S'ils désirent des rayons supérieurs allongés, ilsne veulent qu'une longueur relative aux rayons inférieurs : un chevaldont les jambes sont hautes, disent-ils, ne peut pas supporter lafatigue. Nous remarquons un grand développement du crâne dans les chevaux derace. Cette conformation est même donnée comme un caractère du chevalde course, du cheval anglais. On attribue généralement en Europe la valeur de ce signe au volume ducerveau, à l'activité du système nerveux. Certes, cette activité a unetrès-grande influence sur l'énergie et la promptitude des contractionsmusculaires, mais rien ne prouve qu'elle soit due au volume des lobescérébraux qui correspondent au front. Il serait bien difficile de soutenir que la force des muscles, de ceuxde la locomotion en particulier, soit en rapport avec le volume de lamasse cérébrale. Dans l'homme, le contraire aurait plutôt lieu. Cen'est pas par le volume de leur tête ou par la force de leurintelligence que se distinguent ni les athlètes, ni les coureurs. EtVoltaire avec son front large et saillant, Cuvier avec son cerveau de1,800 grammes, étaient probablement plus habiles, l'un à composer destragédies, l'autre à classer les animaux, qu'à faire des exercicesgymnastiques. L'enthousiasme de quelques hippologues pour le cheval anglais a faitadmettre une mauvaise explication d'un fait constamment observé. On acru rehausser encore le mérite du noble coursier, en rattachant seséminentes qualités à la largeur du crâne , au développement du cerveau; tandis que les Arabes, qui, au lieu d'expliquer, observent, ontattribué la beauté de la tête de leurs meilleurs chevaux, au, volume,non pas du cerveau, dont l'action dans cette circonstance est fortindirecte, si elle n'est pas nulle, mais au volume du sommet de latête, à la largeur de l'occiput, à la longueur des leviers à l'aidedesquels les muscles de l'encolure font mouvoir la tête. Ils disent,pour exprimer une des plus précieuses beautés d'un cheval, il a du taureau le courage et la largeurde la tête. « On a remarqué, nous apprend M. Daumas, que le cheval vite à la courseavait la tête bien attachée et l'apophyse transverse de l'altoïdetoujours très-protubérante. Il a descornes, disent les Arabes. » Dans le taureau, la tête a la forme d'une pyramide renversée ; c'est ausommet, à l'occiput, que se trouve la plus grande largeur. Sans cettecondition favorable aux muscles, le soutien de la tête chargée descornes eût été fort difficile. Les Arabes disent encore : « Lajument doit prendre du sanglier le courage et la largeur de la tête.» Dans le sanglier, l'occiput, fort développé aussi, est très-biendisposé pour favoriser les muscles qui doivent mouvoir la tête : cetteconformation est nécessaire à un animal qui a besoin de remuer la terreavec son nez pour chercher sa nourriture. Sans rattacher cette observation des. Arabes au système de Gall, aveclequel elle s'accorde du reste parfaitement, nous ferons remarquer quela facilité de remuer la tête doit donner du courage aux animaux enaugmentant leur force : le manque de courage n'est que trop souvent lesigne d'un sentiment de faiblesse. Les Arabes ont consacré l'avantage de l'écartement des apophysestransverses de l'altoïde. Ils ont résolu la question pratique de lamanière la plus heureuse. Comme presque toujours, ils ont indiqué lecaractère le plus facile à saisir, en disant : « Le cheval rapide a latête large au sommet ; il a descornes, c'est-à-dire de longs leviers, à l'aide desquels, sansse fatiguer, les muscles de l'encolure soutiennent aisément la tête. » Nous, nous recommandons la forme du crâne, dont l'action dans cettecirconstance est nulle, mais dont la largeur suppose l'écartement desapophyses mastoïdes du temporal, des condyles de l'occipital, etl'évasement de la vertèbre allantoïde. Un cheval à tête lourde, malattachée, ne saurait avoir des allures bien brillantes ; car la tête,placée à l'extrémité d'un très-long levier, est un lourd fardeau pource quadrupède. Une disposition anatomique qui favorise les muscles de l'encolure estaussi extrêmement favorable, surtout dans les allures où les animauxutilisent toutes leurs forces. Quelques millimètres de plus de longueurdans les bras du levier favorisent considérablement la puissancemusculaire. C'est ce que les Arabes ont remarqué et très-bien indiqué. Mais la conformation qu'ils recherchent offre encore d'autres avantages: d'abord une tête pyramidale ou conique, lourde au sommet, légèreinférieurement : une tête de taureau fatigue beaucoup moins les musclesque celle dont le poids est éloigné de l'attache de ses musclesextenseurs. Ensuite, dans quelques cas, les muscles releveurs de la têtecontribuent à. soutenir le thorax, à soulever l'épaule ; leurcontraction produit alors d'autant plus d'effet que leur point fixe estmieux soutenu, c'est-à-dire que la résistance de la tête est plusconsidérable. Or, le poids de la tête, agissant alors par les leviers,que représentent les apophyses où s'attachent les muscles, offre unerésistance qui augmente avec la largeur frontale, avec la distance quisépare le point culminant des apophyses du plan médian sur lequel setrouve le centre de gravité. C'est à la légèreté relative de la partie inférieure de la tête que leschevaux nobles, le cheval arabe comme le cheval anglais, doivent lafaculté de pouvoir étendre la tête facilement, et de porter le nez auvent dans les courses rapides. Cette position de la tête est favorableà la dilatation du larynx, au passage libre de l'air et à l'exercicedes phénomènes respiratoires. Cette conformation de la tête facilite ainsi la position que nousaimons dans l'encolure du cheval depuis que, ayant mieux étudié cetanimal, nous avons reconnu que le type à tête presque perpendiculaire,à encolure rouée, décrit par Bourgelat, n'est pas susceptible desoutenir des courses rapides. Les Arabes préfèrent les conditions d'une force de résistance puissanteà celle d'une très-grande vitesse. « Quand ils veulent s'assurer, parles proportions, de la valeur d'un cheval, ils mesurent avec la maindepuis l'extrémité du tronçon de la queue jusqu'au milieu du garrot,comptent le nombre de palmes, et recommencent à compter depuis lemilieu du garrot jusqu'à l'extrémité de la lèvre supérieure, en passantentre les oreilles. » Si dans les deux cas, le nombre de palmes est égal, le cheval serabon, mais d'une vitesse ordinaire ; si l'on compte plus de palmes enarrière qu'en avant, l'animal est sans moyens. » Mais si le nombre de palmes qui se trouve du garrot à l'extrémité dela lèvre supérieure est plus considérable que celui que l'on a comptéen mesurant de la queue au garrot, oh! alors, soyez-en sûr, l'animalaura de grandes qualités. Plus le, nombre diffère à l'avantage de lapartie antérieure, plus le cheval a de prix. » Il ne faut pas ajouter, croyons-nous, une très-grande importance aurésultat numérique du mesurage. La longueur de la tête et celle de laqueue peuvent varier sensiblement sans qu'il résulte des changementsappréciables, ni dans la force, ni dans la vitesse des animaux. Mais souvent il arrive que le milieu du garrot divise en deux parties àpeu près égales la longueur du cheval ; que, par conséquent, quand lapartie antérieure est la plus longue, le dos, les lombes, sontrelativement courts. C'est, comme nous l'avons vu, une condition deforce, de résistance. Le mesurage des Arabes répond à ce proverbe denos paysans : Un long bœuf, un courtcheval, pour avoir un bon animal. Dans un cheval ainsi conformé, la vitesse peut cependant n'être pasexcessive. Il serait possible qu'il fût dépassé pendant la première oula deuxième minute de la course par un cheval dont le corps seraitrelativement beaucoup plus long, mais il arriverait très-probablementle premier au but, si la lutte devait durer quelques heures. Les Arabes veulent donc que la vitesse soit la conséquence d'une grandeforce, d'une puissante organisation, plutôt que le résultat d'unedisposition particulière, de la longueur du corps, de la hauteur desmembres et de l'étroitesse de la poitrine. Indépendamment de l'examen des formes, deux ordres de signes serventparticulièrement à apprécier les qualités des chevaux : d'abord, lacouleur, la consistance des tissus ; ensuite, le caractère des animaux,l'étendue des mouvements et la manière dont ils sont exécutés. LesArabes savent se servir des uns et des autres. Comme en Europe, la dureté des chairs,l'élasticité des tissus, sont placées parmi les signes les plusimportants des chevaux précieux. « Un étalon trop vieux sera repoussé, écrit M. le général Daumas. Sil'Arabe se méfie de ses connaissances au sujet de l'âge, après avoirscrupuleusement examiné l'état des membres de l'animal, il ne manquerajamais de pincer la peau du front et de la tirer fortement à lui.Reprend-elle sa forme première sans garder trace de ses doigts, ilaccepte le sujet ; dans le cas contraire, il le repousse comme tropvieux ou trop mou. » Nous, nous palpons les animaux. C'est par la pression que nous nousassurons si un cheval qu'on entraîne pour la course est bien préparé.Mais je doute que notre moyen soit supérieur à celui des Arabes. Dans tous les cas, ces signes ont une grande valeur. L'expérienceprouve même que les caractères dont nous venons de parler sontsubordonnés aux conditions hygiéniques, et influencés par les causesqui font varier passagèrement la force, l'énergie des animaux. Ilspeuvent donc servir à connaître le tempérament dominant des chevaux, etmême les dispositions particulières dans lesquelles ils se trouventaprès l'usage d'un régime donné. La mollesse des chairs, des oreilles pendantes et sans fermeté, l'anusévasé, béant, mou, sont considérés comme des signes de faiblesse. « Un cheval de race, nous apprend M. Daumas, se connaît à d'autressignes encore... Rarement il boit avant d'avoir troublé l'eau ; et sides obstacles de terrain s'opposent à ce qu'il le fasse avec les pieds,quelquefois il s'agenouille pour le faire avec la bouche; à chaqueinstant, il crispe les lèvres, ses yeux sont toujours en mouvement ; ilabaisse et relève alternativement les oreilles, et tourne son encolureà droite ou à gauche comme s'il voulait parler ou demander quelquechose. » Ces signes ne sont pas les seuls signalés dans le livre qui nous occupe. « Avec un cheval qui, arrivé à la couchée, se couche et urine, grattela terre du pied, et hennit à l'approche de l'orge, puis, la têteentrée dans la musette, commence par mordre avec furie trois ou quatrefois le grain qu'on lui présente, on ne doit jamais s'arrêter en route.» Qui ne reconnaît là les caractères, de la vigueur, de la force, lessignes d'un excès de vie ? Quand les chevaux présentent ces groupes decaractères, ils supportent de rudes travaux, sont infatigables, ont del'intelligence, s'intéressent à ce qui les entoure, sont susceptiblesde s'attacher à leur maître, profitent des leçons qu'ils reçoivent, etdeviennent d'un service aussi agréable que sûr. Les Arabes n'examinent pas seulement de quelle manière le cheval mange,ils veulent savoir aussi combien il mange, et, à l'opposé de ce qui alieu généralement en France, ils recherchent les animaux qui consommentle moins. Ils ajoutent même une grande importance à avoir des chevauxd'une très-grande sobriété, deschevaux qu'une musette rassasie. Ils préfèrent surtout le chevalqui mange peu, pourvu qu'il n'en soit pas affaibli. « C'est, dit l'émirAbd-el-Kader, un trésor sans prix. » Notons que les habitants des contrées méridionales où les fourragessont rares, donnent la préférence aux animaux, ânes, mulets, chevaux,sobres, qui mangent le moins ; tandis que dans nos contrées, ceux quiconsomment le plus sont. en général ceux qui peuvent rendre les plusgrands services. La différence peut provenir de ce que les fourrages, les plantes, sontplus sapides et plus nutritifs dans les contrées chaudes, et de ce quela respiration étant moins active, en raison de la température plusélevée de l'air, cette fonction occasionne des déperditions moinsgrandes et nécessite une nourriture moins abondante. Le livre, les Chevaux du Sahara,nous fait connaître les règles d'après lesquelles les Arabes dirigentla multiplication, l'élevage, l'éducation, l'entretien du cheval. Dans presque tous les chapitres de cet ouvrage se trouve l'indicationdes pratiques les plus judicieuses, et toujours d'un grand intérêt pourcelui qui utilise le cheval, comme pour le cultivateur qui le produit.L'alternance des travaux, des exercices, ce moyen si propre à conserverpendant longtemps les chevaux employés à des services pénibles, et quenos plus habiles maîtres de poste savent seuls mettre en usage, estpratiqué dans le Désert, aussi complètement que le permettent lesressources de l'Arabe. M. le général Daumas nous donne des détailsstatistiques et un plan d'organisation pour le service des haras dansl'Algérie, que consulteront avec fruit les économistes qui veulentconnaître et les ressources et les besoins de ce pays. Enfin, pour nous apprendre les divers services du cheval de l'Arabe,l'auteur, dans la deuxième partie de son ouvrage, décrit les chasses dela gazelle, de l'autruche, les guerres entre les tribus, les razzias,etc.; mais l'analyse ne saurait rendre l'intérêt de ces pagesbrillantes qui nous font connaître ces entreprises souvent sipérilleuses, ces combats quelquefois si meurtriers, ces rapines sisavamment pratiquées, et ce partage du butin si consciencieusementfait, en vertu du code élastique du Prophète. MAGNE, professeur à l'École vétérinaire d'Alfort NOTE : (1) Unenouvelle édition de cet intéressant 'ouvrage se prépare Entre autresimportantes additions, l'auteur y a joint des notes d'Abd-el-Kader quien feront un ouvrage extrêmement curieux à consulter.N. R. |